PETITS CAS PRATIQUES
et FAITS DIVERS COCASSES
( Cas n°1 à 20 )
Un délit impossible
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Cas n° 1 - Vol ... de sandwiches.
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Trois sandwiches, deux au jambon
et un autre au parmesan, tel a été le butin de deux bandits qui ont attaqué lundi à Rome un fourgon de transports de fonds.
Les deux hommes, qui étaient au volant d’une puissante voiture, ont contraint le chauffeur à s’arrêter et, sous la menace de
leurs armes, se sont emparés d’un sac contenant… le casse-croûte du chauffeur. Ce dernier a porté plainte. On ignore ce qu’il
a mangé à midi. (Le Soir, 31 octobre 1973)
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Question : Comment analyser cette agression ?
Réponse : Il s’agit, non d’une simple tentative de vol, mais d’un vol qualifié
accompli. Les malfaiteurs ayant intentionnellement accompli des actes d’exécution et la victime ayant été effectivement
dépossédé d’un bien, tous les éléments de l’infraction sont réunis.
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Cas n° 2 - Le Cycliste vengeur.
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La vengeance ne paie pas, loin de
là. Un Britannique de 37 ans a été condamné à seize mois de prison ferme pour avoir crevé près de 2000 pneus de voitures. En
colère après avoir eu affaire à des automobilistes peu avenants (l’un a failli le renverser, l’autre l’a éclaboussé),
l’adepte de la petite. reine s’est livré à son expédition punitive en décembre dernier. De nuit, armé d’un tournevis aiguisé,
il a percé au hasard les roues de plus de 500 véhicules. Un coup de sang dont la note totale s’élève quand même à
374.000 €. (Ouest-France, 20 avril 2004)
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Question : Combien d’infractions l’automobiliste a-t-il commises ?
Réponse : Autant que de véhicules endommagés.
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Cas n° 3 - Le dentiste astucieux.
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« Dr A. Aaron et N. F... ,
dentistes ». Tels étaient les premiers noms que l’on pouvait lire dans l’annuaire téléphonique de Newport, l’an dernier
à la rubrique profession « Dentistes ». Cette année les deux noms ont disparu. Le Dr Aaron n’existait pas ; et
le malin Dr F..., qui l’avait inventé de toutes pièces pour être en tête de ses confrères dans l’annuaire, a été suspendu.
( La Meuse, 20 mai 1979 )
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Question : Raison cette suspension ?
Réponse : Un délit disciplinaire d’atteinte aux règles de la confraternité (la loi
pénale ne se montre pas aussi chatouilleuse).
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Cas n° 4 - Le mauvais distributeur de billets.
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Des casseurs ont défoncé, avec
une voiture volée, la façade d’un Crédit agricole du vignoble nantais, jeudi à 1 h. Objectif : la banque automatique de
billets. Avec des sangles attachées à la voiture, les voleurs ont arraché sans problème le distributeur, mais ils se sont
trompés. Ils ont descellé la borne de relevés de compte, sans intérêt pour eux. Ils sont partis en laissant tout sur place.
( Ouest-France, 24 octobre 2003 )
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Question : Comment qualifier ces faits ?
Réponse : D’une part, il y a tentative de vol d’argent ayant abouti à un délit
manqué. D’autre part, il y a délit de destruction de biens appartenant à autrui. Les deux qualifications s’imposent du point
de vue de l’action civile.
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Cas n° 5 - Rubrique horoscope.
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Gémeaux – La prudence est
de rigueur ces jours-ci. Vous aurez des difficultés à garder votre sang froid devant ce qui pourrait vous importuner.
Veillez, dès lors, à ne pas commettre des actes outranciers.
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Question : Le natif des gémeaux qui a commis un délit de coups et blessures ce jour
là peut-il utilement produire cette coupure de presse devant les juges ?
Réponse : Non : tout être humain est réputé posséder son libre arbitre, tant
qu’il ne souffre pas de trouble mentaux ; aussi doit-il résister à ses pulsions et ne peut-il invoquer un hypothétique
déterminisme.
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Cas n° 6 - Un baiser douloureux.
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Près de Pontoise, il voulait à
tout prix l’embrasser. Elle ne voulait pas. Il a essayé quand même : elle lui a coupé la langue d’un coup de dents. (
La Meuse, 15 janvier 1975 )
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Question : Peut-il lui en faire le reproche ?
Réponse : Le juge appréciera, souverainement, après une analyse approfondie des
faits de l’espèce, si les conditions de la légitime défense de la pudeur étaient réunies.
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Cas n° 7 - Un baiser volé.
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Dans un compartiment de chemin de
fer d’autrefois, un jeune couple en pleine lune de miel se tient par la main. Le train travers une région montagneuse et
s’engouffre sous un tunnel. A la sortie, lorsque la lumière revient, le jeune homme dit à sa femme : - « Darling,
si j’avais su que ce tunnel était aussi long, je vous aurais embrassée ». La jeune femme, rêveuse lui répond :
« Alors, ce n’était pas vous ? ».
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Question : Quid du voisin de la jeune mariée ?
Réponse : Il ne peut invoquer le consentement de la « victime », puisque
de son côté il y avait erreur sur la personne à laquelle elle permettait de l’embrasser.
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Cas n° 8 - Une araignée dans la vitrine.
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Un bijoutier de San Francisco
semble avoir enfin trouvé le truc pour décourager les cambrioleurs. Il a placé dans sa vitrine, au milieu des bijoux, une
araignée géante, noire et velue de la famille des tarentules. Il l’a baptisée Rose. Cette araignée, qu’il loue à une firme
spécialisée, ne lui coûte que quelques dizaines de francs par mois. Une dépense qu’il estime largement amortie puisque,
depuis que Rose monte la garde, sa vitrine n’a pas encore été agressée. ( La Meuse, 29 août 1975 )
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Question : Le voleur qui se ferait mordre en ouvrant la vitrine pourrait-il se
plaindre ?
Réponse : En science rationnelle, il y aurait légitime défense des biens.
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Cas n° 9 - Des gangsters timides.
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« Ouvre », a dit un
homme armé au propriétaire d’une bijouterie qui était en train de garnir l’étalage de son magasin, encore fermé. L’inconnu
était accompagné d’un complice, armé également. « Non », a fait de la tête le bijoutier. « Ouvre », a dit
à son tour le complice. « Non » a répété le commerçant. Un chien a aboyé ; un passant approchait. Mauvais tout
ça. Les deux gangsters se sont enfuis en voiture. ( La Meuse, 3 mars 1977 )
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Question : Que peut-on leur reprocher ?
Réponse : Une tentative de vol qualifié, puisqu’ils ont exhibé leurs armes et
étaient donc entrés dans la phase d’exécution de leur entreprise.
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Cas n° 10 - Canular.
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Sur un marché, des petits malins
vendaient des sachets « d’eau de source déshydratée »… Il ne restait plus au client qu’à les remplir d’eau du
robinet ! ( Vu dans la presse, il y a quelques d’années )
Dans le même registre
on pense à la quête en faveur de la « veuve du soldat inconnu ».
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Question : Une telle manœuvre tombe-t-elle sous le coup de la loi pénale ?
Réponse : Réponse en deux temps. D’abord, puisqu’il y a pourparlers préalable,
l’affaire se situe non sur le terrain de la protection des biens, mais sur le plan de la police de la foi contractuelle.
Ensuite, sur ce plan, le délit de base qu’est l’incrimination d’escroquerie ne vise que les agissement de nature à tromper la
vigilance d’un homme raisonnablement attentif. Tel n’est pas le cas en l’espèce. Conclusion : relaxe.
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Cas n° 11 - Ordre d'assassiner.
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Ordre
d’assassiner. – Le miroir magique dit à la reine : - « Blanche-Neige, votre belle-fille, est mille fois plus
belle que vous »… De rage, la méchante femme appela un chasseur du palais et lui dit : - « Tu prendras
Blanche-Neige et tu l’emmèneras très loin dans la forêt. Tu la tueras et tu me rapporteras son cœur et ses poumons comme
preuve de sa mort ».
Le chasseur obéit et emmena l’enfant, mais, alors qu’il s’apprêtait à la tuer, devant tant de beauté et d’innocence, il
s’apitoya et lui dit de se sauver. Il était certain que les bêtes sauvages ne tarderaient pas à la dévorer et que la reine
ignorerait qu’il avait désobéi. Sur le chemin du retour, il tua une biche, prit son cœur et ses poumons, et les rapporta à la
reine en guise de preuve. ( Contes de Grimm, Blanche-Neige )
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Question : Comment qualifier ces agissements, sur le terrain de la science
criminelle ?
Réponse : Réponse à deux niveaux : Quant à la reine, elle s’est rendue
coupable du délit rationnel d’instigation au meurtre non suivie d’effet.
Quant au chasseur, on peut dire qu’il y a eu tentative d’assassinat interrompue par suite d’un désistement volontaire dû à
la pitié ; on pourrait toutefois lui reprocher d’avoir abandonné la princesse dans un lieu où elle courait grand risque
d’être une proie pour les bêtes féroces (non assistance à personne en danger).
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Cas n° 12 - L'automobiliste épileptique.
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Le procès d’un automobiliste
épileptique qui avait fauché un groupe d’adolescents à un arrêt d’autobus en 2002 à Blagnac, faisant deux morts, s’est ouvert
hier au Tribunal correctionnel de Toulouse. Il s’agit d’un employé municipal de l’agglomération, qui savait être atteint de
cette affection. ( Le Télégramme 22 mai 2004 )
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Question : Etant établi que le prévenu a causé l'accident au cours d'une crise
d'épilepsie, sa responsabilité pénale est-elle engagée ?
Réponse : Sur le plan du droit pénal strict, la réponse est négative : une
personne ne peut se voir reprocher une infraction de coups et blessures volontaires, ou d’homicide intentionnel, si elle
était en état d’épilepsie au moment des faits.
Mais, sur le plan de la police de la sécurité publique, la réponse est positive : celui qui se sait sujet à des pertes
de conscience ne doit pas faire courir de risque à autrui. En prenant le volant il commet une faute ; de sorte que, s’il
cause un accident, il se rend coupable de blessures ou homicide par imprudence.
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Cas n° 13 - Crime "d'honneur".
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Deux frères ont été interpellés
par la police jordanienne pour avoir tué leur sœur qu’ils accusaient d’adultère. C’est le septième « crime
d’honneur » commis cette année en Jordanie. La femme a été tuée de plusieurs coups de crosse à la tête en plein jour
dans une rue d’Amman, sous le regard impuissant des passants. ( Le Figaro 1er juin 2004 )
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Question : Accusés de sororicide, quel moyen de défense le deux meurtriers vont-ils
invoquer ?
Réponse : Ils vont soutenir, selon la structure du droit local, soit que la loi
familiale prévaut en ce domaine sur la loi sociale (conflit de lois), soit que leurs convictions morales leur imposaient
d’agir comme ils l’ont fait (cas de conscience). En France, aucun de ces deux moyens de défense ne serait déclaré recevables
(jurisprudence « Témoins de Jéhovah »).
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Cas n° 14 - Un braqueur peu motivé.
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Mardi matin, un homme se présente
au guichet d’une banque à Rennes. Il porte un bonnet et des lunettes de soleil, et dissimule l’une de ses mains dans un sac à
dos. Les employés tressaillent. Leur visiteur demande alors sèchement la caisse. Le chef de l’agence refuse. L’apprenti
braqueur insiste, et essuie le même refus. Finalement il explique, rassurant, que c’était une plaisanterie et qu’il venait
simplement ouvrir un compte. Sur ce, il donne un faux nom et s’en va. (Ouest-France 28 mai 2004)
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Question : Les magistrats ont-ils en raison de le mettre en examen pour tentative
d’extorsion de fonds ?
Réponse : Oui : cet individu a accompli un acte d’exécution lorsqu’il a
pénétré dans la banque en prenant l’apparence d’un braqueur (d’où la notion de tentative), il a fait peur au personnel (d’où
la notion de violence) et il a cherché à déposséder la banque de l’argent détenu en caisse (d’où la notion de vol). Au
surplus, l’éventuel mobile de plaisanterie ne peut être pris en considération lors de la qualification des faits.
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Cas n° 15 - Un anti-tabagiste énergique.
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Torquemada de la nicotine, Z...
Y... passe sa journée de lutte contre la cigarette à arracher des lèvres les mégots des passants. Il a déjà sévi dans 69
villes de Chine au cours des trois dernières années. Ce n’est donc pas une impulsion irrésistible mais une action militante.
On le voit à la « Une » du journal « Mong Pao Daily News » en train d’ôter une cigarette de la bouche
d’un vieil homme qui a dû croire, le malheureux, à un curieux vol à l’arraché, alors qu’il ne s’agissait que d’un geste de
santé publique. (Le Figaro 2 juin 2004)
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Question : Ces actes sont-ils punissables ?
Réponse : Oui : dans l’abstrait en tant que vol (puisqu’il y a dépossession
d’un bien appartenant à autrui), mais plutôt en tant qu’acte de violence sur les personnes (puisqu’il y a, à tout le moins,
acte de nature à causer une forte émotion aux victimes). Le prévenu ne saurait invoquer l’état de nécessité pour couvrir
cette voie de fait, puisqu’il ne se trouve pas dans un cas exceptionnel sortant des situations envisagées par le
législateur.
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Cas n° 16 - Des poursuites ... indéterminées.
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A l’audience d’un tribunal
correctionnel, le Président : - « Est-il vrai que vous avez volé une somme d’argent dont le montant est
indéterminé, au préjudice d’une personne indéterminée, à une date indéterminée ? ». A quoi le prévenu a répondu, à
tout hasard : « Oui, M. le Président ». (La Meuse 23 novembre 1979)
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Question : Une condamnation pouvait-elle être légalement prononcée ?
Réponse : Non : Pour que les droits de la défense soient respectés il faut,
en tout premier lieu, que l’accusation établissent des faits précis sur la base desquels le prévenu pourra asseoir sa
défense.
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Cas n° 17 - Le drogué et son cercueil.
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Un juge de Géorgie, aux
États-Unis, a condamné un toxicomane de 24 ans, qui conduisait sous l’empire de l’alcool et de l’héroïne, à s’acheter un
cercueil et à l’exposer chez lui pendant six ans. Il espère que cette peine alternative à la prison incitera le jeune homme à
entreprendre une cure de désintoxication. ( Ouest-France 13 mai 2004 )
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Question : Un juge français aurait-il pu prononcer cette sanctions ?
Réponse : Non : le droit français impose au juge de s’en tenir aux divers
sanctions prévues par la loi, et celle-ci n’entre dans aucune des catégories ouvertes par le Code pénal.
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Cas n° 18 - Une loi méconnue.
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Une loi de 1924 interdit les
chiens dans toute la capitale islandaise, mais ce texte n’a jamais été observé : on estime à 2.000 environ la population
canine de Teykjavik. M E..., président de l’association des propriétaires de chiens, a demandé au maire une autorisation
officielle de posséder un chien. ( La Meuse 23 juin 1975 )
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Question : Que devait répondre le maire à M. E... ?
Réponse : D’une part : une loi ne peut être abrogée par un usage contraire
des justiciables. D’autre part, en vertu du principe de la séparation des pouvoirs, une autorité administrative ne peut
prendre une décision qui revêtirait un caractère illégal.
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Cas n° 19 - Un fils dévoué.
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P. L..., Sicilien de 27 ans,
s’est porté volontaire pour purger à la place de son père la peine de 20 jours de prison que celui-ci a encourue pour avoir
exploité des machines à sous. P. estime que son père, qui a 78 ans, est « trop vieux et en mauvaise santé ». Le
procureur de la République de Palerme s’est donné un temps de réflexion.
( La Meuse 22 janvier 1976 )
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Question : Que devait répondre le magistrat du Parquet ?
Réponse : D’une part, le principe de la personnalité des peines impose qu’une
peine soit purgée par celui-là même qui a été condamné, en sorte que l’offre du fils est irrecevable. D’autre part, le
principe d’humanité invite à demander à un médecin-expert si une incarcération de 20 jours est ou non compatible avec l’état
de santé actuel du condamné.
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Cas n° 20 - Un écossais chatouilleux.
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Que porte un Écossais sous son
kilt ?... Des témoins oculaires ont déclaré que Mr. O’C... s’est précipité sur Mr K..., au moment où l’Écossais faisait
une petite promenade de santé le long de la Tamise, en s’écriant : « Il faut que je sache ce que vous avez
la-dessous ». Mais Mr K... était déterminé à préserver le secret ; aussi, s’armant de la dague qui fait partie de
la tenue de ses compatriotes, il a entaillé le bras du curieux. ( Le Soir 19 août 1977 )
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Question : Mr O’C... peut-il poursuivre Mr K... au pénal pour coups et blessures
volontaires ?
Réponse : Au départ, oui ; mais c’est au juge qu’il appartiendra de dire si
le prévenu est fondé à invoquer la légitime défense, ayant usé dans l’urgence d’un moyen adéquat et proportionné pour
protéger son intimité et sa pudeur.
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Suite des "Petits cas pratiques et faits divers cocasses"