DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL
- Professeur Jean-Paul DOUCET -
Lettre E
(Dixième partie)
ESCADRON DE LA MORT
Cf. Justice privée*, Justicier*, Milice privée*, Tueur*.
- Notion. On nomme
« escadron de la mort
» un groupe d'individus (généralement para-militaire ou para-policier) qui
se fixe pour objectif d'éliminer, en dehors des formes du droit, des personnes considérées comme
gravement asociales ; il s'agit, le plus souvent de malfaiteurs de
droit commun que la justice ne parvient pas à condamner, mais parfois aussi d'opposants politiques.
Les escadrons de la mort se forment principalement dans les pays qui se sont désarmés face à la délinquance organisée, en multipliant inconsidérément
les formes de procédure, ou en abaissant exagérément le niveau des sanctions.
Encyclopédie Wikipédia : Un escadron de la mort est le nom couramment donné à un groupe armé qui organise, généralement en secret, des exécutions extrajudiciaires ou des enlèvements... de toute personne perçue comme interférant avec un ordre social ou politique établi.
Encyclopédie Microsoft Encarta : Au Salvador, Romero se montra de plus en plus favorable aux idées progressistes, dans une période où la guerre civile entre l'armée et la guérilla du FMLN faisait de nombreuses victimes civiles, l'armée et les « escadrons de la mort » agissant en toute impunité.
Exemple (Ouest-France 17 février 2012). Des juges iraniens ont accusé jeudi le Vice-président d'avoir ordonné 150 attentats exécutés par des escadrons de la mort... Certains juges, qui restent anonymes par souci de sécurité, évoquent même le nombre de 500 crimes.
- Science criminelle. Les homicides que commettent les escadrons de la mort ne sont couverts par aucun fait justificatif, et constituent dès lors des meurtres commis en réunion, voire des assassinats. Nul ne peut en principe se substituer aux autorités de police et de justice. Celui qui désigne les personnes à abattre est un auteur moral qui doit encourir les mêmes peines que les exécutants, voire une peine supérieure d'un degré.
Code pénal de Colombie. Art. 341 : Celui qui organise, instruit, entraîne ou équipe des personnes, quant aux tactiques, techniques ou stratégies militaires, pour le développement d'activités terroristes, d'escadrons de la mort, de groupes de justice privée ou de bandes de tueurs à gages, ou conclut un contrat avec elles, encourt de quinze à vingt ans de prison.
- Accuser à tort quelqu'un de faire parti d'un escadron de la mort constitue une diffamation.
Paris 17 mars 1994 (Gaz.Pal. 1994 II somm. 722) : Le prévenu ne verse aucune pièce susceptible de démontrer qu'il ait pu légitimement croire que l'association comptait parmi ses membres des criminels contre l'humanité ou des défenseurs de tels criminels ou des zélateurs des horreurs commises par les escadrons de la mort au Brésil. La gravité de telles accusations, l'outrance du propos, l'absence totale d'enquête ou de légitimité du but poursuivi par l'auteur ne peuvent permettre de retenir le fait justificatif de bonne foi.
ESCALADE
Cf. Bris de clôture*, Effraction*, Monte-en-l'air*, Toit*, Violation de domicile*, Vol qualifié*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale », (4e éd.), n° I-232, p.239
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine »,( 4e éd.) n° II-211 p.312 / II-212 p.314
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° II-211 p.375
- Notion. Au regard du droit criminel, l’escalade consiste dans le fait de pénétrer dans un local d’habitation ou dans un entrepôt en passant, soit par-dessus ou par-dessous la clôture qui le protège, soit par une ouverture qui n’est pas destinée à cet usage (une fenêtre, un vasistas, une imposte…).
Vitu (Traité de droit criminel) : L'escalade peut être définie comme toute entrée dans un local d'habitation ou dans un lieu où sont conservés des fonds, valeurs, marchandises ou matériels, soit par-dessus, soit par-dessous une clôture.
Code pénal belge. Art. 486. - Est qualifiée escalade : 1° Toute entrée dans les maisons, bâtiments, cours, basses-cours, édifices quelconques, jardins, parcs, enclos, exécutée par-dessus les murs, portes, toitures ou toute autre espèce de clôture; 2° L’entrée par une ouverture souterraine autre que celle qui a été établie pour servir d’entrée.
- Science criminelle. L'escalade est considérée comme une circonstance aggravante de certaines infractions, telles que le vol. Il s'agit d'une circonstance aggravante matérielle, puisqu'elle ressort des faits mêmes de l'espèce.
Évangile selon St Jean : Celui qui entre dans la bergerie sans passer par la porte, mais qui escalade par un autre endroit, celui-là est un voleur et un bandit.
Code pénal d'Andorre. Art. 239 : Commet un vol qualifié "robatori" quiconque... commet une soustraction à l'aide d'une escalade, ou de fausses clefs ou de clefs dont la possession est illégitime.
Cass.crim. 26 mars 1957 (Bull.crim. n°288 p.518) : L'escalade, à l'aide de laquelle un vol est commis, est une circonstance matérielle inhérente au fait même et qui engage la responsabilité de tous ceux qui y ont participé.
Elle peut suffire à caractériser une tentative, comme elle peut s'analyser en une agression mettant les habitant de la maison visée en état de légitime défense.
Garçon (Code pénal annoté) : Selon la Cour de cassation... constitue une tentative de vol punissable le fait, par un individu de s'être introduit à l'aide d'escalade dans une maison habitée et d'ouvrir une armoire où il croyait trouver de l'argent.
Code pénal de Côte d'Ivoire. Art. 101 : Est présumé agir en état de légitime défense, celui qui commet un homicide, porte volontairement des coups ou fait des blessures soit en repoussant, pendant la nuit, l'escalade ou l'effraction des clôtures, murs ou entrées d'une maison, d'un appartement habité ou de leurs dépendances...
- Droit positif français. L'escalade, définie par l'art. 132-74 C.pén., est notamment une circonstance aggravante du vol (art. 311-4 6°) et de la destruction de biens (art. 322-3 5°).
Art. 132-74 C.pén. : L’escalade est le fait de s’introduire dans un lieu quelconque, soit par dessus un élément de clôture, soit par toute ouverture non destinée à servir d'entrée.
Cass.crim. 8 février 1994 (Gaz.Pal. 1994 I Chr.crim. 298) : En énonçant que le prévenu a admis s’être hissé en compagnie de son coprévenu sur la terrasse du logement de la plaignante, les juges d’appel, qui ont ainsi constaté qu’il s’est volontairement introduit à l’aide d’une voie de fait, en l’occurrence une escalade, dans une dépendance du domicile d’autrui, ont caractérisé en tous ses éléments constitutifs le délit de violation de domicile.
ESCARPE
Cf. Malfaiteur*, Tueur*, Vol aggravé*.
Un escarpe, en argot, est un voleur qui ne recule pas devant l’assassinat. En dépit de son instruction poussée, Lacenaire n’était qu’un escarpe.
Ferri (Sociologie criminelle) : On peut distinguer … 1e- type caractéristique du voleur, qui répugne au sang, et qui est par là le type opposé à celui de l’assassin ou de « l’escarpe » qui tue pour voler.
Lombroso (Les palimpseste des prisons). Cite : "Turin serait le jardin de l'Italie sans cette infâme police. C'est vraiment l'enfer de l'Italie, la tombe des pauvres escarpes et voleurs de toute espèce".
Tarde (La philosophie pénale) : Nombre de nos escarpes, s’ils étaient nés riches, s’ils n’avaient pas eu la mauvaise chance de naître et de s’élever dans un faubourg impur, d’y subir l’entraînement de camarades pervers, n’auraient jamais tué ni volé … Chez l’escarpe de nos grandes villes, l’orgueil est la note dominante du caractère.
Vidocq (Les voleurs), dans son lexique : Escarper : assassiner.
ESCIENT
Cf. Dol -dol général*, Conscience*.
Terme de l'Ancien droit français, venant du latin scire (savoir), synonyme de « sciemment ». Agir « à bon escient » signifie agir en pleine et saine connaissance de cause.
Gousset (Théologie morale) : Le bien d'autrui tu ne prendras ni retiendras à ton escient.
Coutume de Bretagne. Art. 631 : Si aucun se tue à son escient, il doit être pendu par les pieds, et traîné comme meurtrier.
Encore de nos jours, agir à bon escient c'est agir avec discernement, après mûre réflexion.
Joly (Le crime étude sociale) : Dans les magasins du Bon-Marché... ont adopté le régime suivant : ils n'interviennent qu'à bon escient et, pour être plus sûrs de leur fait, ne font arrêter une personne que quand elle est surprise pour la seconde fois à voler : alors ils saisissent la justice.
ESCLAVAGE
Cf. Dignité de la personne humaine*, Liberté*, Marchandage*, Personne humaine*, Plagiat*, Servage*, Traite des êtres humains*, Travail (liberté du)*, Travail forcé*
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° 115, p.79 / n° I-106, p.152 / n° III-109, p.392 / n° III-110, p.393 / n° III-207, p.418 / n° III-304, p.466 / n° III-328, p.494
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-II-106, p.132 (note 5)
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° 51, p.51
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », n° 327 1°, p.183 / n° 406, p.144 / n° 408, p.246 / n° 424, p.273
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° I-10, p.62 / n° I-II-5, p.146 / n° I-II-117, p.172
Voir : Décret du 16 pluviôse an II (4 février 1794), abolissant l’esclavage dans les colonies
Voir : Convention prohibant l’esclavage du 25-09-1926, amendée le 7-12-1953
Voir : Grands arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme
Voir : Un contrat de vente d’esclaves
- Notion. L’esclavage est l’état d’un être humain auquel on dénie la qualité de sujet de droit, et qui se trouve dès lors réduit au rang d’objet de propriété en tant que bien meuble.
Cuvillier (Vocabulaire philosophique). Esclavage : Condition dans laquelle le travailleur manuel se trouve assimilé à un instrument de travail et qui est la propriété de celui qui l’emploie.
Jacques Leclercq (Leçons de droit naturel, T.IV-1) : De la libre disposition de soi - L'esclavage. Quand on parle de l'esclavage, on doit prendre garde au sens des mots, car celui-ci peut recouvrir des réalités fort différentes. La définition habituelle est : un état où l'homme est traité comme une chose. L'homme libre est une personne juridique ; l'esclave est une chose, il n'est pas sujet de droit. Mais en fait l'esclavage n'est pas toujours cela... L'esclavage est une de ces institutions où le droit et le fait s'écartent, parfois à grande distance.
Pierre et Martin (Cours de morale) : L’esclavage est la condition de l’homme qui appartient à un autre en pleine propriété. L’esclave n’est plus une personne, il est une chose.
Thomas (Cours de philosophie morale) : L'esclavage est l'état de tout homme que l'on prive de sa liberté civile et politique, et que l'on traite non comme une personne, mais comme d'une chose dont on peut disposer à son gré.
Lelong (La vie quotidienne en Gaule à l'époque mérovingienne) : Les classes sociales - Au plus bas degré, au niveau du bétail, les esclaves. « Défense de toucher ni aux esclaves, ni aux chevaux, ni aux bœufs de labour » (relate Grégoire de Tours). Le meurtre ou le vol d'un esclave est puni de la même amende que celui d'un cheval ou d'une jument. Et c'est la maître qui touche la Composition*, comme c'est lui qui est responsable des crimes de son esclave. On doit rendre l'esclave fugitif comme on ramène le bétail égaré. L'esclave n'a ni bien propre ni famille : son mariage est soumis à l'autorisation préalable de son maître... celui-ci peut séparer les époux et les parents de leurs enfants. Le maître a le droit de vie et de mort sur l'esclave... Mais il semble bien que les mœurs étaient meilleures que les lois.
Boyer (La vie quotidienne des Vikings) : Il faudra très peu de temps aux Vikings pour découvrir que l'esclavage était l'une des "marchandises" les plus prisées de l'époque. Le trafic d'esclaves deviendra vite l'activité de ces commerçants parfaitement avertis des lois du "marché".
De Lurcy (Voyages autour du monde) : Le principal commerce de Macassar était autrefois celui des esclaves que les Bouguis venaient y vendre. De là, on les conduisait sur les marchés de Java, où ils étaient employés aux travaux agricoles.
Agence France Presse (19 juin 2012) : Près de 27 millions de personnes seraient réduites en esclavage dans le monde à l'heure actuelle, ont révélé les États-Unis dans le rapport annuel du département d'État sur le trafic d'êtres humains. Des progrès dans la lutte contre ce « fléau » ont toutefois été accomplis, grâce notamment aux poursuites engagées contre les trafiquants par un nombre croissant de gouvernements, relève ce rapport.
Exemple (Ouest-France 17 octobre 2014) : Grande Bretagne : une femme reconnue esclave. Cette femme sourde et muette, enlevée au Pakistan en 2003 quand elle avait 10 ans, était maintenue en esclavage par une famille vivant en Grande-Bretagne. Son ravisseur, Ilyas Ashar, a été condamné à quinze ans de prison pour viol, trafic et fraude. Sa femme a été condamnée à cinq ans de prison pour trafic et fraude.
Exemple (Ouest-France 24 juillet 2015) : Les Rohingyas, esclaves des pêcheurs thaïlandais - . Les membres de cette minorité musulmane, qui tentent de fuir le Birmanie où ils sont persécutés par les bouddhistes, sont régulièrement vendus à des pêcheurs thaïlandais.
- Règle morale. L'esclavage constitue une atteinte à la dignité de la personne humaine, moralement inacceptable en l'état de notre civilisation.
Voir : Cousin, Devoirs envers soi-même et devoirs envers autrui
Fergusson (Institutions de philosophie morale) : Personne ne naît esclave ; parce que tout homme est né avec tous ses droits originaires. Personne ne peut devenir esclave, parce qu'on ne peut pas cesser d'être une personne et devenir, comme dit le droit romain, une chose, un objet de propriété.
Montesquieu (De l’esprit des lois) : L’esclavage proprement dit est l’établissement d’un droit qui rend un homme tellement propre à un autre homme, qu’il est le maître absolu de sa vie et de ses biens. Il n’est pas bon par sa nature.
Pufendorf (Le droit de la nature, T.II) à propos de la polygamie qui augmente le nombre de célibataires : C'est un expédient bien dur et bien inhumain, que celui dont on se sert dans le Royaume d'Angola en Afrique, où l'on vend toutes les années un grand nombre de gens, pour servir d'esclaves et travailler aux mines d'Amérique.
Lecomte du Noüy (L'homme et sa destinée) : Personne n’a le droit de substituer sa propre conscience à celle d’autrui, car le progrès dépend de l’effort personnel et supprimer cet effort constitue un crime. La liberté n’est pas qu’un privilège, c’est une épreuve.
Catéchisme de l’Église catholique, § 2414 : Le septième commandement proscrit les actes ou entreprises qui, pour quelque raison que ce soit, égoïste ou idéologique, mercantile ou totalitaire, conduisent à asservir des êtres humains, à méconnaître leur dignité personnelle, à les acheter, à les vendre et à les échanger comme des marchandises. C’est un péché contre la dignité des personnes que de les réduire par la violence à une valeur d’usage ou à une source de profit.
Baudin (Cours de philosophie morale) : C'est l'égoïsme immoral qui inspire les diverses violation de la dignité morale d'autrui. L'esclavage en est la plus connue... C'est au nom de la nature divine de l'homme que le christianisme réussit à le faire disparaître, à mesure que ses principes pénétrèrent la société.
Catherine II de Russie (Cahier de jeune fille) : Il est contre la religion chrétienne et la justice de faire d'hommes, qui apportent toute la liberté en naissant, des esclaves.
Kardec (Le livre des esprits) : Toute sujétion absolue d'un homme à un autre homme est contraire à la loi de Dieu... La loi humaine qui consacre l'esclavage est une loi contre nature puisqu'elle dégrade l'homme moralement et physiquement.
Déclaration des droits et devoirs de l'homme et du citoyen (préambule à la Constitution du 5 fructidor an III) : Tout homme peut engager son temps et ses services, mais il ne peut se vendre ni être vendu ; sa personne n'est pas une propriété aliénable.
- Science criminelle.
Cette atteinte à la dignité de la personne humaine doit
impérativement, d'abord être incriminée par la loi pénale,
ensuite être sévèrement sanctionnée par les tribunaux
répressifs.
C'est le fait même de traiter un être humain comme on le ferait
d'une chose qui est sanctionné par le droit criminel ; peu
importe que le statut d'esclave soit ou non officialisé par la
loi civile locale comme il l'était dans l'Antiquité.
Loi Salique. T.XLI, art. 3 : Quiconque aura enlevé un ingénu pour le réduire en esclavage, ou l’aura vendu, sera condamné à payer 4.000 deniers, ou 100 sous d’or, pourvu qu’ensuite l’ingénu soit rentré dans sa patrie.
Pothier (Œuvres) : Quelque grande que soit la dignité de l’homme, dans nos colonies les nègres qui sont esclaves sont regardés comme biens meubles.
Jolivet (Philosophie morale) : La loi positive ne peut déclarer cessibles les droits innés, qui résultent du fait que l’on possède la nature humaine : c’est ainsi qu’elle ne peut en aucun cas légitimer l’esclavage.
Décret du 16 pluviôse an II (4 février 1794) : La Convention nationale déclare que l'esclavage des nègres dans toutes les colonies est aboli ; en conséquence, elle décrète que tous les hommes, sans distinction de couleur, domiciliés dans les colonies, sont citoyens français, et jouiront de tous les droits assurés par la constitution.
Code pénal du Brésil. Art. 149 : Réduire quelqu’un à une condition analogue à celle d’esclave … est puni de la réclusion de deux à huit ans.
Code pénal des Indes. Art. 371 : Quiconque importe, exporte, déplace, achète, vend ou dispose d'une personne en tant qu'esclave, ou accepte de recevoir ou de détenir contre sa volonté une personne en tant qu'esclave, sera puni d'un emprisonnement [à vie] de dix ans au plus et d'une amende.
Encore de nos jours tous les pays n'ont pas renoncé à la pratique de l'esclavage.
Gondal (Islamisme et Christianisme, 1906) : La légitimité de l'esclavage n'a jamais fait pour le croyant l'ombre d'un doute. Pour en contester le principe, dans le Coran, pas un mot... L'histoire nous montre les disciples du prophète toujours prêts à toutes les chasses, à toutes les guerres, à tous les marchés, pour peupler leurs tentes ou leurs palais de femmes blanches, ou d'esclaves nègres... Ceci étant le sort de l'esclave musulma est souvent moins triste que le sort de l'esclave antique.
Internet 9 décembre 2012 : Contrairement au christianisme, le Coran et l’islam n’ont jamais remis en cause l’esclavage comme institution dans la société ; néanmoins, au XXIe siècle l’esclavage a été aboli dans certains pays musulmans mais subsiste dans d’autres, plus ou moins officiellement : Arabie saoudite, Emirats Arabes Unis, Pakistan, Soudan...
Ali Sina (La psychologie de Mahomet et des musulmans, 2015) : L'ex-musulmane Nonie Darwi, dans un article intitulé "Sharia for dummies", met en exergue quelques lois : La Charia n'a jamais aboli l'esclavage ni l'esclavage sexuel et les règlemente hautement.
Exemple (Ouest-France
18 septembre 2015) : En mars dernier, l'agence Associated
Press faisait éclater un scandale. Ses journalistes avaient
remonté les filières d'approvisionnement en produits de la pêche
de grands distributeurs américains. L'un des principaux
pourvoyeurs était une société de négoce thaïlando-indonésienne,
riche à millions, qui faisait travailler sur sa flottille des
Birmans, des Cambodgiens ou des Laotiens réduits en esclavage.
Dans l'île de Kepulauan Aru, des reporters avaient trouvé des
esclaves encagés. Parmi les 400 pêcheurs interrogés, 30% avaient
été battus, 12% avaient vu un camarade mourir. Cas typique : un
marin tombait à la mer et le capitaine du thonier refusait de
stopper pour le secourir .
Il convient de préciser que lorsqu'une Convention internationale énonce que l'esclavage constitue un crime contre l'humanité, il ne fait que classer l'esclavage dans cette catégorie juridique ; elle ne le prohibe pas pour autant que de manière implicite.
Cass.crim. 5 février 2013 n° 11-85909 (Gaz.Pal. 21 février 2013 p.25) : Si la loi du 21 mai 2001 tend à la reconnaissance de la traite et de l'esclavage en tant que crime contre l'humanité, une telle disposition législative, ayant pour seul objet de reconnaître une infraction de cette nature, ne saurait être revêtue de la portée normative attachée à la loi et caractériser l'un des éléments constitutifs du délit d'apologie.
- Droit positif français. C'est l'art. 212-1 du Code pénal qui constitue de nos jours le délit de base dans la lutte contre l'esclavagisme, lorsqu'il énonce que constitue un crime contre l'humanité... la réduction en esclavage.
Huet et Koering-Joulin (Droit pénal international) : La France est partie à la Convention de Genève du 25 septembre 1926 relative à l'esclavage.
Paris (Ch. accus.) 9 juillet 1986 (Gaz.Pal. 1986 II 599) : Le fait constitutif du crime contre l’humanité doit entrer dans l’énumération des atteintes à la personne physique donnée par l’art. 6-c du statut de Nuremberg : assassinat, réduction en esclavage … Ce qui le différencie essentiellement des crimes de guerre qui, selon notre législation, sont constitués par tous crimes ou délits de droit commun non justifiés par les lois et coutumes de la guerre.
ESCROC
Cf. Affronteur*, Aigrefin*, Barat (baratin)*, Charlatan*, Chevalier d'industrie*, Divination (devin)*, Filou*, Fripon*, Laverna*, Truand*, Sorcellerie (sorcier)*, Vol*.
Voir, : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° II-330, p.397
Voir, : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° I-II-320, p.248
L’escroc est un malfaiteur qui commet une escroquerie*. Entre l'ensemble de ceux qui portent atteinte à la propriété d’autrui, il se distingue par le fait qu’il n’emploie pas la violence, mais dupe sa victime par le recours à la ruse.
Dictionnaire Larousse des synonymes : Escroc désigne celui qui, usant matériellement et moralement de manoeuvres frauduleuses, parvient à s'emparer de ce qui ne lui appartient pas.
Merlin (Répertoire de jurisprudence, 1827) : Escroc est le nom qu’on donne à un fripon qui est dans l’habitude d’attraper de l’argent ou autre chose par ruse, par fourberie.
Joly (Le crime, étude sociale) : L’escroc, qui est en passe de devenir le roi du crime contemporain, parle le langage de tout le monde.
Joly (Le crime, étude sociale) : L’escroc, qui est en passe de devenir le roi du crime contemporain, parle le langage de tout le monde.
Vidocq (Les voleurs) : Je ne sais pour quelles raisons les chevaliers d’industrie, les faiseurs, les escrocs, comme on voudra les nommer, sont moins mal vus dans le monde que ceux qui se bornent à être franchement et ouvertement voleurs.
Exemple (Télétexte du 29 juin 2009) : M..., jugé lundi, devant le Tribunal de New York, a été condamné à 150 ans de prison pour une escroquerie évaluée à 65 milliards de dollars.
ESCROQUERIE
Cf. Abus de qualité vraie*, Arnaque*, Assurances sociales*, Bonneteau*, Boule de neige*, Carambouille*, Cavalerie*, Charité*, Divination*, Dupe*, Escroc*, Filouterie*, Faux costume*, Flouer*, Foi contractuelle*, Fourberie*, Fraude contractuelle*, Furtum*, Jobard*, Manœuvre frauduleuse*, Mensonge*, Morale*, Pari*, Ruse*, Timbres-poste*, Tromperie*, Usurpation de signes de l’autorité*, Victimologie*.
Voir, : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd), n° 12, p.24 / n° I-105, p.147 / n° I-201, p.203 / n° I-209, p.213 / n° I-224, p.231 / n° I-132 2°, p.241 / n° I-239, p.251 / n° I-245, p.259 / n° II-122, p.317 / n° III-307, p.471 / n° III-320, p.485 / n° III-338, p.505
Voir, : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine », n° 16, p.15 / n° I-421, p.216 et les notes 1-2 / n° III-118, p.458 (note 3) / n° III-119, p.459-460
Voir, : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° I-II-413, p.267 / n° I-II-416, p.270 (sur les jeux de hasard) / n° II-II-216, p.508 / n° II-II-262, p.570 (sur la sécurité sociale)
Voir : Tableau des incriminations protégeant la foi contractuelle (selon la science criminelle)
Voir : Tableau des incriminations protégeant la foi contractuelle (en droit positif français)
Voir : R. Garraud, Définition et éléments du vol
Voir : G. Levasseur, Les filouteries en matière contractuelle
Voir : A. Vitu, les éléments constitutifs du délit d’escroquerie
Pour un exemple, voir : Première dénonciation de Giacomo Casanova à la police secrète de Venise)
Pour un autre exemple, proposé par Cicéron, voir à l’expression Manœuvre frauduleuse*.
Voir : L'incendie du moulin : un cas d'escroquerie à l'assurance
Pour un exemple d'escroquerie dite "à la levure", voir le Cas pratique n° 75
- Notion. Le délit d’escroquerie repose sur une tromperie, une duperie, c’est-à-dire un mensonge renforcé par des éléments de fait lui conférant une certaine crédibilité, par lequel l’escroc parvient à se faire remettre des valeurs ou à obtenir un service au détriment d’autrui (art. 313-1 C.pén., art. 405 de l’ancien code). Plus l'escroc se trouve haut situé dans la hiérarchie sociale, moins il a de mal à réussir sa manœuvre frauduleuse.
Dictionnaire étymologique Robert (v° Croc) : De l’ancien scandinave Krôkr (crochet).
Code annamite de Gia Long. Art. 243 (annotation tirée du Code chinois) : Lorsqu’il s’agit de s’emparer par fraude ou tromperie, il y a emploi d’une ruse pour aveugler la victime et la tromper, afin qu’elle donne ce qui lui est demandé de son plein gré.
Proal (La criminalité politique) : Des milliers de familles ont été ruinées par les colossales escroqueries des financiers et des politiciens. L'administrateur de la société de dynamite, qui a été condamné par la Cour d'assises de la Seine, était ancien préfet, ancien député, ancien sénateur, ancien directeur des affaires départementales et communales au ministère de l'Intérieur.
Affaire du collier de la Reine (Encyclopédie Encarta) : En 1785, le cardinal de Rohan, alors en disgrâce à la cour de France, fut convaincu par Jeanne de Valois, comtesse de La Motte, et par l’aventurier italien Cagliostro qu’il pourrait regagner les faveurs royales en agissant comme intermédiaire dans l’achat d’un collier de diamants pour la reine Marie-Antoinette. Pour achever de le persuader, on lui montra de fausses lettres de la reine et un entretien « secret » fut même arrangé, avec une femme de chambre qui tenait le rôle de Marie-Antoinette. Rohan commanda le collier, d’une valeur de 1.600.000 livres, auprès des joailliers Bassenge et Boehmer, qui le remirent à la comtesse et à son amant, les croyant envoyés par la reine. On ne revit plus jamais le collier, qui fut sans doute vendu au détail à Londres.
Statistiques. Observatoire national de la délinquance (août 2006) : Août 2005 à juillet 2006 - Escroqueries et abus de confiance : 150.613.
- Règle morale. Sorte de vol caractérisée par la ruse et la duperie, l'escroquerie est bien évidemment condamnée par la loi naturelle.
La Rochefoucauld (Maximes morales) : Le vrai moyen d'être trompé, c'est de se croire plus fin que les autres.
Gousset (Théologie morale) : Les escrocs sont ceux qui, par des discours pleins de dissimulation et d’artifice, parviennent à extorquer de l’argent, se rendent coupables de vol ; et leur faute est d’autant plus grande qu’ils ajoutent le mensonge au vol.
Vittrant (Théologie morale) : Tout dol gravement répréhensible rend nécessairement le coupable responsable des dommages ainsi causés.
Holbach (La morale universelle) parle le l'art infâme de ruiner autrui par des escroqueries punissables.
Franck Adolphe (Philosophie du droit pénal) : Il n'est pas nécessaire d'avoir lu le Code pénal pour savoir que le meurtre, le vol, le faux témoignage, l'escroquerie, l'abus de confiance sont des actions criminelles.
Tarde (La criminalité comparée) : L'atténuation du virus criminel... comporte une série de phases graduelles. Le vol avorté devient escroquerie ou abus de confiance... enfin ce qu'on nomme habileté.
Pierre et Martin (Cours de morale à l'usage de l'Enseignement primaire supérieur) : Tous ceux qui dupent les simples, les niais, les vaniteux sont de malhonnêtes gens. Le défauts des autres ne sauraient constituer une excuse morale pour les habiles qui les exploitent.
- Nature juridique du délit d’escroquerie.
À l'origine confondu avec le délit de vol (notamment à travers le
furtum romain), le délit d’escroquerie a longtemps été
considéré comme une incrimination pénale
subjective et un délit de résultat. Pourtant, comme il s’agit rationnellement d’une disposition de police contractuelle, on devrait plutôt y voir une
incrimination objective et formelle de type disciplinaire.
C’est la raison pour laquelle certains législateurs considèrent
que l'escroquerie un délit formel et n'incriminent pas la
tentative. Le droit français s'en est tenu à la conception
classique et en fait un délit de résultat, dont il punit la
tentative (art. 313-3 C.pén.) ; mais il rencontre quelques difficultés
à combiner les notions de préjudice et de tentative.
Cf. Délits pénaux (variétés : Délit de résultat)*, Infractions (variétés : Infractions complexes)*.
Constant (Manuel de droit pénal - Les infractions) : En droit belge, la tentative d'escroquerie n'est pas punissable.
Cass.crim. 15 décembre 1943 (Bull.crim. n° 153 p.223) sommaire : Le délit d’escroquerie existe indépendamment de tout préjudice éprouvé par les personnes qui ont versé des fonds.
Cass.crim. 25 octobre 1934 (Bull.crim. n° 168 p.327) sommaire : Le délit d’escroquerie peut être constitué sans qu’il soit établi que son auteur ait cherché à en tirer un profit personnel.
La jurisprudence semble avoir bien vu que l’Intérêt protégé* par l’incrimination d’escroquerie est la
foi contractuelle, laquelle comporte notamment la fourniture des
indications permettant au cocontractant de consentir en
toute connaissance de cause.
Elle admet par ailleurs que le bien en cause peut être aussi
bien un bien meuble qu'un immeuble.
Cass.crim. 7 mai 1974 (Bull.crim. n° 160 p.410) : Le délit d’escroquerie existe dès lors que les versements n’ont pas été librement consentis, mais extorqués par des moyens frauduleux.
Cass.crim. 28 septembre 2016, pourvoi n°15-84.485 : Le délit d'escroquerie peut porter sur un immeuble, lequel constitue un bien au sens de l'article 313-1 du Code pénal.
- Domaine du délit d’escroquerie. La loi pénale ne saurait viser tous les mensonges proférés lors de la conclusion de contrats ; elle ne peut réprimer que les mensonges caractérisés, (on dit en droit les mensonges qualifiés) donc susceptibles de surprendre la vigilance d’une personne raisonnablement attentive, donc de nature à troubler l’ordre social. Celui qui souscrit à une œuvre pour « la veuve du Soldat inconnu » ne peut s’en prendre qu’à lui-même pour sa crédulité.
Pour un exemple, voir le cas pratique n°10 : Un canular.
Code brahmanique des gentoux (trad. 1778). Il allait jusqu’à punir les gogos : Si un homme, par adresse et par ruse, a enlevé quelque chose à un autre ; celui-ci, en recouvrant sa propriété ne recevra pas l’intérêt de ce qu’on lui a enlevé.
Larguier et Conte (Droit pénal des affaires) : Le succès de certaines escroqueries n’est pas seulement dû au talent de leurs auteurs : il doit une large part à la bêtise des victimes, souvent doublée, d’ailleurs, d’une certaine rapacité. De là l’attitude du droit français, qui veut bien protéger les victimes, mais pas trop : si le procédé utilisé est grossier au point de ne pouvoir tromper qu’un sot, tant pis pour celui-ci.
Maurois (Histoire d’Angleterre) : A Londres, au XVIIIe siècle, un petit malin eut l’idée de demander deux guinées par tête pour une opération dont il ne pourrait révéler le secret qu’après la souscription. En un jour il reçut deux cents guinées, avec lesquelles il s’enfuit. Voici un pactole facilement et impunément gagné !
- Il résulte de ce principe que le simple mensonge proféré sur le plan contractuel ne relève pas du délit d’escroquerie, mais des dispositions du Code civil (causes de nullité, dommages-intérêts).
Digeste de Justinien, 47, II, 53, 15. Ulpien : L'esclave qui se dit libre, afin qu'on lui prête de l'argent, ne commet pas un vol : car il affirme seulement qu'il est un débiteur valable.
Garçon (Code pénal annoté) : Les simples mensonges ne suffisent pas pour constituer l’escroquerie. Les fausses allégations, quelque habiles et captieuses qu’elles soient, alors même qu’elles ont pour but et pour résultat une remise de fonds, ne tombent pas sous le coup de l’art. 405.
Cass.crim. 11 février 1976 (Bull.crim. n° 54 p.128) : Un mensonge, même produit par écrit, ne peut constituer une manœuvre caractéristique du délit d’escroquerie, s’il ne s’y joint aucun fait extérieur destiné à lui donner force et crédit.
Cass belge 5 novembre 1974 (Pas. 1975 I 277) : Des déclarations mensongères, fussent-elles répétées, ne suffisent pas pour constituer le délit d’escroquerie lorsqu’elles ne sont pas accompagnées d’un fait extérieur ou d’un agissement quelconque destiné à y faire ajouter foi.
- Éléments constitutifs de l’escroquerie. Alors que le délit du vol vise à assurer la protection du droit de propriété portant sur des biens meubles, le délit d’escroquerie tend à garantir le respect de la foi contractuelle.
Cf. Condition préalable*, Élément matériel*, Élément moral*.
L’escroquerie suppose une Condition préalable : il faut que les actes reprochés se soient déroulés dans le cadre de la conclusion d’un contrat. C’est ce que le législateur entend lorsqu’il exige que la manœuvre ait tendu, soit à la remise de fonds, de valeurs, de biens ou de services, soit à souscrire un acte opérant obligation ou décharge.
Cass.crim. 26 novembre 1932 (Bull.crim. n° 245 p.463) : Les moyens frauduleux prévus par l’art. 405 C.pén. ne peuvent constituer le délit d’escroquerie que s’ils ont eu pour but ou pour effet d’obtenir une remise volontaire de fonds… de la part de la personne vis-à-vis de laquelle ils ont été employés.
- Puisqu’un simple mensonge ne peut constituer l’élément matériel d’une escroquerie, il faut qu’il ait été renforcé par un élément extérieur. Le législateur en a retenu trois : l’usage d’un Faux nom*, la prise d’une Fausse qualité*, l’Abus d’une qualité vraie*, l’emploi de Manœuvres frauduleuses*. Encore faut-il que celui de ces actes qui a été accompli en l’espèce ait présenté un caractère déterminant.
Cass.crim. 11 juillet 1990 (Bull.crim. n° 284 p.716) : Ne caractérise pas le délit d’escroquerie la cour d’appel qui ne précise pas en quoi les manœuvres décrites sont frauduleuses et déterminantes de la remise d’une chose.
Aix-en-Provence 20 juin 2008 (Gaz.Pal. 12 septembre 2009) : Est coupable d'escroquerie l'individu qui se fait passer pour un banquier auprès de personnes âgées, ayant également des problèmes de santé, et leur fait croire à l'existence de faux euros et de problèmes liés à l'utilisation des cartes bancaires pour se faire remettre des fonds et des cartes accompagnées de leurs codes secrets.
Cass.crim. 8 juin 1912 (D. 1913 I 154) : Il y a délit d’escroquerie, par un individu,, après avoir organisé une partie de baccarat, de se placer à côté d’un joueur, de lui donner des conseils en apparence désintéressés, et, en même temps d’indiquer à ses partenaires, au moyen d’un appareil avertisseur dissimulé sous le tapis de la table, les cartes que ce joueur a en main.
Cass.crim. 1er juin 2011 (n° 10-83568, Gaz.Pal. 29 octobre 2011 p.41) sommaire : Constitue un stratagème caractérisant les manœuvres frauduleuses de l'escroquerie le fait d'ouvrir un compte bancaire dans le seul but de se faire délivrer un chéquier destiné à créer une apparence de solvabilité, et de n'utiliser les chèques que pour obtenir des marchandises dans le dessein, formé dès l'origine, de ne pas en payer le prix.
Affaire Stavisky. Le fin du fin, en matière d’escroquerie, consiste à obtenir la caution d’un tiers innocent. Ainsi, pour placer ses bons de caisse, gagés sur des bijoux surévalués, Stavisky fit intervenir un de ses obligés auprès d’un ministre, lequel rédigea en toute bonne foi le document suivant : Étant donné les avantages de sécurité que présentent de tels placements, je ne doute pas que les Conseils d’administration, et plus particulièrement ceux de Bayonne, ne réservent un bon accueil aux offres qui leur seront faites.
Le délit est constitué même si le bien escroqué est remis à un tiers.
Cass.crim. 4 mai 2016, pourvoi n° 15-81244 : L'article 313-1 du Code pénal, qui fait notamment de la remise de fonds l'un des éléments constitutifs de délit d'escroquerie, n'exige pas que cette remise soit opérée dans les mains de l'auteur du délit.
Cass.crim. 26 octobre 1995 (Bull.crim. n° 326 p.947) : Le délit d’escroquerie n’exige pas que les fonds aient été remis directement par la victime entre les mains de l’escroc.
Le préjudice causé par les actes reprochés est ordinairement pécuniaire, mais peut aussi être moral.
Cass.crim. 28 janvier 2015, n°13-86772 (Gaz.Pal. 19 février 2015 p.26) : Le préjudice, élément constitutif du délit d'escroquerie, n'est pas nécessairement pécuniaire, et est établi lorsque l'acte opération n'a pas été librement consenti par la victime mais a été obtenu par des moyens frauduleux.
- Enfin, comme dans toute incrimination pénale exposant son auteur à une peine d’emprisonnement, il faut que les actes accomplis comportent un élément moral, à savoir un dol général. Mais la nature des actes matériels incriminés l’implique le plus souvent ; aussi les juges ne s’y attardent-ils guère.
Cass.crim. 28 mars 1996 (Gaz.Pal. 1996 II Chr.crim. 132) : Le mandataire infidèle qui trompe volontairement son mandant en participant aux manœuvres frauduleuses destinées à le dépouiller intervient comme un tiers, complice de l’escroc.
Cass.crim. 24 avril 1807 (Tables du Sirey) : L’abus de crédulité constitue le délit d’escroquerie lorsqu’il est accompagné de circonstances ourdies avec assez d’art pour tromper de bons esprits.
Paris 29 octobre 1998 (Gaz.Pal. 1999 II somm.
p. 767) : Le simple mensonge émanant de la personne poursuivie n'est pas considéré comme une manœuvre frauduleuse, quelle que soit sa gravité,
même si c'est lui qui a déterminé la remise des fonds, valeur ou bien visés par l'article 313-1 du Code pénal.
En effet, cette infraction suppose des manœuvres frauduleuses, c'est-à-dire un élément extérieur indépendant du mensonge qui en augmente la puissance
de persuasion et tente à convaincre la dupe d'une fausse entreprise.
L'une des plus graves escroqueries est celle qui touche directement la collectivité, notamment la sécurité sociale. Le déficit de cet organisme humanitaire s'explique en effet largement par les manœuvres de certains individus qui devraient être traités comme des criminels.
Exemple (Télétexte du 23 mars 2007) : Le paraplégique était karateka. Il a été interpellé pratiquant le karaté alors qu'il se disait infirme et se présentait en fauteuil roulant pour toucher les allocations pour personne handicapée [selon une autre source cet individu, âgé de 44 ans, percevait ainsi 750 € par mois]
- Variétés de l’escroquerie. La pratique a donné un nom particulier à certains modes opératoires.
Cf. Assurances sociales*, Boule de neige*,
Divination*, Filouterie*,
Mariage (escroquerie au mariage)*.
- L’escroquerie à la charité. L’exploitation de la charité publique relève de l’escroquerie lorsqu’un individu fait appel aux bons sentiments de la population pour une bonne œuvre, mais qu’en réalité il ne cherche qu’à s’enrichir personnellement. Un tel délit doit être sanctionné de la manière la plus rigoureuse ; car, une fois dévoilé, il tarit les sources de revenus des associations caritatives honnêtes et sérieuses.
Bouloc (Encyclopédie Dalloz, v° Escroquerie) : L’escroquerie à la charité publique s’est exercée récemment en laissant croire à l’existence de prétendues œuvres sociales en faveur des cancéreux.
Cass.crim. 23 novembre 1987 (Gaz.Pal. 1989 I somm. 3) : Retient à bon droit la culpabilité du prévenu du chef d’escroquerie l’arrêt qui énonce que le prévenu a collecté des fonds sur la voie publique par l’intermédiaire d’un groupe de vendeurs en proposant des autocollants sur lesquels figuraient la mention «Soutenez l’Association pour l’aide à la recherche médicale française, ses objectifs : fournir aide et assistance par tous moyens appropriés à la recherche médicale en France», dès lors que les juges relèvent que le prévenu a conservé l’essentiel des fonds recueillis, trompant ainsi les acheteurs.
Troyat (La vie quotidienne en Russie) : Sur le marché de Moscou il y avait toujours des amateurs pour acheter une « liberté aux oiseaux ». Après de longs palabres, l’oiseleur acceptait, en maugréant, le prix fixé avec le client, recevait l’argent, ouvrait la cage et laissait s’envoler l’oiseau. Duperie ! C’était des oiseaux apprivoisés. Un peu plus loin ils se posaient, fermaient leurs ailes, et attendaient sagement qu’un gamin vînt le cueillir et le rapporter au marchand pour être remis en vente. [Cette rouerie était connue depuis longtemps en Chine]
- Escroquerie à l’assurance. Il existe de nombreuses variétés d’escroqueries à l’assurance, mais toutes se ramènent à l’idée qu’un assuré cherche à utiliser la police qu’il a souscrite pour obtenir le paiement de sommes indues : qu’il déclare un sinistre imaginaire, qu’il le cause volontairement mais secrètement, qu’il majore l’importance des dommages... Pour que l’affaire puisse venir au pénal, il ne suffit pas d’une déclaration mensongère, il faut en outre qu’elle soit étayée par des indications de fait précises. La tentative est constituée du moment où la déclaration de sinistre, accompagnée des pièces justificatives, est transmise à l’assureur.
Véron (Droit pénal spécial) : Fausse déclaration de sinistre. C’est le procédé utilisé en cas d’escroquerie ou de tentative d’escroquerie à l’assurance. Pour justifier ou tenter de justifier le sinistre couvert par la compagnie, l’escroc joint à sa déclaration de vol, d’incendie ou d’accident des attestations de complaisance… ou le récépissé de déclaration faite à la police avec certificat de non-découverte et de non restitution (Cass.crim. 14 mars 1979, Bull.crim. n° 107 p.303).
Cass.crim. 17 juillet 1991 (Gaz.Pal. 1992 I somm. 270) : La déclaration faite à une compagnie d’assurance d’un sinistre volontairement provoqué et corroborée par l’emploi de manœuvres frauduleuses déterminantes de la remise des fonds suffit à caractériser le commencement d’exécution de la tentative d’escroquerie.
Cass.crim. 22 février 1996 (Gaz.Pal. 1996 II Chr.crim. 115) : En matière d’escroquerie à l’assurance, au sens des art. 405 ancien et 313-1 nouveau C.pén., suffit à constituer le commencement d’exécution caractérisant la tentative, la déclaration de sinistre faite à l’assureur, lorsqu’elle est accompagnée, comme en l’espèce, d’un faux document destiné à entraîner l’application du contrat.
- Escroquerie dite « au collet marseillais ». Ce procédé est décrit en ces termes par l'annotateur.
Paris
3 mai 2013 (Gaz.Pal. 29 août 2013). Note Lasserre Capdeville :
Le "collet marseillais" est une technique utilisée par des
personnes mal intentionnées pour subtiliser des cartes bancaires
mais également leur code secret. Ce piège implique plusieurs
actes distincts. Dans un premier temps, un individu va poser,
sur un distributeur automatique de billets un système permettant
de bloquer la carte dans l'appareil. Puis, dans un second temps,
lorsque le titulaire d'une carte viendra retirer de l'argent, il
verra sa carte bloquée dans l'appareil et un complice
interviendra afin d'obtenir, par ruse, le code confidentiel.
Généralement, il s'agira d'une personne informant la victime de
la méthode à suivre pour récupérer la carte, soit composer à
nouveau le code (aisément vu par le complice)... Quelle que soit
la méthode employée, il ne restera plus à l'un des "malfaisants"
qu'à récupérer la carte bloquée dans le distributeur [puis à
effectuer avec des paiements].
Il appartient à la banque qui refuse de rembourser le titulaire
de la carte bancaire victime de cette escroquerie de prouver la
faute lourde du titulaire ou son opposition tardive.
- Escroquerie au jugement. L’expression « escroquerie au jugement » vise une jurisprudence, quelque peu osée, qui fait application de l’incrimination de l’art.313-1 C.pén. dans le cas où un individu parvient, en trompant un tribunal par la production d’une pièce fausse, à obtenir une décision qui portera atteinte au patrimoine d’autrui.
Voir : A. Vitu, les éléments constitutifs du délit d’escroquerie (n° 2313)
Véron (Droit pénal spécial) : Bien qu’il soit discutable d’assimiler un jugement à un acte opérant obligation ou décharge, la jurisprudence n’hésite pas à incriminer comme escroquerie le fait de tromper sciemment un juge pour en obtenir une décision favorable à ses prétentions, soit par la production de faux documents, soit à l’aide de faux témoignages.
Cass.crim. 7 janvier 1970 (Bull.crim. n°14 p.30) : Si l’exercice d’une action en justice constitue un droit, sa mise en œuvre peut constituer une manœuvre frauduleuse caractérisant le délit d’escroquerie.
Cass.crim. 26 mars 1998 (Gaz.Pal. 1998 II Chr.crim. 121) : Constitue une tentative d’escroquerie le fait pour une partie de présenter sciemment en justice un document mensonger destiné à tromper la religion du juge et susceptible, si la machination n’est pas déjouée, de faire rendre une décision de nature à préjudicier aux intérêts de l’adversaire. [De même : Cass.crim. 14 mars 1972 - Gaz.Pal. 1972 II 738]
Cass.crim. 24 juin 1970 (Bull.crim. n° 213 p.516) : On ne saurait voir une manœuvre frauduleuse, au sens de l’art. 405 C.pén. dans la production, à l’appui d’une action en justice, d’une pièce dont le juge civil a précisément pour mission de déterminer le sens exact et la valeur probante.
Cass.crim. 6 octobre 2010 (n°10-81075, Gaz.Pal. 6 janvier 2011) sommaire : Il appartient au juge civil de déterminer les effets juridiques des pièces produites, sans autre manœuvre leur donnant force ou crédit; à l'appui d'une action en justice.
- Escroquerie dite « à la succession imaginaire ». Il s’agirait d’un cas banal d’escroquerie par manœuvres reposant sur une succession imaginaire, si elle n’avait donné lieu à une infraction qui eut un retentissement national : l’affaire Humbert. L’argent de la succession était sensé se trouver dans un coffre-fort qui ne pourrait être ouvert qu’une fois achevée la procédure en cours ; or le coffre était vide.
Garçon (Code pénal annoté) : Il est impossible de passer sous silence l’escroquerie commise par la famille Humbert, que l’importance des sommes escroquées autant que la situation sociale des escrocs a rendue fameuse. Elle se résumait en deux manœuvres frauduleuses très connues et consistant à feindre une succession imaginaire et faire miroiter aux yeux des dupes le gain d’un procès. L’originalité de la ruse avait consisté à faire une transaction sur un testament chimérique d’un prétendu Crawford léguant une fortune de 80.000.000 de francs-or à Mme Humbert, et à susciter sur cette transaction une interminable suite de procès soutenus devant toutes les juridictions.
Thérèse Humbert (Les grands procès, France-loisirs) : L’affaire commence en 1885 lorsque l’épouse de Frédéric Humbert, fils d’un sénateur ancien garde des Sceaux, annonce qu’elle vient d’hériter d’un riche américain (Crawford)… Très vite, Thérèse demande à des usuriers des avances considérables sur son héritage. Par le biais de ces emprunts réunit une somme considérable qui lui permet de mener une vie somptueuse à Paris, dans un hôtel particulier de l’avenue de la Grande-Armée… Tout s’effondre en 1902 lorsqu’un journaliste du quotidien « Le Matin » découvre qu’à l’adresse donnée pour les neveux Crawford se dresse un immeuble de l’Armée du Salut… La famille au complet s’enfuit en Espagne… Lorsque le Préfet de police Lépine perquisitionne au domicile des Humbert, il trouve le coffre vide.
- Escroquerie dite « au trésor espagnol ». Grand classique de la délinquance, l’escroquerie dite « au trésor espagnol » consiste pour un étranger (ou pseudo-étranger) à faire croire à une personne (généralement attirée par la cupidité) qu’il a dû fuir son pays en y abandonnant une fortune considérable et que, si elle l’aide à le récupérer, elle en recevra une bonne part.
Garçon (Code pénal annoté, 1901) : L’escroquerie au trésor, ces dernières années, a été spécialement pratiquée par des espagnols. L’escroc écrit ordinairement à la dupe une lettre où il lui fait connaître que, victime de persécutions politiques, et forcé de se réfugier en France, il a caché toute sa fortune. Ne pouvant reprendre son bien, il a recours à son correspondant pour que celui-ci récupère ces biens, en offrant de lui abandonner une part des valeurs… Lorsque la dupe répond, on exige d’elle une certaine somme, sous un prétexte quelconque…
- Escroquerie dite « vol à l’américaine ». La principale forme de cette infraction consiste dans le fait pour un malfaiteur de se faire remettre une somme d’argent, soit pour prix d’indications présentées comme confidentielles, mais en réalité fausses, soit en contrepartie d’une chose sans valeur réelle. Il y a escroquerie, et non pas vol, puisque les deux parties sont entrées en relations d’affaires (affaires généralement louches, c’est pourquoi les victimes hésitent à porter plainte).
Voir Sutherland et Cressey : Profession : voleur.
Garçon (Code pénal annoté) : Un cas très clair de remise obtenue par dol est la tromperie, connue sous le nom de « vol à l’américaine », qui consiste essentiellement à se faire remettre une somme importante, en échange d’objets sans valeur laissés en gage à une dupe. Ce vol à l’américaine est une escroquerie ; et c’est sous cette qualification qu’il est quotidiennement réprimé par les tribunaux correctionnels.
- Escroquerie dite « vol au rendez-moi ». On englobe sous la formule « vol au rendez-moi » des agissements qui tournent autour de l’exemple suivant : une personne entre dans un magasin, prétend faire un achat, paie avec un billet et empoche la monnaie, puis renonce à cet achat, demande la restitution du billet mais profite de la confusion pour conserver la monnaie. De telles manœuvres relèvent de l’escroquerie, dès lors qu’elles sont accomplies dans le cadre de relations contractuelles.
Lambert (Droit pénal spécial) : Manœuvre frauduleuse encore, celle de l’escroc inexactement appelé « voleur au rendez-moi ». Il est clair, en effet, que cet individu, en demandant la monnaie du billet de 50 F qu’il exhibe sans encore le remettre, et auquel il substitue adroitement au moment de la remise un billet de 10 F, ne commet pas un vol, mais une escroquerie.
Cass.crim. 17 mars 1899 (S. 1900 I 249). Dans son arrêt Fourcade elle écarte la qualification de vol, mais reproche aux juges du fond de n’avoir pas recherché une autre qualification : L’individu qui, après avoir choisi chez un marchand un objet de peu de valeur et reçu la monnaie lui revenant sur une pièce d’or par lui donnée en paiement du prix de cet objet, s’est fait restituer la pièce d’or par le marchand, grâce à la confusion que ses agissements ont fait naître chez celui-ci, et s’en est allé emportant la pièce d’or, la marchandise et la monnaie n’est pas devenu possesseur de cette marchandise et de la monnaie par un acte d’appréhension, et par suite n’a pas commis le délit de vol.
- Escroquerie informatique. De nos jours, l'escroquerie peut résulter d'une manœuvre frauduleuse perpétrée par l'entrée frauduleuse dans un système informatique.
Code pénal de la Fédération de Bosnie Herzégovine. Art. 395 : Celui qui, sans autorisation, pénètre, endommage, fausse ou efface des informations ou le programme d'un ordinateur... dans le but d'acquérir un gain matériel illégal pour lui ou pour quelqu'un d'autre, et nuit ainsi à autrui, sera puni de six mois et cinq ans de prison.
- Escroquerie à la sécurité sociale. Cette institution de bienfaisance est hélas plombée par de nombreuses manœuvres frauduleuses, souvent orchestrées par des bandes organisées qui devraient être lourdement sanctionnées ; tout comme les détournements commis dans le cadre d'organismes humanitaires.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° II-II-262, p.570