Page d'accueil > Table des rubriques > La science criminelle > Pénalistes > La loi pénale > Généralités > Guide du Parlement européen à l’intention de ceux qui contribuent à la rédaction de textes législatifs

GUIDE PRATIQUE COMMUN DU PARLEMENT EUROPÉEN,
DU CONSEIL ET DE LA COMMISSION À L’INTENTION
DES PERSONNES QUI CONTRIBUENT
À LA RÉDACTION DES TEXTES LÉGISLATIFS
AU SEIN DES INSTITUTIONS COMMUNAUTAIRES

[Extraits]
Source : http://www.eesc.europa.eu/smo/prism/images/PDFs/joint_practical_guide_FR.pdf

Depuis une trentaine d’années, je m’efforce de montrer
que la séparation rationnelle des fonctions législative et judiciaire
emporte pour chacune des techniques propres de mise en œuvre.

Mon livre consacré à « La loi pénale » (3e éd. 2003)
concerne les techniques législatives en matière pénale ;
mon livre consacré au « Jugement pénal » (3e éd. 2008)
concerne les techniques judiciaires régissant l’élaboration d’un jugement.

Il m’a paru intéressant de diffuser d’importants extraits
du présent document, qui s’attache aux techniques législatives.
Puisqu’il concerne l’ensemble du domaine législatif,
il se borne à exposer les règles les plus générales.
Alors que, visant une matière bien délimitée, « La loi pénale »
peut développer l’ensemble des règles régissant l’élaboration
des lois criminelles de fond : incrimination, imputation et sanction.

Préface

Afin que la législation communautaire soit mieux comprise et correctement mise en œuvre, il est essentiel de veiller à sa qualité rédactionnelle. En effet, pour que les citoyens et les opérateurs économiques puissent connaître leurs droits et obligations et les juridictions les faire respecter, et pour que, là où elle s’impose, une transposition correcte et dans les délais soit effectuée par les États membres, les actes adoptés par les institutions communautaires doivent être formulés de manière intelligible et cohérente, et suivant des principes uniformes de présentation et de légistique.

Depuis le Conseil européen d’Édimbourg (1992), la nécessité de mieux légiférer, c’est-à-dire par des textes plus clairs, plus simples et respectant de bonnes pratiques législatives, a été reconnue au plus haut niveau politique. Le Conseil et la Commission ont pris un certain nombre de mesures pour répondre à cette nécessité. Celle-ci a été réaffirmée par la déclaration n° 39 relative à la qualité rédactionnelle de la législation communautaire, annexée à l’acte final du traité d’Amsterdam. À la suite de cette déclaration, les trois institutions participant à la procédure d’adoption des actes communautaires, le Parlement européen, le Conseil et la Commission, ont arrêté, par l’accord interinstitutionnel du 22 décembre 1998, des lignes directrices communes visant à améliorer la qualité rédactionnelle de la législation communautaire.

Le présent Guide, élaboré par les trois Services juridiques conformément audit accord, a pour but de développer le contenu et préciser les implications de ces lignes directrices, en les commentant une à une et en les illustrant par des exemples. Il est conçu comme un instrument à l’usage de toutes les personnes qui contribuent à la rédaction des actes communautaires les plus courants. Il devrait, en outre, servir d’inspiration pour tout acte des institutions, que ce soit dans le cadre des traités communautaires ou dans celui des titres du traité sur l’Union européenne relatifs à la politique étrangère et de sécurité commune et à la coopération policière et judiciaire en matière pénale.

L’usage du Guide pratique commun pourra être combiné utilement avec celui d’autres instruments plus spécifiques, tels que le Formulaire des actes du Conseil, les Règles de technique législative de la Commission, le Code de rédaction interinstitutionnel publié par l’Office des publications officielles des Communautés européennes (5) ou les modèles de LegisWrite (6). Il sera, en outre, toujours profitable, et bien souvent indispensable, de se reporter aux dispositions pertinentes des traités et des grands actes de base qui régissent une matière.

Les services des trois institutions sont vivement encouragés à utiliser le Guide et à l’enrichir de leurs commentaires. Ceux-ci pourront être adressés à tout moment au Groupe interinstitutionnel sur la qualité rédactionnelle, qui se chargera de sa mise à jour permanente.

Les trois Services juridiques espèrent que le Guide servira d’outil à tous ceux qui, à quelque titre que ce soit, sont impliqués dans la tâche de l’élaboration d’actes normatifs au sein des institutions. Ainsi, tous pourront œuvrer ensemble dans le but de présenter devant le citoyen européen des textes législatifs qui feront clairement ressortir les objectifs de l’Union européenne et les moyens qu’elle déploie en vue de les atteindre.

Bruxelles, le 16 mars 2000

Principes généraux  (Lignes directrices 1 à 6)

1 - Les actes législatifs communautaires
sont formulés de manière claire, simple et précise.

1.1. La rédaction d’un acte législatif doit être:

- claire, facile à comprendre, sans équivoque,

- simple, concise, dépourvue d’éléments superflus,

- précise, ne laissant pas d’indécision dans l’esprit du lecteur.

1.2. Ce principe de bon sens est aussi l’expression de principes généraux du droit, tels que :

- l’égalité des citoyens devant la loi, en ce sens que la loi doit être accessible à tous et compréhensible par tous,

- la sécurité juridique, la loi devant être prévisible dans son application.

1.2.1. Il revêt une importance particulière pour les actes législatifs communautaires. Ceux-ci doivent s’insérer dans un système qui est non seulement complexe, mais encore multiculturel et multilingue (voir ligne directrice 5).

1.2.2. Le but recherché en appliquant ce principe est double : d’un côté, rendre la législation communautaire plus compréhensible ; de l’autre, éviter des contentieux résultant d’une mauvaise qualité rédactionnelle.

1.3. Des dispositions qui manquent de clarté peuvent faire l’objet d’une interprétation restrictive par le juge communautaire. Le résultat sera, dans ce cas, l’inverse de celui recherché par l’introduction dans le texte d’un « flou artistique » censé résoudre les problèmes de négociation de la norme.

1.4. Il est évident qu’il peut y avoir une contradiction entre les exigences de simplicité et de précision. Souvent, la simplification se fait au détriment de la précision et vice versa. Il s’agit, en pratique, de trouver un point d’équilibre pour que la norme soit autant que possible précise sans, toutefois, qu’elle devienne insuffisamment facile à comprendre. Ce point d’équilibre peut varier en fonction des destinataires de la norme (voir ligne directrice 3).

Exemple d’un texte n’ayant pas trouvé ce point d’équilibre : «Un système d’étiquetage obligatoire [du produit] est mis en place et est obligatoire dans tous les États membres à compter du 1er janvier 2000. Toutefois, ce système obligatoire n’exclut pas la possibilité pour un État membre de décider de n’appliquer ce système qu’à titre facultatif [au produit] commercialisé dans ce même État membre.»

1.4.1. Le rédacteur doit tâcher de réduire l’intention normative à des concepts simples, pour pouvoir ensuite l’exprimer d’une façon simple. Il utilisera, dans toute la mesure du possible, les mots du langage courant. Au besoin, il privilégiera la clarté de l’énoncé plutôt que la beauté du style. Par exemple, il évitera l’utilisation de synonymes et de tournures de phrase différentes pour exprimer une même idée.

1.4.2. Une rédaction grammaticalement correcte et qui respecte les règles de la ponctuation facilite la bonne compréhension du texte dans la langue de rédaction ainsi que la traduction vers les autres langues (voir ligne directrice 5).

2 - Les actes communautaires sont rédigés en tenant compte du type d’acte dont il s’agit
et, notamment, de son caractère obligatoire ou non (règlement, directive, décision, recommandation ou autre).

2.1. Les différents actes ont chacun leur présentation standard et leurs formules standards (voir ligne directrice 15). On les trouve en détail dans les Règles de technique législative, dans le Formulaire des actes du Conseil et sur LegisWrite.

2.2. La façon de rédiger tient compte du type d’acte.

2.2.1. Les règlements étant directement applicables et entièrement obligatoires, leurs dispositions doivent être rédigées de telle sorte que leurs destinataires n’aient pas de doute quant aux droits et obligations qui en découlent; il faut donc éviter de se référer à des autorités nationales intermédiaires, sauf là où une action complémentaire des États membres est prévue dans l’acte.

Exemple : « Toute société tient un registre …»

2.2.2.Les directives sont (sauf exception, notamment dans le traité Euratom) adressées aux États membres.

Exemple : «Les États membres veillent à ce que toute société tienne un registre …»

En outre, elles doivent être formulées d’une façon moins détaillée pour laisser aux États membres une marge suffisante d’appréciation lors de la transposition. Si le dispositif est trop détaillé et ne laisse plus cette marge d’appréciation, l’instrument approprié sera un règlement plutôt qu’une directive.

2.2.3.Les décisions sont rédigées en fonction de leurs destinataires, tout en répondant pour l’essentiel aux règles de présentation formelles des actes de portée générale.

Exemple : «[L’État membre] peut obtenir un concours financier de la Communauté au titre du foyer de peste porcine africaine qui a été confirmé le …»

2.2.4.Les recommandations doivent respecter, de par leur langage, la nature non obligatoire de leurs dispositions.

Exemple : «Il est recommandé aux États membres de …»

2.3. La façon de rédiger l’acte tient compte également du caractère contraignant ou non de celui-ci.

2.3.1. Le choix du verbe et de ses temps varie selon le type d’acte et les différentes langues, et également selon qu’il s’agit des considérants ou du dispositif (voir lignes directrices 10 et 12).

2.3.2.Dans le dispositif des actes à caractère contraignant, les verbes s’emploient en français au présent de l’indicatif, la formule utilisée en anglais étant généralement «shall», suivi de l’infinitif. Pour les deux langues, le futur est à éviter dans toute la mesure du possible.

2.3.3. En revanche, dans les actes non contraignants (comme les recommandations et les résolutions) (voir ligne directrice 7), les formes verbales impératives sont bannies, tout comme des structures et une présentation trop calquées sur celles des actes contraignants.

3 - La rédaction des actes tient compte des personnes auxquelles l’acte est destiné à s’appliquer
afin de leur permettre de connaître sans ambiguïté leurs droits et obligations,
ainsi que de ceux qui seront appelés à mettre en œuvre l’acte.

3.1. Il existe différentes catégories de destinataires des actes législatifs, qui vont de la population en général aux spécialistes dans des matières déterminées. Chaque catégorie doit pouvoir s’attendre à l’usage, dans la législation, d’un langage qui lui soit compréhensible.

3.2. Le fait de tenir compte des différentes catégories de personnes auxquelles les actes sont adressés a pour conséquence la modulation tant de la motivation que du dispositif des actes.

3.3. La facilité de la transposition en dépend également.

3.4. Outre les destinataires, les actes impliquent l’intervention de l’autorité nationale à différents niveaux, par exemple : fonctionnaires, scientifiques, juges. Le langage de l’acte doit tenir compte de ce fait; les textes peuvent comporter des prescriptions techniques dont l’exécution est à la charge de fonctionnaires spécialisés dans le domaine réglementé.

Exemple de rédaction ciblée …

4 - Les dispositions des actes sont formulées de manière concise et leur contenu devrait autant que possible être homogène.
Il convient d’éviter les articles et les phrases trop longs, les formulations inutilement compliquées et l’emploi abusif d’abréviations.

4.1. La caractéristique d’un bon style législatif est l’expression succincte des idées-forces du texte. Les clauses illustratives, censées rendre celui-ci plus compréhensible au lecteur, peuvent constituer des sources de problèmes interprétatifs.

4.2. Il convient de veiller à l’homogénéité du texte.

4.2.1. Le champ d’application doit être respecté dans l’ensemble de l’acte. Les droits et obligations ne doivent pas dépasser ce qui a été annoncé comme étant couvert par l’acte en question ni s’étendre à des domaines différents.

4.2.2.Les droits et obligations doivent être accordés entre eux et ne pas se contredire.

4.2.3. Un texte essentiellement temporaire ne doit pas comporter de dispositions à caractère définitif.

4.2.4. Un acte de base ne doit pas contenir des dispositions de détail qui pourraient faire l’objet d’une mesure d’exécution.

4.3. L’homogénéité s’entend également par rapport aux autres actes de la législation communautaire.

4.3.1. Il faut notamment éviter, dans un même domaine, des chevauchements et des contradictions par rapport à d’autres actes.

4.3.2. Il faut aussi exclure des doutes sur l’applicabilité d’autres actes (voir aussi ligne directrice 21).

4.4. Les phrases devraient se limiter à l’expression d’une seule idée, tandis que l’article doit regrouper un ensemble d’idées ayant un lien logique entre elles. Le texte doit être découpé en subdivisions facilement assimilables (voir tableau de la ligne directrice 15) en fonction de la progression de l’argument, car un bloc de texte trop compact provoque un effet de rejet tant optique qu’intellectuel. Ce découpage ne doit pas pour autant aboutir à un démembrement artificiel et abusif de la phrase.

4.5. Chaque article devrait contenir une seule norme ou règle. Sa structure doit être la plus simple possible.

4.5.1. Il n’est pas nécessaire en vue de l’interprétation, ni souhaitable pour la clarté, qu’un seul article épuise tout un thème objet de réglementation. Il est de loin préférable de traiter le thème au moyen de plusieurs articles que l’on regroupera alors dans une même section (voir ligne directrice 15).

4.5.2. Il convient d’éviter, surtout au stade initial de l’élaboration d’un acte, de donner aux articles une structure trop complexe. En effet, les projets et propositions d’actes feront l’objet, tout au long du processus d’adoption, de délibérations et de négociations qui, dans la plupart des cas, aboutiront encore à des ajouts et à des précisions. Les modifications ultérieures de l’acte, souvent nombreuses, trouveront de même difficilement leur place dans des articles surchargés.

Exemple cumulant les différents défauts notés ci-dessus : …

4.6. Il est parfois plus facile de rédiger des phrases complexes que de faire l’effort de synthèse qui aboutirait à des formulations limpides. Cet effort est toutefois indispensable pour parvenir à un texte aisément compréhensible et traduisible.

4.7. L’emploi d’abréviations doit être dosé en fonction des destinataires potentiels. Les abréviations doivent être connues de ceux-ci ou être clairement définies au départ (par exemple : «une Banque centrale européenne, ci-après dénommée “BCE”»).

5 - Tout au long du processus menant à leur adoption, les projets d’actes sont rédigés
dans des termes et des structures de phrases respectant le caractère multilingue de la législation communautaire ;
les concepts ou la terminologie spécifiques à un système juridique national ne sont utilisés qu’avec précaution.

5.1. Le rédacteur d’un acte communautaire de portée générale doit toujours avoir conscience du fait que son texte doit répondre aux exigences du règlement n° 1 du Conseil, qui impose l’utilisation de toutes les langues officielles dans les actes juridiques. Cela implique des exigences supplémentaires par rapport à celles qui s’appliquent à la rédaction d’un texte législatif national.

5.2. D’une part, le texte d’origine doit être particulièrement simple, clair et direct, toute complexité excessive ou toute ambiguïté, même légère, pouvant entraîner, dans une ou plusieurs des autres langues communautaires, des imprécisions, des approximations ou de véritables erreurs de traduction.

Exemple de rédaction à éviter:

«Les prix de marché du produit X sont les prix départ usine, compte non tenu des impositions intérieures:

du produit frais conditionné en blocs;

majorés d’un montant de X euros pour tenir compte des frais de transport nécessaires.»

Texte à préférer:

«Les prix de marché du produit X sont les prix départ usine du produit frais conditionné en blocs, compte non tenu des impositions intérieures.

Ces prix sont majorés d’un montant de X euros pour tenir compte des frais de transport nécessaires.»

5.2.1.Les tournures de phrases raccourcies ou elliptiques sont à éviter. Il s’agit de celles par lesquelles, dans un souci d’économie, l’auteur tente de faire passer un message dont la complexité exigerait plutôt une explicitation.

Exemple de rédaction à éviter :«Si les produits ne sont pas conformes aux exigences prévues par l’article 5, les États membres prennent toutes les mesures nécessaires pour limiter ou interdire la mise sur le marché desdits produits ou pour assurer leur retrait du marché, sauf sanctions pour le cas contraire décidées par les États membres.»

Texte à préférer : «Si les produits ne sont pas conformes aux exigences prévues par l’article 5, les États membres prennent toutes les mesures nécessaires pour limiter ou interdire la mise sur le marché desdits produits ou pour assurer leur retrait du marché.

Les États membres déterminent les sanctions à appliquer dans le cas où lesdites mesures de limitation, interdiction ou retrait ne seraient pas respectées.»

5.2.2. Sont aussi à éviter les phrases trop complexes, comportant plusieurs compléments, propositions subordonnées ou incises.

Exemple de rédaction à éviter : «Toutes les parties à l’accord doivent avoir accès aux résultats des travaux, étant entendu que les instituts de recherche ont la faculté de réserver l’utilisation des résultats à des projets de recherche ultérieurs.»

Texte à préférer : «Toutes les parties à l’accord ont accès aux résultats des travaux.

Toutefois, les instituts de recherche peuvent réserver l’utilisation des résultats à des projets de recherche ultérieurs.»

5.2.3.Les rapports entre les différentes parties de la phrase doivent être grammaticalement clairs. Il ne faut pas avoir à se demander si, par exemple, un complément se rapporte au verbe de la proposition principale ou à celui d’une proposition subordonnée.

Exemple de rédaction à éviter : «… pour comprendre et pouvoir appliquer correctement ces normes.»

5.2.4. Il convient également d’éviter les expressions de jargon, certains termes à la mode et certains mots latins détournés de leur sens juridique courant.

Par exemple : - en français: «une approche proactive», «en synergie avec»,

- en anglais: «proactive», «integrated resource management system», «quasi-abolition of central ex-ante visa controls»,

- «in fine» pour «en définitive», «a contrario» pour «au contraire».

5.3. D’autre part, les expressions et tournures employées — en particulier, mais pas exclusivement, les termes juridiques — ne peuvent, sans risquer de compromettre la traduction, être trop étroitement liées à la langue ou au système juridique du rédacteur.

Le rédacteur doit avoir conscience, en particulier, des deux problèmes ci-après.

5.3.1.Certaines expressions de sa langue — et notamment des expressions très courantes, telles que l’expression française «sans préjudice» — n’ont pas d’équivalent dans d’autres langues communautaires. Dans ces langues, elles ne peuvent donc être traduites qu’à l’aide de circonlocutions ou d’équivalents approximatifs, dont l’usage entraîne forcément une dispersion sémantique entre les différentes versions linguistiques. Il s’agit donc d’éviter autant que possible l’emploi d’expressions trop «marquées» linguistiquement.

5.3.2. En ce qui concerne la terminologie proprement juridique, il faut éviter les termes trop étroitement liés aux ordres juridiques nationaux.

Exemple : La notion de «faute», bien connue en droit français, n’a pas d’équivalent exact dans d’autres systèmes juridiques (droit anglais et droit allemand notamment); il faut donc lui préférer, selon le cas, des termes tels que «illégalité», «manquement» (à une obligation), etc., qui peuvent être aisément traduits dans les autres langues: respectivement «illegality», «breach», etc.

5.4. Le résultat à atteindre est le suivant : dans toute la mesure du possible et compte tenu de la spécificité du droit communautaire et de sa terminologie, l’acte doit être ressenti par les personnes chargées de son application ou de son interprétation dans chaque État membre (fonctionnaires, juges, avocats, etc.) non pas comme une «traduction» — dans le mauvais sens du terme —, mais comme un texte respectant un certain style normatif. En effet, des textes truffés d’emprunts, de calques ou de termes de jargon difficilement compréhensibles sont à l’origine d’une grande partie des critiques portées à l’encontre de la législation communautaire, ressentie, dans ces cas, comme quelque chose d’étranger.

5.5. Enfin, deux remarques essentiellement pratiques s’imposent en ce qui concerne le lien entre le texte d’origine et les traductions qui en sont faites.

5.5.1.Premièrement, le rédacteur doit veiller à ce que le traducteur puisse identifier immédiatement les sources utilisées dans le texte d’origine. Si un passage du texte d’origine est emprunté à un texte existant (traité, directive, règlement, etc.), cela doit ressortir clairement du texte ou être indiqué de manière séparée — le cas échéant par des moyens informatiques appropriés (voir ligne directrice 6). Toute citation cachée, sans mention de la source, risque d’aboutir, dans une ou plusieurs langues, à une traduction libre, alors que le rédacteur a précisément voulu utiliser les termes authentiques d’une disposition existante.

5.5.2.Deuxièmement, le rédacteur doit savoir que les remarques des traducteurs et, plus généralement, de tous les services qui procèdent à un examen linguistique de son texte peuvent lui être très utiles. En effet, l’examen du texte sous cet angle est l’occasion de découvrir des erreurs et des ambiguïtés qui peuvent être inhérentes au texte d’origine, même lorsque celui-ci a été longuement mûri et même — et peut-être surtout — lorsque la rédaction a fait l’objet de longues discussions entre plusieurs personnes. Le rédacteur peut alors être informé des problèmes constatés. Dans bien des cas, la meilleure solution sera de retoucher non la traduction, mais l’original.

6 - La terminologie utilisée est cohérente tant entre les dispositions d’un même acte qu’entre cet acte et ceux déjà en vigueur, en particulier dans le même domaine.

Les mêmes concepts sont exprimés par les mêmes termes et, autant que possible, sans s’éloigner du sens que leur donne le langage courant, juridique ou technique.

6.1. Afin de faciliter la compréhension et l’interprétation d’un acte normatif, il faut veiller à la cohérence du texte. On peut distinguer la cohérence formelle, concernant uniquement les aspects de la terminologie, et la cohérence quant au fond, dans un sens plus large, concernant la logique de l’ensemble de l’acte.

Cohérence formelle

6.2. La cohérence de la terminologie signifie qu’il faut utiliser les mêmes termes pour exprimer les mêmes concepts et que des termes identiques ne doivent pas être utilisés pour exprimer des concepts différents. Le but consiste à ne pas laisser d’ambiguïtés, de contradictions ou de doutes quant à la signification d’une notion. Le même terme est donc à utiliser de manière uniforme si on veut dire la même chose, et un autre terme doit être choisi pour exprimer une notion différente.

6.2.1. Cela vaut pour les dispositions d’un même acte, y compris ses annexes, mais aussi pour d’autres actes ayant un lien avec celui-ci, comme notamment les actes d’application et tous les autres actes du même secteur. D’une manière générale, la cohérence de la terminologie doit être assurée par rapport à la législation en vigueur.

6.2.2. Il faut utiliser les termes dans leur acception usuelle. Si le même mot a un sens différent dans le langage juridique et dans le langage courant ou technique, il faut formuler la phrase de manière à éviter toute équivoque.

6.2.3. À titre de précision, et pour éviter des problèmes d’interprétation, il peut être indiqué de définir un terme (voir sur ce point la ligne directrice 14).

Cohérence quant au fond

6.3. La cohérence de la terminologie doit également être vérifiée par rapport au contenu de l’acte lui-même. Cela veut dire que l’acte ne doit pas contenir de contradictions.

6.4. Les définitions doivent être respectées dans l’ensemble de l’acte. Il faut donc utiliser les définitions d’une manière uniforme, et le contenu ne doit pas s’écarter des définitions données.

DIFFÉRENTES PARTIES DE L’ACTE  (Lignes directrices 7 à 15)

7 - Tous les actes communautaires de portée générale sont rédigés selon une structure type
(titre, préambule, dispositif, le cas échéant, annexes).

7.1. Le «titre» comprend les indications qui figurent en tête de l’acte et qui permettent de l’identifier. Il peut être suivi de certaines données techniques (mention de la langue faisant foi et de l’intérêt pour l’EEE, numéro administratif) qui s’intercalent, le cas échéant, entre le titre proprement dit et le préambule.

7.2. Par «préambule», on entend tout ce qui se trouve entre le titre et le dispositif de l’acte, c’est-à-dire les visas, les considérants et les formules solennelles qui les entourent.

7.3. Le «dispositif» est la partie normative de l’acte. Il est composé d’articles, éventuellement regroupés en titres, chapitres et sections (voir tableau de la ligne directrice 15), et peut être accompagné d’annexes.

8 - L’intitulé des actes contient une indication de l’objet aussi succincte et complète que possible
et qui n’induise pas en erreur sur le contenu du dispositif.
Le cas échéant, l’intitulé peut être suivi d’un titre abrégé.

8.1. L’intitulé, c’est-à-dire la formule choisie pour donner, dans le titre, certaines informations sur l’objet essentiel de l’acte, doit notamment permettre de constater qui est (ou n’est pas) concerné par l’acte en question. Il doit donner une idée aussi claire que possible du contenu de l’acte. Il convient de ne pas alourdir le titre par des indications qui n’apportent rien à cet effet, mais plutôt d’employer des mots-clés caractéristiques des différents domaines de la réglementation communautaire (il est utile, dans ce contexte, de se référer à la structure analytique du répertoire de la législation communautaire en vigueur).

8.2. La question qui se pose donc au rédacteur est la suivante : quels éléments doivent figurer dans le titre pour que le lecteur directement concerné (par exemple non pas tout agriculteur, mais tout producteur de pommes) soit amené à lire l’acte caractérisé par le titre?

Par exemple …

8.3. Le titre de l’acte doit être différent des titres des autres actes en vigueur (mais voir point 8.4).

8.4. Un cas particulier est constitué par les actes comportant des modifications d’actes antérieurs. On doit considérer que le titre n’est pas complet s’il ne mentionne pas par leur numéro tous les actes modifiés. En effet, sans une telle mention, il n’est pas possible de retrouver toutes les modifications d’un acte donné. Si l’acte en question ne fait que modifier un autre acte, on mentionne soit le titre et le numéro d’ordre de ce dernier, soit son numéro et l’objet de la modification. Si, par contre, l’acte en question établit des dispositions autonomes et modifie en conséquence, de façon tout à fait accessoire, un autre acte, seul le numéro de ce dernier sera donné.

8.5. Un autre cas à signaler est celui du titre des actes d’application ; celui-ci comporte la mention de l’acte de base par son numéro d’ordre et son titre s’il s’agit des modalités générales, par son numéro et le domaine concerné s’il s’agit des modalités spécifiques.

8.6. Dans le cas des actes individuels, le titre est suivi, le cas échéant, de l’indication de la ou des langues faisant foi.

Titre abrégé

8.7. L’utilité du titre abrégé d’un acte normatif est moins évidente en droit communautaire — où les actes sont marqués par un code alphanumérique (par exemple: «1999/123/CE») — que dans les systèmes qui ne connaissent pas une telle numérotation. Dans certains cas, la pratique a, toutefois, introduit l’utilisation d’un titre abrégé (par exemple: règlement (CEE) n° 4064/89 = «règlement sur les concentrations»), et il convient que, dès l’élaboration de la norme, le rédacteur se pose la question de l’utilité éventuelle d’un tel titre.

8.8. Certaines règles s’appliquent au titre abrégé:

- il est créé lors de l’adoption de l’acte, en prévision de son utilité à l’avenir, vu l’importance de l’acte; il est contre-indiqué lorsqu’il existe une multiplicité d’actes voisins dans le même domaine, auquel cas il risquerait de créer la confusion,

- il ne se substitue pas à l’utilisation du titre complet lors de la première référence à l’acte dans un acte ultérieur,

- son utilisation n’est pas obligatoire (le code alphanumérique pouvant constituer un moyen de référence plus commode et plus sûr selon les circonstances),

- s’il est employé, il constitue la seule abréviation autorisée du titre de l’acte en question.

En résumé :

8.9. Le titre complet d’un acte normatif comprend, dans l’ordre:

l’indication du type d’acte;

l’abréviation de la Communauté concernée, le numéro d’ordre de l’acte et l’année;

le nom de l’institution ou des institutions auteur(s) de l’acte;

la date d’adoption;

l’indication succincte de l’objet.

Différentes parties de l’acte

9 - Les visas sont destinés à indiquer la base juridique de l’acte
et les étapes substantielles de la procédure qui ont mené à son adoption.

9.1. Les visas, qui figurent au début du préambule, servent à indiquer :

- la base juridique de l’acte, c’est-à-dire la disposition qui attribue la compétence pour arrêter l’acte en question,

- les propositions, recommandations, initiatives, projets, demandes ou avis obligatoirement recueillis ainsi que, le cas échéant, la procédure suivie (notamment: codécision, coopération),

- certains avis et autres actes de procédure non obligatoirement recueillis, comme notamment les avis du Parlement européen demandés à titre facultatif.

Il convient de vérifier si ce qui est visé constitue bien un visa et ne doit pas plutôt trouver sa place ailleurs (voir points 9.13 et 9.14).

Présentation

9.2. Chaque visa est normalement introduit par la même formule (en français, par le mot «vu» en minuscules).

La base juridique

9.3. Est visé en premier lieu, d’une façon globale, le traité qui constitue le fondement général de l’action en cause.

Le visa est rédigé comme suit: «vu le traité instituant la Communauté européenne …» ou, selon le cas, «… la Communauté européenne de l’énergie atomique …» ou «… le traité sur l’Union européenne».

En cas de pluralité de traités à citer, il faut les citer dans l’ordre suivant: CE, Euratom.

9.4. Si la base juridique directe de l’acte est une disposition du traité, la citation globale de celui-ci est accompagnée des mots «, et notamment» suivis de l’article pertinent.

Exemple : « vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 37 »

9.5. Si, par contre, la base juridique directe de l’acte se trouve dans un acte de droit dérivé (3), celui-ci est cité dans un deuxième visa avec l’article pertinent, précédé là aussi des mots «, et notamment».

Exemple : « vu le traité instituant la Communauté européenne, vu le règlement (CEE) n° 1766/92 du Conseil du 30 juin 1992 portant organisation commune des marchés dans le secteur des céréales (*), et notamment son article 13, paragraphe 5 »

9.6. La base juridique est à distinguer nettement des dispositions qui fixent l’objet, les conditions et les modalités de fond des décisions à prendre. Les dispositions de pure procédure (par exemple, les articles 251 et 300 du traité CE) ne constituent pas des bases juridiques.

9.7. Les cas des accords internationaux conclus selon la procédure de l’article 300 du traité CE et des actes pris en vertu des dispositions appropriées du titre IV du même traité sont atypiques et méritent une mention spéciale.

9.8. Dans le même esprit, lorsqu’un acte détermine dans une série d’articles l’objet des futures décisions et indique dans un autre article l’institution compétente pour prendre ces décisions, c’est ce dernier article, et lui seul, qui sera visé.

9.9. De même, lorsqu’un acte contient, à l’intérieur d’un même article, un paragraphe sur l’objet des mesures et un autre attributif de compétence, on ne visera que ce dernier paragraphe (4), et non tout l’article en cause.

Par exemple …

Les actes de procédure

9.10. Les visas des actes préparatoires, et notamment les propositions de la Commission et leurs modifications éventuelles, les avis du Parlement européen, de la Cour des comptes, du Comité économique et social européen et du Comité des régions doivent de même être suivis d’un renvoi en bas de page, la note de bas de page indiquant le Journal officiel où l’avis a été publié (exemple: JO C 128 du 9.6.1975, p. 11). Si l’avis en question n’a pas encore été publié, on précise dans la note la date à laquelle il a été rendu.

Par exemple : « ... Avis rendu le 10 avril 1992 (non encore paru au Journal officiel). »

9.11. Le visa correspondant à la procédure de codécision est rédigé de la manière suivante :  «statuant conformément à la procédure visée à l’article 251 du traité» et est suivi d’un renvoi à une note de bas de page qui indique toutes les étapes de la procédure. Lorsqu’une conciliation a réussi, ce visa est complété par la mention suivante : « statuant … du traité, au vu du projet commun approuvé le … par le comité de conciliation».

9.12. Le visa de la procédure est à utiliser pour certains actes adoptés sur une base juridique qui fait renvoi à une procédure d’adoption contenue dans un autre article du traité. Par exemple, l’article 110, paragraphe 3 (base juridique), renvoie à la procédure prévue à l’article 107, paragraphe 6. Ce dernier article doit être visé de la même manière que l’article 251.

Indications ne constituant pas des visas

9.13. Il convient de vérifier si ce que l’on entend viser concerne bien soit la base juridique, soit la procédure. Si le rappel du contenu essentiel de dispositions autres que la base juridique s’avère nécessaire pour la bonne compréhension du dispositif ou en vue du contrôle de légalité, ce rappel est fait dans les considérants. Des rappels plus généraux pourront trouver leur place, pour mémoire, dans l’exposé des motifs.

9.14. Les dispositions institutionnelles générales du traité CE (par exemple, les articles 205 et 249), qui sont également d’application en ce qui concerne l’acte en cause, ne doivent pas non plus être mentionnées dans les visas.

10 - Les considérants ont pour but de motiver de façon concise les dispositions essentielles du dispositif,
sans en reproduire ou paraphraser le libellé.
Ils ne comportent pas de dispositions de caractère normatif ou de vœux politiques.

10.1. On entend par «considérants» la partie de l’acte qui contient la motivation de celui-ci et qui est comprise entre les visas et le dispositif de l’acte. La motivation commence par les mots «considérant ce qui suit:» et se poursuit par des points numérotés (voir ligne directrice 11) formés d’une ou de plusieurs phrases complètes. Elle est formulée dans un langage non impératif, ne devant pas pouvoir être confondu avec celui du dispositif.

10.2. La motivation des règlements, directives et décisions est obligatoire. Elle a pour but de faire connaître à tout intéressé les conditions dans lesquelles l’auteur de l’acte a exercé la compétence relative à l’acte en question (voir affaire 24/62) et de donner la possibilité aux parties à un litige de défendre leurs droits, ainsi qu’à la Cour de justice des Communautés européennes d’exercer son contrôle.

10.3. S’il est nécessaire de rappeler le contexte historique de l’acte, le récit suit l’ordre chronologique des faits. Les éléments de la motivation des dispositions spécifiques de l’acte suivent l’ordre de celles-ci.

Le schéma idéal de la motivation des actes consiste en:

- un exposé concis des éléments de fait et de droit à prendre en considération,

- la conclusion qu’il est dès lors nécessaire ou opportun de prendre les mesures édictées au dispositif.

10.4. On ne saurait préciser davantage le contenu d’une motivation valable pour un acte juridique communautaire. Il est en effet impossible de réduire à uniformité la manière de motiver des actes généraux et individuels portant sur des matières ou adoptés dans des circonstances différentes.

Certaines règles de principe de la motivation peuvent néanmoins être énoncées.

10.5. Les considérants doivent motiver de façon concise les dispositions essentielles du dispositif de l’acte. Il en résulte ce qui suit :

10.5.1. Les considérants doivent constituer une véritable motivation. Cela exclut la citation des bases juridiques (lesquelles doivent figurer dans les visas) ou la répétition du passage dans la disposition citée comme base juridique qui confère la compétence pour agir. En outre, les considérants sont inutiles ou ne répondent pas à leur finalité s’ils ne font qu’annoncer l’objet du texte ou reproduire, voire paraphraser, ses dispositions, sans en indiquer les motifs.

10.5.2.Doivent être bannis les considérants qui constatent simplement qu’il y a lieu de prendre des dispositions, sans indiquer les raisons qui les motivent.

10.5.3.Il faut éviter que la motivation d’un acte soit faite, même partiellement, par simple renvoi à la motivation d’un autre acte (motivations croisées) (voir l’affaire 230/78 et l’affaire 73/74).

10.5.4.Les considérants doivent se rapporter au dispositif ; leur ordre doit correspondre autant que possible à celui des dispositions qu’ils motivent.

10.6. Bien entendu, il n’y a pas lieu de justifier individuellement chaque disposition. Par contre, il faut toujours motiver l’abrogation d’un acte ou la suppression d’une disposition (voir aussi point 10.14).

10.7. Tout considérant ne présentant pas d’intérêt pour la justification du dispositif devrait être exclu, sous réserve des exceptions suivantes :

- le cas de l’article 308 du traité CE; on utilise alors le libellé suivant : « Le traité ne prévoit pas, pour l’adoption de la présente décision […], d’autres pouvoirs ’action que ceux de l’article 308.»

- lorsqu’on peut hésiter entre différentes bases juridiques, par exemple entre les articles 37 et 94 ou 95, 95 et 175, 26, 37 et 133 du traité CE; dans ce cas, il convient d’expliquer le choix de la base juridique retenue.

10.8. De même, lorsqu’une base juridique permet de recourir à des actes juridiques sans en préciser le type («Le Conseil adopte les mesures nécessaires …») et qu’on ne peut déduire du contenu de la mesure à prendre lequel des instruments juridiques de droit communautaire est approprié, il y a lieu d’indiquer les raisons du choix de l’instrument juridique. Ainsi, si, dans un cas déterminé, il est possible de légiférer par la voie d’un règlement directement applicable, il y a lieu d’expliquer pourquoi il est préférable de n’adopter qu’une directive, laquelle nécessite une transposition en droit national. L’auteur doit également avoir présent à l’esprit les consignes du protocole sur l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité.

La portée de l’obligation de motiver dépend de la nature de l’acte ou de la disposition en cause.

a) Actes de portée générale

10.9. Dans les actes normatifs de base, on aura soin, plutôt que d’expliciter toutes les raisons d’être de chaque disposition particulière, d’axer la motivation sur la philosophie générale de l’acte. Néanmoins, un certain nombre de dispositions particulières seront spécifiquement motivées soit en raison de leur importance, soit parce qu’elles ne s’insèrent pas dans la ligne générale précitée.

10.10. Dans les actes d’application, bien qu’un effort de concision doive toujours être déployé, la motivation est nécessairement plus spécifique.

10.11. La motivation de ces actes ne doit cependant pas nécessairement spécifier, ni a fortiori apprécier, les faits au vu desquels l’acte a été adopté. En particulier, une motivation détaillée et chiffrée des actes du type de ceux qui portent fixation de droits à l’importation ou restitutions agricoles n’est pratiquement pas possible; il convient donc de se limiter à la simple indication des critères et des méthodes employés pour les calculs, en indiquant, d’une part, la situation d’ensemble qui a conduit à l’adoption de l’acte et, d’autre part, les objectifs généraux qu’il se propose d’atteindre (voir affaire 16/65).

b) Actes individuels

10.12. Les actes individuels, surtout s’ils rejettent une demande, sont à motiver de façon plus précise.

10.13. C’est le cas, par exemple, des décisions en matière de concurrence, dans lesquelles des situations juridiques et de fait complexes doivent être décrites; la décision devant néanmoins rester claire, un effort de concision doit là aussi être déployé.

c) Dispositions particulières

10.14. Certaines dispositions sont à motiver avec un soin particulier, notamment celles qui :

- sont prises par dérogation,

- sont en opposition avec le régime général,

- constituent des exceptions aux principes généraux, telles que des dispositions rétroactives,

- risquent de causer un préjudice à certains intéressés,

- fixent l’entrée en vigueur le jour même de la publication.

d) Motivation de la subsidiarité et de la proportionnalité de l’acte

10.15. Pour ces principes, il convient d’insérer une motivation particulière.

10.15.1.Les institutions, dans l’exercice de leurs compétences normatives, tiennent compte du principe de subsidiarité et justifient de son respect dans l’exposé des motifs et, d’une façon plus succincte, dans les considérants.

10.15.2.Le texte du considérant «subsidiarité» varie au cas par cas, mais suit le schéma du point 10.15.3. Il convient, toutefois, de rappeler la distinction que l’article 5 du traité CE opère entre les domaines qui relèvent de la compétence exclusive et ceux qui concernent les autres compétences

10.15.3.Dans les domaines qui relèvent de la compétence exclusive, tout ce que l’article 5, troisième alinéa, requiert est le respect du principe de proportionnalité. Ainsi, le texte du considérant contiendra notamment les éléments suivants :

« Conformément au principe de proportionnalité, il est nécessaire et approprié, afin de mettre en œuvre l’objectif fondamental …[mentionner l’objectif général], de réglementer … [mentionner les mesures spécifiques réglementées par l’acte en question]. [L’acte] … n’excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs poursuivis, conformément aux dispositions de l’article 5, troisième alinéa, du traité.»

10.15.4.Lorsque la compétence communautaire n’est pas de nature exclusive, le considérant inclut à la foi la motivation « subsidiarité » proprement dite ainsi que celle de la proportionnalité visée ci-dessus, selon l’exemple …

Motivation «comitologie»

10.16. Dans les actes de base comportant une procédure de comité pour l’exercice des compétences d’exécution de la Commission, une motivation standardisée fait référence à la décision 1999/468/CE du Conseil.

Mentions de consultations

10.17. La décision 1999/468/CE du Conseil fixe les modalités de l’exercice des compétences d’exécution conférées à la Commission. Les consultations prévues par cette décision sont mentionnées dans le préambule des actes adoptés par la Commission dans l’exercice desdites compétences.

10.17.1.La consultation d’un comité de gestion (article 4 de la décision) ou d’un comité de réglementation (article 5 de la décision) produit toujours des effets juridiques qui varient selon les différents cas de figure prévus dans l’acte de base. Elle n’est pas mentionnée dans un visa, mais dans le dernier considérant. (Pour la mention de la consultation d’un comité consultatif, voir point 9.14.)

10.17.2.Les formules à employer diffèrent selon les cas.

Inscription de considérants financiers dans les actes législatifs

10.18. Le Parlement européen, le Conseil et la Commission ont conclu, le 6 mai 1999, un accord interinstitutionnel sur la discipline budgétaire et l’amélioration de la procédure budgétaire, qui remplace, avec effet à la même date, la déclaration du Parlement européen, du Conseil et de la Commission du 6 mars 1995 concernant l’inscription de dispositions financières dans les actes législatifs. L’accord établit, dans son point 33, que les actes concernant des programmes pluriannuels adoptés selon la procédure de codécision comprennent une disposition dans laquelle le législateur établit l’enveloppe financière du programme pour l’ensemble de sa durée. Cette disposition est accompagnée du considérant type suivant …

10.19. Conformément au point 34 de l’accord interinstitutionnel mentionné, les actes concernant les programmes pluriannuels non soumis à la procédure de codécision ne comportent pas de «montant estimé nécessaire». Les propositions de la Commission ne comprennent donc aucune disposition financière pour les actes autres que ceux mentionnés au point 10.18. Au cas où le Conseil entend introduire une référence financière, celle-ci revêt un caractère illustratif de la volonté du législateur et n’affecte pas les compétences de l’autorité budgétaire définies par le traité. Mention de cette disposition sera faite dans chacun des actes comportant une telle référence financière (10).

10.19.1. Dans ces circonstances, ces actes contiennent le considérant suivant …

10.19.2.Si le montant de référence financière visé ci-dessus a fait l’objet d’un accord avec le Parlement européen, dans le cadre de la procédure de concertation prévue par la déclaration commune du 4 mars 1975, il sera considéré comme un montant de référence au sens du point 10.18.

10.19.3.Dans ce cas de figure, le considérant au point 10.18 est remplacé par le texte suivant, le dispositif restant inchangé …

Il ressort de ce qui précède qu’une certaine standardisation de la motivation est possible. LegisWrite incorporera, au fur et à mesure, les modèles de textes qui se prêtent, au prix de légers aménagements, à ce traitement.

11 - Chaque considérant est numéroté.

11.1. Cette pratique est justifiée par des considérations évidentes de clarté de la législation et de facilité des références, tant avant qu’après l’adoption du texte.

11.2. Les mêmes raisons font que cette pratique est d’application universelle, c’est-à-dire qu’elle ne s’applique pas uniquement aux actes législatifs de portée générale, mais bien à tout acte des institutions rédigé selon la forme solennelle (titre, préambule, dispositif).

11.3. La présentation est la suivante:

«considérant ce qui suit :

1- [Commencer avec une majuscule] …

2 - [Commencer avec une majuscule] …»

11.4. Un considérant unique n’est pas numéroté.

12 - Le dispositif d’un acte contraignant ne contient pas de dispositions sans caractère normatif,
tels que des souhaits ou des déclarations politiques,
ni de dispositions qui reproduisent ou paraphrasent des passages ou articles des traités ou confirment une disposition de droit en vigueur.
Les actes ne contiennent pas de dispositions qui annoncent le contenu d’autres articles ou répètent le titre de l’acte.
Dispositions sans caractère normatif dans des actes contraignants

12.1. Les actes normatifs doivent aller droit au but. Ceux de nature contraignante doivent établir des normes, incluant les indications (par exemple: le champ d’application, des définitions) nécessaires pour comprendre et pouvoir appliquer correctement ces normes. Tout le reste est superflu : les souhaits, les intentions, les déclarations ne trouvent pas leur place dans le dispositif d’un acte contraignant. Il y a une contradiction entre «souhaitable» et «contraignant».

Exemple à éviter …

Dispositions qui reproduisent ou paraphrasent des passages ou articles des traités ou d’autres actes

12.2. Cette pratique est inutile et dangereuse. Prenons un acte fondé sur l’article 40 du traité CE, lequel est dûment mentionné dans les visas. Il est inutile de rédiger un alinéa qui reprend l’article 39, paragraphe 1, aux termes duquel «La libre circulation des travailleurs est assurée à l’intérieur de la Communauté». Le rédacteur doit indiquer comment il entend mettre en œuvre cette disposition, et non la répéter. De plus, une telle répétition est dangereuse, car tout écart par rapport aux termes originaux peut donner l’impression qu’on a voulu atteindre un résultat différent, et même créer une sorte de présomption en ce sens.

Dispositions qui ne font qu’annoncer le contenu d’autres articles

12.3. De telles dispositions, libellées généralement de la façon suivante : «Afin de mettre en place ce système, le Conseil arrête les mesures prévues aux articles 3, 4 et 5» n’ajoutent rien au texte législatif, puisque les articles en question contiennent eux-mêmes tous les détails appropriés concernant leur mise en œuvre. Qui plus est, une telle structure crée une confusion quant à la vraie base juridique pour une mesure d’exécution future: est-ce l’article qui contient la référence ou l’article auquel référence est faite?

Dispositions qui répètent le titre de l’acte

12.4. Même là où l’utilisation des mots formant le titre de l’acte ne peut pas être évitée (par exemple à l’article qui définit l’objet et la portée de l’acte), il faut qu’il y ait une plus-value, dans le sens d’une plus grande spécification des paramètres du texte. Sinon, de telles dispositions sont dépourvues de contenu normatif et risquent, en outre, de créer une confusion quant aux droits et obligations consacrés par l’acte.

13 - Le cas échéant, un article est inséré au début du dispositif pour définir l’objet et le champ d’application de l’acte.

13.1. L’«objet» est ce sur quoi porte l’acte, tandis que le terme «champ d’application» désigne les catégories de situations de fait ou de droit et les personnes auxquelles l’acte s’applique.

13.2. Un article premier définissant l’objet et le champ d’application, fréquent dans les accords internationaux, figure également assez souvent dans les actes communautaires. Son utilité est à évaluer au cas par cas.

13.3. Il est certainement inutile s’il ne constitue qu’une paraphrase du titre. Par contre, il peut fournir au lecteur des éléments qu’on n’aura pas insérés dans le titre dans un souci de concision, mais qui lui permettent de constater, de prime abord, si l’acte le concerne ou ne le concerne pas. Justement, dans cette optique, il faudra veiller à ne pas induire le lecteur en erreur.

Par exemple …

13.4. Parfois, la délimitation entre champ d’application et définition n’est pas claire. Dans l’exemple …

14 - Lorsque les termes utilisés dans l’acte n’ont pas un sens univoque,
il convient de rassembler une définition de ces termes dans un seul article, au début de l’acte.
Cette définition ne contient pas d’éléments réglementaires autonomes.

14.1. Tout terme devrait être utilisé avec la signification qu’il a dans le langage courant ou spécialisé. La clarté juridique peut toutefois exiger que l’acte même détermine la signification des mots qu’il emploie. Ceci est notamment le cas si le terme présente plusieurs sens, mais doit être compris dans un seul de ceux-ci, ou si, aux fins de l’acte, on désire restreindre ou élargir le sens par rapport à celui qui est normalement attribué au mot en question. Il est à noter que la définition ne doit pas être contraire au sens courant du terme.

Le terme défini doit être utilisé dans le sens précisé tout au long de l’acte.

14.2. La seconde phrase de la ligne directrice dénonce une erreur rédactionnelle fréquente.

14.2.1.Un exemple de mauvaise rédaction : « d) “plainte”, toute information communiquée par … toute personne ayant un intérêt dans la sécurité du navire … sauf si l’État membre juge le rapport ou la plainte manifestement non fondé; l’identité de la personne dont émane le rapport ou la plainte ne doit pas être révélée au capitaine ni au propriétaire du navire concerné.»

14.2.2.Le membre de phrase souligné ne constitue pas une définition, mais un élément réglementaire autonome.

14.3. L’élément réglementaire doit trouver sa place dans les dispositions normatives. Dans notre exemple, le rédacteur peut compléter un des articles en insérant cet élément à l’endroit approprié («… Si l’État membre reçoit une plainte qu’il ne juge pas manifestement non fondée …, il …») et en ajoutant comme deuxième alinéa la phrase: « L’identité de la personne …»

14.4. On soulignera que l’exigence de ne pas insérer d’éléments réglementaires autonomes n’est pas seulement dictée par un souci de rigueur systématique. Insérer de tels éléments dans la définition comporte le danger que le lecteur, ne trouvant pas tous les éléments normatifs regroupés, en oublie une partie lors de l’interprétation.

15 - Le dispositif est, autant que possible, rédigé selon une structure type
(objet et champ d’application — définitions — droits et obligations —
dispositions conférant des compétences d’exécution — dispositions procédurales — mesures d’application — dispositions transitoires et finales).

Il est subdivisé en articles et, selon sa longueur et sa complexité, en titres, chapitres et sections. Lorsqu’un article contient une liste, il convient de distinguer chaque élément de cette liste par un numéro ou une lettre de préférence à un tiret.

15.1. La structure type du dispositif est composée d’éléments textuels dont plusieurs répondent à des règles de présentation plus ou moins strictes. C’est le cas des éléments suivants :

1) l’objet et le champ d’application (voir ligne directrice 13) ;

2) les définitions (voir ligne directrice 14) ;

3) les dispositions conférant des compétences d’exécution. Les dispositions en matière de «comitologie» suivent des règles de présentation qui sont reflétées dans les modèles de LegisWrite ;

4)les mesures d’application. Les dispositions concernant les modalités et les dates pour la transposition d’une directive par les États membres suivent un schéma bien établi (voir LegisWrite). D’autres dispositions, par exemple celles concernant les sanctions à prévoir au niveau national, ou encore les voies de recours à garantir, sont également prévues dans une forme standardisée ;

5) les dispositions transitoires et finales. Cette catégorie d’éléments comprend :

- l’abrogation éventuelle d’actes antérieurs (voir ligne directrice 21). Si la date de cette abrogation ne coïncide pas avec l’entrée en vigueur de l’acte à adopter, cette date est à spécifier clairement,

- les règles de transition de l’ancien au nouveau système. Il faut utiliser un langage et surtout mentionner des dates qui ne laissent aucun doute quant à la période pendant laquelle l’ancienne réglementation, ou une partie de celle-ci, reste applicable de façon résiduelle, une fois le nouveau système en vigueur,

- les dispositions modificatives de l’acte antérieur (voir ligne directrice 18),

- l’application de l’acte dans le temps (voir ligne directrice 20).

15.2. Les autres éléments — les droits et obligations ainsi que les dispositions procédurales — représentent la partie proprement normative de l’acte et leur forme sera modulée en fonction du but poursuivi par l’acte et du degré de complexité du système prévu.

15.3. Lorsqu’un article contient une liste, il faut veiller à ce que chaque élément de celle-ci soit coordonné et directement rattaché à la phrase introductive. À cette fin, il est souhaitable d’éviter l’insertion de phrases ou d’alinéas autonomes dans une énumération.

15.-4. Les subdivisions organiques du dispositif d’un acte législatif sont reprises dans le tableau figurant ci-après…

[ Nous nous limiterons, pour les dispositions suivantes, à donner le titre des intitulés ]

16 - Il convient d’éviter autant que possible les références à d’autres actes. Les références désignent de manière précise l’acte ou la disposition auxquels il est renvoyé. Les références croisées (référence à un acte ou à un article qui lui-même renvoie à la disposition de départ) et les références en cascade (référence à une disposition qui elle-même renvoie à une disposition) sont également à éviter.

……….

17 - Une référence contenue dans le dispositif d’un acte contraignant à un acte non contraignant n’a pas pour effet de rendre celui-ci contraignant. Si les rédacteurs souhaitent rendre contraignant tout ou partie du contenu de l’acte non contraignant, il convient d’en reproduire, autant que possible, le texte comme partie de l’acte contraignant.

………

18 - Toute modification d’un acte est clairement exprimée. Les modifications prennent la forme d’un texte qui s’insère dans l’acte à modifier. Le remplacement de dispositions entières (article ou l’une de ses subdivisions) est à préférer à l’insertion ou à la suppression de phrases, de membres de phrases ou de mots.

Un acte modificatif ne comporte pas de dispositions de fond autonomes qui ne s’insèrent pas dans l’acte modifié.

………

19 - Un acte qui n’a pas pour objet essentiel de modifier un autre acte peut comporter, in fine, des modifications d’autres actes qui découlent de l’effet novateur de ses propres dispositions. Si les modifications sont importantes, il convient d’adopter un acte modificatif séparé.

………

20 - Les dispositions prévoyant des dates, délais, exceptions, dérogations, prorogations, ainsi que les dispositions transitoires (notamment relatives aux effets de l’acte sur les situations existantes) et les dispositions finales (entrée en vigueur, date limite de transposition et application de l’acte dans le temps) sont rédigées de manière précise.

Les dispositions relatives aux dates limites de transposition et d’application des actes prévoient une date exprimée en jour/mois/année. Pour les directives, ces dates sont exprimées de façon à garantir une période adéquate de transposition.

………

21 - Les actes et dispositions devenus obsolètes font l’objet d’une abrogation expresse. L’adoption d’un nouvel acte devrait donner lieu à l’abrogation expresse de tout acte ou disposition devenu inapplicable ou sans objet par l’effet de ce nouvel acte.

………

22 - Les éléments techniques de l’acte sont incorporés dans les annexes, auxquelles référence est faite individuellement dans le dispositif de l’acte. Les annexes ne comportent aucun droit ou obligation nouveau qui n’ait pas été énoncé dans le dispositif.

Les annexes sont rédigées selon une structure standardisée.

………

Signe de fin