DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL
- Professeur Jean-Paul DOUCET -
Lettre R
(Onzième partie)
RESPONSABILITÉ
Cf. Accident*, Actes humains*, Animaux*, Auteur (auteur légal)*, Baïonnettes intelligentes*, Causes de non-imputabilité*, Chef de l'État*, Choses*, Circonstance aggravante*, Circonstances atténuantes*, Civilement responsable*, Conscience*, Conscience (Voix de la)*, Culpabilité, Démence*, Déterminisme*, Discernement*, Excuse atténuante*, Expertise (psychiatrique)*, Fauconnet*, Faute*, Femmes*, Imitation*, Impossibilité*, Imputation*, Iter criminis*, Libre arbitre*, Maire*, Ministre*, Objectivité*, Partage de responsabilité*, Peine vicaire*, Personne morale*, Réparations civiles*, Sanction*, Subjectivité*, Velléité*.
Voir : J-A. Roux, Les fondements de la responsabilité pénale
Voir : Fauconnet, Introduction sociologique à l’étude de la responsabilité
Voir : Steeg, La liberté et la responsabilité
Voir : L. Proal, Le crime et le libre arbitre [existence du libre arbitre, dans la conception spiritualiste]
Voir : De Lanessan, La morale naturelle [absence de libre arbitre, dans la conception matérialiste]
Voir : G. Tarde, Rapport sur la sociologie criminelle
Voir : Dimitri Drill, Les fondements et le but de la responsabilité pénale
Voir : A. Pierre et A. Martin, Cours de morale à l'usage des écoles primaires supérieures
Voir : B.-D. de la Soujeole, Faute et peine
Voir : Ortolan, Les conditions générales de la responsabilité, suivant la science rationnelle
Voir : Ortolan, L’âge et la responsabilité pénale, suivant la science rationnelle
Voir : Ortolan, La démence et la responsabilité pénale, suivant la science rationnelle
Voir : Ortolan, La contrainte physique ou morale, suivant la science rationnelle
- Notion. De manière générale, le « responsable » est celui qui doit répondre en justice, soit du
risque de dommage, soit du dommage effectivement causé à autrui, résultant de son propre fait ou du fait d’autrui.
Si, dans les droits anciens, la responsabilité peut peser sur des Animaux* ou sur des
Choses*, en droit contemporain elle ne peut plus porter que sur des personnes physiques ou morales.
Cuvillier (Vocabulaire philosophique). Responsabilité morale : état de l’agent moral qui, 1° se reconnaît l’auteur de ses actes, 2° en assume le mérite ou le démérite. Responsabilité civile : obligation, déterminée par la loi de réparer le dommage causé à autrui. Responsabilité pénale : état de celui qui peut être poursuivi pour un crime ou un délit.
Cuvillier (Manuel
de philosophie, T.II) : La notion de responsabilité,
intimement liée à celle de droit, se présente comme elle sous un
double aspect.
1°/ Aspect objectif. Dans
toute société organisée, il existe des règles qui déterminent
les sanctions applicables aux différents actes et qui
prescrivent à la fois comment doivent être déterminés les sujets
passibles de ces sanctions et comment celles-ci doivent être
modifiées pour s'appliquer à ces patients : ce sont les règles
de la responsabilité légale. Mais, à côté de ces
sanctions organisées, définies par la loi et appliquées par les
tribunaux, il existe des sanctions diffuses, celles de l'opinion
ou des réactions spontanées de la foule. C'est l'ensemble
de ces sanctions extérieures, organisées ou diffuses, qui
caractérisent la responsabilité objective.
2 °/ Aspect subjectif.
Mais l'individu se sent aussi responsable vis-à-vis de lui-même,
dans l'intimité de sa conscience : il s'agit alors d'une
sanction intérieure qui consiste dans le sentiment du
"mérite" ou du "démérite", dans la joie du devoir accompli, ou
au contraire, dans le remords. C'est la responsabilité
subjective. [ encore faut-il que le sujet soit apte à
procéder à un examen de conscience ]
Jolivet (Traité de philosophie - morale) : La responsabilité est la propriété de l'être libre en vertu de laquelle il doit "répondre", c'est-à-dire rendre compte de ses actes.
Baudin (Cours de philosophie morale) : On entend par responsabilité l'obligation qui s'impose à une personne donnée de "répondre" de ses actes, c'est-à-dire de s'en reconnaître l'auteur et d'en endosser les conséquences.
Thomas (Cours de philosophie morale) : La responsabilité est le propre de tout être raisonnable et libre qui, après avoir sciemment et volontairement accompli certains actes dont il apprécie la valeur morale, reconnaît qu'il doit en rendre compte, en répondre devant une autorité supérieure.
- Variétés. On distingue, d’une part (I), la responsabilité collective, la responsabilité du fait d’autrui et la responsabilité individuelle ; d’autre part (II), la responsabilité subjective (ou morale) et enfin (III) la responsabilité objective (voire sociale).
I - Responsabilité collective et responsabilité individuelle.
Voir : Grands arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme
- Responsabilité collective. La responsabilité collective permet de reprocher l’infraction commise par une seule personne à l’ensemble du groupe auquel elle appartient. Ce type d’imputation peut se rencontrer en droit civil et en droit disciplinaire, mais n’est par reconnu par le droit criminel contemporain.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° II-110, p.300
Baudin (Cours de philosophie morale) : La responsabilité collective a pour sujet tout un groupe social (famille, classe, nation, etc.), tenu pour moralement responsable de ses actes collectifs, voire des actes individuels de ses membres. C'est ainsi que l'on parle des responsabilités de la noblesse dans l'ancien régime... de la responsabilité de la France et de n'importe quelle nation. Et l'on en parle avec fondement, en raison de la solidarité sociale et morale qui fait de ces groupes des touts homogènes, possédant une véritable personnalité. La responsabilité personnelle a pour sujet une personne individuelle, moi, vous, ou tel autre.
De Curban (La science du gouvernement, 1765) : Si l'on envoya autrefois au supplice quatre cents esclaves qui logeaient sous le même toit que leur maître, lequel avait été égorgé, quoiqu'ils ne fussent peut-être pas tous coupables, c'est qu'il importait à la société romaine qu'un crime si atroce et si facile à commettre ne demeurât pas impuni.
Lesclous et Marsat (Droit pénal 1992 Chr. 70) : Complicité et action collective. La jurisprudence reconnaît une forme atténuée de responsabilité collective en limitant l'exigence d'un fait de complicité positif à la participation volontaire et consciente à un groupe, dont d'autres participants se livrent à des actes répréhensibles.
Décret du 10 vendémiaire an IV (2 octobre 1795) : Tous citoyens habitant la même commune sont garants civilement des attentats commis sur le territoire de la commune, soit envers les personnes, soit contre les propriétés.
Pau 18 février 1982 (Gaz.Pal.1982 II 432), sur le droit à réparation de dégâts occasionnés par des animaux sauvages : La difficulté de déterminer la responsabilité des dommages causés par des animaux nomades (sangliers et cervidés) a conduit les auteurs de la loi à s’orienter vers un système de responsabilité collective et quasi automatique.
Lyon 23 mai 1991 (Gaz.Pal. 1993 II somm. 341) : Une responsabilité collective ne peut être reconnue que si toutes les personnes susceptibles d’être recherchées ont été mises en cause.
Fédération française de football (Règlement disciplinaire) : Article 2 443 : Sanctions … La suspension de terrains.
- Responsabilité familiale. Il y a responsabilité familiale dans deux cas : soit lorsqu’une infraction commise par un membre d’une famille est imputée au chef de cette famille, soit lorsque la responsabilité de cette infraction peut être répartie entre les membres de la famille. Ce mode d’imputation n’est pas admis en droit positif français.
Cf. Kamikaze*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (3e éd.), n° II-108, p.296
Voir : Glotz, L’évolution de la solidarité familiale dans le droit criminel de la Grèce classique
Tarde (La philosophie pénale) : Au Pérou, si l’une des femmes de l’Inca, était convaincue d’adultère, les parents des deux coupables étaient mis à mort avec eux.
Jousse (Traité de la justice criminelle) : La peine de ceux qui tuèrent Charles Comte de Flandre, à Bruges, en 1127, s’étendit à leurs parents.
Coutume de Bretagne. Art. 656 : Si l’enfant fait tort à autrui, tant qu’il sera au pouvoir de son père, le père doit payer une amende civile, parce qu’il doit châtier ses enfants.
Cass.crim. 3 janvier 1984 (Gaz.Pal. 1984 I somm. 173) : La responsabilité pénale du prévenu en tant qu’auteur principal des infractions à la législation sur les changes ne peut que lui être personnellement imputée et n’a pas à être divisée entre lui et les autres membres de sa famille, dans la mesure où elles sont établies comme résultant d’actions qu’il a personnellement accomplies.
Exemple (Ouest-France 21 mars 1996) : L'armée israélienne a procédé hier, en Cisjordanie, à la destruction de plusieurs maisons familiales de kamikazes palestiniens ou de leurs complices, avec l'autorisation de la Cour suprême... En trente ans, l'armée israélienne a ainsi détruit ou muré plus de 2.000 maisons dans les territoires occupés.
Exemple (Ouest-France 13 mai 2016) : Cambriolages : 8 ans de prison pour le chef du clan - Une famille de treize Roms, issue des pays de l'ex-Yougoslavie, a été jugée, cette semaine à Rennes, pour avoir commis 160 cambriolages, en 2013 et 2014, notamment dans cinq départements de l'Ouest.
Qiu Xiaolong (La danseuse de Mao) : C'est sous l'étiquette générique de « famille noire » que tout individu dont les origines de classe, les propos ou les actions étaient jugés condamnables était mis au ban de la société durant la Révolution culturelle.
- Responsabilité du fait d’autrui. La responsabilité du fait d’autrui permet de reprocher la faute commise par une personne à une autre personne. Elle peut se rencontrer, parfois sur le plan pénal, mais plutôt sur le plan civil.
Responsabilité pénale du fait d’autrui. Le législateur consacre parfois la responsabilité pénale du fait d’autrui, dans le domaine des infractions de police, afin de renforcer le but exemplaire et préventif de la sanction pénale.
Cf. Bouc émissaire*, Chef d'entreprise*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° II-109, p.298
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-II-I-318, p.200
Bentham (Théorie des peines et des récompenses) : Le Shérif est punissable par la loi d’Angleterre dans le cas où le geôlier a laissé échapper quelque prisonnier. Le shérif n’en a pourtant pas la garde immédiate.
Circulaire du colonel Moller du 17 août 1863 (lors de l'occupation de la Pologne par la Russie) : Les prêtres catholiques seront responsables de tous les meurtres commis dans leurs paroisses respectives ; ils répondront de leur tête et de leurs biens pour tous les crimes commis et à commettre.
Ainsi, un chef d’entreprise est parfois tenu pour pénalement responsable d’une infraction professionnelle commise dans son entreprise, car c’est lui qui détient le pouvoir d’éviter toute récidive. Il lui appartient, soit de veiller personnellement à l'application de la loi, soit de confier à un cadre l'autorité et les pouvoirs nécessaires pour ce faire.
Cass.crim. 7 mai 1870 (D. 1870 I 439) : S’il est de principe que nul n’est passible de peines qu’à raison de son fait personnel, et ne saurait être puni pour autrui, la responsabilité pénale peut cependant naître du fait d’autrui dans certains cas d’exception où certaines obligations légales peuvent engendrer le devoir d’exercer une action directe sur les faits d’autrui.
Cass.crim. 14 février 1967 (Bull.crim. n°65 p.151) : Dans les industries soumises à des règlements édictés dans un intérêt de salubrité ou de sécurité publiques, la responsabilité pénale remonte essentiellement aux chefs d’entreprises, à qui sont personnellement imposés les conditions et le mode d’exploitation de leur industrie.
Cass.crim. 7 décembre 1981 (Bull.crim. n°325 p.855) : S’il est vrai que la responsabilité pénale pèse sur le chef d’entreprise auquel il appartient de veiller au respect de la législation, il en est autrement lorsqu’il est établi que celui-ci a délégué ses pouvoirs à un préposé, pourvu de la compétence et investi de l’autorité nécessaire.
Cass.crim. 6 mai 1964 (Bull.crim. n°151 p.337) : S’il est admis que dans une importante société, la surveillance des véhicules puisse être déléguée à un directeur responsable dépendant directement de l’entreprise, le prévenu ne saurait, par analogie, faire état du contrat passé par lui avec la Société Michelin pour l’entretien des pneumatiques, en vue d’échapper à la responsabilité pénale qui lui incombe personnellement en ce qui concerne les contraventions aux règles techniques de mise en circulation des véhicules de sa société.
En particulier, lorsqu'un certificat d'immatriculation est établi au nom d'une personne morale, c'est le représentant légal de cette dernière qui est redevable du paiement des amendes encourues en application du Code de la route.
Cass.crim. 13 octobre 2010 (Gaz.Pal. 6 janvier 2011 note Dreyer) sommaire : Le représentant légal de la personne morale titulaire du certificat d'immatriculation demeure redevable pécuniairement de l'amende encourue en cas de délégation de pouvoirs.
Cass.crim. 2 mars 2011 (Gaz.Pal. 28 juillet 2011 p. note Detraz) sommaire : Lorsque le certificat d'immatriculation d'un véhicule verbalisé pour excès de vitesse est établi au nom d'une société par actions simplifiée, son président -représentant légal- peut être déclaré responsable pécuniairement, indépendamment des dispositions statutaires limitant ses pouvoirs.
Il convient toutefois d'observer que la responsabilité pénale du fait d'autrui ne peut être invoquée que par l'accusation (ministère public ou partie civile). Elle ne saurait l'être, dans une espèce donnée, par celui qui est poursuivi en tant qu'auteur.
Cass.crim. 13 septembre 2000 (Gaz.Pal. 2001 J 69) : Les dispositions de l'article L. 21-2 du Code de la route, selon lesquelles le propriétaire d'un véhicule est pécuniairement responsable de certaines infractions, ont un caractère subsidiaire et ne sauraient être invoquées par celui qui est poursuivi comme auteur.
Responsabilité civile du fait d’autrui. Si le législateur retient parfois la responsabilité civile d’une personne du fait d’une autre, c’est dans le but d’assurer l’indemnisation de la victime (art. 1384 C.civ.). Il en est ainsi, p.ex., des parents ou de ceux qui les suppléent ; ils doivent répondre des dommages causés par leurs enfants mineurs qui habitent avec eux.
Cf. Autorité parentale*, Enfants*, Hôteliers*.
Malaurie et Aynès (Droit civil) : Depuis 1991, toute personne exerçant un pouvoir permanent de contrôle sur autrui répond des dommages qu’il a causés, sauf si elle démontre qu’elle n’a pu les empêcher.
Cass.crim. 18 mai 2004 (Bull.crim. n° 123 p.470) : Aux termes de l’art. 1384 al.4 C.civ., les père et mère, en tant qu’ils exercent l’autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par leur enfant mineur habitant avec eux.
Cass.crim. 8 février 2005 (Bull.crim. n° 44 p.131) : Le père et la mère d’un enfant mineur, dont la cohabitation avec celui-ci n’a pas cessé pour une cause légitime, ne peuvent être exonérés de la responsabilité de plein droit pesant sur eux que par la force majeure ou la faute de la victime.
Cass.crim. 29 avril 2014, n° 13-84207 : La responsabilité de plein droit prévue par l'art. 1384 al.4 du Code civil incombe au seul parent chez lequel la résidence habituelle de l'enfant a été fixée, quand bien même l'autre parent, bénéficiaire d'un droit de visite et d'hébergement, exercerait conjointement l'autorité parentale et aurait commis une faute civile personnelle dont l'appréciation ne relève pas du juge pénal.
Cass.crim. 10 octobre 1996 (Gaz.Pal. 1997 I Chr.crim.) ; Arrêt « Association Le Foyer Saint-Joseph » : Pour déclarer l’association Le Foyer Saint-Joseph responsable des délits commis par les mineurs B..., A... et R..., et la condamner au paiement de dommages-intérêts envers la victime, la Cour d’appel énonce que la décision du juge des enfants confiant à une personne physique ou morale la garde d’un mineur en danger par application des art. 375 et s. C. civ., transfère au gardien la responsabilité d’organiser, diriger et contrôler le mode de vie du mineur et donc la responsabilité de ses actes, celle-ci n’étant pas fondée sur l’autorité parentale mais sur la garde. En statuant ainsi la Cour d’appel a fait application de l’art. 1384 al. 1 C.civ.
- Responsabilité individuelle. Le principe de la responsabilité individuelle énonce que chaque individu doit répondre de ses actes, mais uniquement de ses propres actes. Le droit contemporain est bien fixé en ce sens que, de droit commun, nul n’est punissable qu’en raison de son fait personnel.
Cf. Actes humains*, Complicité*, Imputation*, Ours*, Personnalité des peines*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° II-201, p.323
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-III-I-312, p.286
Voir notre étude : L’hypnose en droit pénal
Voir : Dr Michaud-Nérard, Critères de validité de l'expertise psychiatrique en matière pénale
Constitution
italienne de 1947. Art. 27 : La responsabilité pénale est
personnelle.
Le prévenu n’est pas considéré comme coupable tant que sa
condamnation définitive n’a pas été prononcée.
Code de la route. Article L. 317-1 : Le préposé est passible de ces mêmes peines lorsque l’infraction résulte de son fait personnel.
Simon Foucher (La morale de Confucius, selon Kong zi) : Les fautes des pères ne doivent pas être imputées à leurs enfants.
Pufendorf (Le droit de la nature) : C'est une règle sûre et inviolable que personne ne peut être légitimement puni pour un crime d'autrui auquel il n'a nulle part... Toute faute étant un acte personnel, ne peut légitimement attirer aucune peine qu'à son auteur.
Pierre et Martin (Cours de morale pour l'enseignement primaire) : La conscience nous révèle notre devoir, et nous sentons clairement, d'autre part, que nous sommes maîtres de notre volonté ; par suite nous sommes responsables des actes que nous accomplissons librement et en pleine connaissance de cause, et il est juste que nous en supportions les conséquences... Plus on est responsable de ses actes, plus on est élevé dans l'échelle des êtres.
De Curban (La science du gouvernement, 1765) : Les fautes sont personnelles, et il serait aussi contraire à l'humanité qu'à la justice de punir quelqu'un pour des crimes commis par un autre, fût-il son père, son fils, sa femme ou son parent. Personne n'est responsable des actions d'autrui, dans la règle générale, parce que tout mérite, tout démérite, est absolument personnel.
Stéfani, Levasseur et Bouloc (Droit pénal général) : À la différence de la responsabilité civile, qui peut peser sur une autre personne que celle qui a causé le dommage, la responsabilité pénale est une responsabilité purement personnelle.
Cass.crim. 23 novembre 1994 (Gaz.Pal. 1995 I somm. 162) : La responsabilité pénale du prévenu ne pouvait être recherchée qu'à raison de son fait personnel, dans les conditions du droit commun.
Rennes 29 octobre 1984 (Gaz.Pal. 1985 I 191) : Nul n’est punissable qu’à raison de son fait personnel; aucune condamnation ne saurait donc être prononcée à l’encontre de ceux qui n’ont participé à l’infraction, ni comme auteur, ni comme complice, et sont totalement étrangers aux faits délictueux.
II - Responsabilité objective et responsabilité subjective.
- Responsabilité objective. On parle de responsabilité objective pour énoncer qu’une personne doit répondre des atteintes qu’elle a causées, soit à l’ordre social, soit à des intérêts publics ou privés, indépendamment du point de savoir si elle a agi sciemment et en toute liberté. Ainsi, on a longtemps considéré que les crimes majeurs dirigés contre la sûreté intérieure ou extérieure de l’État devaient être sanctionnés sans qu’il y ait lieu de rechercher si leur auteur était sain d’esprit au moment des faits et avait agi en toute connaissance de cause. La responsabilité objective s’apparente à la responsabilité sociale.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale », n° II-100, p.289
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), p.182 et s., p.200 et s.
Carbonnier (Droit civil) distingue la responsabilité fondée sur la faute ou sur le risque : La responsabilité fondée sur la faute est une responsabilité subjective : elle a son siège dans le sujet, dans l’individu responsable, et même, peut-on dire, dans son état d’âme… La responsabilité fondée sur le risque est une responsabilité objective ou causale : elle a son siège dans le rapport de causalité objective qui remonte du dommage à celui qui l’a causé ; peu importe dans quelles conditions psychologiques il l’a causé ; cette responsabilité n’implique aucun jugement de valeur sur les actes du responsable.
Ferri (La sociologie criminelle) : La responsabilité sociale est soustraite à toute condition qui ne soit la réalité objective du fait et la nécessité de la conservation sociale … Rien de plus spontané et de plus correspondant à l’évolution scientifique de la psychopathologie et de l'anthropologie criminelle, que la théorie de la responsabilité sociale, en dehors de toute responsabilité morale, pour tous ceux qui accomplissent des actes contraires aux conditions d'existence sociale ; sauf naturellement, à adapter les formes de cette responsabilité sociale aux conditions personnelles des criminels.
Alt-Maes, La garde, fondement de la responsabilité du fait du mineur (JCP 1998 I 154) : Depuis l’arrêt du 19 février 1997, les parents sont responsables de plein droit des dommages causés par leur enfant mineur… Cette nouvelle jurisprudence tend à mettre en place un régime juridique de responsabilité objective pour garantir l’indemnisation des victimes de mineur.
Paris 17 décembre 2001 (Gaz.Pal. 2002 somm. 1934 ) : La responsabilité des parents d'un mineur est une responsabilité objective de plein droit, dont ils ne peuvent se dégager qu'en rapportant la preuve d'un cas de force majeure, ou/et du fait d'un tiers ou d'une faute de la victime revêtant un caractère imprévisible ou irrésistible.
Le Foyer (Le droit pénal normand au XIIIe siècle) : Dans le droit archaïque lorsqu'il est établi que la mort d'un homme a eu pour cause l'acte d'un autre, cet autre est tenu pour responsable sans que l'on s'occupe de ses intentions et de ses motifs... Dans la "Leges Henici I" nous constatons que celui était accusé d'homicide devait s'attendre à jurer qu'il n'avait rien fait par où le défunt "fut éloigné de la vie et plus proche de la mort". Ce qui qui conduit à des solutions rigoureuses mais logiques, ainsi : Pierre emmène Paul voir une ménagerie, la bête tue Paul, Pierre doit payer pour la mort de Paul. C'est logique : comment Pierre jurerait-il honnêtement qu'il n'a rien fait qui ait éloigné Paul de la vie et l'ait rapproché de la mort ?
- Responsabilité subjective. Dans un système de responsabilité subjective, une personne ne peut se voir reprocher
une infraction que si elle a agi en connaissance de cause, avec un esprit sain et libre de toute contrainte. La responsabilité subjective s’apparente à
la responsabilité morale, d'où l'utilité, dans ce cadre, d'étudier les auteurs qui ont approfondi la philosophie morale et la théologie morale.
- Encore convient-il de préciser que, afin d’éviter la paralysie de la justice, le législateur doit nécessairement présumer que l’auteur d’un acte
délictueux a agit librement et l’esprit clair.
- C’est aux juges qu’il appartient, lorsque les faits y invitent ou lorsque la défense le requiert, de rechercher si, au moment des faits, l’agent
ne se trouvait pas atteint de troubles mentaux ou sous l’empire d’une contrainte morale. Ces Causes de non-imputabilité*
éteignent en effet la responsabilité pénale.
- Cf : Actes humains*, Animus necandi*, Causes de non-imputabilité*, Colère*, Contrainte*, Culpabilité*, Démence*, Exprès (faire)*, Imitation*, Imputation*, Intention criminelle*, Sang-froid*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° II-10, p.284 / n° II-200 et s., p.323
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-II-II-200 et s., p.231
Bruguès (Dictionnaire de morale catholique) :Une personne est dite responsable quand elle est capable de poser des actes conscients, libres et volontaires ; elle en garantit la paternité.
Héribert Jone (Précis de théologie morale) : La responsabilité d’une action humaine consiste en ce que quelqu’un peut être déclaré l’auteur libre de cette action et de ses suites, et qu’il peut lui en être demandé compte.
Gorce (Traité de philosophie) : Peu à peu la loi, sans négliger la matérialité de l'acte, se met à tenir surtout de l'intention du coupable... Ce progrès paraît dû surtout aux conceptions de la morale intentionnelle inventée par Abélard, dans son traité fondamental : « Scito te ipsum ».
Franck (Philosophie du droit pénal) : Sans l'imputabilité, ou pour parler la langue de la morale, sans la responsabilité, le délit s'évanouit, et, au lieu d'une action à punir, nous n'avons plus sous les yeux qu'un accident, un événement fortuit, un malheur.
Le Senne (Traité de morale) : Le champ de la responsabilité mesure exactement la portée du moi. Où celui-ci est impuissant, sa responsabilité cesse. La responsabilité se trouve donc enfermée entre deux limites : en dessous l’irrésistibilité (où il y a force majeure, la culpabilité est encore absente) ; en dessus l’inaccessibilité (à l’impossible nul n’est tenu). De l’un et de l’autre, le droit juge d’après la moyenne des hommes ; la morale, d’après le maximum possible pour l’homme considéré.
Garraud (Précis de droit criminel) : Le caractère volontaire du fait imputé, telle est la base irréductible de la responsabilité.
Pradel (Droit pénal général) : L’imputabilité est susceptible de deux sens : l’un matériel et objectif, qui est le lien de causalité, l’autre intellectuel et subjectif, qui est la capacité de comprendre et de vouloir, la liberté et la connaissance de l’agent.
Code de droit canonique, canon 1321 : Nul ne sera puni à moins que la violation externe de la loi ne lui soit gravement imputable du fait de son dol ou de sa faute.
Exemple (Le Figaro 14 janvier 2001). À propos de l'exécution d'une meurtrière. Son quotient intellectuel s'établissait à dix points au dessus de toute pathologie. "Cette femme était tout à fait apte à faire la différence entre le bien et le mal" a pu dire le gouverneur de l'Oklahoma en rejetant son dernier recours.
III - La responsabilité objective.
- Responsabilité pénale. La personne qui a commis ou participé à une infraction pénale en est pénalement responsable dès lors qu'elle a agi avec discernement, consciemment et librement. Par application du principe de la responsabilité subjective, elle seule encourt normalement une sanction pénale.
Donnedieu de Vabres (Traité de droit criminel) : La formule la plus fréquente consiste à exiger, pour que l'acte visé soit punissable, qu'il ait été commis avec conscience et volonté.
- Responsabilité civile. La responsabilité civile découle d'une Faute civile* commise par une personne. Comme toute faute pénale constitue normalement une faute civile, en principe le pénalement responsable est également civilement responsable.
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-II-I-324 et s., p.205 et s.
Code pénal du Nicaragua. Art. 34 : Toute personne pénalement responsable d'un délit ou d'une faute, l'est aussi civilement.
Mais il arrive qu'une personne soit tenue pour civilement responsable d'une infraction perpétrée par autrui, comme nous l'avons vu ci-dessus. Par exemple, un employeur (commettant) doit indemniser la victime d'une infraction commise par l'un de ses salariés (préposés) dans l'exercice de son travail.
Cass.cri m. 26 octobre 1982 (Gaz.Pal. 1983 I Panor cass 93) : Il est de principe que la responsabilité civile du commettant, à raison d'un fait dommageable constitutif d'une infraction imputable à son préposé, est subordonnée à l'existence de l'infraction. Il s'en déduit que, lorsque ce préposé a été reconnu responsable de l'infraction poursuivie, le juge a l'obligation de statuer sur l'action civile exercée contre le commettant, civilement responsable en application de l'art. 1384 C. civ.
À l'inverse il arrive que l'auteur d'une infraction pénale, quoique pénalement responsable ne puisse être poursuivi en réparation civile. Il en est ainsi des fonctionnaires : l'agent d'un service public qui a commis un acte délictueux en répond devant la juridiction répressive ; mais l'action civile doit être portée devant la juridiction administrative si la faute commise par lui n'est pas détachable de ses fonctions.
Cass.crim. 13 février 2007 (Bull.crim. n° 45 p.265) : Vu la loi des 16-24 août 1790. L'agent d'un service public n'est personnellement responsable des conséquences dommageables de l'acte délictueux qu'il commet que si celui-ci constitue une faute détachable de ses fonctions.
RESPONSABILITÉ CIVILE DE LA JUSTICE
Cf. Acquittement*, Déni de justice*, Détention provisoire*, Mineur délinquant*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° II-5, p.284 (sur la responsabilité civile de l'État)
Lorsque le fonctionnement défectueux des services judiciaires cause un préjudice à un justiciable, des réparations civiles peuvent être envisagées.
Rossi (Traité de droit pénal) : Le citoyen doit obtenir des garanties contre les erreurs que ses juges pourraient commettre à son préjudice.
- Si la faute émane d’un agent ou d’un officier de police judiciaire, ou encore d’un magistrat ou d’un tribunal répressif, la compétence appartient aux juridictions de l’ordre judiciaire.
Tribunal des conflits 10 mars 1997 (Gaz.Pal. 1997 II 730) : Il n’appartient qu’aux Tribunaux de l’Ordre judiciaire de connaître de la demande tendant à la réparation de son préjudice, formée par la victime d’un dommage causé par les coups de feu tirés par méprise par un gendarme sur le véhicule de l’intéressé, lors de la tentative d’interpellation d’un malfaiteur recherché.
- La seule faute qui puisse donner lieu à réparation est la faute lourde, c’est-à-dire une négligence ou une erreur d’une particulière gravité.
Denisart (Collection de jurisprudence, 1768) : Le Procureur du Roi peut poursuivre la punition d’un crime quand il en a connaissance. Son ministère l’y oblige, lors même qu’il n’y a pas de dénonciateur. Et il n’est jamais tenu d’aucuns dommages et intérêts personnellement, à moins que la poursuite ne paraisse faite par un effet de ressentiment personnel.
Cass 1e civ. 9 mars 1999 (Gaz.Pal. 1999 II panor. 106) : Les dispositions de l’art. L 781-1 C.organ.jud. suivant lesquelles l’État est tenu de réparer le dommage causé, en cas de faute lourde, par le fonctionnement du service de la justice, sont applicables aux agents investis, sous le contrôle et l’autorité d’un magistrat du siège ou du parquet, de pouvoirs de police judiciaire à l’effet de constater et réprimer des infractions à la loi. La divulgation d’informations permettant d’identifier les personnes mises en cause à l’occasion d’une enquête est constitutive d’une faute lourde.
Paris 14 juin 1996 (Gaz.Pal. 1996 II 493) : En application de l'art. L. 781-1 C.organ.jud., l’État est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service de la justice à raison des actes des juges ou des actes accomplis par ceux qui sont placés sous leur autorité ou leur contrôle, comme en l'espèce, les services de police judiciaire lors de la garde à vue de la personne en cause. Cette faute lourde peut consister en une erreur grossière ou inexcusable, dans une faute de nature dolosive révélant l'animosité personnelle ou l'intention de nuire ou enfin, dans un comportement anormalement déficient.
RESPONSABILITÉ POLITIQUE
Cf. Chef de l'État*, Parlementaire*, Parti politique*.
La responsabilité politique des élus ne relève pas de notre
matière. Il convient toutefois d'observer qu'elle ne saurait
efficacement remplacer la responsabilité pénale, du fait que la
majorité des élus bénéficient de la protection de partis
politiques ou de groupes de pression intouchables.
On peut d'ailleurs regretter que, n'ayant plus d'illusions sur
la moralité et la probité du monde politique, les simples
citoyens participent de moins en moins aux scrutins et laissent
ainsi réélire des candidats ayant trempé dans des scandales.
Trésor de la Langue Française. Droit constitutionnel - Responsabilité politique : Obligation pour le titulaire d'un mandat politique de répondre de son exercice devant celui ou ceux de qui il la tient.
Pactet et autres (Droit constitutionnel- 28e éd. p.412) : Par application du principe de la séparation des pouvoirs, le Président de la République ne peut voir mise en cause sa responsabilité politique. Dans le régime politique français, seul le Premier ministre peut voir celle-ci engagée par l’Assemblée nationale.