CONFUCIUS ET LA LOI NATURELLE
(Extraits tirés notamment de « L’invariable milieu », trad. S.Couvreur S.J.)
La loi que le Ciel a mise dans le cœur de l’homme s’appelle la loi naturelle. L’observation de la loi naturelle s’appelle la voie (ou la règle de nos actions). Réparer la voie (ou remettre en lumière dans le cœur des hommes la règle des actions que les passions ont obscurcie), cela s’appelle enseigner. Il n’est jamais permis de s’écarter de la règle de nos actions, même un instant ; s’il était permis de s’en écarter, elle ne serait plus la règle. Pour cette raison, le sage prend garde et fait attention, même quand il ne voit rien qui réclame sa vigilance ; il craint et tremble, même quand il n’entend rien qui doive l’effrayer. Pour lui, rien n’apparaît plus à découvert que les secrets replis de son cœur ; et rien n’est plus manifeste que les plus petits indices. Aussi veille-t-il avec soin sur ce que lui seul connaît (sur ses pensées et ses sentiments les plus intimes).
Quand il ne s’élève dans l’âme aucun sentiment de joie, de colère, de tristesse ou de plaisir, on dit qu’elle est en équilibre, (parce qu’elle n’incline d’aucun côté). Quand ces sentiments naissent dans l’âme sans dépasser la juste mesure, on dit qu’ils sont en harmonie. L’équilibre est le point de départ de toutes les transformations et de tous les changements qui s’opèrent dans l’univers. L’harmonie est la loi générale de tout ce qui se fait dans l’univers. Quand l’équilibre et l’harmonie atteignent leur plus haut degré, chaque chose est à sa place dans le ciel et sur la terre; tous les êtres se propagent et se développent heureusement.
Dans ce premier article, Tzeu Seu exprime les idées qu’il a reçues (des disciples de Confucius), et qui feront la base de son livre. Il montre d’abord que la loi naturelle a son fondement dans le ciel et est immuable ; qu’elle est tout entière en chacun de nous, et qu’il n’est jamais permis de s’en écarter. Il enseigne ensuite la nécessité d’en conserver et d’en entretenir la connaissance, et de nous examiner nous-mêmes. Enfin il parle de cette influence méritoire et toute-puissante de l’homme qui, doué de la plus haute sagesse, transforme tout l’univers. Il désire que le disciple de la sagesse cherche en lui-même et trouve par lui-même ces vérités, afin qu’il repousse les mauvaises impressions faites sur lui par les objets extérieurs, et rende parfaites ses vertus naturelles. Ce premier article est ce que Iang Tzeu appelle la substance et le résumé de tout l’ouvrage. Dans les dix articles qui vont suivre, Tzeu Seu cite les paroles du Maître pour compléter la doctrine du premier article.
Confucius dit : « L’homme vertueux reste dans l’invariable milieu ; celui qui n’est pas vertueux s’en écarte. (Tchoung, qui n’est ni oblique ni incliné, et atteint la limite sans la dépasser. Ioung, ordinaire et constant.) Pour ce qui concerne l’invariable milieu, l’homme vertueux ne s’en écarte jamais, parce qu’il est vertueux ; celui qui n’est pas vertueux, n’évite et ne craint rien, parce qu’il est vicieux. »
Confucius dit : « Se tenir dans l’invariable milieu, oh ! c’est la plus haute perfection ! Peu d’hommes sont capables de le garder longtemps. »
Confucius dit : « La voie de la vertu n’est pas suivie ; je le sais. Les hommes intelligents et éclairés vont au-delà, et les ignorants restent en deçà (du juste milieu). La voie de la vertu n’est pas bien connue ; je le sais. Les sages veulent trop faire, et les hommes vicieux, pas assez. C’est ainsi que tout homme boit et mange, et peu savent juger des saveurs! »…
Confucius dit : « La règle des actions n’est pas loin de l’homme. Si quelqu’un faisait une règle qui fût loin de l’homme, elle ne pourrait être considérée comme une règle. La règle de nos actions, ou la loi naturelle, est innée en nous. Le sage forme l’homme par l’homme, (par le moyen de la loi naturelle qui est dans le cœur de l’homme) ; il se contente de le corriger de ses défauts. Il s’applique sérieusement à la pratique de la vertu, mesure les autres avec la même mesure que lui-même, et ne s’écarte guère que de la voie de la perfection. Il évite de faire aux autres ce qu’il n’aime pas que les autres lui fassent à lui-même…
Un prince sage doit se perfectionner lui-même. Pour se perfectionner lui-même, il doit remplir ses devoirs envers ses parents. Pour remplir ses devoirs envers ses parents, il doit connaître les hommes. Pour connaître les hommes, il faut qu’il connaisse le Ciel (auteur des lois qui règlent les relations sociales)…
Les trois vertus nécessaires à tous les hommes sont la prudence, l’humanité et la force. Pour n’être pas stériles, elles doivent avoir une qualité commune : être vraies et sincères…
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Meng Tzeu dit : « Les Princes doivent profiter des temps où l’on est en paix avec les étrangers, pour réviser et perfectionner les ordonnances administratives et les lois pénales ».