DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL
- Professeur Jean-Paul DOUCET -
Lettre R
(Deuxième partie)
RANÇONNEMENT
Cf. Délits pénaux (Délit composé)*, Extorsion*, Kidnapping*, Liberté physique*, Otage*, Patrimoine*, Racket*, Trabucaire*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la personne humaine » (4e éd.), n° V-401, p.642
- Notion. Au sens strict, rançonner consiste dans le fait d'enlever une personne, puis de subordonner sa
libération à la remise de valeurs ou au versement d’une somme d’argent.
Au sens large on parle de rançonnement lorsqu'une personne abuse d'une situation de force pour soutirer de l'argent à ceux qui tombent sous sa coupe. En
droit criminel, on parle plutôt ici d'extorsion de fonds.
Joly (Le crime étude sociale) : On a défini la Camorra napolitaine : Une association de gens du peuple corrompus et violents, rançonnant par intimidation les vicieux et les lâches.
Tarde (La philosophie pénale) : On commence par rançonner le voyageur, pour avoir de quoi vivre ; on finit par le rançonner pour faire fortune.
Platon (Les lois) : Aujourd'hui, lorsque un homme, dans le dessein de tenir auberge, va bâtir des maisons dans des lieux déserts, où l'on n'arrive qu'après de longs trajets, qu'il reçoit dans une hôtellerie bien venue des voyageurs en détresse, ou battus par de violents orages, et leur fournit un abri tranquille ou un rafraîchissement contre les chaleurs étouffantes, au lieu de les traiter en amis et de leur faire les présents d'amitié qu'on fait quand on reçoit un hôte, il les traite comme des ennemis et exige d'eux des rançons exorbitantes, injustes et malhonnêtes.
Marret (Techniques du terrorisme) : Les membres des organisations humanitaires ou les touristes sont des butins recherchés... Ces pratiques terroristes sont liées ou proches d'autres actions comme les détournements aériens.
- Science criminelle. Ce crime entre dans la catégorie des Délits composés*. Il est d’une gravité telle que, à l’égal du meurtre, il ne peut jamais être considéré comme un crime politique. Le fait que la personne enlevée soit un enfant constitue une circonstance aggravante rationnelle.
Ortolan (Eléments de droit pénal) donne comme exemple de délits connexes le fait de séquestrer des voyageurs pour les rançonner.
Code criminel du Canada. 279 : Commet une infraction quiconque enlève une personne dans l'intention... de la détenir en vue de rançon ou de service, contre son gré.
Code pénal suisse. Art. 184. - La séquestration et l’enlèvement seront punis de la réclusion, si l’auteur a cherché à obtenir rançon.
Code pénal d'Andorre. Art. 229 : La séquestration d'une personne dans le but d'obtenir le paiement d'une rançon sera punie d'un emprisonnement d'une durée maximale de quinze ans.
Code pénal de Tunisie. Article 237 : Est puni de dix ans de prison, celui qui aura, par fraude, violence, ou menace, enlevé ou fait enlever un individu... Le maximum de la peine est porté à vingt ans de prison... si la personne a été enlevée pour répondre du versement d'une rançon ou de l'exécution d'un ordre ou d'une condition.
- Droit positif français. Le rançonnement est réprimé par l'art. 224-4 C.pén. (art. 343 ancien).
Lambert (Droit pénal spécial) : La demande de rançon, dans les rapts d’enfants, attribue à ce crime un caractère odieux … Ce crime énorme est, par bonheur, extrêmement rare en France ; peut-être parce que les malfaiteurs savent bien qu’un tel acte va mobiliser contre eux, non seulement toutes les forces de police et de gendarmerie, mais encore l’ensemble des citoyens, et que leurs chances de succès sont en cette matière incomparablement plus faibles qu’en toute autre. Toucher la rançon sans se faire prendre, c’est presque chercher la quadrature du cercle, se disent-ils sans doute.
Cass.crim. 31 mars 1981 (Bull.crim. n° 112 p.308) : L’enlèvement d’un mineur, qui n’a été restitué à sa famille que moyennant le versement d’une rançon, est un fait principal constituant en lui-même un crime.
Cons. d’État 20 septembre 1993 (Gaz. Pal. 1994 I panor.adm. 59) : La circonstance que le crime de «détention illégale avec circonstances aggravantes de l’exigence d’une rançon», qui n’est pas politique par nature, aurait été commis dans le cadre d’une lutte pour l’indépendance du pays basque ne suffit pas, compte tenu de sa gravité, à le faire regarder comme ayant un caractère politique.
RAPINE
Cf. Détrousseur*, Larcin*, Vol qualifié*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine », n° V-103, p.626
La rapine est une variété du Vol*, perpétrée avec violences contre les personnes.
Pour suivre la pensée du délinquant, le législateur français fait curieusement passer l’atteinte aux personnes après l’atteinte aux biens (art. 311-4 4°,
art.382 ancien).
St Thomas d'Aquin (Somme théologique II-II q.66 a.4) : Le vol et la rapine sont des vices opposés à la justice par le tort injuste qu’ils font à autrui.
Gousset (Théologie morale) :Si un vol se fait ouvertement et avec violences à l’égard du propriétaire, il prend le nom de rapine. Outre l’injustice qui lui est commune avec le simple vol, la rapine renferme une injure personnelle.
Ahrens (Cours de droit naturel) : C’est par son but éthique que le travail se distingue, et de tous les efforts tendant au mal, à la rapine, à la destruction, et du jeu qui veut se mettre à la place du travail.
Garraud (L’anarchie) : Il y a des malfaiteurs, des cambrioleurs, qui couvrent du prétexte de l’anarchie leurs rapines ou leurs assassinats.
Langlade (Code pénal de 1810) parlait de l’esprit de rapine.
Le Code pénal italien, dans son art. 53, parle de rapine à main armée (rapina a mano armata ).
Code pénal tchécoslovaque de 1950. Art. 234 : Celui qui, dans l'intention de s'emparer d'une chose qui ne lui appartient pas, aura usé à l'égard d'autrui de violence ou d'une menace de violence imminente, sera puni de la privation de liberté de trois à dix ans.
Cass.crim. 10 avril 1995 (Gaz.Pal. 1995 II Chr.crim. 354) : Pour déclarer, à bon droit, M. coupable de vol avec violences, l'arrêt attaqué énonce que le prévenu a arraché un billet à ordre des mains de G., le griffant à cette occasion.
RAPPEL À LA LOI - Voir : Avertissement*, Opportunité des poursuites*.
RAPPEL D'UNE CONDAMNATION AMNISTIÉE - Voir : Amnistie*.
RAPPORT DE POLICE
Cf. Police - judiciaire*, Prescription de l'action publique - actes interruptifs*, Preuve*.
Le rapport de police est le document par lequel un agent de police judiciaire fait part à ses supérieurs de certains faits qu’il a constatés, ou du résultat de certaines investigations dont il avait été chargé. Ce document, outre son intérêt interne au service, peut être produit à titre de simple renseignement dans une procédure en cours ; en revanche il n’entre pas dans la catégorie des actes interruptifs de prescription.
Decocq, Montreuil et Buisson (Le droit de la police) : Le mot rapport désigne le plus souvent l’écrit par lequel l’agent de police judiciaire adjoint que la loi n’habilite pas expressément à dresser procès-verbal relate les faits par lui constatés ou/et ses diligences en matière de police judiciaire.
Cass.crim. 28 janvier 1992 (Gaz.Pal. 1992 II Chr.crim. 365) : Les renseignements fournis dans un rapport de police au procureur de la République, faisant présumer l’existence d’une infraction, ne sont astreints à aucune condition de forme.
Cass.crim. 19 juin 1897 (S. 1898 I 204) : Les rapports des gardiens de la paix ne valent que comme simples renseignements, et eux-mêmes ne sont, devant les tribunaux, que les témoins de ce qu’ils ont consigné dans leur document.
Cass.crim. 4 juin 1991 (Gaz.Pal. 1992 I Chr.crim. 29) : Un rapport de police administrative peut, comme tout document administratif, être versé à titre de renseignement dans une procédure.
Cass.crim.6 janvier 1965 (Bull.crim. n°4 p.5) : Un simple rapport de police ne présente pas le caractère d’un acte d’instruction ou de poursuite au sens des art. 7 et 8 C.pr.pén.
RAPPORTEUR
Cf. Instruction – à l’audience*, Tribunal*.
Pour que soit assuré le bon fonctionnement d’une juridiction collégiale, il est souhaitable que chaque dossier soit suivi par l’un de ses membres. Ce magistrat, nommé rapporteur, contrôle le déroulement des formalités préparatoires, effectue éventuellement des actes d’instruction, et enfin, le jour de l’audience, fait le point de l’affaire devant ses collègues et les parties.
Voir : Le procès du duel
Denisart (Collection de jurisprudence, 1768) : On nomme rapport le récit que fait un conseiller ou un autre juge, des pièces et de l’état d’un procès qu’il a été chargé d’examiner. Et celui qui fait le rapport est nommé rapporteur.
Faustin Hélie (Traité de l’instruction criminelle), à propos de la procédure devant la cour d’appel : Le rapport, qui a pour objet d’exposer publiquement tous les documents de la cause, et de suppléer quelquefois quelques uns de ces documents, intéresse directement la manifestation de la vérité et la défense des parties ; il faut donc le considérer comme un élément essentiel du débat. Placé au seuil de la procédure d’appel, il en précède toutes les solennités et tous les actes ; le tribunal n’est pas réputé avoir agi en connaissance de cause quand il ne l’a pas entendu ; et il ne peut procéder à aucune mesure même d’instruction avant ce préliminaire indispensable, destiné à constater l’état et les éléments du procès.
Code de procédure pénale espagnol, Art. 146. - Dans
chaque affaire il y aura un magistrat rapporteur.
Les magistrats du tribunal exerceront cette charge à tout de rôle...
Art. 147 : Il revient aux rapporteurs:
1° d'informer le tribunal des requêtes des parties;
2° d'examiner tout ce qui se rapporte aux preuves que l'on propose et d'informer le tribunal du caractère bien fondé ou non de cette
demande;
3° de recevoir les déclarations des témoins et d'effectuer toutes diligences aux fins de preuve, si, selon la loi, elles ne doivent pas ou si elles
ne peuvent pas être exécutées devant le tribunal qui les ordonne, ou si elles ont lieu en dehors de la localité où siège le tribunal, et que n'est pas
donnée commission aux juges d'instruction ou aux juges municipaux pour qu'ils les effectuent;
4° de préparer les décisions (*) et jugements qu'il y a lieu de soumettre à la discussion du tribunal et les rédiger de manière définitive dans les
termes pour lesquels il y a un accord.
Si le rapporteur ne s'est pas conformé au vote de la majorité, c'est un autre magistrat qui sera chargé de la rédaction du jugement; mais dans ce
cas, le premier rapporteur sera obligé de formuler son vote particulier.
5° de lire le jugement en séance publique.
- Rapport écrit. Devant les juridictions qui suivent une procédure principalement écrite, comme la Cour de cassation, le rapport du conseiller est naturellement présenté par écrit.
Voir : Rapport écrit du procès en révision, dans l’affaire des Fleurs du mal de Baudelaire
Boré (La cassation en matière pénale) : Le rapport, devant la Cour de cassation, rappelle les faits de la cause, les moyens de cassation invoqués, les principes juridiques applicables et les conséquences qu’il y a lieu d’en tirer pour le jugement du pourvoi.
Code de droit canonique (Commentaire Salamanque). Canon
1429 : Le président du tribunal collégial doit désigner un des membres du collège comme rapporteur, qui fera
rapport de la cause à la réunion des juges et rédigera les sentences.
[Le rapporteur appartient au tribunal collégial ; son office consiste à étudier les actes pour informer les autres juges et rédiger la sentence
définitive. Le rapporteur n’est pas instructeur, mais il peut assumer ses fonctions. Le président du tribunal peut être en même temps auditeur et
rapporteur]
- Rapport oral. Mais là où règne le principe de l’oralité des débats, comme devant la cour d’appel, le rapporteur doit faire un rapport oral. Cette formalité est substantielle.
Merle et Vitu (Traité de droit criminel) : La procédure devant la cour d’appel débute obligatoirement par le rapport oral d’un des magistrats composant la Cour. Cette formalité a pour but de faire connaître aux membres de la juridiction d’appel les éléments de la cause sur laquelle celle-ci devra se prononcer ; c’est pourquoi le rapport est regardé comme une formalité substantielle.
Cass.crim. 6 novembre 1984 (Gaz. Pal., Rec. 1985 I somm. 163) : Encourt la cassation l’arrêt qui ne porte aucune mention du rapport oral d’un conseiller prévu par l’art. 513 C.pr.pén., alors que ce rapport, qui a pour objet de faire connaître aux juges d’appel les éléments de la cause sur laquelle ils auront à se prononcer est une formalité substantielle dont l’accomplissement constitue un préliminaire indispensable à tout débat.
Me Lachaud, dans sa plaidoirie pour le maréchal Bazaine : Le rapport, c’est le résumé simple, calme, sans passion, de la cause qui doit être soumis au juges. Il faut bien qu’il en soit ainsi. Autrement, serait-il juste de forcer l’accusé au silence si, au début de l’affaire, la discussion s’engageait contre lui ?
RAPT
Cf. Enlèvement*, Rançonnement Viol*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la personne humaine », n° III-207, p.485
- Notion. Le rapt se présente comme une variété de l'enlèvement, qui consiste à enlever une femme dans le but d'avoir avec elle des rapports charnels. Ce crime s'étendait autrefois à l'enlèvement d'une femme en vue de l'épouser contre la volonté de ses parents.
Denisart (Collection de jurisprudence) éd. 1768 : Le mot rapt signifie l'action de ravir quelqu'un, dans la vue de le soustraire à l'autorité des personnes sous lesquelles la loi l'a mis, et pour commettre le crime qui en est ordinairement la fin.
Proal (Le crime et la peine) : Les cérémonies nuptiales rappellent le rapt des femmes, dans un grand nombre d’anciens peuples.
Marat (Plan de législation criminelle) : Distinguons bien le rapt qui a pour but de satisfaire la volupté, d'avec celui qui a pour but de satisfaire la cupidité, en épousant une mineure sans l'aveu ou contre le gré de ses parents. Celui-ci est toujours une subornation préméditée pour usurper un bon parti ; celui-là doit être considéré comme une simple séduction, à moins qu'il n'y ait violence,et alors il sera réputé viol.
- Règle morale. En l'état de notre civilisation, nul ne doute que le rapt soit une faute au regard de la loi naturelle, et un péché au regard de la loi divine.
E. de Girardin (Le droit) : Quand bien même la conscience humaine n'existerait pas, la civilisation progressive suffirait pour rendre de plus en plus difficiles, de plus en plus rares, le meurtre, le rapt, le viol, le vol, tous risques enfin de barbarie.
St Thomas d'Aquin (Somme théologique) : La loi ancienne infligeait la peine de mort pour certains crimes particulièrement graves : homicide, rapt, irrévérence envers les parents, adultère, inceste...
Gousset (Théologie morale) : Les péchés de luxure ou d'impureté consommée sont de sept espèces : la simple fornication, le stupre, le rapt, l'inceste, le sacrilège, l'adultère, et le péché contre nature.
- Science criminelle. Le législateur distingue habituellement selon que la femme enlevée est mineure ou majeure, et selon qu'elle a ou non consenti à l'entreprise. De nos jours, cette incrimination vise le plus souvent un acte antérieur au viol ; elle s'analyse en un délit obstacle du point de vue de la protection de la pudeur, même si elle apparaît comme un délit de base en matière de protection de la liberté physique.
Voir : Tableau des incriminations protégeant la pudeur (selon la science criminelle)
Voir : Tableau des incriminations protégeant la liberté physique (selon la science criminelle)
Paul Faure (La vie quotidienne en Crète au temps de Minos) : Rapt, séduction et adultère sont traités dans le Code de Gortyne comme des crimes qui causent un tort personnel sans doute, mais qui lèse toute la collectivité.
Du Boys (Histoire du droit criminel) : Suivant les Établissements de saint Louis les grands crimes, désignés sous le nom de cas de haute justice, sont la trahison, le rapt, l'arson ou incendie...
Code pénal de l’Uruguay. Art. 266. Rapt - Celui qui, par violences, menaces ou tromperies, soustrait ou retient, pour satisfaire une passion charnelle ou pour contracter mariage, une femme célibataire, âgée de plus de dix-huit ans, une veuve ou une divorcée honnêtes … sera puni de douze mois de prison à cinq ans de réclusion.
Code pénal du Brésil. (Rapto violento ou mediante fraude)
Art. 219 - Rapt par la violence ou par la fraude : Ravir une femme honnête, par la violence, par une menace grave, ou par la fraude, à une fin
libidineuse : Peine - de deux à quatre ans de réclusion.
(Rapto consensual) Art. 220 - Rapt consensuel : Si la victime d'un enlèvement est âgée de plus de quatorze ans et de moins de vingt et un ans, et si
le rapt a eu lieu avec son approbation : Peine - de un à trois ans de prison.
- Droit positif français. L'Ancien droit distinguait le rapt de violence, consistant à enlever une femme malgré elle pour en abuser, et le rapt de séduction, consistant dans le fait d’enlever une jeune fille avec son accord, dans l’intention de l’épouser en dépit de l’opposition de ses parents. De nos jours on parle plutôt d’enlèvement de mineure (p.ex., art. 227-8 C.pén.).
Voir : Tableau des incriminations protégeant la liberté physique (en droit positif français)
Muyart de Vouglans (Les lois criminelles de France) : Le rapt de violence est le crime de ceux qui enlèvent par force et malgré elles, des filles, femmes,et veuves, soit majeures soit mineures, dans la vue d’en abuser… Le rapt de séduction se commet par des personnes majeures qui ont suborné une jeune fille ou veuve mineures, en s’emparant de son cœur par des voies illicites et artificieuses, pour en abuser sous promesse de mariage.
Trib.corr. Chalons-sur-Marne, 13 octobre 1982 (Gaz.Pal. 1982 II 673 note Doucet) : Si le délit d’enlèvement ou de détournement de mineure est constitué nonobstant l’adhésion que la victime ait pu y mettre, pour ce qu’un mineur en effet ne peut point valablement consentir, encore faut-il qu’il existe chez son auteur un élément intentionnel consistant en la conscience, d’une part, de soustraire ledit mineur des lieux où l’avaient placé ceux à l’autorité ou à la direction desquels il était soumis ou confié et d’autre part, de l’en retirer d’une manière sinon définitive, en tout cas durable. A défaut de cet élément moral, il n’y a pas de rapt de séduction.
RASSEMBLEMENT - Voir : Attroupement*, Charivari*, Manifestation publique*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° 38 et 39, p.38 et s. / Voir la Table alphabétique, p.583
RAT D’HÔTEL
Cf. Dévaliser*, Malfaiteur*, Violation de domicile*, Vol qualifié*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° IV-306, p.590
Le dictionnaire Larousse définit le « rat d’hôtel » comme un filou élégant qui dévalise les chambres des voyageurs. Dès lors qu’il pénètre subrepticement dans un lieu qui constitue provisoirement un domicile privé afin d’y dérober des objets de valeur, et quoiqu’il n’use pas de violences envers les personnes, il commet un vol aggravé : un vol avec effraction (art. 311-4, 6°).
Bouzat et Pinatel (Traité de droit pénal et de criminologie) : Les rats d’hôtel se font passer pour des voyageurs riches ou des gens du monde, descendent dans les hôtels et palaces de premier ordre, et lorsque leur vol est suffisamment préparé, mettent à profit l’absence ou le sommeil d’un voyageur, pour dérober dans sa chambre les valeurs qui s’y trouvent. Ils quittent l’hôtel le lendemain ou le surlendemain de la façon la plus naturelle. Le rat d’hôtel est joueur et spéculateur dans l’exécution des infractions, il pousse l’audace jusqu’à l’extrême limite tant pour commettre le fait que pour s’échapper. Il est rare qu’il cherche à se défendre ou ait recours à la brutalité. Il opère seul et est souvent international.
RATIO LEGIS
Cf. Amendements*, Interprétation de la loi*, Loi*, Travaux préparatoires*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-I-110, p.35.
Expression latine signifiant : « raison d’être de la loi ». Quant aux lois de fond, rechercher la ratio legis, c’est rechercher le
but visé par le législateur, donc déterminer l’Intérêt protégé* par la loi. À partir de là, l’analyste peut
rationnellement pénétrer le sens profond du texte et établir le régime applicable à l’incrimination en cause.
Certains auteurs distinguent à juste titre entre la pensée du législateur (mens legis) et la raison d'être profonde de la loi (ratio
legis).
Ahrens (Cours de droit naturel) : Cujas distinguait dans les lois l’esprit ou la volonté du législateur (mens legis) et la raison de la loi (ratio legis) qui réside dans l’accord d’une loi avec les faits historiques et avec les principes éternels du vrai et du bien.
Trousse (Novelles de droit pénal belge) : La ratio legis est la recherche de la raison de la loi… Elle est le bien juridique, l’institution dont la loi pénale entend assurer le protection. Ainsi, la ratio legis des crimes et délits contre la foi publique est l’intérêt collectif à l’authenticité et à la sincérité des formes ; c’est elle qui dirigera l’interprète dans l’appréciation des différents éléments constitutifs du faux.
Vitu (De l'illicéité en droit criminel français) : Un auteur moderne a soutenu que toute loi d’incrimination cesse de s’appliquer lorsque sa raison d’être n’a plus d’objet (ubi cessat ratio legis, cessat lex).
Mayaud (Ratio legis et incrimination, Rev.sc.crim. 1983 597) : À la fois fondement et moteur de l’incrimination, la ratio legis en fixe toute la portée, puisqu’elle permet de dresser les ultimes frontières de la répression, et de tracer ainsi le seuil de rupture entre ce qui est punissable et ce qui ne l’est pas.
Grenoble (Ch. com.) 28 juin 1995 (Gaz.Pal. 1996 II 383), relatif à l’étendue de la responsabilité des hôteliers : La ratio legis a été d’établir un corollaire entre le profit retiré par l’hôtelier et sa responsabilité.
RATIONNEL
Cf. Délit rationnel*, Raison*, Science criminelle*, Sagesse*, Techniques juridiques*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), notamment n° 106, p.66 / n° 129, p.104
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), notamment n° 4, p.3
Une notion, une catégorie, une méthode de raisonnement présente un caractère rationnel lorsqu’elle est conforme à la droite raison, indépendamment des
circonstances présentes de temps, de lieu. Ainsi un Délit rationnel* est une incrimination parfaitement structurée, qui
peut se rencontrer dans un pays et être ignorée dans un autre (cas du suicide).
- Suivant l’exemple d’Ortolan (Éléments de droit pénal), la science criminelle devrait, sur chaque question délicate, soigneusement distinguer
entre l’approfondissement de la « science rationnelle » et l’exposé du « droit positif ».
Cuvillier (Vocabulaire philosophique). Rationnel : Qui se rapporte à la raison ; « J’oppose la rationnel à l’empirique » (Kant). « Faire œuvre de science rationnelle, c’est chercher à formuler quelques relations constantes en des propositions qui se nomment des lois » (Milhaud). Qui se fonde sur la raison, sur la déduction pure, par opposition à la méthode expérimentale.
Paris 18 février 1997 (Gaz.Pal. 1998 I somm. 391) : L’accident dont la demanderesse a été victime ne peut rationnellement s’expliquer que par la faute qu’elle a pu commettre en conservant, en dépit des consignes de sécurité clairement affichées au départ du télésiège, sa dragonne attachée à son bras, entraînant le blocage de son bâton de ski dans le siège qu’elle occupait.
Trib. pol. Lyon 20 novembre 1984 (Gaz.Pal. 1986 I 159) : Le sentiment d’insécurité apparaît comme un phénomène éminemment subjectif et irrationnel lorsqu’on le compare à l’insécurité réelle (en particulier à travers les statistiques).
RÉADAPTATION - Voir : Amendement*, Rédemption *.
RÉBELLION (Rebelle, se rebeller)
Cf. Arme (dépôt d'armes)*, Autorité légitime*, Arrestation par l’autorité publique*, Barricade *, Bris de scellés*, Défaut de réponse à une réquisition*, Désobéissance*, Coup d’État*, Fonctionnaires*, Force publique*, Insurrection*, Mutinerie*, Opposition à l’exercice des fonctions*, Opposition à travaux publics*, Outrage*, Résistance à l’oppression*, Révolte*, Violences*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° II-I-143, p.392 / Voir la Table alphabétique p.583
Voir : R. Garraud, Les éléments constitutifs du délit de rébellion
- Notion. L’acte de rébellion consiste dans le fait de s’opposer, par la force, et en connaissance de cause, à l’exécution d’un ordre de l’autorité administrative ou de l’autorité judiciaire légitimes.
Locke (Traité du gouvernement civil) : La rébellion est une action par laquelle on s’oppose, non aux personnes, mais à l’autorité fondée sur les constitutions et les lois du gouvernement.
Denisart (Collection de jurisprudence, 1768) : Rébellion est synonyme de révolte ; ainsi la rébellion à justice est la même chose qu’une révolte et une méconnaissance de la Puissance souveraine, dont les ordres de la justice sont émanés.
Dictionnaire civil et canonique (Paris 1687) : Rébellion est l’effort que l’on fait pour empêcher que les ordres du Roi ou de la Justice, dont Sa Majesté est le chef, soit exécuté.
Cass.crim. 7 novembre 2006 (Bull.crim. n° 273 p.995) : Le délit de rébellion est caractérisé par tout acte de résistance à l'intervention d'une personne dépositaire de l'autorité publique, même sans atteinte physique à l'encontre de cette personne.
- Règle morale. La philosophie et la théologie morale s'accordent pour considérer que la rébellion contre l'exécution d'un ordre régulier des pouvoirs publics peut légitimement être incriminée par le législateur pénal.
Jolivet (Philosophie morale) : Les devoirs des citoyens forment le contenu de ce qu’on appelle la morale civique. Ces devoirs peuvent se résumer en l’obéissance aux lois, le paiement des impôts et la défense de la patrie.
Baudin (Cours de philosophie morale) : Il y a obligation stricte d'obéir à l'État en tout ce qu'il prescrit légitimement en vue du bien public, d'obéir à ses lois, à sa justice, à ses tribunaux, aux règlements de ses administrations, etc., et d'une manière générale aux détenteurs authentiques de son autorité dans le juste exercice de leurs fonctions authentiques.
Vittrant (Théologie morale) : Le simple doute sur la légitimité d’une disposition prévue par la loi ne dispense pas le citoyen du devoir d’obéissance à l’autorité légitime. Il y a présomption en faveur du législateur et de la loi. C’est pourquoi, dans la pratique, le Bien Commun exigera le plus ordinairement une soumission effective.
- Science criminelle. La doctrine pénale distingue deux niveaux de rébellion : primo, la rébellion contre l’État lui-même, qui relève des atteintes à la sûreté de l’État (on dit aussi Insurrection*), secundo la rébellion contre les agents publics, qui consister à empêcher un représentant de l’autorité d’accomplir un acte de sa fonction (Menaces*, Outrages*, Violences*).
Voir : Tableau des incriminations protégeant la paix intérieure de la Nation (selon la science criminelle)
Voir : Tableau des incriminations protégeant la fonction législative (selon la science criminelle)
Voir : Tableau des incriminations protégeant la fonction judiciaire (selon la science criminelle)
Voir : Tableau des incriminations protégeant la fonction exécutive (selon la science criminelle)
Jousse (Traité de la justice criminelle, 1771) : Il y a des cas où il est permis à celui qu’on veut emprisonner de faire résistance ; et cela a lieu principalement lorsque celui qui veut arrêter est sans compétence, ou bien lorsqu’il a compétence mais n’a point les marques de son ministère, ou bien lorsqu’il est porteur d’un mandement d’un juge incompétent ou qui a excédé son pouvoir, ou bien qu’il n’a point observé les formes de justice. Ainsi il est permis à celui qu’on veut arrêter injustement, non seulement de résister, mais encore d’appeler ses amis et ses voisins à son secours pour l’aider à se défendre. En effet, cette résistance est plutôt une défense légitime qu’une rébellion… Covarruvias dit : Il est permis de résister à des jugements injustes et à des juges iniques.
Garraud (Traité de droit pénal) : Le Code pénal (de 1810) distingue deux espèces de rébellion, qui diffèrent d’après le but que l’agent se propose et les moyens qu’il emploie. L’art. 91 qualifie d’attentat à la sûreté de l’État la rébellion qui s’attaque au pouvoir même de l’État, et qui tend à modifier ou à renverser le Gouvernement établi. L’art. 209 réserve le nom spécial de rébellion à la résistance dirigée contre les agents de l’autorité.
Code pénal de l’Uruguay, a. 142 : Rébellion. Ceux qui s’opposent à ce que les Pouvoirs de l'État exercent librement leurs fonctions seront punis avec deux à six ans de prison.
Code pénal portugais de 1886 modifié 1954 : Celui qui, par l’emploi de violence ou de menaces, s’oppose à ce qu’une autorité publique exerces ses fonctions ou à ce que soient exécutés les ordres donnés pour l’exercice desdites fonctions … sera puni d’une peine d’emprisonnement.
Code annamite de Gia Long). Art. 353 : Ceux qui, ayant
commis une faute, auront résisté à ceux qui les poursuivent pour les arrêter seront, dans chaque cas, punis de la peine qu'ils avaient primitivement
encourue augmentée de deux degrés... Si les coupables sont armés et résistent à ceux qui les poursuivent et que ceux-ci les tuent entre luttant contre
eux, ceux qui les poursuivent ne seront jamais punis.
Commentaire officiel [du Code chinois des T'sing ] : Si les coupables sont armés et résistent à ceux qui veulent les arrêter, ils ont l'intention et la
volonté de ne reculer devant aucun crime ; alors ceux qui les poursuivent, ne pouvant faire autrement, sont obligés de lutter contre eux ; il leur est
impossible de ne pas faire usage de la force, et ils ne peuvent se dispenser d'employer les moyens susceptibles, par leur nature, de causer la mort.
L'infraction est constituée par cela seul que l'auteur des faits s'est opposé activement à l'action des pouvoirs publics ; elle s'analyse en un délit formel. On n'exige pas que le fonctionnaire victime de cette opposition ait été personnellement atteint dans son intégrité physique. La rébellion relève de la catégorie des infractions contre l'État.
Code pénal de la République populaire de Chine. Article 104 – Celui qui organise, complote ou entreprend une rébellion armée … sera condamné à l’emprisonnement à vie.
Cass.crim. 10 novembre 1998 (Gaz.Pal. 1999 I Chr.crim. p.38) : Caractérise le délit de rébellion édicté par l'art. 433-6 C. pén. tout acte de résistance active à l'intervention des agents dépositaires de l'autorité publique, même sans atteinte physique à la personne de ces derniers.
- Droit positif français. La rébellion, qui consiste à s’opposer activement à l’action d’une administration publique, est spécialement incriminée, sous cette appellation, par les articles 433-6 et s. C.pén. (ancien art.209).
Voir : Tableau des incriminations visant à assurer l'existence de la Nation (en droit positif français)
Voir : Tableau des incriminations assurant le bon fonctionnement de la justice (en droit positif français)
Voir : Tableau des incriminations assurant le bon fonctionnement de l'administration (en droit positif français)
Montreuil (Commentaire du Juris-classeur) : L’infraction de rébellion requiert la réunion de quatre éléments constitutifs. Le premier réside dans la qualité de la victime : il doit s’agir « d’une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ». Le deuxième élément est circonstanciel : l’agent d’autorité devait agir lors des faits incriminés « dans l’exercice de ses fonctions, pour l’exécution des lois, des ordres de l’autorité publique, des décisions ou mandats de justice. Le troisième élément, l’élément matériel, est constitué par le fait pour le prévenu « d’opposer une résistance violente » à l’agent de l’autorité. Enfin, l’infraction comporte un élément intentionnel.
Cass.crim. 27 juin 1908 (Bull.crim. n° 272 p.495) : Le délit de rébellion n’existe, aux termes de l’art 209 C.pén., que lorsque la résistance est accompagnée de violence ou voies de fait. En conséquence l’application de cet article n’est pas justifiée si l’arrêt constate seulement que le prévenu, au moment de son arrestation, a opposé une vive résistance.
Cass.crim. 1er mars 2006 (Bull.crim. n° 58 p.225) : Justifie sa décision la cour d'appel qui, pour renvoyer un prévenu des fins de la poursuite du chef de rébellion, après avoir rappelé que ce délit exclut la simple résistance passive et l'usage de la force d'inertie, relève qu'il ressort du procès-verbal que le prévenu s'est agrippé à son volant en refusant de suivre les gendarmes.
Cass.crim. 8 décembre 2009 (pourvoi n° 09-85627) : Il
résulte de l'arrêt attaqué... que H.Y... a été interpellé par des fonctionnaires de police pour l'exécution d'un mandat d'arrêt ; il leur a opposé
une vive résistance, incitant, en outre, plusieurs jeunes gens à lui prêter assistance afin de le libérer ; notamment, K.X... est intervenu pour jeter
des graviers et des débris de verre en direction d'un policier, en sommant celui-ci de relâcher son camarade ;
K.X... a été poursuivi, ainsi que trois autres prévenus, devant le tribunal correctionnel, selon la procédure de comparution immédiate, pour actes
d'intimidation envers dépositaire de l'autorité publique, délit prévu par l'art. 433-3 C.pén. ; il a été condamné de ce chef à quatre ans
d'emprisonnement dont un an avec sursis et mise à l'épreuve pendant trois ans ; il a relevé appel de cette décision ;
Après avoir annulé le jugement entrepris et évoqué, les juges du second degré, pour requalifier les faits poursuivis et déclarer le prévenu coupable
de complicité de rébellion, retiennent que la vive résistance que le H.Y... a opposée aux policiers qui tentaient de l'interpeller caractérise le délit
de rébellion et que l'assistance que K.X... lui a apportée constitue la complicité de ce délit ; en prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa
décision.
Le simple fait que l’acte accompli par l’agent public ne soit pas conforme aux lois, et encourt dès lors la nullité, ne suffit pas à justifier une rébellion.
Cass.crim. 19 mai 1999 (Gaz.Pal. 1999 II Chr.crim. 124) : Pour condamner R... du chef de rébellion, la Cour d’appel relève que ce dernier a résisté avec violence à un fonctionnaire de police, qui, agissant dans l’exercice de ses fonctions, entreprenait de lui passer des menottes. En prononçant ainsi, les juges ont justifié leur décision, dès lors que l’illégalité de l’acte auquel le prévenu s’opposait, à la supposer établie, ne pouvait avoir pour effet de faire disparaître l’infraction reprochée.
- Outre la rébellion civile, le droit français incrimine la rébellion militaire (art. L. 323-4 et s. du Code de la défense).
Pierre Hugueney (Traité de droit pénal militaire) : La rébellion visée au Code de justice militaire exige la réunion des cinq conditions suivantes : 1° que l'inculpé soit un militaire ; 2° qu'il y ait de sa part opposition violente ; que cette opposition soit dirigée contre un dépositaire de la force publique ; 4° que celui-ci agisse dans l'exercice de ses fonctions ; 5° que se rencontre l'intention délictueuse.