LA LUTTE CONTRE L’EMPOISONNEMENT
APRÈS L’« AFFAIRE DES POISONS »
Extrait de Muyart de Vouglans
« Les lois criminelles de France »
( p. 186 - Paris 1783 )
Le scandale suscité au XVIIe siècle par l’Affaire des poisons
a incité le législateur à user de toutes les armes
que la science criminelle mettait à sa disposition.
Qu’il s’agisse de lois pénales au sens propre,
avec les lourdes peines qui les accompagnent ;
ou de règlements de police préventive,
qui comportent plutôt des amendes
et des interdictions professionnelles.
NB : Sur le droit positif, voir le Dictionnaire
I
L’empoisonnement est le Crime de ceux qui, de propos délibéré, attentent à la vie d’autrui par vénéfices et poison, mis dans leur boisson ou leurs aliments.
II
La trahison que renferme ce Crime, et l’espèce d’impossibilité qu’il y a de s’en garantir, comme étant le plus souvent administré par ceux même qui nous approchent de plus près, et dont on croit avoir moins lieu de se défier, le rend, sans contredit, des plus graves et des plus punissables. Aussi la Loi Romaine le met au dessus de ceux qui se commettent par le glaive, parce qu’en effet, ceux-ci peuvent se commettre par l’effet d’un premier mouvement, et sans aucun propos délibéré ; au lieu que le poison suppose toujours du dol et de la préméditation de la part de celui qui le met en usage. C’est encore par la même raison, que cette Loi répute coupables de ce Crime, et punissables de mort , non seulement celui qui l’emploie, ou qui le compose, ou qui le vend, mais encore celui [qui l’a en sa possession].
III
Quant à nos Lois particulières, sans remonter à celles des premiers temps de notre Monarchie, il nous suffit d’observer. que comme celles-ci ne s’étaient point expliquées d’une manière assez précise sur le genre de peine qui devait s’infliger contre les coupables de ce Crime, non plus que sur ses caractères particuliers ; et que l’on a reconnu dans la suite, et surtout dans le dernier siècle où l’on sait que ce Crime s’était fort multiplié, que son progrès venait principalement de ces deux sources différentes, dont l’une était la difficulté de parvenir à sa preuve, qui empêchait ceux qui en avaient connaissance de le dénoncer , par la crainte d’être recherchés s’ils venaient à succomber dans leur dénonciation ; l’autre, les facilités particulières que donnait, pour le commettre cette liberté générale qu’on avait de composer,vendre, ou acheter les drogues et matières qui contenaient le poison. Ce fut pour remédier à tous ces inconvénients que Louis XIV donna un Édit particulier, en 1682, par lequel, après avoir renouvelé tout ce que les Lois Romaines, et celles du Royaume avaient ordonné jusqu’alors de plus sage, relativement à ce Crime, ce grand Prince crut devoir, pour en mieux développer l’esprit, et ne laisser aucun prétexte d’ignorance sur ce point, déterminer en même temps, et les différentes manières dont ce Crime pouvait se commettre, et celles dont il pouvait se prouver, et enfin les précautions nécessaires pour le prévenir.
IV
D’abord, quant aux différentes manières de commettre et de punir ce crime, l’on remarque que cet Édit n’a fait que confirmer les dispositions des Lois Romaines, en ce que, d’une part il déclare également coupables de ce crime, et punissables de la peine de mort ceux qui ont causé la mort par le poison, et ceux qui ont seulement attenté à la vie par ce moyen, comme aussi ceux qui ont composé et distribué le poison dont on s’est servi.
V
Mais comme cet Édit ne marque point précisément le genre de mort que doivent subir ces coupables ; c’est de là que les Cours se sont cru autorisées d’en augmenter ou diminuer la rigueur, suivant les circonstances et la qualité des Parties. L’on voit en effet, d’après les différents arrêts rendus en cette matière, qu’il y en a qui se font contentés de condamner à la Potence, ou à la Décapitation, comme celui rendu contre la Dame de Brinvilliers, tandis que d’autres ont prononcé celle de la Roue, et le corps mort jeté au Feu, tel que celui rendu en dernier lieu contre le nommé Roy de Valine, pour avoir attenté, par le Poison à la vie de ses oncle et tante. Mais suivant la jurisprudence la plus générale des Tribunaux en cette matière, la Peine ordinaire de ce crime est celle du Feu. Nous avons deux Arrêts rendus par ce Parlement, en 1732, qui prononcent cette Peine, l’un du 3 mars, contre la nommée Eugénie Picq ; l’autre, du 15 décembre, contre la nommée Marie Texier. Ce dernier contient un Règlement particulier pour les Apothicaires & Épiciers, etc. que nous rapporterons à la suite de ce Paragraphe.
VI
Quant à la preuve de ce crime capital, il parait, d’après ce même Édit qu’elle peut se faire, non seulement par des témoins qui ont vu travailler au poison, ou qui l’ont vu vendre à la personne qui s’en est servi, et surtout qui ont vu celle-ci en faire usage ; mais que, comme ce Crime est du nombre de ceux qui sont occultes de leur nature, cette preuve peut aussi se faire par des indices. C’est ce qui résulte entre autres de cette disposition de l’article 4 de cet Édit par laquelle, après avoir enjoint à tous ceux qui ont connaissance qu’il a été travaillé à faire du poison, et qu’il en a été demandé ou donné, à peine d’être poursuivis extraordinairement, et d’être punis comme fauteurs et complices de ce crime ; pour empêcher que ceux-ci ne soient retenus par la crainte d’être recherchés par les accusés ; le législateur à soin d’ajouter, que par la Dénonciation qu’ils en feront, ils ne seront tenus à aucuns dommages & intérêts, quand même, par l’événement, ceux contre lesquels la dénonciation aurait été faite, viendraient à être déchargés de l’accusation faute de preuves, pourvu toutefois que cette dénonciation fût d’ailleurs fondée sur des indices considérables qui seraient trouvés véritables. Au surplus, il est important d’observer que quelque concluants que soient ces indices, ainsi que les dépositions des témoins qui seraient entendus en pareil cas, la preuve qui en résulterait ne pourrait servir, pour opérer la conviction de ce Crime, qu’autant qu’elle se trouverait jointe d’ailleurs à celle du corps de délit : l’on veut dire à celle qui résulterait des Procès-verbaux des Juges, et des Rapports des Médecins et Chirurgiens, attendu que ce Crime est du nombre de ceux qui laissent des traces permanentes après eux. Mais c’est ce que nous aurons lieu d’établir plus particulièrement en traitant de la Preuve.
VII
Enfin, quant aux Règlements particuliers qui sont établis par cet Édit pour prévenir ce crime ils portent principalement comme l’on voit, sur les points suivants ; savoir de déterminer : 1° la qualité des poisons que l’on ne peut vendre, ni avoir chez soi, dans aucun cas ; 2° celle des poisons que l’on peut vendre et employer ; 3° les personnes qui peuvent les vendre : 4° ceux qui peuvent les employer, sans pouvoir les distribuer en substance ; 5° ceux qui peuvent avoir des laboratoires pour travailler à la préparation des drogues où ces poisons peuvent entrer ; 6° ceux qui peuvent employer des insectes venimeux ; 7° enfin ceux qui peuvent travailler à la confection des Eaux fortes dont l’usage est permis. Nous allons les reprendre successivement, pour leur appliquer les dispositions de l’Édit.
VIII
1°. Poisons que l’on ne peut vendre, ni avoir chez soi. Ce sont généralement tous ceux qui n’entrent dans aucune forte de compositions, parce qu’ils ne peuvent servir qu’à nuire, comme étant de leur nature pernicieux et mortels, et retenant toujours, quoique préparés par mains d’artistes, leur qualité de venin. L’Édit les défend absolument à tous particuliers, sous peine de la vie, et aux Médecins, Chirurgiens et Apothicaires ; sous peine de punition corporelle.
IX
2°. Poisons que l’on peut vendre, parce qu’ils entrent dans des compositions nécessaires. L’Édit en distingue de trois sortes ; 1° les minéraux, comme 1’arsenic, le reagal, l’orpiment et le sublimé ; 2° les insectes venimeux, comme vipères, serpents et crapauds ; 3° enfin, les Eaux-fortes dont l’usage est permis.
X
3°. Personnes qui peuvent vendre les poisons minéraux. Ce sont, suivant l’Édit, les Marchands épiciers qui sont résidents dans les Villes ; et il défend absolument cette vente aux Marchands résidents dans les Bourgs et Villages, à peine de trois mille livres d’amende. Mais en même temps qu’il accorde aux premiers cette faculté, il ne leur permet d’en user, qu’en gardant les précautions suivantes ; savoir :
1° Qu’ils auront soin de tenir ces poisons dans des lieux sûrs, dont ils garderont la clef ; 2° qu’ils ne pourront les vendre ni les livrer qu’eux-mêmes en personne et seulement aux personnes qui, par leur profession, sont obligées d’en employer ; 3° qu’en vendant à ceux-ci, ils auront soin de leur faire écrire, sur un registre particulier qu’ils seront tenus d’avoir à cet effet, leurs noms, qualités et demeures, et la quantité qu’ils auront prise de ces Minéraux ; 4° que si parmi ceux auxquels ils vendront ces minéraux, il s’en trouve quelqu’un qui ne sache écrire, ces Marchands seront tenus d’écrire pour eux ; 5° que si parmi ceux qui se présenteront pour acheter, il s’en trouve qui soient inconnus aux Marchands, ceux-ci ne devront leur livrer ces Minéraux que sur des certificats, qu’ils rapporteront en bonne forme, et qui seront signés du Juge du lieu, ou d’un Notaire et de deux témoins ou bien du Curé & de deux principaux habitants ; 6° qu’enfin, ces Marchands seront tenus d’arrêter, à la fin de chaque année, sur leurs registres ... la quantité qui leur restera desdits minéraux ; 7° le tout à peine de mille livres d’amende pour la première fois et de plus grande peine s’il y échet.
XI
4°. Les personnes qui peuvent employer ces Minéraux. Ce sont, suivant le même Édit, les Médecins, Chirurgiens, Apothicaires, Épiciers, Droguistes, Teinturiers. Maréchaux & autres qui, par leur profession sont obligés d’en employer. Mais ils ne peuvent user de cette faculté, suivant ce même Édit que sous les deux conditions suivantes ; l’une qu’ils seront tenus de les employer, sans pouvoir les distribuer à qui que ce soit en substance, à peine de punition corporelle ; l’autre, qu’ils seront tenus de composer eux-mêmes, ou de faire composer en leur présence par leurs Garçons, les remèdes où il devra entrer nécessairement desdits Minéraux, et qu’ils délivreront à ceux qui les demanderont pour s’en servir aux usages ordinaires.
XII
5°. Les personnes qui peuvent avoir des Laboratoires pour travailler à la préparation des drogues où doivent entrer ces Minéraux. Ce sont, suivant le même Édit, des Médecins approuvés, des Professeurs en Chirurgie, des Maîtres Apothicaires ; et il est défendu expressément à tous autres d’en avoir chez eux, à moins qu’ils n’en obtiennent la permission par des Lettres du Grand Sceau, qu’ils seront tenus de présenter aux Juges des lieux, auxquels ils feront en même temps leurs déclarations à cet effet.
XIII
6°. Les personnes à qui il est permis d’employer les insectes venimeux, exclusivement à tous autres, qui n’en auront pas obtenu la permission expresse, et par écrit. Ce sont, suivant le même Édit, les Médecins, et les Apothicaires.
XIV
7°. Enfin, les personnes qui peuvent travailler à la confection des Eaux-fortes dont l’usage est permis. Ce sont les distillateurs et Vendeurs d’eau-de-vie, à qui néanmoins l’Édit n’accorde cette faculté que sous ces deux conditions ; l’une, qu’ils y seront autorisés par une permission portée par des Lettres du Grand Sceau qu’ils seront tenus de présenter aux Juges des lieux, à qui ils feront leur déclaration à cet effet ; l’autre, qu’il sera choisi entre eux le nombre qui sera nécessaire pour cette confection.
LOUIS … Édit pour la punition des empoisonneurs, devins et autres, Versailles juillet 1682 …
Art. IV. Seront punis de semblables peines (c’est-à-dire, de celle de mort prononcée par l’art. 3, contre ceux qui joindraient à la superstition l’impiété et le sacrilège) tous ceux qui seront convaincus de s’être servis de vénéfices et de poison, soit que la mort s’en soit ensuivie ou non, comme aussi ceux qui seront convaincus d’avoir composé ou distribué du poison pour empoisonner ;et parce que les Crimes qui se commettent par le poison, sont non seulement les plus détestables et les plus dangereux de tous, mais encore les plus difficiles à découvrir ; Nous voulons que tous ceux, sans exception, qui auront connaissance qu’il aura été travaillé à faire du poison, qu’il en aura été demandé ou donné, soient tenus de dénoncer incessamment ce qu’ils en sauront à nos Procureurs généraux ou à leurs Substituts, et en cas d’absence, au premier Officier public des lieux, à peine d’être extraordinairement procédé contre eux, et punis selon les circonstances et l’exigence des cas, comme fauteurs et complices desdits Crimes, et sans que les Dénonciateurs soient sujets à aucune peine, ni même aux intérêts civils lorsqu’ils auront déclaré et articulé des faits ou des indices considérables qui seront trouvés véritables et conformes à leur dénonciation, quoique dans la suite les personnes comprises dans lesdites dénonciations soient déchargées des accusations ; dérogeant à cet effet à l’art. 73 de l’Ordonnance d’Orléans, pour l’effet du vénéfice et du poison seulement, sauf à punir les calomniateurs selon la rigueur de ladite Ordonnance.
Art. V. Ceux qui seront convaincus d’avoir attenté à la vie de quelqu’un par vénéfice et poison, en sorte qu’il n’ait pas tenu à eux que ce Crime n’ait été consommé, seront punis de mort.
Art. VI. Seront réputés au nombre des poisons, non seulement ceux qui peuvent causer une mort prompte et violente, mais aussi ceux qui, en altérant peu à peu la santé, causent des maladies, soit que lesdits poisons soient simples, naturels ou composés, et faits de main d’Artiste ; et en conséquence défendons à toutes sortes de personnes, à peine de la vie, même aux Médecins, Apothicaires et Chirurgiens, à peine de punition corporelle, d’avoir et garder de tels poisons simples ou préparés, qui retenant toujours leur qualité de venin, et n’entrant en aucune composition ordinaire, ne peuvent servir qu’à nuire, et sont, de leur nature, pernicieux et mortels.
Art. VII. À l’égard de l’arsenic, du réagal, de l’orpiment et du sublimé, quoiqu’ils soient poisons dangereux de toute leur substance ; comme ils entrent et sont employés en plusieurs compositions nécessaires ; Nous voulons, afin d’empêcher à l’avenir la trop grande facilité qu’il y a eu jusqu’ici d’en abuser, qu’il ne soit permis qu’aux marchands qui demeurent dans les villes d’en vendre et d’en livrer eux-mêmes seulement aux Médecins , Apothicaires, Chirurgiens, Orfèvres, Teinturiers, Maréchaux & autres personnes publiques, qui, par leur profession sont obligées d’en employer, lesquelles néanmoins écriront, en les prenant, sur un registre particulier tenu pour cet effet par lesdits Marchands, leurs noms, qualités et demeures ; ensemble la quantité qu’ils auront prise desdits minéraux ; et si au nombre desdits artisans qui s’en servent, il s’en trouve qui ne sachent pas écrire, lesdits Marchands écriront pour eux ; quant aux personnes inconnues auxdits Marchands, comme peuvent être Chirurgiens et Maréchaux des bourgs et villages, ils apporteront des certificats en bonne forme, contenant leurs noms, demeures et professions, signés du Juge des lieux, ou d’un Notaire et de deux témoins, ou du Curé et de deux principaux habitants ; lesquels certificats et attestations demeureront chez lesdits Marchands pour leur décharge. Seront aussi les Épiciers, Merciers et autres Marchands demeurant dans lesdits bourgs et villages, tenus de remettre incessamment ce qu’ils auront desdits minéraux entre les mains des Syndics, Gardes ou anciens Marchands, Épiciers ou Apothicaires des villes plus prochaines des lieux où ils demeureront, lesquels leur en rendront le prix, le tout à peine de trois mille livres d’amende, en cas de contravention, même de punition corporelle, s’il y échet.
Art. VIII. Enjoignons à tous ceux qui ont droit par leurs professions et métiers de vendre ou d’acheter des susdits minéraux, de les tenir en des lieux sûrs, dont ils garderont eux-mêmes la clef : comme aussi leur enjoignons d’écrire sur un registre particulier la qualité des remèdes où ils auront employé desdits minéraux, le nom de ceux pour qui ils auront été faits, et la quantité qu’ils auront employée, et d’arrêter à la fin de chaque année sur lesdits registres ce qui leur en restera, le tout à peine de mille livres d’amende pour la première fois, et de plus grande, s’il y échet.
Art. IX. Défendons aux Médecins, Chirurgiens, Apothicaires, Épiciers, Droguistes, Orfèvres, Teinturiers, Maréchaux et tous autres, de distribuer desdits minéraux en substance à quelque personne que ce puisse être, et sous quelque prétexte que ce soit, sur peine d’être punis corporellement ; et seront tenus de composer eux-mêmes, ou de faire composer en leur présence, par leurs garçons, les remèdes où il devra entrer nécessairement desdits minéraux, qu’ils donneront après cela à ceux qui leur en demanderont pour s’en servir aux usages ordinaires.
Art. X. Défenses sont aussi faites à toutes personnes autres qu’aux Médecins et Apothicaires, d’employer aucuns insectes venimeux, comme serpents, crapauds, vipères & autres semblables, sous prétexte de s’en servir de médicaments , ou à faire des expériences, et sous quelque autre prétexte que ce puisse être, s’ils n’en ont la permission expresse et par écrit.
Art. XI. Faisons très expresses défenses à toutes personnes, de quelque profession et condition qu’elles soient, excepté aux Médecins approuvés, et dans le lieu de leur résidence, aux Professeurs en Chimie, et aux maîtres Apothicaires d’avoir aucuns laboratoires, et d’y travailler à aucunes préparations de drogues ou distillations, sous prétexte de remèdes chimiques, secrets particuliers, recherche de la pierre philosophale, conversion, multiplication ou raffinement des métaux, confection de cristaux ou pierres de couleur, et autres semblables prétextes, sans avoir auparavant obtenus de Nous, par Lettres du Grand Sceau, la permission d’avoir desdits laboratoires, présenté lesdites Lettres, et fait déclaration en conséquence à nos Juges et Officiers de Police des lieux. Défendons pareillement à tous distillateurs, vendeurs d’eau-de-vie, de faire autre distillation que celle de l’eau-de-vie et de l’esprit-de-vin, sauf être choisi d’entre eux le nombre qui sera jugé nécessaire pour la confection des eaux-fortes dont l’usage est permis ; lesquels ne pourront néanmoins travailler qu’en vertu de nosdites Lettres et après en avoir fait leurs déclarations, à peine de punition exemplaire.
XV
Au reste, pour donner une idée exacte de la manière dont doit s’exécuter cet Édit par ceux auxquels il est permis de vendre et d’employer les poisons minéraux, nous croyons devoir rapporter ici l’Arrêt de Règlement qui a été rendu par ce Parlement le 15 Décembre 1732, dans l’affaire de la nommée Marie le Texier, dont nous avons parlé ci-devant.
Il est enjoint, par cet Arrêt, aux Médecins, Chirurgiens, Marchands, Apothicaires et Épiciers de la ville du Mans, et à tous autres qui ont droit de vendre ou d’acheter des drogues dont on peut faire un mauvais usage, de se conformer aux Ordonnances du Roi et à l’Édit de 1682, Arrêts et Règlements de la Cour, et en conséquence de tenir lesdites drogues en lieux sûrs, dont ils garderont eux-mêmes la clef ; comme aussi d’avoir des registres particuliers cotés et paraphés par premier et dernier, par le Lieutenant de Police de ladite ville du Mans ; sur lesquels ils seront tenus d’écrire la qualité des remèdes où ils auront employé lesdites drogues, les noms de ceux pour qui ils auront été faits, et la quantité qu’ils auront employé desdites drogues, d’arrêter à la fin de chaque année ce qui leur en restera d’en faire la livraison eux-mêmes aux Médecins, Apothicaires, Chirurgiens, Orfèvres, Teinturiers, Marchands, et autres personnes publiques, qui, par leur profession, sont obligées d’en employer ; dont les noms, qualités et demeures, ensemble la quantité qu’ils en auront prise, sera pareillement insérée ès registres, ainsi que les noms, qualités et demeures d’autres personnes domiciliées, et notoirement connues, sans qu’ils en puissent vendre ni donner à aucuns valets, serviteurs ou domestiques, sinon sur certificats de leurs maîtres, aussi notoirement connus et signés d’eux, dont il sera, comme dessus, fait mention sur lesdits registres, et sans qu’iceux Marchands puissent souffrir que leurs femmes, enfants, garçons et apprentis, ou aucun de leurs domestiques en puissent vendre, débiter ou distribuer à qui que ce soit, et sous quelque prétexte que ce puisse être, le tout à peine de mille livres d’amende pour la première fois, et de plus grande s’il échoit, même de fermeture de boutiques ; le tout suivant les Ordonnances et Règlement de la Cour. Arrêt du Parlement de Paris, du 15 décembre 1732.