DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL
- Professeur Jean-Paul DOUCET -
Lettre A
(Treizième partie)
ATHÉISME - Voir : Religion*.
ATIMIE
Cf. Interdiction de droits*, Peines*, Sanctions* .
Voir : Glotz, L’évolution de la solidarité familiale dans le droit criminel de la Grèce classique
Peine en vigueur dans la Grèce classique, l'atimie consistait en la privation des droits civils et politiques.
Plutarque (Vie de Solon) : Il est une loi de Solon tout à fait particulière et surprenante qui ordonne de mettre au ban de la cité (atimie) celui qui, dans une sédition, ne se déclare pour aucun des deux partis.
L.Bodin (Extraits des orateurs attiques, p.408) : L'atimie revêtait plusieurs forme... L'atimie totale entraînait pour le citoyen l'interdiction de siéger dans le Conseil, dans l'Assemblée, dans les tribunaux ; de prendre la parole devant le peuple, d'intenter aucune action de droit public, d'exercer aucune magistrature, d'être entendu comme témoin, de se présenter dans certains lieux publics ou à certaines cérémonies religieuses.
Glotz (La solidarité de la famille dans le droit criminel en Grèce) : L’atimie, qui se reporte du condamné sur ses descendants, est plus qu’une dégradation civique.
Fustel de Coulanges (La cité antique) : On croit qu’il y avait 6 000 héliastes sur environ 18 000 citoyens ; mais il faut retrancher de ce dernier chiffre tous ceux ... qui étaient frappés d’atimie, ceux enfin qui étaient manifestement incapables de juger.
ATRICIDE - Voir : Famille*.
Jeanclos (Dictionnaire de droit criminel et pénal, Dimensions historiques) : L’atricide est le crime commis sur la personne de membres proches de la famille. Il concerne les atteintes portées contre les frères et sœurs, les grands parents, les oncles et tantes, voire les cousins et cousines. Il rappelle les conflits et les drames traversant la famille des Atrides dans le monde grec antique … L’atricide est une qualification possible et pratique pour englober en une seule terminologie l’ensemble des crimes commis par un membre de la famille sur ses proches parents.
ATTAQUE
Cf. Agression*, Délits pénaux - délits formels*, Légitime défense*, Provocation (excuse de)* .
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° I-135 5°, p.197
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-II-208, p.144
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° I-115, p.72
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », n° 426, p.274
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° I-11, p.64 / n° I-I-204, p.104 / n° I-I-223, p.128 / n° I-I-125, p.129 / n° I-I-228, p.133 / n° II-II-223, p.514
- Notion. Le mot attaque présente un sens très général ; il vise le fait d'agresser une personne, d'assaillir autrui. En droit criminel, il désigne un acte de violence initial, envisagé en lui-même, indépendamment de ses effets concrets.
Petit Robert : Attaquer - 2° S'élancer sur quelqu'un pour le battre, le violer, le voler ou le tuer.
Joly (La France criminelle) : Chaque jour de nouvelles victimes venaient se plaindre, et rien ne semblait devoir mettre un frein à ce flot d'attaques, à ce torrent de vols qualifiés !
- Règle morale. Les moralistes condamnent bien évidemment le fait de s'attaquer à autrui, comme ils réprouvent tout acte d'agression. C'est aux pouvoirs publics qu'il appartient en principe de faire cesser une attaque ; mais, en cas de défaillance de l'autorité, les moralistes admettent comme une règle de droit naturel que la personne menacée se défende elle-même (voir : Légitime défense*).
Neufbourg (La loi naturelle) : Les devoirs de la société consistent à défendre l'État, ses citoyens et tous leurs droits, contre les attaques intérieures et extérieures ... Attaquer les libertés et l'égalité, c'est renverser tous les droits essentiels de l'homme.
Ahrens (Cours de droit naturel) : C'est à l'État de prévenir et de redresser l'injustice. Cependant il se présente des cas où l'individu, en danger de vie immédiat par une injuste attaque, ne peut pas attendre le secours et l'action de l'État, et où il doit prendre lui-même les mesures de salut. C'est à ces circonstances que se rapporte le droit de défense.
Caro (Problèmes de morale) : L'individu qui se défend épuise son droit dans l'acte qui consiste à se mettre à l'abri des attaques. Il n'a pas à juger l'état de conscience de l'agresseur.
- Science criminelle. Les pénalistes utilisent le terme attaque dans deux hypothèses principales.
Dans la première, ils incriminent un acte de violence pris dans sa matérialité et sa subjectivité, mais indépendamment de son résultat. Ils en font un délit formel : tel est le cas d'une attaque dirigée contre un agent public, où est punissable le simple fait de s'opposer violemment à l'exécution d'une décision de l'autorité.
Code pénal d'Algérie. Art. 183 : Toute attaque ... envers les fonctionnaires ou les représentant de l’autorité publique agissant pour l’exécution des ordres ou ordonnances émanant de cette autorité, ou des lois, règlements, décisions judiciaires, mandats de justice, constitue la rébellion.
Dans la seconde hypothèse, l'attaque est envisagée moins en elle-même qu'en raison de la riposte qu'elle déclenche. On entre alors dans le domaine de la légitime défense ou de l'excuse de provocation.
Code criminel du Canada. Art. 37 : Toute personne est fondée à employer la force pour se défendre d'une attaque, ou pour en défendre toute personne placée sous sa protection, si elle n'a recours qu'à la force nécessaire pour prévenir l'attaque ou sa répétition.
Code pénal du Luxembourg. Art. 416 - Note 3° La légitime défense ne se conçoit qu'en cas d'attaque injuste et ne peut être invoquée, si l'action est justifiée par la loi. Cass. 26 juin 1980, P. 25, 11.
- Droit positif. Notre Code pénal a incriminé, dans son art. R.623-3, le fait, par le gardien d'un animal susceptible de présenter un danger pour les personnes, d'exciter ou de ne pas retenir cet animal lorsqu'il attaque un passant. Nos magistrats usent beaucoup plus fréquemment du mot attaque, notamment en matière de légitime défense.
Cass.crim. 22 janvier 1986 (Gaz. Pal. 1986 somm. 429) : Dès lors que le délit d'association de malfaiteurs constitue une infraction indépendante du ou des crimes contre les personnes ou les biens préparés ou commis par les membres de l'association, a donné une base légale à sa décision la Cour d'appel qui a déclaré les prévenus coupables dudit délit après avoir relevé qu'ils avaient conçu une attaque à main armée et que l'un d'eux devait rester au volant du véhicule dérobé pour cette occasion pendant que les deux autres entreraient dans la banque pour commettre le «braquage».
Cass.crim. 21 février 1996 (Gaz.Pal. 1996 Chr.crim. 107) : Pour confirmer l'ordonnance de non-lieu entreprise, la chambre d'accusation énonce qu'il n'existait pas de disproportion entre le moyen de défense employé par P. et la gravité de l'attaque dont il faisait l'objet ; en cet état, elle a caractérisé l'existence du fait justificatif de légitime défense.
ATTEINTE (à l’intérêt protégé)
Cf. Blessure*, Dégâts*, Délit de résultat*, Délit formel*, Éléments constitutifs de l’infraction*, Intérêt protégé*, Mineur (protection)* .
Voir : Carrara, Les forces du délit (le dommage)
En droit criminel, il y a atteinte à un Intérêt protégé* (État*,
Nation*, Vie humaine*, Vie privée*,
Honneur*, Liberté*, Propriété*, Foi
contractuelle*…) lorsqu’un acte incriminé par la loi pénale a effectivement lésé une personne, un bien ou un droit
protégé.
Cette lésion matérielle est exigée dans les Délits de résultat* (à défaut on fait appel à la théorie de la
tentative) ; elle ne l’est en revanche pas dans les Délits formels* (qui sont caractérisés par l’accomplissement d’un
acte « de nature » à blesser l’intérêt protégé).
Trib.corr. Paris 5 juillet 1996 (D. 1998 somm. 86) : La révélation d’informations à caractère secret porte atteinte à un intérêt pénalement protégé et autorise la victime à demander réparation du dommage individuel qu’elle a subi du fait de l’infraction.
La protection pénale est accordée par le législateur de manière générale, abstraite et impersonnelle. En sorte que les poursuites peuvent aboutir même si l'accusation n'a pu établir l'identité de la victime, ou la liste des objets dérobés.
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-I-313, p.76
ATTENDU
Cf. Dispositif*, Question (en cour d'assises)*, Jugement*, Légalité*, Motifs (des jugements et arrêts)*, Syllogisme judiciaire*.
- Notion. Lorsqu’il
figure au début d’un alinéa d’un jugement ou d'un arrêt, le
terme "attendu" (ou "considérant" pour certaines cours)
introduit un motif de la décision rendue par un tribunal de
police, un tribunal correctionnel ou une cour d’appel.
Principalement en droit criminel, on distingue les attendus de
droit des attendus de fait. Les premiers énoncent : « Attendu,
en droit, que... » ; les seconds : « Attendu, en l'espèce,
que... ».
Perrot (Institutions judiciaires) : Les motifs du jugement sont exposés dans une longue suite de développements que l’on appelle les « attendus » ou encore les « considérants » parce que chacun des paragraphes commence par la formule : attendu que… attendu que… (ou encore, notamment devant les juridictions administratives : considérant que… considérant que…).
- Attendu de principe. Les commentateurs disent d'un attendu de droit qu'il est un attendu de principe lorsqu'une juridiction supérieure a profité d'une espèce qui s'y prêtait pour fixer sa Jurisprudence* sur un point litigieux. Il en fut ainsi lorsque la Cour de cassation décida qu'il pouvait y avoir vol d'électricité, quoique l'électricité ne soit pas une chose, et alors que la loi incrimine le fait de soustraire une chose.
Mimin (Le style des jugements) : L'expression « Attendu, en droit, que » annonce un principe général. Il y a incorrection à l'employer pour un état particulier.
Conseil constitutionnel 19 janvier 2006 (Gaz.Pal. 2006 J 447) : Le Conseil constitutionnel a saisi cette occasion de modifier son « considérant de principe » relatif à l'exercice du droit d'amendement. Le droit d'amendement doit pouvoir s'exercer pleinement au cours de la première lecture, par chacune des deux assemblées parlementaires, des projets et des propositions de loi..
- Attendu et syllogisme
judiciaire. La distinction entre « Attendu de droit » et
« Attendu de fait » prend une importance toute particulière en
droit pénal, puisque celui-ci est dominé par le principe de la
légalité criminelle. Elle rappelle constamment aux juges que,
dans leur décision, ils doivent partir de la règle de droit puis
l'appliquer au cas d'espèce. Ils sont ainsi conduits à formuler
un syllogisme, dont la majeure est la règle de droit adéquate,
et la mineure les faits qui leur sont soumis (ce sont les Motifs*)
; la conclusion de ce syllogisme est la sanction qu'ils se
trouvent en droit de prononcer (c'est le Dispositif*,
qui doit au demeurant être modulé dans un but
d'individualisation).
De la sorte, un jugement pénal correct en la forme s'énonce en
une seule phrase. Cette contrainte technique présente l'avantage
d'inviter le tribunal à approfondir sa réflexion et à l'exposer
dans des termes clairs et précis (à l'égal de ce que doit faire
le législateur).
Mimin (Le
style des jugements, 4e édition, p.185 n° 77 et suivants - à
consulter) : Langue analytique, le français favorise la
subordination des idées. À celui qui dispose d'un tel instrument
d'expression, on peut demander une phrase logiquement ordonnée.
En France, les décisions judiciaires sont coulées dans une moule
connu :
« Le tribunal, après en avoir délibéré,
Attendu que...
Attendu que...
Par ces motifs,
condamne (ou relaxe)... » .
Cette manière, qui fond le jugement en un seul bloc, ne manque
pas d'allure. La comparaison avec les formes des juridictions
étrangères et avec les tentatives ratées de quelques novateurs,
nous a convaincu qu'il est sage de s'en tenir à la première
observance.
ATTENTAT
Cf. Commencement d’exécution*, Complot*, Délits pénaux – délit formel*, Empoisonnement*, Explosion (destruction par)*, Guerre civile*, Incendie*, Iter criminis*, Tentative*, Terrorisme*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° I-230, p.237
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-I-332, p.95
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° 15, p.14 / n° I-249, p.149 / n° II-107, p.264/ n° V-608, p.657/ n° V-614, p.665
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », n° 223, p.112 / n° 338 3°, p.212 / n° 338 4°, 213 / n° 433, p.280
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° I-I-212, p.114 (sur un attentat visant à déclencher une guerre civile)
Voir : Ortolan, De la tentative et de l’attentat
Voir : Le coup d’État du 18 Brumaire an VIII
Voir : La conspiration du général Malet
- Notion. L’attentat constitue le type même du Délit formel*, caractérisé sans qu’il soit besoin de constater une atteinte, de déplorer un résultat effectif. Dans l’Iter criminis*, il se situe au niveau du Commencement d’exécution* ou, mieux, lors de l'accomplissement du dernier acte dépendant de l’agent.
Prothais (Tentative et attentat) : Dans son acception stricte, l’attentat est une tentative érigée en consommation, c’est-à-dire qu’il incrimine comme consommés des actes de tentative… supposant que le but poursuivi par l’auteur de l’attentat a été effectivement atteint.
Cass. (1e civ.) 27 octobre 1981 (Gaz.Pal. 1982 I panor cass 110) retient au civil un sens large : Le mot «attentat» définit toute entreprise violente et criminelle dirigée contre les personnes ou les biens.
Code pénal du Portugal (1886). Art. 163 : L’attentat consiste dans l’exécution du crime ou dans sa tentative.
Sur les notions respectives de complot et d’attentat, voir V° Complot* (Haute cour de justice 30 octobre 1899).
Attentat d’Orsini (Encyclopédie Microsoft Encarta). À Paris, le soir du 14 janvier 1858, Orsini, Pieri, Rudio et Gomez lancent trois bombes sur le cortège impérial qui se rend à l’Opéra. Napoléon III et l’impératrice Eugénie sont épargnés. Les bombes font cependant 12 morts et 156 blessés dans la foule. Orsini est arrêté puis défendu par Jules Favre durant son procès, lequel par son retentissement donne une publicité inattendue à la lutte pour l’unification italienne. Condamné à mort avec Pieri, il est guillotiné le 13 mars 1858.
- Science criminelle. Il convient de recourir à la technique de l’attentat dans deux cas.
D’une part pour définir
un crime ou un délit perpétré par un moyen dangereux dont les suites échappent au contrôle de l’auteur principal (empoisonnement ou destruction par
incendie).
Ainsi, l’attentat à l’explosif est ordinairement tenu pour constitué dès l’instant où l’engin est mis à feu : peu importe que le mécanisme
fonctionne mal, et qu’il n’y ait ni victime ni dégâts.
D’autre part lorsque l’atteinte à l’intérêt protégé peut difficilement être constatée, car touchant au for interne de la victime (attentat à
la pudeur ou violation de domicile).
Cette technique d'incrimination vise notamment les actes de
violence par lesquels un individu cherche à causer la mort du
Chef de l'État ou à renverser la Constitution.
Voir : Tableau des incriminations protégeant la Constitution (selon la science criminelle)
Voir : Tableau des incriminations protégeant la famille incarnant la Nation (selon la science criminelle)
Rigaux et Trousse (Les crimes et délits du Code pénal belge) : En punissant l'attentat... le législateur se départit de sa politique criminelle ordinaire. Tandis que, d'une manière générale, le législateur pénal fait peser sa rigueur sur le dernier stade du processus criminel, c'est-à-dire sur le moment où le criminel a exécuter son dessein et atteint ses objectifs, ici, il frappe de la peine la plus forte la mise à exécution de la pensée criminelle indépendamment du résultat obtenu. Suivant l'expression du rapporteur à la Chambre, l'attentat commence à la tentative punissable pour finir au crime consommé.
Code pénal d’Andorre. Article 82 : Seront punis d’un emprisonnement d’une durée maximale de vingt ans ceux qui … auront porté atteinte à la sûreté de la Principauté ou altéré la paix et l’ordre public au moyen d’armes ou explosifs, ou en commettant des attentats.
Code pénal de Saint-Marin (de 1865). Art. 210 : L’attentat est toujours considéré comme ayant eu lieu lorsqu’il y a eu un commencement d’exécution quelconque.
- Droit positif. Le droit français retient la technique de l'attentat dans de nombreux cas, notamment en matière d'Attentat à la pudeur* ou d'Attentat contre les institutions de la République*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la personne humaine » (3e éd.), n° 15 p.14, n° II-107 p.264, n° III-108 p.437, n° V-608 p.657, n° V-615 p.666
Garraud (L’anarchie) : Dans le mouvement législatif et répressif contre l’anarchie, on songe d'abord à frapper l’acte matériel, l’attentat.
Jeandidier (Droit pénal général) : Tous les attentats sont des infractions formelles : outre l'empoisonnement, peuvent être mentionnés l'attentat à la bombe par le simple dépôt d'explosif, les attentats à la sûreté de l'état, l'attentat à la pudeur, l'attentat par incendie, l'attentat à la circulation ferroviaire.
ATTENTAT À LA PUDEUR
Cf. Attentat*, Castration*, Chantage sexuel*, Chose jugée (Cass.crim. 19 janvier 2005 - Gaz.Pal. 26/30 août 2005 p.16)*, Enfant*, Harcèlement sexuel*, Luxure*, Outrage public à la pudeur*, Personnes vulnérables*, Pudeur*, Satyre*, Sodomie*, Viol*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la personne humaine » (4e éd.), n° II-107 p.264
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents » , ci-dessus v° Attentat
Voir : R. Garraud, Le viol au sens strict
- Notion. L’attentat à la pudeur se définit comme un acte contraire aux Bonnes mœurs*, qui est accompli consciemment, qui vise le corps d’une personne précise, et qui est de nature à porter atteinte à un sentiment raisonnable de Pudeur*.
Vitu (Droit pénal spécial) : L’attentat à la pudeur peut être défini comme tout acte contraire à la pudeur de la victime et mettant directement en cause le corps de celle-ci (à l’exception toutefois des actes de pénétration sexuelle commis avec violence, qui relèvent de la notion de viol).
Code pénal de l'Équateur. Art. 505 : On donne le nom d'attentat à la pudeur à tout acte impudique, exécuté sur la personne d'un autre quel que soit son sexe, qui peut l'offenser sans aboutir pourtant à la conjonction charnelle.
Lyon (Ch.acc.) 19 janvier 1996 (D. 1996 258 note Coste) a vu, dans un attentat à la pudeur particulièrement scandaleux : Un élément moral consistant dans la volonté de nier dans la victime la dignité de la personne humaine.
- Règle morale. L'être humain peut être atteint dans son intégrité morale par une agression visant soit sa vie privée, soit son honneur soit sa pudeur. Aussi les moralistes sont-ils unanimes à condamner tout attentat à la pudeur d'autrui, surtout lorsqu'il blesse un mineur.
Bautain (Manuel de philosophie morale) : Attenter à la pudeur c'est blesser la personne dans ce qu'elle a de plus sensible ; c'est â la fois l'outrager dans sa dignité et lui causer une souffrance cruelle par l'embarras et l'espèce d'angoisse où on la jette, angoisse plus vive et plus profonde à mesure que le sens moral est plus délicat. La pudeur est comme le thermomètre de la pureté de l'âme.
Gousset (Théologie morale) : Suivant saint Alphonse de Liguori et un grand nombre de docteurs, il est permis de tuer celui qui veut outrager la pudeur, quand on ne peut se défendre autrement. En agissant ainsi, une femme use de son droit.
Pontas (Dictionnaire des cas de conscience) : Il n'est pas permis de tuer ni même de mutiler gravement celui qui attente à la pudeur, lorsqu'on peut le repousser par d'autres moyens, par des coups ou par des cris. Mais si on ne pouvait le repousser, il serait permis de le tuer.
St Thomas d'Aquin (Somme théologique) : Le suicide est illicite ... cependant, d’après S. Augustin, de saintes femmes, en temps de persécutions, pour éviter les ennemis de leur pudeur, se jetèrent dans le fleuve, et moururent ainsi martyres.
Tarde (La criminalité comparée) : Il est impossible ou difficile d'étendre le bénéfice de la correctionnalisation aux attentats à la pudeur sur des enfants (presque toujours commis par des gens âgés).
- Science criminelle. Cette infraction doit être incriminée suivant la technique du Délit formel*. Elle est donc essentiellement constituée par la commission consciente d’un acte d’un acte de nature à offenser la pudeur d’autrui, sans qu’il y ait lieu de rechercher si la victime s’est effectivement sentie offensée.
Voir : Tableau des incriminations protégeant la pudeur (selon la science criminelle)
Villey (Cours de droit criminel) : La tentative d’attentat à la pudeur constitue par elle-même un attentat.
Digeste de Justinien, 47, X, 15, 21. Ulpien : Celui qui se sert de termes déshonnêtes, n'attente pas à la pudeur, mais il est tenu de l'action d'injures. [nous dirions de l'action de voies de fait et violences légère]
Code criminel du Canada. Art.273 - Commet une agression sexuelle grave quiconque, en commettant une agression sexuelle, blesse, mutile ou défigure le plaignant ou met sa vie en danger.
Code pénal belge. Art.373 : L’attentat à la
pudeur, commis avec violences ou menaces, sur des personnes de l’un ou de l’autre sexe, sera puni d’un emprisonnement de six mois à cinq ans…
Art. 374. L’attentat existe dès qu’il y a commencement d’exécution.
- Droit positif français. Les agissements de ce type sont sanctionnés par les art. 222-22 et s. et 222-27 et s. C.pén. (art. 331 et s. de l’ancien Code), qui parlent d’agression sexuelle. Il y a circonstance aggravante lorsque les actes prohibés sont dirigés contre un Enfant* ou contre une Personne vulnérable*.
Voir : Tableau des incriminations protégeant la pudeur (en droit positif français)
Rapport Cabal. Le Fichier National Automatisé des Empreintes Génétiques (F.N.A.E.G.) consistera en une collection de profils génétiques issus … d’individus définitivement condamnés pour les infractions sexuelles énumérées à l’article 706-47 C.pr.pén. (meurtre ou assassinat d’un mineur précédé ou accompagné d’un viol, de tortures ou d’actes de barbarie, viol, agression sexuelle, exhibition sexuelle…).
Pradel et Danti-Juan (Droit pénal spécial) : La loi ne tolère pas certains contacts physiques impudiques auxquels se livrent parfois des personnes sur d’autres personnes. Elle les qualifie aujourd’hui d’atteinte sexuelle, mais il s’agit en réalité de ce que le Code de 1810 originel désignait sous le nom d’attentat à la pudeur.
Versailles 3 avril 1995 (Gaz.Pal. 1996 I somm. 150) : La Cour constate qu’après la prise de photographies de la victime, torse nu, que celle-ci avait pleinement acceptée, le modèle a subi des attouchements manuels de la part du prévenu, qui en prétendant n’avoir eu que la volonté pour d’autres photographies de faire pointer la poitrine en touchant la pointe des seins fournit là une explication subjective, à laquelle la plaignante n’a pas adhéré, puisque c’est ce contact corporel qu’elle a ressenti comme une agression à sa pudeur jusqu’alors non atteinte par son propre consentement aux désirs artistiques du prévenu. Le délit d’attentat à la pudeur se trouve dès lors constitué.
Cass.crim. 4 janvier 2012, n° 11-83352 (Gaz.Pal. 19 avril 2012 p.19) sommaire : L'agression sexuelle suppose démonté l'emploi de violence, contrainte, menace ou surprise.
Cass.crim. 3 octobre 2013, n° 12-90052 : L'interprétation de l'art. 222-22 C.pén., qui définit de manière suffisamment claire et précise le délit d'agression sexuelle, entre dans l'office du juge pénal, de sorte qu'il n'est porté aucune atteinte au principe de légalité des délits et des peines.
L'article 222-22-1 dispose que la contrainte morale peut résulter de la différence d'âge existant entre une victime mineure et l'auteur des faits et de l'autorité de droit ou de fait que celui-ci exerce sur cette victime. Ce texte législatif encourt le reproche d'empiéter sur le domaine judiciaire : n'est-il pas plus proche du cas d'espèce que de l'énoncé d'une règle générale, abstraite et impersonnelle ? Le Conseil Constitutionnel passe outre à ce reproche ; mais ne favorise-t-il pas trop souvent le souverain "pouvoir" législatif à l'encontre de la simple "autorité" judiciaire ?
Cons. Constitutionnel 6 février 2015, décision n° 2014-448 QPC : En précisant que la contrainte peut résulter de la différence d'âge existant entre une victime mineure et l'auteur des faits et de l'autorité de droit ou de fait que celui-ci exerce sur cette victime, la seconde phrase de l'article 222-22-1 C.pén. a pour seul objet de désigner certaines circonstances de fait sur lesquelles la juridiction saisie peut se fonder pour apprécier si, en l'espèce, les agissements dénoncés ont été commis avec contrainte. [Cette "précision" est-elle vraiment purement indicative ? Elle influencera très probablement la jurisprudence au détriment de la défense]
Cass.crim.
18 février 2015, pourvoi n° 14-80772 : Pour déclarer le
prévenu coupable d'agression sexuelle, l'arrêt attaqué relève
que celui-ci a reconnu les faits et qu'il est suffisamment
établi, notamment par les déclarations des victimes, que, si
aucune de ces dernières n'a fait état de violences ou de menaces
exercées sur elle par le prévenu, celui-ci, de par son statut et
son aura de professeur reconnu de karaté lui conférant une
autorité certaine, a su créer une proximité relationnelle et
affective avec des jeunes garçons, les plaçant dans une
situation de dette en leur offrant divers cadeaux et que ce
comportement caractérise suffisamment la contrainte morale
exigée par l'art. 222-22-1 C.pén. ;
En se déterminant ainsi, dès lors que la contrainte résulte de
l'autorité de fait exercée sur les victimes par le prévenu, la
cour d'appel a fait l'exacte application des art. 222-22 et
222-22-1 C.pén.
ATTENTAT CONTRE LES INSTITUTIONS DE LA RÉPUBLIQUE
Cf. Attentat*, Complot*, Conspiration*, Délit politique*, Guerre civile*, Insurrection*, Lèse-majesté* .
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la personne humaine » (4e éd.), n° 26 p.25, n° II-109 p.312
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° 3 et s., p.5 et s.
Voir : Décret du 20 janvier 1793, relatif à la condamnation à mort de Louis XVI
Voir : L'attentat de la rue Saint-Nicaise : Jugement du Tribunal criminel de la Seine
- Notion. L'attentat dirigé contre le régime constitutionnel est caractérisé par un acte qui tend à remettre en cause, en dehors des formes légales, l'organisation des pouvoirs publics de l'état. On parle ici de crime de lèse-majesté, de crime de lèse-Révolution, de crime de lèse-Parti ...
Rigaux et Trousse (Les crimes et les délits du Code pénal belge) : En punissant l'attentat ou tentative en elle-même, considérée comme l'état criminel à atteindre principalement, le législateur se départit de sa politique criminelle ordinaire. Tandis que, d'une manière générale, le législateur pénal fait peser sa rigueur sur le dernier stade du processus criminel, c'est-à-dire sur le moment où le criminel a exécuté son dessein et atteint ses objectifs, ici, il frappe de la peine la plus forte la mise à exécution de la pensée criminelle indépendamment du résultat obtenu. Bien plus, il espère qu'ainsi il empêchera la réalisation du but poursuivi, car dans bien des cas où le législateur punit un attentat contre la sûreté de l'État, la réussite du criminel signifierait aussi son impunité.
- Science criminelle. Une telle entreprise est de nature à créer des troubles d'une extrême gravité au sein de la Nation, voire à engendrer une guerre civile ; aussi nombre de législateurs l'incriminent-ils dès son commencement d'exécution (attentat), et la sanctionnent-ils de peines criminelles.
Voir : Tableau des incriminations protégeant la Constitution (selon la science criminelle)
Voir : J. Ortolan, Les délits politiques selon la science criminelle
Jousse (Traité de la justice criminelle) : Il y a crime de lèse-Majesté humaine si quelqu’un attente à la vie, ou à la personne sacrée du souverain, de ses enfants ou de sa postérité.
Accolas (Les délits et les peines) : Les premières sociétés n’eurent souci de réprimer que les attentats qui s’attaquaient directement à la collectivité tout entière.
Code pénal italien. Art. 283 - Attentat contre la constitution de l'État. Quiconque commet un acte visant à changer la constitution de l'État, ou la forme du Gouvernement, en employant des moyens non permis par le système constitutionnel de l'État, encourt une peine de réclusion ne pouvant être inférieure à douze ans.
- Droit positif. C’est l’art. 412-1 de l’actuel Code pénal (art. 86 et 87 anciens) qui incrimine l’attentat résultant d’un acte de violence de nature à mettre en péril les institutions de la République.
Voir : Tableau des incriminations protégeant la Constitution (en droit positif français)
A.Vitu (Juris-classeur pénal, art. 412-1 et s.) : Il n’y a d’attentat consommé que si un ou plusieurs actes de violence ont été commis ; en leur absence il ne saurait y avoir, tout au plus, qu’un complot, ou peut-être le commencement d’exécution d’un attentat.
Haute cour de justice 8 mars 1849 (S. 1849 II 225). Sommaire : La disposition de l’art. 84 C.pén. protège le gouvernement républicain comme elle protégeait précédemment le gouvernement mornarchique.
Proal (La criminalité politique) : L’attentat de George Cadoudal .contre Bonaparte fut admiré par les royalistes fanatiques ; et les révolutionnaires qui y demeurèrent étrangers regrettèrent que ce crime n'eût pas été commis par leur parti, tant ils le trouvèrent glorieux.
ATTESTATION - Voir : Fausse attestation*.
ATTROUPEMENT
Cf. Force ouverte*, Liberté*, Loi martiale*, Manifestation (liberté de)*, Réunion (liberté de)*, Sommations*, Tranquillité publique*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° 39, p.39 / et références de la Table alphabétique
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la personne humaine » (4e éd.), n° III-227, p.512
Voir : Digeste de Justinien, L. 47, VIII
Voir : Décret du 18 juillet 1791, contre la sédition
- Notion. Un attroupement consiste en un rassemblement de personnes sur la voie publique, du moment où il prend une forme dangereuse pour l’ordre et la sécurité publique.
Muyart de Vouglans (Institutes). Notre Ancien droit donnait un chiffre, il parlait de la Contrebande par attroupement au nombre de cinq au moins.
Colliard (Libertés publiques) : L’attroupement peut être défini comme un rassemblement dans un lieu public de personnes de caractère spontané, inorganisé, accidentel, poursuivant un but illégal et susceptible d’amener des désordres ou des troubles.
Montpellier 26 avril 1984 (Rev.gén.assur. 1984 413) : Il y a attroupement ou rassemblement au sens de l’art. 113-1 du Code des communes lorsque, de façon préméditée ou occasionnelle, dans un lieu public ou privé, se trouvent des personnes animées d’un même esprit, groupées en un nombre tel que cela est de nature à faire disparaître la personnalité de chacun des individus faisant partie du groupe derrière celle de ce dernier.
Exemple (Ouest-France 18 septembre 2013) : Des jeunes se sont massés, hier midi, devant le lycée Edgar-Quinet, à Paris. Certains portaient des armes blanches. Le proviseur a appelé la police qui est intervenue très vite, avant même qu'il n'y ait d'incidents. Les forces de l'ordre ont interpellé et placé vingt-six jeunes en garde à vue.
- Science criminelle. La plupart des législateurs contemporains incriminent le fait de participer à un attroupement en dépit de l’interdiction dont il est frappé, ou de s’y maintenir alors que des sommations de dispersement qui ont été faites. C’est au juge du fond qu’il appartient de dire si, en l’espèce, il y a eu attroupement.
Voir : Tableau des incriminations protégeant la fonction judiciaire (selon la science criminelle)
Voir : Tableau des incriminations protégeant la fonction exécutive (selon la science criminelle)
Digeste de Justinien, 47, VIII, 4, 4. Ulpien - Cet édit vise, non seulement celui qui a causé du dommage dans un attroupement, mais encore celui qui par dol a fait qu’un attroupement a causé ce dommage ; et ce, qu'il ait été ou non présent : car le dol peut être commis même par un absent.
Chauveau Hélie (Théorie du Code pénal) : Les attroupements peuvent être considérés comme de véritables actes préparatoires de délits plus graves, et sont alors punis comme des délits sui generis.
Le Bon (Les révolutions) : En 1848 encore, on ignorait que les attroupements doivent être immédiatement dispersés.
Code pénal suisse. Art. 260 - Celui qui aura pris part à un attroupement formé en public et au cours duquel des violences ont été commises collectivement contre des personnes ou des propriétés sera puni de l’emprisonnement ou de l’amende … Il n’encourra aucune peine s’il s’est retiré sur sommation de l’autorité sans avoir commis de violences ni provoqué à en commettre.
- Droit positif français. La participation délictueuse à un rassemblement est régie, à la fois, par les articles 431-3 du Code pénal (art. 104 et suivants anciens) et par les articles L.211-9 , L.211-10, R.210et s. du Code de la sécurité intérieure (modifiés par une loi du 4 décembre 2013). Elle constitue une Infraction politique*.
Voir : Tableau des incriminations assurant la paix intérieure de la Nation (en droit positif français)
Voir : Tableau des incriminations protégeant le bon fonctionnement de l'Administration (en droit positif français)
Voir : Tableau des incriminations protégeant la liberté politique (en droit positif français)
Decocq, Montreuil et Buisson (Le droit de la police, n°826) : La loi punit l’atteinte à l’ordre public constituée par le rassemblement, sur la voie publique ou dans un lieu public, d’un certain nombre de personnes, soit lorsque ce rassemblement est armé, soit lorsque non armé il pourrait troubler la tranquillité publique.
Cass.crim. 12 février 1897 (S. 1898 I 249) : Ne constitue pas la provocation au délit d’attroupement l’invitation faite aux catholiques d’une ville, à se rendre à la cathédrale et à se joindre à un cortège qui devait en partir et défiler dans les rues de la ville.
Cass.crim. 26 avril 1955 (Bull.crim. n°199 p.357) : L’attroupement sur la voie publique n’est interdit qu’autant qu’il est de nature à troubler la paix publique.
Si un attroupement a entraîné des dommages, la responsabilité de la puissance publique peut être recherchée.
Cass.crim. 11 janvier 1984 (Bull.crim. n° 15 p.41) : La responsabilité de la commune est engagée à la triple condition que les crimes ou les délits aient été commis sur son territoire par un rassemblement ou un attroupement, armé ou non armé, que les actes constituant les crimes ou les délits aient eu lieu à force ouverte ou par violence, et qu’enfin ces actes délictueux aient occasionné des dommages ou des dégâts.
Cass. (1e civ.) 4 février 1986 (Gaz.Pal. 1986 I panor. 85) : A légalement justifié la condamnation d’une commune à indemniser les proches parents de la victime la Cour d’appel qui énonce que celle-ci a été tuée par des personnes faisant partie d’une bande de jeunes gens constituant un attroupement ou rassemblement.
Cons. d'État 11 juillet 2011 (Gaz.Pal. 28 juillet 2011) : Dans les heures qui ont suivi l'annonce du décès accidentel de deux adolescents poursuivis par la police, des dégradations ont été commises dans la soirée et dans la nuit par des jeunes gens sur des bâtiments publics. Les dommages ainsi causés ont résulté de délits commis à force ouverte contre des biens. Dans les circonstances de temps et de lieu de l'espèce, ces actions doivent être regardées comme étant le fait d'un attroupement ou d'un rassemblement au sens de l'article L.2216-3 du C. gén. des collectivités territoriales. Une dizaine de jours plus tard, une « voiture bélier » a forcé l'accès à un gymnase et a été enflammée à l'intérieur du bâtiment, qui a été totalement détruit par l'incendie. Si ces destructions ont eu lieu dans le contexte des violences urbaines, les agissements à l'origine des dommages ont été commis selon des méthodes révélant leur caractère prémédité et organisé sans relation avec un attroupement ou un rassemblement identifié.
AUDIENCE
Cf. Débats*, Huis clos*, Plumitif*,
Public*, Publicité des débats*,
Renvoi (à une audience ultérieure)*,
Sine die* ,
Visioconférence*.
Sur les audiences foraines, voir : Siège (d’un tribunal)*.
Voir : A. Bataille, La mort de Me Arthéguier
- Notion. L’audience est la séance au cours de laquelle une juridiction de jugement instruit sur les faits dont
elle est saisie, entend les parties comme leurs conseils, et prononce éventuellement son jugement.
Devant la Cour d’assises, l’audience commence au moment même où la Cour prend séance, puis fait introduire l’accusé pour former le jury de jugement.
Merlin (Répertoire de jurisprudence) : Le mot audience est pris, en termes de palais, pour marquer la séance dans laquelle les juges écoutent les demandes et les contestations qui sont portées devant eux.
- Salle d’audience. Un Palais de justice, Siège du tribunal*, comporte des locaux de service (comme le greffe) et des salles réservées aux audiences. Ces salles sont aménagées en fonction des personnes qui participent aux débats : les magistrats du siège, le ministère public, le greffier, l’huissier, le défendeur et son conseil, le public.
Voir : Aménagement d’une salle d’audience
- Lorsque sont jugés des individus réputés dangereux, le président du tribunal peut ordonner toutes les mesures de sécurité qui lui paraissent nécessaires ; dès lors qu’elles ne portent pas atteinte aux droits de la défense.
Cass.crim. 15 mai 1985 (Gaz.Pal. 1986 I 40 note Doucet) : L’enclos de verre litigieux installé dans la salle d’audience, à l’intérieur duquel les accusés étaient libres de leurs mouvements, comportait des aménagements permettant à chacun d’eux de communiquer librement et secrètement avec son conseil. Ce dispositif de sécurité n’ayant apporté aucune entrave à la liberté de la défense des accusés,.la procédure doit être considérée comme régulière.
- Il est souhaitable que la majesté de ce lieu, où sont invoqués la Justice et où le Droit, soit marquée par un mobilier solennel : estrade pour la Cour, robes pour les magistrats, symboles rappelant que la Divinité est attentive aux propos échangés ici et saura distinguer la vérité du mensonge. Certains droits ont utilisé l’effet de crainte des châtiments terrestres ; mais on peut penser que le faisceau des licteurs impressionne plus les innocents que les coupables.
Huc (Souvenirs d’un voyage dans la Chine) : A l’extrémité d’un corridor grandiose, se trouve la salle où le magistrat distribue la justice au peuple. Sur une estrade un peu élevée est une grande table recouverte d’un tapis rouge ; des deux côtés de la salle on voit des armes de toute espèce et des instruments de supplice appendus aux murs. Le mandarin a son siège derrière la table ; les scribes, les conseillers et les officiers subalternes se tiennent debout autour de lui. Le bas de l’estrade est réservé au public, aux accusés et aux satellites chargés de torturer les malheureuses victimes de la justice chinoise.
- Police de l’audience. La police de l’audience consiste à prendre les mesures nécessaires pour que les débats se déroulent dans l’ordre, la sécurité et la sérénité. Le président de la juridiction de jugement est investi à titre personnel de ce pouvoir de police, qui permet l’expulsion d’un perturbateur, et même l’expulsion provisoire de l’accusé (art. 321 et s. C.pr.pén.). Voir : Police des débats*, Public* .
Napoléon 1er (Locré XXIV p.392) : Il ne faut pas craindre d’établir des peines fortes contre les désordres que se permettent les individus dans le sanctuaire de la justice. Il est bon d’imprimer dans les esprits un profond respect pour les juges, et d’apprendre à chacun que si la publicité de l’instruction permet aux citoyens d’être présents aux audiences, ils doivent s’y comporter d’une manière différente que dans les lieux de divertissement et de plaisir.
Cass.crim. 10 juillet 1974 (Bull.crim. n°253 p.649) : L’expulsion d’un perturbateur vaut pour toute la durée de l’audience, quelles que soient les affaires successivement jugées.
Cass.crim. 26 janvier 2000 (Gaz.Pal. 2000 II 1519) : Le procès-verbal des débats relate que, l’accusée ayant manifesté par des clameurs contre les propos du ministère public, juste avant les réquisitions sur la peine, le président a ordonné son expulsion, puis que la réclusion criminelle à perpétuité a été requise et que l’audience a été suspendue à 15 h 30. Immédiatement après, le procès-verbal énonce qu’à 17 h 30, un huissier a signifié à l’accusée la peine requise soit la réclusion criminelle à perpétuité. Ensuite, il est mentionné que l’audience a été reprise à 17 h 35, en présence de l’accusée. En cet état, il a été satisfait aux prescriptions de l’article 320, alinéa 2 du Code de procédure pénale, dès lors que, durant le temps de l’expulsion de l’accusée, la poursuite des débats s’est limitée aux seules réquisitions du ministère public.
Procès de Danton. Danton se défendit avec tant de fougue qu’il s’attira l’approbation du public. Aussi le président Herman et l’accusateur Fouquier écrivirent-ils au Comité de salut public. Ils lui firent observer que la loi ne leur permettait pas de passer outre. Le Comité fit donc décréter par la Convention que tout prévenu de conspiration qui résistera ou insultera à la justice nationale sera mis hors des débats et jugé sur le champ. Le 5 avril Danton fut mis hors débats et condamné.
En principe, il est interdit de filmer le déroulement de l'audience, opération qui risque de troubler la sérénité de celle-ci. La publication de l'enregistrement fait en outre courir le risque d'une diffusion tronquée dénaturant l'ensemble.
Cass.crim.8 juin 2010 n° 09-87526 (Gaz.Pal. 30 septembre 2010) sommaire : Filmer et montrer un président de cour d'assises rendre l'arrêt de la juridiction en audience publique est prohibé, motif pris de la protection de la sérénité des débats et du droit à l'image des magistrats.
- Délit d’audience. Le délit d’audience est une infraction qui présente la double caractéristique d’être, dans le temps un Flagrant délit*, et dans l’espace un délit perpétré au sein même d’un Prétoire*. C’est pourquoi on admet généralement que les juges peuvent, dans ce cas particulier, se saisir d’office, entendre le ministère public en ses réquisitions, donner la parole au prévenu pour qu’il présente sa défense, puis statuer au fond (pour autant que les faits n’échappent pas à leur compétence d’attribution en raison de leur gravité). Voir les art. 675 et s C.pr.pén., précisant en outre que les outrages proférés à l’encontre de magistrats ne peuvent être jugés par ceux là même qui en ont été victimes (voir l’art. C.677 de la Circulaire générale).
Jousse (Traité de justice criminelle, 1771) : Ceux qui volent dans les Auditoires et Chambres où se rend la justice, sont ordinairement condamnés au fouet, ou aux galères, suivant l’exigence des cas… Par un arrêt du Parlement de Paris du 3 mars 1588, un homme convaincu d’avoir volé une montre dans la Chambre dorée pendant une plaidoirie, fut condamné à être pendu ; ce qui fut exécuté le même jour en la cour du Palais.
Cass.crim. 14 septembre 1988 (Bull.crim. n°322 p.870) : Sous les réserves énoncées à l’art. 675 C.pr.pén., il résulte de la combinaison de ce texte avec les art. 676 et 677 du même Code que les délits commis à l’audience d’un Tribunal correctionnel ou d’une Cour sont jugés d’office ou sur les réquisitions du ministère public, que dans ce cas la juridiction dresse procès-verbal du fait, entend le prévenu, les témoins, le ministère public et éventuellement le défenseur et applique sans désemparer les peines prévues par la loi.
AUDIOVISUEL - Voir : Archives*, Internet*, Presse*.
AUDITION
Cf. Instruction*, Interrogatoire*, Visioconférence*.
Voir : A. Bataille, La mort de Me Arthéguier
L’audition consiste, pour un juge, à donner la parole aux parties au procès, aux témoins cités et aux experts. Puisqu’il est chargé de la police des débats, le président de la juridiction doit veiller à ce que la personne entendue puisse s’exprimer librement, dans les limites de l’affaire examinée. La loi de 1881 sur la presse garantit d’ailleurs la liberté de parole aux divers intervenants. Voir les développements ci-après, et Immunité judiciaire* .
- Audition du ministère public. L’action publique, sur laquelle doit statuer une juridiction répressive, est confiée à titre principal au ministère public par l’art. 1er C.pr.pén. Dès lors le tribunal ne saurait, ni trancher un incident, ni statuer sur le fond, sans avoir au préalable invité le ministère public à présenter ses observations. Cette règle est d’ordre public.
Cass.crim. 11 mai 1978 (Bull.crim. n° 150 p.386) : Le ministère public doit, à peine de nullité, être entendu dans ses réquisitions au second comme au premier degré.
Cass.crim. 9 mars 1965 (Gaz.Pal. 1965 I 408) : Le ministère public doit être entendu même lorsque, après extinction de l’action publique, aucune peine ne peut plus être appliquée.
- Audition de la partie civile. Aux termes de l’art. 460 C.pr.pén., à l’audience du tribunal correctionnel, une fois l’instruction terminée, le président doit donner la parole à la partie civile si elle la demande. Dans l’ordre ordinaire des débats, le plaignant intervient avant le ministère public et bien sûr le prévenu.
Faustin Hélie (Traité de l’instruction criminelle) : Si la partie civile n’est plus, comme dans notre Ancien droit, partie principale au procès ; si, par une interversion des rôles, elle est devenue simplement partie jointe à l’action du ministère public, ses attributions sont encore assez étendues. Elle est partie au procès. De là il suit… qu’elle peut adresser les questions qu’elle juge convenables soit au témoin soit à l’accusé par l’organe du président… qu’elle peut prendre au cours des débats les conclusions qui lui semblent utiles à ses intérêts… qu’à la suite de la déposition des témoins, cette partie ou son conseil est entendue dans les développement de sa plainte et que la réplique lui est permise.
Cass.crim. 5 octobre 1994 (Gaz.Pal. 1995 I Chr.crim. 34) : S’il ne résulte d’aucune mention de l’arrêt attaqué que la partie civile, présente à l’audience, ou l’avocat qui l’assistait, ait été entendue ainsi que le prévoit l’art. 460 C.pr.pén., en revanche la décision constate le dépôt de conclusions formalisant la demande. En l’état, la Cour de cassation est en mesure de s’assurer qu’aucune atteinte n’a été portée aux intérêts de la partie civile que le texte susvisé a pour objet de préserver.
- Audition de la victime. Lorsque l'on se trouve en présence de la seule action publique, la victime ne saurait demander à être assistée d'un avocat.
Cass.crim. 18 juin 2014, n° 13-86526 : Les dispositions civiles d'un jugement pénal étant devenues définitives, la victime, entendue comme témoin, ne peut être assistée d'un avocat.
- Audition du défendeur. Parmi les droits fondamentaux de la défense figure tout naturellement le droit pour
l’inculpé, le prévenu ou l’accusé de faire valoir sa version des faits et ses moyens de défense. Sauf le cas de défaut, un jugement de condamnation ne
saurait être rendu sans que le défendeur ait été entendu.
- Un juge répressif ne saurait exiger du défendeur qu’il prête serment de dire la vérité. Voir :
Interrogatoire*.
- C’est au demeurant ce dernier qui doit avoir le dernier mot des débats.
Jousse (Traité de la justice criminelle, 1771) : Une formalité nécessaire dans l’ordre judiciaire, est que l’accusé soit entendu, afin que s’il a quelque chose à proposer pour sa défense, il puisse le faire.
Code de procédure espagnol, Art. 387 : On n’imposera pas aux inculpés de prêter serment; ils seront seulement exhortés à dire la vérité et le juge d’instruction les avertira qu’ils doivent répondre de manière précise, claire et véridique aux questions qui leur sont posées.
Macarel (Éléments de droit politique) : Il est une règle dont on ne peut s’écarter, sans fouler aux pieds toutes les lois de la justice : elle consiste à entendre avant de juger. Il est de principe en effet que personne ne peut être condamné, qu’au préalable il n’ait été entendu. De ce principe naît, pour le juge, l’obligation d’interroger l’accusé et de lui laisser toute la latitude désirable pour qu’il puisse se défendre tant verbalement que par écrit. Cette loi de défense naturelle ne comporte pas d’exceptions.
Code de procédure espagnol, Art 389. - Les
questions qui seront posées, lors de toutes les dépositions qu’il y aura lieu de faire, tendront à l’établissement des faits et à la participation dans
ceux-ci de la personne inculpée et des autres personnes qui auront concouru à leur exécution ou à leur dissimulation.
Les questions seront directes, sans qu’en aucune façon elles puissent être faites de manière captieuse ou suggestive.
On ne pourra pas non plus avoir recours à la violence ou à la menace contre la personne inculpée.
Audition préalable de Marat par le président
Montané :
- A lui représenté que la Convention nationale, par son décret du 20 de ce mois, l’accuse d’avoir provoqué 1° au pillage et au meurtre…
- A répondu que, révolté des désordres alarmants que l’accaparement de denrées de première nécessité causait dans l’État, et recherchant les moyens
les plus efficaces de les faire cesser, il avait présenté aux législateurs du peuple différentes mesures qu’il croyait efficaces ; observant qu’une
mesure révolutionnaire qui ordonnerait le pillage de quelques magasins, à la porte desquels on pendrait quelques accapareurs, aurait bientôt fait cesser
ces désordres dans un pays où les droits du peuple ne seraient pas de vains titres et où les représentants de la nation ne s’amuseraient pas à bavarder
sur ses malheurs.
L’audition de l’accusé à l’audience du Tribunal révolutionnaire n’était pas assurée. Lors du procès des hébertistes, le président Dumas coupait la parole aux accusés par ces mots : C’est oui ou non que je vous demande, il n’est pas question ici de faire des phrases.
Wallon (Histoire du Tribunal révolutionnaire) : Dans l’affaire des habitants de Pamiers, Jean-Parul Larrue ne fut même pas interrogé. Les débats étant clos, il dit aux juges : « Citoyens, je vois bien que vous êtes pénétrés de mon innocence, puisque vous ne m’avez rien reproché ! » Il rentre tranquillement avec les autres dans la prison, où il reçoit bientôt la visite du greffier qui lui lit la sentence le condamnant, puis du bourreau qui le mène à l’échafaud.
- Audition des témoins. Les témoins cités à l'audience doivent, en principe, être tous entendus. Il en est particulièrement ainsi des témoins à décharge, qui ne sauraient être écartés au seul motif qu'ils se trouvent être des amis du prévenu ; dans ce cas le tribunal peut seulement se déclarer non convaincu par leurs déclarations.
Cf. Témoignage*, Témoin*.
Cass.crim.
4 mars 2014, n° 13-81135 : Selon l'art. 6 §3 Conv. EDH,
tout prévenu a le droit de faire entendre les témoins à décharge
; et selon l'art. 537 C.pr.pén., les procès-verbaux dressés par
les officiers et agents de police judiciaire font foi jusqu'à
preuve contraire des contraventions qu'ils constatent ; la
preuve contraire ne peut être rapportée que par écrit ou par
témoins ;
Convoqué à l'audience de la juridiction de proximité de Paris du
22 janvier 2013 pour répondre d'usage de téléphone tenu en main
par le conducteur d'un véhicule en circulation, M. X... a fait
citer un témoin par acte d'huissier du 14 janvier 2013 ; pour
rejeter la demande d'audition ainsi formée, la juridiction de
proximité énonce que " la déclaration d'un éventuel
témoin passager et ami du prévenu sera rejetée étant entendu le
lien qui lie le conducteur à son passager " ;
Mais en se déterminant ainsi, alors que la preuve contraire aux
énonciations des procès-verbaux dressés en matière
contraventionnelle ne peut être rapportée que par écrit ou par
témoins, la juridiction de proximité n'a pas justifié sa
décision.
- Audition d'une personne mise en cause (visée dans une plainte avec constitution de partie civile). - Voir : Mis en cause*.
- Audition d'une personne suspecte, mais non placée en garde à vue. La loi n° 2014-535 du 27 mai 2014 précise les conditions d'audition de cette personne. - Voir : Suspect*.
AUDITOIRE
Cf. Audience*, Prétoire*, Public (assistant à une audience)*,
Dans son sens premier, l'auditoire est le lieu où un tribunal tient ses audiences.
Desmaze (Les pénalités anciennes). 26 avril 1673, Parlement de Paris : le procureur général ayant remontré que les juges des seigneurs hauts justiciers, n'ayant point d'auditoire, rendaient la justice sous le porche des Églises, dans les cimetières, quelques uns même dans les cabarets, ordonne que les seigneurs hauts justiciers seront tenus de donner un auditoire, dans six mois pour tout délai, à leurs officiers, auxquels la Cour fait défense de rendre la justice sous les porches, à peine d'interdiction de leurs charges.
Code d'instruction criminelle de 1808. Art. 577 : Le président fera retirer l'accusé de l’auditoire.
Cass.crim. 17 décembre 1997 (Gaz.Pal. 1998 I Chr.crim. 61) : Tous les témoins présents ont été successivement appelés et introduits à tour de rôle dans l'auditoire.
Warée (Curiosités judiciaires) : A. Lemaître se trouvant à la campagne, résolut de s'amuser, à l'auditoire du bailli du lieu, qui était un paysan renforcé ; il se chargea de plaider la cause d'un habitant, et se mit à plaider en latin. Le juge le laissa parler tant qu'il voulut ; ensuite il fit fermer la porte de son auditoire, et prononça gravement ces mots : "Condamnons l'avocat de ... à payer sur-le-champ l'amende d'un louis d'or pour avoir parlé devant nous une langue que nous n'entendons point".
Dans un sens dérivé, ce terme vise l'ensemble des personnes qui assistent à une audience tenue par un tribunal.
Proal (Le crime et la peine) : Ceux qui ont l'habitude des débats de la cour d'assises ont remarqué que souvent l'auditoire, après avoir éprouvé à la lecture de l'acte d'accusation une grande indignation contre le crime, finit, lorsqu'il connaît par les débats les antécédents de l'accusé, par ressentir pour lui un sentiment de pitié et désirer une condamnation très atténuée.
Vidocq (Mémoires) : Un auditoire assez nombreux manifestait sa gaîté par de gros éclats de rire.
AUTEUR (d’une infraction)
Cf. Coauteur *, Concert frauduleux*, Complice*, Fauteur (de trouble)*, Homme de paille*, Hypnose*, Imputation*, Instigation - instigateur*, Meneur*, Moteur*, Ordre (donneur d')*, Participation criminelle*, Préposé*, Prête-nom*, Provocation à commettre un délit*, Qualité de l'auteur*, Se livrer à la justice*, Tiers de bonne foi*., X... (Poursuites contre)*.
- Notion générale. L’auteur d’une infraction est la personne qui, selon la loi, doit en être considérée comme pénalement responsable. Il peut s’agir d’un auteur principal (doctrine subjective), d’un auteur matériel (doctrine objective), ou d’un auteur légal (pour les infractions de police). Rappr. Complice*.
Puech (Droit pénal général) : Est auteur d’une infraction celui dont le comportement matériel et psychologique correspond trait pour trait à la description légale de l’infraction.
Laget-Valdeson (Théorie du Code Espagnol de 1850, éd. 1860) : D'après le Code espagnol, on peut être auteur, ou du moins considéré comme tel, soit que l'on ait pris une part immédiate à l'exécution du fait criminel, soit que l'on ait obligé ou incité directement un tiers à le commettre, soit enfin que l'on ait participé à sa perpétration par un acte sans lequel elle n'eût pas eu lieu.
- Auteur principal (ou moral). L’auteur principal est la personne qui a personnellement conçu et fait commettre une infraction par un participant. Dans la conception subjective, où la primauté est donnée à l’élément moral de l’infraction, il est considéré comme le premier responsable. Voir : Instigation (instigateur)*, Meneur*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° II-202, p.324 / n° II-203, p.324
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-II-I-303, p.183
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine », n° 52, p.52 / n° I-253, p.158 / n° I-304, p.165, p.ex.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », n° 6, p.10 et s. / n° 104, p.40 / n° 113, p.56 / n° 211, p.93 / n° 220, p.107 / n° 305, p.131 / n° 308, p.136 / n° 321 2°, p.164 / n° 338, p.209 et s. / n° 342, p.224 / n° 347, p.229 / n° 416, p.259 / n° 442, p.297 / n° 453, p.307 / n°507, p.329
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° 27, p.27 / n° II-I-123, p.363
Voir : Code Annamite de Gia Long, La préméditation collective ou individuelle en matière de meurtre
Boniface VIII (Décrétale) : C'est la même chose de faire faire par un autre que de faire soi-même.
Pufendorf (Le droit de la nature) : La raison veut que
l'on punisse surtout ceux qui sont les principaux auteurs du crime.
Cela a lieu toutes les fois qu'un Supérieur commande à ceux sur
qui il a autorité, d'exécuter simplement une certaine action ;
les menaçant de quelque grand mal qu'il a le pouvoir de leur
faire souffrir, s'ils refusent d'obéir. Ainsi, lorsqu'un
Ambassadeur parle selon les ordres qu'il a reçus de son Maître ;
s'il y a du mal dans ce qu'il dit, ce n'est point sa faute : il
faut s'en prendre à celui au nom duquel il parle ; car un
Ambassadeur ne peut que s'acquitter de sa commission.
Pothier (Pandectes) : Celui qui commande de faire du dommage à quelqu'un est censé le faire lui-même.
Morin (Répertoire de droit criminel, v° Coauteur) : On devrait réputer auteur principal, et punir comme tel, celui qui ordonne un crime et le fait exécuter par un agent quelconque ; car il en est la cause prochaine… c’est la tête qui fait agir le bras ou l’instrument.
Carrara (Cours
de droit criminel) : La philosophie, qui a pour objet
des êtres purement idéologiques, peut voir un auteur
psychologique dans celui qui a formé l'idée et a su en former un
dessein complet... Mais la science pénale, qui n'a pour objet
que des actes extérieurs, et qui ne s'occupe des pensées que
pour trouver la cause des actes, ne peut assimiler l'auteur
d'une idée à l'auteur d'un fait...
L'auteur principal du délit est
celui qui a exécuté l'acte de consommation de l'infraction. Ceux
qui ont pris part aux actes de consommation sont co-auteurs,
mais ils sont tous des auteurs principaux.
Code annamite de Gia Long (art. 247, commentaire officiel) : Émettre le premier l'idée de commettre un vol ; faire un plan pour aller le commettre ; assigner à chacun son rôle dans l'action et les moyens à employer, c'est ce qu'on appelle être l'auteur de l'idée. être d'accord avec les autres pour voler, discuter ensemble le plan pour aller commettre le vol, comparer et apprécier les différents moyens proposés pour l'accomplir, et arrêter le plan en commun, c'est ce qu'on appelle participer au complot.
Cass.crim. 4 décembre 1974 (Gaz.Pal.1975 I somm. 94) : L’employeur qui donne l’ordre de commettre une infraction réalisée matériellement par son préposé, simple agent d’exécution, est un auteur principal.
Cass.crim. 9 février 2005 (Bull.crim. n° 48 p.154) : Le président du conseil général, qui a fait signer par un chef de service de cet organisme un marché attribué à une entreprise gérée par ses enfants, doit être considéré comme ayant conservé la surveillance de l’opération, nonobstant la délégation de signature qu’il a donnée.
Caen 22 octobre 1992 (Gaz.Pal. 1993 II 388) : Il est amplement démontré en l’espèce, par un échange suivi de correspondance entre le notaire associé, et l’huissier associé, que le premier a donné au second l’instruction de procéder à la notification et qu’il en a personnellement contrôlé le contenu, de sorte qu’il en est l’auteur intellectuel.
Cass.crim. 15 mai 1987 (Gaz.Pal. 1987 I 665) : Le demandeur ne peut reprocher à la Cour d’appel d’avoir retenu sa complicité dans les actes de violences commis par des grévistes à l’encontre de travailleurs non grévistes dès lors qu’elle constate que ce prévenu et deux autres responsables syndicaux s’étaient réparti la surveillance des ateliers envahis par les commandos de militants à la tête desquels ils se trouvaient, leur intimant l’ordre d’agir, contrôlant et dirigeant l’ensemble des exactions commises, énonciations qui mettent en évidence le rôle primordial joué, notamment, par l’intéressé, en pleine connaissance de cause, dans le déchaînement de la violence et qui caractérisent, à sa charge, l’existence de tous les éléments constitutifs de la complicité par provocation, instructions et abus d’autorité.
Cass.crim. 5 octobre 2004 (Bull.crim. n°234 p.841) : Ne peut être puni comme l’auteur principal de l’infraction d’immersion irrégulière en mer … que le capitaine du navire à partir duquel a été effectuée l’opération.
Exemple (Télétexte du 4 février 2006) : Une femme a été condamnée hier à Lyon à la réclusion criminelle à perpétuité pour avoir organisé, depuis sa prison, une tentative d’assassinat contre son mari. Sa fille, qui avait mis en œuvre le plan maternel, a été condamnée à 4 ans de prison ferme.
- Auteur matériel. L’auteur matériel est la personne qui accomplit l’élément matériel de l’infraction, donc
l’acte qui porte directement atteinte à l’intérêt protégé par l’incrimination légale. Entre les divers participants à un homicide, est l’auteur matériel
celui qui tient le poignard.
- Est également auteur matériel celui qui fait accomplir l’acte dommageable par une personne qui n’en est pas consciente, ou qui use de sa force
physique pour contraindre un innocent à accomplir cet acte à sa place (non agit, sed agitur).
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° II-102, p.290
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-II-107 p.133, n° I-II-I-1 p.157, n° I-II-I-303 p.183
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la personne humaine », n° 48 p.48, n° I-237 p.136, n° I-415 p.211, n° I-419 p.214, n° I-425 p.218, p.ex.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° II-14 p.298, n° II-II-123 p.475, n° II-II-213 p.503
Pruner (Théologie morale) : Si la violence que subit une personne est absolue, et si la malheureuse ne joue qu’un rôle passif dans tout ce qui se fait, l’acte qu’elle exerce n’est pas le sien, mais celui de la personne qui la violente.
Chauveau Hélie (Théorie du Code pénal) : Nous pensons que la même responsabilité doit peser sur le provocateur et l’auteur matériel : si l’un a exécuté le crime, l’autre l’a conçu, l’a médité, a eu la résolution criminelle.
Cass.crim. 19 janvier 1894 (Bull.crim. n°17 p.26) : L’auteur d’un délit est celui qui a matériellement exécuté les actes constitutifs de ce délit.
Cons. d'État 15 février 1989 (Gaz.Pal. 1989 II somm.439) : L’exploitant d’un fonds de commerce d’hôtel installé dans l’immeuble d’où ont été jetés des immondices et détritus sur le talus d’une voie ferrée, doit être regardé comme l’auteur matériel des dommages causés au domaine public ferroviaire. L’intéressé doit être condamné à payer à la SNCF le montant des frais de nettoiement.
- Auteur indirect ou auteur médiat. Cette catégorie s’observe en matière de délit d’imprudence. Est auteur médiat celui qui crée les conditions d’un accident, mais qui ne le cause pas lui-même.
Pour un exemple, voir le Cas pratique n° 70.
Puech (Droit pénal général) : On désigne par l’expression « auteur médiat » l’individu qui n’a pas réalisé lui-même l’acte matériel constitutif de l’infraction, mais qui, par son indiscipline antérieure à l’acte, a permis la réalisation de l’infraction.
Cass.crim. 19 octobre 2004 (Bull.crim. n°247 p.920) : Est un auteur indirect, au sens de l’art.121-3 al.4 C.pén., le directeur technique d’une entreprise, titulaire d’une délégation de pouvoirs, qui, connaissant l’importance des risques générés par cette installation classée … ne prend pas les dispositions utiles pour éviter un rejet de substances polluantes.
- Auteur légal. L’auteur légal est la personne à laquelle une infraction est imputée par l’effet d’une loi spéciale. Ainsi les lois de police désignent fréquemment le chef d’une entreprise comme techniquement responsable des infractions commises à l’occasion du fonctionnement de celle-ci. Voir aussi : Responsabilité (responsabilité pénale du fait d'autrui)*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° II-107, p.295
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-II-I-316 p.198
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la personne humaine », n° I-122 p.120
Cass.crim. 7 mai 1870 (D.1870 I 439) : S’il est de principe que nul n’est passible de peines qu’à raison de son fait personnel, et ne saurait être puni pour autrui, la responsabilité pénale peut cependant naître du fait d’autrui dans certains cas d’exception où certaines obligations légales peuvent engendrer le devoir d’exercer une action directe sur les faits d’autrui.
Cass.crim. 8 juillet 1986 (Bull.crim. n°233 p.596) : Le directeur de publication d’un journal, dont le devoir est de surveiller et de vérifier tout ce qui y est inséré, est de droit responsable en cette qualité comme auteur principal de tout article publié par le voie de ce journal.
Cass.crim. 22 janvier 1969 (Bull.crim. n°43 p.98) : Chargé d’assurer la stricte observation des prescriptions du Code des débits de boissons, l’exploitant est appelé à répondre pénalement des infractions audit Code commises dans le débit qu’il exploite; il lui appartient en conséquence, lorsqu’il acquiert la qualité d’exploitant, de se renseigner sur l’étendue de ses obligations légales.