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QUELQUES LOIS MARQUANTES
DU DROIT DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
( dit droit intermédiaire : an 1791 – an VII )
(Deuxième partie)

 

Décret du 22 Prairial an 2 - 10 Juin 1794
concernant le tribunal révolutionnaire (1)
Organisation et compétence

Art. 1er Il y aura au tribunal révolutionnaire un président et quatre vice-présidents, un accusateur public, quatre substituts de l'accusateur public et douze juges.

2. Les jurés seront au nombre de cinquante.

3. Les diverses fonctions seront exercées- par les citoyens dont les noms suivent - Le Tribunal révolutionnaire se divisera par sections, composées de douze membres, savoir : trois juges et neuf jurés, lesquels jurés ne pourront juger en moindre nombre que celui de sept.

4. Le Tribunal révolutionnaire est institué pour punir les ennemis du peuple.

5. Les ennemis du peuple sont ceux qui cherchent à anéantir la liberté publique, soit par la force, soit par la ruse.

6. Sont réputés ennemis du peuple ceux qui auront provoqué le rétablissement de la royauté, ou cherché à avilir ou à dissoudre la Convention nationale et le gouvernement révolutionnaire et républicain dont elle est le centre ;

- Ceux qui auront trahi la république dans le commandement des places et des armées, ou dans toute autre fonction militaire ; entretenu des intelligences avec les ennemis de la république, travaillé à faire manquer les approvisionnements ou le service des armées;

- Ceux qui auront cherché à empêcher les approvisionnements de Paris, ou à causer la disette dans la république ;

- Ceux qui auront secondé les projets des ennemis de la France, soit en favorisant la retraite et l'impunité des conspirateurs et de l'aristocratie, soit en persécutant et calomniant le patriotisme, soit en corrompant les mandataires du peuple, soit en abusant des principes de la révolution, des lois ou des mesures du gouvernement, par des applications fausses et perfides ;

- Ceux qui auront trompé le peuple, ou les représentants du peuple, pour les induire à des démarches contraires aux intérêts de la liberté ;

- Ceux qui auront cherché à inspirer le découragement pour favoriser les entreprises des tyrans ligués contre la république ;

- Ceux qui auront répandu de fausses nouvelles pour diviser ou pour troubler le peuple ;

- Ceux qui auront cherché à égarer l'opinion et à empêcher l'instruction du peuple, à dépraver les mœurs et à corrompre la conscience publique, à altérer l'énergie et la pureté des principes révolutionnaires et républicains, ou à en arrêter les progrès, soit par des écrits contre-révolutionnaires ou insidieux, soit par toute autre machination ;

- Les fournisseurs de mauvaise foi qui compromettent le salut de la république, et les dilapidateurs de la fortune publique autres que ceux compris dans les dispositions de la loi du 7 frimaire ;

- Ceux qui, étant chargés de fonctions publiques, en abusent pour servir les ennemis de la révolution, pour vexer les patriotes, pour opprimer le peuple ;

- Enfin , tous ceux qui sont désignés dans les lois précédentes, relatives à la punition des conspirateurs et contre-révolutionnaires, et qui, par quelques moyens que ce soit et de quelques dehors qu'ils se couvrent, auront attenté à la liberté, à l’unité, à la sûreté de la république, ou travaillé à en empêcher l'affermissement.

7. La peine portée contre tous les délits dont la connaissance appartient au tribunal révolutionnaire, est la mort.

8. La preuve nécessaire pour condamner les ennemis du peuple est, toute espèce de documents, soit matérielle, suit morale, suit verbale, soit écrite, qui peut naturellement obtenir l'assentiment de tout esprit juste et raisonnable ; la règle des jugements est la conscience des jurés éclairés par l'amour de la patrie ; leur but, le triomphe de la république et la ruine de ses ennemis ; la procédure, les moyens simples que le bon sens indique pour parvenir à la connaissance de la vérité, dans les formes que la loi détermine.

Elle se borne aux points suivants.

9. Tout citoyen a le droit de saisir et de traduire devant les magistrats les conspirateurs et les contre-révolutionnaires. Il est tenu de les dénoncer dès qu'il les connaît.

10. Nul ne pourra traduire, personne au tribunal révolutionnaire, si ce n'est la Convention nationale, le comité de salut public, le comité de sûreté générale, les représentants du peuple commissaires de la Convention, et l'accusateur public du tribunal révolutionnaire.

11. Les autorités constituées en général ne pourront exercer ce droit sans en avoir prévenu le comité de salut public et le comité de sûreté générale, et obtenu leur autorisation.

12. L'accusé sera interrogé à l'audience et en public: la formalité de l'interrogatoire secret qui précède, est supprimée connue superflue ; elle ne, pourra avoir lieu que dans les circonstances particulières ou elle serait jugée, utile à la connaissance de la vérité.

15. S'il existe des preuves, soit matérielles, soit morales, indépendamment le la preuve testimoniale, il ne sera point entendu de témoins, à moins que cette formalité, ne paraisse nécessaire, soit pour découvrir des complices, soit pour d'autres considérations majeures d'intérêt public.

14. Dans le cas où il y aurait lieu à cette preuve, l'accusateur public fera appeler les témoins qui peuvent éclairer la justice, sans distinction de témoins à charge ou à décharge.

15. Toutes les dépositions seront faites en public, et aucune déposition écrite ne sera reçue, à moins que les témoins ne soient dans l'impossibilité de se transporter au tribunal ; et dans ce cas, il sera nécessaire d’une autorisation expresse des comités de salut public et de sûreté générale.

16. La loi donne pour défenseur aux patriotes calomniés des jurés patriotes ; elle n'en accorde point aux conspirateurs.

17. Les débats finis, les jurés formeront leurs déclarations,et les juges prononceront la peine de la manière déterminée par les lois.

Le président posera la question avec clarté , précision el simplicité. Si elle était présentée d'une manière équivoque, ou inexacte, le jury pourrait demander qu'elle fût posée d'une autre manière.

18. L'accusateur public ne pourra, de sa propre autorité, renvoyer un prévenu adressé au tribunal, ou qu'il y aurait fait traduire lui- même ; dans le cas où il n'y aurait pas matière à urne accusation devant le tribunal, il en fera un rapport écrit et motivé à la chambre du conseil, qui prononcera. Mais aucun prévenu ne pourra être unis hors de jugement, avant que la décision de la chambre ail été communiquée aux comités de salut public et de sûreté générale, qui l'examineront.

19. Il sera fait un registre double des personnes traduites au tribunal révolutionnaire, l'un pour l'accusateur publie, et l'autre au tribunal, sur lequel seront inscrits tous les prévenus, à mesure qu'ils seront traduits.

20. La Convention déroge à toutes celles des dispositions des lois précédentes qui ne concorderaient point avec la présente loi, et n'entend pas que les lois concernant l'organisation des tribunaux ordinaires s'appliquent aux crimes de contre-révolution et à l'action du tribunal révolutionnaire.

(1) Note accompagnant la publication de ce document au Recueil Sirey chronologique :

Voici cette fameuse loi du 22 prairial, qui avait réduit toute la procédure criminelle à une citation, à une comparution et à un simple interrogatoire. Plus de mise en accusation, plus d'interrogatoire ni d'instructions préliminaires, plus de défense ; tout se bornait à peu près à une reconnaissance d'identité comme pour les accusés mis hors la loi (Voir la loi du 14 fructidor an 5, et la note).

Ce décret fut rendu sur le rapport de Couthon. On a prétendu que, dans l'intention de ses auteurs, il était surtout dirigé contre les membres de la Convention, et même contre certains membres des comités de salut public et de sûreté générale dont Robespierre voulait se débarrasser, et que la disposition finale, portant dérogation à toutes les lois antérieures, devait avoir pour effet de révoquer le décret du 1er avril 1793 qui ne permettait pas qu'un député put être mis en accusation sans un décret de la Convention.

Mais ceux que Robespierre menaçait étaient sur leurs gardes, et ils provoquèrent une explication dans laquelle les auteurs de la loi furent obligés de repousser, avec toutes les apparences de l'indignation la plus vive, l'interprétation qu'ils s'étaient, dit-on, proposé de lui donner.

Robespierre, piqué, soit de ce qu'on lui eût prêté une intention qu'il n'avait pas, soit de ce qu'on ne lui eût pas permis de faire de sa loi l'usage qu'il en aurait voulu faire, cessa dès lors d'assister aux séances du comité de salut public. Son influence alla tous les jours en diminuant, et six semaines après, au 9 thermidor, son règne avait cessé, et toute la Convention s'insurgeait contre lui. Il ne nous est pas permis d'entrer dans de plus grands détails sur le but et sur les conséquences politiques de cette loi célèbre.

*

Décret du 2 thermidor an II (20 juillet 1794),
sur l’emploi de la langue française

ARTICLE PREMIER.

A compter de compter du jour de la publication de la présente loi, nul acte public ne pourra, dans quelque partie que ce soit du territoire de le république, être écrit qu’en langue française.

ARTICLE 2

Après le mois qui suivra la publication de la présente loi, il ne pourra être enregistré aucun acte, même sous seing privé, s’il n’est écrit en langue française.

ARTICLE 3

Tout fonctionnaire ou officier public, tout agent du gouvernement qui, à dater du jour de la publication de la présente loi, dressera, écrira ou souscrira, dans l’exercice de ses fonctions, des procès-verbaux, jugements, contrats ou autres actes généralement quelconques, conçus en idiomes ou langues autres que la française, sera traduit devant le tribunal de police correctionnelle de sa résidence, condamné à six mois d’emprisonnement , et destitué.

ARTICLE 4

La même peine aura lieu contre tout receveur du droit d’enregistrement qui, après le mois de la publication de la présente loi, enregistrera des actes, même sous seing privé, écrits en idiomes ou langues autres que la française.

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Décret du 21 thermidor an II (8 août 1794),
condamnant l’effet rétroactif donné à une loi
(intervenu juste après la chute de Robespierre)

La Convention nationale, sur la proposition faite par un membre, que nul ne pourra être traduit au tribunal révolutionnaire pour des faits antérieurs aux lois qui les ont prohibés et leur ont infligé des peines ;

Considérant que, par l’article 14 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, nul ne doit être jugé ou puni qu’en vertu d’une loi promulguée antérieurement au délit ; que la loi qui punirait des délits avant qu’elle existât, serait une tyrannie, et que l’effet rétroactif donné à la loi serait un crime ;

Déclare qu’il n’y a pas lieu de délibérer.

*

Décret du 6 vendémiaire an III (27 septembre 1794),
refusant tout effet de la réconciliation des parties privées
quant à l’exercice de l’action publique

La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de législation sur une lettre de l’accusateur public du tribunal criminel du département de Paris, proposant la question de savoir si l’accusation intentée contre le nommé François Barré, en bris de scellés apposés à la requête de sa femme, demanderesse en divorce, sur les effets de la communauté, desquels scellés ledit Barré avait été établi gardien, doit être poursuivie nonobstant la réconciliation qui s’est opérée entre les époux, et qui a rendu sans objet, pour la femme, la plainte par elle rendue contre son mari ;

Considérant que les délits sont poursuivis par les accusateurs publics, moins parce qu’ils lèsent l’intérêt particulier que parce qu’ils blessent l’ordre public ;

Que, sous ce dernier rapport, il ne dépend pas des citoyens, quand bien même ils seraient désintéressés, subséquemment à une accusation par eux intentée, d’arrêter le cours de la vindicte publique, qui ne peut être satisfaite que par un jugement ;

Déclare qu’il n’y a pas lieu de délibérer.

*

Décret du 25 brumaire an III (15 novembre 1794),
concernant les émigrés
(extraits)

La Convention Nationale, après avoir entendu le rapport de la commission chargée de la révision des lois sur les émigrés, décrète ce qui suit :

Titre I
De l’émigration et de sa complicité
Section I – De l’émigration

ARTICLE PREMIER.

Sont émigrés,

1°. Tout français qui, sorti du territoire de la République depuis le premier juillet 1789, n’y était pas rentré dans le mois de la promulgation de la loi du 8 avril 1792 ;

2°. Tous français qui, absents de leur domicile ou s’en étant absentés depuis le 9 mai 1792, ne justifieraient pas, dans les formes ci-après prescrites, qu’ils ont résidé sans interruption sur le territoire de la République depuis cette époque ;

3°. Toute personne qui, ayant exercé les droits de citoyens en France, quoique née en pays étranger, ou ayant un double domicile, l’un en France, et l’autre en pays étranger, ne constaterait pas également sa résidence depuis le 9 mai 1792.

4°. Tout Français convaincu d’avoir, durant l’invasion faite par les armées étrangères, quitté le territoire de la République non envahi, pour résider sur celui occupé par l’ennemi ;

5°. Tout agent du gouvernement qui, chargé d’une mission auprès des puissances étrangères, ne serait pas rentré en France dans les trois mois du jour de son rappel notifié.

6°. Ne pourra être opposée pour excuse la résidence dans les pays réunis à la République, pour le temps antérieur à la réunion proclamée.

………….

SECTION III – Complices des émigrés.

ARTICLE 9

Sont réputés complices des émigrés ceux qui seront convaincus d’avoir, depuis le 9 mai 1792 :

1°. Favorisé les projets hostiles des émigrés ;

2°. De leur avoir fourni des armes, des chevaux, des munitions ou toutes autres provisions de guerre, ou des secours pécuniaires ;

3°. D’avoir envoyé leurs enfants ou soudoyé des hommes sur terre étrangère ;

4°. D’avoir provoqué à l’émigration et fait émigrer des citoyens par séduction, promesses ou sommes données ;

5°. D’avoir sciemment recélé des émigrés, ou facilité leur rentrée sur le territoire de la République ;

6°. D’avoir fabriqué. De faux certificats de résidence pour les émigrés ……

TITRE II

ARTICLE 33

Les témoins qui dans les certificats de résidence auront attesté des faits faux, seront condamnés à six années de gêne ; ils seront en outre solidairement responsables, sur tous leurs biens, des pertes que le faux aura occasionnées à la République.

ARTICLE 34

Les agents nationaux et les directoires de districts seront tenus, sur leur responsabilité, de dénoncer aux accusateurs publics des tribunaux criminels, les fraudes et les faux relatifs aux certificats de résidence, aussitôt qu’ils seront parvenus à leur connaissance, pour qu’il soit procédé sans délai contre les prévenus, d’après les formes prescrites par la loi.

TITRE IV
Peines contre les émigrés et leurs complices.

ARTICLE PREMIER.

Les émigrés sont bannis à perpétuité du territoire français et leurs biens sont acquis à la République.

ARTICLE 2

L’infraction de leur bannissement sera puni de mort.

ARTICLE 3

Les enfants émigrés qui seraient rentrés ou rentreraient sur le territoire de la République après les délais fixés par la loi pour leur rentrée, seront déportés s’ils n’ont pas atteint l’âge de seize ans, et punis de mort s’ils enfreignent leur bannissement après être parvenus à cet âge.

ARTICLE 4

Ceux qui, domiciliés dans les pays réunis à la République, ne sont rentrés dans ces mêmes pays, ou sur toute autre partie du territoire français, que postérieurement aux époques après lesquelles ils ont du être considérés comme émigrés, seront tenus d’en sortir dans les deux décades de la publication de la présente loi, à peine d’être traités comme les émigrés qui ont enfreint leur bannissement, ou déportés dans le même délai, s’ils sont actuellement en état de détention.

ARTICLE 5

Les complices des émigrés, désignés dans les paragraphes 1, 2, 3, 4 de l’article 9 du titre premier de la présente loi, seront punis de la même peine que les émigrés.

ARTICLE 6

Seront condamnés à dix années de fers ceux qui auront fabriqué de faux certificats de résidence pour les émigrés, et à quatre années de la même peine ceux convaincus d’avoir sciemment recelé des émigrés, ou facilité leur rentrée sur le territoire français ; ils seront en outre responsables, sur leurs biens, des dommages que leur délit aura pu occasionner à la République.

*

Décret du 12 floréal an III (1er mai 1795),
visant toute provocation
à l'avilissement de la représentation nationale
(extraits)

Texte extrait d'un code de l'époque, mais non repris au Sirey, donc non contrôlé.

ARTICLE 4

Il est enjoint au comité de sûreté générale et à toutes les autorités constituées, de faire arrêter et conduire devant les tribunaux criminels les individus qui, par leurs écrits ou leur discours séditieux, auront provoqué l'avilissement de la représentation nationale, ou le retour de la royauté.

ARTICLE 5

Les individus convaincus des délits énoncés dans l'article précédent seront bannis à perpétuité du territoire de la République. Si toutefois les provocations ont eu lieu dans un rassemblement, les coupables seront punis conformément à la loi du premier germinal.

*

Décret du 3 prairial an III (22 mai 1795),
visant quiconque battra la générale sans y être autorisé

La Convention Nationale décrète :

ARTICLE PREMIER.

Tout citoyen qui battra la caisse sans un ordre par écrit de l'état major-général pour les objets militaires, ou du comité civil de la section pour les objets civils, sera mis à l'instant en état d'arrestation pour six mois.

ARTICLE 2

Tout citoyen qui battra la générale sans les formalités prescrites par l'article ci-dessus, sera puni de mort.

ARTICLE 3

Tout officier de l'état major général qui donnera l'ordre de battre la caisse sans y être autorisé par la loi ou par les représentants du peuple ayant la direction de la force armée, sera destitué et puni de six mois de prison.

ARTICLE 4

Tout officier civil qui donnera l'ordre de battre la caisse pour un autre objet que celui d'une publication autorisée par la loi, sera destitué et mis en état d'arrestation.

ARTICLE 5

Tout officier de l'état-major général, ou tout officier civil qui donnera l’ordre de battre la générale sans y être autorisé par les représentants du peuple chargés de la direction de la force armée, sera puni de mort.

ARTICLE 6

La Convention nationale charge la commission de l’agence des lois de faire sur-le-champ publier et afficher le présent décret dans toutes les rues de Paris.

*

Décret du 7 vendémiaire an IV (29 septembre 1795),
sur l'exercice et la police extérieure des cultes

La Convention Nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de législation,

Considérant qu'aux termes de la constitution, nul ne peut être empêché d'exercer, en se conformant aux lois, le culte qu'il a choisi ; que nul ne peut être forcé de contribuer aux dépens d'aucun culte, et que la République n'en salarie aucun ;

Considérant que ces bases fondamentales du libre exercice des cultes étant ainsi posées, il importe, d'une part, de réduire en lois les conséquences nécessaires qui en dérivent, et à cet effet de réunir en un seul corps, de modifier ou compléter celles qui ont été rendues, et de l'autre d'y ajouter des dispositions pénales qui en assurent l'exécution ;

Considérant que les lois auxquelles il est nécessaire de se conformer dans l'exercice des cultes, ne statuent point sur ce qui n'est que du domaine de la pensée, sur les rapports de l’homme avec les objets de son culte, et qu'elles n'ont et ne peuvent avoir pour but qu'une surveillance renfermée dans des mesures de police et de sûreté publique ;

Qu'ainsi elles doivent garantir le libre exercice des cultes par la punition de ceux qui en troublent les cérémonies, ou en outragent les ministres en fonctions ;

Exiger des ministres de tous les cultes une garantie purement civique contre l'abus qu'ils pourraient faire de leur ministère pour exciter à la désobéissance aux lois de l'état ;

Prévoir, arrêter ou punir tout ce qui tendrait à rendre un culte exclusif ou dominant et persécuteur, tels que les actes des communes en nom collectif, les dotations, les taxes forcées, les voies de fait relativement aux frais des cultes, l'exposition des signes particuliers en certains lieux, l'exercice des cérémonies et l'usage des costumes hors des enceintes destinées aux dits exercices, et les entreprises des ministres relativement à l'état civil des citoyens ;

Réprimer des délits qui peuvent se commettre à l'occasion ou par abus de l'exercice des cultes ;

Et enfin régler la compétence et la forme de la procédure dans ces sortes de cas ;

Décrète ce qui suit :

TITRE I
Surveillance de l’exercice des cultes

ARTICLE PREMIER.

Disposition préliminaire et générale

Tout rassemblement de citoyens pour l'exercice d'un culte quelconque, est soumis à la surveillance des autorités constituées.

Cette surveillance se renferme dans des mesures de police et de sûreté publique.

TITRE II
Garantie du libre exercice de tous les cultes

ARTICLE 2

Ceux qui outrageront les objets d'un culte quelconque dans les lieux destinés à son exercice, ou ses ministres en fonctions, ou interrompront par un trouble public les cérémonies religieuses de quelque autre culte que ce soit, seront condamnés à une amende qui ne pourra excéder 500 livres, ni être moindre de 50 livres par individu, et à un emprisonnement qui ne pourra excéder deux ans, ni être moindre d'un mois, sans préjudice aux peines portées par le code pénal, si la nature du fait peut y donner lieu.

ARTICLE 3

Il est défendu, sous les peines portées en l'article précédent, à tous juges et administrateurs d'interposer leur autorité, et à tous individus d'employer les voies de fait, les injures ou les menaces, pour contraindre un ou plusieurs individus à célébrer certaines fêtes religieuses, à observer tel ou tel jour de repos, ou pour empêcher lesdits individus de les célébrer ou de les observer, soit en forçant à ouvrir ou fermer les ateliers, boutiques, magasins, soit en empêchant les travaux agricoles, ou de telle autre manière que ce soit.

ARTICLE 4

Par la disposition de l'article précédent, il n'est point dérogé aux lois qui fixent les jours de repos des fonctionnaires publics, ni à l'action de la police, pour maintenir l'ordre et la décence dans les fêtes civiques.

TITRE III
De la garantie civique exigée des ministres
de Tous les cultes

ARTICLE 5

Nul ne pourra remplir le ministère d'aucun culte, en quelque lieu que ce puisse être, s'il ne fait préalablement, devant l'administration municipale ou l'adjoint municipal du lieu où il voudra exercer, une déclaration dont le modèle est dans l'article suivant. Les déclarations déjà faites ne dispenseront pas de celle ordonnée par le présent article. Il en sera tenu registre. Deux copies conformes, en gros caractères très lisibles, certifiées par la signature de l'adjoint municipal ou du greffier de la municipalité, et par celle du déclarant, en seront et resteront constamment affichées dans l’intérieur de l’édifice destiné aux cérémonies, et dans les parties les plus apparentes et les plus à portée d’en faciliter la lecture.

ARTICLE 6

La formule de la déclaration exigée ci-dessus est celle-ci :

« Le ……….. devant nous …………….. est comparu N (le nom et prénom seulement), habitant à ………………….. , lequel a fait la déclaration dont la teneur suit :

Je reconnais que l'universalité des citoyens français est le souverain, et je promets soumission et obéissance aux lois de la République.

Nous lui avons donné acte de cette déclaration, et il a signé avec nous ».

La déclaration qui contiendra quelque chose de plus ou de moins, sera nulle et comme non avenue. Ceux qui l'auront reçue, seront punis chacun de 500 livres d'amende, et d'un emprisonnement qui ne pourra excéder un an, ni être moindre de trois mois.

La loi du 19 fructidor, an 6, substitue à la déclaration ci-dessus, le serment de fidélité à la république et de haine à la royauté.

ARTICLE 7

Tout individu qui, une décade après la publication du présent décret, exercera le ministère d'un culte sans avoir satisfait aux deux articles précédents, subira la peine portée en l'article 6 ; et, en cas de récidive, il sera condamné à dix ans de gêne.

ARTICLE 8

Tout ministre de culte qui, après avoir fait la déclaration dont le modèle est donné article 6, l'aura rétractée ou modifiée, ou aura fait des protestations ou restrictions contraires, sera banni à perpétuité du territoire de la République.

S'il y rentre, il sera condamné à la gêne, aussi à perpétuité.

TITRE IV
De la garantie contre tout culte qu'on
tenterait de rendre exclusif ou dominant
Section I - Concernant les frais des cultes.

ARTICLE 9

Les communes ou sections de commune ne pourront, en nom collectif, acquérir ni louer de local pour l'exercice des cultes.

ARTICLE 10

Il ne peut être formé aucune dotation perpétuelle ou viagère, ni établi aucune taxe pour acquitter les dépenses d'aucun culte, ou le logement des ministres.

ARTICLE 11

Tous actes, contrats, délibérations, arrêtés, jugements ou rôles, faits, pris ou rendus en contravention aux deux articles précédents, seront nuls et comme non avenus. Les fonctionnaires publics qui les signeront, seront condamnés chacun à 500 livres d'amende, et à un emprisonnement qui ne pourra être moindre d'un mois, ni en excéder six.

ARTICLE 12

Ceux qui tenteront, par injures ou menaces, de contraindre un ou plusieurs individus à contribuer aux frais d'un culte, ou qui seront instigateurs desdites injures ou menaces, seront punis d'une amende qui ne pourra être moindre de 50 livres, ni excéder 500 livres.

S'il y a voie de fait ou violence, la peine sera celle portée au code pénal. Si la voie de fait commise n'y est pas prévue, le coupable sera puni d'un emprisonnement qui ne pourra excéder deux ans, ni être moindre de six mois, et d'une amendé qui ne pourra excéder 500 livres, ni être moindre de 100 livres.

Section II - Des lieux où il est défendu de placer les signes particuliers à un culte.

ARTICLE 13

Aucun signe particulier à un culte ne peut être élevé, fixé et attaché en quelque lieu que ce soit, de manière à être exposé aux yeux des citoyens, si ce n'est dans l'enceinte destinée aux exercices de ce même culte, ou dans l'intérieur des maisons des particuliers, dans les ateliers ou magasins des artistes et marchands, ou les édifices publics destinés à recueillir les monuments des arts.

ARTICLE 14

Ces signes seront enlevés de tout autre lieu, de l'autorité municipale ou de l’adjoint municipal, et à leur défaut, du commissaire du directoire exécutif près du département. Ils auront attention d'en prévenir les habitants, et d'y procéder de manière à prévenir les troubles.

ARTICLE 15

Tout individu qui, postérieurement à la publication du présent décret, aura fait placer ou rétablir de tels signes partout ailleurs que dans les lieux permis, ou en aura provoqué le placement ou rétablissement, sera condamné à une amende qui ne pourra excéder 500 livres, ni être moindre de 200 livres, et à un emprisonnement qui ne pourra excéder six mois, ni être moindre de dix jours.

Section III - Des lieux où les cérémonies des cultes sont interdites.

ARTICLE 16

Les cérémonies de tous cultes sont interdites hors l'enceinte de l'édifice choisi pour leur exercice.

Cette prohibition ne s'applique pas aux cérémonies qui ont lieu dans l'enceinte des maisons particulières, pourvu qu'outre les individus qui ont le même domicile, il n'y ait pas, à l'occasion des mêmes cérémonies, un rassemblement excédant dix personnes.

ARTICLE 17

L'enceinte choisie pour l'exercice d'un culte, sera indiquée et déclarée à l'adjoint municipal dans les communes au-dessous de cinq mille âmes ; et dans les autres, aux administrations municipales du canton ou arrondissement. Cette déclaration sera transcrite sur le registre ordinaire de la municipalité ou de la commune, et il en sera envoyé expédition au greffe de la police correctionnelle du canton. Il est défendu à tous ministres de culte et à tous individus d'user de ladite enceinte avant d'avoir rempli cette formalité.

ARTICLE 18

La contravention à l'un des articles 16 et 17 sera punie d'une amende qui ne pourra excéder 500 livres, ni être moindre de 100 livres, et d'un emprisonnement qui ne pourra excéder deux ans, ni être moindre d'un mois.

En cas de récidive, le ministre du culte sera condamné à dix ans gêne.

ARTICLE 19

Nul ne peut, sous les peines portées en l'article précédent, paraître en public avec les habits, ornements ou costumes affectés à des cérémonies religieuses, ou à un ministre d'un culte.

Section IV – CONCERNANT LES ACTES DE l’éTAT CIVIL.

ARTICLE 20

Il est défendu à tous juges, administrateurs et fonctionnaires publics quelconques, d'avoir aucun égard aux attestations que des ministres du culte, ou des individus se disant tels, pourraient donner relativement à l'état civil des citoyens ; la contravention sera punie comme en l'article 18. Ceux qui les produiront, soit devant les tribunaux, ou devant les administrations, seront condamnés aux mêmes peines.

ARTICLE 21

Tout fonctionnaire public chargé de rédiger les actes de l'état civil des citoyens, qui fera mention dans lesdits actes des cérémonies religieuses, ou qui exigera la preuve qu'elles ont été observées, sera également condamné aux peines portées en l'article 18.

TITRE V
De quelques délits qui peuvent se commettre
à l'occasion ou par abus de l'exercice du culte

ARTICLE 22

Tout ministre d'un culte qui, hors de l'enceinte de l'édifice destiné aux cérémonies ou exercices d'un culte, lira ou fera lire dans une assemblée d'individus, ou qui affichera ou fera afficher, distribuera ou fera distribuer un écrit émané, ou annoncé comme émané d'un ministre de culte qui ne sera pas résident dans la République française, ou même d'un ministre de culte résidant en France, qui se dira délégué d'un autre qui n'y résidera pas, sera, indépendamment de la teneur dudit écrit, condamné à six mois de prison ; et en cas de récidive, à deux ans.

ARTICLE 23

Sera condamné à la gêne à perpétuité tout ministre de culte qui commettra un des délits suivants, soit par ses discours, ses exhortations, prédications, invocations ou prières en quelque langue que ce puisse être ; soit en lisant, publiant, affichant, distribuant, ou faisant lire, publier, afficher et distribuer dans l'enceinte de l'édifice destiné aux cérémonies, ou à l'extérieur, un écrit dont il sera, ou dont tout autre sera l'auteur :

Savoir, si, par ledit écrit ou discours, il a provoqué au rétablissement de la royauté en France, ou à l'anéantissement de la République, ou à la dissolution de la représentation nationale ;

Ou s'il a provoqué au meurtre, ou a excité les défenseurs de la patrie à déserter leurs drapeaux, ou leurs pères et mères à les rappeler ;

Ou s'il a blâmé ceux qui voudraient prendre les armes pour le maintien de la constitution républicaine, et la défense de la liberté ;

Ou s'il a invité des individus à abattre les arbres consacrés à la liberté, à en déposer ou avilir les signes et couleurs ;

Ou enfin, s'il a exhorté ou encouragé des personnes quelconques à la trahison ou à la rébellion contre le gouvernement.

ARTICLE 24

Si, par des écrits, placards, ou discours, un ministre de culte cherche à égarer les citoyens, en leur présentant comme injustes ou criminelles les ventes ou acquisitions de biens nationaux possédés ci-devant par le clergé ou les émigrés, il sera, condamné à 1 000 livres d'amende, et à deux ans de prison.

Il lui sera de plus défendu de continuer ses fonctions de ministre de culte.

S'il contrevient à cette défense, il sera puni de dix ans de gêne.

ARTICLE 25

Il est expressément défendu aux ministres d'un culte et à leurs sectateurs de troubler les ministres d'un autre culte ou prétendu tel, ou leurs sectateurs, dans l'exercice de l'usage commun des édifices, réglé en exécution de l'article 4 de la loi du 11 prairial, à peine de 500 livres d'amende et d'un emprisonnement qui ne pourra excéder six mois, ni être moindre de deux.

TITRE VI
De la compétence, de la procédure et des amendes

ARTICLE 26

Lorsque, selon la nature de l'accusation, il ne s'agira que de prononcer des amendes ou un emprisonnement, le tribunal de police correctionnelle en connaîtra, à la charge de l'appel au tribunal criminel de département.

ARTICLE 27

Les jugements de la police correctionnelle seront exécutés par provision, nonobstant l'appel. Il est défendu aux tribunaux criminels d'accorder aucune surséance, à peine de nullité et d'une amende de 500 livres.

ARTICLE 28

Les officiers de police de sûreté, directeurs du jury et tribunaux de police correctionnelle, pourront décerner des mandats d'amener ou d'arrêt.

ARTICLE 29

Lorsque la nature du délit sera telle, qu'il pourra échoir peine afflictive ou infamante, on observera les formes et la procédure ordonnée pour la conviction de ces sortes de délits, sauf cette modification ;

Que le jury de jugement sera tiré au sort sur la liste des jurés spéciaux, faite conformément à la loi.

ARTICLE 30

La condamnation à l'amende emportera, de plein droit, contrainte par corps.

Néanmoins le condamné ne pourra être retenu, pour le seul défaut de paiement, plus de trois mois.

Lorsque l'amende concourra avec la condamnation à un emprisonnement, les trois mois ne courront qu'à compter de l'expiration du terme de la condamnation audit emprisonnement, de manière pourtant que le maximum n'excède pas deux ans.

ARTICLE 31

Les précédentes lois sont abrogées en tout ce qui serait contraire à la présente.

ARTICLE 32

Jusqu'à l'organisation des autorités constituées en vertu de la constitution, les fonctions attribuées par la présente loi aux adjoints municipaux dans les communes au-dessous de cinq mille âmes, seront remplies par les municipalités ;

Celles attribuées aux commissaires du directoire exécutif le seront par les procureurs des communes, procureurs-syndics de district ou de département ; et les affaires déférées par appel aux tribunaux criminels de département, en matière de police correctionnelle, le seront aux tribunaux de district.

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Loi du 7 vendémiaire an IV (29 septembre 1795),
sur la police du commerce des grains et
l’approvisionnements des marchés et des armées

Texte extrait d'un code de l'époque, mais non repris au Sirey, donc non contrôlé.

La Convention Nationale, après avoir entendu son comité de salut public, considérant que la malveillance s'agite de toutes parts pour entraver la circulation des subsistances destinées à l'approvisionnement des armées et des grandes communes ; que c'est en interprétant arbitrairement la loi du 4 thermidor dernier, et en faisant de fausses applications de cette loi, qu'on parvient souvent à compromettre le service public dans cette partie ; qu'il importe de faire cesser enfin un abus aussi préjudiciable, en expliquant le véritable sens de la loi, en rapprochant ses dispositions, et en consacrant une partie de celles contenues dans les arrêtés du comité de salut public, des premier, 7, 13 et 28 fructidor dernier, décrète ce qui suit :

ARTICLE PREMIER

Les grains et farines ne pourront, par continuation, être vendus et achetés ailleurs que dans les foires et marchés publics.

ARTICLE 2

La contravention à cet article sera punie,

1°. Par trois mois de détention du vendeur et de l'acheteur ;

2°. Par la confiscation des grains et farines, et par une amende égale à leur valeur, supportable, par moitié, par le vendeur et l'acheteur.

ARTICLE 3

Sont exceptés de la prohibition énoncée en l'article premier, les ventes et achats de grains et farines destinés à subvenir à des services publics instants, et qui auront. pour objet,

1°. L'approvisionnement des armées de terre et de mer ;

2°. Celui de la commune de Paris ;

3°. Celui des manufactures, usines et ateliers employés pour la République.

ARTICLE 4

Les entrepreneurs, fournisseurs, commissionnaires ou préposés quelconques, chargés de faire les divers achats mentionnés en l'article 3, pourront les effectuer hors les foires et marchés, mais ils devront être munis, savoir :

Les préposés aux achats des grains ou farines destinés aux besoins des armées de terre et de mer, d'une commission émanée des agents généraux des subsistances militaires ;

Les préposés aux achats des denrées destinées pour Paris, d'une commission pareillement émanée des agents généraux des subsistances de cette commune ;

Les préposés aux achats des denrées destinées aux besoins des manufactures, usines et ateliers, d'un bon ou permis de la municipalité du lieu de l'établissement.

ARTICLE 5

Les commissions, bons ou permis, porteront dans tous les cas les quantités de grains qui devront être achetées ; ils seront de plus soumis au visa des officiers municipaux des lieux où se feront les achats.

Ce visa, qui ne pourra être refusé sous aucun prétexte, et dont il sera tenu registre, énoncera les dates des jour, mois et an, et la quantité de grains qui aura été achetée.

A défaut de ce visa, les grains ou farines ne pourront être enlevés, à peine, pour les contrevenants, d'un an de détention.

Les commissions, bons ou permis cesseront d'avoir leur effet dès que les achats des quantités y énoncées auront été consommés.

Ces pouvoirs pourront être renouvelés au fur et mesure des nouveaux achats à faire.

Les porteurs des commissions, bons ou permis, ne pourront déléguer leurs pouvoirs.

Ceux qui seraient trouvés ressaisis d'une fausse commission, bons ou permis, seront punis comme faussaires.

ARTICLE 6

Les citoyens des campagnes qui ne récoltent pas suffisamment de grains pour leur nourriture, et qui habitent des lieux où il n’y a pas de marchés, pourront s'approvisionner pour trois mois chez les cultivateurs, fermiers ou propriétaires de leur communes, moyennant un bon de la municipalité, constatant besoins et la quantité nécessaire à leur consommation pendant ledit temps.

La municipalité tiendra registre de ces bons : ils resteront entre les mains des vendeurs pour être par eux représentés au besoin.

ARTICLE 7

Les marchands blatiers qui achètent des grains dans un lieu pour les conduire aux foires et marchés, sans en faire ni entrepôt ni magasin, auront également la liberté de faire leurs achats hors des marchés ; mais indépendamment de la patente dont ils doivent être pourvus, ils seront munis d'un bon ou permis de la municipalité du lieu pour lequel ils destinent les grains achetés. Ce permis contiendra la date de la patente, la quantité de grains que les blatiers doivent conduire à chaque marché : avant l'enlèvement des grains et farines, ce permis devra être visé par la municipalité du lieu de l'achat.

Lorsque les grains ainsi achetés seront arrivés au lieu de leur destination, les blatiers se présenteront devant la municipalité, pour obtenir une décharge des grains dont l'achat leur a été commis.

Ils seront tenus de reproduire cette décharge à la municipalité du lieu où les achats auront été faits.

ARTICLE 8

Les particuliers, non marchands et non pourvus de patentes, qui sont dans le cas d'acheter des bleds ou farines pour leurs besoins et ceux de leurs familles, ne pourront porter leur approvisionnement, jusqu'à la récolte prochaine, au-delà de ce qui sera nécessaire à leur consommation, c'est à-dire à raison de quatre quintaux de bled-froment, ou de cinq quintaux de bled mêlé, par personne ; et ce à peine de confiscation de l'excédent, et de deux mille livres d'amende, applicable, moitié au profit du dénonciateur, moitié à celui de la commune du lieu où les grains auront été saisis, arrêtés ou vendus. L'amende et la confiscation seront supportées, moitié par le vendeur, moitié par l'acheteur.

ARTICLE 9

Les particuliers ne pourront acheter que dans les foires et marchés ; ils ne le pourront aussi que sur des bons ou permis, délivrés par la municipalité, énonciatifs de leurs besoins et des quantités nécessaires pour les remplir. Ces bons ne pourront jamais être refusés par les municipalités, tant que les besoins de chaque consommateur ne seront pas remplis.

ARTICLE 10

Les municipalités et corps administratifs sont autorisés, chacun dans son arrondissement, à requérir les fermiers, cultivateurs et propriétaires de grains et farines, de faire conduire dans les foires et marchés les quantités nécessaires pour les tenir suffisamment approvisionnés.

ARTICLE 11

Les administrations détermineront les quantités à apporter aux marchés, à raison de l'étendue de l'exploitation de chaque fermier, cultivateur ou propriétaire, du nombre de ses charrues, et de ce qui lui reste à vendre, déduction faite de ses besoins.

Elles indiqueront également les marchés et foires où les grains et farines seront apportés, ainsi que les époques des apports, de manière que les marchés et foires soient convenablement pourvus pendant tout le cours de l'année.

ARTICLE 12

En cas de refus de la part des détenteurs des grains, les administrations pourront mettre des batteurs et assurer des voitures aux frais desdits détenteurs.

En cas d'opposition de leur part, les administrations sont autorisées à employer la force armée pour assurer l'exécution de la loi.

ARTICLE 13

Les opposants seront de plus condamnés à trois mois de détention et aux frais de déplacement de la force armée. Les jugements à intervenir seront affichés à leurs frais dans l'étendue du district.

ARTICLE 14

Si les propriétaires ou détenteurs de grains qui n'exploitent pas par eux-mêmes, n'ont pas de voitures, ils pourront obliger leurs fermiers ou cultivateurs, s'ils habitent la même commune, à conduire leurs grains aux marchés, moyennant le prix qui sera modérément taxé par le juge de paix.

ARTICLE 15

Les municipalités sont tenues, sous la responsabilité individuelle et collective de leurs membres, d'exercer les réquisitions mentionnées en l'article 10, et d'en justifier à l'administration supérieure. En cas de négligence d'exercer lesdites réquisitions, les municipalités seront poursuivies devant les tribunaux, et les officiers municipaux condamnés à une amende égale à la moitié de la valeur des grains qu'on leur avait enjoint de requérir; et, en cas de refus, lesdits officiers municipaux seront condamnés à une détention de trois mois, et à une amende égale à la valeur des grains qu'on leur avait ordonné de requérir.

ARTICLE 16

Si les fermiers, cultivateurs, propriétaires ou détenteurs de grains, les ont vendus aux agents du gouvernement, aux chefs d'ateliers et manufactures, aux habitants mal-aisés des communes, aux marchands blatiers, ils se feront donner une déclaration contenant la quantité des grains vendus, et en enverront un double, certifié par le juge de paix, aux corps administratifs ou municipalités : il leur sera tenu compte sur lesdites réquisitions du montant des ventes effectuées.

ARTICLE 17

Les dispositions des arrêtés du comité de salut public des 13 et 28 fructidor dernier, sont confirmées. En conséquence, les particuliers, municipalités ou corps administratifs qui auraient exercé ou autorisé, exerceraient ou autoriseraient des arrestations de grains et farines achetés, soit pour le service militaire, soit pour l'approvisionnement de Paris, sont tenus de les rendre ou faire rendre à la circulation, sous les peines portées par l'article 15 contre les refusants.

ARTICLE 18

Les lois qui ont prohibé toute exportation de grains et farines de toute espèce continueront d'être exécutées. En conséquence, tous transports de grains et farines, surpris à la distance de deux lieues en deçà des frontières et des côtes maritimes, sans acquit-à-caution de la municipalité du propriétaire, seront confisqués avec les voitures, bêtes de somme et bâtiments qui les transporteraient, au profit de ceux qui les arrêteront ; et il y aura peine de deux années de fers contre les conducteurs et propriétaires contrevenants.

ARTICLE 19

Sont exceptés des dispositions ci-dessus, les individus conduisant à une commune maritime, ayant une population de 10 000 âmes et au-dessus, des charrettes ou chevaux et autres bêtes de somme chargés de grains et farines, lorsqu'ils suivront le chemin ordinaire qui conduit à ces communes.

ARTICLE 20

Sont pareillement maintenues les lois antérieures sur la libre circulation des subsistances. Ceux qui seront convaincus d'y avoir apporté obstacle directement ou indirectement, seront poursuivis et condamnés, outre la restitution, à une détention de trois mois, et à une amende de la moitié de la valeur des grains arrêtés ; et, dans le cas de récidive, ils seront condamnés à trois années de fers.

ARTICLE 21

Les officiers municipaux ou autres fonctionnaires publics qui n'auraient pas fait tout ce qui est en leur pouvoir pour empêcher l'arrestation des subsistances, seront sujets aux mêmes peines.

ARTICLE 22

L'exécution de la présente loi est spécialement confiée à la surveillance et au zèle des administrateurs et officiers municipaux, des officiers de police, des dépositaires de la force armée, et au patriotisme de tous les bons citoyens.

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Signe de fin