DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL
- Professeur Jean-Paul DOUCET -
Lettre P
(Huitième partie)
POIDS ET MESURES
Cf. Commerce (police du commerce)*, Droits régaliens*, Escroquerie*, Foi contractuelle*, Foi publique*, Monnaie*, Tromperie contractuelle*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° III-15, p.374 (sur la confiscation des faux poids et mesures)
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-II-217, p.153 (aussi sur la confiscation des faux poids et mesures)
- Notion. Les poids et mesures sont les instruments qui permettent de déterminer le poids, la longueur, la largeur, la hauteur, le volume, la densité... d'une chose ou d'un bien. En matière contractuelle, ils sont le pendant de la monnaie de compte, qui permet d'en fixer la valeur, et de la monnaie de paiement, qui permet d'en verser le prix.
Bentham (Traité de législation civile et pénale) : L'uniformité des poids et mesures, sous le même gouvernement et pour des peuples qui ont le même langage, est un point sur lequel il semble qu'il n'y ait pas besoin de grands raisonnements pour en montrer l'utilité... Pour amener l'uniformité, il convient de faire des étalons qui aient l'autorité publique, de les envoyer dans tous les districts, et d'interdire l'usage de tout autre.
Décret des1-2 août 1793. La Convention nationale est convaincue que l'uniformité des poids et mesures est l'un des plus grands bienfaits qu'elle puisse offrir à tous les citoyens français.
- Règle morale. L'exactitude des poids et mesures, comme des monnaies, constitue la base de la loyauté dans les relations commerciales. Aussi est-elle prescrite par les grandes religions et doctrines morales ; et ce depuis les temps les plus anciens.
Kramer (L’Histoire commence à Sumer) : La déesse Nanshe, honorée à Lagash au XXIVe siècle avant J-C., condamnait « ceux qui substituent un poids léger à un plus lourd, une petite mesure à une plus grande ».
Livre des morts dans l’Égypte pharaonique : Je n'ai pas faussé le fléau de la balance.
Code des Gentoux (Règlement des brahmanes) : Quiconque se sert de fausses balances et les truque frauduleusement sera condamné par le magistrat à une (lourde) amende.
Le livre des récompenses et des peines (Traduction Stanislas Julien d'un ouvrage taoïste) : Les empereurs de l'antiquité ont inventé la balance, le boisseau et les mesures de longueur, afin de régler avec équité la valeur des objets de commerce... Celui qui emploie, en vendant un poids trop léger, ou en achetant un poids trop lourd, acquiert une fortune rapide en trompant ainsi les hommes, mais il ne manque jamais d'être puni par le Ciel.
Gousset (Théologie morale) : Ceux-là surtout sont coupables, qui vendent à faux poids, ou qui ne remplissent pas la mesure.
- Science criminelle. Depuis le début des temps historiques, le législateur sanctionne toute fraude en cette matière. Les incriminations de fabrication, de détention et d’usage de faux poids et mesures relèvent de la famille des dispositions protégeant la Foi contractuelle*, et sont groupées autour du délit d’Escroquerie*. Elles constituent des incriminations de police commerciale, tendant à prévenir notamment de délit de Tromperie contractuelle*, et ne comportent dès lors ordinairement qu’un simple dol général. On distingue traditionnellement la détention de faux poids et mesures, simple infraction de police, de l'utilisation de faux poids et mesures, qui constitue le commencement d'un délit d'escroquerie.
Voir : Tableau des incriminations protégeant la foi contractuelle (selon la science criminelle)
Alland et Rials (Dictionnaire de la culture juridique). V° Poids et mesures, par F. Borella : La question des poids et mesures ne pose apparemment que peu de problèmes juridiques, même si son importance pratique est immense. Aussi loin que remonte la connaissance historique, on constate le rôle du pouvoir politique pour garantir la loyauté des transactions sur les biens mesurables et pesables, et l'institution d'un service officiel de contrôle des instruments de mesure pour garantir la fidélité par rapport aux étalons admis. [dans nombre de vieux bourgs, on trouve encore un lieu dénommé « Place du poids public »]
Bluntschli (Droit public général) : La sollicitude de l’État s'étend aux poids et mesures, à la détermination précise de leurs étalons, à leur pointage et jaugeage.
Biot (Le Tchéou-li), Livre XIV : Le prévôt du marché est chargé de gouverner et d'enseigner, de régulariser et des punir dans les marchés ; il est chargé du maintien des poids et mesures, ainsi que des défenses et ordres qui concernent les marchés... Par les poids et mesures, il organise complètement le commerce et appelle les acheteurs.
Digeste de Justinien (48, 19, 37), Paul : Afin de protéger la fourniture des vivres publics, les marchands de blé qui usent de fausses mesures doivent être punis arbitrairement, selon la qualité du délit.
Digeste de Justinien (48, 10 32, 1). Modestin : Si un vendeur ou un acheteur a altéré des mesures approuvées par la marque publique, pour du vin, du froment ou toute autre chose, ou par dol a commis quelque fraude, il sera condamné au double du dommage ; et par un décret de l'empereur Adrien, il a été ordonné de reléguer dans une île.
Code annamite de Gia Long. Art. 138, commentaire officiel tiré du Code des Ts’ing : Les mesures servent à déterminer les quantités de toutes espèces de denrées pour que réception ou la délivrance soient parfaitement équitables. l’État donne une règle fixe et précise ; on fabrique les mesures conformément aux étalons ; on les présente au fonctionnaire qui les examine et les marque d’un timbre au feu ; alors seulement on peut mettre ces mesures en service.
Denisart (Collection de jurisprudence) : Dans les premiers temps de la Monarchie française, les étalons des mesures étaient gardés dans le Palais même de nos Rois, ainsi que nous l’apprend un capitulaire de Charles le Chauve de l’an 864. Actuellement l’usage est de les déposer à l’Hôtel de ville.
Code pénal suisse. Art. 248 : Celui qui, dans le dessein de tromper autrui dans les relations d’affaires... aura modifié des poids, mesures, balances ou autres instruments de mesure poinçonnés, ou aura fait usage de poids, mesures, balances ou autres instruments de mesure faux ou falsifiés, sera puni de la réclusion pour cinq ans au plus ou de l’emprisonnement.
Code pénal du Chili. Art. 469. On infligera le maximum des peines indiquées dans l'article 467... Aux commerçants qui fraudent en utilisant de faux poids ou mesures dans l'exercice de leur activité.
- Droit positif français. L’utilisation de poids différents des poids officiels est incriminée par le Code pénal (art. R.643-2). La détention ou l’utilisation de faux poids et mesures tombe sous le coup des art. L.213-1 et s. du Code de la consommation ; l'art. L.216-2 al.1du même Code prescrit leur confiscation et destruction.
Voir : Tableau des incriminations protégeant la foi contractuelle (en droit positif français)
Cass.crim. 24 octobre 1956 (Bull.crim. n° 674 p.1195) : C’est à bon droit que les juges du fond condamnent une personne pour détention d’une balance inexacte, du moment qu’il résulte de leurs observations que la balance, exacte en soi, était détarée, de sorte que dans la position d’équilibre à vide elle marquait toujours un certain poids, les acheteurs étant ainsi frustrés d’une certaine quantité de marchandise ; alors que cette dénivellation, à laquelle il eût été aisé de remédier, ne pouvait échapper à l’attention des utilisateurs de l’appareil.
Cass.crim. 31 janvier 1984 (Bull.crim. n° 37 p.99) : La loi ne rend obligatoire la confiscation et la destruction des poids et instruments de pesage que s’ils sont faux et inexacts.
POINÇON
Cf. Faux*, Monnaie*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° II-I-116, p.355 / n° II-II-116, p.471
Un poinçon est un instrument en acier trempé qui sert à l’autorité publique pour marquer les objets d’argent, d’or ou de platine, afin d’en certifier le titre. La contrefaçon d’un poinçon officiel est sanctionnée par l’art. 444-1 C.pén. français (art. 140 ancien).
Voir : Loi du 19 brumaire an VI (9 novembre 1797), relative aux ouvrages d'or et d'argent (extraits)
Vitu (Traité de droit pénal spécial) : Les poinçons servent à marquer le titre des matières d’or et d’argent.
C. just. com. europ. 15 septembre 1994 (D. 1994 IR 223) : Lorsqu’une réglementation nationale exige que le poinçon soit apposé par un organisme indépendant, la commercialisation d’ouvrages en métal précieux importés d’autres États membres ne peut être interdite dans le cas où ces ouvrages ont été effectivement poinçonnés par un organisme indépendant dans l’État membre exportateur.
Code pénal suisse. Art. 246 : Celui qui, dans le dessein de les employer comme authentiques, aura contrefait ou falsifié les marques officielles … par exemple l’empreinte du poinçon du contrôle des ouvrages d’or et d’argent … sera puni de l’emprisonnement ou de l’amende.
Muyart de Vouglans (Les lois criminelles de France, Paris 1783) : La peine de mort a lieu aussi contre les graveurs qui auraient gravé, sans permission des officiers des monnaies, des poinçons propres à fabriquer des espèces.
Vidocq (Les voleurs) : « Tapette » : Faux poinçon servant à marquer les objets d’or ou d’argent.
POISON
Cf. Choses dangereuses*, Empoisonnement*, Orfila*, Toxicologie*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° 135, p.114 / n° 136, p.114 / n° I-135 4°, p.197 (note 3) / n° 135 6°, p.199 / n° I-228, p.235 / n° I-240, p.251 / n° I-246, p.261 / n° III-307, p.469 / n° III-337, p.504
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-I-332, p.96 / n° I-I-I-342, p.108
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° I-250, p.150
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », n° 342, p.225 / n° 443, p.298
Voir : Jean-Paul. Doucet, « La protection de la Société », n° I-II-231, p.219 (police des médicaments dangereux)
Voir : Muyart de Vouglans, La lutte contre l’empoisonnement après l’« Affaire des poisons »
- Notion. Dans une conception subjective, constitue un poison toute substance introduite sournoisement dans l’organisme d’un être humain, sachant qu’elle est de nature à causer sa mort (p.ex. du verre pilé). Dans une conception objective, ne sont des poisons que les substances considérées intrinsèquement comme toxiques par la science médicale ; ces substances sont soit minérales (p.ex. arsenic), soit végétales (p.ex. ciguë) soit animales (p.ex. venin de serpent). Afin d'assurer la meilleure protection possible, la jurisprudence retient la notion la plus large.
Fabre (La toxicologie) : La notion de poison est fort ancienne. Dès l’Antiquité la plus reculée, la connaissance des propriétés toxiques de certaines substances existant dans la nature permettait aux initiés d’utiliser celles-ci dans le but de provoquer la mort d’autrui… L’emploi des poisons est demeuré pendant longtemps l’apanage du crime et du suicide.
Vitu (Traité de droit pénal spécial) : Pour d’assez nombreux toxicologues, est un poison la substance qui, par l’effet de ses propriétés chimiques, provoque une altération grave des tissus organiques et entraîne une interruption momentanée ou définitive des activités vitales chez l’être vivant.
Exemple : Lors du procès des "droitiers" tenu à Moscou en 1938, on accusa Zelenski d'avoir participé à des actions de sabotage en répandant du verre pilé dans des stocks de beurre.
Exemple : Un empoisonnement du polonium (Le Figaro 25 novembre 2006). C'est désormais une certitude : une substance radioactive a bien empoisonné L. Les experts de l'Agence de protection de la santé ont identifié du polonium-210. Il s'agit d'un élément radioactif naturel, découvert en 1898 par Marie Curie, présent en très petites quantités dans certains aliments. "à haute dose, s'il est ingéré, il peut provoquer des dégâts sur tous les organes", a expliqué le Dr Roger Cox, de l'Agence.
- Règle morale. La loi naturelle ne se borne pas à condamner le crime d'empoisonnement ; elle invite les pouvoirs publics à exercer un contrôle sur la fabrication et le commerce des substances pouvant être employées en tant que poisons ; elle prescrit à toute personne qui détient des poisons de veiller à ce qu'il n'en soit pas fait un mauvais usage.
Ahrens (Cours de droit naturel) : L'État doit exercer sa surveillance par rapport à la vente des poisons.
Bentham (Théorie des peines et des récompenses) : Les codes de police sont pleins de lois restrictives qui ne sont nullement des peines : on défend de vendre des poisons...
Gousset (Théologie morale) : Le pharmacien qui, par inadvertance, a vendu du poison pour un remède, est tenu, par justice, d'avertir l'acheteur de sa méprise.
- Science criminelle. C'est un devoir impérieux pour le législateur, non seulement de sanctionner l'usage criminel d'un poison (Voir : Empoisonnement*), mais encore d'édicter toutes les mesures de police préventive possibles.
Digeste (48, 8, 3). Marcien : Selon la loi Cornelia sur les
empoisonneurs, celui qui, pour tuer un homme, aura préparé du poison, l'aura vendu ou l'aura gardé, est soumis à la peine.
[Un Sénatus-consulte prévoyait une sanction à l'égard des parfumeurs qui vendaient sans précaution de la ciguë ou de l'aconit]
Constitution criminelle de Charles-Quint (Caroline). Art. 37 : Tout magistrat dans chaque lieu doit faire prêter serment aux apothicaires et autres qui vendent du poison, ou qui en font commerce, de n’en vendre ni délivrer à personne sans l’en avertir, et sans en avoir la permission.
Jousse (Traité de la Justice criminelle, 1771) : Les rapports des Apothicaires s’emploient pour constater si une telle drogue est un poison.
Code chinois de Ta-ts'ing (in Boulais, Manuel du Code chinois) : Quiconque fabriquera ou détiendra des poisons, extraits de chenilles ou de serpents venimeux, et capables de faire périr un homme, sera décapité sans rémission. La même peine sera appliquée à celui qui aura poussé quelqu'un à fabriquer ou a détenir ces poisons.
Code pénal du Brésil. Circonstances aggravantes. Art. 61: Sont des circonstances qui aggravent toujours la peine, quand ils ne constituent pas ou ne qualifient le crime... l'emploi de poison.
Shakespeare (Roméo et Juliette) L’apothicaire : - Oui, je détiens des drogues mortelles ; mais la loi de Mantoue édicte la peine de mort pour quiconque en met en circulation.
- Droit positif français. Il incrimine à titre principal l'Empoisonnement* (art. 221-5 C.pén.) et l'Administration de substances nuisibles* (art. 222-15 C.pén.). Il connaît également des dispositions de police préventive.
Pradel et Danti-Juan (Droit pénal spécial) : La substance peut être animale, végétale ou minérale, animale comme le venin, végétale comme la ciguë, minérale comme l'arsenic. L'apparition de substances nouvelles comme les microbes et virus dilate encore la notion de substance... Cependant certaines décisions, anciennes ou pas s'écartent de cette conception large: c'est l'assassinat que les juges ont retenu dans l'utilisation de verre pilé... Et pourtant le mot "substance" est plus large que le mot poison.
Garçon (Code pénal annoté) : Nous n'hésiterions pas à considérer comme un empoisonnement le fait de donner la mort à une personne en lui inoculant un virus... Bien que ces virus ne soient peut-être pas des poisons, au moins dans le sens vulgaire du mot, ils constituent une substance propre à donner la mort, et il importerait peu qu'ils aient été administrés à l'intérieur ou par inoculation.
POINT D'HONNEUR - Voir : Honneur (point d')*.
POLICE
Cf. Coercition*, Fouché*, Gendarmerie*, Main courante*, Passage à tabac*, Police municipale*, Police professionnelle*, Police scientifique*, Polices privées*, Policier*, Vidocq*.
Voir
: Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société »
- n°
II-II-104 et s.,
p.454 (sur la gendarmerie nationale et la police nationale)
- n° II-I-201 et s., p.429 (sur la protection du personnel de la police)
- Notion générale. Au sens le plus large, la police comporte l’ensemble des règles de droit, et des mesures de
fait, établies par l’autorité pour assurer un harmonieux écoulement de la vie sociale.
- Le droit français connaît deux types de police : la police administrative et la police judiciaire. Mais la distinction entre les deux n’est
pas toujours aisée, car un même personnel peut relever, tantôt de l’une, tantôt de l’autre. Une patrouille de routine relève de la police
administrative ; mais, du moment où elle constate la commission d’une infraction, elle agit sous un régime de police judiciaire.
Dictionnaire civil et canonique (Paris 1687) : La police, c’est le droit de faire des règlements pour maintenir le bon ordre dans une ville.
Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV : Art. 16 à 20 : La police est instituée pour maintenir l’ordre public, la liberté, la propriété, la sûreté individuelle. Son caractère principal est la vigilance ; la société, considérée en masse, est l'objet de sa sollicitude. Elle se divise en police administrative et police judiciaire. La police administrative a pour objet le maintien habituel de l'ordre public dans chaque lieu et dans chaque partie de l'administration générale. Elle tend principalement à prévenir les délits. Les lois qui la concernent font partie du code des administrations civiles. La police judiciaire recherche les délits que la police administrative n'a pu empêcher de commettre, en rassemble les preuves, et en livre les auteurs aux tribunaux chargés par la loi de les punir.
Bluntschli (Droit public général) : Comme son nom l'indique, la police est essentiellement un pouvoir public qui veille aux exigences quotidiennes de la sécurité et du bien publics, qui commande et défend ce qui est nécessaire ou indispensable à leur maintien. Sa sollicitude s'étend en effet à l'ordre public tout entier ; ainsi, non seulement au respect du droit, mais aussi au respect des mœurs et des convenances, dans la mesure jugée indispensable suivant les lieux et les temps, et même au respect de l'esthétique (par exemple en matière de constructions élevées su r une voie publique). Elle porte partout la sécurité, combat tous les dangers qui menacent la société, même ceux des forces naturelles (incendie, peste, inondation) ; et si le souci du bien public appartient dans les grandes lignes à la politique, elle lui prête son concours incessant dans l'exécution particulière et le détail.
Trib.confl. 12 décembre 2005, n° 05-03494 : La mission des services de police, au titre de leur activité de police administrative, consiste à assurer la sécurité des personnes et des biens et la préservation de l’ordre public.
Decocq, Montreuil et Buisson (Le droit de la police) : La police administrative peut être entendue simplement comme celle qui a pour mission d’empêcher les infractions. La police judiciaire, elle, se définit comme l’activité qui consister à constater les infractions à la loi pénale, à en rassembler les preuves et à rechercher les auteurs tant qu’une information n’est pas ouverte.
- Devoir pour les pouvoirs publics
d'organiser une police efficace. L'expérience montre que,
dans toute société, il existe une frange d'individus qui
ne tiennent nul compte des lois, qu'elles soient civiles ou
pénales. Seule la présence effective et vigilante d'une police
bien structurée permet de faire obstacle à ce qu'ils ne
troublent l'ordre public (encore faut-il que les tribunaux
appliquent les lois avec assez de rigueur pour que ceux qui
seraient tentés de passer outre sachent que la sanction légale
suivra inéluctablement toute infraction).
Si ma mémoire est fidèle, il y a une quarantaine d'années la
police d'une ville du Canada s'est mise en grève. Dès le début
de la matinée les infractions se sont multipliées à un point tel
que cette grève prit fin à midi.
Exemple (Ouest-France 18 avril 2014) : Une grève de la police à Salvador-de-Bahia, dans le nord-est du Brésil, entamée mardi soir, a provoqué une vague de pillages et dix-neuf assassinats. La Présidente Dilma Rousseff a autorisé « L'envoi de troupes fédérales pour renforcer la sécurité et assurer la paix » dans cette ville, parmi les plus dangereuses du pays. Cinquante personnes ont déjà été arrêtées, selon les autorités.
C'est la raison pour laquelle, en France, les fonctionnaires de police ne bénéficient pas du droit de grève.
Decocq, Montreuil et Buisson (Le droit de la police) : Le statut spécial des fonctionnaires de police consiste dans le suppression du droit de grève, compensée par des avantages pécuniaires.
- Police administrative. Le personnel de la police administrative a pour mission principale de prévenir la commission d’infractions. Elle doit assurer l’Ordre public*, qui comprend la tranquillité, la sécurité et la salubrité publiques, en prenant des dispositions de police préventive, en manifestant sa présence sur le terrain et en intervenant au premier risque de trouble.
Cf. Loi pénale - Lois pénales proprement dites et législation de police*, Obvier*, Ordre public*, Paix publique*, Salubrité publique*, Sécurité publique*, Tranquillité publique*.
Voir
: J-P. Doucet, « La protection de la Société »
- n°
II-II-201 et 202,
p.490 (sur la nécessité de la réglementation administrative)
- n°
II-II-235, p.523 (sur les autorités compétentes)
Code de brumaire an IV, art. 19 : La police administrative a pour objet le maintien habituel de l’ordre public dans chaque lieu et dans chaque partie de l’administration générale. Elle tend principalement à prévenir les délits.
Desmaze (Le Châtelet de Paris) : Le 3 août il fut
ordonné que le prévôt de Paris emplira son état en personne et ira chaque jour, avec ses officiers, par la ville, pour contenir les bons en paix et faire
tenir les mauvais en crainte par sa présence...
Il est bien connu que le Guet Royal, formé d’archers et d’arbalétriers, tout équipés, ne pouvaient arrêter que des malandrins atteints de surdité tant
l’approche de la patrouille s’entendait de loin. L’idée était simplement d’affirmer la présence de la police.
Dembour (Droit administratif) : L’expression police administrative désigne l’ensemble des pouvoirs accordés aux autorités administratives, et qui permettent à celles-ci d’imposer, en vue d’assurer l’ordre public, des limitations au droits et libertés des individus… La police administrative vise à éviter le désordre en prenant à l’avance des mesures. La police judiciaire recherche les infractions pénales, en rassemble les preuves et livres leurs auteurs aux tribunaux répressifs. La première est préventive ; la seconde est répressive.
Foillard (Droit administratif) :
La première obligation incombant aux autorités de police est de
prendre les mesures nécessaires au maintien ou au rétablissement
de l'ordre public. Toute abstention est illégale... Et, si un
préjudice en résulte, l’autorité compétente peut voir sa
responsabilité mise en jeu.
Puisque les mesures de police sont potentiellement dangereuses
pour les libertés, l’obligation de les motiver est forte… Les
mesures de police ne peuvent être prises que dans le but
exclusif qui leur est assigné, c’est-à-dire le maintien de
l’ordre public. Toute autre finalité est constitutive d’un excès
de pouvoir.
Dupuis
et autres (Droit administratif, 11e éd.) :
Les mesures de police administratives, qui ont pour effet
d’imposer des limitations aux libertés des individus, ne sont
régulières que si elles sont prises en vue du maintien de
l’ordre public. Elles ne peuvent pas, par exemple, avoir pour
but d’éviter des charges financières à une commune, ou encore
d’assurer l’exécution d’un contrat… Traditionnellement, l’ordre
public correspond à la tranquillité, à la sécurité et à la
salubrité. Il s’agit d’éviter des dommages, individuels ou
collectifs, provoqués par des désordres, des accidents, des
atteintes à la santé et à l’hygiène publique.
Les mesures de police administratives sont préventives :
l’objectif est d’agir à l’avance pour éviter que l’ordre public
ne vienne à être troublé.
Conseil d'État
19 février 1909 (S. 1909 III 34) : En interdisant les
manifestations extérieures du culte consistant en processions,
cortèges et cérémonies, le maire ne fait qu'user des pouvoirs de
police qui lui sont conférés...
Mais si le maire est chargé de maintenir l'ordre dans la
commune, il doit concilier l'accomplissement de sa mission avec
le respect des libertés garanties par la loi, et il appartient
au Conseil d'État, saisi d'un recours pour excès de pouvoir
contre un arrêté rendu par application de l'art. 97 de la loi de
1884, non seulement de rechercher si cet arrêté porte sur un
objet compris dans les attributions de l'autorité municipale,
mais encore d'apprécier, suivant les circonstances de la cause,
si le maire n'a pas, dans l'espèce, fait de ses pouvoirs un
usage non autorisé par la loi.
[dans le cas présent, annulation pour excès de pouvoir]
Conseil d'État 8 juillet 1992 (Gaz.Pal. 1993 Panor. 58) : Un maire, saisi d’une demande tendant à ce qu’il fasse usage de ses pouvoirs pour remédier aux nuisances sonores nées des activités d’un club de tir a rejeté à tort cette demande, alors que l’activité de ce club portait à la tranquillité publique une atteinte d’une gravité telle qu’il ne pouvait s’abstenir d’y porter remède sans méconnaître ses obligations en matière de police.
Conseil d'État 27 octobre 1995 (Gaz.Pal. 1996 I 295)
: Il appartient à l’autorité investie du pouvoir de police municipale, sur le fondement de l’art. L 131-2 C. commun., de prendre toute mesure pour
prévenir une atteinte à l’ordre public. Le respect de la dignité de la personne humaine est une des composantes de l’ordre public. L’autorité investie du
pouvoir de police municipale peut, même en l’absence de circonstances locales particulières, interdire une attraction qui porte atteinte au respect de la
dignité de la personne humaine.
L’attraction de «lancer de nain» consistant à faire lancer un nain par des spectateurs conduit à utiliser comme projectile une personne affectée d’un
handicap physique et présentée comme telle. Par son objet même, une telle attraction porte atteinte à la dignité de la personne humaine. L’autorité
investie du pouvoir de police municipale pouvait, dès lors, l’interdire même en l’absence de circonstances locales particulières et alors même que des
mesures de protection avaient été prises pour assurer la sécurité de la personne en cause et que celle-ci se prêtait librement à cette exhibition, contre
rémunération.
- Police judiciaire. La police judiciaire est constituée par l’ensemble des personnes chargées, sous l’autorité du procureur de la République, sous la surveillance du procureur général et sous le contrôle de la chambre de l’instruction, de constater la commission des infractions, d’en rechercher les auteurs et de réunir les preuves. Elle comprend notamment les membres de la police nationale et de la gendarmerie. On y distingue les officiers de police judiciaire (art. 16 s. C.pr.pén.) et les agents de police judiciaire (art. 20 et s.).
Cf. Clameur publique*, Commission rogatoire*, Enquête de police*, Flagrant délit*, Garde à vue*, Garde champêtre*, Identité judiciaire*, Marine marchande*, Police scientifique*, Procès-verbal*, Rapport de police*, Recherche des preuves*.
Code de brumaire an IV, art. 20 : La police judiciaire recherche les délits que la police administrative n’a pas pu empêcher de commettre, en rassemble les preuves et en livre les auteurs aux tribunaux chargés par la loi de les punir.
Code de procédure pénale espagnol, Art. 282 : La police judiciaire a pour objet, et c’est une obligation pour ceux qui la composent, d’enquêter sur les délits publics qui se commettent sur son territoire ou dans sa circonscription, d’effectuer, selon ses attributions, les actes nécessaires pour rassembler les preuves et découvrir les délinquants, et recueillir tous les objets, instruments ou éléments de preuve du délit pour lesquels il y a un danger de disparition, en les mettant à la disposition de l’autorité judiciaire.
Soyer (Manuel de droit pénal et procédure pénale) : La police judiciaire joue un rôle capital tout au long de ce qui précède la procédure devant la juridiction de jugement. Avant toute information officielle, la police judiciaire éclaire le ministère public qui sera mis en mesure d’apprécier l’opportunité des poursuites… Lorsqu’une information est ouverte, la police judiciaire se manifeste encore, mais en secondant cette fois les juridictions d’instruction.
Cass.crim. 15 décembre 2015, pourvoi n° 15-81322 : Tout fonctionnaire de police est considéré comme étant en service et agissant dans l'exercice de ses fonctions, dès lors qu'il intervient dans sa circonscription et dans le cadre de ses attributions, de sa propre initiative ou sur réquisition, pour prévenir et réprimer tout acte de nature à troubler la sécurité et l'ordre publics.
Cass.crim. 11 juillet 2007 (Bull.crim. n° 183 p.771) : Pour pouvoir agir en enquête de flagrance, les officiers de police judiciaire doivent avoir eu connaissance, au préalable, d'indices apparents d'un comportement révélant l'existence d'une infraction en train de se commettre ou qui vient d'être commise.
Cass.crim. 26 février 1997 (Bull.crim. n° 78 p.252/253) : Il résulte des articles 4 et 17 du décret du 18 mars 1986, portant Code de déontologie de la police nationale, qu'un fonctionnaire de police ne peut, sauf à engager sa responsabilité personnelle, refuser d'exécuter l'ordre donné par un juge d'instruction qu'après avoir expressément indiqué, au magistrat mandant, les raisons pour lesquelles cet ordre lui paraît manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public.
Les officiers et agents de la police judiciaire jouissent d'un pouvoir propre qui s'exerce notamment en cas d'infraction flagrante, et même en cas de situation d'urgence.
Decocq, Montreuil et Buisson (Le droit de la police) : L'enquête de flagrant délit est caractérisée par la possibilité pour l'officier de police judiciaire d'user de la coercition : que ce soit pour appréhender le suspect ou pour opérer une perquisition chez celui-ci.
Cass.crim. 27 mars 2012 n° 11-88321 (Gaz.Pal. 17 mai 2012 p.24) sommaire : Les officiers de police judiciaire qui, à l'occasion de l'exécution d'une commission rogatoire, acquièrent la connaissance de faits nouveaux, peuvent, avant toute communication au juge d'instruction des procès-verbaux qui les constatent, effectuer d'urgence, en vertu des pouvoirs propres qu'ils tiennent de la loi, les vérifications sommaires qui s'imposent pour en apprécier la vraisemblance, pourvu que, comme en l'espèce, elles ne présentent pas un caractère coercitif exigeant la mise en mouvement préalable de l'action publique.
Le contrôle de l'activité des officiers et agents de la police judiciaire est assuré notamment par la Chambre de l'instruction (art. 224 et s. C.pr.pén.).
Cass.crim. 26 février 1997 (Bull.crim. n° 78 p.252/253) : Lorsqu'elle statue dans les conditions prévues par les art. 224 à 230 C.pr.pén., la chambre d'accusation ne prononçant ni sur des contestations relatives à des droits ou des obligations de caractère civil ni sur le bien-fondé d'une accusation en matière pénale, ses décisions n'entrent pas dans le champ d'application des dispositions de l'art. 6.1 de la Conv. EDH relatives à l'exigence d'un tribunal impartial.
Cass.crim. 7 juin 2011, n° 10-85090 (Gaz.Pal. 23 juin 2011 p.28) : Selon les art. 224 et 226 C.pr.pén., lorsqu'elle exerce un contrôle sur l'activité des fonctionnaires civils et des militaires de la gendarmerie, officiers et agents de police judiciaire, pris en cette qualité, la chambre de l'instruction, une fois saisie, doit faire procéder à une enquête et cette enquête, essentielle aux droits de la défense, qui ne se confond pas avec l'audience de la juridiction, doit la précéder.
Cass.crim. 4 mai 1988 (Bull.crim. n° 191 p.493) : La police judiciaire étant, aux termes de l'art. 13 C.pr.pén., placée dans le ressort de chaque cour d'appel, sous la surveillance du procureur général et sous le contrôle de la chambre d'accusation, cette juridiction est compétente pour prendre, sous le contrôle de la Cour de cassation, les décisions disciplinaires prévues par l'art. 227 dudit Code, alors même que le procureur général aurait, à raison des mêmes faits, usé à l'égard de l'officier de police judiciaire des pouvoirs, différents par leur nature et par leur étendue, qu'il tient de l'article 16 du même Code.
POLICE DES DÉBATS
Cf. Audience (police de l’)*, Débats*, Président de la juridiction de jugement*, Publicité des débats*.
- Notion. La police des débats consiste faire régner la sérénité, l’ordre et la méthode pendant toute la durée de l’audience d’une juridiction répressive.
Faustin Hélie (Traité de l’instruction criminelle) : Les mesures que prend le président en vertu de ce pouvoir de police ont exclusivement pour objet de maintenir l’ordre, la sécurité et le calme dans les opérations de la justice.
Code de procédure pénale espagnol, Art. 684 : Le président aura tous les pouvoirs nécessaires pour maintenir ou rétablir l’ordre pendant les séances et imposer le respect dû au tribunal et aux autres autorités publiques; il pourra punir sur le champ d’une amende de 5000 à 25000 pesetas les infractions qui ne constituent pas un délit, ou pour lesquelles il n’est pas prévu dans la loi de peine spécifique.
Le président rappellera à l’ordre toutes les personnes qui le troublent, et il pourra les faire sortir de la salle, s’il le considère comme opportun, sans préjudice de l’amende prévue à l’alinéa précédent.
Il pourra aussi décider que toute personne commettant une infraction pendant la séance soit arrêtée sur le champ et mise à la disposition de la juridiction compétente.
- Droit positif français. Ainsi, les art. 309 et 401 C.pr.pén. confèrent au président de la juridiction de jugement de soin de veiller, notamment, à ce que la salle d’audience soit convenablement aménagée, à ce que tous les acteurs du procès trouvent place, à ce que les perturbateurs soient expulsés, et encore à ce que le public laisse les débats se dérouler dans le calme.
Cass.crim. 7 décembre 1966 (Bull.crim. n° 281 p.642) sommaire : Il appartient au président des assises, en vertu de son pouvoir de police, de fixer les places que les accusés doivent occuper dans la salle d’audience.
Cass.crim. 10 juillet 1974 (Bull.crim. n° 253 p.649) : L’expulsion d’un perturbateur vaut pour toute la durée de l’audience quelles que soient les affaires successivement jugées, le président trouvant toutefois, dans ses pouvoirs de police, la faculté d’autoriser la rentrée d’un assistant expulsé dont il estimerait que le retour ne risque plus de compromettre la sérénité nécessaire des débats.
POLICE DISCIPLINAIRE - Voir : Déontologie*.
POLICE MUNICIPALE
Cf. Arrêtés*, Garde-champêtre*, Maire*, Police*, Prévention des infractions*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° II-II-235 et s., p.523 et s.
Comme l'indique son nom, la police municipale présente un
caractère purement local.
Du point de vue du fond, elle relève du maire, compétent pour
prendre tout arrêté visant à assurer dans sa commune l'ordre
public, la sécurité individuelle, la tranquillité, la salubrité
et la santé publiques.
Du point de vue de la procédure, elle est assurée par les agents
de police municipale et par les gardes-champêtres.
Code de la sécurité intérieure. Art. L.511-1 : Sans préjudice de la compétence générale de la police nationale et de la gendarmerie nationale, les agents de police municipale exécutent, dans la limite de leurs attributions et sous son autorité, les tâches relevant de la compétence du maire que celui-ci leur confie en matière de prévention et de surveillance du bon ordre, de la tranquillité, de la sécurité et de la salubrité publiques .
De
Laubadère (Traité de droit
administratif) : Attributions propres au maire... Il est
chargé de la police municipale. On admet depuis longtemps que la
police municipale est affaire locale et non affaire de l'État.
Les principaux domaines de la police municipale sont la sûreté
et commodité de passage sur les voies publiques ; les atteintes
à la tranquillité publique, rixes, disputes, attroupements ;
maintien du bon ordre dans les endroits où il se fait de grands
rassemblements ; mode de transport des personnes décédées...
Gaudemet (Droit administratif) : Les agents de police municipale sont chargés d'assurer l'exécution des arrêtés de police du maire et de constater par procès-verbaux les contraventions auxdits arrêtés. Sans préjudice des compétences qui leur sont dévolues par des lois spéciales ; ils constatent également par procès-verbaux les contraventions au Code de la route dont la liste est fixée par décret en Conseil d'État.
Cons. d'État 19 novembre 2013 (Gaz.Pal. 5 décembre 2013 p.29) sommaire : En vertu de l'art. L.2213-23 du Code général des collectivités territoriales, il incombe au maire de la commune d'assurer la sécurité des baigneurs sur les plages et notamment de signaler les dangers qui excèdent ceux contre lesquels les intéressés doivent normalement se prémunir. Le maire, qui n'a ni averti les usagers du danger que pouvait présenter l'utilisation comme plongeoir d'une plate-forme flottante installée par la commune, destinée au divertissement des baigneurs, ni pris une réglementation concernant l'accès et l'usage de cette installation ni encore mis en place une surveillance particulière de la plate-forme, a commis une faute dans l'exercice de ses pouvoirs de police.
Cons. d'État 19 juin 2002 (Gaz.Pal. 2003 somm. 1117) : Les missions des agents de police municipale, leurs modalités de recrutement et de formation, ainsi que leurs statuts, diffèrent de ceux des agents de la police nationale. Les requérants ne sauraient dès lors utilement invoquer un principe d'égalité entre ces catégories d'agents.
POLICE PRÉVENTIVE - Voir : Police municipale*, Prévention des infractions*.
POLICE PROFESSIONNELLE
Cf. Commerce*, Déontologie*, Initié (délit d')*, Prévention des infractions*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° I-6 bis, p.133 / n° III-319, p.484
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° I-254, p.155
La police professionnelle, qui se situe ordinairement au niveau des contraventions, vise à garantir la compétence de certains commerçants ou artisans, la loyauté des relations commerciales ou de services, et également à prévenir la commission d'infractions majeures. Elle s'apparente aux dispositions des Codes de déontologie règlementant certaines professions.
Merle et Vitu (Traité de droit criminel) : Il faut partir en droit français du principe de la liberté du commerce et de l'industrie... Mais depuis toujours cette liberté s'est vue enserrée dans des limites qui se sont développées et renforcées au fil des ans... Le législateur a restreint la liberté qu'a tout individu d'exercer tel métier de son choix, en créant des incompatibilités, en édictant des interdictions, et en tissant un réseau très varié de conditions préalables à l'exercice d'un nombre croissant d'activités économiques.
Code des Ta-ts'ing (édition Boulais) : Tout marchand qui vendra de l'arsenic, sans s'informer clairement du but de l'acheteur, et qui ne pensera qu'à faire du profit, de sorte que, plus tard, un homme vienne à périr, sera condamné, alors même qu'il ignorait l'intention de l'acheteur à 80 coups de bâton.
Cass.crim. 8 mars 1995 (Bull.crim. n° 95 p. 236) sommaire : La directive du Conseil des Communautés économiques européennes du 19 juillet 1982 n’interdit pas à un État membre de réglementer les conditions d’exercice de la profession de coiffeur sur son territoire, notamment d’interdire l’exploitation d’un salon de coiffure sans être titulaire du brevet professionnel ou du brevet de maîtrise.
Cass.crim.
9 décembre 1998 (Gaz.Pal. I somm. 62) : F…, qui dirige un
groupe de sociétés exploitant des parfumeries, a fait insérer
dans la presse et apposer en vitrines de plusieurs magasins des
annonces publicitaires offrant pour une période déterminée une
réduction de 30 % sur le prix de divers articles; il est
poursuivi pour publicité de nature à induire en erreur.
Pour le déclarer à bon droit coupable de ce délit, les juges
d’appel relèvent que les remises étaient présentées comme
limitées dans le temps alors que, sans cesse renouvelées, elles
étaient annoncées en permanence; ils retiennent que la réduction
était appliquée sur un prix qui n’était jamais pratiqué, censé
être conseillé par le fabricant ou en usage dans la profession;
ils en déduisent que le prévenu a eu recours à des annonces
illusoires de rabais sur les prix, destinées à attirer la
clientèle dans ses parfumeries.
POLICE SCIENTIFIQUE
Cf. Bertillon*, Criminalistique*, Empreinte digitale*, Empreinte génétique*, Graphologie*, Identité judiciaire*, Lacassagne*, Locard*, Police judiciaire*, Polygraphe*, Portrait robot*, Preuve*, Profil psychologique*, Scène de crime*, Signalement*.
Voir : Bonnier, Les présomptions simples
Voir : Le "Corbeau" signait "L'œil de tigre"
La police scientifique est la branche de la police judiciaire chargée de relever les indices matériels sur la scène des faits, dans le but de constater méthodiquement ceux-ci, d’établir s’il y a ou non infraction pénale, et éventuellement d’en identifier le ou les auteurs.
Lombroso (Le crime, causes et remèdes) déplorait au XIXe siècle : Police scientifique. Nous avons fait jusqu’à présent de la police à tort et à travers, comme on faisait la guerre aux époques héroïques, alors que la ruse et la force musculaire de quelques-uns décidaient elles seules de la victoire. Nous avons des policiers très habiles, aussi habiles que Ulysse et Achille dans les batailles ; mais nous n’avons d’officier d’état major qui se serve, pour ses recherches, des ressources scientifiques que lui offrent les études de statistique et d’anthropologie criminelle, qui multiplie en somme son talent personnel par les forces énormes dont dispose la science.
Merle et Vitu (Traité de droit criminel) : La police scientifique et la police technique permettent de découvrir l’origine d’une tache de sang, d’une poussière, d’un cheveu ou de déterminer l’arme du crime, etc.
Jalby (La
police technique et scientifique) : Distinguer la police
technique de la police scientifique est délicat tant leurs
frontières sont imbriquées.
Le domaine d’action premier de la police technique est celui des
constations sur la scène d’infraction et de la recherche de
l‘indice. Il se prolonge par son exploitation dans la mesure où
elle ne nécessite pas l’utilisation de matériels scientifiques
lourds (exploitation des empreintes digitales…).
La police scientifique procède à l’exploitation des indices en
réalisant des examens et des analyses dans des structures dotées
d’équipements sophistiqués et où servent des personnels ayant
reçu une formation scientifique de haut niveau, notamment en
biologie, en physique, en chimie.
Decocq, Montreuil et Buisson (Le droit de la police) : La loi du 27 novembre 1943 porte création d’un service de police technique chargé d’utiliser les méthodes scientifiques propres à l’identification des délinquants.
Cass.crim. 5 juin 1997 (Gaz.Pal. 1997 II Chr. crim. 217/218) : Pour retenir à bon droit la culpabilité de l’intéressé, la juridiction du second degré énonce que le laboratoire de police scientifique de Lyon a conclu que les produits saisis renfermaient de la méthylènedioxymétamphétamine (MDMA), communément appelée ecstasy, inscrite au tableau des stupéfiants.
POLICES PRIVÉES
Cf. Détective privé*, Insécurité*, Milice privée*, Prévention des infractions*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° II-II-106, p.460
- Notion. La police d'État ne parvenant plus à assurer seule la sécurité publique, on a vu se développer des agences privées chargées de missions de gardiennage, de sécurité, de recherches privées ou de transports de fonds.
Cédras (La justice pénale aux États-Unis) : Les polices privées emploient autant d’agents que les polices officielles, soit 500.000 personnes environ. Il peut s’agir d’organismes privés à but lucratif, louant leurs services aux citoyens qui les leur demandent (par exemple, vigiles assurant la protection de quartiers résidentiels). Il peut encore s’agir de services créés au sein de grandes compagnies privées, en raison d’un besoin spécifique et concentré de leur activité. Par exemple, la police des chemins de fer des Etats-Unis et du Canada… Les pouvoirs de police administrative et judiciaire de ces agents privés ne sont pas réellement différents de ceux de la police officielle. La plupart du temps, ils obtiennent une commission du Sheriff qui fait d’eux des adjoints spéciaux.
Bauer et Perez (L'Amérique, la violence et le crime) : Les campus universitaires entrent dans la catégorie des polices spéciales, au même titre que les polices des transports urbains des grandes villes... Le nombre des services recensés par le ministre de la Justice pour les États-Unis est de plus de 1.700 ; avec plus de 41.000 policiers et 20.000 personnels administratifs.
Exemple (Le Figaro 23 novembre 1986) : En Italie, l'insécurité pour les personnalités politiques, les industriels, les banquiers, les magistrats est une réalité qui remonte à la fin des années soixante... Les particuliers, devant l'incapacité de l'État à enrayer la criminalité et la subversion, expédient d'abord femme et enfants dans des lieux sûrs, en Suisse notamment, puis ils ont recours à tout l'arsenal sécuritaire disponible sur le marché pour assurer leur protection.
Droit positif français.
De telles agences relèvent du Livre VI du Code de la sécurité
intérieure, qui délimite strictement leur champ d'action.
L'art. 221-4 4° (etc.) et l'art. 433- 3 du Code pénal
protègent spécialement les gardiens assermentés d'immeubles.
Cons. d'État (Gaz.Pal. 1998 II Panor.adm. 147/148) : Est illégal le contrat par lequel une commune a chargé une société d’assurer la surveillance de la commune à raison de trois soirées par semaine, en effectuant des rondes de nuit entre 22 h et 4 h dans la commune, la zone artisanale et la zone commerciale, contrat qui ne se limitait pas à confier à la société des tâches de surveillance et de gardiennage des immeubles et du mobilier urbain de la commune et qui avait pas pour effet de lui faire assurer une mission de surveillance des voies publiques de l’ensemble de la commune.
Cass.crim. 16 février 1988 (Gaz.Pal. 1988 II somm. 185) : Si les dispositions de l'art. 73 C.pr.pén. autorisent un particulier à appréhender l'auteur d'un délit flagrant puni d'une peine d'emprisonnement, ce n'est qu'à la condition de s'assurer de la personne du délinquant jusqu'à ce que celui-ci soit remis entre les mains de l'officier de police judiciaire avisé dans les meilleurs délais que les circonstances permettent.
POLICIER (Policière)
Cf. Archers*, Arme (Taser)*, Arme (Usage de son arme par un policier)*, Argousin*, Flic*, Fonctionnaire*, Gendarmerie*.
Ce terme, non juridique, désigne, de manière très générale, tout homme ou femme attaché à un service de police administrative ou judiciaire.
Dictionnaire "Petit Robert". Policier - Personne qui appartient à un service de police (agent de police, inspecteur, détective privé etc.).
Tarde (La philosophie pénale) : L'existence d'un flair spécial, qui révèle au policier expérimenté, à l'observateur sagace, les tendances criminelles d'un homme de «mauvaise mine» n'est pas contestable.
Code criminel du Canada : Au présent article, « policier » s'entend d'un officier ou d'un agent de police ou de toute autre personne chargée du maintien de la paix publique.
Les policiers (et gendarmes) doivent faire usage de leurs armes de service avec la plus grande circonspection, surtout lorsque des tiers risquent d'être atteints. Mais comme force doit rester à la loi, ils bénéficient d'une présomption simple de légitimité de leur action du moment où ils ont fait connaître leur qualité et sommé le suspect d'obéir à leurs injonctions.
Decocq, Montreuil et Buisson (Le droit de la police) : L'appréhension est coercitive : la force nécessaire et suffisante pour vaincre la résistance de la personne interpellée est justifiée par l'ordre de la loi et le commandement de l'autorité légitime.
Cass.crim. 16 juillet 1986 (D. 1988 jur. p. 390) : La Cour d'appel qui énonce qu'un policier ayant tiré des coups de feu en direction d'un véhicule, blessant légèrement le chauffeur, avait manifestement agi en état de nécessité pour faire face au danger réel qui menaçait tant son collègue que lui-même, a pu en déduire, par application de l'art. 328 C.pén., que le prévenu n'était pas coupable du délit de blessures volontaires avec arme.
Cass.crim. 26 octobre 1993 (GP 1994 II Chr.crim. 13) : L'art. 174 du décret du 20 mai 1903 permet l'usage des armes par les gendarmes lorsqu'ils ne peuvent immobiliser autrement les véhicules dont les conducteurs n'obtempèrent pas à l'ordre d'arrêt, qu'ils transportent ou non des passagers.
POLITESSE - Voir : Incivilité*.
POLITIQUE (Politiciens)
Cf. concernant avant tout les politiciens professionnels :
Corruption*, Coup
d'État*, Démocratie (libérale)*,
Dictature*, Gouvernement*, Hypocrisie*, Inviolabilité
parlementaire*, Machiavel*,
Parlementaire (immunité)*, Pouvoir*,
Raison d'État*, Séparation des pouvoirs*,
Sanctions (sanction de l'opinion publique)*, Sophisme*, Tyrannie*.
Cf. concernant avant tout les simples particuliers : Délit
politique*.
- Notion. La politique est généralement définie comme l'art de gouverner les sociétés humaines. Elle est d'une importance capitale, puisqu'elle tend en principe à la recherche du Bien commun*.
Dictionnaire Petit Robert : Politique relative à la Cité, au gouvernement de l'État - Relatif à l'organisation et à l'exercice du pouvoir dans une société organisée.
Vergely (Dictionnaire de la philosophie) : La politique est d'abord un art. Celui de gouverner la cité en ayant un certain projet d'ensemble, en suivant une certaine démarche, en faisant preuve d'une certaine logique.
- Leçons de l'Histoire. L'Histoire nous apprend que l'on n'est jamais arrivé à élaborer une règle générale, universelle et perpétuelle permettant à l'État d'agir durablement en vue du Bien commun* ; tout système dégénère inévitablement (il est déjà surprenant que la monarchie française ait duré mille an et soit parvenue à créer une civilisation particulièrement avancée). À vrai dire, on ne saurait être surpris de la fragilité des divers systèmes constitutionnels qui ont été adoptés dans le temps et l'espace, car la politique est décidée et appliquée par de simples hommes ; le plus souvent hélas par des personnes avides de pouvoir, d'honneurs et d'argent, qui ont vite fait de tourner le régime à leur profit.
Leclercq (Leçons de droit naturel - T.II) : Lorsqu'on fait une constitution, on n'en prévoit jamais exactement les effets. D'où la nécessité d'une très grande prudence... De ces considérations qui mènent à un très grand opportunisme, beaucoup de politiques ont conclu qu'il n'y avait pas à se préoccuper de morale en politique, que le politique est essentiellement amorale et que l'homme d'État doit chercher le bien public par tous moyens utiles sans se préoccuper de leur valeur morale [du domaine public, cette conception gagne vite l'activité privée des politiciens].
Proal (La criminalité politique) Préface de la deuxième édition : Aujourd'hui, la passion dominante c'est l'amour de la richesse ; tout le monde veut faire des affaires, gagner de l'argent ; les mœurs américaines se généralisent ; on recherche des mandats politiques pour s'enrichir... Les politiciens veulent vivre de la politique pour s'enrichir. [La notion de Bien commun leur semble étrangère ]
Proal (La criminalité politique) Chapitre 5 - L'hypocrisie politique : Comme la religion, la politique a ses hypocrites, qui, sous de grands mots, masquent leur ambition... les ambitieux politiques invoquent toujours le bien public, l'intérêt de l'État ; ils parlent sans cesse de leur dévouement à la chose publique, en réalité ils veulent le pouvoir. Le ministre qui a toujours à la bouche le salut de l'État n'a souvent au fond de son coeur qu'un seul but, le salut de son portefeuille ; celui qui invoque sans cesse l'intérêt de l'État se préoccupe avant tout de son intérêt personnel.
Proal
(La criminalité politique, Paris 1908) Conclusion : La
politique s'est déshonorée par l'emploi de moyens coupables et
l'adoption de maximes immorales. Elle a besoin de se réhabiliter
en se moralisant. Après avoir pratiqué depuis si longtemps la
ruse et le mensonge, l'intrigue et la violence, elle devrait, ne
serait-ce qu'à titre de nouveauté, essayer un peu de la loyauté,
de la tolérance et de la justice.
[ cette image sans
complaisance du personnel politique explique que les
politiciens de carrière figurent dans les premiers rangs de
ceux qui relèvent de la loi pénale, même si leur appartenance à
tel ou tel groupe de pression les
met trop souvent à l'abri des poursuites pénales ].
Simone
Weill, la philosophe
(L'enracinement) : On ne regarde presque jamais la politique
comme un art d'espèce élevée. Mais c'est qu'on est accoutumé
depuis des siècles à la regarder seulement, ou en tout cas
principalement, comme la technique de l'acquisition et de la
conservation du pouvoir...
Il faut que les hommes qui se proposeront au pays pour le
gouverner reconnaissent publiquement certaines obligations
répondant aux aspirations essentielles du peuple, éternellement
inscrites au fond des âmes ; il faut que le peuple ait confiance
dans leur parole et dans leur capacité et reçoive le moyen de le
témoigner ; et il faut que le peuple sente qu'en les acceptant
il s'engage à leur obéir. L'obéissance du peuple envers les
pouvoirs publics, étant un besoin de la patrie, est de ce fait
une obligation sacrée, qui confère aux pouvoirs publics
eux-mêmes, parce qu'ils en sont l'objet, le même caractère
sacré. [ ces lignes ont été écrites après
que l'auteur eut pris une connaissance concrète des régimes communiste et
nazi ]
POLITIQUE CRIMINELLE
Cf. Contraventions de police préventive*, Criminalité*, Doctrine*, Excuse de dénonciation*, Jousse*, Machiavel*, Nécessité (principe de)*, Ordre moral*, Prévention des infractions*, Punition*, Rauter*, Récompenses*, Repenti*, Science criminelle*, Techniques législatives*.
Voir : Déclaration du Roi Louis XVI du 1er mai 1788
Voir : Robespierre, Discours sur la peine de mort
Voir : G. Levasseur - Politique criminelle : Peines ou mesures de sûreté ?
Voir : Discours du Pape Jean-Paul II
Voir : Jeandidier, L'évolution de la politique criminelle
- Notion. On parle de politique criminelle à propos du choix que, confronté à tel ou tel type de délinquance, le législateur effectue entre les différentes techniques préventives et répressives qui s’ouvrent à lui.
Merle et Vitu (Traité de droit criminel) : On nomme politique criminelle l’ensemble des procédés susceptibles d’être proposés au législateur, ou effectivement utilisés par celui-ci à un moment donné dans un pays donné, pour combattre la criminalité.
Ferri (Sociologie criminelle) : M. Liszt définit la politique criminelle comme l'ensemble systématique des principes, fondés sur l'examen scientifique des origines du crime et des effets de la peine, suivant lesquels l'État doit combattre la criminalité avec les peines et les institutions analogues.
Commission
de réforme du droit du Canada (Rapport préliminaire) :
Le droit pénal cherche à dissuader le criminel en puissance de
récidiver et à assurer la réadaptation sociale du délinquant
actuel. Malheureusement le succès de ces entreprises est
aléatoire. La dissuasion et la réadaptation sociale ne
réussissent pas toujours.
Si l'on examine l'effet intimidant de la peine, on constate que
certains délinquants y sont imperméables pour des motifs tout à
fait irrationnels, que d'autres aiment à prendre des risques et
que d'autres encore considèrent le crime comme un risque
favorable puisque les possibilités de se faire prendre sont
relativement peu élevées. Le principal problème vient de ce que
notre société est tellement imbue de valeurs, telles le
sentiment d'humanité et le respect de la liberté qu'elle refuse
d'adopter des mesures suffisamment sévères pour rendre
l'intimidation véritablement efficace.
Il en est de même pour le resocialisation. Il n'est pas facile
de resocialiser un délinquant si on ne sait pas en quoi consiste
le fait de le resocialiser. Et là encore notre respect de la
liberté et des valeurs humaines interdit le recours à la
modification du comportement par des techniques de dressage
mécaniques déshumanisants. À vrai dire, la nature même de notre
société empêche le droit pénal d'organiser pleinement
l'avenir...
Au Canada, le droit pénal vise principalement à atteindre un
idéal d'humanité, de liberté et de justice.
- Détermination de la politique criminelle. La politique criminelle d'un État donné se traduit par le choix et la définition des infractions, par l'indication des personnes punissables et par la détermination de la nature et de la mesure de la peine. Elle doit se développer dans un cadre rationnel, fondé à la fois sur les principes moraux universels, sur la nature humaine profonde et sur les besoins de la Nation.
Pufendorf (Le droit de la nature) : La politique se rapporte d'abord à la Prudence... aux opinions et maximes de ceux qui ont de l'expérience, de l'âge et du bon sens.
Marcel Clément (Du bien commun) : La politique ne relève pas d'une technique, comme la mécanique ou l'informatique, mais d'une sagesse pratique qui applique des principes très universels à des situations concrètes, bariolées, circonstanciées.
Franck (Philosophie du droit pénal) analysant la doctrine de Guizot : Il définit la sphère dans laquelle s'arrête pour la société le droit de punir. Ce n'est pas assez, pour faire usage de ce droit, qu’elle trouve devant elle des actions moralement coupables ; il faut encore qu’elle satisfasse à deux autres conditions : 1° qu’elle ne punisse pas indistinctement toutes les fautes et tous les crimes, mais uniquement ceux qui menacent son existence ou qui troublent son repos, c’est-à-dire les crimes et les fautes contre l’ordre social ; 2° que ces crimes et ces fautes, elle ne s’expose point à les rechercher ou à les menacer en vain ; mais qu’elle s’assure d’abord qu’elle a les moyens de les découvrir et de les réprimer.
De Lanessan (La morale naturelle) : Les principes de la morale naturelle étant pris pour base de la réforme du droit, celle-ci doit tendre à deux résultats également précieux : l'augmentation du nombre des honnêtes gens et la préservation du corps social contre les malfaiteurs.
Machiavel (Discours sur Tite Live) : Quiconque veut
édicter des lois doit supposer d'avance les hommes méchants, et toujours prêts à déployer leur méchanceté.
Le Prince ne doit pas se soucier d'avoir le renom de sévérité ;
car, en faisant bien peu d'exemples, il sera plus enclin à la
pitié que ceux qui, trop miséricordieux, laissent se poursuivre
les désordres, desquels naissent meurtres et rapines ; car ceci
nuit ordinairement à tous les citoyens ensemble, mais les
exécutions qui viennent du Prince ne nuisent qu'à un particulier.
Von Liszt (Traité de droit pénal allemand) : La peine est un moyen placé dans les mains de l’État pour combattre le crime… Son emploi relève de la politique criminelle, qui s’appuie sur la criminologie et sur la pénologie.
Anatole France (Les opinions de M. Jérôme Coignard) : Jérôme Coignard était persuadé que l'homme est naturellement un très méchant animal... Il n'attendait par conséquent aucun bien d'un retour à la nature. Je doute qu'il eût changé de sentiment s'il avait assez vécu pour lire l'Émile. Quand il mourut, Jean-Jacques Rousseau n'avait pas encore remué le monde par l'éloquence de la sensibilité la plus vraie unie à la logique la plus fausse... Robespierre vénérait la mémoire de Rousseau. Il eût tenu M. l'abbé Coignard pour un méchant homme. Je n'en ferais pas la remarque, si Robespierre était un monstre. Mais c'était au contraire un homme d'une haute intelligence et de mœurs intègres. Par malheur, il était optimiste et croyait à la vertu. Avec les meilleures intentions, les hommes d'État de ce tempérament font tout le mal possible. Si l'on se mêle de conduire les hommes, il ne faut jamais perdre de vue qu'ils sont de mauvais singes. À cette conditions seulement on est un politique humain et bienveillant. La folie de la Révolution fut de vouloir instituer la vertu sur la terre. Quand on veut rendre les hommes bons et sages, libres, modérés, généreux, on est amené fatalement à vouloir les tuer tous. Robespierre croyait à la vertu : il fit la Terreur... Tel ami anarchiste ne croit pas au péché originel, et pourtant c'est là un dogme d'une vérité si solide et stable qu'on a pu bâtir dessus tout ce qu'on a voulu.
La politique criminelle varie nécessairement en fonction, tant des circonstances sociales et humaines, que des conditions de temps et de lieu. On ne combat pas de la même manière une vague d'attentats terroristes et la montée en puissance d'une organisation de type mafieux.
Rigaux et Trousse (Les crimes et les délits du Code pénal belge, T.I, p.80), quant à l'excuse absolutoire accordée à celui qui dénonce un complot en préparation contre le Roi : À la vérité, ce n'est pas très moral, mais c'est une habile mesure de politique criminelle. La considération de l'intérêt social a déterminé le législateur à instituer en la matière une prime à la dénonciation.
Stéfani, Levasseur et Bouloc (Droit pénal général) : La réaction sociale à la criminalité prend dans chaque pays et à chaque époque des aspects juridiques particuliers ; chaque État suit une politique criminelle qui lui est propre. Cette politique n’est autre que l’organisation de la lutte contre une criminalité prédéfinie, lutte menée sous diverses formes, employant des moyens variés, et orientée vers des buts précis.
Ortolland (Comment prévenir le crime) : Le meilleur système de politique criminelle, c'est celui qui, dans le respect des droits de l'homme, donnera les meilleurs résultats dans la lutte contre le crime. Aussi, la sagesse conseille-t-elle un certain pragmatisme [et une grand méfiance à l'égard des idéologies].
Code pénal du Pérou. Exposé des motifs : La réforme totale de l'ordre juridique répressif … devrait être consacrée, non seulement à adapter le Code Pénal au système politique consacré par la Constitution, mais également aux nouvelles réalités de notre société et aux présentes avancées de la politique criminelle, de la doctrine pénale, de la criminologie et de la science pénitentiaire.
Code d'instruction criminelle de Belgique. Art. 28 quater. Compte tenu des directives de politique criminelle définies en vertu de l'article 143ter du Code judiciaire, le procureur du Roi juge de l'opportunité des poursuites. Il indique le motif des décisions de classement sans suite qu'il prend en la matière.
POLITIQUEMENT INCORRECT - Ou « Pensée unique » ; voir : Censure*.
POLLUTION - Voir : Eau*, Écologie*.
Voir : J-P. Doucet, « La protection de la Société », n° II-II-253, p.548
POLYANDRIE - Fait, pour une femme, d’avoir plusieurs maris. Voir : Bigamie*, Polygamie*.
Jolivet (Traité de philosophie - Morale) : La pluralité de mari pour une seule femme appelle une condamnation stricte... Car elle entraîne l'incertitude quant à la paternité, si radicalement contraire, à la fois à l'instinct parental et à la bonne éducation des enfants.
POLYGAMIE
Cf. Bigamie*, Dignité de la personne humaine*, Famille*, Mariage*, Polyandrie*, Polygynie*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », n° 103 et s., p.35 et s.
Voir : E. Baudin, La morale du mariage
- Notion. La polygamie consiste dans le fait, pour un homme, d'avoir plusieurs épouses, ou, pour une femme, d'avoir plusieurs époux. Elle se rencontre principalement dans les régions où sévissent les luttes tribales, causant la mort de nombreux guerriers.
Littré (Dictionnaire) : Polygame - Homme marié à plusieurs femmes, ou femme mariée à plusieurs hommes en même temps.
Jubainville (Études sur l’ancien droit) :
Il naît plus d'enfants du sexe masculin que du sexe féminin,
et cependant, quand arrive l'âge où l'on se marie, les femmes
sont plus nombreuses que les hommes. Pour les femmes, il y a les
dangers de mort que l'accouchement produit, mais pour les
hommes, les dangers de mort qui résultent de diverses
professions sont beaucoup plus fréquents. Dans les sociétés
primitives, un métier que tout homme est obligé d'exercer est
celui de soldat. La guerre est l'état normal...
Il y a donc à marier plus de femmes que d'hommes. Quand chaque
homme en a pris une, que faire des autres ? À cette question il
y a plusieurs réponses. Celle de ces réponses que nous placerons
ici la première est celle qu'ont faite les Israélites et les
Musulmans. Les hommes assez riches pour supporter la dépense de
plus d'une femme en prendront deux ou davantage et de cette
façon l'excèdent de femmes trouvera sa place. Cette solution de
la difficulté s'appelle polygamie simultanée.
Sumner Maine (Études sur l’ancien droit) : Si parfois la polygamie engendre la stérilité, parfois aussi elle multiplie les familles comme celle de ce shah de Perse qui laissa, il y a quelques années, quatre-vingts fils.
- Règle morale. La polygamie est tenue par notre civilisation pour contraire à l’ordre public, comme attentatoire à la dignité de la femme et nuisible et à l’intérêt de l’enfant. Aussi fait-elle l'objet d'une condamnation unanime de la part des moralistes chrétiens. Il n'en va pas de même dans la doctrine islamiste.
Montesquieu (De l’esprit des lois) : À regarder la polygamie en général, indépendamment des circonstances qui peuvent la faire un peu tolérer, elle n’est point utile au genre humain, ni à aucun des deux sexes, soit à celui qui abuse, soit à celui dont on abuse. Elle n’est pas non plus utile aux enfants; et un de ses grands inconvénients est que le père et la mère ne peuvent avoir la même affection pour leurs enfants; un père ne peut pas aimer vingt enfants, comme une mère en aime deux.
Ahrens (Cours de droit naturel) : Établi sur l'union intime des individualités, sur l'échange des pensées et des affections, le mariage exige l'égalité dans la position réciproque des époux. Le partage de l'amour, soit du côté du mari, soit du côté de la femme, entraînerait l'inégalité et détruirait l'intimité et la confiance clans la famille. La polygamie est donc contraire aux conditions essentielles du mariage, et les lois doivent la prohiber.
Jolivet (Traité de philosophie - morale) : C'est par l'unité (un seul homme pour une seule femme) que s'obtient la concentration des affections sur les enfants communs aux deux parents. Seule, l'unité est capable d'écarter les partages du cœur, si généralement injustes, lorsque les enfants sont des demi-frères.
Bautain (Manuel de philosophie morale) : La polygamie simultanée est contraire à l'institution du mariage. Elle dégrade l'un des deux sexes, et, en effet, elle n'existe légalement que là où un sexe, réputé d'une nature inférieure à l'autre, est traité en esclave ou comme une chose. Produit de la sensualité et de l'ignorance, elle est préjudiciable à la famille et à la société.
Bruguès (Dictionnaire de morale) : La polygamie ne saurait s’accorder à la morale catholique. Elle offense d’abord l’égale dignité des sexes : si le mariage implique un don total de la personne au conjoint, on imagine mal que l’on puisse se donner totalement à plusieurs personnes en même temps. Cette pratique est toujours blessante pour les femmes, traitées en inférieures.
Leclercq (Leçons
de droit naturel - T.III, La Famille) : Le régime
monogamique est le seul où les époux fondent vraiment une
famille, centre de leur vie à deux. Dans les autres régimes une
séparation s'établit nécessairement entre hommes et femmes, au
détriment de l'unité du foyer et de l'éducation des
enfants.
Union morale : le mariage monogame est le seul qui
favorise l'union morale des époux, l'union de leurs vies au delà
de la simple satisfaction des passions charnelles.
Union sur un pied d'égalité : le mariage monogame est le
seul qui s'accorde avec la dignité de la femme, égale à l'homme.
Union familiale : le régime monogamique est le seul qui
permette l'éducation des enfants par leurs père et mère
ensemble, unis pour l'oeuvre commune de la famille.
Renard (Le droit, l'ordre et la raison) : Il faut chercher le droit naturel, non à l’arrière-garde de la civilisation, dans les coutumes des primitifs, mais en avant. La monogamie était dans le droit naturel avant que celui-ci ne la révélât ; elle constitue aujourd’hui une acquisition définitive ; ergotez là-dessus si bon vous semble : la polygamie est contre nature, ainsi que l’esclavage et le meurtre des vieux parents.
Garçon (Code pénal annoté) : Dans les sociétés qui reposent sur la monogamie, la polygamie est un crime. Il participe du caractère religieux dans les législations qui considèrent le mariage comme un lien purement religieux ; mais il est évident qu’il ne paraîtra pas moins grave si le mariage est sécularisé. Le législateur, qui établit le mariage monogame comme base de la famille et de la société, doit assurer par des sanctions le respect de cette règle fondamentale.
Carbonnier (Droit civil) : L’interdiction de la polygamie –avec son corollaire positif, l’institution du mariage monogamique- est une clef de voûte de la civilisation juridique européenne.
Accarias (Précis de droit romain, éd. 1886) : Du fait de leur conception élevée du mariage, il résulta que les romains ne connurent jamais la polygamie. L'histoire et l'expérience se réunissent, en effet, pour démontrer que partout où l'homme a plusieurs femmes, elles ne sont ni ses compagnes, ni ses égales, mais ses sujettes. Le mariage est la seule société qui cesse d'en être une, dès qu'elle comprend plus de deux personnes.
Coran (Sourate IV, v.3) : Si vous craignez de n'être pas équitables envers les orphelins, n'épousez, parmi les femmes qui vous plaisent, que deux, trois ou quatre.
Ali Sina (La psychologie de Mahomet et des musulmans) : L'ex-musulmane Nonie Darwi, dans un article intitulé "Sharia for dummies", met en exergue quelques lois : Un homme a le droit d'avoir jusqu'à quatre épouses, et une épouse n'a pas le droit de divorcer même s'il devient polygame.
- Politique criminelle. La monogamie étant tenue pour l’un des piliers de la civilisation occidentale, la polygamie y est incriminée dans le prolongement du délit de bigamie. Puisqu'il s'agit d'une infraction touchant à l'ordre public, le consentement des personnes intéressées est inopérant.
Voir : Tableau des incriminations protégeant l'institution du mariage (en science criminelle)
Voir : La prohibition de la bigamie en droit occidental (Travaux préparatoires du Code criminel canadien)
Constitution criminelle de Charles Quint (Caroline). Observation sur l'art. 121. La Bigamie ou Polygamie doit être regardée comme un crime commis contre le bon ordre d'un état civil par la confusion et le trouble qu'il introduit dans les familles.
Code criminel du Canada. Art. 293 - Est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de cinq ans quiconque … pratique la polygamie sous une forme quelconque.
Code pénal du Burundi. Art. 366 : Quiconque, étant
engagé dans les liens du mariage, en aura contracté un ou plusieurs autres, avant la dissolution du précédent, sera puni, du chef de polygamie ou de
polyandrie, d’une amende de deux mille à cent mille francs.
En aucun cas le conjoint dans une telle union ne peut être considéré comme personnage à charge au sens de la législation fiscale, sociale ou
administrative.
- Droit positif français. L’art. 433-20 C.pén. (340 ancien) incrimine la Bigamie*, c’est-à-dire le fait de contracter un mariage avant qu’un mariage précédent ne soit dissout. Il prohibe à plus forte raison la polygamie.
Cass.crim. 12 avril 1983 (Bull.crim. n° 97, p.224) : La prescription du délit de bigamie commence à courir au jour de la célébration du second mariage [cette règle vaut évidemment pour la polygamie]
TGI Orléans 17 mai 1984 Gaz.Pal. 1984 II somm. 355) : L’état actuel des mœurs et la conception française de l’ordre public international sont manifestement incompatibles avec la reconnaissance de la polygamie.
POLYGRAPHE
Cf. Narco-analyse*, Police scientifique*, Preuves (recherche des)*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-I-204, p.42
Plus connu sous le nom de détecteur de mensonge, le polygraphe enregistre la pression artérielle, le rythme respiratoire et la sudation du sujet, dans l’espoir de déceler des réactions physiologiques laissant à penser qu’il s’efforce de masquer la vérité. Sa conception repose sur l’idée que nous n’avons pas d’effort à faire pour témoigner de la vérité, mais que la mise au point d’un mensonge crée une tension nerveuse sensible.
Voir : Gorphe, L’utilisation du polygraphe dans la recherche des preuves
Stéfani et Levasseur (Procédure pénale, 2e éd.), sur la recherche scientifique des preuves : E.Ferri proposait l’utilisation du « sphygmographe », perfectionné depuis aux États-Unis pour donner le « polygraphe ». Cet appareil, enregistrant à la fois la pression artérielle, le rythme respiratoire et la sécrétion de la sueur constituerait un « détecteur de mensonge » permettant de contrôler la sincérité des sujets avec 90% d’exactitude.
POLYGYNIE - Fait, pour un mari, d’avoir plusieurs épouses. Voir : Bigamie*, Polygamie*.
Jolivet (Traité de philosophie - Morale) : La polygynie, ou pluralité de femmes pour un seul mari... est peu favorable à la bonne éducation des enfants, d'autre part une telle situation ne peut qu'engendrer, avec les jalousies, les querelles et les intrigues, l'avilissement des épouses réduites à une condition dégradée.
Code criminel de l'Oubekistan. Art. 126 : La polygynie, c'est-à-dire la cohabitation avec deux femmes dans une seule maison, sera punie ... de trois ans de prison au plus.
POPULATION - Voir : Peuple*.