DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL
- Professeur Jean-Paul DOUCET -
Lettre S
(Troisième partie)
SCANDALE
Cf. Éléments constitutifs de l’infraction*, État de nécessité*, Ordre public*, Paix publique*, Tranquillité publique*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° 114, p.75 / n° II-213, p.338
- Notion. Terme venant du grec "scandalon", qui désigne l'obstacle placé sur un chemin pour faire tomber celui qui l'empruntera. Il désigne plutôt de nos jours l’indignation que produit, dans le public, le spectacle ou l’annonce de la commission d’un acte immoral ou délictueux.
Littré (Dictionnaire). Scandale : Répulsion, indignation que causent les actions, les discours, les personnes de mauvais exemple.
Proal (Le crime et la peine) : ). Le malheur des bons et le succès des méchants a, dans tous les temps, troublé et scandalisé la raison humaine.
- Droit canonique. Pour l’Église un acte est scandaleux lorsqu’il trouble la conscience de ceux qui en sont témoins. Il l'est plus encore quand il les incite à pécher eux-mêmes.
Werckmeister (Dictionnaire de droit canonique) : Scandale. On peut distinguer trois sens à ce mot dans le Code de droit canonique. 1° Acte ou attitude qui risque de conduire les autres fidèles à pécher ou à commettre un délit (canon 277) ; 2° Trouble de l’ordre (il faut alors réparer le scandale, canon 1341) ; 3° émotion négative de l’opinion publique (canon 933).
Bruguès (Dictionnaire de morale catholique) : Le scandale est l'acte externe ( une parole, une action, une omission ou une attitude) comportant un élément répréhensible, qui devient une occasion de chute morale pour le prochain.
Décrétale de Grégoire IX : Il vaut mieux s’exposer à causer du scandale que de trahir la vérité.
- Droit civil. Le fait de causer du scandale (c’est-à-dire de troubler la paix publique ou la sérénité d’autrui par l’image de sa conduite) est susceptible de constituer une faute engageant la responsabilité civile ou disciplinaire du coupable. La "presse à scandale" est souvent traînée devant les tribunaux, sans pour autant disparaître.
Cass.soc. 28 avril 1981 (Gaz.Pal. 1981 II panor. 324) : Le secrétaire général d’une entreprise commet une faute grave en s’enivrant pendant l’exécution de sa mission, au point de ne pouvoir participer aux réunions quotidiennes tenues par ses collaborateurs qu’en causant du scandale.
Versailles 16 décembre 1999 (D. 2000 IR 40) : Un article de presse, exclusivement consacré aux relations d'un couple d'artistes du spectacle, qui remet en cause, sur un style ironique, la sincérité de leurs sentiments et ridiculise leur union matrimoniale, constitue une violation grave de l'intimité des intéressés... qui expriment leur vive opposition aux intrusions dans leur vie privée de la presse à scandale.
- Droit criminel. Si le droit criminel n’use guère du terme « scandale », il n’en connaît pas moins la notion. C'est parce qu'il porte atteinte, à la tranquillité des habitants, à la paix publique ou à l’ordre social que l'État peut le sanctionner par la voie du droit pénal.
Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Art. 5 : La loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société.
Chauveau Hélie (Théorie du Code pénal) : Lorsque l’ivresse se produit publiquement et est accompagnée de scandale, la morale peut en être blessée et l’ordre publie est compromis. Aussi la législation offre plusieurs exemples de pénalités qui lui ont été appliquées.
Levasseur (Cours de droit pénal spécial) : Il n’y a que lorsque les Filouteries* tendent à se répandre au détriment de certaines professions, à créer un préjudice social sérieux, à créer un scandale dans la société, que, comme il est normal, la loi pénale, juge nécessaire d’intervenir.
Code pénal du Costa Rica. Art 382 : On infligera de deux à trente jours-amende... à celui qui se présente dans un lieu public en état d'ébriété, de sorte qu'il cause du scandale, trouble la tranquillité des personnes, ou met en danger sa sécurité propre ou celle d'autrui.
Code pénal d'Andorre. Art. 211: Sera puni d'un emprisonnement d'une durée maximale de deux ans et demi, quiconque aura commis un outrage à la pudeur ou aux bonnes mœurs, d'une manière scandaleuse soit par un moyen de communication sociale, soit à l'encontre d'un mineur.
Un juge répressif ne saurait sanctionner l'auteur d'un acte qui n'a pu en aucune manière troubler l'ordre public. En dehors de ce cas, lors de la détermination de la sanction il doit prendre en compte la gravité du scandale provoqué en l'espèce.
Merle et Vitu (Traité de droit criminel) : Les actes qui font peur à nos contemporains ou qui les scandalisent ne sont plus tout à fait les mêmes que ceux contre lesquels la société française du Xxe siècle cherchait à se protéger.
Leclère (Législation criminelle du Cambodge). À l’amende ordinaire, qui punit toujours le viol, vient s’ajouter une peine corporelle destinée, au dire des juges, à punir le jeune homme du scandale qu’il a causé.
Cass.crim. 22 septembre 1998 (Gaz.Pal. 1999 I Chr. crim. 3) : Comment expliquer l’éteignoir mis sur le scandale de l’OPAC de Metz (un trou de 20 milliards de centimes) ?
SCEAU
Cf. Bris de scellés*, Contrefaçon du Sceau de l'État*, Signature*.
Sceaux de quelques Universités
Le sceau est un cachet où l'on a gravé en creux un symbole
propre à une personne physique ou morale. Son apposition sur une
coulure de cire chaude fermant ou achevant un document sert à
l'authentifier.
La rupture du sceau d'un particulier est sanctionnée par
l'article R.635-1 du Code pénal, en tant que dommage léger ;
mais sa falsification peut constituer un délit (art. 441-1
C.pén.). L'atteinte à un sceau apposé par une autorité
officielle constitue un Bris de scellés*.
Littré (Dictionnaire) : Sceau - Grand cachet sur lequel sont gravés en creux la figure, les armoiries, la devise d'un souverain, d'un État, d'un prince... dont on fait des empreintes sur des lettres, des diplômes pour les rendre authentiques.
Contenau (La vie quotidienne à Babylone) : À Babylone le sceau est d'utilité absolue puisqu'il sert de moyen d'authentification d'un écrit ; tout Babyloniens qui n'était pas de condition inférieure avait le sien... Les plus anciens apparaissent même avant l'invention de l'écriture et servent alors de marque personnelle... Si le cachet porte un symbole, un emblème du Dieu, le dommage atteint en premier lieu le Dieu sous la protection duquel l'objet a été mis, d'où une offense divine et le châtiment divin qui la suivra.
Code pénal du Burundi. Art. 335 : Sont punis d'une peine de servitude ... et d'une amende... ou d'une de ces deux peines seulement : Ceux qui contrefait ou falsifié les sceaux... d'une autorité quelconque, soit d'un établissement privé de banque, d'industrie ou de commerce, soit d'un particulier.
Cass.crim. 11 janvier 1956 (Bull.crim. n° 43 p.77) : Constitue un faux en écritures privées le fait d'avoir adressé à des autorités administratives des lettres de dénonciation tapées à la machine à écrire et comportant une fausse signature apposée à l'aide d'un timbre humide. [la qualification aurait évidemment été la même en cas d'apposition frauduleuse du sceau d'autrui].
SCEAU DE L’ÉTAT (Contrefaçon du)
Cf. Faux*, Marques de l’autorité*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° II-I-116, p.355 / n° II-II-119, p.474 (note 1)
La contrefaçon du sceau de l’État est la reproduction frauduleuse et intentionnelle de cette marque de l’autorité. Elle est incriminée par l’art 444-1 C.pén. français (ancien art. 139).
Décret du 25 septembre 1870, art. 1 : A l’avenir, le sceau de l’État portera, d’un côté, pour type, le figure de la Liberté, et pour légende, « Au nom du peuple français » ; de l’autre côté, une couronne de chêne et d’olivier, liée par une gerbe de blé ; au milieu de la couronne « République française, démocratique, une et indivisible », et pour légende, « Liberté, Égalité, Fraternité ».
Code pénal de Belgique. Art. 179 : Seront punis (de la réclusion) de dix ans à quinze ans, ceux qui auront contrefait le sceau de l'État, ou fait usage du sceau contrefait.
Garçon (Code pénal annoté) : Ce crime était très sévèrement puni dans notre Ancien droit, où il était considéré comme un crime de lèse-majesté au second degré ; sans être très fréquent, il n’est cependant pas sans exemple dans notre histoire. Le procès le plus célèbre est celui du faux commis par Robert d’Artois, comte du Hainaut, en1331.
Vitu (Droit pénal spécial) : Le texte vise le « sceau de l’État » qui est apposé, sur les actes émanés du Chef de l’État ou des ministres, soit par une empreinte dans la cire (grand sceau), soit par une empreinte sèche (petit sceau). Depuis la Révolution, l’histoire ne cite pas d’exemple de contrefaçon commise sur cette marque solennelle de l’autorité.
On observera que sous l'Ancien régime le Sceau dont usait le Châtelet de Paris était le Sceau du Roi, par suite son autorité s’étendait à tout le Royaume. Ce fut l’un des procédés employés par la royauté dans ses efforts pour unifier la justice en France.
Merlin (Répertoire de jurisprudence) v° Sceau du Châtelet de Paris : Le scel du Châtelet, par un droit royal qui lui est particulier, est attributif de juridiction, et attire de tout le royaume au Châtelet, à l’exclusion de tout autre juge, toutes les actions qui naissent des actes scellés de ce cel.
SCÉLÉRAT (Scélératesse)
Cf. Criminel*, Délinquant*, Malfaiteur*.
Le mot scélérat vient du latin scelus (sceleris) qui signifiait le crime, le forfait, l'attentat ; il est peu employé dans le langage juridique. Dans la langue courante il désigne un malfaiteur, un vaurien, une crapule ; les moralistes semblent plutôt tenir ce terme pour synonyme, non pas de simple délinquant, mais de criminel.
Larousse des synonymes : Si le mot scélérat se dit bien de celui qui a commis un crime, il peut aussi simplement s'appliquer à celui qui est capable d'en commettre un.
Bouiller (Questions de morale) : Il n'y a dans le monde que trop de gens corrompus et pervers, de méchants et même de scélérats.
Holbach (La morale universelle) : Les scélérats ne possèdent que l'art affreux de nuire.
Franck (Philosophie du droit pénal) : Nous avons vu récemment, en présence du jury, un épouvantable scélérat qui s’était fait de l’assassinat un métier. Et pourquoi a-t-il exercé ce métier ? Pour se procurer sans travail les douceurs de la vie. Pour lui, la vie matérielle était tout. L’heure de son repas arrivée, il oubliait la solennité et les terreurs de l’audience ; il tirait de sa poche son pain et son lard, et les dévorait tranquillement devant la foule stupéfaite et muette d’horreur.
Langlade (Code pénal de 1810), à propos de la définition de l'empoisonnement : Il est tant de moyens que la scélératesse peut inventer, et dont l'histoire offre l'exemple, qu'il était indispensable de recourir à des termes généraux.
Proal (Le crime et la peine) : Même chez les grands scélérats, on rencontre encore quelquefois une lueur de bonté, des sentiments d'affection pour leur famille et pour leurs amis.
Garçon (Le droit pénal, origine, évolution) : Le roman et le théâtre se sont plu à peindre les amours meurtriers et les exploits des pires scélérats. Le romantisme, avec son sentimentalisme exacerbé, qui a excusé la passion dans tous ses excès, et entrepris la réhabilitation du vice et de la violence, expliquent, pour une large part, bien des verdicts et, chose plus grave, bien des lois inconsidérées.
Molière (Tartuffe) : Oui, mon frère, je suis un méchant, un coupable, Un malheureux pécheur, tout plein d'iniquité, Le plus grand scélérat qui jamais ait été.
Balzac (Splendeurs et misères des courtisanes) : Les déguisements de ce scélérat étaient si parfaits, qu'il avait subi deux ans de prison sous le nom de Delsouq, un de ses élèves.
« Lois scélérates ». À la fin du XIXe siècle, une série d'attentats anarchistes ébranle l'Europe, principalement en Russie mais aussi en France. Il suffit ici de rappeler les attentats à la bombe perpétrés par Ravachol, le jet d'une bombe dans la Chambre des députés par Auguste Vaillant et l'assassinat du Président de la République Sadi-Carnot par Caserio. En 1893 et 1894 une série de lois est adoptée pour lutter contre la mouvance anarchiste. Quelques hommes politiques, sachant que le désordre social constitue un tremplin vers le régime totalitaire qu'ils souhaitaient (comme on a pu le constater en Russie), se sont élevés contre ces lois et leur ont donné ce nom resté célèbre : "Les lois scélérates". Ces lois, votés à une large majorité, ont été favorablement accueillies par la population et ont atteint le but recherché.
Garraud (Anarchie) : La loi du 28 juillet 1894 marque le dernier terme dans l'évolution législative de la répression contre les anarchistes. Aucune loi n'a été plus discutée; aucune n'a été plus attaquée. Les socialistes l'ont qualifiée de loi scélérate ; les radicaux l'ont assimilée à la loi de sûreté générale de l'empire. Le public français ne s'est pas laissé égarer par ces déclamations : il a compris que les dispositions prises étaient nécessaires, qu'elles étaient salutaires.
Maxwell (Le crime et la société) : Les lois rigoureuses de 1894 ont arrêté les crimes anarchistes dans notre pays, où la surveillance est plus facile qu'en Russie... Cependant, même en Russie, l'application de ces lois semble avoir fait diminuer les attentats. II n'est pas possible d'affirmer, toutefois, que la législation de 1894, dite « Les lois scélérates », ait réellement eu l'effet que j'indiquais ; l'anarchisme a trouvé des méthodes plus efficaces en s'associant au syndicalisme, et ces lois ne sont plus appliquées depuis assez longtemps. La criminalité anarchiste actuelle se présente en France sous des aspects très variés. La plus fréquente des infractions est la provocation à des actes punis par la loi, et celle qui est adressée à des militaires pour les détourner de leurs devoirs (Loi du 29 juillet 1881 art. 23 à 25).
SCELLÉS - Voir : Bris de scellés*.
SCÈNE DE CRIME
Cf. Bris de scellés*, Compétence (territoriale)*, Faits*, Police scientifique*, Preuve (Destruction de)*, Transport sur les lieux*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-I-220, p.57
La scène de crime couvre l'intégralité des lieux où, soit un
accident grave s'est produit, soit une infraction majeure semble
avoir été commise. Délimitée par une bande d'étoffe de
couleur spécifique, tendue en général à un peu plus de 1m. de
hauteur, elle est interdite à toute personne étrangère à
l'enquête menée par la police judiciaire assistée du personnel
de la police scientifique (rapprocher l'apposition de scellés).
L'expression "scène de crime" s'est imposée dans le langage
courant, du fait de la diffusion de séries policières
américaines. En bon français, on disait jadis le "théâtre du
crime" ; on parle aujourd'hui de la "scène d'infraction",
quoique l'expression soit trop restrictive.
Jalby (La police technique et scientifique) : Le Code de procédure pénale désigne l’officier de police judiciaire comme le maître du jeu sur la scène de crime. C’est à lui qu’incombe la responsabilité de veiller au bon déroulement de cette phase décisive des investigations dont dépend, pour une large part, le succès ou l’échec final de l’enquête .
Decocq, Montreuil et Buisson (Le droit de la police) : Le bon sens limite le champ d'application des articles 54 et s. du Code de procédure pénale aux crimes et délits de quelque importance, l'Officier de police judiciaire se transportant le plus souvent sur les lieux avant d'aviser le Parquet (pour être en mesure de l'informer de façon circonstanciée). Dans le même temps, sont prises les dispositions qui s'imposent (réquisition à médecin, demande de concours de l'identité judiciaire, déclenchement du plan d'alerte, avis aux familles...) .
Pradel (L'instruction préparatoire) : Parfois le juge d'instruction est amené à quitter son cabinet pour se transporter ... sur les lieux mêmes de l'infraction dont il est saisi. Il doit toujours être prêt à se transporter sur les lieux ; c'est pourquoi il doit avoir en permanence une sacoche de service contenant une carte, du papier, une boussole, un mètre, un appareil photo, le sceau du tribunal et de la cire aux fins de mise sous scellés...
Code pénal
de Bosnie-Herzezgovine. Art. 92 et 94 : Une recherche sur la
scène de crime sera effectuée quand une observation directe
paraîtra nécessaire pour établir les faits propres à faire
progresser l'enquête.
Une recherche ou une reconstitution sur la scène de crime sera
conduite à l'aide d'un spécialiste de la criminalistique, ou de
toute autre discipline, qui aideront à trouver, à protéger et à
décrire des traces, qui prendront certaines mesures, ou qui
feront des croquis ou photos, qui enregistreront ou
recueilleront d'autres données. Un expert peut également être
convoqué pour participer aux recherches ou à la reconstruction
de la scène de crime, si sa présence paraît utile.
SCHIZOPHRÉNIE
Cf. Démence*, et la liste des renvois.
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-II-II-212, p.242
Le schizophrène vit dans un monde décalé par rapport au monde réel ; cependant, même dans ce chaos apparent, son esprit conserve une certaine cohérence, ce qui peut le conduire à commettre des infractions graves. Sa responsabilité pénale dépend toutefois du niveau atteint par la maladie. Le terme schizophrénie a été forgé sur deux mots grecs signifiant : désagrégation psychique.
Larousse médical : La schizophrénie constitue une affection psychiatrique ayant les caractères d’une psychose… C’est une pseudo-démence qui apparaît à la fois comme une maladie de la personnalité et une maladie délirante. Dans ses formes les plus complètes, la schizophrénie réalise une profonde transformation et une sorte de dislocation de la personnalité, une perte de contact vital avec la réalité et son repli dans un monde intérieur imaginaire, le développement d’idées délirantes peu cohérentes, abstraites, et d’hallucinations variables, un comportement inadapté et discordant avec des propos et des actes étranges, contradictoires, souvent impénétrables.
Hanus (Psychiatrie intégrée de l'étudiant) : La schizophrénie se caractérise par la transformation profonde et progressive de la personnalité qui cesse de construire son monde en communication avec autrui pour se perdre dans un chaos imaginaire... Les traits saillants de la schizophrénie sont : 1) le repli hors de la réalité dans une organisation purement subjective avec altération des relations sociales ; 2) La perturbation concomitante de toutes les structures de la personnalité.
Cass.crim. 18 février 1998 (Gaz.Pal. 1998 II Chr.crim. 103) : Pour confirmer à bon droit l’ordonnance de non-lieu rendue par le juge d’instruction, la Chambre d’accusation, après avoir exposé les faits et analysé les conclusions concordantes des quatre expertises psychiatriques et médico-psychologique, d’où il résulte que l’inculpé, atteint d’une psychose dissociative de type schizophrénique, a commis à son insu les actes qui lui sont reprochés, énonce que le défendeur n’est pas pénalement responsable.
Exemple (Ouest-France 15 août 2008) : La chambre de l'instruction de Rennes a décidé, hier, de maintenir en liberté une Nantais de 29 ans, mis en examen pour violences volontaires. Il est soupçonné d'avoir agressé une étudiante de 19 ans à Nantes. Les juges rennais ont confirmé la décision du juge des libertés et de la détention de Nantes, qui n'avait pas placé en détention provisoire cet homme atteint de schizophrénie.
Exemple (Cour EDH 18 février 2014) : Un Péruvien avait, sous l'emprise d'alcool et de cocaïne, frappé sa femme de 49 coups de couteau, lui avait tranché la tête qu'il avait ensuite jetée par la fenêtre de l'appartement. Le rapport d'un expert-psychiatre avait alors constaté que l'homme souffrait d'une schizophrénie paranoïde chronique et qu'il abusait de stupéfiants.
SCIENCE (Criminelle)
Cf. Bentham*, Carrara*, De lege ferenda, de lege lata*, Digeste*, Doctrine*, Doctrines criminelles*, Domat*, Droit - Le droit est-il une science ou un art ?*, Droit (droit comparé)*, Droit (histoire du droit)*, Enseignement du droit*, Garraud*, Idéologie*, Immunité scientifique*, Jurisconsulte*, Légiste*, Légistique*, Ortolan*, Politique criminelle*, Raison*, Rationnel*, Sagesse*, Tableau général des incriminations*, Techniques juridiques*, Université*, Vocabulaire*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.) - Ouvrage consacré aux techniques législatives en matière pénale.
Voir : Von Jhering, L’esprit du droit romain
Voir : J. Cauvet, De la philosophie du droit
Voir : P. Rossi, Introduction au droit pénal
Voir : P. Rossi, La rédaction des lois d’incrimination
Voir : J.-A. Roux, Critique de la théorie de la peine justifiée
Voir : Garraud, Introduction au droit criminel
Voir : J.-P. Doucet, La doctrine est-elle une source du droit ?
Pour une application, voir : Doucet, Le raisonnement judiciaire
Sur la manière de présenter une étude, voir : Doucet, La technique de la dissertation et de l'exposé
- La notion de science. On
estime en général qu'une science consiste en la recherche et l'établissement des lois et des règles
régissant certaines
catégories de faits matériels ou de certaines catégories
intellectuelles.
En revanche, l'art consiste en la connaissance et l'application
adéquate de ces règles.
Cuvillier (Vocabulaire philosophique) : Science - Ensemble de recherches méthodiques et de connaissances ayant pour but la découverte des lois des phénomènes.
Vergely (Dictionnaire de la philosophie) : L'art renvoie au savoir faire et à la technique parfaitement maîtrisée. Le virtuose dans son domaine doit être dit « maître » dans l'art de faire ceci ou cela.
Carrel (L'homme, cet inconnu) : L'intelligence seule n'est pas capable d'engendrer la science. Mais elle est un élément indispensable à sa création. La science fortifie l'intelligence dont elle n'est cependant qu'un aspect. Elle a apporté à l'humanité une nouvelle attitude intellectuelle, la certitude que donnent l'expérience et le raisonnement. Cette certitude est très différente de celle de la foi. Cette dernière est plus profonde. Elle ne peut pas être ébranlée par des arguments... et, chose étrange, elle n'est pas étrangère à la construction de la science. Il est certain que les grandes découvertes scientifiques ne sont pas l'œuvre de l'intelligence seule. Les savants de génie... sont doués d'intuition, ils perçoivent des relations entre des phénomènes en apparence isolés, ils devinent l'existence du trésor ignoré [reste à savoir si c'est l'œuvre du cerveau humain se réorganisant de lui-même pendant une période de repos, ou s'il s'agit d'une illumination provenant de l'extérieur].
- Des sciences morales en général. Surtout à l'époque où les sciences physiques ont pris leur plein essor, on a parfois émis des doutes sur la possibilité de développer également des sciences morales. À l'expérience il est apparu que cette crainte était, sinon infondée, du moins exagérée : les sciences humaines peuvent bien constituer un sujet d'études rigoureuses comme tout autre science reposant sur des faits ; sous cette réserve que la complexité de l'être humain les rendent particulièrement délicates (que ce soit en matière juridique ou médicale).
Pufendorf (Le droit de la nature) : De la certitude des sciences morales - Bien des gens se persuadent que les Sciences morales sont dépourvues de cette certitude que l'on trouve dans d'autres sciences, surtout dans les mathématiques. Les démonstrations, disent-ils, qui seules peuvent produire une connaissance évidente et à l'égard de laquelle on ne craigne point absolument de se tromper, n'ont point lieu en matière de sciences morales ; tout ce que l'on fait là dessus est uniquement fondé sur des probabilités... Ce préjugé a porté un très grand préjudice à ces sortes de sciences, les plus nobles de toutes et les plus nécessaires à la vie... C'est une erreur.
Guizot (Histoire de la civilisation en France) : Les sciences morale peuvent et doivent être des sciences tout comme les sciences physiques, car elles s’exercent aussi sur des faits. Les faits moraux ne sont pas moins réels que les autres : l’homme ne les a pas inventés, il les a aperçus et nommés ; il les constate et il en tient compte toutes les minutes de sa vie ; il les étudie comme il étudie tout ce qui l’entoure, tout ce qui arrive à son intelligence par l’entremise de ses organes. Les sciences morales ont, s’il est permis de parler ainsi, la même matière que les autres sciences ; elles ne sont dont nullement condamnées par leur nature à être moins précises ni moins certaines.
Ahrens (Cours de droit naturel, T.II p.478) : La science, qui agrandit sans cesse le pouvoir intellectuel de l'homme, en le rendant par la connaissance maître des lois et des forces qui régissent l'univers, et l'art ... ne peuvent prospérer que dans l'air vivifiant de la liberté, qui leur permet d'aller aux derniers principes et de s'inspirer aux sources immédiates du vrai et du beau. C'est principalement la mission de la science en général, et surtout de la philosophie, de revenir toujours aux sources premières, de veiller à ce qu'elles ne soient pas obstruées par des barrières que des autorités étrangères à la science cherchent souvent à opposer à ses recherches. L'histoire du développement intellectuel prouve d'ailleurs que tous les moyens de contrainte ont été impuissants devant la force supérieure que la vérité, loi d'attraction dans le monde intellectuel, exerce sur tous les esprits, et qui brise à la fin les chaînes captives dans lesquelles on a voulu les retenir.
Taine (Les
origines de la France contemporaine) L'esprit et la doctrine :
Au commencement, point de définitions abstraites : l'abstrait
est ultérieur et dérivé ; ce qu'il faut mettre en tête de chaque
science, ce sont des exemples, des expériences, des faits
sensibles ; c'est de là que nous extrairons notre idée
générale...
C'est ainsi qu'il faut procéder dans toutes les sciences, et
notamment dans les sciences morales et politiques. Considérer
tour à tour chaque province distincte de l'action humaine,
décomposer les notions capitales sous lesquelles nous les
concevons, celles de religion, de société et de gouvernement,
celles d'utilité, de richesse et d'échange, celles de justice,
de droit et de devoir ; remonter jusqu'aux faits palpables, aux
expériences premières, aux événements simples dans lesquels les
éléments de la notion sont inclus ; en retirer ces précieux
filons sans omission ni mélange ; recomposer avec eux la notion,
fixer son sens, déterminer sa valeur ; remplacer l'idée vague et
vulgaire de laquelle on est parti par la définition précise et
scientifique à laquelle on aboutit... Voilà la méthode générale
que les philosophes enseignent alors sous le nom d'analyse et
qui résume tout le progrès du siècle.
Buddhist monastic Code, par Thanissaro Bhikkhu (2009) : Des distinctions scientifiques subtiles sont motivées par le désir de tracer des limites claires entre les règles majeures ; elles mènent à la solution des problèmes pratiques.
Rossi (Traité de droit pénal) : Mépriser la théorie, c’est avoir la prétention orgueilleuse d’agir sans savoir ce qu’on fait et de parler sans savoir ce qu’on dit.
Victor Cousin (Du vrai, du beau et du bien) : Il est
un besoin légitime, celui de ne pas être dupe de principes chimériques, d'abstractions vides, de combinaisons plus ou moins ingénieuses mais
artificielles, le besoin de s'appuyer sur la réalité et sur la vie, le besoin de l'expérience...
Une science des faits humains n'est pas une série
d'équations. Il faut que l'on retrouve en elle la vie qui est
dans les choses ; la vie avec son harmonie sans doute, mais
aussi avec sa richesse et sa diversité.
- De la science criminelle en particulier. La science criminelle, partie de la science juridique, est la discipline consacrée à l’étude des règles rationnelles gouvernant l’élaboration des lois pénales, la conduite de la police judiciaire, le déclenchement des poursuites devant les tribunaux répressifs, le déroulement des instructions criminelles et la rédaction des jugements. Sa difficulté, qui est due à la complexité de l’être humain, n’empêche pas qu’elle puisse en grande partie être traitée comme tout autre science reposant sur des faits.
Hegel (Principes de philosophie du droit) n° 212 : La science juridique est une science historique qui a pour principe l'autorité... Lorsque l'entendement se mêle de la nature même des choses, on peut voir d'après les théories du droit criminel, par exemple, ce qu'il est capable de produire avec sa méthode de raisonnement motivé. La science juridique a non seulement le droit, mais encore le devoir rigoureux de déduire d'après les données positives et dans tous leurs détails, les transformations historiques aussi bien que les applications et les complications des règles juridiques. Elle montrera ainsi leur logique intérieure.
Caro (Problèmes de morale sociale) : La société est la mise en rapport des libertés... la société civilisée tend de plus en plus à les mettre en harmonie. Il y a une science pour cela, la science du droit, dont l'idéal serait, non d'expliquer et d'interpréter les lois positives, mais de rechercher les meilleures lois possibles.
Planiol (Traité de droit civil) : La science juridique se rapproche plus des sciences historiques et de l’histoire naturelle que des sciences exactes et des sciences physiques, car le droit se transforme sans cesse, et ses principes sont loin d’avoir la fixité des vérités mathématiques ou des lois physiques. [cette observation est certes valable pour les règles de fond, mais moins pour les techniques imposées par chaque fonction juridique]
Von Liszt (Traité de droit pénal allemand) : La science juridique doit être la science systématique par excellence, car seul le classement des connaissances en un système garantit une possession sûre de tous les détails.
Ortolan (Éléments de droit pénal)
lors de l'étude de chaque partie de la science criminelle distinguait, sur chaque
question qu'il traitait dans son ouvrage magistral :
1° Suivant la science rationnelle.
2° Suivant la législation positive et la jurisprudence.
La science criminelle a été souvent négligée sur le plan universitaire. En partie parce qu'elle apparaît suspecte aux dirigeants politiques qui ont tendance à ne reconnaître comme lois que les textes qu'ils ont personnellement adoptés. Ils répugnent à admettre que leurs pouvoirs puissent être confinées dans des limites rationnelles. La pratique de cette discipline est même périlleuse dans les pays où règne le Droit positif* et la censure du « politiquement incorrect » ; et ce quoique son étude s'impose comme une nécessité en un temps où le droit criminel s'internationalise.
Sur la nécessité de restaurer la science criminelle : J.-P. Doucet, Supplique en faveur de la science criminelle.
Sur la nécessité de protéger la science criminelle contre toute barrière politique, afin de protéger les sociétés libérales contre les entreprises totalitaires, voir :
J.-P. Doucet, L'enseignement du droit criminel dans une société libérale
Trébutien (Cours élémentaire de droit criminel, Paris 1854) : L'étude du Droit criminel a été, pendant de longues années, fort négligée, sinon à peu près abandonnée dans nos Facultés de droit. Le droit criminel est resté l'annexe du Cours de procédure civile et, trop souvent, les exigences de ce dernier enseignement avaient presque réduit à néant celui du Droit criminel.
Ortolan (Cours de législation pénale comparée) Préface : M. Ortolan a victorieusement prouvé que le Droit est une science. Mais l'histoire ne suffit pas ; sans la philosophie, l'histoire n'est qu'une table chronologique : elle est le fait, la philosophie est la sagesse. Philosophie, Histoire, ces deux éléments ne doivent donc pas être séparés ; ils se complètent l'un l'autre. C'est par eux que l'introduction à la Science doit avoir lieu. [sans oublier le droit comparé !]
SCOLARISATION - Voir : Instruction*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », n° 334 et 335, p.197 et s.