DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL
- Professeur Jean-Paul DOUCET -
Lettre E
(Quatrième partie)
EMBAUCHAGE
Cf. Mercenaire*.
Crime sanctionné par une loi du 4 nivôse an IV, l’embauchage consistait à recruter des soldats en France pour servir dans une armée ennemi, pour un État étranger ou pour des rebelles. L’infraction d’enrôlement illicite consiste simplement à méconnaître le droit régalien de l’État dans le domaine militaire.
Chauveau Hélie (Théorie du Code pénal) : L’embaucheur s’adresse aux militaires qui sont sous les drapeaux, il s’efforce par ses séductions de les arracher à leur devoir, il provoque la désertion ; il se rend complice du crime … En cas d’enrôlement illicite, l’agent ne s’adresse point à des militaires, mais à de simples citoyens.
Loiseleur (Les crimes et les peines dans l'antiquité) : Collenon d'Anglemont fut la première victime politique de la guillotine : accusé d'avoir embauché des soldats pour tirer sur le peuple le 10 août, il fut conduit au supplice le 21 août, à dix heures du soir.
Code pénal de Macédoine. Art. 322 (2) : Une personne qui recrute un citoyen de la République de Macédoine pour servir dans une armée ennemie … ou pour participer à une guerre contre la République de Macédoine ou de ses alliés, sera punie avec l’emprisonnement pour au moins cinq ans.
EMBLÈME - Voir : Symbole*.
EMBRYON
Cf. Avortement*, Dignité de la personne humaine*, Fœtus*, Personne humaine*, Vie*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° 34, p.29
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents » : n° 304, p.127 / n°406 1°, p.242 / n° 421, p.266 (sur la protection de l'embryon)
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° I-II-202, 194 (note 5)
Voir : J. Sainte-Rose, La condition juridique de l’enfant à naître
- Notion. Le terme embryon désigne l’être humain pris dans la première phase de son développement (pendant environ ses deux premiers mois).
Sgreccia (Manuel de bioéthique) : Du fait que le développement biologique est ininterrompu, et qu’il s’accomplit sans mutation qualitative intrinsèque, sans avoir besoin d’aucune autre intervention, il faut reconnaître que la nouvelle entité constitue un nouvel être humain qui, depuis le moment même de la conception, poursuit son cycle ou plutôt sa courbe vitale. L’autogenèse de l’embryon se réalise d’une manière telle que la phase successive n’élimine pas la phase précédente, mais l’absorbe et la développe suivant une loi biologique individualisée et contrôlée.
- Règle morale. Constatant que toute l'évolution de l'être humain est programmée dès l'instant de sa conception, les moralistes estiment que la destruction de l'embryon constitue un homicide. Ce crime ne saurait être légitimé que par des considérations médicales relatives à la mère ou à l'enfant.
Caro Elme-Marie (Problèmes de morale) : Dans chaque corps vivant réside une force évolutive qui le fait passer de la simplicité apparente de l'état embryonnaire à la forme de la vie la plus compliquée, revêtue de tous ses appareils distincts et subordonnés.
Charte des droits de la famille de 1983. Art. 4 b : Le respect de la dignité de l'être humain exclut toute manipulation expérimentale ou exploitation de l'embryon humain.
Catéchisme de l'Église catholique. § 2271 : Depuis le 1er siècle, l'Église a affirmé la malice morale de tout avortement provoqué. Cet enseignement n'a pas changé. Il demeure invariable : Tu ne tueras pas l'embryon par l'avortement et tu ne feras pas périr le nouveau-né.
Buddhist monastic code, par Thanissaro Bhikkhu (2009) : L'être humain inclut le fœtus humain du moment où il s'est manifesté dans l'utérus, juste après la conception, jusqu'à l'heure de décès.
- Science juridique. Le développement de l’être humain ne présentant aucune solution de continuité entre le jour de sa conception et celui de sa naissance, sa protection doit être assurée, tant sur le plan civil que sur le plan pénal, depuis le premier jour.
Ahrens (Cours de droit naturel) : Le droit romain n'avait reconnu le droit de l'embryon que pour des intérêts de patrimoine dans le cas de succession... les droits criminels modernes, au contraire, protègent aussi l'enfant contre tout avortement prémédité.
Cour EDH 8 juillet 2004 (Vo c/ France), § 84 : Au plan européen, la Cour observe que la question de la nature et du statut de l'embryon et/ou du fœtus ne fait pas l'objet d'un consensus, même si on voit apparaître des éléments de protection de ce/ces derniers, au regard des progrès scientifiques et des conséquences futures de la recherche sur les manipulations génétiques, les procréations médicalement assistées ou les expérimentations sur l'embryon. Tout au plus peut-on trouver comme dénominateur commun aux États l'appartenance à l'espèce humaine ; c'est la potentialité de cet être et sa capacité à devenir une personne.
Code général pour les États prussiens (traduction et édition officielle, Paris an IX) I-I-10 : Les droits communs de l’humanité appartiennent aux enfants qui ne sont pas nés, à compter du moment de leur conception.
- Droit positif français. De nos jours, l’embryon est relativement protégé par les art. 511-15 et s. C.pén. Mais il ne l’est pas, selon la jurisprudence, par les textes protégeant la vie et l’intégrité physique de la personne humaine.
Cass (Ass.plén.) 29 juin 2001 (Gaz.Pal. 2001 II 1456) : Le principe de la légalité des délits et des peines, qui impose une interprétation stricte de la loi pénale, s’oppose à ce que l’incrimination prévue par l’article 221-6 du Code pénal, réprimant l’homicide involontaire d’autrui, soit étendue au cas de l’enfant à naître dont le régime juridique relève de textes particuliers sur l’embryon ou le fœtus.
Dijon 30 novembre 1995 (Gaz.Pal. 1998 I somm. 9) : La Cour n'a pas à revenir sur la qualité de personne humaine décernée par le législateur à l'embryon.
EMBUSCADE
Cf. Brigandage*, Circonstances aggravantes (réelles)*, Guet-apens*, Préméditation*, Traîtrise*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° I-245 a, p.144
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° II-I-203, p.431
- Notion. Dresser une embuscade, c'est se cacher en bordure d'une voie de communication afin de pouvoir attaquer à l'improviste des passants pour les tuer, les enlever ou les dévaliser. Ce terme a été emprunté par le droit criminel au vocabulaire militaire.
Cicéron (Plaidoyer pour Milon) : Milon fut instruit que Clodius reviendrait pendait la nuit, devait se mettre en embuscade et l'attendre. Il l'aurait tué à la faveur des ténèbres, dans un lieu redouté et rempli de brigands.
Du Boys (Histoire du droit criminel) : Le statut de Winton ordonne que l'on élargisse les routes royales, principalement là où elles servent de communication entre les villes de commerce, tant dans les domaines du roi que dans les autres parties du royaume, et que, sur chaque côté de la route, on détruise à deux cents pieds de distance les haies, les fossés, les sapinières et les bois taillis, afin que les brigands ne puissent pas s'y placer en embuscade.
Exemple (Télégramme du Morbihan 1er novembre 2001) : Strasbourg. Une quarantaine de jeunes ont agressé à coups de pierres et de gaz lacrymogène trois policiers qui s'étaient rendus, mardi soir, dans le quartier strasbourgeois de Koenigshoffen à la suite d'un appel téléphonique leur signalant qu'une vieille dame avait été kidnappée sous la menace d'un couteau. Des renforts de police ont interpellé quatre de leurs agresseurs.
Balzac (Splendeurs et misères des courtisanes) : La guerre civile, que la Constitution de 1812 alluma en Espagne, lui fournit les moyens de tuer secrètement Carlos Herrera dans une embuscade.
- Science criminelle. Il s'agit d'une forme de guet-apens, qui comporte une circonstance aggravante objective (consistant dans l'élément de surprise) et une circonstance aggravante subjective (impliquant une préméditation). Le législateur peut traiter l'embuscade en circonstance aggravante matérielle (puisqu'elle peut être établie à partir des faits de l'espèce).
Lombroso (Le crime, causes et remèdes) : La montagne offre plus de facilité aux embuscades.
Code criminel de Charles Quint (Caroline). Observations sous les art. 136-137 : L'homicide de la seconde espèce est celui qui se commet avec propos délibéré, et dans un dessein formel de tuer... Il peut se commettre en quatre manières différentes... La seconde, est celle où il y a embuscade et préparatifs secrets contre lesquels on ne peut point être en garde.
Brillon (Dictionnaire des Parlements) : Philippe Borner, en son Commentaire sur l'Ordonnance de 1670, indique sept circonstances qui font déclarer un assassinat prémédité. La première est, si l'on a vu l'accusé la nuit auprès de la maison du meurtri, ou qu'il le soit allé chercher à une heure suspecte ; s'il s'est mis en embuscade...
Code pénal du Brésil. Art. 61 - Circonstances aggravantes - Sont des circonstances qui aggravent toujours la peine, quand ils ne constituent pas le crime... le fait pour l'agent d'avoir commis le crime... traîtreusement, avec embuscade, en se dissimulant, ou par tout autre procédé qui a rendu difficile ou impossible la défense de la victime.
Plus sagement encore, le législateur peut incriminer l'embuscade en tant que délit obstacle, pour le cas où son auteur serait empêché d'accomplir le crime projeté ; et en faire de plus une circonstance aggravante matérielle pour sanctionner le malfaiteur qui est allé jusqu'au terme de son entreprise.
Pradel et Danti-Juan (Droit pénal spécial, 5e éd.) : La loi est intervenue pour incriminer certains comportements avant même la réalisation de violences, et en vue d’empêcher cette réalisation. Il s’agit d’infractions-obstacles. En premier lieu, une loi du 5 mars 2007 a créé un nouveau délit, celui d’embuscade tendue aux forces de l’ordre.
- Droit positif français. Une loi du 5 mars 2007 a inséré dans le Code pénal un article 222-15-1 aux termes
duquel constitue une embuscade le fait d'attendre un certain temps et dans un lieu déterminé un fonctionnaire de la police nationale, un militaire de la
gendarmerie, un membre du personnel de l'administration pénitentiaire ou toute autre personne dépositaire de l'autorité publique, ainsi qu'un
sapeur-pompier civil ou militaire ou un agent d'un exploitant de réseau de transport public de voyageurs, dans le but, caractérisé par un ou plusieurs
faits matériels, de commettre à son encontre, à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa mission, des violences avec usage ou menace d'une
arme.
L'embuscade est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 75.000 euros d'amende. Lorsque les faits sont commis en réunion, les peines sont portées à sept
ans d'emprisonnement et à 100.000 euros d'amende.
Exemple (Ouest-France 25 avril 2008) : Deux ans de prison ferme pour « délit d'embuscade ». Un jeune homme de 20 ans a été condamné, mercredi, à trois ans de prison, dont deux ferme, pour « délit d'embuscade », par le tribunal correctionnel de Bobigny (Seine-Saint-Denis). Le jeune homme avait été interpellé, après avoir rassemblé un tas de pierres et s'être allongé sur le toit d'un immeuble d'une cité de Saint-Denis. Il aurait eu « l'intention de cailleter. » des agents des Unités territoriales de quartier, la nouvelle police de proximité testée en Seine-Saint-Denis.
ÉMEUTE (Émeutier)
Cf. Agitateur*, Guerre civile*, Insurrection*, Manifestation*, Pillage*, Révolte*, Sédition*.
Proal (La criminalité politique) Chapitre 4 - Les haines politiques : « Lorsque Dieu forma le cœur de l'homme, dit Bossuet, il y mit premièrement la bonté »... Est-ce bien la bonté qui fait le cœur de l'homme ? On est porté à en douter, lorsque l'on voit tant de haine entre les hommes : haines religieuses, haines théologiques, haines nationales, haines sociales, haines réciproques des patriciens contre les plébéiens et des plébéiens contre les patriciens, des riches contre les pauvres et de pauvres contre les riches, haines de races, motivées par des différences d'idées, de sentiments et de couleur.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° 21, p.23 / n° 39, p.39/ n° I-II-302, p.224 (note7) / n° II-107, p.310 / n° II-II-240, p.529
- Notion. L’émeute consiste en un soulèvement spontané et non armé d’une partie de la population. Elle diffère de la manifestation, qui est un rassemblement structuré, et de la sédition, qui est un mouvement politique préparé, organisé et souvent armé.
Dictionnaire Larousse des synonymes : Émeute se dit d’un rassemblement tumultueux, rarement prémédité, par lequel une partie du peuple, généralement sans armes, témoigne son mécontentement passager. Sédition suppose une certaine préméditation et des meneurs ; il implique un mot d’ordre qui fait prendre les armes pour soutenir un parti organisé depuis longtemps.
Le Bon (Les révolutions) : C’est seulement lorsque ses intérêts directs sont lésés qu’on voit des fractions du peuple s’insurger spontanément. Un mouvement aussi localisé constitue une simple émeute.
Lombroso (Le crime politique) : Les émeutes sont toujours partielles, œuvres d’un groupe limité de castes ou d’individus.
Code pénal du Canada, art. 64 : Une émeute est un attroupement illégal qui a commencé à troubler la paix tumultueusement.
Évangile selon St Marc : Il y avait en prison un nommé Barabbas, arrêté avec des émeutiers, qui avait commis un meurtre.
- Science criminelle. Lorsque l'émeute est un mouvement spontané, le législateur ne peut guère incriminer que la participation à une émeute, et le refus de se disperser après injonction des autorités. Mais lorsqu'elle est organisée et ses participants stipendiés, les Meneurs peuvent être sanctionnés.
Voir : Tableau des incriminations protégeant la paix intérieure de la Nation (selon la science criminelle)
Voir : Décret du 18 juillet 1791, contre la sédition
Code pénal du Texas, § 42-02 : Une personne
commet une « offense » si elle participe sciemment à une émeute.
Une émeute consiste en un rassemblement de sept personnes ou
plus ayant une attitude qui :
1°/ crée un danger immédiat de dommage pour les propriétés ou
d'atteinte aux personnes ;
2°/ fait obstacle à l'application de la loi ou au fonctionnement
des services du gouvernement ;
3°/ par la force, la menace de la force, ou un acte physique
prive une personne d'un droit légal ou de l'exercice d'un droit
légal.
Code pénal de Birmanie, art. 146 : Chaque fois que la violence est employée par une assemblée illégale, ou par n'importe lequel de ses participants, dans la poursuite de l'objet commun de cette assemblée, chaque membre de celle-ci est coupable du délit d'émeute .
Code criminel du Canada. Art. 32. (1) Tout agent de la paix est fondé à employer, ou à ordonner d'employer, la force qu'il croit, de bonne foi et pour des motifs raisonnables : a) d'une part, nécessaire pour réprimer une émeute ; b) d'autre part, non excessive, eu égard au danger à craindre de la continuation de l'émeute.
Proal (La
criminalité politique) Chapitre 4 - Les haines politiques :
Le 2 juin, les hommes commandés par Henriot, pour entourer la
Convention, étaient des hommes achetés depuis plusieurs jours ;
on leur distribua même sur place un assignat de cinq livres.
J'ai vu, dit Lanjuinais, distribuer publiquement des assignats à
l'élite des cent mille homme. Voulant expliquer la ruine de son
parti, Buzot écrit : « Nous ne pouvions employer que des
moyens honnêtes, et ceux-là ne valaient rien ; de l'or, de
l'or, voilà ce qui devait réussir ; voilà ce qui a réussi »...
Les Jacobins ne furent pas les seuls à enrôler la canaille. Les
Girondins soldèrent aussi des émeutiers.
- Droit positif. Le Code pénal français incrimine l'organisation et la participation à une manifestation interdite (art. 431-9), mais ne contient aucune disposition relative aux émeutes. C'est pourquoi nos tribunaux n'ont guère à connaître des problèmes spécifiques aux émeutes que dans le domaine des assurances.
Cass. 1e civ. 7 novembre 1999 (Gaz.Pal. 2000 somm. 267) : En l’espèce, la destruction des marchandises entreposées dans la chambre froide se trouvant dans les locaux de la société résultait de l’incendie allumé par des agriculteurs, dont la manifestation avait dégénéré en émeute.
Cass. 1e civ. 25 mai 1987 (Rev. gén. assur., 1987 470, et Tables Gaz.Pal.) : Une police d'assurance garantissant les conséquences des « émeutes, grèves et mouvements populaires », la Cour d'appel devait rechercher si une action conduite à force ouverte constituait la manifestation même dissidente d'un mouvement populaire.
Exemple (Ouest-France 30 mars 2007) : H. est accusé de violences et de menaces de mort contre les agents de la RATP qui l'avaient contrôlé, sans ticket de métro... Son avocat ne veut pas que H. endosse la responsabilité des émeutes qui ont suivi son arrestation.
ÉMIGRATION
Cf. Immigration*, Liberté physique*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° III-202, p.478
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° I-4, p.54 (note 6)
Voir : Tableau des incriminations protégeant l'existence de la Nation (selon la science criminelle)
- Notion. L’émigration consiste à abandonner son pays d'origine pour aller s’installer dans un autre, avec l’intention de s’y fixer. Ce choix est libre depuis que les Conventions internationales permettent à toute personne de quitter sa mère Patrie.
Déclaration universelle des droits de l’homme. Article 13 : Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays.
Leclercq (Leçons de droit naturel - T.I) : Le droit de quitter son pays d'origine a été reconnu comme un droit naturel de l'homme.
Bluntschli (Droit public général) : Le droit de libre déplacement, dont l’extension a toujours été considérée comme un progrès, est devenu de nos jours le bien commun des peuples civilisés. L’émigration n’est qu’une application particulière de ce droit général.
- Survol historique. L’émigration a parfois été interdite sous menace de sanction pénale ; elle constitue en effet un appauvrissement pour l’État abandonné, surtout lorsqu’il a formé à grands frais un citoyen actif et que ce dernier va faire bénéficier de sa compétence un pays concurrent. D'un point de vue économique, il en fut ainsi jadis pour les verriers de Murano ; d'un point de vue politique tel fut le cas pour les habitants de l'Allemagne de l'Est, dont plusieurs centaines furent abattus alors qu'ils tentaient de passer en zone libre.
Voir : Décret du 25 brumaire an III (15 novembre 1794) concernant les émigrés (extraits)
Plutarque (Vie d’Agis) : Une ancienne loi de Sparte prononçait la peine de mort contre tout citoyen qui sortait de Sparte pour aller s’établir dans un autre pays.
Garcillasso de la Vega (Histoire des Incas) rapporte que Hancohuallu, chef des Quechuas, envahis et asservis par les Incas, aima mieux abandonner tout ce qu'il avait, plutôt que de perdre sa liberté. Il le dit à ses amis et leur conseilla de s'éloigner peu à peu des terres de la juridiction de l'Inca et d'amener avec eux leurs femmes et leurs enfants, et de l'attendre sur la frontière, parce qu'il ne leur serait pas possible d'en sortir tous ensemble, sans que les nouvelles en vinssent à l'Inca, qui les empêcherait sans doute de partir.
Benoist-Méchin (Frédéric de Hohenstaufen) : Les élèves de l’Université de Naples, fondée en 1221, étaient entièrement instruits, nourris et logés aux frais de l’État. Ceux qui s’y inscrivaient étaient libres de choisir leurs maîtres et leurs disciplines. En revanche, ils devaient s’engager à ne pas partir pour l’étranger à la fin de leurs études, mais à réserver leur savoir à l’État sicilien qui en avait assuré le financement. Toute infraction à cette règle entraînait des sanctions sévères.
Blackstone (Commentaires sur les lois anglaises) cite un statut de Georges 1er : Les artisans ou ouvriers qui seront surpris et arrêtés en passant à l’étranger… perdront tous leurs biens.
Wallon (Histoire du Tribunal révolutionnaire) : L’émigration était au premier rang parmi les crimes déférés au Tribunal révolutionnaire. Le seul fait d’avoir passé la frontière était réputé un acte de trahison qui n’admettait aucune excuse.
EMPOISONNEMENT
Cf. Attentat*, Délits – Délit formel*, Falsification*, Instigation*, Médicament*, Meurtre*, Poison*, Vénéfice*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd), n° 135, p.114 / n° I-135 6°, p.199 / n° I-228, p.235 / n° I-230, p.237 / n° I-244, p.258 / n° I-250, p.266 n° III-308, p.472
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd), n° I-I-I-335, p.99 / n° I-I-I-342, p.108 / n° I-III-I-306, p.280
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd), n° I-249, p.149
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », n°221, p.107 (note 3) / n° 221, p.108
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° II-109, p.312 / n° II-118, p.322 / n° II-II-208, p.498 / n° II-II-261 2°, p.569 / n° 338 7°, p.218 / n° 416, p.259
Voir par exemple : L'affaire de la Brinvilliers
Voir : Muyart de Vouglans, La lutte contre l’empoisonnement après l’« Affaire des poisons »
Pour un autre exemple : L'assassinat de Raspoutine
Voir aussi : Un criminel-né, parricide, matricide et empoisonneur
- Notion. L’empoisonnement consiste à administrer à autrui, en connaissance de cause et de quelque manière que ce soit, une substance de nature à causer sa mort.
Véron (Droit pénal spécial) : L'empoisonnement consiste dans le fait d'attenter à la vie d'autrui par l'emploi ou d'administration de substances de nature à causer la mort.
Laget-Valdeson (Théorie du Code Espagnol de 1850, éd. 1860) : L'empoisonnement est un crime très rare en Espagne. Le caractère ardent, passionné mais généreux et courageux de ses habitants, répugne à un crime aussi lâche.
- Règle morale. Si toutes les autorités civiles et religieuses condamnent le meurtre, elles abominent plus encore l'empoisonnement qui traduit chez son auteur lâcheté, hypocrisie et dissimulation.
Bentham (Traité des preuves judiciaires) range l'empoisonnement parmi les crimes clandestins prémédités : La clandestinité pour cacher la participation du délinquant supposé... se rapporte par exemple dans le cas d'empoisonnement aux diverses précautions prises pour cacher les diverses précautions prises pour cacher les actes par lesquels le poison est préparé ou mis dans les mains de la personne qu'on veut empoisonner.
Corre (Les criminels) : L'attentat de la forme la plus vile est l'empoisonnement.
Proal (Le crime et la peine) : Les anciens avaient déjà observé que le crime d'empoisonnement est commis plus souvent par les femmes que par les hommes... Ce qui frappe le magistrat, dans un grand nombre d'affaires, c'est la rouerie des escrocs, des faussaires, des empoisonneurs.
- Science criminelle. L'emploi du poison est sanctionné avec rigueur par la plupart des législateurs pour cette double raison, que l’auteur des faits agit de manière sournoise, et que la victime se trouve sans défense contre une menace qu’elle ne peut déceler. Il peut être réprimé, soit en tant que circonstance aggravante, soit en tant que délit autonome (et il relève alors des techniques objectives plutôt que des techniques subjectives).
Voir : Tableau des incriminations protégeant la vie (selon la science criminelle)
Le droit romain (L. De maleficiis) considérait qu’il est plus grave de faire périr un homme par le poison, que de le tuer par le glaive.
Loi Salique. T. XXI : Des maléfices. Art. 1 : Quiconque aura causé la mort de quelqu’un, en lui faisant boire certains breuvages, sera condamné à payer 8.000 deniers, ou 200 sous d’or.
Muyart de Vouglans (Les lois criminelles de France, 1783) : La trahison que renferme ce crime, et l’espèce d’impossibilité qu’il y a de s’en garantir, le rend sans contredit, des plus graves et des plus punissables.
Brillon (Dictionnaire des arrêts des Parlements) : Des crimes non graciables... les accusés d'empoisonnement et d'autres crimes énormes ne jouissent pas de l'Entrée des Rois et Reines dans la ville. [il était d'usage de libérer les prisonniers à l'occasion de cet événement qui devait être un jour de fête et de joie pour tous]
Le législateur peut voir dans l'usage du poison une simple circonstance aggravante matérielle du meurtre.
Code pénal du Panama. Art. 67 : Sont des circonstances aggravantes ordinaires communes, quand elles ne sont pas retenues comme élément constitutif ou aggravant d'un crime ou d'un délit spécifique, les circonstances suivantes : 2. Exécuter le fait au moyen d'une inondation, d'un incendie, du poison...
Code pénal du Chili. Art. 391 : Celui qui commet un meurtre sera sanctionné d'une peine... pouvant aller jusqu'à l'emprisonnement perpétuel, s'il l'exécute avec l'une des circonstances suivantes : 3° Au moyen d'un poison.
Mais il nous semble qu'il est plus approprié de passer ici par la voie d’une incrimination autonome de type formel (relevant des Attentats*) et de nature objective (supposant un simple Dol général*).
Ortolan (Éléments de droit pénal) : Le législateur pourrait très bien ne pas distinguer cette manière de donner la mort de toute autre, mais, dès qu'il la distingue il en fait une spécialité.
Goyet (Droit pénal spécial) : Le crime d'empoisonnement est un délit formel, un attentat.
Vitu (Traité de droit pénal spécial) : Constituent le crime d'empoisonnement l'emploi ou l'administration de substances vénéneuses, de quelque manière que ces substances aient été employées ou administrées... Le crime d'empoisonnement est pleinement consommé par l'attentat à la vie humaine, c'est-à-dire, avant le décès de la victime, au moment où le toxique est employé ou administré.
Code pénal portugais de 1886. Art. 353 : Est qualifié crime d'empoisonnement tout attentat contre la vie d'une personne au moyen de substances susceptibles de donner la mort plus ou moins rapidement, de quelque manière que ces substances soient employées ou administrées et quelles qu'en soient les conséquences.
Trib.corr. Paris 23 octobre 1992 (D. 1993 223) : L'empoisonnement n'est pas seulement un acte conscient, voulu, mais un acte intentionnel, c'est-à-dire conscient, voulu et accompli en vue d'un résultat précisément recherché par son auteur, en l'espèce la mort ou l'atteinte à l'intégrité corporelle d'autrui. Le résultat ainsi recherché est un élément constitutif de l'infraction et participe à sa définition même.
- Droit positif. Pour des raisons politiciennes, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a fait passer cette incrimination du cadre de la responsabilité objective à celui de la responsabilité subjective. Elle a ainsi stérilisé une incrimination dont la caractéristique est pourtant de viser des faits particulièrement dangereux accomplis de manière sournoise : sur une base aussi fragile le ministère public se trouvera le plus souvent dans l’impossibilité de prouver l’intention d’ôter la vie.
Voir : Tableau des incriminations protégeant la vie (en droit positif français)
Cass.crim. 18 juin 2003 (Bull.crim. n° 27 p.483) : Le crime d’empoisonnement ne peut être caractérisé que si l’auteur a agi avec l’intention de donner la mort, élément moral commun à l’empoisonnement et aux autres crimes d’atteinte volontaire à la vie des personnes.
EMPREINTE DIGITALE
Cf. Bertillon*, Bertillonnage*, Criminalistique*, Empreinte génétique*, Examen corporel*, Fichiers informatiques (des organismes publics)*, Identité judiciaire*, Locard*, Police judiciaire*, Portrait robot*, Preuves (recherche des)*, Signalement*.
L’empreinte digitale entre dans la catégorie des indices. Elle permet à la police scientifique de dire que l’empreinte de tel doigt de telle personne se retrouve sur tel objet (dactyloscopie). Comme il reste à savoir comment elle y est parvenue, cet indice n’est pas déterminant à lui seul. Le C.pr.pén. autorise la police judiciaire à relever les empreintes d’une personne sous certaines conditions (art. 78-1 et s.).
Locard (Cours de police scientifique, 1951) : Les
empreintes digitales sont les dessins laissés sur les crêtes papillaires au contact des doigts sur des objets lisses. Les deux caractères
essentiels des dessins digitaux sont, d'une part, qu'ils sont parfaitement immuables ; ils ne se modifient ni avec l'âge, ni pour des causes
accidentelles, coupures, brûlures, etc. D'autre part ils sont différents pour chaque individu. Il n'y a pas deux empreintes semblables, même pas chez des
frères jumeaux.
Le policier utilise les empreintes digitales à deux fins nettement distinctes : d'une part, le classement et l'identification des récidivistes ;
d'autre part, la recherche et l'identification des malfaiteurs par les traces laissées sur le terrain.
Buquet (Manuel de criminalistique) : Une empreinte digitale consiste en un mélange produit par les secrétions naturelles des glandes sudoripares. La sueur s’écoule par les pores de la peau, ainsi que les particules provenant de la desquamation continue de l’épiderme, de même que des éléments contaminants ( sang, graisse, poussière). Le mélange se dépose sur des supports lisses en laissant un dessin qui reproduit les crêtes de la peau… Les empreintes sont visibles pendant des années sur la plupart des surfaces lisses si elles ne sont pas altérées, soit par des conditions atmosphériques particulières, soit effacées par un frottement mécanique. La police criminelle d’Oslo rapporte que des empreintes laissées sur les pages d’un livre qui n’avait pas été ouvert depuis trente-cinq ans ont pu être relevées avec une netteté satisfaisante pour une identification .
Cass.crim. 29 septembre 1992 (Gaz.Pal. 1993 I Chr.crim. 141) : Un vol par effraction a été commis dans un atelier de filature ; les enquêteurs ont constaté, sur un morceau de vitre brisée par les malfaiteurs, la présence d’une empreinte papillaire qu’ils ont photographiée et relevée sur un support technique ; l’examen comparatif de ce relevé a permis au laboratoire de police scientifique d’identifier l’individu qui avait laissé l’empreinte comme étant Y. T....
Cass.crim. 15 décembre 2015, pourvoi n° 15-82013 : Le nombre de points de comparaison pertinents relevés sur une empreinte digitale constitue un simple élément de preuve soumis au principe de contradiction et à l'appréciation des juges.
Cons. d'État 7 mai 2012, n° 351396 (Gaz.Pal. 14 juin 2012 p.27) : Le relevé et la mémorisation des empreintes digitales de certains ressortissants étrangers et la possibilité d'un traitement automatisé de ces informations conformément aux garanties prévues par la loi du 6 janvier 1978, justifiés par la protection de l'ordre public et les objectifs d'intérêt général poursuivis par le législateur, ne portent pas une atteinte excessive à la protection de la vie privée garantie par l'art. 8 de la Conv.EDH.
Jalby (La police technique et scientifique) : C’est Bertillon qui va donner à l’identification par empreintes digitales ses lettres de noblesse, en réalisant une première. Le 17 octobre 1902, le cadavre d’un domestique est découvert 157 rue du Faubourg Saint-Honoré à Paris. La victime a été étranglée. Sur une vitrine fracturée, Bertillon relève quatre empreintes digitales, qu’il va attribuer à un voleur signalé en 1894, Henri-Léon Scheffer. Celui-ci reconnaît les faits. Il sera condamné aux travaux forcés à perpétuité.
Le premier succès. Testard-Vaillant (Science et vie oct. 2002) : Le 17 octobre 1902, la police découvre le cadavre d’un domestique dans le cabinet de son maître, un médecin-dentiste. Le corps de J. R..., au service du Dr A... depuis onze ans, gît sur le parquet d’un salon d’attente. L’homme a de toute évidence été étranglé… mais comme résume « Le Figaro », « sur l’auteur du crime, aucun indice ; contre personne, nul soupçon ». Sauf que le carreau d’une vitre fracturée dans le salon porte les marques d’un doigt, quatre bonnes « traces » de pouce fourmillant de courbes concentriques. Alphonse Bertillon, le chef de l’identité judiciaire, est prié de photographier l’indice… Agrandie quatre fois, la photo est comparée à celles déjà archivées. Succès ! Le 24 octobre, une semaine seulement après le meurtre, Bertillon remet son rapport au juge d’instruction : L’assassin de R... est le nommé Henri-Léon S..., déjà condamné. Ses empreintes digitales correspondent de manière frappante avec les traces relevées sur le lieu du crime. Arrêté à Marseille, S... passera aux aveux et sera condamné aux travaux forcés à Saint-Laurent du Maroni.
Gorphe (L’appréciation des preuves en justice) propose cet exemple pour montrer les limites de ce mode de preuve : En juin 1938, à Lima, le -professeur d’astronomie Acosta appelait au téléphone le préfet de police de da capitale du Pérou et lui dit qu’il venait de trouver son collègue l’astronome Belland mort, avec un poignard dans la nuque. Un inspecteur de police fut aussitôt envoyé sur les lieux : après quelques recherches, i1 trouva que l’arme du crime appartenait à un cambrioleur connu, nommé Jurago. Celui-ci, vite retrouvé, avoua qu’il s’était bien introduit dans l’observatoire, mais qu’il avait été dérangé et avait perdu son poignard. Or, le lendemain, les journaux annonçaient que le professeur Acosta venait de découvrir une nouvelle étoile. L’inspecteur eut l’idée d’aller le prier de lui montrer cet astre : il eut la surprise de constater que le grand télescope n’était pas réglé pour l’œil du prétendu découvreur. Confirmé dans ses soupçons, il examina les notes de l’astronome assassiné et il constata que c’était lui, en réalité, qui avait fait la découverte. Son collègue, voulant s’en approprier la gloire, l’avait tué avec le poignard trouvé là.
Empreinte frauduleusement obtenue (La
Meuse 1er mars 1976) : Des maris indonésiens de religion
musulmane profitent du sommeil de leur épouse pour prendre leurs
empreintes digitales et s'assurer ainsi de leur accord pour
pouvoir prendre une deuxième femme accuse la Fédération des
femmes indonésiennes.
En vertu d'une nouvelle loi sur le mariage, les maris ont, en
effet, besoin de l'accord signé de leur femme -
l'empreinte du pouce tenant lieu de signature pour les
illettrées - pour devenir bigames.
EMPREINTE GÉNÉTIQUE
Cf. Bertillonnage*, Empreinte digitale*, Fichiers informatiques (des organismes publics)*, Identité judiciaire*, Preuves (recherche des)*, Portrait robot*, Profil psychologique*, Sépulture (violation de)*.
Les art. 226-25 C.pén. et s. limitent l’examen des caractères génétiques d’une personne à des fins judiciaires, médicales ou scientifiques, et les art.
R.53-9 et s C.pr.pén. leur archivage. Leur analyse par la police scientifique, qui donne un profil d'identification
génétique, constitue l’un des progrès majeurs dans l’établissement des faits de l’espèce.
- C’est ainsi que, deux cents ans après le drame, la comparaison des ADN contenus dans les cheveux de la reine Marie-Antoinette, et dans le cœur de
l’enfant du Temple, a permis déterminer que ce dernier était bien le Prince Louis-Charles, plus connu sous le nom de Louis XVII.
Voir, avant la découverte de ce mode de preuve : Un procès en usurpation d’identité et spoliation d’héritage à Castres en 1650-1651
Général Hébrard (Réforme de la garde à vue : qu'attendre réellement de la police technique et scientifique - Gaz.Pal. 20 mars 2012 p.19) : Les empreintes génétiques ont totalement révolutionné le monde de la police scientifique, mais aussi parfois le mode opératoire de l'enquête l’instruction... S'il est vrai que l'empreinte génétique offre de réelles possibilités des difficultés perdurent. En effet, si de nombreux outils existent pour localiser une empreinte digitale sur une scène d'infraction, il n'en va pas de même en matière d'empreinte génétique, sauf s'il s'agit d'une trace "riche" comme du sang ou de sperme.
Code de procédure pénale allemand, § 81g (ADN- Analyse): Aux fins d’établir l’identité dans un procès pénal futur, si l’inculpé est soupçonné d’une infraction d’une gravité certaine, notamment d’un crime ou d’un délit contre la liberté sexuelle, d’une atteinte grave à l’intégrité corporelle, d’un vol particulièrement grave ou d’une extorsion de fonds, peuvent être prélevées sur lui des cellules corporelles et une recherche peut être faite au titre des molécules génétiques pour constater les données d’ADN permettant de l’identifier...
Code criminel du Canada. Art. 487.091 : Lorsqu'un profil d'identification génétique n'a pu être établi à partir des échantillons de substances corporelles d'une personne … un juge de la cour provinciale peut… autoriser par écrit le prélèvement, pour analyse génétique, du nombre d'échantillons supplémentaires de substances corporelles de la personne jugé nécessaire à cette fin.
Lesclous et Marsat (Chronique 17 de Droit pénal 1998) : L’empreinte génétique s’inscrit dans le contexte français de la liberté de la preuve et de l’intime conviction ; et son régime est celui du droit commun de l’enquête et de l’instruction.
Cass.crim.
25 juin 2014, n° 13-87493 : Il résulte de l'arrêt attaqué et
des pièces de la procédure qu'une information a été ouverte
contre personne non dénommée du chef de viols aggravés ; les
traces biologiques relevées sur deux des victimes n'ayant pas
permis l'identification de l'auteur des faits par ses empreintes
génétiques, le juge d'instruction a ordonné une expertise
tendant à l'analyse de ces traces afin que soient extraites les
données essentielles à partir de l'ADN et fournis tous
renseignements utiles relatifs au caractère morphologique
apparent du suspect ;
Le juge d'instruction a saisi la chambre de l'instruction d'une
requête en annulation de sa propre décision au regard des art.
16-11 C.civ et 226-25 C.pén. ;
Pour rejeter la requête, l'arrêt, après avoir relevé que le juge
d'instruction avait confié à l'expert mission de déterminer des
caractéristiques génétiques à partir d'un matériel biologique
s'étant naturellement détaché du corps humain, retient que les
articles 16-10 et 16-11 C.civ. n'ont pas vocation à s'appliquer,
dès lors qu'ils ont pour seul fondement le respect et la
protection du corps humain ; les juges ajoutent qu'il en est de
même de l'article 226-25 C.Pén., inséré dans ledit code par la
loi n°94-653 du 29 juillet 1994 relative au respect du corps
humain ;
En cet état, et dès lors que l'expertise ordonnée par le
magistrat instructeur sur le fondement de l'article 81 C.pr.pén.
consistait exclusivement à révéler les caractères morphologiques
apparents de l'auteur inconnu d'un crime à partir de l'ADN que
celui-ci avait laissé sur les lieux, à seule fin de faciliter
son identification, l'arrêt n'encourt pas la censure.
Rennes (Ch.acc.) 14 août 1997 (D.1998 SC 160) : Dans le cadre de mesures d’instruction (sur le meurtre d’une jeune fille), une chambre d’accusation peut ordonner l’expertise génétique systématique de tous les hommes âgés de 15 à 35 ans habitant un village, mais « avec leur consentement », et préciser que ces renseignements génétiques obtenus ne seront pas utilisés à d’autres fins que celles d’identification du meurtrier.
Institut génétique (Ouest-France 9 décembre 2005, A.Fouquet) : L’Institut génétique Nantes Atlantique vient de livrer 40.000 « profils » destinés à enrichir le fichier national informatisé des empreintes génétiques. Aujourd’hui, le prélèvement de cellules dans la bouche d’un suspect –à l’intérieur des joues- fait partie de la routine des gendarmes et des policiers. L’empreinte génétique peut être comparée avec celles déjà fichées dans le Fichier national automatisé ou relevées sur les lieux d’un ou plusieurs crimes. C’est imparable … si l’on trouve l’ADN d’une personne sur une scène de crime, c’est qu’elle y a été présente. Ou que l’on a déposé un de ses cheveux, ongles … sur la scène.
Exemple (Ouest-France 27 novembre 2009) : Les fichiers ADN se multiplient. 95% des délits donnent lieu à un prélèvement génétique. La police se réjouit d'un moyen efficace de résoudre les enquêtes... d'autant qu'aujourd'hui une analyse ADN ne coûte pas cher... Mais nombreux sont ceux qui s'inquiètent des dérapages... surtout depuis que le refus de prélèvement est devenu un délit.
Exemple (Ouest-France 11 février 2005) : Alors qu’elle dormait avec sa sœur sous une tente du camping-car de ses parents, une jeune fille de quinze ans avait été enlevée sous la menace d’une arme et violée dans la région de Bayeux … Au bout de huit mois d’enquête, les gendarmes ont interpellé un homme de trente-trois ans originaire de la région du Bessin. Après analyse de son A.D.N., qui coïncide avec des prélèvements effectués à l’époque sur la victime, l’auteur présumé a été mis en examen.
Exemple (Ouest-France 15 septembre 2006) : Lettres d'insultes : trahi par son ADN. Il avait menacé de mort le président de l'Université de Bretagne Sud, via deux courriers ; mais il collait les timbres avec sa salive : il a été confondu.
Exemple (Ouest-France 15 août 2008) : Affaire Valentin. Un fourreau de poignard maculé de sang a été retrouvé en début de semaine par les enquêteurs de la gendarmerie. L'analyse effectuée par le laboratoire de Nantes a permis d'établir que le sang retrouvé contenait les ADN mélangés de la victime et [du suspect].
Exemple (Ouest-France 9 novembre 2012) : Le 31 juillet, à Paris, un homme arrache le téléphone portable d'une femme et s'enfuit. Un passant se lance à sa poursuite. Mais le suspect sort un couteau et le frappe à la nuque et au ventre. Puis il s'enfuit, en perdant sa casquette. Celle-ci a été analysée par la police judiciaire. Les experts réussissent à extraire un peu d'ADN. Le propriétaire de la casquette a finalement été identifié et localisé dans un foyer du XVe arrondissement où il a été arrêté.
On observera que si l'analyse des empreintes génétiques peut permettre de confondre un coupable, elle permet aussi de blanchir un innocent.
Exemple (Ouest-France 23 octobre 2009) : Affaire Grégory : L'ADN relance l'enquête. Des traces ont été retrouvées sur le cordelettes ayant entravé l'enfant, mais aussi sur une lettre du "corbeau". Ce ne sont pas celles des parents, Christine et Jean-Marie Villemin.
L'empreinte génétique, pas plus que tout autre mode de preuve dite « scientifique », ne saurait constituer une preuve absolue. D'un côté elle a des limites techniques, de l'autre elle peut avoir été déposée frauduleusement pour nuire à un tiers (dépôt d'un objet personnel lui appartenant).
Limites (Ouest-France 9 mai 2008) : Deux jumeaux de 44 ans ont été mis en examen dans le Pas-de-Calais. Ils sont soupçonnés d'avoir commis, chacun de leur côté, une série de braquages dans le département. Problème pour les enquêteurs : malgré les images vidéo et les ADN dont ils disposent, ils éprouvent le plus grand mal à savoir qui aurait commis quoi dans la série de braquages en question. "C'est la première fois que je vois qu'un bon relevé ADN n'est pas déterminant, a commenté un policier.
Le refus de se soumettre à un prélèvement biologique est incriminé, pour certaines infractions graves, par l'art. 706-56 C.pr.pén. Voir : Cass.crim. 3 mai 2011 (n° 10-81529).
Cass.crim. 28 septembre 2005 (Bull.crim. n° 245 p.864) : L’art. 706-56 C.pr.pén., réprimant le refus de se soumettre à un prélèvement biologique, est applicable à toute personne condamnée pour l’une des infractions visées par l’art. 706-55 dudit Code, même si la condamnation est antérieure à la loi du 15 novembre 2001.
EMPRISONNEMENT
Cf. Administration pénitentiaire*, Écrou*, Détention
criminelle*, Détention provisoire*,
Écrou*, Établissement
pénitentiaire*, Fouille à corps*, Fractionnement de la peine*, Gêne*,
Incarcération*,
Internement*, Libération conditionnelle*, Liberté - liberté
physique*, Panoptique*, Pécule*,
Pénologie*, Période de sûreté*, Permission de sortie*,
Pistole*, Prison*, Réclusion criminelle*,
Sanction - pénale*, Semi-liberté*,
Traitements inhumains*, Travail
forcé*, Vieillard*.
En ce qui concerne le coût de l'emprisonnement par l'État, voir
: Pistole*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° III-231 et s., p.443 et s.
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° II-108, p.316 (emprisonnement ou amende ?)
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° III-212 p.490 (faits justificatifs)
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° 14, p.18 / n° 19, p.21 / n° 23, p.24 / etc.
Voir : Tableau des incriminations protégeant le système judiciaire quant aux personnes placées sous main de justice (en droit positif français)
Voir : A. Franck, De la peine en général
Voir : Auteurs divers, Le régime pénitentiaire
Voir : B. Saint-Edme, Un exemple de traitements inhumains : "Les pontons"
Voir : Discours du Pape Pie XII, sur l'assistance aux prisonniers
- Notion. La peine d’emprisonnement (ou de réclusion) consiste en une privation de liberté subie dans un établissement pénitentiaire. Elle constitue actuellement la peine de référence.
Dictionnaire Larousse des synonymes : Le mot emprisonnement désigne d’abord le fait ou l’action d’être mis en prison, mais aussi l’état dans lequel se trouve le prisonnier.
Exemple (Ouest-France 7 décembre 2007) : Selon
le rapport du groupe de défense des droits de l'homme (HRW)... aux États-Unis fin 2006, on comptait 2,25 millions de prisonniers, soit 751 pour 100.000
habitants. En comparaison la Grande-Bretagne est à 148, le Canada à 107 et la France à 85.
(Télétexte TF1 29 février 2008) : Selon un rapport publié jeudi, les États-Unis ont la population carcérale la plus importante de la planète, avec un
adulte sur cent derrière les barreaux.
Population carcérale en France (Gazette du Palais du 27 juillet 2010) : 68.659 - C'est le nombre de personnes qui étaient détenues en France le 1er juillet 2010 (Source : Ministère de la Justice, Direction de l'administration pénitentiaire).
- Morale. Le fait de priver une personne de la liberté de se déplacer, d'aller et de venir à son gré, constitue une atteinte à l'un de ses droits fondamentaux. Cette atteinte n'est légitime que si elle sanctionne une atteinte grave à une règle de la vie en société ; elle n'est licite que si elle est prononcée par l'autorité publique en application d'une disposition d'une incrimination en vigueur au moment des faits.
St Thomas d'Aquin (Somme théologique II-II q.65 a.3) : Les biens corporels se hiérarchisent de la façon suivante : 1° L’intégrité substantielle du corps ; on lui porte atteinte par la mort ou la mutilation ; 2° la délectation ou le repos des sens, auxquels nuisent les coups reçus ou toute sensation douloureuse ; 3° le mouvement et l’usage des membres que l’on entrave par des liens, l’emprisonnement, ou tout autre mode de détention. Et c’est pourquoi mettre quelqu’un en prison ou le détenir de quelque manière est interdit, si ce n’est conformément à la justice, soit à titre de châtiment, soit par mesure préventive contre certains maux.
- Science criminelle. L'emprisonnement envisagé à titre de peine est relativement récent. Ses modalités se présentent d'ailleurs sous diverses formes.
En droit romain, l'emprisonnement n'était pas conçu comme une peine, mais simplement comme le moyen de garder une personne sous main de justice. Cette doctrine s'est perpétuée pendant des siècles.
Digeste de Justinien, 48, 19, 8, 9. Ulpien : Carcer enim ad continendos homines, non ad puniendos haberi debet (la prison doit être employée pour retenir les hommes et non pour les punir).
De Ferrière (Dictionnaire de droit) : Les prisons ne sont établies que pour garder les criminels, et non pas pour les punir.
Commission de réforme du droit du Canada (Document n° 11, 1975) : L'emprisonnement, tel que nous le connaissons actuellement, n'est apparu au Canada que vers 1835 avec la construction du pénitencier de Kingston. Cette peine a été introduite sur une large échelle par les Quakers américains vers 1789 pour remplacer les châtiments corporels qui sévissaient à l'époque. On visait alors à isoler et à amender les coupables tout en améliorant leurs goûts et leurs aptitudes au travail.
Code pénal de 1810, art. 40 et 41 : Quiconque aura été condamné à la peine d'emprisonnement, sera renfermé dans une maison de correction : il y sera employé à l'un des travaux établis dans cette maison, selon son choix... Les produits du travail de chaque détenu pour délit correctionnel, seront appliqués, partie aux dépenses communes de la maison, partie à lui procurer quelques adoucissements, s'il les mérite, partie à former pour lui, au temps de sa sortie, un fonds de réserve ; le tout ainsi qu'il sera ordonné par des règlements d'administration publique.
De nos jours, l'emprisonnement est devenu la peine de référence, mais elle peut être subie selon des modalités diverses.
L'incarcération collective : de jour dans une cour commune, de nuit dans un dortoir commun. Ce système, qui réunit jeunes délinquants et chevaux de retour, présente le grave inconvénient d'engendrer des écoles du crime.
Larguier (Criminologie et science pénitentiaire) : Emprisonnement en commun, de jour comme de nuit... Le système est peu coûteux, le travail est facile à organiser, le système donne l'habitude de vivre à plusieurs... Le système présente le danger de corruption, la discipline est difficile à maintenir...
L'incarcération individuelle avec isolement collectif, dit système pennsylvanien car mis en oeuvre en Pennsylvanie en 1800, a pour principal défaut de désocialiser le prisonnier au lieu de le réadapter à la vie collective.
Stéfani et Levasseur (Droit pénal général et criminologie) : Régime cellulaire pennsylvanien : isolement cellulaire de jour et de nuit ; le détenu mange, travaille et dort dans sa cellule ; quand il la quitte pour circuler dans les couloirs, il doit porter une cagoule. Ce système demande des aménagements très onéreux, et se révèle très débilitant au physique comme au moral dès qu'il est prolongé.
Exemple (Le Figaro, 5 mai 2006) : M... condamné à l'isolement total. Z. M... devrait finir ses jours dans le pénitencier de haute sécurité ADX, à Florence dans le Colorado, sans aucun contact avec le monde extérieur. Cette "Alcatraz des Rocheuses accueille 500 prisonniers parmi les plus violents du pays... On y trouve notamment les auteurs de l'attentat du World Trade Center de 1993... Le prisonnier sera confiné 23 heures sur 24 dans une cellule individuelle insonorisée de 3,5 mètres sur 2, où tous les meubles dont en béton et scellés dans au sol. Une heure sera réservée à l'exercice dans une pièce plus grande, mais où le détenu restera seul.
Le système intermédiaire, dit auburnien parce que testé dans la prison américaine d'Auburn,combine l'isolement de nuit au travail en commun de jour. Il comporte de nombreuses variantes visant soit à renforcer la sécurité, soit à favoriser la réinsertion du détenu dans la société.
Donnedieu de Vabres (Traité de droit criminel) : Les inconvénients du système cellulaire ont paru assez sérieux pour qu'en Amérique même on propose un régime mixte, combinant les avantages du régime en commun et du régime cellulaire... Les détenus sont séparés pendant la nuit. Pendant le jour ils travaillent en commun, soumis à la loi du silence.
Le système progressif, dit irlandais, améliore le régime mixte. Il fait passer le détenu par plusieurs phases successives : d'abord emprisonnement cellulaire permettant d'étudier la personnalité du nouveau détenu, puis régime auburnien réinsérant progressivement le prisonnier dans la vie collective, enfin libération conditionnelle autorisant le travail à l'extérieur de jour afin de faciliter le retour à la vie sociale.
Flour (Cours de droit criminel) : Le système irlandais ou progressif comporte une série de degrés entre l'emprisonnement le plus rigoureux et le retour à la liberté. Il y a, au début, isolement cellulaire de jour et de nuit, suivant le régime philadelphien ; puis isolement de nuit avec travail en commun le jour, suivant le régime auburnien; puis libération conditionnelle avec menace de réincarcération au cas de mauvaise conduite. On peut même ajouter, entre la seconde et la troisième phases, une période intermédiaire où le travail s'effectue au dehors, avec retour à la prison pour la nuit.
Population carcérale. Adultes et jeunes délinquants, hommes et femmes, malfaiteurs et politiques, individus sains d’esprit et malades mentaux doivent impérativement être enfermés dans des établissements différents.
Code pénal suisse (état en 2003), art. 46 : Hommes et femmes seront séparés dans tous les établissements.
Régime disciplinaire. Plus qu'en d'autres lieux, il est nécessaire de reconnaître aux autorités le droit de prendre toutes mesures nécessaires à assurer la sécurité des personnels, des détenus et des bâtiments. Voir ci-dessous : Droit positif - Mesures disciplinaires.
Stéfani, Levasseur et Jambu-Merlin (Criminologie et science pénitentiaire) : Autant et même plus que partout ailleurs, une discipline ferme est absolument nécessaire dans les prisons. Ce n'est pas à dire qu'elle doive être vexatoire et contraignante plus qu'il ne faut pour le maintien de l'ordre et la sécurité, et pour l'organisation de la vie en collectivité.
Cons. d'État 4 février 2013, n° 344266 (Gaz.Pal. 25 avril p.17) sommaire : La possession d'un téléphone portable par un détenu dans l'enceinte pénitentiaire doit être regardée comme la détention d'un objet dangereux et constitue une faute disciplinaire du premier degré.
Exemple (Ouest-France 18 septembre 2009) : Le ministre de la Justice, M. Alliot-Maris, a annoncé, hier, lors de l'examen du projet de loi pénitentiaire à l'Assemblée nationale, que des explosifs avaient été découverts sur un détenu à Meaux, à l'occasion d'une fouille. Un exemple qu'elle a choisi pour étayer sa conviction : "Les fouilles sont nécessaires, même si elles doivent être limitées à la stricte nécessité".
Cependant, en application de l'art. 3 de la Conv.EDH, qui prohibe les traitements inhumains ou dégradants, ces mesures doivent respecter la dignité de la personne humaine.
Cour
EDH 17 juillet 2012, n° 57260/10 (Gaz.Pal. 9 août 2012 p.29) :
Le requérant allègue que les conditions de sa détention en
Roumanie ont enfreint son droit à ne pas être soumis à des
traitements inhumains ou dégradants. Selon lui, la surpopulation
carcérale et l'absence d'hygiène dans la prison ont représenté
un traitement humiliant et qui a porté atteinte à sa santé.
La Cour relève que les mesures privatives de liberté impliquent
habituellement pour un détenu certains inconvénients. Toutefois,
elle rappelle que l'incarcération ne fait pas perdre à un détenu
le bénéfice des droits garantis par la Convention. Dans ce
contexte, l'article 3 fait peser sur les autorités une
obligation positive qui consiste à s'assurer que tout prisonnier
est détenu dans des conditions qui sont compatibles avec le
respect de la dignité humaine, que les modalités d'exécution de
la mesure ne soumettent pas l'intéressé à une détresse ou à une
épreuve d'une intensité qui excède le niveau inévitable de
souffrance inhérent à la détention et que, eu égard aux
exigences pratiques de l'emprisonnement, la santé et le
bien-être du prisonnier sont assurés de manière adéquate.
S'agissant des conditions de détention, la Cour rappelle que
lorsque la surpopulation carcérale atteint un certain niveau, le
manque d'espace dans un établissement pénitentiaire peut
constituer l'élément central à prendre en compte dans
l'appréciation de la conformité d'une situation donnée à
l'article 3. Lorsqu'elle a été confrontée à des cas de
surpopulation flagrante, elle a jugé que cet élément, à lui
seul, pouvait suffire pour conclure à la violation de l'article
3 de la Convention.
Cour EDH (Grande chambre) 9 juillet 2013, n° 66069/09 (Gaz.Pal. 25 juillet 2013 p.22) : La Cour considère qu'en ce qui concerne les peines perpétuelles l'article 3 doit être interprété comme exigeant qu'elles soient compressibles, c'est-à-dire soumises à un réexamen permettant aux autorités nationales de rechercher si, au cours de l'exécution de sa peine, le détenu a tellement évolué et progressé sur le chemin de l'amendement qu'aucun motif légitime ne permet plus de justifier son maintien en détention.
La Cour européenne des droits de l'homme est allée si loin, qu'elle risque de désarmer la Société face à la grande délinquance. Cette évolution conforte l'observation selon laquelle l'histoire de la peine est l'histoire de son déclin.
Exemple (Ouest-France 3 janvier 2014) : À Alençon, une prison sous tension. Agressions, prises d'otages ; les syndicats n'en peuvent plus... « Aujourd'hui, les détenus font ce qu'ils veulent. On ne peut plus les fouiller. Il y a autant de drogue dedans que dehors. Ces hommes ne connaissent aucune limite », estime le secrétaire local Unfap-Unsa justice .
Coût de l'emprisonnement. Il est devenu si élevé que les pouvoirs publics semblent y devenir de moins en moins favorables.
Commission de réforme du droit du Canada (Document n° 11, 1975) : Aujourd'hui, l'emprisonnement ne peut plus être considéré comme une mesure humanitaire. Il constitue plutôt une peine fort coûteuse que l'on ne doit utiliser qu'en dernier ressort. Il est coûteux pour la société... On estime en effet que l'État doit débourser 14.000 $ par année pour garder quelqu'un dans une institution carcérale... Il est évident qu'un tel coût peut se justifier uniquement lorsque le crime a causé un tort considérable et que l'emprisonnement est le seul moyen de faire face à la situation. [sans compter le coût de la construction et de l'entretien des bâtiments].
Exemple (Le Figaro, sur Internet 2014) : Les chiffres apparaissent dans un rapport parlementaire publié en novembre dernier et rédigé par le sénateur UMP J-R Lecerf. Ces données permettent de connaître précisément le coût journalier d'un prisonnier en France en 2013 environ 100 € par jour « alimentation, entretien, personnel », soit 36.500 € par an. Mais derrière cette moyenne, se cache d'importantes disparités .
- Droit positif. Dans le Code pénal français en vigueur (art. 131-4), la peine d'emprisonnement comporte sept niveaux. Elle ne peut dépasser dix ans ; au-delà on parle de Réclusion criminelle*.
Cass.crim. 14 décembre 1994 (Gaz.Pal. 1995 I Chr.crim. 177/178) : Selon l'art. 131-1 C.pén., la durée de la réclusion criminelle est de dix ans au moins.
Prononcé d'une peine d'emprisonnement. En principe (art. 132-19 al.2), le tribunal correctionnel ne peut prononcer une peine d'emprisonnement sans sursis qu'après avoir spécialement motivé le choix de cette peine. Il n'en va autrement que lorsque l'intéressé est en état de récidive légale (art. 132-19 al.3).
Cass.crim. 31 janvier 2007 (Bull.crim. n° 26 p.98) : Aux termes de l'art. 132-19 al.2 C.pén., tel qu'il résulte de la loi du 12 décembre 2005, le juge n'est pas tenu, en matière correctionnelle, de motiver spécialement le choix d'une peine d'emprisonnement ferme, lorsque la personne est en état de récidive. [de même : Cass.crim. 30 mai 2012, n° 11-84992].
Cass.crim. 20 octobre 2010 (n° 10-81800, Gaz.Pal. 6 janvier 2011 note Dreyer) sommaire : Pour justifier la peine d'emprisonnement sans sursis qu'elle prononce, une cour d'appel ne peut se borner à retenir la multiplicité des procédures engagées à l'encontre du prévenu et la gravité des faits commis avec une intention délibérée.
Cass.crim. 10 novembre 2010 (n° 10-80265) : Selon
l'art. 132-24, al. 3, C. pén., dans sa rédaction issue de la loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009, en vigueur depuis le 26 novembre 2009,
en matière correctionnelle, en dehors des condamnations en récidive légale prononcées en application de l'article 132-19-1 du même code, une peine
d'emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu'en dernier recours si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette
peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate ; dans ce cas, la peine d'emprisonnement doit, si la personnalité et la
situation du condamné le permettent, et sauf impossibilité matérielle, faire l'objet d'une des mesures d'aménagement prévues aux art. 132-25 à 132-28
dudit code ;
Pour condamner le prévenu à la peine d'emprisonnement de cinq ans dont trois ans avec sursis, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que les faits commis
sont la conséquence d'un comportement pervers et ancien de l'intéressé, lequel, malgré son grand âge, présente une version qui démontre une absence de
culpabilisation ; les juges ajoutent, par motifs propres, que le prévenu admet les faits tout en rejetant la responsabilité sur des enfants "qui étaient
en réalité des victimes beaucoup trop jeunes pour avoir pu esquisser une quelconque défense, qui le considéraient comme leur grand-père, dont il
s'assurait du silence par des pièces ou de menus cadeaux " ;
Mais en prononçant ainsi, sans caractériser la nécessité de la peine d'emprisonnement ferme conformément aux dispositions de l'art. 132-24 C.pén., ni
l'impossibilité d'ordonner une mesure d'aménagement, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.
Cass.crim. 9 avril 2014, pourvoi n° 13-85437 : Il résulte de ce texte, qu'en matière correctionnelle, en dehors des condamnations en récidive légale prononcées en application de l'art. 132-19-1 C.pén., une peine d'emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu'en dernier recours si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate ; que dans ce cas, la peine d'emprisonnement doit, si la personnalité et la situation du condamné le permettent, et sauf impossibilité matérielle, faire l'objet d'une des mesures d'aménagement prévues aux art. 132-25 à 132-28 du même code .
Pour prononcer une peine d'emprisonnement sans sursis, le tribunal doit tenir compte à la fois de la gravité des faits et de la personnalité de leur auteur (art. 132-24 al.3).
Cass.crim. 19 janvier 2011 (n°10-80899, Gaz.Pal. 14 avril 2011 note Detraz) sommaire : Une cour d'appel ne peut motiver le prononcé d'une peine d'emprisonnement sans sursis par l'existence d'une condamnation antérieure non définitive.
Cass.crim. 27 septembre 2011 (n°11-80252, Gaz.Pal. 3 novembre 2011 p.25) sommaire : Il résulte de l'art. 132-24 C.pén. qu'en matière correctionnelle, en dehors des condamnations en récidive prononcées en application de l'art. 132-19-1 dudit Code, une peine d'emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu'en dernier recours si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate. Méconnaît ce texte la cour d'appel qui, pour condamner des prévenus à une peine d'emprisonnement sans sursis, énonce qu'en raison de la particulière gravité et de la nature des faits, seule une peine d'emprisonnement ferme est de nature à sanctionner de manière appropriée les délits commis par les prévenus, sans expliquer en quoi, outre la gravité des faits, la personnalité des prévenus rend les peines prononcées à leur encontre nécessaires et exclusives de toute autre sanction.
Cass.crim. 3 novembre 2011, n°1088104 (Gaz.Pal. 28 avril 2012) sommaire : L'arrêt de la cour d'appel qui prononce à l'encontre d'un prévenu, déclaré coupable de banqueroute par détournement d'actif, une peine de trois ans d'emprisonnement, dont deux avec sursis, ne motive pas suffisamment sa décision et doit être cassé, au visa de l'art. 132-24 al.3 C.pén., s'il fait référence uniquement à la gravité des faits ainsi qu'à l'importance des détournements. Aux termes de ce texte, une peine d'emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu'en dernier recours si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate.
En cas de condamnation du prévenu à un emprisonnement ferme de six mois au plus, pour un délit de droit commun, le juge de l'application des peines peut assortir cet emprisonnement d'un sursis avec obligation d'accomplir un travail d'intérêt général (art. 132-57 C.pén.).
Cass.crim. 3 septembre 2014, n° 13-80045 : Il résulte de la combinaison les art. 132-57 C.pén. et 723-15 C.pr.pén. que, lorsque plusieurs peines d'emprisonnement ferme ont été prononcées, pour des délits de droit commun, leur conversion en sursis avec obligation d'accomplir un travail d'intérêt général ou en jours-amendes n'est possible que si leur durée totale n'excède pas six mois.
Durée de l'emprisonnement
Il est de principe que, dans le cas où le condamné a été placé en détention provisoire au cours de l'instruction, la durée de cette incarcération doit être imputée sur la durée de la peine d'emprisonnement ou de réclusion prononcée par la juridiction de jugement. Cette règle est d'interprétation stricte.
Cass.crim. 14 février 2012 n°11-84397 (Gaz.Pal. 22 mars 2012) : Si, aux termes de l'art. 716-4 C.proc.pén., la détention provisoire est intégralement déduite de la durée de la peine prononcée, cette déduction ne s'étend pas à la période pendant laquelle le détenu exécutait simultanément une peine d'emprisonnement résultant d'une autre condamnation définitive.
Cass.crim. 13 mars 2013 n°12-83024 (Gaz.Pal. 11 avril 2013 p. 25) : Il se déduit de l'art. 716-4 C.pr.pén. que la détention provisoire subie à l'étranger pour des faits jugés en France est intégralement déduite de la durée de la peine prononcée.
Régime de l'emprisonnement
Deffains (De la responsabilité de l'État du fait des conditions de détention - Gaz.Pal. 9 février 2013 p.12) : Les principes relatifs à la mise en œuvre de la responsabilité de l'État du fait des services pénitentiaires ont été profondément modifiés ces dernières années. Et il apparaît aujourd'hui que des conditions de détention indignes sont désormais de nature à engager la responsabilité de l'État.
Cour EDH 19 février 2015, n° 10401/12 (Gaz.Pal. 5 mars 2015 p. 30) : La Cour renvoie à sa jurisprudence constante selon laquelle le devoir de soigner la personne malade au cours de sa détention met à la charge de l'État les obligations particulières suivantes : veiller à ce que le détenu soit capable de purger sa peine, lui administrer les soins médicaux nécessaires et adapter, le cas échéant, les conditions générales de détention à la situation particulière de son état de santé.
Conseil d'État 20 mai 2011 (Gaz.Pal. 26 mai 2011) : En dehors de la seule hypothèse où l'injonction adressée à un détenu par un membre du personnel de l'établissement pénitentiaire serait manifestement de nature à porter atteinte à la dignité de la personne humaine, tout ordre du personnel pénitentiaire doit être exécuté par les détenus ; le refus d'obtempérer à une injonction d'un membre du personnel constitue une faute disciplinaire du troisième degré qui est de nature à justifier une sanction.
Cour EDH 23 février 2012 (Gaz.Pal. 15 mars 2012 p. 31) sommaire : Un ressortissant ukrainien, condamné à perpétuité, se plaint des restrictions apportées aux visites de sa famille... Pour la Cour, l'État n'a pas pris les mesures qui s'imposaient pour assurer un juste équilibre entre les intérêts du requérant et l'intérêt général à restreindre les contacts des détenus avec le monde extérieur.
Le fait qu'une personne soit emprisonnée pour avoir commis un crime ou un délit ne saurait avoir pour conséquence de lui interdire de pratiquer sa religion. Ceci emporte l'obligation pour l'administration pénitentiaire d'autoriser la présence d'aumôniers (sous réserve qu'ils s'en tiennent à leur rôle spirituel et ne s'aventurent pas sur le terrain politique).
Cons. d'État 16 octobre 2013, n° 351115 (Gaz.Pal. 31 octobre 2013 p. 28) sommaire : L'administration pénitentiaire, pour respecter le droit de toute personne de poursuivre lorsqu'elle est détenue, à quelque titre que ce soit, la pratique du culte qu'elle revendique, doit, dès que la demande en est formulée, agréer comme aumôniers un nom suffisant de ministres de ce culte, sous la seule réserve des exigences de sécurité et de bon ordre de l'établissement.
Cas de la détention d'une personne atteinte de troubles psychiques.
Cons. d'État 14 novembre 2011 (Gaz.Pal. 1er décembre 2011 p. 30) sommaire : L'intéressé présente des troubles psychiatriques graves, qualifiés de schizophrénie paranoïde, qui nécessitent un suivi sans interruption et ne sont pas compatibles avec un maintien en détention sans surveillance médicale adaptée.
Mesures disciplinaires. Elles ne peuvent donner lieu à recours du détenu devant la juridiction administrative que dans certains cas.
Cons. d'État 1er juin 2015, n° 380449 (Gaz.Pal. 23 juillet 2015 note Roussel) sommaire : Il appartient au juge de l'excès de pouvoir de rechercher si les faits reprochés à un détenu ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
Conseil d'État 27 mai 2009 (Gaz.Pal. 23 juin 2009) : Les décisions de changement d'affectation entre établissements de même nature ne constituent pas des actes administratifs susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, sous réserve que ne soient pas en cause des libertés et des droits fondamentaux de détenus.
Conseil d'État 12 mars 2003 (Gaz.Pal. 2004 somm. 661) : La mesure de placement d'un détenu à titre préventif dans une cellule disciplinaire était destinée, en application de l'art. D 250-3 C.pr.pén., à préserver l'ordre intérieur dans l'établissement de détention après le refus de l'intéressé de se prêter à une fouille corporelle. Une mesure de cette nature, qui n'est pas constitutive d'une sanction disciplinaire, présente, eu égard à sa durée ainsi qu'à son caractère provisoire et conservatoire, le caractère d'une mesure d'ordre intérieur qui n'est pas susceptible d'être déférée au juge administratif par la voie du recours pour excès de pouvoir.
Conseil d'État 26 juillet 2011 (n° 317547, Gaz.Pal. 11 août 2011 p.21) sommaire : Chaque décision de placement à l'isolement, la première comme les décisions ultérieures maintenant le détenu sous ce régime de détention, est fondée sur une appréciation des circonstances de fait existantes à la date à laquelle elle est prise et ne dépend pas des décisions précédentes, y compris en ce qui concerne la détermination de l'autorité compétente pour la prendre.
Conseil d'État 20 février 2013 n° 364081 (Gaz.Pal. 7 mars 2013 p.29) sommaire : Les décisions tendant à restreindre, supprimer ou retirer les permis de visite d'un détenu ne constituent pas des sanctions, mais des mesures de police administrative tendant à assurer le maintien de l'ordre public et la sécurité au sein de l'établissement pénitentiaire.
Cons. d'État 4 février 2013, n° 344266 (Gaz.Pal. 25 avril p.17) sommaire : La possession d'un téléphone portable par un détenu dans l'enceinte pénitentiaire doit être regardée comme la détention d'un objet dangereux et constitue une faute disciplinaire du premier degré.
Mais elles peuvent toujours être soumises au contrôle de la Cour européenne des droits de l'homme.
Cour EDH 9 juillet 2009 (Gaz.Pal. 29 octobre 2009) : Selon la Cour, les conditions de détention du requérant, classé DPS (détenu particulièrement signalé) dès le début de son incarcération, soumis à des transfèrements répétés d'établissements pénitentiaires, placé en régime d'isolement à long terme et faisant l'objet de fouilles corporelles intégrales régulières s'analysent, par leur effet combiné et répétitif, en un traitement inhumain et dégradant au sens de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme. Il y a donc violation de cette disposition.
Agents de l'administration pénitentiaire. Le contrôle de leur activité relève normalement de la juridiction administrative.
Conseil d'État 14 novembre 2008 (Gaz.Pal. 20 novembre 2008) : S'il n'appartient qu'au juge judiciaire de connaître des actes relatifs à la conduite d'une procédure judiciaire, ou qui en sont inséparables, les décisions par lesquelles les autorités pénitentiaires, afin d'assurer la sécurité générale des établissements ou des opérations d'extraction, décident de soumettre un détenu à des fouilles corporelles intégrales, dans le but de prévenir toute atteinte à l'ordre public, relèvent de l'exécution du service public administratif pénitentiaire et de la compétence de la juridiction administrative.
EMPRUNT DE CRIMINALITÉ
Cf. Circonstance aggravante*, Complicité*, Excuse atténuante*, Peine*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° II-114 et s., p.272 et s. / III-324 et s., p.490 et s.
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-III-I-314, p.288
Voir : Levasseur, " La sanction de la responsabilité des complices"
- Notion. On emploie l’expression « emprunt de criminalité » pour énoncer que la sanction encourue par le complice dépend de la peine qui est attachée par la loi à l’infraction commise par l’auteur matériel, peine éventuellement augmentée par l’existence de circonstances aggravantes matérielles ou abaissée par l’existence d’excuses atténuantes matérielles. Contrairement à ce que certains pensent, ce mode de détermination de la peine ne prend pas en compte la sanction encourue par l’auteur matériel lui-même, sanction qui peut varier en raison de circonstances aggravantes personnelle, d’excuses atténuantes personnelles ou de circonstances atténuantes personnelles.
Villey (Cours de droit criminel) : Les actes de complicité n’ont qu’une criminalité d’emprunt, celle que leur donne le fait principal auquel ils se rattachent.
Puech (Droit pénal général) : La théorie de l’emprunt de criminalité implique, de manière générale, que la responsabilité du complice est étroitement commandée, quant à l’incrimination et à la peine légalement applicable, par l’infraction commise par l’auteur.
Cette doctrine s’oppose à la théorie de la pénalité spécifique, selon laquelle les principaux actes de complicité devraient donner lieu à des incriminations légales spéciales. Il ne peut en être ainsi que dans quelques cas particuliers, notamment dans celui du recel de choses qui n’est pourtant qu’un acte de complicité a posteriori.
Garofalo (la criminologie) : Nous ne comprenons pas pourquoi le genre de la peine devrait être identique, même lorsque l’auteur du délit et son complice ne sauraient être rangés dans la même classe de criminels.
Vitu (Traité de droit pénal spécial) : Le législateur français s’est finalement rallié à la conception du recel délit autonome.
- Science criminelle. Le législateur a le choix entre deux techniques principales. D’une part l’emprunt absolu de
criminalité, qui communique au complice la peine même encourue objectivement par l’auteur matériel. D’autre part l’emprunt relatif de criminalité, qui
expose le complice à une peine d’un ou deux degrés inférieurs à celle prévue objectivement pour l’auteur matériel. La première n’est pas aussi injuste
que d’aucuns le disent, tant il existe de niveaux de complicité ; p.ex., lorsqu’il est l’instigateur du crime, le complice est assurément plus
coupable que l’auteur matériel.
Certains législateurs distinguent entre la complicité simple et la complicité qualifiée, où le complice se trouve être soit l’instigateur, soit
l’élément moteur de l’infraction.
Donnedieu de Vabres (Traité de droit criminel) : Dans le système de l’emprunt relatif par le complice de la criminalité de l’auteur principal, la peine du complice est proportionnée à celle de l’auteur principal, mais elle lui est inférieure, elle est généralement abaissée d’un degré.
Code pénal de Belgique. Art. 69 : Les complices d’un crime seront punis de la peine immédiatement inférieure à celle qu’ils encourraient s’ils étaient auteurs de ce crime.
Code. Pénal d’Argentine. Art. 45 : Ceux qui … prêtent à l’auteur de l’infraction une aide ou coopération sans laquelle elle ne pourrait pas être commise subiront la peine fixée pour cette infraction. La même peine est encourue par ceux qui incitent directement un autre à la commettre.
- Droit positif français. Après l’art. 59 du Code pénal de 1810, l’art. 121-6 du nouveau Code pénal fait application de la théorie de l’emprunt absolu de criminalité. De la sorte le complice encourt la même peine que l’auteur principal (exclusion faite des circonstances aggravantes et excuses atténuantes propres à ce dernier).
Roux (Cours de droit criminel français) : Le Code pénal n’a aperçu la criminalité du complice que par rapport au délit auquel il a participé … Il lui a donc attribué une criminalité d’emprunt, celle de l’auteur principal.
Paris 9 octobre 1980 (Gaz.Pal. 1981 I somm. 33) : Le principe de la criminalité d’emprunt exige que le complice se soit associé, dans les termes des art. 59 et 60 de l’ancien C.pén., à tous les éléments constitutifs du délit commis par l’auteur principal et punissables à ce titre.