DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL
- Professeur Jean-Paul DOUCET -
Lettre C
(Vingt-et-unième partie)
CORBEAU
Cf. Diffamation*, Injures*, Lettres missives*, Maître chanteur*, Menaces*, Voie de fait*.
Voir :
Le "Corbeau" signait "L'oeil de tigre"
Pour un exemple, voir le
Cas pratique n° 67.
On désigne sous le nom de « corbeau » (oiseau dont l'apparition est tenue pour de mauvais augure) une personne qui envoie des lettres anonymes à ses concitoyens afin de les insulter, de les menacer ou de leur causer un choc émotif. Selon le cas, il pourra être poursuivi des chefs d'injure, diffamation ou outrage, de menace, sinon de voie de fait (violence volontaire de type objectif, à laquelle peuvent être rattachées toutes les suites envisageables de cette agression : notamment un suicide). En langage savant, on parle d'un « anonymographe ».
Lambert (Droit pénal spécial) illustre ce type de criminalité
en ces termes : Les nombreuses lettres expédiées par le maniaque atteint d' "anonymographie" annoncent toutes à leur destinataire quelque malheur à
eux déjà survenus ou menaçant de leur avenir.
Cass.crim. 13 juin 1991 (Gaz.Pal. 1992 I Chr.crim.
12) : Une cour d'appel décide à bon droit qu'est constitutif du délit de violences ou voies de fait avec préméditation prévu par l'art. 309 alinéa 2,
5° C.pén. le fait d'adresser par la voie postale quarante-cinq lettres anonymes contenant des papiers sur lesquels étaient dessinés des croix gammées et
des cercueils et, dans certains cas, des écrits injurieux parfois menaçants, dès lors que ces envois ont, par leur contenu, «vivement impressionné les
destinataires, ainsi que le prévenu le souhaitait». En effet, les violences et voies de fait visées par ce texte comprennent celles qui, sans atteindre
matériellement la personne ni lui causer d'incapacité de travail, sont cependant de nature à provoquer un choc émotif.
Encyclopédie Microsoft Encarta : Dans une
petite ville de province, le docteur Germain (Pierre Fresnay) est la cible de lettres anonymes signées « Le corbeau », qui l’accusent d’être l’amant de
Laura (Micheline Francey), la femme du docteur Vorzet (Pierre Larquey), le psychiatre de l’hôpital, et de pratiquer des avortements clandestins. Les
soupçons se portent tour à tour sur les collègues du docteur avant de s’étendre à toute la population de la bourgade. L’affaire prend une ampleur
démesurée et provoque drame sur drame, sans d’ailleurs épargner les notables du lieu. Un patient de l’hôpital met fin à ses jours après avoir appris par
une missive du corbeau qu’il était atteint d’un cancer. La mère du suicidé (Sylvie) décide par vengeance de traquer le coupable qu’elle découvrira en
même temps que le docteur Germain.
CORESPECTIVE - Voir : Complicité corespective*.
CORPS DE L’HOMME
Cf. Âme*, Bioéthique*, Blessure*, Cadavre*, Castration*, Coups et blessures*, Dignité de la personne humaine*, Empreinte génétique*, Examen corporel*, Expérimentation sur la personne humaine*, Homme (honnête)*, Intégrité physique*, Mutilation*, la Pensée (l' Esprit)*, Personne humaine*, Santé*, Sépulture*, Vie*.
Voir :
Jean-Paul Doucet,
« La protection de la personne humaine » (4e éd.), n° I-117,
p.75
- Notion. Le corps humain
est essentiellement constitué d'un ensemble coordonné d'organes ayant pour
mission, d'une part de préserver sa propre survie, d'autre part d'assurer la perpétuation de l'espèce humaine. Il comprend des éléments physiques et un élément psychique animé
par un
souffle vital.
Dans un sens large il comprend des éléments subsidiaires tels
que les cheveux et les ongles, voire des accessoires tels que
les lunettes d'un mal-voyant ou la canne d'un handicapé.
Dictionnaire Larousse des synonymes :
Le mot corps désigne l'ensemble des parties matérielles des
organes qui constituent un être animé, et principalement l'homme.
Vergely
(Dico de la philosophie) : L’homme est doté d’un corps et
d’une âme. Si par son corps il est soumis au déterminisme de la
nature, par son âme il possède une liberté à l’égard de la
nature, qui lui permet d’avoir du recul par rapport à celle-ci.
Marzano-Parisoli
(in Dictionnaire d'éthique) : Le corps est une réalité
ambiguë : c'est une chose qui est nôtre, ou plutôt que nous
sommes.
- Règle morale. Pour les spiritualistes le corps de l'homme apparaît habité par une Âme, disons ici une Conscience. Par l'intermédiaire de la Pensée, cette dernière permet à chacun de distinguer le Bien du Mal, et de bénéficier de son Libre arbitre, lui permettant normalement de choisir entre les deux voies qui s'ouvrent à lui. Le corps humain présente par suite un caractère sacré ; il doit être traité avec soin de son vivant, et avec respect après sa mort.
Pufendorf (Le
droit de la nature) : Quoique le Soin de l'Âme soit le
plus considérable et le plus difficile, il ne faut pourtant pas
négliger le Soin du Corps : car ce qui soutient le Corps
soutient aussi l'Âme ; et quand le corps est mal disposé,
l'Esprit ne saurait rien produire d'excellent .
Chemin
(Code de religion et de moralité) selon Pythagore : Ne
néglige pas ta santé : donne à ton corps, mais avec modération,
le boire, le manger, l'exercice. Tu ne pourrais passer cette
mesure sans te nuire.
Bruguès
(Dictionnaire de morale catholique) : NIl faut
apprivoiser le corps en lui tenant le langage de l'harmonie...
Le corps nous est donné, mais il ne nous appartient pas ; nous
n'en sommes pas les maîtres ; il est placé sous notre garde.
Payot
(La morale à l'École primaire) : Nous devons donner à
notre corps la plus grande vigueur, en veillant sur notre
nourriture, notre sommeil, notre respiration. En outre les
découvertes de Pasteur nous imposent une propreté méticuleuse.
Alexis
Carrel, prix Nobel de médecine (La prière) : Parler de
la prière aux hommes modernes paraît, au premier abord, être un
effort bien inutile. N'est-il pas indispensable, cependant que
nous connaissions toutes les activités dont nous semblent
capables ? Car nous ne pouvons laisser aucune d'entre elles
inutilisée sans grave danger pour nous et nos descendants.
L'atrophie du sens du sacré et du sens moral se montre
aussi nuisible que l'atrophie de l'intelligence.
Decocq
(Essai d'une théorie générale des droits sur la personne) :
La cohésion des diverses parties qui composent le corps humain
le fait apparaître comme un merveilleux agencement d'éléments
qui, chacun, jouent un rôle dans le phénomène de la vie. C'est
ce qui donne au caractère humain son caractère sacré... C'est
alors une aura magique qui l'entoure : le corps est tabou et
cette sacralité survit à la personne.
Paulo
Coelho (Maktub) : Le Maître dit :
« Nous devons prendre
soin de notre corps. Il est le temple du Saint-Esprit et mérite
notre respect et notre tendresse ».
Pour les matérialistes en revanche le corps de l'homme est limité à ses composants physiques ; en sorte qu'ils vont jusqu'à parler d'un « Homme-Machine ».
La
Mettrie (L'Homme-Machine) : Concluons donc hardiment que
l'Homme est une Machine, et qu'il n'y a dans tout l'Univers
qu'une seule substance diversement modifiée.
Ahrens
(Cours de droit naturel) : Fourier ne veut réformer
l'homme que du dehors ; il ne connaît pas la moralité. Aussi sa
doctrine ne saisit-elle pas l'âme et le cœur,
ce qu'il y a d'élevé et de divin dans l'homme ; elle ne pouvait
être goûtée que de ceux qui perdent de vue le fond, et qui,
nourris peut-être par des études mathématiques, dans lesquelles
on fait abstraction du fond des choses, s'étaient épris du
caractère mathématique de ce mécanisme social.
Minois (La
Révolution Française) : Le
comble de la sauvagerie et du cynisme semble atteint avec cette
sombre et authentique affaire de tannerie de peau humaine et de
culottes de peau humaine, portées par des Conventionnels, dont
Saint-Just...
Rapport de Saint-Just à la commission des moyens
extraordinaires du 14 août 1793 : « On tanne à Meudon la peau
humaine. La peau qui provient d'hommes est d'une bonté
supérieure à celle des chamois. Celle des sujets féminins est
plus souple, mais elle présente moins de solidité ».
Courtois (Le livre noir du communisme) donne un
exemple de violation du principe de la dignité du corps humain : En Bulgarie, dans le camp de Béléné, on donnait en pâture aux cochons les
cadavres des détenus morts ou assassinés.
- Science criminelle. C’est en raison de
sa dignité particulière que le Corps humain constitue un Intérêt
protégé* de premier rang, que le législateur pénal
a l’obligation absolue de sauvegarder, même après la mort de
l'intéressé.
Ce dernier n'est au reste pas libre de disposer de
son corps et de sa vie car il se doit, tout à la fois, à ses proches et à sa
nation.
Relevons pour le moment que le cerveau de l'homme,
siège de la Pensée*, appelle une
protection pénale renforcée, rendue possible par le fait qu'il
repose sur une structure matérielle.
Carbonnier (Droit
civil, T.I) : Le corps humain est le substratum de la
personne... De ce qu'il est la personne elle-même, le corps tire
une place tout à fait particulière dans le droit. Il a, en
quelque manière, un caractère sacré. Il est doublement défendu :
1°/ Contre les atteintes des tiers par une sorte d'interdit,
l'inviolabilité du corps humain ; 2°/ Contre le pouvoir de
l'individu lui-même, par des restrictions à l'autonomie de la
volonté.
Vitu
(Traité de droit pénal spécial, T.II) :
À la personne, l'éthique moderne
reconnaît une dignité éminente sur laquelle philosophes et
moralistes ont insisté à l'envi... L'être humain a, en premier
lieu, droit à la vie et à l'intégrité corporelle.
Bautain (Philosophie des lois, 1860) : Il faut
vivre avec tempérance. La maxime est vraie ; car la tempérance est une vertu qui préserve de bien des maux et de beaucoup de vices. Mais elle n'est pas
évidente par elle-même. Car qu'est-ce que la tempérance ? Pourquoi faut-il être tempérant ? Cela suppose qu'on connaît les rapports exacts de l'âme et du
corps, que le corps ne doit avoir de satisfaction que dans une certaine mesure, avec certaines limites, et c'est justement dans la pondération des
satisfactions de l'âme et du corps, dans la fixation de ces limites que consiste la tempérance.
Cour EDH 28 octobre 1998 ( JCP 1999 I 105 n°8).
Observations Sudre : L'art. 2 Conv. EDH fait peser sur l'État non seulement une obligation positive d'assurer le droit à la vie en mettant en place une
législation pénale concrète dissuadant de commettre des atteintes contre les personnes, mais aussi
« une obligation positive de prendre préventivement
des mesures d'ordre pratique pour protéger l'individu dont la vie est menacée par les agissements criminels d'autrui
».
Exemple (La
Meuse 10 mars 1978) : Un ex-policier brésilien qui avait
annoncé la mise en vente d'un de ses reins pour résoudre ses
difficultés financières a changé d'avis et décidé de vendre un
rein de son épouse. Il a explique qu'il avait décidé, de de
commun accord avec son épouse de vendre un rein de celle-ci,
expliquant que son état de santé était meilleur. La vente du
rein doit permettre à la famille Monteiro d'acheter une maison
dans la banlieue de Brasilia.
Le corps de l’homme est aussi préservé, sur le plan de la Bioéthique* ; les législateurs contemporains incriminent notamment le fait de prélever un organe sur un être humain sans son consentement légitime. À plus forte raison, le trafic d'organes est condamné par les instances internationales.
Exemple. La presse du 25 février 1998 rapporte
que deux ressortissants chinois auraient été arrêtés à New York, alors qu’ils négociaient la vente d’organes de prisonniers exécutés en Chine
communiste. Rein, foie, pancréas, poumon, cornée, morceaux de peaux figuraient à ce honteux catalogue.
Exemple (Télétexte TF1 23 avril 2009) : Une
trentaine de personnes, en grande difficulté financière, ont placé des annonces sur Internet où elles proposent de vendre des parties de leur corps.
[cette annonce rappelle que, sur la fin de l'Empire romain, des personnes ruinées en étaient réduites à se vendre comme esclaves pour survivre]
Exemple (Le Figaro 15 décembre 2010) : En 2008
Carla del Ponte, Procureure du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) de 1999 à 2008, publie un livre témoignage dans lequel elle
accuse de hauts responsables albanais du Kosovo d'avoir organisé un trafic d'organes humains prélevés sur quelque 300 prisonniers serbes... . Le projet
de rapport de la Commission des droits a été présenté mercredi à Strasbourg par son rapporteur, le Suisse Dick Marty. Celui-ci est
formel : les accusations de Carla del Ponte sont fondées. S'appuyant sur « de nombreux indices concrets et convergents », il conclut que l'UCK a bien
soumis des prisonniers « à des traitements inhumains et dégradants » et que « des organes auraient été prélevés » sur certains d'entre eux, destinés à un
trafic international. Dans un document de 23 pages, Dick Marty détaille le processus. Selon les témoignages recueillis par sa mission, les prisonniers
étaient emmenés dans une clinique en territoire albanais, près de Fushë-Krujë, à 20 km au nord de Tirana. Là, ils étaient tués d'une balle dans la tête
avant d'être « opérés pour qu'un ou plusieurs organes leur soient prélevés ». Il s'agissait principalement du prélèvement posthume de reins, qui étaient
vendus à des cliniques privées étrangères.
- Droit positif français. De manière générale le droit contemporain prescrit le respect du corps humain et le place hors du domaine patrimonial. Sur le plan de la bioéthique, voir les art. 511-2 et s. C.pén.
Jeandidier
(Droit pénal général) : Une
théorie individualiste a été soutenue selon laquelle l'être
humain naît libre et doit donc avoir le droit de disposer
librement de sa vie et de son intégrité physique... Le droit
français rejette sans ambages cette conception... Ainsi, au
siècle dernier, elle a décidé qu'un duelliste tuant son
adversaire était un meurtrier : l'acceptation par la victime de
cette issue fatale est inopérante.
Paris (1re Ch.) 6 janvier 1995 (Gaz.Pal. 1995 I
193) : Le corps de l’homme est hors du commerce.
Trib.corr.
Saint-Dié 7 juin 1945 (Gaz.Pal. 1945 I 218) : Le fait de
couper les cheveux d'une femme contre son gré constitue un acte
de violence.
Trib.adm. Rouen 27 décembre 2007 (JCP 2008 II 10041
note Labbée) : L'art. 16-1 C.civ., qui exclut la patrimonialité du corps humain, ne fait pas obstacle à l'application à un vestige humain figurant
dans une collection d'un musée national de l'art. L. 451-5 C.patr. qui déclare que les biens constituant les collections des musées de France sont
inaliénables.
Cass.crim. 3 février 2010 (Gaz.Pal. 11 mars 2010) :
Les prélèvements effectués sur le corps humain à des fins de recherches médico-légales pour les nécessités d'une enquête ou d'une information, qui ne
peuvent faire l'objet d'un droit patrimonial aux termes de l'art. 16-1 C.civ., ne constituent pas des objets susceptibles de restitution au sens de
l'art. 41-4 C.pr.pén.
Par exception au principe de la responsabilité subjective, le législateur est même allé, en ce domaine, jusqu’à asseoir la répression pénale sur les techniques de la responsabilité objective (art. 222-1 et s. C.pén.).
Levasseur (Cours de droit pénal spécial) : Les peines
dépendent essentiellement de la gravité des conséquences que les agissements du prévenu ont entraînées pour l’intégrité corporelle de la victime.
CORPS DU DÉLIT
Cf. Éléments constitutifs de l'infraction*, Matérialité*.
Voir :
Jean-Paul Doucet,
« La loi pénale » (4e éd.), n° I-113, p.162
Voir :
Jean-Paul Doucet,
« Le jugement pénal » (3e éd.), p.41 (note 1) / p.123
(note 4) / p.287 (note 5) / p.331 (notes 7 et 9)
Voir :
Mittermaïer, La force probante des constatations
faites par le juge lui-même
L’expression « corps du délit » (corpus delicti) peut être prise dans un sens large et dans un sens étroit.
- Dans un sens large, le corps du délit est constitué par l’ensemble des éléments matériels de fait qui caractérisent l’infraction. L’importance de cette notion (vieillie) vient de ce que les juges répressifs sont saisis de faits (saisine in rem), et ne peuvent dès lors statuer que sur la base de ces faits. C’est pourquoi la police judiciaire et le juge d’instruction doivent soigneusement recueillir, sur les lieux de l’infraction, les traces matérielles qu’elle a laissées.
De Ferrière (Dictionnaire de droit) : Le corps de
délit est l’existence d’un délit qui se manifeste évidemment, de manière qu’on ne peut douter qu’il n’ait été commis, et dont il ne soit question que de
découvrir et de convaincre l’auteur… Il faut de nécessité qu’il y ait un corps de délit qui soit bien constaté, avant qu’on puisse condamner un homme.
Par exemple, un homme est sorti de chez lui avec un autre, et n’a point reparu depuis ; quelque présomption que l’on puisse avoir que celui avec qui
il est sorti, le dernier jour qu’il a paru, l’a tué, il n’y a point de corps de délit. Ce serait le cadavre qui, en ce cas, manifesterait le corps du
délit ; l’absence n’en est pas une preuve suffisante.
Ortolan (Éléments de droit pénal) : On dit le corps du
délit comme on dit le corps de l’homme, en faisant abstraction de la nature morale qui s’y trouve unie forcément. L’expression est prise au physique,
pour désigner l’ensemble complet des éléments matériels dont se forme le délit.
Garraud (Précis de droit criminel, 15e éd.) : La charge de
la preuve incombe à l'accusation : cette preuve doit porter et sur l'existence de l'infraction, c'est-à-dire sur le corps du délit, et sur la
participation matérielle et morale de l'inculpé.
Acollas (Les délits et les peines) : L’acte ou le fait
extérieur du délit, qui varie indéfiniment avec les différents délits, et qui est susceptible de se décomposer en une foule d’autres, a reçu le nom
technique de corps du délit.
Code de procédure pénale espagnol. Du corps du
délit, Art. 334 : Le juge qui instruit s’emploiera à recueillir dans les premiers moments les armes, instruments ou objets de toute nature
qui peuvent avoir une relation avec le délit et qui se trouvent au lieu où celui-ci a été commis, ou dans les environs, ou qui sont en possession du
délinquant, ou d’une autre partie identifiée, en faisant en sorte que le procès-verbal relate le lieu, le temps et l’occasion en lesquels on les trouve,
en en faisant une description minutieuse pour qu’on puisse se former une idée juste de ce qu’ils sont et des circonstances de leur découverte.
- Dans un sens étroit, l’expression « corps du délit » ne couvre que les biens sur lesquels l’infraction a porté (art. 443- 6 C. pén. in fine). Par exemple l’objet passé en fraude dans le cas de la contrebande.
Cass.crim. 23 novembre 1981 (Bull.crim. n° 310
p.812) : En matière d’infractions aux lois sur les contributions indirectes, toute contravention légalement établie entraîne la confiscation des
objets et marchandises saisis, cette sanction s’attachant au corps du délit, indépendamment de toute condamnation de l’agent.
CORRECTION - Voir : Droit de correction des parents et enseignants*.
CORRECTIONNALISATION
Cf. Compétence d’attribution*, Contraventionnaliser*, Criminalisation*, Dépénaliser*, Disqualification*, Légalité des poursuites*, Qualification*, Qualifier- disqualifier - requalifier*.
Voir :
Levasseur, La dépénalisation
- Notion. La correctionnalisation peut consister dans le fait, pour le législateur, de faire descendre un acte
prohibé du rang des crimes à celui des délits. On se trouve alors en présence d'une loi plus douce, d'application immédiate.
Mais la correctionnalisation la plus fréquente consiste, de la part du ministère public ou du juge d’instruction, à négliger certains aspects des faits
de l’espèce, dans le but de renvoyer l’affaire devant le tribunal correctionnel plutôt que devant la cour d’assises.
Donnedieu de Vabres (Traité de droit criminel) : La
correctionnalisation consiste à porter devant un tribunal correctionnel une affaire qui relève, normalement, de la cour d'assises.
Exemple (Le Télégramme 4 mai 2002). Hier
matin, G. J..., 52 ans, comparaissait devant la chambre correctionnelle de la cour d’appel. Le 6 août 2000, à bord d’une voiture, transformée en engin
incendiaire, il avait foncé sur un bungalow de vacances dans laquelle se trouvaient cinq membres de son ex-belle famille… Le prévenu avait été condamné
le 24 juillet 2001 par le tribunal correctionnel de Brest à 15 ans de prison pour récidive de dégradation du bien d’autrui, vol et violences aggravées.
Fait rarissime, le prévenu a fait demander à la cour d’appel de se déclarer incompétente au profit de la cour d’assises du Finistère.
- Appréciation critique. L’avantage consiste en l’utilisation d’une procédure plus rapide et plus économique. Le risque, pour la défense, consiste dans le fait de se trouver face à des juges professionnels réfléchis, plutôt que devant un jury influençable. Le danger pour la société réside en ce que des agents publics donnent l’exemple d’une fraude à la loi.
Proal (Le crime et la peine) : Dans la pratique, par la
correctionnalisation des affaires criminelles, en écartant les circonstances aggravantes ou on atténuant les qualifications, les parquets et les juges
d’instruction font juger par les tribunaux correctionnels beaucoup de faits qui sont, en l’état, de la compétence de la cour d’assises.
Garofalo (La criminologie) : Une des institutions les
plus absurdes, qui dérive des circonstances atténuantes, c’est la correctionnalisation des crimes.
- Illicéité de principe. La Cour de cassation sanctionne cette pratique chaque fois que l'occasion lui en est fournie. En pratique, d’ailleurs, le procédé ne fonctionne que si aucune des parties d’un procès donné n’en soulève l’irrégularité.
Merle et Vitu (Traité de droit criminel) : La
correctionnalisation avant jugement est à la fois illégale et génératrice de graves conséquences. L’illégalité résulte de ce que le procédé est contraire
aux règles de la compétence pénale, qui sont d’ordre public. Quant aux inconvénients, ils sont multiples ; arbitraire dans la répression, le même
fait étant, selon les parquets, correctionnalisé ou renvoyé aux assises ; énervement de la répression, puisqu’on détruit l’effet de prévention
générale que produit la comparution aux assises ; découragement que ressentent les agents de répression à voir poursuivis en correctionnelle de
dangereux malfaiteurs ; torture infligée aux textes pour découvrir à tout prix une qualification correctionnelle.
Cass.crim. 3 février 1988 (Bull.crim. n° 55
p.154) : Il résulte des constatations de l’arrêt attaqué que le vol imputé aux prévenus aurait été commis de nuit, par deux ou plusieurs
personnes et par effraction ; dès lors ils entraient dans les dispositions de l’art. 382 dernier alinéa C.pén. ; ainsi, en l’état des faits
constatés la juridiction correctionnelle était incompétente pour en connaître. Arrêt censuré et annulé.
Cass.crim. 20 juillet 2011, n°10-83763 (Bull.crim.
n° 160 p.636) : En matière répressive, la compétence des juridictions est d’ordre public. La cour d’appel doit examiner, même d’office, sa
compétence et se déclarer incompétente si les faits poursuivis sont du ressort de la juridiction criminelle. L’exception d’incompétence peut être
soulevée d’office devant la Cour de cassation.
CORRESPONDANCES - Voir : Lettres missives*.
CORRUPTION DE POLITICIENS ET DE FONCTIONNAIRES
Cf. Cupidité*, Délits pénaux – Délit de fonction*, Ingérence*, Marché public*, Pot-de-vin*, Probité*, Trafic d’influence*, Témoin*, Vertu*.
Voir
: Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° 12,
p.24 / n° I-2, p.124 / rapprocher : n° 123, p.95
Voir
: Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° II-I-155 et
s., p.420 et s. / n°41 p.43
Voir :
Lois des Bourguignons, vulgairement nommées Loi Gombette (voir
l'introduction)
Voir :
Un cas de corruption de magistrat à Paris au XVIIe siècle
- Notion. La corruption est le fait, soit pour un agent public de solliciter ou d’agréer des dons, présents ou avantages pour accomplir ou s’abstenir d’accomplir un acte de sa fonction, soit pour un administré de le solliciter dans le même but. Ce délit peut être commis par tout agent public, s'agirait-il d'un homme politique.
Jeandidier (Article
« Corruption et trafic d'influence
» de l'Encyclopédie Dalloz, éd.
2014) :
1 - La corruption est une lèpre qui a toujours rongé
toutes les sociétés de tous les temps. L'histoire en offre de
multiples et lamentables exemples... D'abord celui de Caius
Licinius Verrès, propréteur de Sicile, qui avait mis cette riche
province en coupe réglée, la pillant sans vergogne et, entre
autres méfaits, rançonnant les plaideurs pour rendre la
justice...
2 - L'universalité du phénomène transparaît
notamment avec le classement des pays en fonction de leur degré
de corruption. Si les nations sous-développées figurent sans
surprise dans le groupe des pays les plus corrompus, ce n'est
pas à dire que les pays les mieux notés sont épargnés par le
fléau, loin de là. La France ne brille d'ailleurs pas
particulièrement à ce niveau, occupant en effet la 25e place en
2010 et 2011... Rien qu'en Europe, pour les 28 États de l'Union
européenne, le coût annuel de la corruption est évalué par la
Commission européenne à 120 milliards d'euros. Effarants et
affligeants constats.
Plutarque (Vie de Pompée) : Pendant que Pompée
temporisait, César corrompait à prix d’argent plusieurs magistrats, entre autres le consul Paulus, qu’il attira à son parti en lui donnant quinze cents
talents.
Riché
(La vie quotidienne dans l'empire carolingien) : Missus
dominici, Théodulf raconte : « Celui-ci me promet une coupe de
cristal et de perles de l'Orient, si je le rends maître du
domaine d'autrui. Celui-là m'offre un pesant amas de sous d'or,
si je consens à lui livrer des métairies, des champs et des
maisons... » La corruption est de toutes les époques.
Proal
(La criminalité politique) : Avec le suffrage universel, le
nombre des citoyens qui s'occupent de politique étant plus grand
qu'autrefois, et la politique étant pour beaucoup d'entre eux un
moyen de parvenir et de s'enrichir par le trafic des influences, la
corruption est devenue plus générale. Le président Roosevelt estime
que, aux États-Unis, un tiers environ des députés sont susceptibles
de corruption sous une forme quelconque.
Exemple (Ouest-France
24 octobre 2013) : Les ennuis de l'ex-chef du gouvernement
italien, Silvio Berlusconi ne sont peut-être pas finis. Il a été
renvoyé en justice mercredi par un magistrat de Naples pour une
affaire de corruption dans laquelle il est accusé d'avoir versé
trois millions d'euros à un sénateur d'opposition pour qu'il
change de camp. L'affaire remonte aux élections législatives de
2006.
Danger (Ouest-France
4 février 2014) : Europe : le boulet de la corruption. La
corruption coûte à l'économie des 28 pays de l'Union Européenne
presque aussi cher que le budget de l'U.E. elle-même : environ
120 milliards € par an, selon un rapport rendu public hier à
Bruxelles par la commissaire suédoise... Si les secteurs de
l'urbanisme et de la construction semblent les plus propices au
versement de commissions à des élus ou à des fonctionnaires.
- Règle morale. Toutes les écoles de philosophie ou de théologie morale condamnent bien évidemment la corruption, et en particulier la corruption des juges.
Ahrens (Cours de droit naturel) :
L’administration doit être probe et ne pas employer des moyens de corruption envers des administrés. Un pouvoir démoralisé et démoralisateur attaque
toujours une nation dans les fondements de son existence.
Vittrant (Théologie morale) : Corrompre un
fonctionnaire, pour ne pas payer ce qu'il devrait exiger, constitue une faute de complicité à un acte de stricte injustice contre l'État.
Saint-Just (Fragments sur les institutions républicaines)
: Les institutions sont ... la garantie du peuple et du citoyen contre la corruption du gouvernement.
Catéchisme de l’Église catholique, § 2409 : Est
moralement illicite la corruption par laquelle on détourne le jugement de ceux qui doivent prendre des décisions selon le droit.
Li Chang, Grand censeur sous la Chine impériale,
rapporte dans ses souvenirs : Tao, connaissant mon amour de la poésie, composa des vers en l'honneur de mon anniversaire, les fit calligraphier par un
érudit célèbre sur une pièce de soie brune et monter en rouleau. Ce cadeau, à mes yeux aurait été sans prix, s'il n'avait été taré. En ouvrant le rouleau
j'avais trouvé attaché à l'un des coins, une mince feuille de papier rouge portant ces mots ; « Offert respectueusement 1.000 taëls payables à la
banque Mou Chi comme cadeau d'audience ». Dans un mouvement de rage, j'inscrivis à même la soie : « Les Lettres sont choses précieuses ; le
métal ne perd jamais son odeur ; comment avez-vous l'audace de les mêler ? Pour ne pas souiller mon foyer, je vous renvoie d'inacceptables richesses
! ».
- Science criminelle. Dès lors qu’il ne peut être que l’œuvre d’une personne exerçant une fonction publique, ce
délit relève de la catégorie des Délits de fonction*.
Il est réprimé par tous les législateurs ; mais il présente une gravité particulière dans une démocratie libérale, que Montesquieu fait reposer sur
la vertu et l’attachement à l’intérêt général.
Voir :
Tableau des incriminations protégeant la
fonction législative (selon la science criminelle)
Voir :
Tableau des incriminations protégeant la
fonction judiciaire (selon la science criminelle)
Voir :
Tableau des incriminations protégeant la
fonction exécutive (selon la science criminelle)
Voir :
R. Garraud, Les éléments constitutifs du
délit de concussion
Alland
et Rials (Dictionnaire de la culture juridique). V° Corruption
par E. Peuchot : La création de toute société ayant pour
but la paix entre les individus repose sur le principe de
confiance. La corruption porte atteinte à cette nécessaire
confiance... La corruption doit donc être sévèrement réprimée
comme atteignant, au cœur
même, l'autorité de l'État.
Vouin (Droit pénal spécial) : La corruption passive est le
fait du fonctionnaire qui se laisse acheter, soit pour accomplir un acte de sa fonction, soit pour s'en abstenir. La corruption active, à l'inverse, est
commise par l'administré ou le justiciable qui rémunère la complaisance du fonctionnaire.
Pufendorf (Le droit de la nature) : Les méchants se
portent au crime par l'espérance de l'impunité, dont ils se flattent aisément, lorsqu'ils voient que les juges sont susceptibles de corruption ; il est
du devoir d'un Souverain de punir sévèrement ces sortes de juges, comme fauteurs des crimes qui portent atteinte à la sûreté publique.
Tocqueville (De la Démocratie en Amérique) : Tous les
fonctionnaires qui auront mis l'État en danger, par mauvaise administration, corruption, ou autres délits, dit la Constitution de Virginie, pourront être
accusés par la Chambre des députés.
Vitu (Juris-classeur pénal, art. 432-11) : La
corruption est un mal social endémique, dont les manifestations se découvrent à toutes les époques, dans tous les pays du monde et sous tous les régimes
sans exception. Mais, au cours de ces dernières années, ont éclaté en France un certain nombre d’affaires scandaleuses qui ont secoué l’opinion publique
et dans lesquelles se trouvaient mêlés… jusqu’à des ministres en exercice et des personnages placés très haut dans la hiérarchie de la République.
Terré (« Encore la corruption », Lettre du
Juris-classeur de juillet 1995) : Le phénomène de la corruption est ancien. On l'observait dans l'Antiquité. Notre temps semble pourtant marqué, pour
qui observe les médias, par sa croissance exponentielle. Les maires de quatre grandes villes poursuivis, voire incarcérés. Nombre d'hommes politiques mis
en examen. Un mal portant sur une somme évaluée à trois ou quatre cent millions. Vingt-neuf parlementaires ou ex-parlementaires poursuivis ou condamnés
... Les causes du mal sont décrites. Les unes sont d'ordre économique, que ce soit dans le cadre international ou national. Il est notoire que
lorsqu'elle veut arracher un marché au Proche-Orient, en Asie, en Afrique ... et même ailleurs, une entreprise doit souvent verser une importante
commission à un intermédiaire souhaitant garder l'anonymat. Or, ouvertement, officiellement, les bakchichs occultes versés à l'étranger par des
entreprises françaises pouvaient, jusqu'à une date encore récente, être fiscalement déduits de leurs bénéfices imposables avec l'agrément préalable de la
Direction générale des Impôts. Force est de constater que des pratiques comparables sont aussi avalisées alors qu'il s'agit, en France même, d'obtenir un
marché. On conviendra que ce mouvement va de pair avec un recul de l'éthique et que, d'ailleurs, cette régression a fortement caractérisé les régimes
totalitaires : nazisme, stalinisme. Mais l'affaissement affecte aussi en profondeur les démocraties libérales et, en termes sociologiques, nos sociétés
de consommation, si promptes à considérer que tout s'achète, même l'honneur, à condition d'y mettre le prix. Que l'argent ait toujours été respecté,
c'est bien vrai. Mais il entrait jadis en compétition avec d'autres valeurs aujourd'hui en déclin, si ce n'est oubliées. Enfin il faut relever des causes
d'ordre administratif. L'une tient à la place grandissante de l'Administration dans la société. Autrefois les mondes de la politique, de l'administration
et de l'argent coexistaient sans se confondre. Présentement, l'État ayant pris l'habitude de se mêler de tout et le slogan de la mobilité aidant, une
situation permanente d'osmose s'est instaurée entre ces trois mondes, ce qui a favorisé des connivences et des complaisances regrettables. L'autre cause
se relie à la décentralisation qui a conféré aux élus locaux des compétences sans commune mesure avec leurs aptitudes et provoqué la multiplication des
centres de décision exposés aux tentations accrues de l'argent. Les remèdes devraient être ordonnés de manière proportionnée à ces données…
Baillet (Le régime pharaonique) : De tout temps, sous le
régime pharaonique, on a suspecté l'intégrité des juges; on les a soupçonnés ou accusés ouvertement de corruption, ce complaisance coupable en faveur du
riche et du puissant.
Digeste de Justinien (48, 10, 1, 2). Marcien : Est puni par
la loi Cornélia celui qui a corrompu un juge, ou l'a fait corrompre.
Gernet
(La vie quotidienne en Chine à la veille de l'invasion mongole) :
Au XIe siècle, les canaux de Hang-tcheou étaient
périodiquement envahis par la vase et il fallait creuser à
nouveau leur lit tous les trois à cinq ans. C'était alors un
bouleversement général ; les travaux troublaient les activités
commerciales et importunaient toute la population. Ceux qui
avaient quelque moyen de pression sur les habitants en
profitaient pour se faire acheter. - Il faut déposer la terre
ici... - Il faut faire passer le canal d'écoulement par là... -
disaient-ils assez haut pour être entendus par qui de droit. Et
quand un propriétaire, effrayé par la perspective des
terrassements qui allaient être effectués chez lui, avait
grassement payé les chefs de chantiers, ceux-ci allaient exercer
le même chantage sur le propriétaire voisin.
Code annamite de Gia Long, art. 312 : Les
fonctionnaires condamnés pour corruption seront contraints seront contraints de rendre leur brevet. Commentaire officiel : Ils ne peuvent
jamais être réintégrés au service de l’État.
Code pénal du Japon. Art. 197 - (Accepter des
dessous de table...) : Un officier public qui accepte, sollicite ou promet d'accepter un dessous de table relativement à ses fonctions sera puni d'un
emprisonnement de 5 ans au plus ; et quand le fonctionnaire accepte d'accomplir un acte en réponse à une demande, l'emprisonnement sera de 7 ans au
plus.
Art. 198 - (Donner des dessous de table) : Une personne qui donne, offre ou promet de verser un dessous de table prévu aux articles 197 et s. sera
punie d'un emprisonnement de 3 ans au plus ou une amende de 2.500.000 yens au plus.
Code pénal du Texas. § 36.02 : Une personne
commet le délit de « brybery » si, intentionnellement ou en connaissance de cause, elle offre, accorde ou accepte d’accorder à autrui, ou
sollicite, accepte, ou consent d’accepter pour autrui, (1) quelque avantage dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en tant qu’agent public…
Code pénal suisse. Art. 322 ter : Celui qui
aura offert, promis ou octroyé un avantage indu à un membre d’une autorité judiciaire ou autre, à un fonctionnaire, à un expert, un traducteur ou un
interprète commis par une autorité, à un arbitre ou à un militaire, en faveur de l’un d’eux ou d’un tiers, pour l’exécution ou l’omission d’un acte en
relation avec son activité officielle et qui soit contraire à ses devoirs ou dépende de son pouvoir d’appréciation sera puni de la réclusion pour cinq
ans au plus ou de l’emprisonnement.
Senart, agent des Comités de la Convention,
rendit publique cette proposition que lui fit Héron, agent de Robespierre (après la mort de ce dernier) : Je voudrais vous prier de me rendre un
service important, vous le pouvez ; si vous faites ce que je vous demande, je vous remettrai à l’instant un effet de six cent livres, j’ajouterais
un présent de trois mille livres et je vous ferai avoir une place de six mille livres… Ma femme est une conspiratrice. Elle est complice de
Magon-Lablinaye. Elle est de Saint-Malo, donc le rapport dont vous êtes chargé offre une occasion certaine que je ne retrouverai plus ; il faut
mettre son nom dans le rapport. Quand on glisse le nom de quelqu’un dans une grande affaire, cela va ; et sur le nom désigné, on fait guillotiner,
il suffit d’indiquer le nom des complices ; on fait l’appel, les têtes tombent, et pouf, pouf, ça va !
Certains législateurs ont pris la précaution d'interdire aux proches d'un détenteur de l'autorité publique de profiter de cette situation pour solliciter des dons en tous genres.
Code annamite de Gia Long, art. 318 : Toute
personne de la famille d'un fonctionnaire ou d'un employé chargés d'un service de surveillance ou de direction qui, dans l'étendue du ressort de
l'autorité de ces fonctionnaires et employés, aura pris ou reçu des valeurs ou objets qu'elle aura extorqués par sollicitation ou qu'elle se sera fait
prêter... sera puni de la peine qu'aurait encourue le fonctionnaire ou l'employé diminuée de deux degrés. Commentaire officiel : Ce qui fait la
gravité du fait commis par des personnes de la famille, c'est qu'elles se prévalent de la puissance que donne l'autorité.
Le délit de corruption apparaît, en principe, comme une infraction instantanée. Mais dans le cas où les personnes en cause ont conclu un "pacte de corruption", bien évidemment entaché d'une nullité d'ordre public, les juges se trouvent en présence d'une infraction continue ou plus exactement successive.
Cass.crim. 29 juin 2005 (Bull.crim. n° 200
p.698) : Le délit de corruption est une infraction instantanée, consommée dès la conclusion du pacte entre le corrupteur et le corrompu.
Cass.crim. 29 septembre 1998 (Gaz.Pal. 1999 I
Chr.crim. p.4) : Pour déclarer à bon droit G... coupable de corruption active, les juges énoncent, par motifs propres et adoptés, que celui-ci
entretenait avec les employés de la morgue de l'hôpital de P... des relations privilégiées, que l'enquête avait établi que ceux-ci avaient reçu des
sommes d'argent pour orienter les familles vers l'entreprise de pompes funèbres de G...; ils ajoutent que la diminution du chiffre d'affaires de cette
société, constatée à la suite de la mise à pied des agents hospitaliers, établit l'existence d'un pacte de corruption antérieur entre ces derniers et
G... .
Cass.crim. 27 octobre 1997 (Gaz.Pal. 1998 I
Chr.crim. p. 4/5) : Le délit de corruption, consommé dès la conclusion du pacte entre le corrupteur et le corrompu, se renouvelle à chaque acte
d'exécution dudit pacte.
- Droit positif. Le droit français distingue entre la corruption passive et la corruption active. Il a été modifié par une loi du 13 novembre 2007 retouchant plusieurs articles du Code pénal, puis par une loi du 6 décembre 2013.
Voir :
Tableau des incriminations
assurant le bon fonctionnement de la justice (en droit positif français)
Voir :
Tableau des incriminations
assurant le bon fonctionnement de l'administration (en droit positif français)
Voir :
Tableau des
incriminations protégeant la liberté politique (en droit positif français)
Voir :
A. Vitu, La corruption
et le trafic d’influence
Larguier (Droit pénal spécial) : On parle
traditionnellement de corruption passive pour la personne qui se fait corrompre, et qui sera donc le corrompu, et la corruption active pour la personne
qui corrompt le fonctionnaire, et qui est donc le corrupteur.
Vitu (Droit pénal spécial) : Les deux termes de
corruption active et corruption passive sont consacrés par l’usage ; ils ont cependant le défaut de laisser croire que l’initiative revient toujours
au corrupteur, alors que celui-ci a souvent cédé aux sollicitations ou même aux exigences du corrompu.
- La corruption dite passive est le fait d’un agent public qui cherche à tirer un avantage illicite de sa fonction, au
détriment des administrés et au mépris de l’intérêt général (art. 432-11 C.pén., anciens art. 177 et 178).
L'art. 432-11-1 prévoit une exemption de peine au profit du
dénonciateur.
Lorsque la proposition émane d’un magistrat, d’un juré ou autre, c’est l’art. 434-9 al.1 qui reçoit application.
Cf. Concussion*, Favoritisme*, Ingérence*, Népotisme*, Pouvoir (abus de)*, Sollicitation*, Trafic d’influence*.
Garraud (Traité de droit criminel) : La corruption,
dans le sens général du mot, c’est, d’un côté, l’offre, d’un autre côté, l’acceptation d’un avantage quelconque pour faire ou s’abstenir d’un acte de la
fonction, de la charge ou de l’emploi. L’offre constitue la corruption active ; elle est l’œuvre de celui qui donne ou
promet. L’acceptation constitue la corruption passive ; elle est l’œuvre de celui qui reçoit ce qui ne lui est pas dû
ou en accepte la promesse.
Il est certain que la corruption passive rentre seule dans la catégorie des délits de fonction. Mais il est impossible, dans un code, de scinder
l’élément actif de l’élément passif de cette forme de délit.
Cass.crim. 19 octobre 1987 (Gaz.Pal. 1988 II somm.
269) : A justifié la condamnation pour corruption passive d’employés municipaux l’arrêt qui constate que ces
employés, chargés du contrôle du marché de travaux publics de peintures souscrit par une entreprise auprès de la ville, avaient accepté de la part de
celle-ci des versements en espèces qui n’avaient eu d’autre but que de leur faire accepter les factures pro forma à eux adressées et à les inviter, pour
l’avenir, à mettre en veilleuse toute surveillance effective des chantiers qu’ils supervisaient et tout contrôle efficace des documents à eux
fournis.
Cass.crim. 26 janvier 2011 (n°10-80155, Gaz.Pal. 14
avril 2011) sommaire : Constitue un acte facilité par la fonction, au sens de l'art. 433-1 1° C.pén., le fait pour un salarié d'EDF, personne chargée
d'une mission de service public, de fournir des renseignements sur les marchés envisagés par son entreprise.
- La corruption dite active est le fait d’un l’administré qui cherche à soudoyer un agent public (art. 433-1 C.pén.,
ancien art. 179). Il s’agit techniquement d’une « instigation à la corruption » (art. 322 du Code pénal italien de 1930).
L'art. 433-2-1 prévoit une exemption de peine au profit du
dénonciateur.
Lorsque la sollicitation vise un magistrat, un juré ou toute autre personne siégeant dans une formation juridictionnelle, c’est l’art. 434-9 al.2 qui
reçoit application (sur la réduction de peine au bénéfice du
dénonciateur : art. 434-9-2).
Cf. Complicité*, Instigation*, Pari*, Promesse*, Subornation*.
Anouilh (Becket) : On n’achète que ceux qui sont
à vendre.
Cass.crim. 16 octobre 1985 (Gaz.Pal.1986 I
152) : Déclare à bon droit un prévenu coupable de corruption de fonctionnaire l’arrêt qui relève que ce prévenu, étudiant en droit, après avoir
été ajourné à l’examen de 2e année, a notamment adressé à l’un de ses correcteurs un chèque d’un montant de 10.000 F. accompagné d’une lettre par
laquelle il s’en remettait à l’indulgence de celui-ci pour obtenir une note de 13 sur 20.
Cass.crim. 11 février 2004 (Bull.crim. n° 39
p.163) : Constitue le délit de corruption active l'offre d’une somme d’argent à un magistrat dans des conditions
qui, même en l’absence de sollicitations précises, impliquaient l’attente d’une contrepartie.
Cass.crim.
2 septembre 2015, pourvoi n° 14-87208 : Pour déclarer à
bon droit X..., incarcéré au centre pénitentiaire de
Remiré-Montjoly, coupable de corruption active, l'arrêt
confirmatif attaqué retient qu'il est établi que le prévenu a,
d'une part, demandé au surveillant d'introduire dans cet
établissement un téléphone portable, d'autre part, fait, en
contrepartie, « une approche
financière », sans fournir
de précisions sur le montant de la somme, mais en faisant état
de ses facilités financières.
Sulitzer (Les riches). Basil Zaharoff, le
sulfureux marchands de canons, usait des procédés les plus variés, notamment du pari perdu d’avance. Un ministre des Balkans repousse-t-il ses
offres ? « Je reviendrai vous voir demain jeudi », conclut Zaharoff. « Mais demain nous sommes mardi ! », réplique le
ministre. « Je vous parie cent mille francs (or), monsieur le Ministre, que demain nous sommes jeudi » rétorque Zaharoff ». Le lendemain
étant évidemment un mardi, le ministre toucha cent mille francs… et signa
le contrat.
CORRUPTION DE MINEUR
Cf. Enfants*, Instigation*, Mineurs (protection des)*.
Voir :
Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des
adolescents », n° 437, p.289
Voir :
Tableau des incriminations
luttant contre la dépravation des mœurs (en droit positif français)
- Notion. Il y a corruption de mineur lorsqu’un individu s’efforce de profiter de la jeunesse et de l’inexpérience de sa victime pour l’initier à un Vice*, et s’efforcer de l’en rendre esclave. Un tel fait est à l'évidence condamné par la morale.
M.L. Rassat (Juris-classeur pénal, art. 227-22) :
L’incrimination de corruption de mineurs est utile pour réprimer la fourniture d’un local où seront admis des mineurs à la débauche… l’accomplissement
de l’acte sexuel en présence de mineurs… la projection à des mineurs de films ou cassettes de nature pornographique.
Sutherland et Cressey (Principes de criminologie)
: Dans un quartier de Boston vivait un individu que tous les enfants du voisinage appelaient « Le Homard ». Il habitait un logement délabré et mal
famé devant lequel débouchait une ruelle où coulait un égout infesté de rats et de vermine... Des années durant, sa maison branlante fut le rendez-vous
des garçons et des filles du voisinage; il avait manifesté un don que l’on peut, sans exagération, qualifier de génial pour découvrir et développer les
faiblesses de chacun d’eux, puis à force de jouer sur ces défauts et d’en altérer le sens primitif, pour faire de l’enfant un délinquant juvénile. Il
avait conçu son laboratoire clandestin avec une précision et une ingéniosité diaboliques, semant et entretenant avec soin divers vices et les adaptant à
la personnalité de chaque enfant. Aussi son gang était-il composé de délinquants juvéniles de tous âges et de toutes sortes, et sa fortune
s’accroissait-elle avec leur nombre et le succès de leurs entreprises, car il ne leur permettait de conserver qu’une faible part du produit de leurs
déprédations et de leur butin mal acquis.
- Science criminelle. L'incrimination de corruption de mineur semble édictée par la grande majorité des Codes pénaux. La tentative est également sanctionnée, du fait qu'il est difficile de savoir quels ont été les effets profonds sur le mineur des agissement reprochés à un prévenu.
Code pénal du Brésil. Art. 218 - Corrompre ou
faciliter la corruption d’une personne âgée de plus de quatorze ans et de moins de dix-huit ans, en pratiquant avec elle un acte libidineux, ou en
l’induisant à le pratiquer ou à y assister, est puni de la réclusion de un à quatre ans.
Code pénal du
Burkina Faso. Art. 422 - Est puni d'un emprisonnement de deux
à cinq ans et d'une amende ... quiconque habituellement incite à
la débauche ou favorise la corruption de mineurs de treize à dix
huit ans de l'un ou de l'autre sexe ou même occasionnellement de
mineurs de moins de treize ans .
Code pénal d'Algérie. Art.
342 - Quiconque incite, favorise ou facilite la débauche ou
la corruption des mineurs de moins de 19 ans, de l’un ou de
l’autre sexe, ou même occasionnellement, des mineurs de moins de
seize ans, est puni d’un emprisonnement de cinq à dix ans et
d’une amende ... La tentative des délits visés au présent
article est punie des peines pour ces délits. .
- Droit positif français. Le Code pénal incrimine la corruption de mineurs dans son art. 227-22 C.pén. (art. 334-2 de l'ancien Code).
Cass.crim.
20 février 2013, n° 12-90074 : L'art. 227-22 C.pén., qui
définit de manière suffisamment claire et précise le délit de
corruption de mineur, lequel, reprenant les éléments
constitutifs de l'ancien délit d'excitation de mineur à la
débauche, incrimine des agissements, qui par leur nature,
traduisent, de la part de leur auteur, la volonté de pervertir
la sexualité d'un mineur, et permet son interprétation par
l'office du juge sans risque d'arbitraire, de sorte qu'il n'est
porté aucune atteinte au principe de légalité des délits et des
peines.
Cass.crim. 19 juin 1996 (Bull.crim. n° 265
p.795) : Pour déclarer à bon droit le prévenu coupable de tentatives de corruption de mineurs, l’arrêt attaqué énonce qu’il a abordé à trois
reprises des jeunes garçons âgés de treize et seize ans et leur a proposé de monter dans son autocaravane pour leur montrer des photographies
pornographiques qui s’y trouvaient.
CORRUPTION DE SALARIÉ
Cf. Secret de fabrique*, Travail*.
La corruption de salarié, qui est de même nature que la Corruption de fonctionnaire*, n'était pas incriminée dans la rédaction originelle du Code pénal de 1810 ; elle ne l'a été qu'à la suite d'une loi du 16 février 1919, complétant ses articles 177 et 179. Le Code pénal de 1993 la réprime en son article 445-1.
Vitu (Traité de droit pénal spécial, T.I n° 1150)) : Il
est courant que, dans certaines professions, le salarié reçoive des tiers une rémunération, appelée pourboire ; remise au vu et au su de l'employeur,
elle est illicite. Mais lorsqu'elle est versée à l'insu de l'employeur et que son montant, au lieu de demeurer modeste, atteint un chiffre important,
cette rémunération, le « pot-de-vin », apparaît éminemment suspecte : il est à craindre qu'elle ne soit la contrepartie d'une faveur obtenue du
salarié et contraire aux intérêts ou aux ordres de l'employeur. On est, en ce cas, en présence d'une forme de corruption.
Cass.crim. 4 février 1997 (Gaz.Pal. 1997 I 225 note
Doucet) : Pour déclarer à bon droit le président de l'association « Olympique de Marseille », coupable de corruption active de salariés, l'arrêt
attaqué énonce que, par le truchement de deux co-prévenus, il a usé de promesses et de dons envers des joueurs de l'équipe de football de l'« Union
Sportive Valenciennes-Anzin », afin que ceux-ci « lèvent le pied » et lui « facilitent le gain d'un match »; les juges ajoutent que « la corruption n'a
pas été faite au su et avec l'autorisation » des dirigeants du club de Valenciennes.
Cass.crim. 29 juin 2011 (Gaz.Pal. 10 novembre 2011
p.18) : Se rend coupable de corruption passive le salarié qui, chargé de négocier les meilleurs tarifs auprès des fournisseurs de son employeur,
obtient de fausses ristournes sur lesquelles il perçoit abusivement des commissions.
Dû à une loi du 4 juillet 2005, l'article 445-2 C.pén., modifié par une loi du 17 mai 2011, étend le champ du délit de corruption aux personnes qui ne sont pas chargées d'une mission de service public. Il vise principalement l'auteur moral d'un système reposant sur la corruption.
Cass.crim.
25 février 2015, pourvoi n° 13-88506 : Il résulte de
l'arrêt attaqué que les membres de la société Construction
services, chargée de commercialiser des lots de terrains et de
réaliser le gros œuvre des
constructions à édifier, ont sollicité et obtenu de chaque
acquéreur de parcelles le règlement en espèces d'une somme de 8
000 €, conditionnant la conclusion de la vente, et ont été
définitivement déclarés coupables de corruption passive par
personne n'exerçant pas une fonction publique pour les faits
commis postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 4
juillet 2005 instituant le délit prévu par l'art. 445-2 C.pén. ;
Pour déclarer M. X..., gérant de la société propriétaire des
lots, coupable de complicité de ce délit par instigation et
fourniture d'instructions, l'arrêt retient qu'il a participé à
la corruption mise en œuvre
en décidant que des pots-de-vin seraient perçus lors de la vente
de chacun des lots et en subordonnant l'attribution à la société
Constructions services de la commercialisation des parcelles à
la condition que les membres de cette société acceptent de
collecter les sommes fixées, dont il a profité au moins pour
partie ;
En l'état de ces énonciations, et dès lors que le prévenu a
maintenu, après l'entrée en vigueur de la loi précitée, les
instructions données pour la perception des fonds et la
provocation à cette action, lesquelles ont entraîné la poursuite
des sollicitations et des remises de fonds, la cour d'appel a
justifié sa décision.
CORRUPTION ÉLECTORALE - Voir : Élections*.