DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL
- Professeur Jean-Paul DOUCET -
Lettre P
(Neuvième partie)
PORNOGRAPHIE
Cf. Bonnes mœurs*, Débauche*, Luxure*, Obscène*, Pédophilie*, Prostitution*, Proxénétisme*, Publication d’ouvrage contraire aux bonnes mœurs*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », sur la protection des enfants contre la pornographie : n° 403, p.236 / n° 434, p.282 / n° 435, p.283 / n° 437, p.289 / n° 455, p.310
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société » : n° I-II-131, p.189 (sur la diffusion de messages pornographiques)
Voir : Tableau des incriminations protégeant la pudeur (selon la science criminelle)
Voir : Tableau des incriminations protégeant la pudeur (en droit positif français)
Voir : Affaire des Fleurs du mal de Baudelaire
- Notion. Contrairement à l’érotisme, qui se présente comme une évocation artistique de l’amour physique, la pornographie apparaît comme une utilisation commerciale des pulsions sexuelles primaires du public, avec une surenchère dans la représentation de détails obscènes.
Larousse : La pornographie est la représentation complaisante de sujets, de détails obscènes, dans une œuvre littéraire, artistique ou cinématographique.
Grand Robert : La pornographie est la représentation, par écrits, dessins, peintures ou photos, de choses obscènes destinées à être communiquées ou vendues au public.
Lombroso (Les palimpsestes des prisons) : Dans les graffitis sur les murs des prisons la note pornographique est de beaucoup la plus répandue.
- Règle morale. Dès lors qu’elle avilit ceux qui y participent, qu’elle pervertit ceux qui en sont témoins, qu’elle porte atteinte à la dignité de la personne humaine et qu’elle démoralise la société, la pornographie est fermement condamnée par la loi morale.
Bruguès (Dictionnaire de morale catholique) : La pornographie est une perversion morale. Elle dénature l'acte sexuel, qui cesse d'être un don intime. Elle "instrumentalise" ceux qui s'y livrent puisque chacun devient pour l'autre objet de plaisir ou de profit... Elle est une drogue qui ne laisse au sujet d'autre issue que le rêve, le regret et le désespoir.
Aubert (Abrégé de la morale catholique) : À la différence de l’érotisme artistique, la pornographie est l’exploitation du sexe et de la nudité féminine, dans le but d’exciter à la jouissance vénérienne par des représentations obscènes et triviales. Son extension actuelle… est une cause de dégradation de la dignité humaine.
Cuvillier (Manuel de philosophie) : Dans nos sociétés, il y a un minimum d’idées qui constituent le patrimoine moral commun. Si une propagande heurte manifestement ces idées, l’État a le droit de les interdire. Tel est le cas de la propagande pornographique, contraire à la fois au respect dû à la personne humaine et à la vitalité de la nation.
Baudin (Cours de philosophie morale) : La pornographie est un fléau semblable à celui de la prostitution ; elles constitue une école de dépravation et de corruption. Elle s'exerce par le moyen des livres, des journaux, des revues, des dessins, des gravures, des peintures, des cinémas, des théâtres, etc., qui ont pour but d'exciter la sensualité et de provoquer à la débauche.
Exemple (Marseille-plus 10 octobre 2005) : Les autorités chinoises ont rappelé à l’ordre les opérateurs téléphoniques. Le ministère rappelle que les messages pornographiques « polluent la société et ont une très mauvaise influence ».
- Science criminelle. Le législateur, qui doit veiller à la dignité de la personne humaine, et à la santé morale de la population, a le devoir de lutter contre la pornographie.
Dictionnaire d’éthique et de philosophie morale. V° Pornographie (Van De Veer) : Ceux qui soutiennent que les lois anti-pornographiques (par exemple aux Etats-Unis) manquent de précision, ce qui les rend non conformes à la Constitution, risquent d’invoquer des critères de précision qui sont, en l’occurrence, déraisonnables.
J.Ellul (Interview) : Question : La liberté, est-ce le droit de propager la pornographie ? Réponse : Le triomphe de la pornographie caractérise les périodes sombres de l’histoire : Allemagne nazie, fin de l’Empire romain. Elle est la conséquence naturelle d’une conception finalement mécaniste : l’homme est une machine, un ensemble de rouages ; la sexualité est un de ces rouages. Mais si on juge légitime d’afficher la pornographie ou de la proposer par petites annonces, pourquoi serait-il interdit de proposer un « contrat » d’assassinat ?
Code pénal soviétique de 1962, art. 228 : La fabrication, la diffusion ou la publicité d’œuvres pornographiques… est punie de la privation de liberté pour trois ans au plus.
Code pénal d'Andorre. Art. 213 : La fabrication, l'édition, la diffusion, l'exhibition ou la vente d'objets pornographiques seront punies d'un emprisonnement d'une durée maximale de deux ans et demi. Lorsque le délit sera commis à l'encontre de mineurs la peine encourue sera de quatre ans d'emprisonnement.
Wallon (Histoire du Tribunal révolutionnaire) : M. Weber est condamné le 1er prairial an II pour avoir vendu des brochures très obscènes ; il eut beau soutenir qu’il n’en avait vendues qu’à des gens d’âge raisonnable, il n’en prit pas moins le chemin de la guillotine.
Il ne saurait faire de doute que sa condamnation s’impose particulièrement lorsqu’elle touche des mineurs. Le droit comparé commence à réprimer sévèrement le fait d’impliquer des enfants dans de tels agissements. Voir : Pédophilie*.
Code pénal canadien (état en 2003), art.
163.1 :
Au présent article, « pornographie juvénile » s'entend, selon le cas :
a) de toute représentation photographique, filmée, vidéo ou autre, réalisée par des moyens mécaniques ou électroniques :
(i) soit où figure une personne âgée de moins de dix-huit ans ou présentée comme telle et se livrant ou présentée comme se livrant à une activité
sexuelle explicite,
(ii) soit dont la caractéristique dominante est la représentation, dans un but sexuel, d'organes sexuels ou de la région anale d'une personne âgée de
moins de dix-huit ans;
b) de tout écrit ou de toute représentation qui préconise ou conseille une activité sexuelle avec une personne âgée de moins de dix-huit ans qui
constituerait une infraction à la présente loi.
- Droit positif. Le corps de lois français ne comporte aucun texte général visant la pornographie. Ce n’est pas
pour une difficulté (réelle) de définition précise, mais en raison de la complaisance de certains milieux politiques qui tirent avantage de
l’avilissement de la population.
On ne trouve que deux textes visant directement la pornographie. Depuis une loi du 4 mars 2002, l’art. 227-23 C.pén. incrimine le fait de diffuser
l’image ou d’un mineur lorsqu’elle présente un caractère pornographique. D’autre part, l’art. 227-24 incrimine le fait soit de diffuser un message à
caractère violent ou pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine, lorsque ce message est susceptible d’être vu ou perçu
par un mineur.
Cass.crim. 29 mai 1995 (Gaz.Pal. 1995 II Chr.crim. 457) : Depuis l’entrée en vigueur de l’art. 227-24 C. pén., la fabrication et la diffusion de messages à caractère pornographique ne sont punissables que lorsque ces messages sont susceptibles d’être vus ou perçus par un mineur.
Paris 13 avril 1995 (Petites affiches 28 février 1996), condamne des prévenus qui avaient mis en place, sous couvert d’informations astrologiques, un service pornographique, et adressé à des usagers potentiels, de manière anonyme, un boîtier rose dénommé «Decod’x» permettant de déclencher la composition automatique du numéro de téléphone du service.
PORT D’ARME - Voir : Arme*.
PORT D’UN FAUX COSTUME - Voir : Faux costume*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société » n° II-II-218, p.510
PORT D’UN UNIFORME OU D'UN INSIGNE NAZI - L'article R.645-1 du Code pénal incrimine, en tant que contravention de la 5e classe, le fait de porter ou d'exhiber en public un uniforme, un insigne ou un emblème rappelant ceux que portaient les organisations nazies ; le seul fait justificatif prévu par la loi concerne les besoins d'un spectacle ou d'une exposition historique. Certains Codes étrangers incriminent également le port de symboles du totalitarisme criminel soviétique.
Exemple (Ouest-France 6 juin 2014) : Des brassards de la division SS Das Reich, des reproductions d'affiches de propagande, des CD de chants SS... une centaine d'objets nazis - dont l'exhibition est interdite en France - ont été saisis lors d'une bourse de matériel militaire à Sainte-Mère-Église (Manche), mercredi dernier. Quatre procédures sont ouvertes pour « Port ou exhibition de tenue relevant d'une organisation criminelle condamnée par le Tribunal de Nuremberg » et « Apologie de crime contre l'humanité ».
PORT ILLICITE DE DÉCORATION - Voir : Décoration*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société » n° II-II-218, p.510
PORTRAIT-ROBOT
Cf. Criminalistique*, Enquête de police*, Empreinte digitale*, Empreinte génétique*, Police scientifique*, Profil psychologique*, Signalement*.
La première utilisation du portrait robot par Scotland-Yard
Le portrait-robot est un dessin (ou un montage photographique) réalisé à partir des indications données par les témoins d’une infraction, et visant à
permettre l’identification et la recherche de l’auteur de celle-ci.
Avant que cette technique ne se développe, on connaissait le « portrait-parlé », qui consistait à donner des indications pouvant se
transmettre par message, notamment téléphonique : forme du crâne, du nez, des oreilles…
Donnedieu de Vabres (Traité de droit criminel) : Le signalement descriptif (ou portrait parlé) relate les caractères chromatiques : la coloration de l’œil, des cheveux, du visage, les caractères morphologique : forme du front, du nez, de l’oreille, et certains signes particuliers : cicatrices, tatouages …
Buquet (Manuel de criminalistique) : C’est en 1952 que le commissaire Chabot, de la police judiciaire de Lyon, a démontré les possibilités du portrait-robot dans l’affaire du meurtre d’Eugénie Bertrand. Chabot a mis au point sa technique en découpant des photos convenablement choisies en trois bandes horizontales. - Bande supérieure : front, cheveux, arcades sourcilières et éventuellement lunettes. – Bande médiane : nez et yeux. - Bande inférieure : bouche, bas du visage, éventuellement moustaches. Dans un premier temps, l’enquêteur présente les photos entières au témoin qui désigne la plus ressemblante ; dans un second temps, on remplace l’une ou l’autre des parties de cette photo par des éléments de comparaison correspondants. Quelques décennies après le système Chabot, d’autres versions plus sophistiquées sont apparues sur le marché.
Cass.crim. 29 juin 2009 - Commission de Révision (Bull.crim. 2009 n° 2) : La personne avait décrit l’individu et un portrait-robot avait été fait ; elle avait ensuite été convoquée à nouveau et avait identifié Marc X... qui lui était présenté derrière une glace sans tain, alors qu’il était seul et très agité.
TGI Paris (1re Ch.) 21 février 2001 (D. 2001 IR 1364) : Il n’est pas contesté que de nombreux dysfonctionnements ont affecté l’enquête : saisi d’une plainte consécutive à une agression, le service public de la justice n’a pas ouvert d’information judiciaire, ni procédé aux investigations minimales, notamment à la prise d’empreintes, à l’établissement d’un portrait robot, etc.
POSITIVISME - Voir : Doctrines criminelles*.
POSSESSION
Cf. Appropriation*, Cel*, Interversion de possession*, Matérialité*, Meubles et immeubles*, Patrimoine*, Propriété*, Recel*, Soustraction*, Vol*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° I-117, p.168
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° IV-105 et 106, p.550 et s.
Voir : Tableau des incriminations protégeant la propriété (selon la science criminelle)
Voir : Tableau des incriminations protégeant la propriété (en droit positif français)
Voir : R. Garraud, Définition et éléments du vol
- Notion. La possession diffère de la propriété, en ce sens qu'elle s'attache à une situation de fait et non en un rapport de droit. Elle comporte deux éléments familiers aux pénalistes.
Carbonnier (Droit civil – les biens) :
Une analyse traditionnelle distingue dans la possession deux
éléments : le corpus ou élément matériel, l'animus
ou élément psychologique.
Le corpus de la possession consiste des actes matériels
accomplis sur la chose, des actes de maître.
L'animus, suivant l'opinion la plus courante, est
l'animus domini, la volonté de se comporter sur la chose comme
un propriétaire.
Marty et Raynaud (Droit civil – les biens) : Quant aux éléments constitutifs de la possession, le corpus est défini comme l’ensemble des actes matériels manifestant par détention, utilisation, transformation ou disposition le droit possédé … Quant à l’animus, c’est la volonté d’exercer les actes matériels précités en qualité de propriétaire ou de titulaire d’un droit réel.
- Science juridique. Afin d'assurer la paix sociale, le Code civil assurait la protection de la possession, sans avoir égard au fond du droit, contre le trouble qui l'affectai ou la menaçait. Plutôt que de supprimer les actions possessoires, le législateur aurait peut-être été plus sage de se borner à en simplifier le régime.
Cass. 1e Ch.civ. 11 juillet 1984 (Gaz.Pal. 1985I Panor. 18) : L'action possessoire en réintégration fondée sur le principe selon lequel nul, fût-ce une personne publique, ne peut se faire justice à soi-même, est ouverte à tous ceux qui possèdent ou détiennent paisiblement un immeuble et qui sont victimes, de la part d'une personne autre que celle dont ils tiennent leurs droits, d'une voie de fait affectant ou menaçant arbitrairement leur possession, quand bien même l'auteur de la voie de fait prétendrait que cet immeuble fait partie du domaine public.
Ce qui est vrai en droit civil l'est plus encore en droit
criminel, dès lors que ce dernier s’attache aux circonstances matérielles de préférence aux notions juridiques.
Ainsi, quand il cherche à protéger le patrimoine d’une personne le
droit criminel se tourne naturellement moins vers l'idée de Propriété* (notion de droit) que vers celle de possession
(notion de fait). Ainsi, l’élément matériel du vol se trouve caractérisé par un acte de « dépossession ».
Puisqu’il incrimine un acte d’agression qui appelle par sa nature même une réaction sociale, le droit criminel se fait de la dépossession une
idée très large. Il considère en conséquence que jouit de la possession d’une chose tout individu qui exerce sur elle un pouvoir de fait, dans des conditions donnant à
penser qu’il se conduit ainsi de manière légitime. De la sorte, propriétaire, locataire, détenteur ostensible,
se trouvent tous protégés contre le vol.
Commission
de réforme du droit du Canada (Document n° 12, 1979) :
Il y a quatre manières différentes
de déposséder une personne de son bien :
1°/ Sans son consentement,
2°/ sans son consentement, par la force ou la menace de violence
immédiate,
3°/ avec son consentement obtenu par la menace d'un mal
éventuel, et
4°/ avec son consentement obtenu par une tromperie.
Digeste de Justinien, 47, II, 80. Papinien : Quelqu'un a remis à autrui une chose pour être regardée ; si le soin de la garde porte sur celui qui l'a reçue, lui-même pourra intenter l'action de vol.
Garçon (Code pénal annoté) : Le premier élément du vol est constitué lorsque la chose passe de la possession du légitime détenteur dans celle de l’auteur du délit, à l’insu et contre le gré du premier.
Carrara (Cours de droit criminel) : Dans le vol même, bien que le voleur, surpris avec son butin au moment où il descendait mon escalier, n'ait tiré du vol aucun profit, le délit est consommé ; en effet, ce droit de propriété que le voleur entendait violer en me dépouillant de la chose, il l'a déjà complètement violé dans l'élément de la possession en s'emparant des objets qui m'appartiennent.
Grenoble 15 février 1995 (Gaz.Pal. 1996 I 171) : Le vol est une atteinte à la possession et non à la propriété.
Cass.crim. 1er mars 1989 (Gaz.Pal. 1989 II somm 474) : Déclare à bon droit le prévenu coupable de vol la Cour d'appel qui relève qu'il détenait du fait de ses activités professionnelles au sein de l'entreprise des documents comptables qu'il a utilisés pour établir des tableaux graphiques qu'il a ensuite sciemment communiqués à un tiers, à l'insu de son employeur, puis qui énonce : « ainsi le prévenu a usurpé la possession de ces documents et a bien commis la soustraction frauduleuse visée à la prévention, les données comptables et commerciales figurant sur les documents et transmises à un tiers constituant des biens incorporels qui se trouvaient être juridiquement la propriété exclusive de l'entreprise ».
POSSIBLE - Voir : Impossibilité*.
POTENCE - Voir : Gibet*, Pendaison*.
POT-DE-VIN (Pots-de-vin)
Cf. Corruption*, Probité*, Trafic d’influence*.
Un pot-de-vin consiste dans le versement d'une somme d'argent, ou la remise d'un cadeau, que l'on fait discrètement à un personnage influent afin d'obtenir un avantage indu. Il caractérise notamment l'élément matériel d'un délit de corruption active.
Bentham (Traité des preuves) : Quand un postulant auprès de quelque office comprend que sous le nom de présent, de compliment, de pot-de-vin, ou autres synonymes, on attend de lui quelque récompense que la loi n'exige pas, mais sans laquelle son affaire ne marchera point, il faudrait que la demande fût bien exorbitante pour qu'il fût de son intérêt d'en faire une plainte ouverte: dans le cas le plus ordinaire, il trouve son profit à se soumettre.
Pierrot (Dictionnaire de théologie morale) : Il est défendu de stipuler des pots-de-vin pour les baux des biens ecclésiastiques. Le successeur d'un titulaire qui aura pris un pot-de-vin, aura la faculté de demander l'annulation du bail, à compter de son entrée en jouissance, ou d'exercer son recours en indemnité, soit contre les héritiers ou les représentants du titulaire.
Code criminel du Canada. Art. 139 : Est censé tenter volontairement d'entraver, de détourner ou de contrecarrer le cours de la justice quiconque, dans une procédure judiciaire existante ou projetée... dissuade ou tente de dissuader une personne, par des menaces, des pots-de-vin ou d'autres moyens de corruption, de témoigner.
Cass.crim. 9 novembre 1995 (Gaz.Pal. 1996 I Chr. crim. 35) : M., en élaborant, pour le compte du corrupteur, le montage financier qui devait masquer le versement de la somme convenue, a donné à A. des instructions... afin de permettre le paiement des « pots de vin ».
Exemple (Ouest-France 26 janvier 2007) : L'an dernier, 32.621 personnes ont trouvé la mort dans des accidents de la circulation en Russie. Le ministre de l'Intérieur pense que la mauvaise formation des automobilistes est l'une des principales causes d'accidents. Il faut dire que la police de la route est considérée comme l'une des institutions les plus corrompues du pays et que le permis de conduire s'obtient souvent contre un pot-de-vin.
Le dessous-de-table, qui désigne le fait pour un acheteur de remettre discrètement une enveloppe à un intermédiaire ou à un décideur, apparaît évidemment tout aussi condamnable.
POUCETTES
Cf. Cabriolet*, Menottes*.
Ancêtre des menottes, cet instrument consistait en une chaînette liant les pouces du prisonnier. On en trouve notamment mention dans les Mémoires de Vidocq.
Vidal et Magnol (Cours de droit criminel) : Pour éviter les évasions des individus transférés, on attache les mains des individus à l'aide de petites chaînes en fer appelées menottes, poucettes, cabriolet.
Balzac (Splendeur et misères des courtisanes) : - Puisque tu te rends, laisse-moi t'accommoder ! Et il tira des poucettes de sa poche. Collin tendit ses mains, et Bibi-Lupin lui serra les pouces.
Fouquier (Lacenaire) : Lorsqu'on le transféra de Dijon à Paris, ce n'était pas son arrestation qui l'irritait, cette arrestation dont il entrevoyait toutes les terribles conséquences, c'étaient les quinze livres de fer qui lui avait rivées aux pieds ; c'étaient les poucettes qui ne lui laissaient pas le libre usage de ses mains.
POURSUITES - Voir : Abandon des poursuites*, Action publique*, Légalité (des poursuites)*, Ministère public*, Opportunité des poursuites*.
POURVOI EN CASSATION
Cf. Cassation*, Cour de cassation*, Rejet*.
Le pourvoi en cassation est le recours formé, par l’une des parties d’un procès, auprès de la Cour de cassation, contre un jugement ou un arrêt rendu en dernier ressort. Voir Cassation* et Cour de cassation*.
Voir : Pourvoi du procureur général dans l’affaire de la réhabilitation des Fleurs du mal de Baudelaire.
Boré (La cassation en matière pénale) : Le pourvoi en cassation est une voie de recours extraordinaire qui a pour objet de faire annuler, par la Cour de cassation, les jugements ou arrêts en dernier ressort, rendus en violation de la règle de droit.
Cass.crim. 25 octobre 2006 (Bull.crim. n° 254 p.903) : Le ministère public n'est pas recevable à se pourvoir contre une décision qui ne concerne que les intérêts civils et à l'encontre de laquelle n'est invoquée aucune violation affectant l'intérêt général.
Un pourvoi en cassation ne saurait reposer sur un "moyen nouveau", c'est-à-dire sur un moyen qui n'a pas été soulevé devant les juges du fond. Les moyens d'ordre public échappent à cette prohibition.
Boré (La cassation en matière pénale) : Depuis sa création, la Chambre criminelle, comme les Chambres civiles, déclare non recevable les moyens qui sont présentés pour la première fois devant elle, alors qu'ils auraient dû être invoqués devant les juges du fond... Exceptions à la règle : les moyens d'ordre public. Le moyen d'ordre public est celui qui est tiré de la violation d'une règle de droit mettant en jeu les intérêts généraux de la société.
Cass.crim. 16 avril 2013, n° 12-81518 : Faute d'avoir été proposé devant le juge du fond, le moyen pris de la violation de la Convention européenne des droits de l'homme, est nouveau et, comme tel, irrecevable.
- Un pourvoi formé par le Procureur général près la Cour de cassation, sur ordre du Garde des Sceaux, invite
la Cour de cassation à se prononcer solennellement sur un point de droit généralement controversé (art. 620 C.pr.pén.). D’où l’importance de l’arrêt
rendu, qui fera normalement « jurisprudence ».
- Un pourvoi peut aussi être formé, dans l’intérêt de la loi, par le Procureur général près la Cour de
cassation, à l’encontre d’un jugement ou d’un arrêt qui paraît avoir méconnu un principe ou un texte de loi (art. 621 C.pr.pén.). La décision rendue n’a
en principe pas d’effet à l’égard des parties, mais tend à rappeler au monde judiciaire la saine règle de droit.
POUVOIR
Cf. Abus d’autorité*, Autorité légitime*, Détournement de pouvoir*, Incompétence*, Machiavel*, Péché*, Pouvoir politique*, Politique (générale)*, Pouvoir temporel et pouvoir spirituel*, Séparation des pouvoirs*, Vices*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société » n° II-I-101, p.330
Voir : Séparation des pouvoirs ou séparation des fonctions ?
- Notion. Le pouvoir consiste en une relation d’autorité, de droit ou de fait, qui permet à une personne
d’adresser des injonctions à une ou plusieurs autres personnes.
Dans un État, il est nécessaire qu'un Prince détienne le Pouvoir
afin de coordonner l'action des différents services publics.
Höffe (Dictionnaire d’éthique) : Le pouvoir relève toujours de quelque manière d’une relation d’autorité, de dépendance, de subordination… Seule une compréhension fonctionnelle du pouvoir, susceptible de contenir une éthique du service, peut s’accorder à la reconnaissance de droits naturels.
Leclercq (Leçons de droit naturel - T.II) : À la tête de la société doit se trouver un pouvoir dirigeant qui unifie l'activité sociale... L'entraide, objet de la vie sociale, suppose une coordination des efforts... Le pouvoir dirigeant est nécessaire pour imposer le respect de l'ordre, faire exécuter ce que le bien commun requiert, et, dans certains cas, l'exécuter lui-même.
- Danger. L’aspiration au pouvoir, et l’exercice du pouvoir, agissent sur certains hommes comme une drogue. C’est pourquoi, d’aucuns sont prêts à toutes les ignominies, comme à tous les crimes, pour y parvenir. C’est aussi sans doute pourquoi ceux qui détiennent le pouvoir ont tendance à surestimer leurs compétences et à s’imaginer affranchis des règles applicables au commun des mortels.
Évangile St Mathieu (4, 8). La recherche du pouvoir, montre l’évangéliste, rapproche dangereusement du Mal. Le diable prend Jésus avec lui sur une très haute montagne, lui montre tous les royaumes du monde avec leur gloire et lui dit : « Tout cela, je te le donnerai, si, te prosternant, tu me rends hommage ». Alors Jésus lui dit : « Retire-toi, Satan ! ».
Proal (La
criminalité politique) : La tendance de tous les pouvoirs
politiques ou religieux et de vouloir imposer leurs idées par la
force ou par la loi... « Crois ce que je croit ou meurt ! »
disaient les fanatiques religieux. Les religions sont
intolérantes, les politiques le sont aussi « La fraternité ou la
mort ! »...
Le pouvoir sans limites donne le
vertige, une sorte d'ivresse, qui a été souvent constatée chez
un grand nombre d'empereurs et de rois. Il en est de même des
Assemblées : elles commettent des excès de pouvoir, lorsqu'elles
sont toutes puissantes, souveraines...
Enivrés par les flatteries, aveuglés
par l'orgueil, les princes qui ont un grand pouvoir, finissent
par avoir le vertige ; les règles de la morale ne leur semblent
pas faites pour eux. Napoléon, à son lit de mort, faisant un
retour sur lui-même, disait : "La puissance étourdit les
hommes". Pour atteindre le but qu'ils se proposent, les hommes
qui exercent le pouvoir sont, en général, peu scrupuleux sur le
choix des moyens ; ils disent volontiers que la fin justifie les
moyens, et que, lorsque la morale s'oppose à une mesure utile,
il faut savoir la sacrifier à la Raison d'État.
- L’abus de pouvoir. Celui qui use du pouvoir dont il dispose, non dans la recherche du bien commun ou de l’intérêt général, mais dans l’intérêt de lui-même ou de ses mandataires, commet une faute au regard de la morale. Cette faute constitue au demeurant, tantôt un délit pénal, tantôt un mode d’imputation de l’infraction.
Cf. Abus (de droit) - abus des lois*, Abus de biens sociaux*, Complicité*, Concussion*, Corruption*, Favoritisme*, Népotisme*, Prévarication*, Trafic d’influence*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société » n° II-I-148, p.402 / Table alphabétique, p.582
Voir : Tableau des incriminations protégeant la fonction judiciaire (selon la science criminelle)
Voir : Tableau des incriminations protégeant la fonction exécutive (selon la science criminelle)
Voir : Tableau des incriminations protégeant le pouvoir exécutif (selon la science criminelle)
Voir : R. Garraud, Les éléments constitutifs du délit de concussion
Garraud (Traité de droit pénal) : La provocation par abus d’autorité ou de pouvoir diffère du simple mandat ou conseil criminels, qui ne sont pas des actes complicité, en ce point essentiel qu’elle est faite à des personnes soumises à notre autorité ou à notre pouvoir… Elle implique une menace à l’égard du subordonné : il peut craindre que son supérieur ne se venge s’il n’obéit pas.
Garçon (Code pénal annoté) : En principe, celui qui a obéi doit être considéré comme auteur principal du délit qu’il a matériellement accompli ; et l’ordre qu’il a reçu ne le justifie pas. Celui qui a commandé doit être considéré comme complice par provocation avec abus d’autorité ou de pouvoir.
Code pénal du Brésil. Art. 350 - Commander ou exécuter une mesure privative de liberté individuelle, sans respecter les formalités légales, ou par abus de pouvoir, est puni d’un mois à une année de prison.
Code pénal du Japon. Art. 193 - (Abus d'autorité par des officiers publics) : Quand un officier public abuse de son autorité et fait exécuter à une personne un acte qu'elle n'a nullement l'obligation d'accomplir, ou entrave une personne dans l'exercice de ses droits, il encourt l'emprisonnement pour 2 ans au plus.
Cour EDH 25 mars 1998 (Gaz.Pal. 1998 I somm. 187) : Le risque d'abus de pouvoir implique que le droit interne doit offrir à l'individu une certaine protection contre les ingérences arbitraires dans les droits garantis par l'art. 8.
Cass.soc. 17 octobre 1995 (Gaz.Pal. 1995 II panor. cass. 240) : Une lettre de licenciement est correctement motivée lorsqu’elle fait grief au salarié de «manquements graves à l'obligation de probité, abus de pouvoir, négligences professionnelles préjudiciables, dénigrement de dirigeants, perte de confiance irrémédiable ».
Tribunal révolutionnaire 25 prairial an II (cité par Wallon). Arrêt condamnant Lorcet, Ruinet et Sauvage, qui avaient employé la force armée pour se faire livrer à bon marché des fourrages, pailles et avoine, et avaient revendus à leur profit, à un prix considérable, ce qu’ils n’avaient pas fourni à l’État.
- L’excès de pouvoir. Un organe judiciaire commet un excès de pouvoir lorsqu'il accomplit un acte qui ne relève de la compétence d'aucun organe judiciaire. De manière plus générale, un organe le l'État relevant du pouvoir législatif, judiciaire ou administratif, commet un excès de pouvoir lorsqu'il accomplit un acte qui relève de la compétence d'un autre pouvoir.
Bluntschli (Droit public général) : Un sénat est une importante barrière contre la mobilité démocratique de la chambre des députés, ses excès de pouvoir, son abâtardissement possible, l'oppression ou la persécution des minorités.
Hauriou (Aux sources du droit) : Dans les institutions publiques et, notamment, dans l'État, le caractère juridique des décisions par lesquelles sont assurées la marche du gouvernement et celle de l'administration est tiré du pouvoir ; elles valent par le pouvoir qui les a prises et, en France, leur nullité est poursuivie par une action parfaitement adéquate, qui est le recours pour excès de pouvoir. L'analyse du droit public est ici plus exacte que celle du droit privé.
Garraud (Précis de droit criminel) : Les tribunaux ne pourraient, sans excès de pouvoir, incriminer eux-mêmes des faits qui n'auraient pas été incriminés par la loi (nullum delictum sine lege).
Ortolan (Éléments de droit pénal) : Quoiqu'il soit vrai de dire... que toute incompétence contienne un excès de pouvoir, et que tout excès de pouvoir constitue une incompétence, cependant, en notre langage technique, la qualification d'excès de pouvoir est réservée à la violation des règles de la compétence générale ; et celle d'incompétence, à la violation des règles de la compétence spéciale.
Cass.crim. 22 août 2001 (Bull.crim. n° 168 p.558) : En l'absence d'excès de pouvoir, le pourvoi formé contre la décision du magistrat ayant prescrit l'exécution de l'ordonnance de prise de corps est irrecevable.
POUVOIR IMAGINAIRE - Voir : Crédit ou pouvoir imaginaire*.
POUVOIR POLITIQUE
Cf. Âge d’or*, Constitution*, Fonction*, Justice déléguée et justice retenue*, Loi*, Parlementaires*, Pouvoir*, Pouvoir temporel et pouvoir spirituel*, Séparation des pouvoirs*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société » n° II-I-101, p.330
Voir : Tableau des incriminations protégeant le pouvoir législatif (selon la science criminelle)
Voir : Tableau des incriminations protégeant le pouvoir judiciaire (selon la science criminelle)
Voir : Tableau des incriminations protégeant le pouvoir exécutif (selon la science criminelle)
Voir : Séparation des pouvoirs ou séparation des fonctions ?
Dans un État de droit, seuls ceux qui ont été régulièrement investis d’une partie de l’autorité publique possèdent un pouvoir légitime. Encore ne peuvent-ils en user que dans l’intérêt général et en vue du bien commun. Les abus d’autorité constituent naturellement des circonstances aggravantes (p. ex. en matière de viol : art. 222-24 5°).
Pufendorf (Le droit de la nature) : Les devoirs du Prince, en tant que Souverain, regardent tous les sujets... Il est obligé de procurer le salut et l'avantage de tout l'État... Ainsi il se rend coupable d'injustice s'il ne travaille pas, par exemple, à maintenir la tranquillité publique par l'exécution des lois.
Jean XXIII (Encyclique Pacem in terris § 53) : La réalisation du bien commun, raison d’être des pouvoirs publics - Tous les individus et tous les corps intermédiaires sont tenus de concourir, chacun dans sa sphère, au bien de l'ensemble.
- Pouvoir législatif. D’un point de vue rationnel la fonction législative a pour mission d’intégrer la loi
naturelle dans la loi positive, pour autant que l’état de la civilisation et les circonstances présentes le permettent.
Pour l'Ancien droit français, Loysel (Institutes coutumières n°
19) expliquait l'adage "Que veut le Roi, si veut la Loi" en ces
termes : Parce que le Roi fait la loi, et que le Roi est
lui-même une loi animée.
Cf. Droit positif*, Législateur*, Légistique*, Loi*, Loi positive*, Loi humaine*.
Voir :
Jean-Paul Doucet, « La loi pénale », (4e éd.)
- n° 19,
p.36 (principe de légalité et fonction législative)
- n° 103, p.57 (sur les limites du pouvoir législatif)
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société » n° II-I-105 et s., p.338 et s.
Vedel (Cours de droit constitutionnel) : Il existe une définition matérielle du pouvoir législatif : ce serait le pouvoir d’émettre des règles de droit générales et impersonnelles. Mais cette définition, valable d’un point de vue théorique, ne répond guère à la réalité constitutionnelle… D’un point de vue formel, il faut définir le pouvoir législatif par l’emploi d’une procédure particulière qui confère aux règles de droit édictées par des lois une valeur supérieure à toutes les autres règles de droit interne, à l’exception de la Constitution.
Si la fonction judiciaire invite les parlementaires à rechercher ainsi le bien commun des citoyens dans leur vie terrestre quotidienne, elle a pour limites les autres fonctions sociales rationnelles telles que la fonction religieuse, la fonction philosophique ou la fonction doctrinale qui comporte notamment l’étude de l’Histoire. Le législateur est sorti de son domaine de compétence lorsqu’il a pris position sur la question du génocide arménien (même si ce crime paraît indiscutable). De semblables lois, marquées au sceau de l’excès de pouvoir, et portant atteinte aux libertés de pensée et d’expression, ne s’imposent pas au pouvoir judiciaire.
Le président de la République, Jacques Chirac, a solennellement proclamé, le 9 novembre 2005) : Dans la République, il n’y a pas d’histoire officielle. Ce n’est pas à la loi d’écrire l’histoire. L’écriture de l’Histoire, c’est l’affaire des historiens.
Jolivet (Traité de philosophie - Morale) : Le bien commun de la société politique exige que l'Etat élabore toutes les lois que réclament les besoins permanents de la nation et les circonstances particulières de la vie nationale, en vue de régler de manière harmonieuse les activités des citoyens et des groupements inférieurs qu'ils composent. Dans les Etats qui sont au régime parlementaire, ces sont les assemblées électives qui détiennent le pouvoir législatif. L'expérience montre cependant que les assemblées nombreuses, soumises à la loi des partis politiques, sont peu aptes à exercer d'une manière convenable un pouvoir que les complexités extrêmes des sociétés modernes rendent particulièrement délicat et difficile.
Proal (La
criminalité politique - Paris 1908) Chap. IX, De la corruption
des lois : Les passions qui agitent les assemblées ne leur
permettent pas d'écouter la raison dans le vote des lois qui
leur sont soumises. Pour rendre la justice, comme pour faire les
lois, il faut le calme, le sang-froid, l'impartialité. Or les
assemblées sont passionnées ; la peur, la vanité, la colère, la
haine, prennent dans une réunion d'hommes une intensité
extraordinaire... La valeur d'une assemblée n'augmente pas avec
le nombre des membres qui la composent ; au contraire, plus une
assemblée est nombreuse, moins elle fait une besogne utile...
Dans les assemblées nombreuses, les violents intimident les
modérés et se servent d'eux pour voter des lois
iniques... Les beaux parleurs prennent trop d'influence dans
une réunion nombreuse, tandis que les hommes de science et de
conscience n'y occupent pas la place qu'ils méritent, parce
qu'ils parlent sans passion, sans autre souci que la recherche
de la vérité et de la justice.
Quelles lois peuvent être faites par des assemblées nombreuses,
dont les membres ne sont pas préparés à leur rôle de législateur
et sont principalement occupés à leurs intérêts électoraux
! Ils entassent les lois sur les lois , les défont et les refont
sans cesse, suivant l'intérêt du moment. Les lois ne sont plus
gravées sur le marbre, ni sur le bronze, mais écrites sur
de la cire et sur du sable tant elles durent peu.
De Curban (La science du gouvernement, 1765) : Toutes sortes de péchés, de vices, de passions, ne sont pas soumis à la justice humaine. Elle ne punit que ce qui trouble l'ordre de la société, parce que le seul objet des législateurs est d'en assurer le repos.
Exemple de texte constituant un excès de pouvoir, le décret du 18 floréal an II disposait que Le peuple français reconnaît l’existence de l’Être suprême et l’immortalité de l’âme.
- Comme le législateur siège en un lieu précis, la protection pénale des assemblées législatives s’en trouve facilitée.
Nécessité de la protection. Michelet (Histoire de France) : Dans les numéros de l’Ami du Peuple des 22 septembre et 15 novembre 1790, Marat invitait le peuple à « emplir ses poches de cailloux et de lapider dans la salle les députés infidèles ».
Abus de protection. Wallon (Histoire du Tribunal révolutionnaire) : Louis Bricogne a été envoyé à la guillotine le 25 messidor an II pour avoir dit « qu’il se savait pas si la Convention ne rendrait pas un décret pour que le soleil se levât à l’heure où il se couche, et se couchât à l’heure où il se lève ».
- Le bon et loyal fonctionnement du pouvoir législatif peut être affecté par des pressions exercées sur les parlementaires : violences, menaces ou corruption. De tels actes doivent être sévèrement réprimés.
Exemple (Télétexte du 18 juin 2005) : Le président Brésilien a accepté la démission du ministre en charge du Cabinet présidentiel, J. D., qui était accusé d'avoir trempé dans l'achat de votes de députés par le Parti des Travailleurs, au pouvoir.
- Pouvoir judiciaire. D’un point de vue rationnel, la fonction judiciaire détient pour mission d’assurer le
passage de la loi (générale, abstraite et impersonnelle) aux cas particuliers (spéciaux, concrets et individuels). Cette mission revêt une importance
capitale, car une société ne peut prospérer que si l’État qui l’encadre fait régner la justice.
- Mais le droit positif français ne voit plus dans l’administration de la justice qu’un simple service public, subordonné au pouvoir législatif. A
tout le moins le législateur devrait assurer une totale indépendance de la Justice, notamment une complète liberté de décision des magistrats répressifs
(ce qui exclut toute appartenance à un syndicat ou à un groupe de pression).
Cf. Arbitraire*, Arrêts de règlement*, Constitution*, Discréditer - jeter le discrédit sur une décision de justice*, Discrétionnaire*, Jugement*, Jus gladii*, Justice*, Souverain*.
Voir : J-P. Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° 20 p.37
Voir : J-P. Doucet, « La protection de la Société », n° II-I-105 p.338 / n° II-I-117 et 118, p.355
Voir : R. Garraud, Les éléments constitutifs du délit de rébellion
Cuvillier (Vocabulaire philosophique). Pouvoir judiciaire : ensemble des institutions et des personnes qui ont pour fonction d’appliquer la loi aux cas individuels.
Jolivet (Traité de philosophie - Morale) : Le pouvoir judiciaire a un double rôle à remplir. Il doit d'abord régler les conflits qui résultent, entre les citoyens, de l'exercice de droits opposés : c'est le domaine de la justice civile. D'autre part, le pouvoir judiciaire prononce les sentences pénales punissant les infractions aux lois de l'Etat. Un Etat dans lequel le droit ne comporterait aucune sanction efficace serait vite plongé dans le désordre et l'anarchie. Il est donc indispensable que l'Etat réprime les délits et les crimes par des peines afflictives proportionnées à leur gravité. Tel est le domaine de la justice pénale et de la justice criminelle.
De Curban (La science du gouvernement, 1765) : Les lois auraient beau être conçues en termes clairs, elles seraient inutiles si on ne les appliquait aux cas particuliers. Cette application, qui exige le ministère des hommes, a ses difficultés. Des circonstances particulières forment de justes doutes dans les affaires, et l'injustice, toujours ingénieuse, multiplie ces doutes à l'infini. Ainsi, au Pouvoir Législatif, il a fallu nécessairement joindre le Pouvoir Judiciaire.
Proal (La criminalité politique) : L'indépendance absolue du pouvoir judiciaire est plus nécessaire encore dans une république que dans une monarchie, parce que la loi y prend plus facilement le masque du bien public.
Ardant (Droit constitutionnel) : La justice n’est un véritable pouvoir que dans la mesure où son indépendance est assurée. Le juge ne doit avoir d’ordres à recevoir ni du Parlement ni du gouvernement, il n’est soumis qu’à la loi, il est le serviteur de la loi. Son indépendance est une garantie fondamentale pour les citoyens. Pour eux, dans leur vie quotidienne, c’est le plus important des trois pouvoirs, ils sont les premiers intéressés à ce qu’il ne soit pas soumis aux deux autres.
Code judiciaire du 1er octobre 1789, art. XIX : Distinction et exercice du pouvoir judiciaire – Le pouvoir judiciaire ne pourra, en aucun cas, être exercé par le Roi ni par le Corps législatif ; mais la justice sera administrée au nom du Roi, par les seuls tribunaux établis par la loi, suivant les principes de la Constitution, et selon les formes déterminées par la loi.
Paris 28 avril 2003 (Gaz.Pal. 24 juin 2003) l’admet : Constitue une faute lourde toute déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l’inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi.
Exemple d’immixtion du Pouvoir législatif dans le Pouvoir judiciaire et d’atteinte à l’indépendance des juges. Convention, séance du 21 prairial an I : Charlier – Je viens dénoncer à la Convention un jugement rendu par le Tribunal de la Marne. La déclaration du jury porte que, le 5 germinal, Louis Menou, lieutenant de carabiniers, monté sur un cheval noir, courrait dans les rues de Châlons, sabrant tous les citoyens… Le jury a déclaré qu’il y avait provocation au rétablissement de la royauté, mais que Menou était ivre au point de ne pas jouir de sa raison ; le tribunal l’a acquitté. Je demande que la Convention casse le jugement de ce tribunal et décrète que Menou sera traduit devant le Tribunal révolutionnaire de Paris, et qu’il sera informé contre les juges qui ont rendu un pareil jugement.
Mais du moment où une Cour ou un Tribunal a constaté, dans l'espèce dont il a été régulièrement saisi par le ministère public, l'existence d'une infraction légalement constituée, et son imputation légale, il est obligé de retenir la culpabilité du défendeur et de prononcer la sanction édictée par la loi.
Cass.crim. 8 juillet 1941 (Gaz.Pal. 1941. II. 353) : Si l’indulgence méritée par le prévenu peut autoriser le juge à atténuer la peine légalement édictée, elle ne saurait justifier une décision de relaxe quand l’infraction est déclarée constante par le juge.
À l'intérieur même du pouvoir judiciaire, il importe de respecter le principe de la séparation des fonctions : fonction de poursuite, fonction d'instruction et fonction de jugement.
Levasseur (Cours de procédure pénale 1960) : Il y a trois fonctions : la poursuite, l'instruction et le jugement.
Cons. const. 8 juillet 2011 (n° 2011-147 QPC) : Le principe d'impartialité des juridictions ne s'oppose pas à ce que le juge des enfants qui a instruit la procédure puisse, à l'issue de cette instruction, prononcer des mesures d'assistance, de surveillance ou d'éducation ; toutefois, en permettant au juge des enfants qui a été chargé d'accomplir les diligences utiles pour parvenir à la manifestation de la vérité et qui a renvoyé le mineur devant le tribunal pour enfants de présider cette juridiction de jugement habilitée à prononcer des peines, les dispositions contestées portent au principe d'impartialité des juridictions une atteinte contraire à la Constitution.
- Pouvoir exécutif. D’un point de vue rationnel, la fonction exécutive a d’abord pour mission de veiller à
l’application des lois, de poursuivre en justice ceux qui les enfreignent, puis de donner suite à la décision prise par les tribunaux
; il est ordinairement l'apanage au Gouvernement. C’est également à
elle qu’incombe l’ensemble de l’action sur le terrain. Confrontés aux dures réalités quotidiennes, les titulaires de cette fonction doivent être
particulièrement protégés par la loi pénale.
On n'a peut-être pas assez souligné que le pouvoir exécutif est le pouvoir de droit commun, celui qui est compétent lorsqu'il ne s'agit, ni d'édicter
une loi, ni de juger des faits tombant sous le coup de la loi.
Cf. Chef de l’État*, Coercition*, Contravention*, Exception d’illégalité*, Exécution des lois*, Extradition*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° II-I-105, p.338 / n° II-I-132 et 133, p.376 / n° II-II-103, p.453
Voir : R. Garraud, Les éléments constitutifs du délit de rébellion
Cornu (Vocabulaire juridique) : Les compétences de l’organe exécutif consistent à gouverner effectivement… elles se définissent par opposition aux fonctions législative et juridictionnelle ; elles incluent alors, par exemple, la direction de la politique étrangère, celle de l’administration, celle de la force armée…
De Curban (La science du gouvernement, Paris 1765) : S'il est nécessaire qu'un État soit armé d'un pouvoir législatif et d'un pouvoir judiciaire, il n'est pas moins indispensable que ce même État ait un pouvoir coactif... sans quoi les lois ne seraient que des discours de morale, des exhortations à la vertu, à la paix, à la règle, à l'ordre.
Jolivet (Traité de philosophie - Morale) :
À l'intérieur de l'Etat, le pouvoir exécutif promulgue les lois et détermine, par voie de règlements
d'administration publique, les conditions et les modalités de leur application. Il recueille les impôts, nomme les titulaires des fonctions publiques
(fonctionnaires) et assurer la distribution des charges et des avantages selon les règles de la justice distributive. Il est en même temps un pouvoir
coercitif, car il est nécessaire que l'État garantisse l'exercice du droit, en protégeant celui-ci par la force publique (police), et, en général, en
maintenant la paix intérieure, qui est la tranquillité de l'ordre.
À l'extérieur, le pouvoir exécutif représente l'État, nomme les agents diplomatiques, conclut les arrangements ou traités avec les autres pays et
défend les intérêts, l'honneur et la souveraineté de l'État, au besoin par la guerre, contre les entreprises étrangères.
Cons.
d'État 6 octobre 1976 (Gaz.Pal. 1979 I 119) : Il
appartient au Gouvernement de prendre les mesures de police qui
ont pour objet la sécurité des conducteurs des voitures
automobiles et des personnes transportées; en faisant obligation
à certains de ceux-ci, afin de réduire les conséquences des
accidents de la route, de porter une ceinture attachée, le
décret n’a pas excédé les pouvoirs conférés à l’autorité
réglementaire.
La circonstance invoquée par le requérant que le port de la
ceinture de sécurité pourrait avoir pour effet, dans des cas
exceptionnels, d’aggraver les conséquences d’un accident, n’est
pas de nature à entacher la mesure d’illégalité dès lors que le
port de la ceinture accroît globalement, dans une forte
proportion, la protection des conducteurs et passagers des
véhicules automobiles.
POUVOIR TEMPOREL ET POUVOIR SPIRITUEL
Cf. Morale*, Pouvoir*, Pouvoir politique*, Séparation des pouvoirs*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° II-I-102, p.330
Voir : Les arrêts d’interdiction des jésuites en France sous Louis XV
En tête des applications du principe de la Séparation des pouvoirs* figure la distinction du pouvoir temporel et du
pouvoir spirituel : le premier est chargé d’assurer la vie, la sécurité et la prospérité du corps social ; le second a pour mission de
contribuer au progrès de l’humanité et au salut des individus.
- L’un travaille dans le temps présent, et doit faire face aux difficultés matérielles comme aux conflits humains ; l’autre œuvre hors du
temps, et s’attache aux problèmes moraux et religieux. Par suite, selon les circonstances, les simples particuliers trouveront appui, tantôt auprès de
l’un, tantôt auprès de l’autre. Rendez à César ce qui relève de César, a dit le Christ ; et à Dieu ce qui appartient à Dieu.
Cette maxime constitue le fondement des sociétés libérales.
Léon XIII (Encyclique de 1885) : Dieu a ainsi partagé les soucis pour le genre humain en deux pouvoirs, le spirituel et le temporel. Il a placé le pouvoir spirituel pour gouverner les affaires divines, le pouvoir temporel pour s’occuper des affaires humaines. Chacun des deux pouvoirs est en son genre le pouvoir souverain. Chacune des deux puissances a ses limites propres, fixées par la nature et leur objet spécial et immédiat ; si bien que chacun des deux pouvoirs est comme entouré d’un rayon approprié, où il évolue librement et de façon autonome.
Bautain (Philosophie des lois) : Depuis le Christ, César a été distingué de Dieu ; ce fut un progrès immense, un bienfait incomparable, parce que César voulait se faire Dieu, et qu’il a toujours tendance à le devenir. C’est donc une grande idée, l’idée la plus favorable à la liberté et à la dignité humaine, que d’avoir opposé une puissance indépendante à celle de César, et une puissance d’une toute autre nature : la puissance de l’esprit, de la lumière, de la science, de la vérité, la puissance de l’autorité purement morale… On ne sait pas assez tout ce que la puissance spirituelle a fait pour sauvegarder la dignité et la liberté des hommes, qui ont trouvé en elle un refuge contre la violence. Elle est toujours là pour soutenir l’affirmation désintéressée de la vérité et de la justice. La dignité humaine ne peut plus être foulée aux pieds impunément par le pouvoir temporel, et partout où il opprime les hommes, et cherche à les dégrader, il y a une voix qui réclame, pour annoncer ce qui est bien, ce qui est vrai.
TS Eliot (Meurtre dans la cathédrale) : Le pouvoir temporel, c’est bâtir un monde viable… rabaisser les grands et protéger les petits, désarmer le bandit et renforcer les lois, régner pour faire triompher la bonne cause, dispenser la justice également pour tous.
Lettre de la Légion Thébéenne (chrétienne) à l’Empereur Maximin qui voulaient la forcer à sacrifier aux Dieux païens : Nous sommes vos soldats, mais nous sommes en même temps serviteurs de Dieu. Nous ne pouvons suivre vos ordres quand ils sont contraires aux siens, ni renoncer à notre Dieu, notre créateur et notre maître, et qui est aussi le vôtre, que vous le vouliez ou non. Tant qu’on ne nous demandera rien qui soit capable de l’offenser, nous obéirons comme nous avons fait jusqu’à présent ; autrement c’est à lui que nous obéirons plutôt qu’à vous. Mais c’est lui seul que nous vous préférons ; car ce serait vous faire outrage que de vous préférer tout autre.
- La confusion des pouvoirs temporel et spirituel ne peut que conduire à un régime totalitaire, soit théocratique ou idéologique ignorant la liberté de conscience, soit purement intéressé bafouant la dignité de la personne humaine.
Décret du 18 floréal an II (7 mai 1794), pris en pleine Terreur : Le peuple français reconnaît l’existence de l’Être Suprême et de l’immortalité de l’âme.