DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL
- Professeur Jean-Paul DOUCET -
Lettre L
(Sixième partie)
LOI
Cf. Abolition*, Abrogation de la loi*, Amendements*, Application de la loi dans l’espace*, Application de la loi dans le temps*, Arrêt de règlement*, Arrêté*, Bien commun*, Circulaire*, Code*, Codes répressifs*, Codification*, Constitution*, Coutume*, Décret*, Désuétude*, Doctrine*, Droit (naturel – positif)*, Erratum*, Exécution des lois*, Gortyne*, Interprétation de la loi*, Jurisprudence*, Légalité*, Législateur*, Légistique*, Lex imperfecta*, Normes*, Ordre de la loi*, Personnalité de la loi*, Pouvoir politique -Pouvoir législatif*, Préambule*, Principes généraux du droit*, Ratio legis*, Règlement*, Rétroactivité*, Sources du droit*, Techniques juridiques*, Territorialité de la loi*, Travaux préparatoires*, Usages*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° 101 et s., p.53 et s.
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-I-100, p.21 / n° I-II-100, p.161 / n° I-III-I-100, p.259
Voir : La jurisprudence est-elle une source du droit ?
Voir : J-P. Doucet, L'entrée en vigueur d'une nouvelle loi d'incrimination
Voir : Cicéron et la loi naturelle (extraits du "Traité des lois")
Voir : Thomas d’Aquin, Les différentes sortes de lois
Voir : T. Hobbes, Des lois et des offenses
Voir : Domat, Les deux principes fondamentaux des lois
Voir : J. Tissot, Droit naturel et droit criminel
Voir : B.-D. de la Soujeole, Les limites théologiques de la création du droit positif
Voir : G. Levasseur; Les conflits de lois dans l'espace
- Notion. En première
analyse, la loi consiste en une règle de droit visant à
organiser la vie sociale, familiale ou privée, des êtres humains
sous menace de sanction. Cette sanction peut être pénale,
disciplinaire ou civile, à la limite n'intervenir même que dans
l'au-delà.
De nos jours on s'attache surtout à la loi écrite, mais il ne
faut pas sous-estimer l'importance des lois non-écrites dont le
modèle est la Coutume*.
On distingue par ailleurs la Loi divine*, la Loi naturelle* et la Loi
humaine*.
Bautain (Philosophie des lois) : Il y a deux sortes de lois humaines ; les lois qui sont écrites et celles qui ne le sont pas. Les lois non écrites sont dans les mœurs, dans les usages, dans les habitudes. C'est la manière de vivre d'un peuple organisé, et l'on ne conçoit pas un peuple sans une certaine organisation. Alors, par l'expérience de la vie, par la force des choses, par les circonstances où une nation se trouve placée, il se forme nécessairement certaines manières d'agir publiques ou privées, qui deviennent des règles observées parce qu'elles sont traditionnelles, parce qu'elles existent depuis un temps immémorial.
Planiol (Traité de droit civil, T.I) : La loi peut être définie : une règle sociale obligatoire, établie en permanence par l'autorité publique, et sanctionnée par la force.
Leclercq (Leçons de droit naturel - T.I) : Le mot lois est souvent employé comme équivalent de droit ; dans ce sens on dira indifféremment : le droit ou les lois. Il semble pourtant préférable de se servir seulement, pour l'objet qui nous occupe, du mot droit, parce que le mot loi a dans le sens courant un sens tout à la fois plus large et plus restreint, et prête à confusions.
La loi écrite, abstraite, générale et impersonnelle, est ordinairement édictée par le Parlement et promulguée par le Chef de l'État ; tel est le cas en France.
Cumberland (Traité des lois naturelles) : Toute loi n’est autre chose qu’une proposition pratique, édictée et publiée par une autorité légitime, et accompagnée de punitions et de récompenses.
Fouillée (Liberté et déterminisme) : L'universalité de la loi est une catégorie rationnelle, à laquelle on n'arrive qu'après des abstractions successives.
Rossi (Traité de droit pénal) : Qu'est une loi positive écrite ? Une formule, une sorte d'expression algébrique, une mesure tirée de la taille moyenne d'un certain nombre de cas particuliers ; en un mot, un lit de Procuste. Cela n'est ni ne peut être autrement, à moins que l'on ne renonce à se donner des lois et qu'on ne s'expose à tous les caprices d'un pouvoir arbitraire. Dès qu'on veut établir une règle de droit, il faut sortir, par la généralisation, du chaos des faits individuels, et donner à l'esprit humain, dans les lois, le même secours qu'on donne dans les sciences... Les préceptes abondent, mais les lois bien rédigées sont en fort petit nombre.
Blackstone (Commentaires sur les lois anglaises) : La loi humaine est une règle de conduite sociale, ordonnée par la puissance suprême dans un État.
Demolombe (Cours de Code Napoléon) : La loi véritable et proprement dite, la loi qui fait l'objet de nos études comme jurisconsultes, est une règle sanctionnée par la puissance publique, une règle civilement et juridiquement obligatoire... La suprême mission du législateur est de concilier le respect dû à la liberté individuelle des citoyens avec le bon ordre et l'harmonie morale de la société.
Un vote du Parlement donnant officiellement l'opinion des députés et sénateurs sur tel point de doctrine religieuse, philosophique ou historique ne s'analyse pas en une loi.
Conseil constitutionnel 28 février 2012 n° 2012-647 DC (Gaz.Pal. 29 mars 2012) : Une disposition législative ayant pour objet de « reconnaître » un crime de génocide ne saurait, en elle-même, être revêtue de la portée normative qui s'attache à la loi.
Voici un texte qui usurpait le nom de loi, car il ne posait pas une règle de droit (il constituait en outre un excès de pouvoir) : Décret du 18 floréal an II : Le peuple français reconnaît l’existence de l’Être suprême et l’immortalité de l’âme.
Il peut exister des lois, posant bien une règle de droit, mais que le législateur n'a pas assorties d'une sanction spécifique. Une telle loi a conservé son nom latin de "lex imperfecta". Elle peut produire des effets si elle conforte une autre disposition législative.
- Caractères de la loi. Si l'on veut dépasser une définition purement
formelle, il faut préciser que
la loi suppose, en son essence, d'être une règle stable, édictée par la raison en considération
des impératifs de la nature de l'espèce humaine en général, de la
dignité de tout être humain pris en particulier, et dans le but
d'assurer le Bien commun de la société.
D'un point de vue technique, la loi doit émaner de l'autorité compétente,
avoir été prise dans les formes constitutionnelles,
puis promulguée par le chef de l'État, et enfin publiée afin que
nul n'en ignore.
Aristote (La politique) : Exiger le règne de la loi, c’est, semble-t-il, exiger que Dieu et la raison règnent seuls.
Thomas d’Aquin (Somme théologique) : La loi n’est pas autre chose qu’une prescription de la raison, édictée en vue du bien commun, et promulguée par l’autorité qui est en charge de la société... Voici le premier précepte de la loi naturelle : il faut faire le bien et éviter le mal... L'ordre des préceptes de la loi naturelle suivra l'ordre des inclinations de la nature.
Suárez (Des lois et du Dieu législateur) : La loi est un précepte général, juste et stable, promulguée comme il convient.
Alland et Rials (Dictionnaire de la culture juridique). V° Loi, par Saint-Bonnet : Dans la littérature juridique, la loi n'est pas dissociable du concept d'ordre. Faire la loi, c'est ordonner.
M.-P. Deswarte (La loi naturelle et le concept de loi selon la République en France, in Loi naturelle et loi civile) : La loi, qu'elle soit naturelle ou positive, est acte de raison... Elle est ordonnée rationnellement au bien commun.
Denisart (Collection de jurisprudence, 1768) : Les lois ne nous imposent un joug apparent, que pour conserver notre liberté réelle.
Proal (La criminalité politique) Chap. IX, La corruption des lois : Le but de la loi devrait être la protection de la liberté et de la propriété de tous les citoyens. Mais la politique a toujours fait édicter des lois dans l'intérêt de ceux qui avaient le pouvoir. Quand le pouvoir appartient à une aristocratie, les lois sont faites dans l'intérêt de cette aristocratie ; quand il est exercé par la démocratie, les lois sont faites dans son intérêt [ qui est trop souvent de nos jours l'intérêt de groupes de pression ].
Carrara (Cours de droit criminel - éd. française) : Les lois pénales ne peuvent pas être considérées comme simplement relatives : dans leurs principes fondamentaux, elles sont absolues.
Ahrens (Cours de droit naturel) : La loi sociale n’est pas une abstraction ; elle n’existe que pour l’homme, pour l’accomplissement des fins de l’humanité.
En principe, contrairement à une décision qui est rendue par une juridiction répressive, une loi est générale, abstraite et impersonnelle.
Voir : Décret du 26 frimaire an II (16 décembre 1793), sur la prévarication de fonctionnaires publics
Rommen (Le droit naturel) : Il est de l'essence de la loi d'être générale.
Pufendorf (Le droit de la nature) : Les lois règlent en général de quelle manière chaque crime doit être puni, sans considérer les circonstances particulières et extraordinaires de temps, de personnes, de la situation des affaires d'État.
Le Poittevin (L'individualisation de la peine) : La loi, qui statue in abstracto, ne peut par définition même individualiser la sanction.
Carbonnier (Droit civil) : Parce qu'elle est abstraite, la loi est impersonnelle. Et cette impersonnalité de la loi est une garantie contre l'arbitraire.
On admet qu'il existe une présomption de légitimité de la loi adoptée et édictée dans les formes légales, en sorte que les personnes qu'elle concerne ont a priori le devoir de s'y conformer dans un premier temps, quitte à la contester ultérieurement selon les procédures adéquates.
Bruguès (Dictionnaire de morale catholique ) (2e éd.) v° Légalité/légitimité : L’harmonie de la vie communautaire exige que soit reconnu un préjugé favorable de légitimité morale de la prescription légale. Le principe est d’obéir à la loi positive.
- Distinction des lois de fond et des lois de forme
Loi de fond. On range principalement dans les « lois de fond » les lois qui définissent les incriminations, les lois qui fixent les règles d’imputation et les lois qui déterminent les sanctions. Mais cette catégorie nous semble comprendre aussi les lois relatives à l’exercice des actions en justice et les lois concernant le régime des preuves. Ces lois obéissent strictement au principe de la non-rétroactivité de la loi pénale.
Morin (Répertoire de droit criminel) : Lois criminelles - Le caractère propre des lois pénales est d'ordonner ce qui est bien, et de défendre ce qui est mal, avec la menace d'une peine [selon la science criminelle].
Stéfani, Levasseur et Bouloc (Droit pénal général) : Les lois de fond sont celles qui déterminent les actes qui tombent sous le coup de la loi pénale et qui fixent les conditions dans lesquelles ces actes peuvent être punis des peines qu’elles édictent.
Versailles (1re Ch.) 1er décembre 1989 (Gaz.Pal. 1990 II somm. 443) : Une loi qui établit un délai de prescription ou un délai de forclusion constitue une loi de fond, et non pas une loi de procédure, et ne peut dès lors, en principe, avoir d’effet rétroactif et s’appliquer aux instances déjà engagées au jour de sa publication.
Loi de forme. Raisonnant a contrario, on nomme habituellement « lois de forme » les lois qui ne sont pas des lois de fond. Cette catégorie revêt de ce fait un caractère hétérogène. Observons simplement qu’une loi de forme est ordinairement d’application immédiate.
Stéfani, Levasseur et Bouloc (Droit pénal général) : A la différence des lois de fond, les lois qui ne modifient ni les caractéristiques de l’infraction, ni la responsabilité de l’auteur, ni la fixation de la peine, mais qui sont relatives à la constatation et à la poursuite des infractions, à la compétence et à la procédure sont considérées comme lois de forme.
Trib.corr., Paris 3 décembre 1979 (Gaz.Pal. 1980 I 68) : Il est de jurisprudence constante, approuvée par la doctrine, que les lois pénales modifiant la procédure sont des lois de forme applicables immédiatement, même à des faits réalisés avant leur promulgation et ce, tant qu’il n’y a pas de décision au fond.
- Protection de la loi. La loi, qui fixe les règles de vie en société, constitue un intérêt juridique majeur dont le législateur doit assurer la protection.
La violation d’une loi civile est sanctionnée par la nullité de l’acte irrégulier.
Voir : Le contrat d’assassinat.
Malaurie (Droit civil, les obligations) : La violation d’une règle intéressant l’ordre public a pour conséquence la nullité du contrat.
Cass. (1e civ.) 9 novembre 1993 (Gaz.Pal. 1994 Panor. 58) : L’union matrimoniale, célébrée au mépris de la loi française, ne peut produire aucun effet en France.
La violation d’une loi pénale est réprimée par les sanctions dont cette disposition est assortie.
Code pénal du Brésil. Art 121 [protégeant la vie]. Tuer quelqu’un : Peine de réclusion de six à vingt ans.
Cass.crim. 29 janvier 1980 (Bull.crim. n° 39 p.90) : En ne respectant pas la signalisation régulièrement établie en application de l’art. R 44 al. 1er C. route, le prévenu a enfreint la prescription du 4e alinéa du même article et a ainsi encouru les peines prévues par l'art. R 232-2° du même Code.
De plus, le Code pénal contient une disposition spécifique : son art. 432-1 sanctionne tout dépositaire de l’autorité, agissant dans l’exercice de ses fonctions, qui prend des mesures destinées à faire échec à l’application de la loi. Rapprocher : Séparation des pouvoirs*.
Vitu (Juris-classeur pénal, art. 432-1) : Les agissements incriminés constituent une véritable rébellion contre l’autorité centrale, qui peut être génératrice, si elle fait tache d’huile auprès d’autres dépositaires de l’autorité publique, d’une véritable destruction de la puissance publique.
LOI CIVILE
Cf. Loi divine*, Loi humaine*, Loi morale*, Loi naturelle*.
L'appellation « loi civile » (plus souvent « lois civiles ») est employée dans deux cas :
- d'une part pour désigner les lois, édits, ordonnances ou règlements émanant des pouvoirs publics, par opposition aux « lois divines » ou aux « lois naturelles » ;
Pufendorf « Les lois de la nature » : Les lois Civiles sont celles qui ont uniquement pour principe la volonté du Souverain ; elles roulent sur des choses qui se rapportent au bien particulier de l'État, quoique d'ailleurs indifférentes par le Droit Naturel et par le Droit Divin, dont elles sont comme des suppléments.
- d'autre part pour opposer les lois de droit commun, prescrites à peine de nullité ou de dommages-intérêts, aux lois pénales, assorties de sanctions telles que l'emprisonnent ou l'amende.
Hobbes « Le citoyen » : La loi civile a deux parties... La partie distributive édictée afin que personne ne puisse prétendre ignorer ce qu'il lui est licite ou illicite de faire ou d'omettre. La partie vindicative touche le droit criminel et définit les peines dues à ceux qui transgressent les lois.
Planiol (Traité de droit civil) : La sanction de la loi... est souvent répressive : telles sont l'amende, la prison, les peines de toute nature appliquées aux malfaiteurs ; et dans l'ordre civil, la nullité des contrats contraires aux lois, les dommages-intérêts destinés à réparer le dommage causé par un acte illicite.
Devant les tribunaux répressifs disons, sans entrer dans le détail, que la loi pénale sert de fondement à l'action publique, tandis que la loi civile est mise en œuvre par l'action civile.
LOI D'EXCEPTION
Cf. Défense nationale*, Loi martiale*.
- Notion.
Dans un sens favorable, la loi d'exception est une règle de droit adoptée pour faire face à des circonstances exceptionnelle
dans l'intérêt général.
Dans
un sens péjoratif, cette expression désigne une règle posée, soit dans l'intérêt personnel des dirigeants
de l'État, soit pour faire triompher la doctrine politique de
leur parti au mépris des vœux de la Nation.
Larousse encyclopédique : Loi d'exception, loi qui consacre une dérogation momentanée à la loi constitutionnelle ou même une dérogation permanente aux principes sur lequel repose le régime.
Lombroso (Le crime politique) : Sous Arcadius et Honorius, à la peine de mort on ajoutait la confiscation des biens, les émancipation... Cette loi d'exception donnait aux femmes, aux affranchis et aux esclaves le droit de se faire accusateurs dans les crimes de lèse-majesté.
Bourg Saint-Edme (Dictionnaire de la pénalité) : Les malheurs et les réactions de 1815 amenèrent des lois transitoires, des lois d'exception. ou de suspension des règles ordinaires de la justice. Ces lois, ces mesures donnèrent cent onze condamnés à la déportation. La maison du Mont-Saint-Michel fut affectée au séjour provisoire des déportés.
- Science criminelle. De manière générale la doctrine condamne les lois d'exception. Elle ne les admet que lorsque des événements tout à fait extra-ordinaires imposent d'édicter temporairement une règle contraire aux principes, ce en vue d'assurer à l'évidence le Bien commun*.
Cicéron « Traité des lois » : Qu'on ne propose pas de lois d'exception, qu'on ne porte point d'accusation capitale contre un citoyen, sinon dans un grand comice comprenant ceux que les censeurs auront mis au nombre des citoyens.
Proal (La criminalité politique) : Les lois d'exception, les mesures dites de salut public, la délation sont encore des instruments de gouvernement.
Carrara (Cours de droit criminel) : La civilisation actuelle ne tolère plus le mot exception en droit pénal. Exception signifie déviation absolue des règles de la justice ; or, une pareille idée ne peut être rendue acceptable par aucun argument d'utilité prétendue, de vues politiques, ou de haine spéciale pour certains délits. Ce qui est juste doit être observé dans les petites fautes comme dans les grandes.
Bluntschli (Droit public général) : Les privilèges sont toujours des lois d'exception.
Garraud, (L'anarchie et la répression) : Le rapporteur du Sénat affirmait que les lois visant les menées anarchistes n'étaient pas dérogatoires au droit commun, mais plutôt complémentaires du droit commun. C'est toujours ainsi qu'on présente les lois d'exception.
Proal (La criminalité politique) : L'aristocrate, voilà l'ennemi ; le libéral, voilà l'ennemi ; le clérical, c'est l'ennemi ! On fait des émeutes ou des lois d'exception contre " l'ennemi ", on le combat a coups de décrets ou à coups de fusil... Souvent, c'est en agitant le spectre d'un complot ou de tout autre danger imaginaire, que les partis politiques font voter des lois d'exception. Ils comptent sur la peur pour les faire voter. Ne cherchez pas toujours dans l'Exposé des motifs des projets de loi le véritable motif de la loi, souvent vous ne le trouverez pas ; les motifs apparents ne sont pas toujours les vrais motifs.
LOI DIVINE
Cf. Jugement dans l'au-delà*, Loi*, Loi humaine*, Loi morale*, Loi
naturelle*, Loi positive*,
Péché*.
Atlas*,
Égérie*, Hammourabi*, Manou*,
Moïse*.
Voir : Décalogue et les Dix commandements
Voir : Thomas d’Aquin, Les différentes sortes de lois
Voir : Fustel de Coulanges, De la loi divine à la loi humaine
- Notion. La loi
purement divine est réputée parfaite, éternelle et inviolable ;
elle prescrit les règles immuables qui doivent régir les
rapports des hommes envers leur Créateur, et les principes qui
fixent les rapports des hommes entre eux.
Le Code dit d’Hamourabi lui aurait été dicté par le Dieu Marduk ; le Code israélite
aurait été remis par Yahvé à Moïse ; la Charia aurait été inspirée par
Allah à Mahomet. De même Numa Pompilius, l’un des rois mythiques
de Rome, se rendait, dit-on, au bord d’une fontaine prendre
conseil de la Nymphe Égérie avant d’édicter une loi.
Semblablement, les décrets de l’Empereur de Chine, considéré
comme le « Fils du Ciel » lui auraient été inspirés par les divinités célestes.
Le Bon (Psychologie du socialisme) : Les religions ont donné un idéal capable de séduire et de soulever les âmes.
Xénophon (Les Mémorables) : Connais-tu, Hippias, reprit Socrate, des lois qui ne sont pas écrites ? — Oui, celles qui sont les mêmes dans tous les pays et qui ont le même objet. — Pourrais-tu dire que ce sont les hommes qui les ont établies ? — Comment cela serait-il, puisqu’ils n’ont pu se réunir tous et qu’ils ne parlent pas la même langue ? — Qui donc, à ton avis, a établi ces lois ? — Moi, je crois que ce sont les dieux qui les ont inspirées aux hommes ; car chez tous les hommes la première loi est de respecter les dieux.
Platon « Traité des lois ». À la question : « Est-ce à un Dieu ou à un homme que vous rapportez l’institution de vos lois ? », Clinias répond : « A un Dieu ! Chez nous c’est Zeus ; à Lacédémone, c’est Apollon ».
Tocqueville (De la démocratie en Amérique) : Les législateurs du Connecticut, en 1650, s'occupent d'abord des lois pénales ; et, pour les composer, ils conçoivent l'étrange idée de puiser dans les textes sacrés : « Quiconque adorera un autre Dieu que le Seigneur, disent-ils en commençant, sera mis à mort » ... Le blasphème, la sorcellerie, l'adultère, le viol sont punis de mort ; l'outrage fait par un fils à ses parents est frappé de la même peine. On transportait ainsi la législation d'un peuple rude, à demi civilisés, au sein d'une société dont l'esprit était éclairé et les mœurs douces.
Code pénal de Mauritanie (1983) Art. 306. ... Tout musulman coupable du crime d'apostasie, soit par parole, soit par action de façon apparente ou évidente, sera invité à se repentir dans un délai de trois jours... S'il ne se repent pas dans ce délai, il est condamné à mort en tant qu'apostat, et ses biens seront confisqués au profit du Trésor...
- Adaptation de la loi divine.
De nos jours on considère généralement que la loi divine peut,
et même doit,
être adaptée par le Législateur pour la mettre en harmonie avec
les avancées de la philosophie morale, et les lents progrès de l'humanité.
D'après ses auteurs, la Déclaration des droits de l'homme et du
citoyen de 1789 aurait été rédigée
« sous les auspices de l'Être suprême
», mais elle doit être interprétée
en fonction des conditions de temps et de lieu.
Le Coran fait exception à cette règle très générale : les
musulmans considèrent que la parole d'Allah doit être prise à la
lettre et ne peut être adaptée aux nouvelles conditions de vie
des êtres humains.
Marty et Raynaud (Droit civil, T.I) : Le droit canonique de l'Islam, après s'être développé durant les premiers siècles par l'effort de l'interprétation, qui a conduit à constituer les divers rites... s'est figé lorsque la porte de l'interprétation a été fermée. [on peut observer qu'une religion ayant une base écrite, dominée par les idées de son temps, a beaucoup de mal à progresser et à prendre en compte les avancées de l'humanité]
Vittrant (Théologie morale) : La Loi divine positive est celle qui nous est imposée par une révélation surnaturelle. En cette matière la révélation a eu un double but : faciliter à l’homme la connaissance de la loi naturelle et lui imposer, en plus, certains préceptes en relation avec sa fin surnaturelle.
P. Evdokimov (Une vision orthodoxe de la théologie morale) : Si la Loi élève vers l'amour de Dieu et du prochain, elle n'est pas suffisante et ne donne pas le pouvoir de l'accomplir ; elle précise la norme et condamne toute défaillance, détermine le bien et le mal... Le positif de la Loi c'est l'interdiction du mal.
De Lanessan (La morale naturelle) : Les lois religieuses des divers peuples prescrivent le respect des enfants pour leurs parents, des jeunes gens pour les vieillards, des élèves pour leurs maîtres ; la fidélité à la parole donnée ; la véracité dans les témoignages ; le respect de la vie et de la propriété d'autrui, ainsi que celui de sa femme, de ses enfants et de ses serviteurs... Il existe une profonde différence entre les lois religieuses et les lois civiles. Les premières ont figé sous une forme à peu près immuable des idées morales du temps où elles furent établies, tandis que les secondes, en avouant leur origine humaine, se proclament modifiables.
LOI DU FOR - Voir : Lex fori*.
LOI DU PLUS FORT
Cf. Arbitraire*, Équité*, Loi*, Force*, Justice*, Légalité*, Légitimité*, Non-droit*.
Brocard soulignant que celui qui est en position de force n'a pas besoin de se prévaloir d'une loi pour imposer sa volonté (quia leo sum).
À cet égard on peut rappeler les deux premiers vers de la fable de La Fontaine, « Le loup et l'agneau » ;
La raison du plus fort est toujours la meilleure ;
Nous l'allons montrer tout à l'heure.
Proal (La criminalité politique) : Chez les anciens, la loi du plus fort était ouvertement proclamée. Lorsque, par exemple, les habitants de Mélos refusèrent d'obéir aux Athéniens, ceux-ci leur objectèrent qu'ils avaient le droit de leur commander, puisqu'ils étaient les plus forts.
Remacle (La loi salique) : On appliqua la loi du plus fort relativement aux compositions entre les Francs et les Romains. [l'amende pour injure due à un Franc était double de celle due à un Romain]
Laferrière (Histoire du droit français) : Pendant la première époque, la féodalité a agi par son principe exclusif : la loi du plus fort.
Cumberland (Traité de droit naturel) : Hobbes fonde le droit de commander sur la puissance, ou sur la "la loi du plus fort".
Janet (La morale) : Il y a pour l'humanité un double état, comme l'a dit Spinoza, un état de nature et un état de raison : dans le premier domine la loi du plus fort, dans le second la paix et l'union. La loi de l'humanité est de passer de l'un à l'autre, ce qui ne peut avoir lieu que dans le temps, c'est-à-dire progressivement.
De La Soujeole (La faute et la peine) : Les critères moraux des actes semblent se concentrer dans les idées d'utilité et d'efficacité. Mais la vérité et la justice, si elles sont réduites à de telles considérations, ne deviennent-elles pas aussi fluctuantes que le caprice des hommes ou aussi arbitraires que la loi du plus fort ?
Warée (Curiosités judiciaires) : Deux lois gouvernent le monde, disait un jour un avocat à Trudaine : "La loi du plus fort, et celle du plus fin".
Encyclopédie Microsoft Encarta : Dans les camps des chercheurs d'or, aux noms révélateurs comme « Le territoire de l’Enfer » ou « La cité des Pendus », les hommes vivaient dans des conditions sommaires, sous le règne de la loi du plus fort ; aussi, pour faire face au fort taux de criminalité, les camps miniers furent-ils progressivement réglementés.
À l'inverse on peut se demander si celui qui s'est trouvé soumis à la loi du plus fort ne peut pas invoquer le cas de force majeure pour se disculper d'une accusation portée contre lui.
Wallon (Histoire du
Tribunal révolutionnaire) : Le 24 juillet 1793 Boisbernier,
un ancien officier, comparaît devant le Tribunal révolutionnaire
sous l'accusation d'avoir porté la cocarde blanche pendant
l'occupation d'Angers par les Vendéens.
- Regardiez-vous comme loi les ordres des rebelles ?
- Comme la loi du fort, répond l'accusé.
Sur cette réponse il est envoyé à l'échafaud.
LOI ÉTRANGÈRE
- Notion. On entend par loi étrangère une disposition édictée par le pouvoir équivalent à notre législateur dans un pays différent du nôtre. En principe, surtout en matière pénale, une telle loi n’a pas d’autorité en France.
Holleaux, Foyer et de La Pradelle (Droit international privé, n° 552) : Le terme usuel de "loi" étrangère ne doit évidemment pas être pris à la lettre. La règle recherchée proviendra en général de sources aussi diverses, voir plus diverses ou entendues autrement, que chez nous : lois au sens strict d'acte d'un pouvoir législatif ; règles émanant d'autorités exécutives, professionnelles, religieuses ; jurisprudence ; coutume ; sources internationales aussi où le droit étranger puisera certaines de ses solutions.
Cass.crim. 27 juin 1973 (Gaz.Pal. 1973 II 775) : L’ordre d’une loi étrangère ne saurait présenter le caractère d’un fait justificatif lorsqu’un délit a été commis sur le territoire français.
- Preuve. Dans les cas exceptionnels où elle peut produire effet, c’est à la partie qui invoque une loi étrangère qu’il appartient de prouver son existence et son sens précis.
Batiffol (Droit international privé, 4e éd., n° 329) : La jurisprudence française est bien fixée sur ce que le plaideur dont la prétention est soumise à une loi étrangère doit établir la teneur de celle-ci, parce que le juge n'a pas le moyen de la connaître comme il connaît celle de la loi française.
Cass.crim. 12 novembre 1997 (Gaz.Pal. 1998 I Chr.crim. 34) : L’interprétation d’une loi étrangère est une question de fait qui échappe au contrôle de la Cour de Cassation.
- Délit commis à l’étranger et double incrimination. Lorsqu’un français viole une loi pénale étrangère dans le pays où elle est en vigueur, il ne peut être poursuivi en France que si le fait reproché constitue un délit tant au regard de cette loi qu’au regard de la loi française : art. 113-6 al.2 C.pén. (l’art. 113-6 al.1 précise que la loi française est applicable à tout crime commis par un français à l’étranger).
Huet et Koering-Joulin (Droit pénal international n° 137) : Qu'il s'agisse des crimes ou des délits, la première exigence est celle d'une incrimination ad hoc par la loi française... Lorsqu'il s'agit de délits une condition supplémentaire est exigée. C'est logique : moins l'infraction est grave, plus la compétence française est subsidiaire et cantonnée. L'art. 113-6 el.2 C.pén. impose une double incrimination -ou réciprocité d'incriminations- des faits par la législation du pays où ils ont été commis.
Cass.crim. 8 mai 1925 (Gaz.Pal. 1925 II 354) : Manque de base légale l’arrêt qui prononce une condamnation à raison d’un délit commis à l’étranger, sans constater que le fait est également puni par la législation du lieu où il a été perpétré.
Cass.crim. 26 mai 2010 (Bull.crim. n° 91 p.394) : Méconnaît les dispositions de l’art. 113-6 du Code pénal l’arrêt qui prononce une condamnation à raison de délits de vols aggravés et d’escroqueries, en récidive, commis à l’étranger sans constater que les faits sont punissables par la législation du pays où ils ont été perpétrés.
- Loi étrangère de caractère spirituel. Il arrive qu’une loi étrangère émane, non d’une autorité temporelle étrangère, mais d’une autorité spirituelle étrangère. Une telle loi ne peut produire d’effet direct en droit positif ; ce point a été fermement établi sous l'Ancien droit français à l'égard des bulles pontificales.
Domat (Traité des lois, 1689) : Les règles de l’Église qui regardent purement le temporel, entre laïques, ne doivent être considéré comme règles que dans les terres du Saint-Siège, où les Papes sont princes temporels ; hors de cette étendue, elles n’ont d’autre autorité que celle que leur donnent les princes qui en acceptent l’usage.
LOI HUMAINE
Cf. Abrogation de la loi*, Bien commun*, Légalité des incriminations*, Légitimité*, Loi divine*, Loi morale*, Loi naturelle*, Loi positive*, Politique criminelle*, Pouvoir politique*, Vices*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° 101, p.53 / n°105 et s, p.62 et s. / n° 119 et s., p.88 et s.
Voir : Thomas d’Aquin, Les différentes sortes de lois
Voir : A. Pierre et A. Martin, Cours de morale à l'usage des écoles primaires supérieures
Voir : Portalis, Discours préliminaire au Code civil
- Notion. La loi humaine une règle de conduite fixée, adoptée et édictée par l’État selon des règles de forme établies par la Constitution.
St Thomas d'Aquin (Somme théologique) : Il est nécessaire que la raison humaine, partant des préceptes de la loi naturelle qui sont comme des principes généraux, aboutissent à des dispositions plus particulières. Ces dispositions particulières découvertes par la raison humaine sont appelées lois humaines.
Bautain (Philosophie des lois) : La loi est l’expression de la souveraineté d’un être sur d’autres êtres ; elle suppose d’un côté l’autorité et le commandement, de l’autre la dépendance et l’obligation d’obéir. Elle n’est pas une abstraction, une pure idée ; mais elle est un acte, un acte suprême qui dirige et commande, un acte souverain qui s’impose avec droit, avec autorité.
Carbonnier (Droit civil) : Nous entendons par loi toute règle de droit voulue par l’État sous la sanction de la contrainte.
- Conditions. Une « loi » ne mérite pleinement ce nom que si elle respecte la dignité de la personne humaine, que si elle tend à assurer le bien commun, que si elle obéit à certains principes supérieurs posés notamment par le droit naturel ou les Conventions internationales.
Calvin : Je ne suis point d’avis que l’on doive réputer pour lois je ne sais quelles lois barbares et bestiales, comme étaient celles qui permettaient indifféremment la compagnie d’hommes et de femmes, et d’autres encore plus vilaines… vu qu’elles sont étrangères non seulement à toute justice, mais aussi à toute humanité.
Voltaire (Commentaire sur le Traité de Beccaria) : J’appelle lois politiques ces lois faites selon le besoin présent, soit pour affermir la puissance, soit pour prévenir des malheurs.
Neufbourg (La loi naturelle) : La loi positive ne doit jamais être que l’expression exacte des règles de la justice naturelle, appliquée aux rapports des hommes entre eux, et aux intérêts particuliers et généraux.
Cour adm. appel Paris 22 janvier 2002 : Le régime d’interdiction administrative institué en 1939, et inséré à l’art. 14 de la loi du 29 juillet 1881, attribue compétence au ministre de l’Intérieur pour interdire la circulation de toutes publications de provenance étrangère. Si la situation très particulière régnant en 1939 pouvait justifier un contrôle renforcé desdites publications, ce régime discriminatoire et contraire à la liberté d’expression ne présente plus, dans les circonstances actuelles, le caractère d’une mesure nécessaire dans une société démocratique au sens de l’art. 10 al.2 Conv.EDH. Un arrêté du ministre de l’Intérieur, pris sur le fondement de cette disposition, est dès lors dépourvu de base légale.
- Domaine. Contrairement à la loi naturelle, et plus encore à la loi morale, loi humaine ne tend qu'à assurer des rapports paisibles entre les personnes se côtoyant dans la vie sociale.
De Curban (La science du gouvernement, Paris 1765) : La loi civile regarde les hommes tels qu'ils sont, et ne règle que le dehors de leurs actions, au lieu que la loi naturelle les regarde tels qu'ils devraient être dans toute la première pureté de leur premier état : ainsi la loi naturelle demande bien plus de candeur, de simplicité et de bonne foi, dans tout ce que les hommes traitent les uns avec les autres, que la loi civile n'y en saurait établir.
Rauter (Traité du droit criminel) : Telle est l’imperfection des lois humaines, qu’elles ne peuvent, pour ainsi dire, atteindre directement que la surface des choses.
LOI MARTIALE
Cf. Attroupements*, Délit militaire*, Liberté*, Loi d'exception*, Temps de guerre*.
On nomme loi martiale une loi qui, en raison de circonstances particulièrement graves, charge le pouvoir militaire d'assurer le maintien de l'ordre en usant des moyens qui lui sont propres.
Garofalo (La criminologie) : Du moment que l'indépendance devient l'unique souci d'un peuple, l'immoralité la plus grave pour un citoyen est de tâcher de livrer sa patrie à l'étranger. Tout citoyen doit alors être considéré comme un soldat ; c'est la loi martiale qui règne ; les lois de la paix ont disparu. C'est alors que la désertion, la trahison, l'espionnage sont de vrais crimes, parce qu'ils peuvent contribuer à la destruction d'une nation par une autre.
Du Boys (Histoire du droit criminel) : Elisabeth... déclara placer en dehors des juridictions ordinaires les personnes qui apporteraient ou distribueraient dans le royaume des bulles papales, ou des libelles séditieux contre la reine ; l'ordonnance autorisait les lieutenants de Sa Majesté ou leurs délégués à procéder contre ces personnes par la voie de la loi martiale, et à leur faire subir les pénalités qu'ils jugeraient convenable, sans que nul pût s'opposer à l'exécution de ces pénalités, sur les corps et biens des coupables.
Décret des 21 octobre et 21 novembre 1789 qui établit une loi martiale contre les attroupements. L'Assemblée nationale, considérant que la liberté affermit les empires, mais que la licence les détruit ; que loin d'être le droit de tout faire, la liberté n'existe que par l'obéissance aux lois ; que si, dans les temps calmes, cette obéissance est suffisamment assurée par l'autorité publique ordinaires, il peut survenir des époques difficiles où les peuples, agités par des causes souvent criminelles, deviennent l'instrument d'intrigues qu'ils ignorent ; que ces temps de crise nécessitent momentanément des moyens extraordinaires pour maintenir la tranquillité publique et conserver les droits de tous, a décrété et décrète la présente loi martiale...
Bourg Saint-Edme (Dictionnaire de la pénalité) : Le maire de Paris, Bailly, avait le premier mis à exécution la loi martiale avec toutes ses formalités.
Code pénal d'Ukraine. Art. 402. Désobéissance... 3° La désobéissance commise sous l'empire de la loi martiale ou dans une bataille est punie d'un emprisonnement de cinq à dix ans.
LOI MORALE
Cf. Abrogation de la loi*, Bonne foi*, Conscience*, Conscience (cas de)*, Légitimité*, Loi divine*, Loi naturelle*, Loi positive*, Morale*, Politique criminelle*, Pouvoir politique*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° I-3, p.126
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-I-224, p.61 / n° I-I-II-202, p.138 / n° I-I-II-215, p.150 / n° I-II-II-1, p. 214 (ici, loi morale et loi naturelle sont identiques)
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° I-402, p.196
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », n° 12, p.24 (note 5) / n° 208, p.84 / n° 301, p.115 / n° 302, p.116-117 / n° 346, p.228
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° I-I-118, p.93 / n° I-II-4, p.145 / n° I-II-221, p.211
Voir : A. Pierre et A. Martin, Cours de morale à l'usage des écoles primaires supérieures
Voir : Les capitulaires de Charlemagne [Extrait de « Histoire de la civilisation en France » de M. Guizot]
- Notion. La loi morale vise essentiellement à promouvoir le bien, le vrai, le juste ; et ce hors de toute contingences matérielles. Elle ne coïncide donc pas avec la loi naturelle, qui prend en compte le niveau atteint par une civilisation donnée à un moment donné de son développement.
Pierre et Martin (Cours de morale pour l'enseignement primaire) : En même temps que notre conscience nous révèle le bien, elle nous impose l’obligation de l’accomplir. Cette obligation indiscutable et absolue, règle inflexible de notre conduite, on l’appelle la loi morale, par opposition aux lois naturelles qui sont comme l'expression de l'ordre éternel et immuables de l'univers, et aux lois écrites que les hommes inscrivent dans leurs codes pour régler leurs rapports entre eux et maintenir l'ordre dans leurs sociétés … Obligation, perfection absolue, universalité, tels sont les principaux caractères de la loi morale.
Neufbourg (La loi naturelle) : La loi morale universelle, nous la chercherons dans l’homme lui-même, dans sa nature sensible et morale, dans ses besoins et ses penchants, dans sa conscience et sa raison.
Baudin (Cours de philosophie morale) : Les lois morales ne sont pas des lois expérimentales, mais des lois rationnelles, proprement des lois philosophiques... La loi morale apparaît dotée des mêmes caractéristiques d'universalité et de nécessité que les lois des autres êtres de la nature. Elle est universelle, c'est-à-dire la même pour tous les hommes... elle est nécessaire, c'est-à-dire exige d'être réalisée au même titre que les autres lois de l'univers.
Thomas (Cours de philosophie morale) : La loi morale n'a pas besoin d'être justifiée et légitimée ; elle sert au contraire de justification aux lois civiles qui la font respecter. Pour Kant, "Il faut toujours agir comme si la maxime de notre action devait être érigée en loi universelle".
Bertauld (Cours de Code pénal) : La loi morale est la loi qui nous prescrit tous nos devoirs... Elle régit, non seulement nos actions mais encore nos pensées, en tant que nous sommes maîtres de ces pensées et que nous nous y arrêtons volontairement. Cependant ces devoirs n'ont pas tous pour la société le même degré d'importance. Ainsi nos pensées, si mauvaises qu'elles soient, tant qu'elles ne se traduisent pas au dehors, qu'elles ne revêtent point le caractère d'un acte, ne troublent pas les rapports des hommes entre eux ; elles ne portent pas atteinte au Droit. La société n'aura donc point à nous demander compte de nos pensées, alors même qu'il serait en son pouvoir de les saisir et de les constater.
- Autorité. La loi morale ne prend vraiment effet en droit positif que lorsqu'elle est consacrée par le pouvoir politique en place.
Mommsen (Le droit pénal romain) : La loi morale est bien le fondement de la loi pénale, mais ces deux lois ne se confondent pas. Abstraction faite de ce que le droit pénal ne peut et ne veut aucunement absorber complètement en lui la loi morale et de ce qu'il se forme différemment suivant les temps et les lieux, ce même droit s'éloigne encore de la loi morale par sa fixité même et par les extensions qu'il reçoit pour des considération d'utilité pratique.
Bruguès (Dictionnaire de morale catholique), v° Diagnostic prénatal, cite Jean-Paul II : Il faut que les responsables s'accordent à réaffirmer la priorité de la loi morale sur la technique, le primat de la personne sur les choses, la supériorité de l'esprit sur la matière.
La loi morale dicte la conduite de celui qu'il est convenu de nommer un « honnête homme », même si elle est parfois pour lui source d'un "cas de conscience".
Hauriou (Aux sources du droit) : Adam devait être l’homme qui connaît la loi morale et qui lui obéit ; s’il avait persévéré dans l’obéissance, l’espèce humaine se serait fixée dans l’état de justice et nous n’en connaîtrions point d'autre.
Acollas (Les délits et les peines) : L’honnête homme est celui qui, ayant le sens du juste, selon toute l’étendue de la loi morale, a l’énergie de ne pas violer le juste – dans le sens le plus large.
Proal (Le crime et la peine) :, L’homme est un être moral, il a la notion du bien et du mal ; la conscience lui dicte son devoir, il éprouve des remords quand il viole la loi morale.
TGI Paris (1re Ch.) 4 mars 1981 (Journ. dr. intern. 1981 836) : La bonne foi qui doit présider à la formation et à l’exécution des contrats exprime une règle morale de comportement.
LOI NATURELLE
Cf. Droit - naturel*, Iniquité*, Loi*, Loi divine*, Loi humaine*, Loi morale*, Loi positive*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n°105 et s., p.63 et s.
Voir : M. Planiol, Distinction du droit positif et du droit naturel
Voir : G. Courteline, "L'article 330" (extrait)
- Notion. La loi naturelle énonce les règles de la vie sociale, dictées par l’essence propre de l’être humain, ordonnées par la raison et éclairées par la Morale*. Elle se manifeste par la conscience individuelle, à la condition que celle-ci ait été éveillée par un enseignement adéquat. La loi naturelle s’apprend par l’éducation, la loi civile par l’instruction ; elles se complètent et se renforcent l’une l’autre, ce qui est heureux car la loi naturelle ne se suffit pas à elle-même d’un point de vue technique, et la loi civile ne se suffit pas à elle-même quant à sa légitimité.
Dictionnaire de droit civil (Paris 1687) : Un Hollandais part exprès de son pays pour aller faire un assassinat en Angleterre ; et après qu'il a fait son coup, il s'embarque et arrive en France. C'est un cas où les Lois de la nature s'élèvent contre tous les privilèges des lieux d'immunité et de franchise.
Abélard (Conférences) : La loi naturelle, cette science des mœurs que nous nommons éthique, ne consiste qu'en des enseignements moraux.
Stelzenberger (Précis de morale chrétienne) : On appelle loi naturelle l’ensemble des exigences morales que l’homme connaît naturellement par la lumière de la raison.
T.G.I. Nanterre (Ord. réf.), 12 mai 1981 (Gaz.Pal. 1982 I somm. 187) : Le père possède un droit naturel de procéder à l'inhumation de son enfant décédé.
Les théologiens font généralement découler la loi naturelle de la loi divine, tout en observant que celle-ci est commandée par la nature spirituelle et sociale de l'être humain.
Voir : Thomas d’Aquin, Les différentes sortes de lois.
Voir : B.-D. de la Soujeole, Les limites théologiques de la création du droit positif.
St Thomas d'Aquin (Somme théologique) : Tout ce qui contredit l'ordre naturel est vicieux.
Jean-Paul II (La splendeur de la vérité) : La loi naturelle est universelle dans ses prescriptions, et son autorité s'étend à tous les hommes.
Suárez (Des lois et du Dieu législateur) : La loi naturelle, qui appartient à la science morale et à la théologie, est celle qui réside dans l’esprit humain afin de discerner l’honnête de l’indigne … Elle interdit quelque chose parce que c’est un mal ou le prescrit parce que c’est un bien.
Burlamaqui (Principes de droit naturel) : On entend par loi naturelle, une loi que Dieu impose à tous les hommes, et qu’ils peuvent découvrir et connaître par les seules lumières de leur raison, en considérant avec attention leur nature et leur état.
J.Maritain (Les droits de l’homme et la loi naturelle) : La loi naturelle est l’ensemble des choses à faire et à ne pas faire, qui suivent d’une manière nécessaire le seul fait que l’homme est un homme… La connaissance que l’on en a grandit peu à peu avec les progrès de la conscience morale.
Jean XXIII (Encyclique Pacem in terris § 6) : Il faut chercher les normes des la conduite des hommes là où Dieu les a inscrites, à savoir dans la nature humaine.
Les philosophes s'attachent par priorité à son caractère rationnel.
Voir : Confucius et la loi naturelle
Voir : Cicéron et la loi naturelle (extraits du "Traité des lois")
Voir : T. Hobbes, Des lois et des offenses
Voir : A. Pierre et A. Martin, Cours de morale à l'usage des écoles primaires supérieures
Voir : Steeg, les caractères de la loi morale
Vittrant (Théologie morale) : La simple lumière de la raison peut permettre à l’homme de reconnaître la fin dernière à laquelle il doit tendre. L’étude de sa nature lui fera percevoir quelles sont les actions qui, parce que conformes ou opposées à la nature humaine, lui permettront de tendre naturellement vers cette fin ou l’en écarteront. La règle des mœurs ainsi découverte peut légitimement porter le nom de loi naturelle.
X. Thévenot (Morale fondamentale) : La loi naturelle est l'ensemble des droits et devoirs qui surgissent d'une compréhension purement rationnelle des structures et des postulations de la nature humaine.
Hobbes (Le citoyen) : La loi de nature est ce que nous dicte la droite raison touchant les choses que nous avons à faire, ou à omettre… La loi de la nature est la même que la loi morale… Les lois de la nature ne sont autre chose que des maximes de bon sens… Elles sont immuables et éternelles.
Blackstone (Commentaires sur les lois anglaises) : La loi naturelle est fondée sur les rapports de justice qui existaient dans la nature des choses, avant même qu'il y ait aucun précepte de droit positif... Mais pour appliquer cette loi aux besoins de chaque individu, il est toujours nécessaire de recourir à la raison.
Pufendorf (Le droit de la nature) : Les maximes du droit naturel sont celles sans l'observation desquelles les citoyens ne sauraient absolument vivre en paix les uns avec les autres.
Voltaire (Commentaire sur le Traité de Beccaria) : J’appelle lois naturelles celles que la nature indique dans tous les temps, à tous les hommes, pour le maintien de cette justice que la nature, quoiqu’on en dise, a gravée dans nos cœurs. Partout le vol, la violence, l’homicide, l’ingratitudes envers les parents bienfaiteurs, le parjure commis pour nuire à un innocent, la conspiration contre la patrie, sont des délits justement réprimés.
Bautain (Philosophie des lois) : La loi naturelle
est innée à l’homme ; elle se développe en lui aussitôt qu’il acquiert la conscience de sa personnalité. Il reconnaît alors qu’il est un être moral,
et qu’il y a une loi directrice de ses actes, lui défendant ce qui est mal et lui prescrivant ce qui est bien. Sa conscience parle avec autorité. Donc il
y a une loi qui s’impose en elle et par elle, puisqu’elle lui rend témoignage du juste et de l’injuste…
Cependant la loi naturelle est insuffisante, non seulement pour gouverner les sociétés, mais même pour diriger les individus. Dans la loi de la nature
nous avons distingué deux choses : les principes qui sont évidents en eux-mêmes, et les conséquences prochaines ou éloignées qui en dérivent. Quant
aux principes eux-mêmes ; point de contestation, dans la théorie du moins, car dans l’application il y en a toujours. Les conséquences prochaines,
bien qu’elles participent à l’évidence des principes dont elles découlent, sont souvent controversées. Enfin les conséquences éloignées sont pleines de
difficultés et de disputes.
Jules Simon (La liberté civile) : Quant aux lois éternelles "que les hommes ne font pas, et qui font les hommes", la science et l'État doivent s'attacher, d'un commun accord, à les promulguer avec clarté et à les maintenir avec fermeté.
- Caractères. Directement issue de la loi morale, la loi naturelle est à la fois universelle et perpétuelle. C'est pourquoi les juristes ont le devoir impérieux de s'efforcer de rapprocher la loi positive de la loi naturelle.
Digeste de Justinien (48, 20, 7, pr.). Paul : La raison naturelle est en quelque sorte une loi tacite.
Catéchisme de l'Église catholique. § 1956 : Présente
dans le cœur de chaque homme et établie par la raison, la loi naturelle est universelle en ses préceptes, et son autorité s'étend à tous les hommes. Elle
exprime la dignité de la personne et détermine la base de ses droits et de ses devoirs fondamentaux.
§ 2312 : L'Église et la raison humaine déclarent la validité permanente de la loi morale durant les conflits armés. Ce n'est pas parce que la guerre
est malheureusement engagée que tout devient par le fait même licite entre les parties adverses.
Bautain (Philosophie des lois, 1860) : C'est la voix de la conscience qui rend témoignage de la loi naturelle, ou qui la promulgue dans mon âme aussitôt qu'elle se développe ; et quand, par l'entraînement des instincts ou des passions, je sacrifie le devoir à l'emportement ou à l'égoïsme, faisant ce que ma conscience déclare mal et injuste, je reconnais que j'ai agi contrairement à la raison ; et s'il n'y avait que cela, on s'en préoccuperait peu, mais, en outre, j'éprouve une inquiétude, un tourment qu'on appelle le remords ; car je me vois dans le désordre et comme hors la loi... Le remords est le symptôme caractéristique de la loi naturelle.
Convention européenne des droits de l'homme. Son art. 7 al. 2 admet la rétroactivité des textes qui répriment après coup des agissements criminels d'après les principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées.
De Curban (La science du gouvernement, Paris 1765) : Cicéron qui connaissait la beauté de la loi naturelle, a dit que le droit civil n'est qu'une ombre du véritable droit, et a souhaité que nous suivions au moins cette ombre, toute ombre qu'elle est, puisqu'elle est l'idée de la vérité.
J-B d'Onorio (Loi naturelle et loi civile) : Les rapports entre la loi naturelle et la loi civile sont aussi anciens que la civilisation. Les tensions qui les ont toujours caractérisés ne sont jamais que l'inaptitude de l'homme à être, dans sa conduite, à la hauteur de sa dignité. Les règles juridiques sont souvent envisagées comme un compromis entre ce qui doit être et ce qui peut être. Aussi convient-il que la distance entre le devoir et la capacité à l'accomplir soit la moins large possible. C'est pourquoi la loi civile, œuvre des hommes, doit s'inspirer de la loi morale, qui leur préexiste, tout en se gardant du double écueil du laxisme et du rigorisme.
Malepeyre (Précis de la science du droit naturel) : Sous le règne de Tarquin le Superbe, il n'y avait pas de loi contre l'adultère : cependant lorsque Sextus Tarquin pollua de ses caresses grossières l'infortunée Lucrèce, tous les romains sentirent qu'il avait violé une loi éternelle, parce qu'il existe une raison émanée de la nature des choses qui pousse au bien et détourne du crime ; une loi qui est contemporaine de l'intelligence, qui ne permet pas que l'injustice triomphe et que la violence domine. La nature cria aux romains : « Sextus a commis un crime abominable ! » et les romains vengèrent la nature outragée. [ce fut la fin de la royauté à Rome]
LOI PÉNALE
Cf. Droit criminel*, Droit pénal*, Incrimination*, Interdit*, Jus gladii*, Matière pénale*, Norme*, Peines*, Prohiber*, Promulgation de la loi*, Publication de la loi*, Règlement*.
Voir :
Jean-Paul Doucet,
« La loi pénale » (4e éd.), n° 102, p.56
- sur son caractère
d’ordre public : n° 3, p.4
Voir : Muyart de Vouglans, Discours sur l’origine, l’importance et la division des lois criminelles
Voir : P. Rossi, Introduction au droit pénal
Voir : P. Rossi, La rédaction des lois d’incrimination
Voir : J-P. Marat, Des principes fondamentaux d'une bonne législation
Voir : R. Garraud, L’objet de la procédure pénale
- Notion. La loi pénale est une règle de droit interdisant ou prescrivant certains actes, sous menace d’une sanction limitative ou privative de droits. La matière pénale* a été définie par la Cour EDH.
Suárez (Des lois et du Dieu législateur) divise la loi humaine en loi pénale et loi non-pénale … La loi pénale comporte un double aspect : l’un porte sur le juge, qui doit infliger la peine ; l’autre affecte l’accusé, qui doit la supporter.
Vittrant (Théologie morale) : La loi pénale ne se distingue des autres lois que par la place importante que tient la menace de la peine dans la rédaction même de la loi. La gravité de la sanction prévue sera souvent un critère permettant de reconnaître qu’une loi est pénale.
Pufendorf (Le droit de la nature) : Toute loi pénale a deux parties, l'une qui détermine ce qu'il faut faire ou ne pas faire, l'autre qui menace de quelque peine ceux qui y contreviendront.
Lavelle (Traité des valeurs) : Les lois juridiques sont des lois émanées de la volonté par opposition aux lois de la nature… Parmi les lois juridiques, les lois pénales sont les plus importantes.
- Nécessité. Si l'on rencontre des lois pénales dans toutes les sociétés humaines, c'est tout simplement parce que, dans toutes, il existe une frange de la population qui ne respecte pas les règles de vie communes dictées par la loi naturelle. Le phénomène a été observé aussi bien par les spécialistes du droit pénal que par les spécialistes du droit des voies d'exécution civile.
Platon (Les lois, IX) : Supposons que dans un État idéal apparaisse un homme qui participe de ce qu'il y a de pire dans la perversité des autres États, c'est notre devoir d'instituer une législation faite de menaces préventives, une législation destinée à le détourner de ces actes, et s'ils ont eu lieu, à l'en punir.
Pufendorf (Le droit de la nature) : Les hommes de tous les temps se sont fait tant de mal les uns aux autres ; que serait-ce si tous les attentats demeuraient impunis, et s'il n'y avait point de frein intérieur qui réprimât les désirs de l'homme ?
Louis XIV (Exorde à l’Ordonnance criminelle de 1670) : Le Règlement de l’instruction criminelle, non seulement conserve les particuliers dans la possession paisible de leurs biens, mais encore assure le repos public, et contient, par la crainte du châtiment, ceux qui ne sont pas retenus par la considération de leur devoir.
Cour EDH 28 octobre 1998 (JCP 1999 I 105 n°8 Chr. Sudre) parle du devoir primordial pour l'État d’assurer le droit à la vie en mettant en place une législation pénale concrète dissuadant de commettre des atteintes contre la personne et s’appuyant sur un mécanisme d’application conçu pour en prévenir, réprimer et sanctionner les violations.
- Conditions de légitimité. Pour qu'une loi pénale ne soit pas qu'une prescription de l'autorité publique, mais revête un caractère de légitimité et s'impose en conscience, il faut qu'elle soit conforme tout à la fois à la morale et à la raison.
Franck (Philosophie du droit pénal) : Les lois pénales ne sont justes, ne sont légitimes, ne sont d’accord avec la raison, que si elles ont pour base, non le principe d’expiation, la rétribution proportionnelle du mal par le mal, ou l’équilibre de l’ordre moral et de la souffrance, mais le droit de conservation de soi-même, qui appartient à la société comme à l’individu, et qui résulte pour elle du même principe. La société étant la condition hors de laquelle l’ordre moral est irréalisable pour l’homme, sa conservation est pour elle le premier des droits, et pour l’individu le premier des devoirs.
- Caractère d'ordre public. Du fait qu'elle présente un caractère d'ordre public, la loi pénale s'impose à tous, aux justiciables comme aux magistrats. Son application ne peut être mise en échec par un recours en garantie.
Cass.crim. 23 juin 1818 (S. 1818 1 625 concl. Dupin) : La protection assurée aux personnes par la loi constitue une garantie publique; dès lors le consentement de la victime d’une voie de fait homicide ne saurait légitimer cet acte.
Cass. 2e civ. 13 octobre 1965 (Bull.civ. II n°736 p.515) : Ainsi que l’énonce exactement l’arrêt entrepris, un individu condamné pour un acte délictueux ne peut se faire relever par un recours en garantie de la responsabilité pécuniaire encourue pour l’infraction qu’il a personnellement commise.
Cass.crim. 1er février 1939 (Gaz.Pal. 1939 I 602) : Il n’est contraire ni à la loi ni aux principes d’ordre public qu’on stipule la garantie de ses fautes personnelles, hormis le cas où il s’agirait d’un fait correctionnel.
- Observation. L’absence de loi pénale quant à telle ou telle activité ne signifie pas automatiquement qu’elle soit licite. Puisque le législateur pénal ne doit incriminer que les agissements de nature à perturber l’ordre social, et qu’il ne peut prétendre faire régner l’ensemble des vertus, certaines activités se situent dans cette zone intermédiaire : sans être illicites, elles n’en sont pas pour autant légitime ; il en est ainsi de la prostitution stricto sensu, qui ne constitue pas une infraction pénale, mais simplement une méconnaissance des règles de la vie sociale et notamment des devoirs qui résultent pour chacun de la dignité de la personne humaine.
Burlamaqui (Principes du droit naturel) : On peut bien conclure avec certitude de la permission des lois humaines que le Souverain n’a pas jugé à propos de défendre ou de punir certaines choses (notamment des vices) ; mais il ne s’ensuit pas toujours qu’il approuve véritablement ces choses là, et encore moins qu’on puisse toujours les faire innocemment, en conscience et sans manquer à ses devoirs moraux.
- Lois pénales proprement dites et réglementation de police. Toutes les dispositions législatives assorties d'une sanction pénales ne se situent pas au même niveau : les unes, essentielles, tendent à garantir les intérêts juridiques majeurs contre toute atteinte ; les autres visent seulement à assurer la tranquillité, la sécurité, l'ordre et la santé publiques. La législation pénale proprement dite est complétée par une réglementation de police.
Code pénal de Bavière (traduction Vatel, 1852). Extrait de
l'exposé des motifs.
S’il est vrai que la justice et la police doivent s’unir pour assurer la sûreté commune de l’État et pour se porter de mutuels et continuels secours,
il n’est pas moins certain qu’au point de vue de leur objet particulier, ce sont deux institutions profondément différentes.
Il est des actes illicites qui troublent directement l’ordre extérieur de l’État, qui renferment une atteinte aux droits de l’État ou des particuliers,
ou qui, d’après leur caractère extrinsèque et l’intention de l’agent, tendent à l’accomplissement d’attaques de cette nature ou à la violation de, droits
semblables.
Mais il est aussi des actes qui, sans renfermer directement la violation d’un droit, ne sont pas néanmoins indifférents au législateur, à cause de leurs
conséquences fâcheuses pour l’ordre public, ou de leur influence directe sur la sûreté, la moralité et le bien-être de l’État, en sorte qu’ils doivent
être sanctionnés ou défendus par une peine.
Les actes du premier genre sont illicites par des motifs de justice absolue ; ils le sont en tous temps, en tous lieux, leur prohibition est écrite en
caractères ineffaçables dans le cœur de tout homme raisonnable. Les actes du second genre sont souvent, à les considérer en eux-mêmes, et indépendamment
de leurs conséquences possibles, des faits indifférents en droit ; ils sont prohibés par des motifs d’utilité relative et dépendent des temps, des
circonstances, du caractère et des mœurs des nations, des institutions particulières et autres circonstances accidentelles.
Les actes illicites de la première classe, par cela même qu’ils blessent directement un droit, forment l’objet du pouvoir judiciaire; c’est au domaine
de la police qu’appartiennent les actions ou omissions de la deuxième classe. Cette différence, tirée de la substance même des actes en question, doit se
manifester dans la nature des peines, dans leurs conséquences légales, dans la procédure, etc., par des dissemblances si considérables que toute
législation, qui ne veut pas mêler des choses étrangères entre elles et qui craint de troubler le sens moral du peuple, doit aussi séparer les deux
classes d’actes par deux codes spéciaux et distincts. C’est pourquoi l’on a jugé nécessaire d’isoler complètement les contraventions de police et d’en
faire un code particulier, qui suivra le présent code et formera la troisième et dernière partie de la législation criminelle.
LOI PERSONNELLE - Cf. Coutume - droit positif*, Personnalité de la loi*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-II-II-221 p.251, sur le conflit entre la loi territoriale et la loi personnelle
Pour un exemple d’individus appliquant leur loi personnelle, voir le Cas pratique n° 13.
LOI POSITIVE
Cf. Droit naturel*, Droit positif*, Loi*, Loi divine*, Loi humaine*, Loi naturelle*, Pouvoir politique -pouvoir législatif*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° 112 p.72 / n° 129, p.105
Voir : M. Planiol, Distinction du droit positif et du droit naturel
Voir : A. Pierre et A. Martin, Cours de morale à l'usage des écoles primaires supérieures
Voir : G. Courteline, "L'article 330" (extrait)
- Notion. La loi positive est une variété de la loi humaine, qui se veut indépendante de tout principe supérieur, comme de toute contingence matérielle. Elle revendique comme seule autorité la volonté de son auteur : diktat d’un Prince, décision de la majorité présente d'un Parlement.
Cuvillier (Vocabulaire philosophique) : Loi positive : Règle impérative promulguée par l’autorité souveraine d’une société, ou l’ensemble de telles lois « La Loi ».
Dictionnaire civil et canonique (Paris 1687) : La loi civile ou politique n’a de force en France que par l’autorité souveraine du monarque : « Que veut le Roi, Si veut la Loi ».
Locke (Traité du gouvernement civil) : La première et fondamentale loi positive de tous les États, c’est celle qui établit le pouvoir législatif.
- Danger. La loi positive prend trop souvent sa source dans une idéologie. Elle peut par suite imposer des normes
contraires à la dignité de la personne humaine, voire nuisibles au bien commun.
Ainsi des lois positives ont décrété que telle race humaine était supérieure aux autres, que des êtres humains pouvaient être réduits au statut d’objets
de propriété, ou encore que l’enfant en gestation est une chose dont on peut faire commerce. De telles dispositions n’ont de « loi » que le
nom.
Servant (Discours sur l’administration de la justice criminelle) : Les lois positives sont un ouvrage arbitraire des hommes.
Proal (Le crime et la peine) : Les anciens peuples avaient l’idée d’une justice supérieure à la loi positive, d’une justice naturelle précédant les prescriptions du législateur, obligeant la conscience même lorsqu’elle n’était pas sanctionnée par la législation.
Jean-Paul II (Mémoire et identité) : Si l’homme peut décider par lui-même de ce qui est bon et de ce qui est mauvais, il peut aussi décider qu’un groupe d’homme sera anéanti. Des décisions de ce genre furent prises sous le Troisième Reich par des personnes qui, étant arrivées au pouvoir par des voies démocratiques, s’en servirent pour mettre en œuvre les programmes pervers de l’idéologie national-socialiste. Des décisions analogues furent prises par le parti communiste de l’Union soviétique … C’est dans ce contexte qu’a été perpétrée l’extermination des juifs, de l’ethnie rom, des paysans d’Ukraine, du clergé catholique en Russie…
LOI SOMPTUAIRE
Cf. Intempérance*, Luxe*, Prodigalité*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° II-12, p.294
Voir : E. Baudin, La morale du travail et des affaires
- Notion. Une loi somptuaire est une disposition législative ou réglementaire qui vise à limiter les dépenses privées, en interdisant notamment celles qui relèvent de la pure vanité, d'un luxe ostentatoire.
Dictionnaire Larousse des synonymes : Le luxe suppose le goût pour les choses coûteuses et recherchées dont est privé le plus grand nombre ; il implique généralement des dépenses excessives, désordonnées et un besoin immodéré d'aises et de commodités.
Maxwell (Le crime et la société) : La première cause de criminalité est constituée par les besoins artificiels dérivant des besoins naturels de l'abri et de la nourriture ; ils peuvent se résumer dans le luxe. Le luxe est relatif ; il est, par conséquent, impossible d'en donner une définition absolue. Son principe est l'inutilité.
- Fondement moral. Les manifestations ostentatoires de richesse, confrontées à la misère d'une grande partie de la population, heurtent le sens moral qui invite à un certain équilibre dans la distribution des richesses d'une Nation.
Platon (La République) : Nous avons trouvé d'autres choses sur lesquelles les gardiens doivent veiller très attentivement, afin qu'elles ne se glissent point dans la ville à leur insu. Lesquelles? La richesse et la pauvreté, répondis-je : car l'une engendre le luxe et la paresse, l'autre la bassesse et la méchanceté.
Pufendorf (Le droit de la nature, éd. 1734) : Le fondement des lois somptuaires est d'empêcher que les sujets ne se ruinent dans des dépenses excessives et superflues.
Holbach (La morale universelle ou les devoirs de l'homme) : Les pays où le luxe domine, ressemblent à des malades inconsidérés, chez qui les aliments dont ils se surchargent se convertissent en poison. Les richesses en s'accumulant de plus en plus chez un peuple ne servent qu'à le rendre de jour en jour plus vicieux et plus misérable.
Baudin (Cours de philosophie morale) : Le luxe est immoral chaque fois qu'il entraîne la violation des devoirs envers soi et des devoirs envers autrui et la société, chaque fois qu'il fait manquer aux préceptes de la tempérance, de la justice et de la charité.
Proal (Le crime et la peine) : Le pouvoir corrompt, le luxe déprave.
- Science criminelle. L'histoire relève des lois somptuaires, à toutes les époques et sur toutes les régions de la terre. Certaines tendent à limiter les achats de produits de luxe effectués à l’étranger au détriment de l’économie nationale, d'autres à éviter que les citoyens ne s’amollissent dans une vie de plaisirs, d'autres encore à fixer le train de vie des individus en raison de leur statut dans la hiérarchie sociale, d'autres enfin à protéger la faune, la flore, et plus généralement les ressources naturelles.
Bentham (Traité de législation civile et pénale) : Les lois somptuaires... ont rendu fameuse la législation de Sparte : les métaux précieux étaient bannis, les voyages n'étaient pas permis.
Dion Cassius (Histoire romaine) : Tibère défendit aux hommes de porter des étoffes de soie ; il défendit aussi de faire usage de vases d’or.
Bourg Sains-Edme (Dictionnaire de la pénalité) : Jules-César fit une loi somptuaire; mais tout ce que l'on en sait, c'est qu'il établit des gardes dans les marchés, pour enlever ce qui y était exposé en contravention, et des huissiers qui avaient ordre de saisir jusque sur les tables ce qui était échappé à ces gardes. Auguste mitigea les lois somptuaires, dans l'espérance qu'elles seraient mieux observées. Il permit de s'assembler jusqu'à douze ; d'employer aux jours des repas ordinaires deux cents sous ; à ceux des calendes, ides, nones, et aux autres fêtes trois cents ; et aux jours des noces et du lendemain , jusqu'à mille sesterces.
Code annamite de Gia Long, art. 156 (copié du Code chinois) : Les maisons, habitations, voitures, vêtements et tous les genres d’objets ou de choses à l’usage des fonctionnaires et des gens du peuple sont différents selon le rang de chacun ; ceux qui contreviendront à des règlements sont punis de la bastonnade. Ceux qui auront employés des broderies représentant un dragon seront punis de cent coups de truong et de trois ans de travail pénible.
Garcillasso de la Vega (Histoire des Incas) : Les indiens avaient une loi qui réglait leur dépense ordinaire, et qui leur défendait de profaner sur leurs habits l’usage de l’or, de l’argent et des pierreries. Cette même loi retranchait toutes les superfluités des festins.
Blackstone (Commentaire sur les lois anglaises, 1776) : Un statut d’Édouard II défendit de faire servir sur la table, soit pour le dîner, soit pour le souper, plus de deux services, excepté les jours de grande fête, où la loi en permit un troisième.
Ordonnance d’Orléans de janvier 1560, art. 146 : Défendons à tous manants et habitants de nos villes l’usage des parfums apportés des pays étrangers.
Édit de Saint-Germain en Laye du 24 novembre 1639, art. 1 : Faisons défense à tous nos sujets, de quelque qualité et fonction qu’ils soient, de porter en habits ou ornements, cordons, baudriers, ceintures, esguillettes, écharpes, jarretières, nœuds, rubans… [Molière a fait rire de ces accessoires ridicules]
- Droit positif français. De nos jours ce n'est pas par la voie du droit pénal, mais plutôt par celles du droit fiscal et des lois sociales, que le législateur s'efforce de limiter les différences les plus choquantes de niveau de vie. Ses efforts ne semblent guère couronnés de succès sur ce plan ; mais peut-il aller beaucoup plus loin sans ruiner l'esprit d'entreprise et le dynamisme de l'économie ?
Code général des impôts (Précis de fiscalité) : Impôt sur la fortune - Depuis le 1er janvier 1989, il est perçu un impôt annuel sur la fortune.
Cass.com. 23 avril 2003 (Gaz.Pal. 2003 somm. 2558) : En cas de décès du redevable de l'impôt de solidarité sur la fortune, l'obligation de déclaration de la fortune incombe aux ayants droit.
LOI SPÉCIALE - Voir : Droit commun*.
LOI TERRITORIALE - Voir : Territorialité de la loi*.
LOIS SCÉLÉRATES - Voir : Scélérat*.