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LE « CORBEAU »
SIGNAIT « L’ŒIL DE TIGRE »

Extraits de l'ouvrage intitulé « L’Œil de Tigre » de Mme Francette VIGNERON

Le film intitulé « Le Corbeau » a été inspiré par une affaire criminelle
qui s’est déroulée à Tulle entre 1917 et 1923.

L’instruction, le dossier, le jugement viennent d’être scrupuleusement
étudiés et largement reproduits par Mme Francette VIGNERON
dans un ouvrage intitulé « L’Œil de Tigre ».
(pour se procurer cet ouvrage : francettevigneron@wanadoo.fr)

Le film « Le Corbeau » de Henri Georges Clouzot, grand classique du cinéma français, a été tourné sous l’Occupation avec notamment Pierre Fresnay, Pierre Larquey, Noël Roquevert, Ginette Leclerc, Micheline Francey, Louis Seignier). Projeté pour la première fois en 1943, il fut interdit en 1944. Mais la censure fut levée le 4 septembre 1947.

Le scénario s’inspira d’un fait divers, ayant défrayé la chronique de la ville de Tulle quelques années auparavant : quelqu’un adressait des lettres anonymes à un certain nombre de personnes qui furent plus ou moins blessées par ces agressions. L’une d’entre elles, Auguste G., fut atteint au point de devoir être interné dans un asile ; il y mourut deux semaines plus tard.

De locale, l’affaire prit alors un tour national. L’instruction décida de recourir au plus grand spécialiste de la police scientifique de l’époque : le Dr Edmond Locard. Entre autres mesures d’expertise, celui-ci décida de soumettre à un test de dictée huit personnes qui pouvaient être tenues pour suspectes en l’état de l’enquête.

C’est à la suite de cette dictée, suivie d’une seconde plus ciblée en raison des résultats de la première, que l’auteur des lettres anonymes put être démasqué.

Pour ne pas dévoiler son nom, et nuire au suspense de l’ouvrage de Mme Vigneron mené à cet égard comme un roman policier, nous nous bornerons (avec l’accord de l’auteur) à publier trois lettres révélatrices de ce type de criminalité particulièrement méprisable, qui cumule calomnie et lâcheté.

1° Cote 120 – 1er avril 1921 - Lettre à Jean L.

1er avril

Monsieur L. Jean

Méfiez-vous de Michel V. le chef de bureau du cabinet préfectoral. C’est un redoutable mouchard. Ils vous calomnie, il vous a calomnié auprès de Monsieur G. : « G. le libertin, G. le séducteur, G. le Sardanapale ».

N’avait-il pas décidé, le grand Michel, d’entente avec P. et G. (les amants de sa femme) au mois de janvier 1920 et surtout en avril 1920, de vous faire révoquer et de se faire nommer à votre place chef de division. V. voyez-vous est un ambitieux, un traître, un lâche, un félon, un Judas, un capon, comme Saint-Pierre il trahira son maître, et V. paye de lâchetés, traîtrises et saletés, les politesses les services rendus. Le store du bureau à L., disait-il à P. et G., je me charge de le lui descendre. Je veux m’installer dans son bureau. C’est lui qui envoya à Monsieur F. la carte d’insultes signée au nom de votre soeur (pauvre petite Angèle). Il la détestait, la jalousait. Il faut, disait-il, qu’elle sorte de la Préfecture. Il l’avait annoncé avant sa nomination de chef de cabinet. Il jalouse votre jeune femme. Elle est, dit-il, trop grande dame, se croit trop et ne fréquente pas ma femme. Mais son mari je le lui ferai payer l’orgueil de Madame L., sa femme. V. voyez est capable des pires lâchetés..../...

Voyez-vous pour distraire G. il fallait un bouffon, V. fut désigné. Pour distraire G. à Tulle il lui fallait une maîtresse, A. V. fut choisie. Aussi cela rapporta à son mari : avancement irrégulier, gratifications honteuses et exagérées, flatteries, honneurs, et à A. avancement et promotion au choix. A. la pieuvre, la sirène, A. la catin sut faire rapporter avantageusement d’être la poule d’un préfet débauché, sans honneur et dignité. Préfet que V. soudoya..../...

Les orgies qui se déroulèrent à la Pascalette avec A. et ses amants G. et P. resteront célèbres dans les annales corréziennes. Des repas monstres furent offerts à ces messieurs avec le vin et les liqueurs que les commerçants de Tulle offraient à C. dit Pas de Coq pour se faire embusquer à la Manu.

V. c’est un sale et hideux individu. II sue l’hypocrisie et la fourberie par tous les pores du visage et du corps et il a une tête digne de figurer au tribunal de l’Inquisition.

V. l’éminence grise, V. le bouc émissaire, V. le bourreau, le persécuteur des veuves de la guerre. V. l’espion, le mouchard.

Ah ! S’il osait, il ferait bien du personnel de la Préfecture des autodafés pour s’emparer de leur place. V. le terrorisateur. La Préfecture tremble sous la botte du Marat.

Méfiez-vous Monsieur L., V. vous hait, vous et les vôtres. Il calomnie lâchement et sourdement dans l’ombre. V. cette horrible félin, il vous passe à vous et aux vôtres sa patte de velours qui égratigne, qui étouffe.../...

Au mois de février 1920, il vous accusa au préfet G., à P. et F d’être l’auteur des lettres anonymes qui circulèrent dans la préfecture. Il vous fit pister à votre sortie du bureau par Monsieur le commissaire Hostalrich, mais ses démarches furent vaines.

N’épousez pas dit-il un jour à un jeune homme dont je tais le nom Mademoiselle L., croyez-vous qu’avec elle vous seriez heureux ? Non vous seriez malheureux et les C. vous mépriseraient.

Je tais les calomnies dites et écrites par lui sur le compte de votre famille.../...

Lorsqu’on est riche comme L. disait-il, on ne fait pas travailler sa soeur. Pourquoi fait-il travailler sa femme ? Pourquoi pour arriver nuit-elle aux veuves de la grande guerre.

Un jour il disait : que les L. gros comme le bras agitent leurs protections ! Moi je les écraserai et L. subira par moi le sort de sa soeur. Il envoya il y a quelques mois une série de lettres anonymes contre votre soeur où il la caricature.../...

Sous peu je vous écrirai. Mais n’oubliez pas que Monsieur M. est votre ami et qu’il vous défend vous et les vôtres envers et contre tous. Si bon Monsieur M., si juste, si loyal. Monsieur M. vous veut du bien et désirerait comme par le passé votre amitié...

*

Cote 139 - 20 juillet 1921 - Lettre à D. pharmacien

Mardi 19

Monsieur D.

Au lieu de vous occuper de ce qui se passe à la maternité surveillez un peu mieux votre maison. Oui ouvrez l’œil Monsieur D. et vous verrez que vous aussi vous êtes un cornard, cocu, comme un cu. ( sic)

Oui chez vous, votre maison ( magasin), la maison est la réunion des mauvaises langues de Tulle : A., l’amant à Madame B. la divorcée, Mademoiselle V., J. le voleur de farine, le fraudeur l’ami à Jean L., tête de marmelade, V. l’ex-amant à Madame D. mère à Louis l’idiot, le crétin. V. l’amant à Mlle C. sa belle-soeur. L. Jean, le pirouli, mari à Marinette C. la mule. R., l’amant à Mme D. votre épouse.

Oui D. vous êtes cornard. D. vous êtes cocu…/…

Je vais dans quelques jours envoyer des faire-part de votre malheur à vos amis, ennemis et à la population du Trech.

N’oubliez pas D. que moi l’OEil de Tigre ami de F. mort au Champ d’honneur, qui embrassa cinq fois A. C., Madame V. aujourd’hui (A. la poule au préfet G.).

Je ne fais jamais de menaces vaines, et toujours aux jours indiqués, les menaces sont fidèlement exécutées. Malheur à vous D. le cornard. Il vient chez vous des gens que je déteste :

Angèle L., la nitouche, la Dorothée, Angèle la pucelle de la Barrière, Angèle la « fiancée » à C. qui a un pied de bois.

Ne vous occupez pas D. de Madame C. ni de Monsieur M. et de sa jeune femme, gentille et distinguée. N’oubliez pas que les affaires de la maternité, ni vous ni D. le curé manqué n’ont à y mettre le nez.

Monsieur l’économe vous envoie chier et il saura Monsieur D. faire attendre vos mandats, grand cornard. Votre pharmacie est un lieu à cancans. On écorche les gens. Ah! Vous êtes l’ennemi du docteur M. et de Madame C.. Vous avez dit un jour que Madame C. était la maîtresse à ce brave docteur ?

Entendez-vous Monsieur M. est prévenu. Pendant la guerre votre salope de femme couchait avec tous vos employés. Oui D. votre femme se saoule. Tout le Trech le sait.

…/... Oui R. rendit mère une honnête fille qui est aujourd’hui infirmière, et il abandonna l’enfant qui aujourd’hui à 18 ans.

Au lieu de se moquer de Monsieur M., qu’il fasse comme ce dernier loyalement son devoir de père, car si Monsieur M. a fauté, il a réparé en donnant son nom à sa fille que sa jeune femme très bonne et dévouée, reçoit à sa table et chérit comme sa fille.

.../... Vous qui êtes l’ami à Jean L, conseillez-lui de moins s’occuper de M. M., sinon malheur à lui, et surtout malheur à A., l’ironique. Je leur ferai verser des larmes de sang.

…/... Je suis : l’Œil  de Tigre, ennemi à C., L., D., V. et P.

*

Cote 140 - 28 juillet 1921 - Lettre … pour Mme R.

Chère Madame R.,

C’est avec surprise que je vous vois fréquenter Madame D. née F. Vous devez sans doute ignorer que cette femme est une salope, une peau. Oui Nini D. est la maîtresse à Jean C. chef de division à la Préfecture, C. celui qui le 15 août sera révoqué, le voleur du ravitaillement.

Madame D. est la fille de Madame F. l’ex maîtresse à G. P. directeur du Bazar du Globe. Un jour Madame P. souffleta avenue de la Bastille Madame F.

Madame F. est une voleuse, une salope, fille naturelle, elle est donc, Mme F., la fille d’une putain.

Madame F. vola en mai 1919 un beurre de table chez Madame F., fruitière place Gambetta. La fruitière l’ayant surprise, elle lui sortit de la manche de son manteau de soie. Madame F. offrit 10 francs aux enfants de cette dernière, afin que son cornard de mari ne sache rien de l’aventure. L’honnête fruitière refusa. C’est Madame N., amie de Madame F. qui l’a dit.

Aujourd’hui F. le cornard n’ignore plus les vols de sa femme, et souvent il paya pour calmer la colère des commerçants et des camelots des places. Voleuse sa femme comme une pie. Que voulez-vous, la vie est chère et Mesdames F et D. aiment la bonne chère à bon marché.

Nini D. est aussi voleuse que sa mère et tandis que la mère vole, la fille amuse par son badinage le commerçant, retient son attention et ensuite ces dames, dans l’église de la cathédrale, vont partager et remplir leurs poches et paniers des produits de leurs vols.

Sales dévotes. Diables de bénitier. Madame F vola en décembre 1920 un saucisson chez T., et une pièce de veau chez B.. Récemment elle vola un poulet chez Madame B. ; et une boîte de bonbons au chocolat, en mars 1921, disparut de chez Madame L., comme la maîtresse à P. passait la porte.

Combien de fois vola-t-elle sur la place. Ah ! Les bas et les gants ne leur coûtent pas cher. Si habiles ces deux dames (voleuses de profession depuis des années).

Aussi chez D. Nini la vie est large, les goûters abondants, les quatre heures dit-on succulents, les petits déjeuners à neuf heures au madère et aux biscuits alléchants et tentants (heureux les invités).

Mais les gens honnêtes refusent ses invitations, comme à la rue, malgré les insistances de la Nini on refuse son bonjour. On ne fréquente pas la fille d’une putain et d’une voleuse, salope et voleuse elle même.

Madame D. est une mauvaise langue. Quelle langue cette dégoûtante boiteuse. Cette femme oisive qui se promène du matin au soir, monte quatre à six fois par jour le Trech pour attendre son idiot, son crétin, son cornard de mari.../... Type élégant Louis D. J’ai envie de lui dire : Louis vous avez du chic. Louis ne porte plus de chapeau afin de montrer ses cheveux frisés, et puis c’est de bon ton. Cela finit de lui donner un air idiot à ce pauvre imbécile, D. l’épave de la Préfecture, D. le rebut du personnel. D. l’incapable, l’imbécile, le cornard, le voleur de confitures et de lard.

Qu’il nie s’il ose, et s’il n’est pas un lâche, le Louis, qu’il vienne me trouver en face, moi l’OEil de Tigre !

Mais comme ses amis, de moi Louis et Nini auront peur, et une fois de plus ils me feront risettes et révérence. Que voulez-vous D. n’est pas cause le malheureux si la Terre tourne.

…/... Oui Madame n’oubliez pas que c’est grâce à Madame M. que vous fûtes admise à la maternité, quoi que l’hôpital fût au complet. Pour faire plaisir à Madame M., Madame C. fit un effort. Vous fûtes je crois bien soignée ?

Fuyez Nini, n’écoutez pas ses mensonges sur Madame M. que Madame D. jalouse, parce qu’elle est la femme d’un chef de division et d’un homme instruit, intelligent, distingué, supérieur, un intellectuel, un raffiné, le plus instruit des chefs de division.

…/... N’a-t-elle pas dit Nini : Madame R. est gourmande et dépensière. Aussi ces gens-là sont mal meublés et habitent une pauvre mansarde. Elle habite elle, dit-on, un appartement de poupée et Louis le matin vide Jules et fait le lit. Si paresseuse Nini, Madame macarons.

F. est fier. Son frère dit-on était un voleur et mourut en prison comme M. mourut au bagne pour avoir empoisonné sa maîtresse. La grand-mère à M. fit trois ans de prison pour débauche de mineurs. Sa tante eut trois enfants d’un chiffonnier. Son oncle le voleur fit dix ans de prison (jolie famille les parents à M.).

Signe de fin