DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL
- Professeur Jean-Paul DOUCET -
Lettre C
(Dix-huitième partie)
CONSIDÉRANT - Voir : Attendu*.
CONSIDÉRATION
Cf. Amnistie (Rappel d'une condamnation amnistiée)*, Calomnie*, Diffamation*, Droit de réponse*, Honneur*, Injure*, Liberté d’expression*, Outrage*, Presse*, Réputation*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la personne humaine » (4e éd.), n° II-302 et s., p.351 et s.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », sur la réputation d'un mineur : n° 428, p.276
- Notion. Le droit criminel prend le mot considération parmi l’un de ses nombreux sens ; à savoir l’estime,
le respect, la déférence, les égards dont jouit une personne physique ou morale parmi ceux qui la connaissent.
La notion de réputation est plus neutre ; elle concerne ce qui se dit d’une personne, que ce soit en bien ou en mal.
La notion d’honneur ne se situe pas sur le même plan. Alors que la considération publique se manifeste sur le plan social, et s’appuie sur des
considérations extérieures ; l’honneur est construit et apprécié par le sujet lui-même, qui s’efforce d’accomplir l’ensemble de ce que son sens du
devoir lui prescrit. De la sorte, si les personnes morales peuvent revendiquer une certaine considération, seules les personnes physiques peuvent de
prévaloir de l’honneur et de la considération.
Vitu (Traité de droit pénal spécial) : L’honneur est un bien moral qui résulte pour chaque homme du sentiment personnel d’agir conformément aux exigences de la morale et de son devoir d’état. La considération revêt une portée plus sociale, puisqu’elle consiste dans l’estime que les tiers accordent à celui dont ils jugent la vie privée, professionnelle ou publique.
H.Guillot (Encyclopédie Dalloz, v° Diffamation) : Honneur et considération ne sont pas synonymes … Un fait porte atteinte à l’honneur quand il est contraire, soit à la probité soit à la loyauté qui sont les bases de l’honneur pris dans un sens général … Un fait porte atteinte à la considération quand il détruit ou diminue l’estime que chacun peut avoir acquise par ses qualités morales dans l’état qu’il exerce.
Balzac (Splendeurs et misères des courtisanes) : On me somme, au nom de la considération de notre famille, de prendre des renseignements, en m’indiquant les moyens de m’éclairer.
- Science criminelle. La protection de la considération s'effectue dans le cadre des textes assurant la protection de l'intégrité morale des personnes. Elle se situe sur le terrain des incriminations de droit pénal privé, aussi ne peut-elle en principe être mise en œuvre qu'à la demande de l'intéressé.
Voir : Tableau des incriminations protégeant l'honneur et la considération de la Nation (selon la science criminelle)
Voir : Tableau des incriminations protégeant l'honneur et la considération de la personne (selon la science criminelle)
Burlamaqui (Principes du droit naturel) : La perte de la considération publique, dans une profession qui ne se soutient que par la confiance et l’honneur, est une pénalité tacite.
Cass.crim. du Luxembourg 5 février 1979 (sous l’art. 276 C.pén.) : Il n’est pas nécessaire que les paroles soient caractérisées par un mot grossier, un terme de mépris ou une invective, dès lors qu’en réalité les expressions utilisées comportent en raison des circonstances un sens injurieux, sont susceptibles de diminuer la considération des citoyens pour les personnes qui représentent l’autorité, ou indiquent à leur égard un manque de respect.
Code pénal d'Andorre. Art. 203 : La poursuite des délits contre l'honneur des personnes ne sera possible que sur plainte de la victime avec constitution de partie civile, après tentative de conciliation.
Code pénal du Brésil. Art. 143 : Le défendeur qui, avant le jugement, se rétracte loyalement de la calomnie ou de la diffamation, est exempt de peine.
- Droit positif. Les atteintes à la considération peuvent être notamment poursuivies du chef de diffamation, délit incriminé par l’art. 29 de la loi du 29 juillet 1881.
Voir : Tableau des incriminations protégeant l'honneur et la considération de la personne (en droit positif français)
Trib.inst. Paris (8e ardt.) 15 janvier 2001 (Gaz.Pal. 2001 somm. 1635) : Aux termes de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881, toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation.
Cass.crim. 6 juillet 1994 (Gaz.Pal. 1994 II somm. 695) : L’Ordre des médecins légalement chargé, en vertu de l’art. L. 382 C. santé publ., de veiller au maintien des principes de moralité, de probité, de dévouement indispensables à l’exercice de la médecine et d’assurer la défense de l’honneur de la profession médicale, est recevable à se constituer partie civile dans les poursuites exercées contre l’un de ses membres pour des infractions commises dans l’exercice de ses fonctions et de nature à porter atteinte à la considération de l’ensemble de la profession.
Cass.crim. 2 juillet 1975 (Bull.crim. n° 174 p.477) : Pour déterminer si l’allégation ou l’imputation d’un fait porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne à laquelle le fait est imputé, les juges n’ont pas à rechercher quelles peuvent être les considérations personnelles et subjectives de celle-ci concernant la notion d’honneur et celle de considération ; ils n’ont pas, non plus, à tenir compte, à cet égard, de l’opinion que le public a de cette personne.
CONSIGNATION
Cf. Abus de constitution de partie civile*, Action civile*, Caution judicatum solvi*, Constitution de partie civile*, Partie civile*.
Lorsqu’une personne se constitue partie civile, on peut craindre qu’elle n’agisse à la légère envers un innocent, et n’alourdisse inutilement la charge du tribunal. C’est pourquoi le législateur soumet la recevabilité formelle de la constitution de partie civile au versement d’une certaine somme d’argent. Il en est ainsi en cas de citation directe (art. 392-1 C.pr.pén.) comme en cas de plainte auprès d’un juge d’instruction (art. 88 C.pr.pén.). Cette consignation garantit le paiement de l’amende civile qui sera prononcée si l’action civile est apparue abusive ou dilatoire (art. 88-1 et 177-2).
Code annamite des Lé (trad. Deloustal, exposé préliminaire). Ord. de 1674 : Lorsqu’une personne présentera une plainte, elle sera immédiatement mise en demeure d’établir une déclaration dans laquelle elle s’engagera à supporter la responsabilité de sa plainte. La plainte ne devra être reçue et suite ne devra lui être donnée qu’à cette condition.
Cass.crim. 9 novembre 1998 (Gaz.Pal. 1999 I Chr.crim. 48) : Il résulte des art. 85, 86 et 88 C.pr.pén. que le plaignant acquiert la qualité de partie civile par sa manifestation de volonté accompagnée du versement de la consignation fixée par le juge d’instruction, sauf dispense ou obtention de l’aide juridictionnelle.
Cass.crim. 21 janvier 1997 (Gaz.Pal. 1997 I Chr.crim. 105) : Le tribunal correctionnel a l’obligation d’ordonner la consignation mise à la charge de la partie civile dont l’action n’est pas jointe à celle du Ministère public, sous peine de non-recevabilité de la citation directe (art. 392-1 C.pr.pén.).
Cass.crim. 18 décembre 2007 (Bull.crim. n° 315 p.1280) : Le défaut de versement de la consignation avant l'expiration du délai initialement fixé rend irrecevable la poursuite.
Cass.crim. 4 février 1998 (Gaz.Pal. 1998 II Chr.crim. 102) : Lorsqu’une partie a obtenu l’aide juridictionnelle, elle est dispensée de verser une consignation à la suite du dépôt de sa plainte avec constitution de partie civile.
CONSPIRATION
Cf. Association de malfaiteurs*, Attentat*, Complot*, Coup d’État*, Résolution criminelle*, Sédition*, Sociétés secrètes*.
Voir :Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° 7, p.14 / n° I-247 1°, p.262 / n° III-109, p.391 / n° III-239, p.452
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° 6, p.10 / n° 12, p.15-16 / n° 24, p.24
Voir : M. Alboize et A. Maquet, La conspiration du Doge Faliero
Voir : Décret du 20 janvier 1793, relatif à la condamnation à mort de Louis XVI
Voir : Décret du 22 Prairial an 2 - 10 Juin 1794 concernant le Tribunal révolutionnaire
Voir : L'attentat de la rue Saint-Nicaise : Jugement du Tribunal criminel de la Seine
- Notion. La conjuration ou conspiration, dans la terminologie de l’Ancien droit, consistait en une menée réunissant plusieurs personnes cherchant à renverser le pouvoir en place (p.ex. : Conjuration d’Amboise, rappelée ci-dessous).
Dictionnaire civil et canonique (Paris 1687) : La conspiration est un dessein formé entre plusieurs personnes pour la perte d’un Prince ou d’un État.
Code pénal du Mozambique, art. 173 : Une conspiration peut prendre la forme d'une association illicite ou d'une organisation secrète tendant à inciter ou à perpétrer un crime contre la sûreté extérieure ou intérieure de l'État.
Code pénal de Malte, art. 58 : Il y a conspiration du moment où quelque mode d’action a été projeté et agréé par deux ou plusieurs personnes.
Huc (L'Empire chinois) : Les conquérants de la Chine ont parfaitement réussi à se maintenir pendant plus de deux cents ans. Les grands mandarins chinois, errant toujours de province en province sans pouvoir jamais se fixer dans aucun poste, tout concert est devenu impossible ; les chefs de parti, les représentants de la nationalité chinoise, ne pouvant compter, dans les provinces, sur des agents dont l’autorité était passagère, les conjurations ont été facilement étouffées.
Encyclopédie Microsoft Encarta. Conjuration d’Amboise. Conspiration protestante cherchant à soustraire le jeune roi François II à l’influence des Guise (mars 1560). Les huguenots veulent mettre un terme aux exactions commises par les catholiques depuis le règne d’Henri II. Inspirée par le prince de Condé et Antoine de Bourbon, la conspiration est menée par le gentilhomme calviniste Godefroi de La Renaudie. Elle tend à gagner la confiance du roi François II, âgé de quinze ans et sous la domination des Guise (le duc François Ier de Lorraine et le cardinal Charles de Lorraine), partisans du catholicisme. En marche vers Amboise, où s’est réfugiée la cour avertie du complot par la trahison de Pierre des Avenelles, les conjurés sont confondus et le complot échoue. La Renaudie trouve la mort lors de l’assaut ; les conjurés sont arrêtés le 15 mars 1560 et pour la plupart exécutés dans le château d’Amboise.
- Science criminelle. Du fait qu'une conspiration peut aboutir, non seulement à renverser le pouvoir en place, mais encore à des troubles sociaux graves, partout et toujours le législateur use à son égard des techniques les plus rigoureuses et des peines les plus sévères.
Voir : Tableau des incriminations protégeant la Constitution (selon la science criminelle)
Voir : Tableau des incriminations protégeant la famille incarnant la Nation (selon la science criminelle)
Voir : Tableau des incriminations protégeant le pouvoir législatif (selon la science criminelle)
Voir : Tableau des incriminations protégeant le pouvoir exécutif (selon la science criminelle)
Chauveau Hélie (Théorie du Code pénal) : Les annales d'un pays voisin nous offrent l'exemple de conspirations héréditaires qui ont occupé et agité des siècles entiers.
Le Brun de la Rochette (Le procès criminel, 1629) : Le premier des crimes de lèse-Majesté est la conjuration ou conspiration faite contre l’État ou contre la personne du Prince, pour le faire mourir.
Constitution criminelle de Charles Quint (Caroline). Observations sur les art. 123 et 124 : Celui qui fera quelque entreprise ou conspiration contre le service du Prince, à la solde duquel il est, contre la sûreté des Villes, Places et Pays de sa domination, contre les Commandants desdites Places, ou contre leurs Officiers, se rend coupable du crime de lèse-Majesté, et doit être condamné à la roue.
Acte d’accusation renvoyant les Girondins devant le Tribunal révolutionnaire : Il a existé une conspiration contre l’unité et l’indivisibilité de la République, contre la liberté et la sûreté du peuple français. Tous les individus ci-après nommés en sont coupables, comme en étant les auteurs ou complices.
Décret de la Convention nationale des 15/20 janvier 1793. Article Premier : La Convention nationale déclare Louis Capet, dernier roi des Français, coupable de conspiration contre la liberté de la nation, et d’attentat contre la sûreté générale de l’État.
- Droit positif. Le droit français contemporain parle plutôt de Complot*, notamment de complot contre la sûreté de l’État, voire d'Association de malfaiteur* en vue de commettre une infraction touchant la Nation.
Voir Le procès et la condamnation de Mme Rolland
Voir : Le coup d'État du 18 Brumaire an VIII
Voir : La conspiration du général Malet
Cons. d'état 8 mars 1985 (Gaz. Pal., Rec 1985 somm p 336) assimile le crime français d'association ou d'entente en vue de la fabrication, l'importation, la possession et la distribution de substances vénéneuses classées comme stupéfiants l(art. L 627 C. santé public), et les incriminations formulées par le «grand jury (américain)» de conspiration en vue de l'importation de cocaïne et d'entreprise criminelle permanente.
CONSTITUTION
Cf. Attentat*, Complot*, Conspiration*, Coup d’État*, Démocratie*, Dictature*, État*, Légalité*, Pouvoir politique (pouvoir judiciaire)*, Question prioritaire de constitutionnalité*, République*, Séparation des pouvoirs*, Sources du droit*, Théocratie*, Tyrannie*.
Voir :
Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société »
- n° 3, p.5 (délimitation des pouvoirs que la Constitution peut légitimement
conférer à l'État, qui se trouve au service de la Nation)
- n° 26 et s., p.25 et s. (attentat contre la Constitution)
Voir le texte de la Constitution
Voir : Décret du 4 décembre 1792, relatif à ceux qui proposeraient de rétablir la royauté
Voir : Décret du 29-31 mars 1793, relatif aux écrits tendant au rétablissement de la royauté
Voir : Le Coup d'Etat du 18 Brumaire an VIII
- Notion. La Constitution est la loi fondamentale qui règle le fonctionnement de l’État et ses rapports avec la Nation ; elle délimite le domaine propre aux trois Pouvoirs*, législatif, judiciaire et exécutif ; elle pose les règles fondamentales assurant la protection de la personne humaine. Elle constitue la première des Sources du droit et doit donc être particulièrement protégée.
Höffe (Dictionnaire d’éthique) : En tant qu’ordre politique, économique, juridique et social, la constitution est la loi fondamentale d’un État, et un système de normes qui intègre la société dans un tout juridique. Selon Aristote, les bonnes constitutions sont celles qui tendent au bien commun ; mais les meilleures sont celles qui réalisent un équilibre entre les critères moraux (liberté, justice) et les critères sociaux de la démocratie et de l’oligarchie. La constitution établit l’ordre de domination, la distribution des compétences et les principes de leur organisation ; elle garantit les droits fondamentaux et la protection juridique des individus à l’égard de l’État.
Vedel (Cours de droit constitutionnel) : La Constitution peut être définie comme l’ensemble des règles de droit les plus importantes de l’État, et notamment de celles qui déterminent comment, à un moment donné et dans un pays donné, s’établit, s’exerce et se transmet l’autorité politique.
Contantinesco et Pierré-Caps (Droit constitutionnel) 3e éd. : Dans un sens matériel, la Constitution désigne toutes les règles, quel que soit le statut des textes qui les contiennent, qui ont un contenu constitutionnel, c'est-à-dire qui régissent les pouvoirs publics de l'État, énoncent et garantissent les droits des citoyens.
Parnell (History of the penal laws against tne Irish catholics) : La Constitution repose sur ce fondement que chaque personne doit jouir d'une compète sécurité, quant à sa personne, à ses biens, à sa liberté, contre toute intrusion qu'elle émane d'un pouvoir arbitraire ou d'une agression privée.
Proal
(La criminalité politique) nous a montré la mesure du travail qui
reste à accomplir pour que la Constitution "civilise" la politique :
La civilisation a tout perfectionné, excepté la politique, qui se
fait toujours avec la ruse, l'intrigue, le mépris du droit et de la
liberté.
Littré disait : « Chez nous tout
prospère sauf la politique qui, inhabile, ou mauvaise, ou insensée,
nous dépouille périodiquement de tous nos avantages
».
- Science criminelle. Il s’agit de l’un des plus importants intérêts protégés par la loi pénale, car toute agression dirigée contre elle peut avoir des conséquences désastreuses pour l’ensemble de la Société. C’est pourquoi les incriminations garantissant la forme du gouvernement figurent souvent en tête des délits incriminés par le Code pénal. En raison de leur gravité, les actes concernés sont saisis dès leur commencement d’exécution, donc sous la forme de l’attentat. Pour le détail, voir le tableau signalé ci-dessus.
Voir : Tableau des incriminations protégeant la Constitution (selon la science criminelle)
Code pénal suisse. Titre treizième : Crimes ou délits contre l’État… Art. 265 - Celui qui aura commis un acte tendant à modifier par la violence la constitution fédérale ou la constitution d’un canton, à renverser par la violence les autorités politiques instituées par la constitution, ou à les mettre par la violence dans l’impossibilité d’exercer leur pouvoir… sera puni de la réclusion ou de l’emprisonnement pour un à cinq ans.
Code pénal norvégien de 1902, art. 98 : Celui qui cherche à provoquer la modification de la Constitution par des moyens illégaux sera puni d’une peine d’emprisonnement. Si l’acte a été accompli en recourant à l’emploi de la force armée, il peut être prononcé une peine d’emprisonnement à vie.
Code pénal de Mauritanie de 1983, art. 84 al. 3 : S'il y a eu proposition faite et non agréée de former un complot visant à changer le régime constitutionnel, celui qui aura fait une telle proposition sera puni d'un emprisonnement de 1 à 10 ans.
Code pénal d’Italie de 1930, art. 306 : Lorsque, pour commettre un délit contre la Constitution, une bande armée se forme, ceux qui la provoquent, la constituent, l’organisent, sont punis pour ce seul fait de la réclusion.
C'est à la Nation dans son ensemble qu'il appartient de modifier la Constitution, par la voie d'un référendum, pour faire face à de nouvelles circonstances. Ni un simple citoyen, ni même l'appareil de l'État, ne peuvent y procéder sans se rendre coupable d'un « Coup d'État »*.
2e Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (1793). Art. 28 : Un peuple a toujours le droit de revoir, de réformer et de changer sa Constitution. Une génération ne peut assujettir à ses lois les générations futures.
Favoreu et autres (Droit constitutionnel, 11e éd.) : Le droit de changer la constitution appartient à la nation, selon Vattel. Il ne peut lui être contesté, car les conséquences d’une constitution ont tellement d’importance que la nation doit toujours garder la maîtrise de celle-ci.
De
Tocqueville, « De la démocratie en Amérique », (1835-1840) :
Aux États-Unis, la constitution domine les législateurs comme
les simples citoyens. Elle est donc la première des lois, et ne
saurait être modifiée par une simple loi. Il est donc juste que
les tribunaux obéissent à la constitution, préalablement à
toutes les lois. Ceci tient à l'essence même du pouvoir
judiciaire : choisir entre les dispositions légales celles qui
l'enchaînent le plus étroitement est, en quelque sorte, le droit
naturel du magistrat... Lorsqu'on invoque, devant les tribunaux
des États-Unis, une loi que le juge estime contraire à la
Constitution, il peut donc refuser de l'appliquer...
Resserré dans ses limites, le pouvoir accordé aux tribunaux
américains de prononcer sur l'inconstitutionnalité des lois
forme une des plus puissantes barrières qu'on ait jamais élevées
contre la tyrannie des assemblées politiques.
Taine (Les origines de la France contemporaine) La Révolution - La fin du Gouvernement révolutionnaire : La forme sociale et politique dans laquelle un peuple peut entrer et rester n'est pas livrée à son arbitraire, mais déterminée par son caractère et son passé. Il faut que, jusque dans ses moindres traits, elle se moule sur les traits vivants auxquels elle s'applique ; sinon elle crèvera et tombera en morceaux. C'est pourquoi, si nous parvenons à trouver la nôtre, ce ne sera qu'en nous étudiant nous-mêmes, et plus nous saurons précisément ce que nous sommes, plus nous démêlerons sûrement ce qui nous convient. On doit donc renverser les méthodes ordinaires et se figurer la nation avant de rédiger la constitution... C'est le seul moyen de ne pas construire à faux après avoir raisonner à vide.
- Droit positif français. La Constitution française est protégée par les art. 412-1 et s. du Code pénal qui incriminent les actes de violence perpétrés dans le but de renverser la Constitution (mais non les manœuvres).
Voir : Tableau des incriminations protégeant la Constitution (en droit positif français)
Voir : J-P. Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-I-104, p.26, sur le contrôle de la constitutionnalité des lois par le juge, avant les nouvelles règles.
Haute Cour de justice 8 mars 1849 (S. 1849 II 225) : Le Code pénal protège le gouvernement républicain comme il protégeait précédemment le gouvernement monarchique.
Paris 9 février 1883 (Gaz.Pal. 1883 I 346) : Le fait d'avoir publié ou affiché un écrit , quels qu'en soient les termes, ne saurait par lui-même constituer un attentat contre la Constitution, en l'absence de tout attaque matérielle et violente contre la paix publique et la forme du gouvernement.
Michelet (Histoire de la Révolution) : Dès l’ouverture de la séance, Chabot proposa de faire un serment de haine à la royauté.
Depuis la loi organique du 10 décembre 2009, tout justiciable peut soulever la question prioritaire de constitutionnalité (déjà dite "Q.P.C."). Un décret du 16 février 2010 précise le régime applicable. Un article de M.Guillaume (Gaz.Pal. 23 février 2010) détaille le Règlement intérieur du Conseil constitutionnel quant à l'examen de la Q.P.C. Cette procédure apparaît trop complexe aux yeux d'un pénaliste nourri de ce principe : la sanction doit suivre le délit dans le plus bref délai possible, compte tenu du temps nécessaire pour la recherche de la vérité dans le respect des droits de la défense.
Sauvé (Le contrôle de constitutionnalité en Europe - Gaz.Pal. 9 juin 2011) : Le contrôle de constitutionnalité est né en Europe - en Autriche et en Suisse notamment - d'une double volonté : protéger les droits des personnes contre l'action des pouvoirs publics et assurer la régulation des organes et des pouvoirs constitutionnels. Instrument efficace de défense des droits fondamentaux, il a pris son essor et s'est généralisé dans l'ensemble de l'Europe, essentiellement après la Seconde guerre mondiale : il a ainsi été une pierre essentielle de la reconstruction après les épreuves totalitaires que l'Europe a connues.
Borzeix (La question prioritaire de constitutionnalité, Gaz.Pal. 2 mars 201) : Des dispositions de l'art. 61-1 de la Constitution, il ressort une définition relativement simple de la question prioritaire de constitutionnalité, comme moyen de droit consistant à soutenir, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction relevant de la Cour de cassation ou du Conseil d'Etat, qu'une disposition législative qui lui est applicable, porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit.
Cons. d'Etat 16 avril 2010 (Gaz.Pal. 29 avril 2010) : La question prioritaire de constitutionnalité a pour objet de faire juger par le Conseil constitutionnel si une disposition législative porte ou non atteinte aux droits et libertés garantis par le Constitutionnalité mais non de l'interroger, à titre préjudiciel, sur l'interprétation d'une norme constitutionnelle en vue de son application dans un litige.
CONSTITUTION DE PARTIE CIVILE
Cf. Action civile*, Citation*, Consignation*, Intervention*, Mis en cause*, Partie civile*.
- Notion. La constitution de partie civile est la déclaration par laquelle une personne, qui se tient pour victime d’une infraction, fait officiellement connaître qu’elle entend exercer l’action civile afin d’obtenir réparation du préjudice qu’elle estime avoir subi.
Garraud (Précis de droit criminel) : Un tribunal de répression ne peut statuer sur la réparation civile du dommage causé par l’infraction que si l’action en réparation de ce dommage lui est soumise par la personne lésée, qui doit se constituer, dans ce but, partie civile dans l’instance.
- Régime. Cette déclaration, qui peut intervenir jusqu'au moment de la clôture des débats, peut résulter : soit d’une Citation* devant la juridiction de jugement, soit d’une plainte avec constitution de partie civile adressée à un juge d’instruction, soit d’une Intervention*. S’il peut choisir librement entre ces trois techniques, le plaignant ne saurait en revanche modifier sa stratégie en cours de procédure.
Cass.crim. 19 septembre 2006 (Gaz.Pal. 29 mars 2007) : La constitution de partie civile peut avoir lieu à tout moment au cours de l'instruction.
Cass.crim. 29 octobre 1990 (Gaz.Pal. 1991 I Chr.crim. 170) : La partie civile constituée devant le juge d’instruction ne peut abandonner la voie de l’instruction préparatoire en cours pour traduire quiconque, en raison des mêmes faits, devant la juridiction correctionnelle par voie de citation directe.
La constitution de partie civile produit effet jusqu'à la fin des poursuites.
Cass.crim. 20 octobre 2010 (n° 10-81118 - Gaz.Pal. 2 décembre 2010) : Les dispositions de l'art. 425 C.pr.pén. selon lesquelles la partie civile qui ne comparaît pas est présumée se désister de sa constitution ne sont pas applicables devant la juridiction du second degré.
Cass.crim. 23 juin 2009 (Gaz.Pal. 1er octobre 2009) : Il se déduit de l'art. 190 C.pr.pén. que, lorsque le ministère public a décidé de requérir la réouverture de l'information sur charges nouvelles, la constitution de partie civile reprend tous ses effets.
Une loi du 2 juillet 1931 avait interdit la publication d'informations sur une constitution de partie civile, avant que l'information ne soit diligentée ; elle entendait ainsi faire échec au chantage judiciaire. Une loi du 9 mars 2004 l'a malencontreusement abrogée, à la suite de l'arrêt suivant :
Cass.crim. 27 mars 2001 (Bull.crim. n° 80 p.263) : Le délit de publication, avant décision judiciaire, d'information relative à des constitutions de partie civile, prévu par l'art. 2 de la loi du 2 juillet 1931, par l'interdiction générale et absolue qu'il prévoit, instaure une restriction à la liberté d'expression qui n'est pas nécessaire à la protection des intérêts légitimes énumérés par l'art. 10.2 de la Conv. EDH. Étant, dès lors, incompatible avec l'art. 10 de la Convention précitée, l'art. 2 de la loi du 2 juillet 1931 ne saurait servir de fondement à une condamnation pénale.
CONSTITUTION DE PARTIE CIVILE (Plainte avec)
Cf. Abus de constitution de partie civile*, Action civile*, Citation directe*, Consignation*, Plainte*.
La plainte avec constitution de partie civile consiste en une lettre, datée et signée par l’intéressé, qui est adressée au juge d’instruction. Son auteur indique les faits dont il s’estime victime et précise qu’il en demande réparation (art. 85 C.pr.pén.) ; il signale également l’adresse à laquelle les actes de procédure devront lui être notifiés. Cette sorte de plainte déclenchant l’action publique, le juge d’instruction doit sur le champ la communiquer au procureur de la République afin qu’il puisse prendre ses réquisitions ; en principe, il aura également le devoir d’informer sur les faits dénoncés.
Merle et Vitu (Traité de droit criminel T.II) : La plainte avec constitution de partie civile saisit le juge d'instruction et l'oblige à ouvrir une instruction et à la mener jusqu'à une ordonnance de clôture ... Cette solution a été donnée par le célèbre arrêt Thirion, rendu par la Chambre criminelle le 8 décembre 1906 et souvent appelé l'arrêt Laurent-Atthalin du nom de son rapporteur (D. 1907 I 207).
Cass.crim. 8 février 2000 (Gaz.Pal. 2000 II Chr.crim. 1516) : Il ne résulte ni de la plainte, ni d’aucune autre pièce de la procédure que la partie civile ait satisfait à l’obligation, imposée par l’article 89, alinéa 1 du Code de procédure pénale, de déclarer une adresse. Il s’ensuit qu’en application des dispositions du dernier alinéa du texte précité, la partie civile appelante ne peut opposer le défaut de notification à elle-même de l’ordonnance de non-lieu entreprise.
Cass.crim. 5 octobre 1999 (Gaz.Pal. 2000 I Chr.crim. 1137) : Aux termes de l’article 85 C.pr.pén., toute personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit peut, en portant plainte, se constituer partie civile devant le juge d’instruction compétent. Le juge d’instruction, saisi, en application de l’article 85 C.pr.pén., par une personne qui, se prétendant victime d’un délit, entend se constituer partie civile, ne peut, par le seul examen abstrait de l’inculpation visée par le plaignant, se prononcer, sans instruction préalable, sur le caractère délictuel ou contraventionnel desdits faits, décider qu’ils ne constituent qu’une contravention, et, par voie de conséquence, déclarer la constitution de partie civile irrecevable par application de l’article 85 précité.
CONSTITUTION DE PARTIE CIVILE INCIDENTE
- Lorsque le ministère public a pris l’initiative de poursuites portant sur certains faits, la personne qui s’estime victime de ces faits a la possibilité d’intervenir à tout moment dans la procédure pour demander réparation du dommage qu’elle dit avoir subi (art. 418 et s. C.pr.pén.).
Pradel (Procédure pénale) : La victime peut se constituer partie civile par voie d’intervention… à tout moment au cours de l’instruction… Devant la juridiction de jugement, elle peut le faire avant l’audience par une déclaration au greffe… elle peut encore le faire à l’audience jusqu’à la clôture des débats.
- L’intéressé peut même attendre l’audience de la juridiction de jugement, ce qui lui permet de témoigner sous serment avant de se porter partie civile. Mais il doit se constituer avant que le ministère public n’ait pris ses réquisitions sur le fond.
Cass.crim. 1er juin 1994 (Bull.crim. n° 220 p.536) : Cinq personnes, citées en qualité de témoins, après leur audition sous serment, se sont immédiatement constitués parties civiles. Dès lors que ces personnes n’avaient pas la qualité de partie civile au moment où elles ont été entendues comme témoin, serment préalablement prêté ; il n’a été commis aucune violation de l’art. 335 C.pr.pén.
Cass.crim. 13 décembre 1990 (Gaz.Pal. 1991 II Chr.crim. 277) : La règle du double degré de juridiction fait obstacle à ce que la partie civile, quelle que soit la raison pour laquelle elle n’a pas été partie au jugement de première instance, intervienne pour la première fois en cause d’appel.
- Certains organismes tels que les tiers payeurs, notamment les caisses de sécurité sociale, peuvent également utiliser la voie de l’Intervention*, au titre l’action civile réparatrice.
Cass.crim. 26 novembre 1991 (Gaz.Pal. 1992 I Chr.crim. 170) : Si les caisses de sécurité sociale sont recevables à intervenir devant les juridictions répressives aux fins prévues par l’art. L.397 C. sécur. soc., une telle intervention n’échappe pas, pour autant, aux règles qui concernent l’exercice de l’action civile, telles qu’elles résultent, notamment, des art. 418 à 426 C.pr.pén. En particulier, leur action, comme toute action civile, doit être exercée devant la juridiction du premier degré et avant les réquisitions du ministère public sur le fond, conformément à l’art. 421 C.pr.pén.
CONSUL - Voir : Agents consulaires*.