DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL
- Professeur Jean-Paul DOUCET -
Lettre S
(Deuxième partie)
SALUBRITÉ PUBLIQUE
Cf. Hygiène et sécurité*, Logement insalubre*, Ordre public*, Paix publique*, Police administrative*, Santé publique*, Sécurité publique*, Tranquillité publique*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° II-II-251, p.545
L’objet de la salubrité publique est d’établir et de maintenir un environnement favorable à la Santé*. Partie de l’Ordre
public*, elle constitue un Intérêt juridique* que les autorités publiques ont le devoir de
protéger.
L’administration, en particulier, doit veiller à la salubrité publique dans l’exercice de son pouvoir de police. Ainsi l’art. R.632-1 C.pén. français (ancien art.
R.30-14) incrimine l’abandon d’ordures, déchets ou autres dans un lieu public ou dans un lieu privé.
St Thomas d'Aquin (Du gouvernement royal) : Pour la fondation d'une cité, le roi doit commencer par choisir une région qui doit être tempérée. Car le climat tempéré procure aux hommes santé et longévité... Un emplacement sera salubre, enseigne Végèce, s'il est élevé, sans nuages ni brouillards, exposé ni au froid ni au chaud, enfin s'il est distant des marécages.
De Laubadère (Droit administratif) : L’expression salubrité vise la limitation du risque de maladie.
Code pénal du Luxembourg. Sous l’art. 31 : La loi du 29 juillet 1912 sur la police sanitaire du bétail prévoit l'application de la confiscation… comme mesure de précaution dans un intérêt de salubrité publique (Cass. 6 octobre 1916, Pasicrisie 10, 11).
Cons. d’État 21 février 1986 (Gaz.Pal. 1986 II panor.adm. 480) : La vente par colportage de denrées de bouche ou de tout autre produit manufacturé, sur les plages très fréquentées en période estivale d’une commune, présente, tant pour la salubrité publique que pour la tranquillité publique, des dangers de nature à en justifier l’interdiction pendant la saison balnéaire.
Cass.crim. 24 novembre 1982 (Gaz.Pal. 1983 I 186). Aux termes du décret du 2 mars 1973 la police municipale ne peut avoir pour objet que d’assurer le bon ordre, la sécurité et la salubrité publique.
SANCTION
Cf. Application de la loi pénale dans le temps*, Application des peines*, Acception de personne*, Action publique*, Déchéance de nationalité*, Dommages-intérêts*, Égalité*, État*, Énerver la répression*, Expiation*, Intimidation*, Lex imperfecta*, Mesure de sûreté*, Mulcter*, Non bis in idem*, Peine* (et ensemble des renvois), Punition*, Purification *, Raisonnement pénal*, Récompenses*, Rédemption*, Réparations civiles*, Responsabilité*, Rétribution*, Sanction réelle*.
Voir : Fauconnet, Introduction sociologique à l’étude de la responsabilité
Voir : A. Franck, De la peine en général
Voir : A. Pierre et A. Martin, Cours de morale à l'usage des écoles primaires supérieures
Voir : J-L Charvet, Punir ?
Voir : M. Alboize et A. Maquet, La conspiration du Doge Faliero (portrait voilé de noir)
- Notion. La conséquence ultime d’un acte ou d’une activité humaine consiste en une sanction. Si cet acte était conforme au bien, son prix sera une Récompense* ; s’il était vicié par le mal, sa suite sera une Peine*. En soi le terme sanction est donc neutre : il ne prend un sens positif ou négatif que lorsqu’il est assorti d’un qualificatif précisant le type de mesure qui sera prise : réparatrice, curative, ou répressive.
Dictionnaire de la culture juridique, V° Sanction (Laquièze) : Est une sanction toute mesure, peine, réparation ou récompense, prise dans le but d’assurer le respect d’une obligation juridique.
Lorrin (Morale fondamentale) : Les sanctions sont les joies et les peines qui récompensent et punissent les actes bons ou mauvais. Elles peuvent être considérées, juridiquement, comme ce qui est dû, en justice, au mérite et au démérite du sujet qui a observé ou violé l’ordre moral objectif.
Jolivet (Traité de philosophie - morale) : La sanction n'est rien d'autre que ce qui répond au mérite ou au démérite, c'est-à-dire l'ensembles des récompenses ou des châtiments attachés à l'observation ou à la violation de la loi morale... Toute loi doit avoir une sanction, sans quoi elle serait illusoire.
Baudin (Cours de philosophie morale) : D'une manière générale, on entend par sanctions les plaisirs et les peines qui récompensent ou punissent les actes.
Pierre et Martin (Cours de morale pour l'enseignement primaire) : Puisque l’observation de la loi est indispensable au bon ordre, il faut nécessairement qu’une sanction y soit attachée. Il y en a quatre principales : la sanction sanction légale ou ensemble des châtiments et des récompenses distribués par la loi ; la sanction de l’opinion publique, c’est-à-dire l’estime et le mépris ; la sanction naturelle, ou les conséquences de nos actions ; la sanction personnelle, ou les sentiments intimes de satisfaction et de remords qui accompagnent nos actions.
1° Sanction de l’opinion publique. En premier lieu les actes positifs ou négatifs d’une personne sont appréciés par ses voisins et connaissances ; ils influent sur l’opinion que le public a d’elle, et se traduisent par un sentiment de considération ou de répulsion. À la barre d’un tribunal on appelle parfois des « témoins de moralité » (l’art. 331 C.pr.pén. autorise les témoins à déposer sur la personnalité et la moralité de l’accusé).
Bentham (Déontologie ou science de la morale) : La sanction morale ou populaire est celle qu'on appelle communément opinion publique.
Bentham (Déontologie ou science de la morale) : Sanction populaire. Timothée était membre d'un club riche et respecté. Un jour il s'y rend en état d'ivresse ; il insulte le secrétaire ; il est expulsé par un vote unanime.
Fergusson (Institutions de philosophie morale) : Les sanctions de l'opinion publique renferment aussi bien la louange ou le blâme que les hommes accordent aux actions qui leur plaisent ou qui les offensent.
Pierre et Martin (Cours de morale) : La sanction de l’opinion publique consiste dans l’opinion que le public a de nous, dans l’estime ou la mésestime que les autres nous témoignent, selon qu’ils nous jugent vertueux ou non. Mais leur jugement ne porte que sur les apparences, ils ne peuvent deviner les intentions ni sonder le fond des cœurs, et ils se trompent souvent.
Code criminel de Bulgarie. Art. 181 : Celui qui se dérobe à ses obligations légales envers un conjoint, un ascendant ou à un descendant, incapable de prendre soin de lui-même, et le place de ce fait dans une situation de sérieuse difficulté ... sera puni d’un travail correctif, aussi bien que par la réprobation publique.
On a remarqué que si la sanction populaire peur toucher des voisins, des relations de travail ou des compagnons de jeux, elle ne nuit que rarement à l'actuel personnel politique ; sans doute est-ce parce que, dans son ensemble, il ne bénéficie pas au départ d'une grande considération.
Proal (La
criminalité politique) Préface à la seconde édition : Tandis
que les philosophes grecs considéraient la vénalité des hommes
politiques comme le plus grand des crimes, les mœurs
plus indulgentes faisaient fermer les yeux quand la vénalité ne
dépassait pas une certaine mesure...
Aujourd'hui encore, le jury est si peu indigné de la vénalité
des politiciens qu'il les acquitte habituellement... Malgré la
preuve certaine de leur culpabilité, les électeurs réélisent
députés et sénateurs des hommes convaincus de concussion.
2° Sanction civile. La sanction civile est une mesure qui tend le plus souvent à assurer la réparation du dommage subi par la
victime d’une infraction ; elle peut consister en une remise en l’état (restitution du bien volé) ou/et en des dommages-intérêts. Voir : Délit
civil* et Réparations civiles*.
Mais elle peut consister aussi en des mesures de police telle que la nullité du contrat, s'il présente un caractère illicite ou immoral.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° III-13, p.371
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », sur l'exhérédation : n° 341, p.223
Parlement de Paris 16 juillet 1676 (arrêt Dame Brinvilliers) : Déclare ladite d’Aubray de Brinvilliers dûment atteinte et convaincue d’avoir fait empoisonner maître Dreux d’Aubray, son père, et lesdits maîtres d’Aubray, ses deux frères, et attenté à la vie de Thérèse d’Aubray, sa sœur… la déclare déchue des successions de ses dits père, frères et sœur.
Cass. 1e civ. 7 octobre 1998 (Gaz.Pal. 1999 I Panor. 20) : Il résulte de l'art. 6 C.civ. que la méconnaissance de l'art. L.121-26 al.1 du Code de la consommation est sanctionnée non seulement pénalement mais encore par la nullité du contrat.
TGI Paris 9 mai 1975 (JCP 1976 II 18469 note Plaisant) : Un acte juridique tendant à la préparation ou à la consommation d’un délit, surtout si celui-ci est pénalement répréhensible, est nul.
Cass.soc. 20 février 1986 (Gaz.Pal. 1986 II Panor.136) : Le vol commis au préjudice de son employeur par le salarié constitue un motif réel et sérieux de licenciement.
3° Sanction disciplinaire.
Les sanctions disciplinaires sont notamment le Blâme*, la
Dégradation*, la Réprimande*, la Suspension*,
l'Amende*, voire la mise à pied.
Elles s’appliquent notamment en cas de violation d’un
Code de déontologie, et très généralement dans la
Fonction publique.
Cf. :
Arrêts*, Délit disciplinaire*, Déontologie*, Non bis in idem*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° III-14, p.372
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° II-I-146, p.396
Voir : Code de déontologie médicale (extrait du code de la Santé publique).
Voir : Fédération Française de Football, Règlement disciplinaire.
Sur la censure prononcée contre un magistrat pour faute professionnelle : Cass. chambres réunies 31 janvier 1888.
Règlement intérieur du Sénat. Art. 92 : Les peines
disciplinaires applicables aux membres du Sénat sont : - le rappel à l'ordre ; - le rappel à l'ordre avec inscription au procès-verbal ; - la censure ; - la
censure avec exclusion temporaire.
Art. 94 : La censure est prononcée contre tout sénateur : 1... 2° Qui, dans le Sénat, a provoqué une scène tumultueuse ; 3° Qui a adressé à un ou plusieurs de
ses collègues des injures, provocations ou menaces...
Art. 95 : La censure avec exclusion temporaire du Palais du Sénat est prononcée contre tout sénateur :... 2° Qui, en séance publique, a fait appel à la
violence ; 3° Qui s'est rendu coupable d'outrages envers le Sénat ou envers son Président ; 4° Qui s'est rendu coupable d'injures, provocations ou menaces envers
le Président de la République, le Premier ministre, les membres du Gouvernement et les assemblées prévues par la Constitution.
Gaudemet (Droit
administratif, 19e éd.) : En matière de faute
disciplinaire, il n'existe pas d'énumération légale des fautes,
comparable au principe de droit pénal de la légalité des délits.
C'est l'autorité chargée de la répression disciplinaire qui
apprécie si un fait donné présente un caractère suffisamment
répréhensible pour justifier une sanction disciplinaire.
S'il ne définit pas la faute disciplinaire, le statut énumère
par contre les sanctions disciplinaires réparties en quatre
groupes. Ce sont: 1°/ l'avertissement et le blâme ; 2° La
radiation du tableau d'avancement, l'abaissement d'échelon,
l'exclusion temporaire pour une durée de 15 jours maximum, le
déplacement d'office ; 3°/ la rétrogradation, l'exclusion pour
une durée de 6 mois à 2 ans ; 4° la mise à la retraite d'office
et la révocation.
Cons. d’État 29 décembre 2000 (Gaz.Pal. 1er novembre 2001) : Il est reproché au défendeur d’avoir, en violation de l’art. 49 du Code de déontologie, pendant la période où il était médecin personnel du Président Mitterrand de 1981 à 1994, rédigé et signé à la demande de celui-ci des bulletins de santé dont le caractère incomplet, inexact ou tendancieux n’est pas contesté… peine de la radiation du tableau de l’Ordre des médecins.
Cons. d’État 13 novembre 2013, n° 347704 (Gaz.Pal. 28 novembre 2013 p.28) sommaire : Il appartient au juge de l'excès de pouvoir de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
Cons. d’État 23 juillet 2010, n° 329191 (Gaz.Pal. 30 octobre 2010) : S'il appartient au juge disciplinaire de motiver suffisamment les raisons de droit et de fait pour lesquelles des griefs reprochés à un praticien constituent des fautes... en revanche il n'est pas tenu de motiver le choix de la sanction prononcée en application de la loi, alors même que le juge d'appel aggraverait ou diminuerait la sanction infligée en première instance.
C.adm.appel Lyon 23 janvier 1996 (Gaz.Pal. 1997 I Panor.73) : Le fait pour un brigadier de police d’avoir laissé dérober un carton de vêtements dans un véhicule déclaré volé justifie la sanction disciplinaire de la révocation.
Cass.crim. 9 décembre 1992 (Gaz.Pal. 1993 I Chr.crim. 236) : La perte de son titre par le titulaire de la médaille militaire est la conséquence nécessaire et l’accessoire obligé de toute condamnation pour crime.
Cass.crim. 27 mars 1997 (Bull.crim. n° 128 p.431) : La règle non bis in idem n’interdit pas le prononcé de sanctions disciplinaires parallèlement aux sanctions infligées par la juge répressif.
Cass.crim. 11 septembre 2007 (Bull.crim. n° 199 p.840) : La mise à pied d'un représentant du personnel, qu'elle soit de nature conservatoire ou disciplinaire, n'a pas pour effet de suspendre l'exécution de son mandat.
Thucydide (La guerre du Péloponnèse) : Au cours de cet été 420 av. J.-C. on célébra les jeux olympiques. Les Lacédémoniens se virent interdire par les Éléens l'accès de l'enceinte sacrée et ils ne purent, ni sacrifier, ni participer aux jeux. Ils n'avaient pas payé l'amende à laquelle, invoquant le loi olympique, les Éléens les avaient condamnés, comme coupables d'avoir attaqué leur fort de Phyrcos.
Exemple (Ouest-France 13 octobre 2006) : Un footballeur anglais avait montré ses fesses en plein match pour "humilier" les supporters de l'équipe adverse. Ce geste stupide lui coûtera 3.000 €, le montant de l'amende infligée par la Fédération de foot anglaise pour "conduite inappropriée et atteinte à l'honneur du match.
4° Sanction religieuse. De nombreuses religions enseignent que la violation par une personne des règles prescrites par leur
Dieu est sanctionnée, de son vivant par une pénitence voire par l'excommunication, ou après sa mort par un châtiment proportionné à la gravité du méfait
commis.
Il importe d'observer que cette sanction de type spirituel produit un effet de prévention des infractions, et renforce par
là même les sanctions pénales
temporelles.
Cf. Damnation*, Excommunication*, Pénitence*.
Voir : Platon, Les sanctions pénales dans l’au-delà
Voir : Dante, La Divine comédie : le poète et le crime
Catéchisme de l'Église catholique (§ 1039) : Le Jugement dernier révélera jusque dans ses ultimes conséquences ce que chacun aura fait de bien ou omis de faire durant sa vie terrestre (« Tout le mal que font les méchants est enregistré - et ils ne le savent pas » a dit St Augustin).
Bruguès (Dictionnaire de morale catholique v° Pénitence) : Le sacrement de pénitence comporte quatre éléments : l'aveu des péchés à un ministre légitime, la contrition au moins imparfaite, l'absolution donnée par le prêtre, la réparation.
Dictionnaire du christianisme (v° Enfer) : L'enfer est le lieu de la damnation éternelle, « des pleurs et des grincements de dents ». Les damnés y subissent pour l'essentiel le châtiment de la privation de Dieu « peine du dam ».
St Basile le Grand (Les règles monastiques, n° 51) : On doit corriger comme en médecine on soigne les malades, sans se mettre en colère contre les faiblesses, mais en combattant la maladie et en opposant un obstacle aux passions, en soumettant l’âme à un régime des plus rudes si c’est nécessaire pour son mal. On soignera par exemple l’amour de la vaine gloire en imposant d’humbles occupations. On guérira les bavards par le silence, les dormeurs par les veilles de prières ; on remédiera à la paresse par les travaux pénibles, à la gourmandise par le jeûne.
5° Sanction pénale. La notion et les buts de la sanction pénale ont été étudiés de manière approfondie dans notre ouvrage relatif à « La loi pénale ». Voir : Délit pénal*.
Cf. Admonestation*, Amende*, Arrêts*, Châtiment*, Emprisonnement*, Individualisation*, Jus gladii*, Légalité des peines*, Peine*, Pénologie*, Raisonnement pénal*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° III-3 et s., p.352 et s.
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° 10, p.13 (notamment)
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille des enfants et des adolescents », n° 214, p.96 / n° 337, p.207
Notion de sanction pénale. La sanction pénale consiste en la suppression, la limitation ou la suspension d’un droit ou d’une prérogative individuelle, prononcée à l’égard d’une personne à qui une infraction pénale a été imputée.
Trousse (Novelles de droit pénal belge) : La peine est le mal que la loi permet au juge d’infliger à titre de sanction à ceux qui ont transgressé les ordres ou violé les défenses établies par le législateur en tant que régulateur souverain de la vie sociale.
Cour EDH 24 février 1994 (Gaz.Pal. 29 mars 1994) : Constituent une peine des majorations d’impôts qui ne tendent pas à la réparation pécuniaire d’un préjudice, mais qui visent pour l’essentiel à punir pour empêcher la réitération d’agissements semblables.
Nécessité de la sanction pénale. Tous les États, sur toute l’étendue de la terre et à toutes les époques, quelques fussent leurs conceptions religieuses ou philosophiques, ont dû admettre qu’il est impossible de fixer utilement certaines lois indispensables à la survie de la collectivité sans les assortir de sanctions pénales. Mais la répression publique doit être mesurée en fonction du trouble social causé, et du préjudice subi par la victime.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° III-2, p.350
Voir : J. J. Haus, Le fondement du droit de punir
Sohet (Instituts de droit, Bouillon 1772) : Rien n’est plus nécessaire pour entretenir la République dans la paix, que de châtier les délinquants selon la qualité de leur méfait.
Conseil
constitutionnel 20 janvier 1994 (Gaz.Pal. 1944 I Lég. 229) :
Aux termes de l’art. 8 de la Déclaration des droits de
l’homme et du citoyen « La loi ne doit établir que des peines
strictement et évidemment nécessaires et nul ne peut être puni
qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au
délit et légalement appliquée »...
Les principes ainsi énoncés ne concernent pas seulement les
peines prononcées par les juridictions répressives, ils
s’étendent au régime des mesures de sûreté qui les assortissent
; en l’absence de disproportion manifeste avec l’infraction
commise.
Baudin (Cours de philosophie morale) : Punir est un devoir fondamental de l'État justicier. Ce devoir l'oblige à titre de défenseur-né des droits des membres de la nation, et de la nation elle-même. Il lui incombe l'obligation stricte de prendre en main leurs justes intérêts contre quiconque les viole injustement, et de sauvegarder ainsi l'ordre social que menacent nécessairement tous les crimes et tous les délits. C'est finalement la défense de l'ordre social qui fonde le devoir de punir qui incombe à l'État.
Buts de la sanction pénale. La sanction pénale peut viser quatre buts : l’élimination (peine de mort), l’Intimidation* (ou Prévention* générale), l’Expiation* morale (ou Rétribution*), la Rédemption* ou le reclassement social ; sans oublier l’apaisement du trouble causé à l’ordre public. Voir aussi : Purification*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (3e éd.), n° III-5 et s. p.356 et s.
Le Foyer (Le droit pénal normand au XIIIe siècle) : À l'endroit d'un malfaiteur la communauté peut prendre quatre positions : elle peut lui faire la guerre, elle peut le laisser exposé à la Vengeance* de ceux qui ont pâti de son crime, elle peut lui permettre de se racheter par une Composition*, elle peut lui infliger un Châtiment* déterminé.
Servant (Discours sur l’administration de la justice criminelle) : Voilà véritablement le grand but de la justice criminelle, un exemple pour l’avenir, plutôt que la vengeance du passé.
Jousse (Traité de la justice criminelle) : L’objet principal de la punition des crimes est de conserver les particuliers dans la possession paisible de leurs biens, de réprimer les entreprises injustes, et d’assurer l’honneur et la vie des innocents injustement opprimés.
Lois de Manou : Sans le châtiment, il est impossible de réprimer les délits des voleurs aux intentions perverses, qui se répandent furtivement dans ce monde.
Stelzenberger (Précis de morale chrétienne) : Il y a quatre théories au sujet du but de la peine. a) Le but de protection : la société doit être protégée contre le danger de délit et de crime ; b) le but vindicatif : l’infraction contre le droit doit être vengée, sanctionnée, la société doit obtenir une réparation ; c) le but d’amendement : le délinquant doit se corriger intérieurement ; d) : le but d’intimidation : intention éducative pour les autres, beaucoup reculent devant les fautes par crainte des peines graves.
Commission
de réforme du droit du Canada (Document n° 11, 1975) : L'un des objectifs du droit pénal est
de protéger certaines valeurs fondamentales de la société. La
détermination de la peine et le prononcé de la sentence doivent
jouer un rôle important dans la manifestation de ces valeurs...
La Commission croit que le processus de « sentencing »
doit favoriser le rétablissement de l'ordre social, avoir un
effet éducatif ou socio-pédagogique et, dans certains cas, viser
la neutralisation du délinquant...
Nous concevons le rétablissement de l'équilibre social en
fonction de la victime et de ceux qui s'identifient avec elle.
La sanction doit viser une réparation des dommages réels et le
rétablissement des relations humaines et de la confiance envers
le prochain, plutôt que le rétablissement d'un ordre moral
abstrait momentanément rompu par un acte mauvais.
Marcel Clément (Du bien commun) : Les sanctions qui résultent de la répression des délits et des crimes doivent avoir tout autant en vue les perfectionnements individuels que le bien commun du corps social.
Accolas (Les délits et les peines, 1887) : A nos yeux, le délinquant est un malade ou un ignorant, il est, non à punir, mais à traiter ; il est, si la chose est possible, à guérir, à améliorer pour l’esprit, à améliorer pour le cœur. Si dans le traitement à lui appliquer il se trouve pour lui une souffrance, cette souffrance ne doit être qu’un moyen ; le but serait de faire un homme comprenant le droit, sentant le devoir, utile aux autres comme à lui-même.
Attentat au gaz sarin (Télégramme 28 février 2004) : Le gourou de le secte Aum, a été condamné hier à la pendaison pour avoir orchestré treize crimes terroristes dont l’attentat au gaz sarin dans le métro de Tokyo en 1995. La sentence est apparue comme trop clémente aux yeux de beaucoup de japonais qui auraient souhaité une exécution plus douloureuse.
Régime des sanctions pénales. On doit noter que, ni le législateur, ni les juges, ne doivent normalement faire Acception de personne*. Ce principe n'est toutefois pas absolu : des coupables se trouvant dans des situations différentes peuvent faire l'objet de sanctions différentes.
Cass.crim. 24 février 1988 (Bull.crim. n° 94 p.242) : L’interdiction de toute discrimination fondée sur l’origine nationale ne fait pas obstacle à ce que soit prononcée contre un étranger reconnu coupable de séjour irrégulier, une peine différente de celle encourue, pour une infraction semblable, par les ressortissants des États membres de la CEE.
SANCTION RÉELLE
Cf. Choses suspectes ou dangereuses*, Confiscation*, Décès du prévenu*, Mesure de sûreté*, Peine* (et ensemble des renvois), Réparations civiles*, Restitutio in integrum*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-II-217, p.153
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° II-II-260, p.565
Voir : Faustin Hélie, Le décès de la personne poursuivie
Une sanction à caractère réel est une mesure qui touche moins une personne qu'un bien, une mesure qui est encourue du seul fait de l'existence de l'infraction indépendamment de la responsabilité du prévenu. Il en est ainsi de la décision ordonnant la fermeture d'un établissement de boissons illégalement ouvert.
Vidal et Magnol (Cours de droit criminel) : Nos lois reconnaissent une certaine confiscation dite réelle, qui constitue, non une peine contre une personne coupable, mais une mesure de police contre une chose (in rem), dont l'existence, la production ou l'usage constitue un délit, en sorte que, pour faire cesser le délit, il faut faire disparaître la chose.
Puech (Droit pénal général) : La fermeture d'établissement présente un caractère réel qui affecte l'entreprise trouvée en infraction... La fermeture d'établissement comme la confiscation spéciale est une institution hybride, rebelle par nature aux constructions logiques dont on devrait se garder d'abuser sur le terrain du droit et plus particulièrement du droit pénal.
Cass.crim. 23 novembre 1994 (Gaz.Pal 1995 I Chr.crim. 166) : La mise en conformité des lieux ou des ouvrages, leur démolition ou la réaffectation du sol prévues par l'art. L. 480-5 C.urban., constituent des mesures à caractère réel destinées à faire cesser une situation illicite mais non des sanctions pénales, et elles ne sont dès lors pas soumises à la prescription de la peine.
Cass.crim. 21 novembre 1989 (Bull.crim. n° 425 p.1033) : L'enlèvement des panneaux publicitaires irrégulièrement mis en place ou la remise en état des lieux, prévus par l'art. 31 de la loi du 29 décembre 1979, sont des mesures à caractère réel destinées à faire cesser une situation illicite et non des sanctions pénales.
SANCTION-RÉPARATION
Ce nouveau type de sanction, prévu par l'art 131-3 8° C.pén. français, est réglementé par l'art. R.131-45 du même Code.
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° II-112, p.318
SANG-FROID
Cf. Colère*, Circonstance aggravante*, Élément moral de l’infraction*, Excuse atténuante*, Faute*, Impéritie*, Intention*, Responsabilité subjective*, Volonté*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° I-132, p.188
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° I-245, p.144
- Notion. Le sang-froid est l’état mental d’une personne qui jouit de la pleine et entière maîtrise de sa volonté, du fait qu’elle n’a été troublée par aucune émotion telle que la peur ou la colère.
De Curban (La science du gouvernement, 1765) : En général, les crimes commis de sang-froid passent pour plus énormes que ceux où l'on est poussé par quelque passion ou par l'effet de quelque accident imprévu qui trouble l'esprit.
Chauveau Hélie (Théorie du Code pénal) : La conscience universelle a admis des distinction entre l’homicide commis de sang-froid, que la vengeance ou la cupidité ont longtemps prémédité, et l’homicide qu’un moment de jalousie frénétique ou qu’une violente provocation ont fait commettre.
Balzac (Splendeurs et misères des courtisanes) : Cela fut dit avec un accent, un sang-froid et un regard qui révélèrent à monsieur de Granville un adversaire avec qui la moindre faute était dangereuse.
- Science criminelle. La notion de sang-froid ne constitue pas une catégorie technique au sein de l’élément moral de l’infraction, mais une simple modalité de celui-ci. C’est pourquoi elle est rarement employée par le législateur ; mais elle n'en retient pas moins fréquemment l’attention des juges.
Le sang froid et la responsabilité objective. Dans les infractions centrées sur le dommage causé, plutôt que sur la faute commise, le manque de sang-froid peut être considéré comme une faute notamment d’impéritie. Celle-ci est sanctionnée, tantôt sur le plan civil, tantôt sur le plan disciplinaire, tantôt même sur le plan pénal.
Cass.soc. 14 juin 1994 (Gaz.Pal.1994 II panor. 170) : Un salarié, convoyeur de transports de fonds, en raison des nécessités de son travail porte une arme de service ; il doit faire preuve d’un sang froid sans faille, qui est incompatible avec la consommation d’alcool.
Cass.soc. 21 juin 2000 (Gaz.Pal. 2000 somm. 2309) : La Cour d’appel a constaté que l’intéressé, chargé de la sécurité, avait été exaspéré par l’attitude provocatrice d’un commerçant voisin, qui avait obstrué la sortie de secours malgré les remarques qui lui avaient été faites, qu’il avait perdu son sang froid et avait eu un geste déplacé, regrettable sans doute, mais n’appelant qu’une sanction légère.
Le sang froid et la responsabilité subjective. En ce qui concerne les infractions qui font figurer l’élément moral au premier plan, le manque de sang-froid ou le fait d’agir de sang-froid donnent à la psychologie de l’acte une coloration particulière.
La perte compréhensible de son sang-froid constitue une cause d’atténuation de la responsabilité, qui est ordinairement retenue dans le cadre des Excuses atténuantes*.
Code criminel du Canada. Art. 232. (2) : Une action injuste ou une insulte, de telle nature qu’elle suffise à priver une personne ordinaire du pouvoir de se maîtriser, est une provocation pour l’application du présent article, si l’accusé a agi sous l’impulsion du moment et avant d’avoir eu le temps de reprendre son sang-froid.
Code pénal des Indes. Art. 300 - Meurtre -... Un homicide n'est pas un meurtre si l'agent, alors qu'il était privé de son "self-control" du fait d'une grave et soudaine provocation, a causé la mort de l'auteur de la provocation.
R. P Garraud (Précis de droit criminel) : La provocation a pour effet d’atténuer la culpabilité tant que se prolonge l’émotion violente dont elle a été la cause … tant que l’agent n’a pas repris son sang -froid.
Garçon (Code pénal annoté) : C’est au juge qu’il appartient de décider si l’intervalle de temps a permis au coupable de recouvrer son sang-froid et sa liberté d’esprit.
En revanche le fait d’accomplir, de sang-froid, un acte dommageable, constitue une Circonstance aggravante judiciaire*. Le droit anglo-saxon voit dans le meurtre commis "cold blooded" un crime particulièrement grave.
Montesquieu (De l’esprit des lois) : Les homicides faits de sang-froid par les soldats, et après la chaleur de l'action, sont rejetés de toutes les nations du monde.
Gousset (Théologie morale) : Ce serait violer les droits de l'humanité, que d'égorger, de sang-froid, ceux qui se constituent prisonniers et se mettent hors d'état de nuire.
Tarde (La philosophie pénale) : Autre grand criminel, Orloff était un malfaiteur... capable d'assassiner de sang-froid des vieillards et des enfants.
Proal (Le crime et la peine) : La volonté criminelle qui combine et exécute le crime avec sang-froid est beaucoup plus perverse que la volonté de tuer qui surgit subitement sous l’empire de la colère ou de toute autre passion.
Versailles 3 février 1994 (Gaz.Pal. 1994 II somm. 564) : Il est établi que l’auteur du suicide en cause jouissait de son libre arbitre, et qu’il était en état de comprendre la portée morale de l’acte que de propos délibéré et de sang froid il commettait ; il s’ensuit que les dispositions de son assurance-vie « sont de nul effet» .
SANTÉ
Cf. Addictions*, Alcoolisme*, Assurances sociales, Eau*, Empoisonnent*, Épidémies*, Épizootie*, Falsification alimentaire*, Hygiène et sécurité*, Médecine*, Médicament*, Mutilation (automutilation)*, Pharmacie*, Précaution (principe de)*, Ordre public*, Publicité commerciale*, Salubrité publique*, Stupéfiants*, Tabac*, Vie*.
Selon la définition traditionnelle, la santé caractérise l’état d’une personne, de bonne constitution, dont l’organisme fonctionne normalement. Le droit distingue la santé individuelle et la santé publique.
Organisation Mondiale de la Santé : La santé est un état de bien être physique, mental et social complet ; elle ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité.
Vitu (Traité de droit pénal spécial) : La santé est un droit pour l’être humain, comme l’est le droit au travail, le droit à l’éducation, le droit à la liberté d’expression. Ce nouveau venu parmi les droits de l’homme a bénéficié du développement de la sécurité sociale…
- Santé individuelle. Au regard de la morale, toute personne est tenue de veiller à la conservation de sa santé physique. Chacun a le devoir d’entretenir son corps, d’abord pour assurer l’épanouissement de sa personnalité, ensuite pour remplir ses obligations, tant envers les siens, qu’envers autrui et envers la société (c’est au poète Juvénal que l’on doit la maxime : mens sana in corpore sano). Ce devoir est devenu particulièrement pressant avec le développement de la sécurité sociale ; c’est pourquoi le législateur a pu incriminer le fait pour un automobiliste de ne pas attacher sa ceinture de sécurité.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la personne humaine » (4e éd.), n° I-440, p.227
Voir :
Jean-Paul Doucet,
« La protection de la Famille, des enfants et des
adolescents »,
-
sur la santé des enfants : n° 302 3°, p.118 / n° 319, p.156
/ n° 322, p.167 / n° 323, p.169 / n° 333,
p. 196 / n° 338 3°, p.210 / n° 338 6°, p.215 / n° 408 2°, p. 248
/ n° 418, p.261
-
sur la santé des époux : n° 111 1°, p.52 / n° 115, p.59 / n° 119,
p.65 / n° 213, p.96 / n° 216, p.100
Voir : Cousin, Devoirs envers soi-même et devoirs envers autrui
Voir : H. Ahrens, Le droit à la vie et le droit à l’honneur
Stelzenberger (Précis de morale chrétienne) : Il y a un devoir fondamental de soigner son corps. Chaque être humain doit en principe prendre soin de la santé de son corps. Il doit faire positivement tout ce qui est utile à la formation et à l’entretien du corps (alimentation, propreté…). Négativement, il doit éviter tout ce qui peut nuire à la santé ou à la vie.
Jacques
Leclercq (Leçons de droit naturel, T.IV-1) : En ce qui concerne
le soin de la santé, les moralistes catholiques enseignent qu'il y a
un devoir à prendre les soins ordinaires de préservation de la vie.
L'homme qui cesse de manger par lassitude et se laisse ainsi mourir
de faim est coupable.
Mais on admet qu'il n'y a pas d'obligation à faire des efforts
extraordinaire pour se sauver. On n'est donc pas obligé se de
soumettre à une opération d'un caractère exceptionnel.
Les pouvoirs publics ont le devoir de prendre des mesures de nature à prévenir la survenance de maladies, non seulement sur le plan collectif comme nous le verrons dans quelques instants, mais aussi sur le plan individuel en incitant les personnes à observer un mode de vie sain (p.ex. : mangez peu salé, peu sucré, peu gras).
Cour EDH. 10 avril 2012 n° 30909/06.
Le refus d'un traitement médical : une atteinte au droit à la vie... - La décision de la Cour a essentiellement pris en
compte l’atteinte portée à l’art. 2 de la Conv. EDH en ce qui concerne le droit à la vie. Cette atteinte a été expliquée en vertu de deux principes déjà consacrés
dans la jurisprudence de la Cour.
Premièrement, la Cour a rappelé que la Conv. EDH astreint les États non seulement à s'abstenir de provoquer la mort de manière irrégulière, « mais aussi à prendre
les mesures nécessaires à la protection de la vie des personnes relevant de leur juridiction »...
Deuxièmement, la Cour a rappelé que le principe selon lequel les États « ne sauraient prétexter un manque de ressources pour ne pas honorer une dette fondée sur
une décision de justice s'applique aussi lorsqu'ils doivent protéger la vie d'autrui de manière concrète et effective ».
Jury de déontologie publicitaire. Le 6 mai 2011, il stigmatise une publicité dont les photos montrent une très jeune femme dont le buste et les membres sont d'une maigreur extrême. Ces images, diffusées pour valoriser les vêtements d'une marque qui s'adresse plus particulièrement aux jeunes et, notamment, aux adolescentes, est de nature à faire de ce type de physique un modèle et à induire des troubles du comportement alimentaire, dont les dangers pour la santé physique et mentale ont été, à maintes reprises, signalés par la communauté scientifique.
- Santé publique. Lorsqu’un problème de santé se pose, non plus sur le plan individuel, mais sur le plan collectif, il
devient un intérêt social auquel les pouvoirs publics doivent veiller tout particulièrement.
Dans les temps anciens, le législateur renforçait ses prescriptions
sanitaires en les associant à des prescriptions religieuses ; pourtant, dans leur application, les deux doivent rationnellement être distinguées.
C’est ainsi que la loi peut subordonner l’exercice de la médecine à l’obtention de certains diplômes, et qu’elle peut imposer au médecin de violer le secret
professionnel en faisant part à l’autorité publique de maladies contagieuses qu’il a constaté dans l’exercice de sa profession. Le législateur édicte depuis
toujours des dispositions de police préventive telles celles concernant les lépreux.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° II-II-255, p.556
Alland et Rials (Dictionnaire de la culture juridique). V° Santé, par Lemoyne de Forges : Les techniques juridiques de protection de la santé publique sont traditionnellement celles de la police administrative, dont la "salubrité publique" est d'ailleurs une composante classique. Elle tend donc à prévenir l'apparition et la propagation des maladies.
Jacques
Leclercq (Leçons de droit naturel, T.IV-1) : L'un des premiers
devoirs de l'État, le premier peut-être, est de protéger la vie des
citoyens... L'État doit prendre les mesures générales de nature à
sauvegarder la santé publique. Il peut légiférer sur l'alcoolisme,
sur l'usage des stupéfiants, sur les métiers insalubres, sur les
maladies contagieuses.
Si l'État a la mission de protéger la vie des citoyens, il n'a pas
celle de prendre la vie des citoyens directement à sa charge. La vie
sociale est une protection et une aide ; elle ne dispense pas
l'homme de faire effort pour se développer et elle ne le soustrait
pas de la responsabilité de soi... De nos jours, les tendances
étatistes aboutissent à confier à l'État le soin direct de tous les
citoyens [ quitte à en faire un peuple d'assistés et de
sous-hommes ].
De Tocqueville (Démocratie en Amérique) : Ordinairement ce sont les communes et les officiers communaux qui, conjointement avec les juges de paix et suivant les besoins des localités, règlent les détails de l'existence sociale et promulguent les prescriptions relatives à la santé publique, au bon ordre et à la moralité des citoyens.
Code pénal du Chili. Art. 318 : Celui qui met en danger la santé publique en enfreignant des règles hygiéniques ou de salubrité, dûment publiées par les pouvoirs publics, en temps de catastrophe, d'épidémie ou de contagion, sera puni des travaux forcés à leur degré minimal ou à une amende...
Évangile selon St Luc : Comme Jésus entrait dans un village, dix lépreux vinrent à sa rencontre. Ils s'arrêtèrent à la distance prescrite et lui crièrent...
En droit positif français le Code de la santé publique comporte des dispositions pénales.
Les art. 706-2 et s. du Code de procédure pénale précisent la procédure applicable en cas de poursuites pour infraction aux règles sanitaires.
Voir : Tableau des incriminations luttant contre le tabagisme (en droit positif français)
Code général des États prussiens (éd. Paris an X). XX-728 : Nul ne doit user, pour la préparation des aliments, de vases de cuivre non étamés.
Cass.crim. 18 mai 1994 (Gaz.Pal. 1994 II Chr.crim. 543) : La loi nationale, qui tend à limiter la publicité en faveur du whisky et, par ce moyen, à lutter contre l’alcoolisme, répond à des préoccupations de protection de la santé publique.
Cass.crim. 6 mars 1997 (Gaz.Pal. 1997 II Chr.crim. 158) : Pour condamner à bon droit le prévenu à une peine d’emprisonnement sans sursis, l’arrêt attaqué, après avoir relevé que le prévenu a pris part à la conception et à la réalisation d’une importation de 150 kg de résine de cannabis, énonce que de tels agissements, qui mettent gravement en danger la santé publique, sont inspirés par un esprit crapuleux.
SAPHISME - Voir : Tribadisme *.
SATIRE
Cf. Calomnie*, Caricature*, Diffamation*, Injure*, Libelle diffamatoire*, Offense*, Outrage*, Pamphlet*.
La satire est un écrit ou un discours dans lequel l’auteur dénonce, avec esprit, les vices, les défauts, les ridicules d’une personne ou d’un groupe de personnes. Cette critique peut être très vive, et paraître dès lors insultante à celui qui en fait les frais. Mais le principe de la liberté d’expression fait obstacle à des poursuites en injure, offense ou outrage, à condition qu’elle respecte la règle du jeu et ne dégénère pas en vulgaire attaque personnelle.
Montesquieu (De l’esprit des lois) : Les écrits satiriques ne sont guère connus dans les États despotiques, où l’abattement d’un côté et l’ignorance de l’autre ne donnent ni le talent ni la volonté d'en faire.
Laferrière (Histoire du droit français) : Le peuple, privé des États-Généraux, retrouva la parole par la naissance de cet élément insaisissable et présent partout; les satires politiques.
Constitution criminelle de Charles Quint. Art. 110 (observations) : On comprend sous le nom de Libelles diffamatoires, tout écrit, chansons et pièces satiriques faits contre l’honneur et la réputation de quelqu'un.
TGI Paris (Ord. réf.), 17 juin 1987 (JCP 1988 II 20957) : La satire comme la caricature, manifestation de la liberté de critique, permet des exagérations, des déformations et des présentations gravement ironiques.
Cass.crim. 24 octobre 1995 (Gaz.Pal. 1996 I Chr.crim. 35) : La satire politique cesse là où commencent les attaques personnelles.
Warée (Curiosités judiciaires). Anecdote satirique : Le président Maupeou ayant laissé, à sa mort, un million en espèces. On lui fit l’épitaphe suivante : « Ci-gît un vieux coquin qui mourut de colère, d’avoir fait un coquin plus coquin que son père ».
Lombroso (Les palimpsestes des prisons). Écrits satiriques : O Code pénal ! Tu frappes les filous de peines sévères, mais le Gouvernement Italien ne vole-t-il pas tous ses sujets avec le jeu de la loterie ?
SATYRE
Cf. Attentat à la pudeur*, Débauche*, Bonnes mœurs*, Outrage public aux mœurs*, Pornographie*, Pudeur*.
Au regard du droit pénal, un satyre est un individu qui, par déviation de l’instinct sexuel, se livre à des outrages aux bonnes mœurs ou à des attentats à la pudeur. Selon que l’on donne priorité à l’ordre social ou à la responsabilité individuelle, son cas relève du droit pénal ou de la médecine (l’idéal étant que les deux unissent leurs moyens).
Tarde (La philosophie pénale) : Il y a des cas où la folie n’est que l’exagération et l’hypertrophie d’une disposition naturelle. Tel a toujours été dur, insensible, il est devenu cruel ; tel autre, libertin par tempérament, est devenu un vrai satyre.
Lombroso (Nouvelles recherches de psychiatrie) : Restif de la Bretonne, qui était lui-même un vrai satyre, écrit qu'il était, même a un très jeune âge, couvert de poils et de cheveux.
SAUF-CONDUIT
Cf. Liberté physique*.
- Notion. Le sauf-conduit est l’ordre donné par un supérieur à ses subordonnés de laisser telle personne aller en un endroit, y séjourner et en repartir librement.
Denisart (Collection de jurisprudence, 1768) : Furetière définit le sauf-conduit comme l’assurance qu’on donne à quelqu’un de la sûreté de sa personne, pour aller et venir en liberté… Le Roi y interdit que, pour quelque cause que ce puisse être, il soit attenté à la personne de celui qui en bénéficie, ni qu’il soit inquiété en aucune manière, ni qu’aucun geôlier puisse le recevoir dans une prison.
- Science criminelle. On donne un sauf-conduit à une personne avec laquelle on souhaite s'entretenir, pour lui donner l'assurance de n'être ni molesté ni incarcéré. La violation d'un sauf-conduit par celui qui l'a délivré constitue un manquement grave à la parole donnée ; elle est condamné par la loi naturelle. L'abus d'un sauf-conduit peut également être sanctionné par la loi.
Blackstone (Commentaire sur les lois anglaises) : Les principaux crimes contre le droit des gens sont : La violation des sauf-conduits... Si le Roi ou ses délégués accordent un sauf-conduit à quelques sujets étrangers, et qu’au mépris de ce sauf-conduit ou attaque ces mêmes sujets, cet acte de violence constitue une violation du droit international.
Sun Tzu (L'art de la guerre XI, 58) : Le jour où l'attaque est mise en branle, annulez les sauf-conduits.
Code pénal de Gia Long. Art. 201 : Ceux qui munis d'un sauf-conduit se présenteront sous un nom d'emprunt (d'une autre personne) et passeront un poste de surveillance établi sur une route de terre ou d'eau seront punis de quatre-vingts coups de bâton.
Code de procédure pénale allemand § 295 : Le tribunal peut délivrer un sauf-conduit à un inculpé absent ; il peut faire dépendre de conditions cette délivrance. Le sauf-conduit garantit qu’il n’y aura pas de détention préventive, mais seulement du chef de l’infraction pour laquelle il est délivré. Il disparaît, si un jugement est rendu infligeant une peine privative de liberté, ou si l’inculpé prend des dispositions pour fuir, ou s’il transgresse les conditions sous lesquelles le sauf-conduit lui a été délivré.
Luther (Encyclopédie Microsoft Encarta) : Charles Quint, désireux de résoudre le conflit sans faire arrêter Luther, ordonna sa comparution devant la diète impériale, réunie à Worms. Un sauf-conduit lui permit de comparaître devant la diète (16 avril 1521) qui le somma de rétracter sa doctrine. Mais Luther refusa à moins qu’il ne fut convaincu de son erreur « par les Écritures ou par la raison », sa conscience étant liée par la parole de Dieu. Luther quitta Worms libre.
- Droit positif. De nos jours on n’use plus guère de ce procédé, qui réapparaît cependant régulièrement en temps de guerre.
Fiore (Traité de droit pénal) : Le sauf-conduit est aussi une mesure qui facilite la comparution des témoins, et qui est de règle dans toutes les demandes faites dans ce but. Il sert à les assurer qu’en se rendant à l’étranger ils n’y seront l’objet d’aucune poursuite pour les délits qu’ils auraient pu y commettre antérieurement.
Villey (Précis de droit criminel) : On a vu récemment un ministre accorder un sauf-conduit à un homme frappé de la peine du bannissement pour lui permettre de se battre en duel avec un personnage politique !
Trib.admin. Lyon 1er avril 1992 (Gaz.Pal. 1993 panor.adm. 18) : La lettre par laquelle un préfet a accordé à un ressortissant étranger, qui a fait l’objet d’un arrêté de reconduite à la frontière devenu définitif, un sauf-conduit l’autorisant à séjourner sur le territoire français jusqu’à un nouvel examen de sa situation, doit être regardée comme emportant abrogation de cet arrêté.
Vidocq (Mémoires) : Entre les voleurs et moi les hostilités étaient permanentes … j’accordais tacitement des sauvegardes, des sauf-conduits et des trêves, qui expiraient d’elles-mêmes à ra première infraction.
SAUVAGERIE
Cf. Barbarie*, Vandalisme*, Violences*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° I-109, p.156
Le langage courant parle de sauvagerie à propos d’une brutalité, non simplement accidentelle, mais ancrée dans les mœurs d’une personne ou d’un groupe de personnes. Selon leur orientation, les sociologues placent, tantôt la barbarie au départ de la civilisation et la sauvagerie à l’approche de son extinction, tantôt la sauvagerie au début et la barbarie à la fin (le mythe du « bon sauvage »).
Tarde (La criminalité comparée) : La thèse de Lombroso fournit une réponse, ingénieuse au moins, à bien des problèmes. Elle est optimiste avec cela, flatteuse pour la civilisation, où le crime ne serait qu’un résidu sans cesse diminué de la sauvagerie antique.
Tarde (Les lois de l’imitation) : Le point de départ de la civilisation civilisatrice la barbarie, et non la sauvagerie, laquelle, telle qu’on peut l’observer de nos jours, est le dernier terme d’une évolution sociale complète en soi, non le premier terme d’une évolution supérieure.
De Greeff (Lois sociologiques) : Au Mexique, dans l’Amérique du Sud, aux îles Fidji, on a vu des Européens retourner en peu de temps à la sauvagerie, même au cannibalisme.
Le Bon (Les Révolutions) : Le maire de Troyes, les yeux crevés à coups de ciseaux, est massacré après des heures de supplice. Le colonel de dragons Belzunce est dépecé vif. Dans beaucoup d’endroits on arrache le cœur des victimes pour le promener par la ville au bout d’une pique. Ainsi se conduit le bas peuple aussitôt que des mains imprudentes ont brisé le réseau de contraintes refrénant ses instincts de sauvagerie ancestrale. Il rencontre toutes les indulgences parce que les politiciens ont intérêt à le flatter.
Pour sa part, le droit pénal intègre la sauvagerie dans la notion de barbarie*, et y voit donc une circonstance aggravante des actes de violence*.
Paris 26 avril 1990 (Gaz.Pal. 1990 II 483) : Dans ces bandes dessinées, sous la forme de la dérision et de l’horreur, est mise à nu la sauvagerie des nazis avec toute leur cruauté dans les diverses circonstances où nous entraînent les dessins.