DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL
- Professeur Jean-Paul DOUCET -
Lettre D
(Huitième partie)
DÉONTOLOGIE
Cf. Avocat*, Code de déontologie*, Devoirs*, Délit disciplinaire*, Éthique, Honneur*, Impéritie*, Incivilité*, Mercuriale*, Morale*, Ordre professionnel*, Police professionnelle*, Sanction*, Secret de fabrique*, Secret professionnel*, Travail*, Tribunal disciplinaire*, Vertus*.
Voir : J-P. Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° I-6 bis, p.133 / n° I-210, p.214
Voir : J-P. Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° II-230 et s., p.331 et s.
Voir : J-P. Doucet, « La protection de la Société », n° II-II-104, p.456 - n° II-II-111, p.465
Voir : Code de déontologie médicale (extrait du code de la Santé publique)
Voir : E. Baudin, La morale du travail et des affaires
Voir : Jean Pontas, Cas de conscience de l’avocat scrupuleux
Pour un exemple, voir le cas pratique n°3 : Un dentiste astucieux.
- Notion. La déontologie est la partie de la morale qui concerne tout particulièrement l’éthique professionnelle.
Elle a pour objet de donner forme aux règles que doivent observer ceux qui exercent telle ou telle activité.
Il n'est pas sans intérêt d'observer que les moines attachés à
un couvent sont assujettis à une Règle (de type déontologique)
qui envisage des fautes et édicte les sanctions applicables à
leurs auteurs.
Pierre et Martin (Cours de morale pour l'enseignement primaire) : Une profession n'est pas seulement un gagne pain ; elle est une fonction sociale, notre part déterminée dans le travail commun, le moyen le plus pratique, sinon le seul, de nous acquitter envers les autres de ce qu'ils font pour nous. Libre à nous d'adopter telle ou telle profession, mais moralement nous n'avons pas le droit de n'en point avoir. Nous n'avons pas non plus le droit de nous en acquitter mal.
Baudin (Cours de philosophie morale) : La probité s'impose en particulier dans l'exercice des professions... Ce qui fait que la vertu de probité est la vertu spécifique des gens de métier, du commerçant, du soldat, du médecin, de l'avocat, du professeur... qu'elle astreint premièrement aux obligations de "l'ouvrage bien faite", avec conscience et amour, et de l'application à bien servir.
Bailly (in Droit et déontologie de la profession d'avocat par Beignier, Blanchard et Villacèque) : Il peut être considéré comme acquis que la notion de déontologie a une origine philosophique (morale) mais que son sens est aujourd'hui quasi exclusivement professionnel, trouvant ses origines dans les usages de la profession nés au XIXe siècle. Dans ce contexte, la déontologie ne saurait se confondre avec les règles éthiques, répondant à d'autres questions sociales.
Alland et Rials (Dictionnaire de la culture juridique). V° Déontologie par B. Beignier : La déontologie est la science des devoirs professionnels. Morale ou droit ? C'est toute la question de cette "morale juridicisée" ou de ce droit moraliste. On doit le mot et le concept à Jeremy Bntham, représentant du courant "utilitariste" en philosophie.
Dictionnaire d’éthique et de philosophie morale. V° Éthique professionnelle (Goldman). L’auteur souligne que chaque profession est centrée autour d’une valeur particulière. Cette valeur peut être la santé (pour les médecins), la protection des droits juridiques (pour les avocats), l’éducation (pour les enseignants) ou l’information du public (pour les journalistes).
Höffe (Dictionnaire d’éthique) : La morale d’état détermine les devoirs d’état, c’est-à-dire les devoirs relatifs à la position et à la fonction sociale des individus( (p.ex. comme père, comme médecin, comme fonctionnaire) et à leur compétence dans la famille, la profession et la société. Les « états » correspondent à un statut social, à des capacités définies et à un niveau de formation. Les vertus correspondantes (p.ex. l’incorruptibilité du fonctionnaire, la discrétion du médecin) ne sont pas des conditions mais des conséquences de l’appartenance à un état ou à un ordre (des médecins, des avocats…). Les vertus représentent le sens de l’honneur de l’état et ont pour contenu des devoirs qui répondent à une attente sociale. Les devoirs d’état se réfèrent à des normes qui, à la différence des normes de la politique, relèvent du droit coutumier (déontologie).
- Code de déontologie. Ainsi, l’exercice des professions autrefois dites libérales est régi par un Code de déontologie qui fixer les rapports de ces professionnels entre eux et avec leurs clients La violation des dispositions de ce code constitue un délit disciplinaire (p.ex. acte contraire à l’honneur ou à la probité), qui enchaîne parfois sur un délit pénal (cas de la violation du secret professionnel).
Voir : Fédération Française de Football, Règlement disciplinaire
Cass..crim.12 avril 1992 (Gaz.Pal. 1992 II 608) : En l’espèce, une femme, en état de grossesse «à risques» a été admise, à la suite d’une hémorragie, à la maternité d’un hôpital public ; la sage-femme, a appelé par téléphone le médecin gynécologue qui assurait le service de garde par astreinte à domicile ; ce médecin, omettant de se déplacer, s’est borné à prescrire un traitement destiné à différer l’accouchement, alors qu’une césarienne aurait dû être pratiquée immédiatement Constitue une faute personnelle ce manquement volontaire et inexcusable à des obligations d’ordre professionnel et déontologique.
Conseil d’État 30 mai 1986 (Gaz.Pal. 1987 I somm. 243) : La délivrance sans ordonnance d’un médicament dont la consommation présentait pour le malade un risque très grave que le pharmacien ne devait pas ignorer constitue, en l’absence même de but lucratif, un manquement à l’honneur. Ce fait n’est pas amnistiable.
Cons d'État 4 juillet 2012, n° 344922 (Gaz.Pal. 19 juillet 2012 p.28/29) : Pour accorder ou refuser le relèvement d'incapacité demandé, les juridictions ordinales sont en droit de tenir compte de la nature et de la gravité des fautes qui ont été à l'origine de la radiation initialement prononcée. Il leur appartient également de prendre en considération le comportement général de l'intéressé postérieurement à sa radiation, et notamment sa capacité à exercer à nouveau compte tenu des efforts qu'il a accomplis pour conserver et mettre à jour ses connaissances professionnelles.
Déontologie de la bande dessinée (Encyclopédie Microsoft Encarta) : L’inquiétude croissante des psychologues, des enseignants et des parents quant à l’influence éventuelle de la bande dessinée sur la délinquance juvénile, en particulier lorsqu’elle verse dans la violence et dans l’horreur, amène le Sénat américain à se pencher sur la question en 1954. Anticipant la législation, les éditeurs fondent leur propre code et leur propre autorité de contrôle afin de veiller à l’application d’une déontologie dans ce domaine : le contenu des bandes dessinées est désormais dûment vérifié.
DÉPÉNALISER
Cf. Contraventionnalisation*, Correctionnaliser*, Déviance*, Peines*.
Voir : J-P. Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° 112 p.73
Voir : J-P. Doucet, « La protection de la personne humaine » (4e éd.), n° 39 p.35 notes 1 et 7 - n° I-441 p.229
Voir : J-P. Doucet, « La protection de la Société », n° II-II-112, p.466
Voir : Levasseur, La dépénalisation
- Notion. La dépénalisation consiste, de la part du législateur, à supprimer la sanction pénale qui était attachée à telle action ou telle omission, donc à faire sortir celle-ci de la Matière pénale*.
Sériaux (Droit canonique) : La crise doctrinale du droit pénal canonique n’a abouti en pratique qu’à une certaine dépénalisation : on punit moins fréquemment… on punit moins durement.
Merle et Vitu (Traité de droit criminel) : C’est dans la mesure où le domaine d’application de la déviance dépasse largement celui du crime que de nombreux criminologues préconisent la dépénalisation de certains comportement déviants dont le traitement ne requiert pas l’utilisation des techniques répressives.
- Effets. Si elle fait disparaître l’incrimination pénale, la dépénalisation peut laisser subsister un Délit civil* (cas de l’adultère), un Délit disciplinaire* (cas de l’émission de chèque sans provision), ou Délit rationnel* (cas de la prostitution).
Jeandidier (Droit pénal général) : La décriminalisation consiste à faire sortir de la sphère du droit pénal des comportements jusqu’alors incriminés… Ainsi, depuis la Révolution, des agissements comme le blasphème ne sont plus punissables… La loi du 11 juillet 1975 a fait de l’adultère une simple faute civile…
Trib.commerce Paris 1er octobre 1987 (Gaz.Pal. 1987 II somm. 471) : En dépénalisant le refus de vente et en en donnant la connaissance aux juridictions civiles et commerciales, l’ordonnance du 1er décembre 1986 ne l’a pas transformé en simple faute civile, mais elle lui a au contraire conservé son caractère de pratique interdite.
- Limites. En toute hypothèse, le législateur n’a pas le pouvoir de rendre légitime un fait qui est condamné par la loi morale. L’adultère, le suicide et l’avortement ont été dépénalisés, et sont dès lors sortis du cadre du droit criminel ; ils n’en constituent pas moins une Faute* lorsqu’ils ne sont pas explicables, ou mieux justifiés, par des circonstances exceptionnelles.
Cf. Légalité*, Légitimité*.
Marty et Raynaud (Droit civil) : Jusqu’à la loi du 11 juillet 1975 le plus grave manquement au devoir de fidélité entre époux, l’adultère, étant sanctionné à la fois par la loi civile et par la loi pénale. Cette loi a supprimé la répression pénale de l’adultère, mais celui ci peut encore motiver le prononcé du divorce pour faute.
DÉPENDANCE - Voir : Addictions*.
DÉPENS - Les dépens sont les frais de justice occasionnés par un procès. Ils ne comprennent, ni les frais d’avocat, ni les frais frustratoires qui étaient inutiles au bon déroulement de la procédure.
DÉPORTATION
Il convient de distinguer ici entre la déportation individuelle, prononcée à titre de peine contre l'auteur d'une infraction, et la déportation collective, ordonnée pour des raisons politiques.
- La déportation individuelle est une variété de la peine du bannissement. Par cette sanction, le condamné est écarté de la métropole et tenu de résider dans tel territoire éloigné. Ainsi certains citoyens romains se voyaient contraints de s'éloigner de Rome et de se fixer à Marseille ; de même les délinquants condamnés par les tribunaux anglais ont été longtemps déportés en Australie.
Cf. Bannissement*, Excommunication*, Exil*, Interdiction du territoire français*, Ostracisme*, Peines*, Transportation*.
Voir : J-P. Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° III-205 3° p.416
Ferri (Sociologie criminelle) : Si on admet une aggravation de peine pour la première récidive, il est logique que cette aggravation soit proportionnée au nombre des récidives, pour arriver jusqu’à la réclusion ou déportation perpétuelle.
Cass.crim. 3 juin 1988 (Bull.crim. n° 246 p.637) : La déportation ou l’extermination de populations civiles pendant la guerre constitue, non une infraction distincte ou une circonstance aggravante, mais un élément essentiel du crime contre l’humanité.
Déportation en Guyane (Encyclopédie Microsoft® Encarta) : À partir de 1794, et jusqu’en 1805, la Guyane devient un lieu de déportation, une « guillotine sèche » pour les opposants politiques aux différents régimes qui se succèdent en France. Royalistes, prêtres réfractaires, puis conventionnels sont exilés sur cette terre hostile.
- La déportation collective est considérée de nos jours comme un crime contre l’humanité* (art. 212-1 C.pén.).
Cf. Crime contre l'humanité*, Crime de guerre*.
Code pénal d'Albanie. Art. 74 - Crimes contre l'humanité : L'exil interne et la déportation, aussi bien que les actes de torture... commis pour des raisons politiques, idéologiques, raciales, ethniques ou religieuses, sont sanctionnés de quinze ans de prison au moins, de la réclusion à perpétuité, ou de la peine de mort.
Code pénal de Côte d'Ivoire. Art. 138 : Est puni de la peine de mort, quiconque, en temps de guerre ou d'occupation, et en violation des règles du droit des gens et des conventions internationales, porte gravement atteinte à l'intégrité physique des populations civiles ou à leurs droits intellectuels ou moraux, notamment en organisant, en ordonnant ou en pratiquant à leur égard :... 3° Leur déplacement ou leur dispersion forcés, leur déportation ou leur détention systématique dans des camps de concentration ou de travail forcé.
DÉPOSITAIRE DE L’AUTORITÉ PUBLIQUE - Voir: Fonctionnaires*.
DÉPOSITAIRE PUBLIC
Cf. Dépôt public*, Fonctionnaires*.
Par dépositaire public on entend toute personne qui a légalement reçu pour mission de veiller sur un Dépôt public*. Il peut s’agir d’un officier public ou ministériel, d’un receveur des postes, d’un conservateur des hypothèques…
Vitu (Juris-classeur pénal, art. 432-15 et 432-16) : L’expression dépositaire public désigne celui qui reçoit et gère des sommes ou des matières qu’il détient en vertu d’un titre légal et, comme le disait autrefois le Code de 1791, par l’effet d’une sorte de confiance nécessaire.
Si une personne ayant cette qualité détourne un bien qui lui a été confié, elle tombe sous le coup de l'art. 432-15.
Cass.crim. 29 mars 2000 (Gaz.Pal. 2000 J 2120) : L’article 432-15 du Code pénal vise notamment les détournements commis par les subordonnés d’un dépositaire public et ne comporte aucune restriction quant à la nature du contrat de travail ou le statut du salarié.
Cass.crim. 4 mai 2006 (Bull.crim. n° 119 p.444) : Justifie sa décision la cour d'appel qui déclare coupable de détournement de fonds publics le président d'un conseil général, dépositaire de l'autorité publique, qui utilise à des fins contraires à celles autorisées des crédits destinés à des actions ayant pour objet l'insertion des personnes en difficulté et inscrits au budget du département au titre des dépenses obligatoires, et qui a personnellement participé à l'attribution de ces crédits.
Si elle laisse enlever ou détruire ce bien par négligence, elle encourt la peine prévue par l'art. 432-16.
Nancy 23 décembre 1965 (JCP 1967 II 14949 note De Lestang) : Encourt les peines de l'art. 254 l'instituteur secrétaire de mairie qui, en quittant son école, avait par négligence abandonné les registres d'état civil dans un tiroir du bureau où ils avaient été dérobés.
DÉPOSSESSION - Voir : Possession*.
DÉPÔT D'ARMES - Voir: Armes*.
DÉPÔT LÉGAL
Cf. Presse*.
Une loi du 20 juin 1992, dans son art. 7, sanctionne le fait de se soustraire volontairement à l’obligation de déposer auprès de l’autorité publique tout document imprimé.
Création du dépôt légal (Encyclopédie Microsoft Encarta) : Le XIVe siècle fut une période remarquable en ce qui concerne la création de bibliothèques en Europe. En France, Charles V commença à rassembler les ouvrages qui constituèrent la base de la Bibliothèque royale de France ; plus tard, François Ier instaura le dépôt légal.
Versailles 23 mai 1996 (Gaz.Pal. I 1998 somm. 81) : Un décret de 1975 soumet les reproductions vidéographiques à la formalité du dépôt légal.
DÉPÔT PUBLIC
Cf. Archives*, Biens publics*, Détérioration de biens*, Dépositaire public*, Détournement*, Soustraction*.
Constitue un dépôt public le lieu institué par la loi pour y déposer des objets, pièces, actes, registres ou autres documents. Ce lieu étant considéré par le législateur comme un asile sacré, constitue un délit le fait, pour quiconque, de porter atteinte à ce qui y a été déposé (art. 433-4 C.pén., 254 et 255 anciens).
Cass.crim. 19 octobre 1993 (Gaz.Pal. 1994 somm. 7) : Les locaux du greffe d’un tribunal, ou le bureau affecté au président de la cour d’assises, constituent des dépôts publics, au sens de l’art. 254 C.pén.
Cass.crim. 19 février 1998 (Bull.crim. n° 74 p.196) : Une mairie constitue un dépôt public au sens de l’art. 254 ancien C.pén.
Décret des 19-24 juin 1792. L'Assemblée nationale, après avoir déclaré l'urgence, décrète ce qui suit. Art. 1° : Tous les titres généalogiques qui se trouveront dans un dépôt public, quel qu'il soit, seront brûlés.
Décret des 19-24 juin 1792. L'Assemblée nationale, après avoir déclaré l'urgence, décrète ce qui suit. Art. 1° : Tous les titres généalogiques qui se trouveront dans un dépôt public, quel qu'il soit, seront brûlés.
« Paris
incendié pendant la Commune en 1871 » (Éd. du Mécène). Le 24
mai 1871, les Communards incendièrent l'Hôtel de Ville en
l'arrosant de pétrole. Livré aux flammes, il fut entièrement
détruit. C'est ainsi que disparurent les précieuses archives sur
l'histoire de Paris...
Le feu fut mis au Palais de justice de plusieurs côtés à la fois
: à la Préfecture de police, à la Conciergerie, à la Cour de
cassation et aux Chambres civiles, et enfin, au Parquet du
procureur de la République . Partout le pétrole avait enduit les
murs... le Casier judiciaire, la salle des Pas ¨Perdus, la
chambre des séances de la Cour de cassation sont devenus la
proie de l'incendie. Que de pièces importantes ont été anéanties
dans ce sinistre ! La Cour de cassation a perdu sa bibliothèque
et ses archives. La Chambre des requêtes n'a pu sauver ses
minutes que depuis 1862. Le Chambres civiles ont pu préserver
les leurs jusqu'à la date de 1803.
DÉPRÉDATION - Voir : Détérioration*.
DÉROBER - Voir : Roberie*.
DÉS - Pour les dés pipés, Voir : Tricherie*.
DESCENTE SUR LES LIEUX - Voir : Transport sur les lieux*.
DÉSERTION
Cf. Armée*, Délit militaire*, Désobéissance*, Insoumission*, Recel de déserteur*.
Voir : J-P. Doucet, « La protection de la Société », n° I-I-116, p.91
Voir : Tableau des incriminations protégeant l'existence de la Nation (selon la science criminelle)
Voir : Tableau des incriminations visant à assurer l'existence de la Nation (en droit positif français)
La désertion est le délit commis par un militaire qui, régulièrement incorporé, rompt irrégulièrement le lien qui le
rattache à l’armée. La désertion à l'intérieur est
sanctionnée par l'art. L.321-2 du Code de la défense ; la
désertion à l'étranger relève des art. L.321-5 et s. du Code de
la défense (art. 398 et s. de l'ancien Code de justice militaire).
La désertion en bande armée est visée par l'art. L.321-12.
La désertion à l'ennemi ou en présence de l'ennemi tombe sous le
coup des art. L.321-13 et s.
La provocation* à la désertion relève de
L.321-18 (ancien art. 414).
Le recel* de
déserteur dépend de l'art. L.321-19 (ancien art.415).
Hugueney (Traité de droit pénal militaire) : La désertion peut être définie : L’infraction commise par un militaire régulièrement incorporé qui, sans droit, rompt le lien qui l’attache à l’armée.
Du Boys (Histoire du droit criminel) : Deux espèces de crimes seulement sont réputés crimes sociaux chez les Germains du temps de Tacite, et, comme tels, punis de la peine capitale. D'une part, la trahison et la désertion à l'ennemi...
Garcillasso de la Vega (Histoire des Incas) : Si quelqu’un des gens envoyés à la guerre s’en retournait sans avoir obtenu son congé… on lui faisait aussitôt son procès, et il était condamné à mort pour avoir eu la lâcheté et la perfidie d’abandonner ses compagnons.
Coran (Sourate VIII, v.16) : Quiconque tournera le dos au jour du combat, à moins que ce ne soit pour revenir à la charge ou pour se rallier, sera chargé de la colère de Dieu. Sa demeure sera l'Enfer ; quel affreux séjour !
Code pénal de Tchécoslovaquie de 1950. Art. 282 : Celui qui, dans l'intention d'échapper au service militaire, s'absente sans autorisation, sera puni de la privation de liberté de six mois à cinq ans.
Cass.crim. 27 février 1937 (D.H. 1937 318) : La désertion n’est pas seulement une infraction à la discipline militaire, elle est surtout la violation, soit du contrat d’engagement, soit de l’obligation qui est faite par la loi à tout individu, appelé à faire son service militaire, de continuer à servir.
DÉSINFORMATION
Cf. Censure*, Défaitisme*, Démocratie (libérale)*, Dictature*, Liberté - liberté temporelle*, Opinion publique*, Propagande*.
- Notion.
La désinformation consiste à diffuser, en connaissance de cause, des informations tronquées, déformées ou mensongères donnant aux personnes qui en
prennent connaissance une idée fausse de la réalité. Cette manœuvre est devenue tellement courante qu’elle menace la démocratie
libérale. En tant qu’arme des régimes
dictatoriaux, elle devrait faire l’objet d’une
sanction pénale particulièrement rigoureuse.
- Il est vrai que l’art. 411-10 réprime le fait de fournir de Fausses informations* aux autorités civiles ou militaires
française, en vue de servir les intérêts d’une puissance étrangère.
- En toute hypothèse la désinformation constitue une faute civile, qui engage la responsabilité de son auteur si elle a causé un dommage à autrui (art.
1382 C.civ.).
Vitu (Juris-classeur pénal art. 410-1), se plaçant sur le plan international : Il arrive que l’on use de la liberté d’expression pour créer, à l’intérieur d’un pays, un mouvement d’opinion à résonance international par lequel on tente de freiner, voire de stopper des recherches scientifiques qu’on présente comme nuisibles à l’environnement. La désinformation est à l’œuvre, multiforme et omniprésente, qui façonne l’opinion publique facile à égarer, et qui va jusqu’à peser sur la politique générale des États eux-mêmes.
Guerre du Kosovo. A propos de la manière dont la presse officielle a traité cette guerre, J-F.Kahn aurait écrit : Je n’ai, hélas, jamais, absolument jamais, vécu un tel délire propagandiste, un tel terrorisme intellectuel, un tel déferlement de désinformations, un tel raz de marée de mensonges et d’intox, un tel bourrage de crâne.
- Manifestations.
Au moins depuis le début de ce siècle on assiste en France à une
désinformation permanente. La presse dénonce presque quotidiennement, à
juste titre, les crimes commis par les nazis aux ordres d'Hitler
; mais elle passe pratiquement sous silence les crimes commis par les
dictatures de Staline, Ceausescu, Mao Tsé
Toung, Pol Pot et autres Erich Honecker, Enver Hoxha ou Kim Il-song. Si l'on
considère que la politique française est monopolisée par les partis
de gauche et de droite reconnus comme politiquement corrects, les premiers se
trouvent très nettement favorisés par cette présentation faussée
de l'histoire du XXe siècle.
On peut encore le constater en 2018, à la
télévision, où chaque semaine sinon plusieurs fois par semaine
est rappelée et fustigée la barbarie nazie ; tandis que les
crimes tout aussi graves des régimes communistes et socialistes ne sont guère
qu'évoqués, tout au plus, une fois tous les deux ou trois mois
!
De même, en 2017, un site Internet fournissait un exemple manifeste
de censure ou d'autocensure : à l'expression
« monuments
historiques disparus » une période était passée pudiquement
sous silence : la sinistre nuit de 1871 où la Commune de Paris s'est
efforcée d'incendier tous les principaux monuments de la capitale,
et a hélas trop souvent réussi dans son entreprise !
Sévilla (Le terrorisme intellectuel, éd. 2004) : 21 octobre 1997... À l'Institut de France, Alain Besançon prend la parole. Historien, il a passé la majeure partie de sa carrière à étudier le communisme russe. Quai Conti, son allocution dresse un parallèle entre le communisme et le nazisme. «Nazisme et communisme sont criminels. Également criminels ? Il faut répondre tout simplement et fermement : oui également criminels. » Mais, poursuit l'orateur, pourquoi les crimes communistes ont-ils été amnistiés ? En regard les atrocités du nazisme ont été jugées devant les tribunaux, et leur mémorial s'enrichit constamment de livres, de films et d'expositions. De 1990 à 1997 un grand journal du soir a traité 480 fois du nazisme et 7 fois du stalinisme, 105 fois d'Auschwitz et 3 fois du Goulag.
Désinformation par oblitération de faits passés. Déjà chez les Égyptiens, son successeur s'efforça d'oblitérer le nom d'Akhenaton, coupable d'avoir eu le premier la conscience de l'existence d'un Dieu unique. Pour sa part, un tribunal grec ordonna que fut rayé des tablettes le nom d Érostrate, condamné pour avoir incendié le temple d'Artémis à Éphèse. De même, lorsque je suis revenu visiter la Sainte-Chapelle après restauration de ses vitraux, j'ai demandé aux employés qui tenaient la librairie s'ils avaient un ouvrage relatant la tentative d'incendie dont elle avait fait l'objet de la part de la Commune de Paris le 24 mai 1871 ; il me fut répondu qu'ils n'avaient jamais entendu parler d'un tel attentat. Dans le même sens, j'ai trouvé sur Internet un site énumérant les différents monuments historiques français détruit au fil du temps... aucun ne l'aurait été en 1870 et 1871 ! Pour prendre un dernier exemple, nombre de livres que j'ai lus il y a cinquante ans sont devenus curieusement introuvables (en dehors de ceux réédités en français aux États-Unis).
Qiu Xiaolong (Mort d'une héroïne rouge) : Après la mort de Mao, les mesures désastreuses qu'il avait prises furent ramenées à des « erreurs bien intentionnées » de Mao qui ne devaient pas diminuer le mérite glorieux du Parti ; et une fois de plus, le peuple chinois apprit à oublier le passé dans l'intérêt du Parti.
Orwell, dans son prophétique « 1984 » met en scène le correcteur des éditions antérieures du Times, pour les faire correspondre aux réalités du jour : Lorsque toutes les corrections qu'il était nécessaire d'apporter à un numéro spécial du Times avaient été rassemblées et collationnées, le numéro était réimprimé. La copie originale était détruite et remplacée dans la collection par la copie corrigée... Jour par jour, et presque minute par minute,, le passé était mis à jour. On pouvait ainsi prouver, avec documents à l'appui, que les prédictions faites par le Parti s'étaient trouvées vérifiées.
Exemple (Coupure de presse retrouvée dans le livre ci-dessus) : Staline est resté fameux pour les retouches qu'il demandait à ses photographes, ceux-ci effaçant des portraits de groupe, au fil des années, les hommes de main ou les idéologues qui avaient cessé de plaire : face aux déviationnistes et révisionnistes, il exerçait un négationnisme radical : leur image n'était plus, ils n'avaient jamais été là... Pédagogie de l'oubli... [à l'opposé du devoir de mémoire dont on nous parle si souvent de nos jours].
Désinformation par dénaturation des propos reprochés. Il arrive que les tenants d'une doctrine critiquent publiquement les propos de l'un de leurs adversaires en les dénaturant. Ainsi certains reprochent à Guizot d'avoir dit : « Enrichissez-vous » (sous-entendu « par tout moyen ») : alors que la formule exacte est la suivante : « Enrichissez-vous, par le travail et par l'épargne » (ce qui n'a évidemment rien, ni de moralement condamnable, ni de contraire au Bien public).
DÉSISTEMENT (judiciaire)
Cf. Action civile*, Voies de recours*.
Le désistement consiste, de la part d’une personne qui a exercé l’action civile (ou une voie de recours) à renoncer d’en poursuivre l’exercice. Ce mode d’extinction de l’action civile ne saurait être présumé.
Digeste de Justinien, 4816,2. Paul : Celui qui s'est désisté d'une accusation ne peut plus accuser dans la suite.
Code de procédure pénal allemand (état en 2000). Art. 156 : Le ministère public ne peut plus se désister de l’action publique lorsque la procédure de jugement a été ouverte.
Le Poittevin (Dictionnaire des Parquets) : Le ministère public ne peut jamais se désister, ni de l’action par lui introduite, ni du recours par lui exercé contre la décision d’un tribunal. La partie civile, en revanche, étant libre d’intenter ou de ne pas intenter son action, peut incontestablement s’en désister.
Merle et Vitu (Traité de droit criminel) : Le désistement [de l'action civile] intervient après que la victime a mis en mouvement son action civile devant la juridiction répressive mais avant tout jugement ; il n'a d'ailleurs qu'un effet extinction réduit ainsi qu'on le précisera ultérieurement...
Cass.crim. 4 juillet 1983 (Bull.crim. n° 211 p.541) : Devant les juridictions pénales et tant qu'il n'a pas été statué au fond, le désistement de l'action civile est régi par les seuls art. 2, 425 et 426 C.pr.pén. Ces textes n'exigent, pour qu'il soit donné acte du désistement, aucun accord de la personne contre qui cette action civile a été dirigée.
DÉSISTEMENT VOLONTAIRE
Cf. Commencement d’exécution*, Repentir actif*, Tentative*.
Voir : J-P. Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-I-342 et s., p.108 et s.
Voir : J-P. Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° I-315, p.167 et 168 (pour la tentative de meurtre).
Voir : J-P. Doucet, « La protection de la Société », n° 5 p.8 (note 7, Vitu)
Voir : Tableau des incriminations protégeant le pouvoir judiciaire (selon la science criminelle)
Voir : Tableau des incriminations protégeant le pouvoir exécutif (selon la science criminelle)
Pour un exemple, voir le Cas pratique n° 59.
- Notion. Le désistement volontaire s’observe en matière de Tentative*. Il se produit lorsque l’auteur d’un Commencement d’exécution* caractérisé, qui n’a toutefois pas encore porté atteinte à l’intérêt protégé, renonce spontanément à mener son entreprise à terme. Le mobile est indifférent.
Code pénal chinois (éd. 1997), art. 24 : Le désistement volontaire, pendant une tentative de crime, intervient lorsque l’agent met volontairement fin à son activité en cours, ou volontairement et effectivement fait obstacle à ce que l’infraction cause un dommage. Celui qui se désiste d’une tentative en cours sera exempt de sanction s’il n’a pas causé de dommage, ou bénéficiera d’un abaissement de la sanction si un dommage survient.
Bertauld (Cours de code pénal) : Il n’est pas nécessaire que la volonté soit pure dans ses motifs, qu’il y ait remords, trouble ou hésitation de conscience. La crainte du châtiment, l’inspiration de la peur ne vicient pas, au point de vue social, la détermination qui recule devant la consommation du crime.
Trib.corr. Fort-de-France 22 septembre 1967 (JCP 1968 II 15583 note Biswang) : Les prévenus ont interrompu leur travail de fouille du sol sous l’influence de la peur, et non sous l’influence d’une circonstance extérieure ; il y a donc bien eu désistement volontaire.
Hérodote (Histoires) : Un Corinthien a été envoyé pour tuer un nouveau-né. Sa mère, ne sachant rien du motif qui l’amenait, lui apporta l’enfant… L’enfant sourit à l’homme… Ce dernier, saisi de pitié devant ce sourire, ne put le tuer.
- Effet. Dans un but de prévention, nombre de législateurs ont sagement décidé que l’auteur d'un commencement d'exécution échappe à la sanction qu’il encourt si, hors de toute contrainte, il renonce de lui-même à achever l’infraction entreprise. À tout le moins il doit bénéficier d'une excuse atténuante.
Merle et Vitu (Traité de droit criminel) : Lorsque le désistement est spontané, étranger à toute circonstance extérieure et provoqué par un sentiment purement personnel, quelle que soit la nature de ce mobile (remords, pitié, crainte du châtiment) l’agent échappera à la peine. Si la suspension de la tentative a été déterminée par une cause externe et physique (arrestation, riposte de la victime, défaillance physique de l’agent), la tentative est alors punissable.
Digeste de Justinien, 48, 10, 19, pr. Paul : Ceux qui ont frappé de la fausse monnaie, mais qui n'ont pas voulu la finir entièrement, sont absous par le fait d'un juste repentir.
Code pénal suisse (éd. 2002), art. 21 – 2 : Celui qui, de son propre mouvement, aura renoncé à poursuivre jusqu’au bout son activité coupable pourra être exempté de toute peine pour sa tentative.
Cass.crim. 3 janvier 1973 (Gaz.Pal. 1973 I 290) écarte le désistement volontaire dans une affaire de tentative de vol dans un supermarché après avoir relevé que l’agent s’était aperçu que ses gestes avaient été épiés par des employés du magasin et s’était rendu compte qu’il lui était impossible de passer le contrôle.
Cass.crim.
20 mars 1974 (Gaz. Pal. 1974. I. 449 et la note, Bull.crim. no
124, p. 320) admettant le désistement volontaire dans un
cas limite, au motif suivant : W... a cherché à s’introduire
dans un bureau de tabac, momentanément fermé, pour y commettre
un vol, et il a renoncé à poursuivre l’exécution de son dessein
par l’effet de l’intervention de F..., venu fortuitement sur les
lieux ; un témoin a vu, alors, les deux hommes s’éloigner
ensemble du bureau de tabac.
W..., prévenu de tentative de vol, en raison de ces faits, a
sollicité sa relaxe en soutenant, par voie de conclusions
régulières, que F..., avec qui il entretenait des relations
amicales, excluant pour lui toute crainte d’une dénonciation,
l’avait seulement dissuadé de son entreprise, sans exercer
aucune contrainte, et que les conseils ainsi reçus l’avaient
conduit à suspendre sa tentative par un acte libre et spontané
de sa volonté.
Pour écarter à tort ce chef péremptoire de défense et retenir le
demandeur dans les liens de la prévention, l’arrêt attaqué se
borne à énoncer que W... a mis fin à son action à cause de
l’intervention d’un tiers et que, dès lors, son désistement n’a
pas été volontaire.
Commission de réforme du droit du Canada (Document n° 45, 1985) : Selon nous, le désistement volontaire devrait pouvoir entraîner une atténuation de la peine.
- Limites. Si l’agent a déjà porté atteinte à l’intérêt protégé, l’infraction est juridiquement achevée ; en sorte que son Repentir actif* ne peut plus être pris en compte qu’au niveau de la sanction. Par ailleurs, s’il a déjà commis un acte préparatoire sanctionnable en lui-même, tel un port d’arme, il reste punissable de ce chef.
Chauveau-Hélie (Théorie du Code pénal) : Si le désistement a lieu par la seule volonté du coupable, la loi ferme les yeux et pardonne, à moins que l’acte accompli ne constitue en lui-même un délit sui generis.
DÉSOBÉISSANCE
Cf. Armée*, Baïonnettes intelligentes*, Délit disciplinaire*, Délit militaire*, Délits pénaux – variétés : Délits de fonction*, Désertion*, Insubordination*, Obéissance hiérarchique*, Provocation à la désobéissance*, Rébellion*, Refus de prêter le secours requis*, d’obtempérer*, Résistance à l'oppression*.
Voir : J-P. Doucet, « La protection de la Société », n° I-I-113, p.87 / n° II-II-134, p.482
- Notion. La désobéissance se définit négativement comme un manquement au devoir d’obéissance, lequel consiste à accomplir ce qui est légitimement commandé par une autorité supérieure.
Cons. d’État 29 juin 1990 (Gaz.Pal. 1991 I Panor. adm. 21) : Le fait pour l’intéressé d’avoir incité le personnel de la pharmacie générale des armées, à propos de revendications portant sur les modalités d’organisation de la journée continue et sur la récupération d’heures de travail, à ne pas appliquer l’horaire de service prescrit par le directeur, ce qui a eu notamment pour effet la fermeture temporaire de cette pharmacie, constitue un acte de désobéissance de nature à entraîner une perturbation dans le fonctionnement du service public et une faute disciplinaire.
- Règle morale. La désobéissance à un ordre de la loi ou à un commandement de l'autorité publique, dès lors qu'ils sont légitimes, constitue une faute morale grave puisqu'elle trouble l'ordre social.
Bautain (Philosophie des lois) : Socrate avait été condamné à mort injustement. Après sa condamnation, quelques-uns de ses amis parviennent à s'introduire dans sa prison et lui proposent d'échapper au supplice par la fuite. Socrate refuse par cette seule considération que, quoique condamné injustement, il a cependant été condamné légalement, qu'en se sauvant il échapperait à la loi, et par conséquent apprendrait aux Athéniens à la violer, exemple qu'il ne doit pas donner ; il aime mieux mourir.
Victor Cousin (Du vrai, du beau et du bien) : Toute désobéissance à la loi nous paraît à nous-mêmes une faute plus ou moins grave, un mauvais emploi de notre liberté.
Franck Adolphe (La morale pour tous) : La justice ne se borne pas à prescrire, elle exige ; il faut que je lui obéisse parce que tout acte de désobéissance envers elle me rend coupable.
Pierrot (Dictionnaire de théologie morale) : Si le législateur prescrivait des choses mauvaises, la désobéissance serait un devoir... Mais la désobéissance doit être respectueuse.
Spencer (De l'éducation intellectuelle) au regard de la loi naturell : Le savant découvre qu'il y a des récompenses et des châtiments qui découlent de la constitution ordonnée des choses, et que les mauvais résultats de la désobéissance sont inévitables. Il découvre que les lois auxquelles nous devons nous soumettre sont à la fois inexorables et bienfaisantes.
- Science criminelle. La désobéissance entre dans la catégorie des omissions et relève généralement de la
Déontologie*.
Le législateur pénal peut toutefois sanctionner cette marque d’indiscipline dans le cadre des Délits de fonction. En ce cas l’incrimination prend appui
sur une Condition préalable* : l’existence d’un lien de subordination entre celui qui a donné l’ordre et celui qui a
reçu l’ordre ; elle est constituée, quant à l’Élément matériel* par l’insubordination, et quant à l’Élément
moral* par la conscience de ne pas exécuter un ordre formel (voire réitéré). Ajoutons que la
Qualification* se heurte à un Fait justificatif* lorsque l’ordre donné était manifestement
illégitime.
Code de droit canonique, Can. 1371: Sera puni d’une juste peine… qui n’obéit pas au Siège Apostolique lorsque légitimement il donne un ordre ou porte une défense, et qui, après monition, persiste dans la désobéissance.
Code pénal du Brésil. Désobéissance Art. 330 - Désobéir à un ordre légal d'un fonctionnaire public. Peine - détention, de quinze jours à six mois.
- Droit positif. On trouve en France des exemples de cette incrimination dans des domaines où le rapport hiérarchique revêt une grande importance ; d’où la répression du « refus d’obéissance » dans le Code de de la défense et dans le Code disciplinaire et pénal de la marine marchande. Mais il existe un texte plus général : le Refus de prêter le secours requis* (R.642-1 C.pén.).
Cass.crim. 29 septembre 1979 (Bull.crim. n° 260 p.701) : Le délit de refus d’obéissance consiste dans le refus d’obéir à un ordre émanant d’un supérieur et relatif au service.
Versailles 18 novembre 1994 (Gaz.Pal. 1996 I somm. 122) : Doit être déclaré coupable du délit de refus d’obéissance, en application de l’art. 447 C.just.militaire, l’individu, Témoin de Jéhovah, embarqué en temps de paix, qui refuse d’obéir ou, hors le cas de force majeure, n’exécute pas l’ordre reçu.
Code disciplinaire et pénal de la marine marchande, art. 59 : Est puni d’un emprisonnement de six jours à six mois, tout homme d’équipage… qui, après une sommation formelle du capitaine, a refusé d’obéir ou résisté à un ordre concernant le service.
Code de la défense, art. L.323-6 (et s.) : Le fait pour tout militaire ou toute personne embarquée de refuser d'obéir, ou, hors le cas de force majeure, de ne pas exécuter l'ordre reçu est puni d'un emprisonnement de deux ans. L'emprisonnement peut être porté à cinq ans si le fait a lieu en temps de guerre ou sur un territoire déclaré en état de siège ou d'urgence, ou à bord d'un bâtiment de la marine militaire dans un incendie, abordage, échouage ou une manœuvre intéressant la sûreté du bâtiment ou à bord d'un aéronef militaire .
DESPOTISME
Cf. Contrat social*, Démagogie*, Démocratie*, Dictature*, Droit - droit naturel*, État*, Lèse-majesté (crime de)*, Monarchie*, Résistance à l'oppression*, Tyrannie*.
Voir : J-P. Doucet, « La protection de la Société », n° 4 p.7 (note 4), n° 19 p.21 (note 7) / n° II-11, p.293 (note 4)
Voir : E. Baudin, La morale de l’État
- Notion. Le despotisme est un mode de gouvernement qui, bénéficiant d'une autorité absolue, impose sa volonté à la population sans tolérer d'opposition. Il peut se manifester de manière ostensible ou occulte, et se rencontrer tant dans une dictature affichée que dans une démocratie confisquée par des groupes de pression ne visant que leur intérêt propre.
Dictionnaire Larousse des synonymes. Despotique - Suppose une autorité absolue qui impose sa volonté à des individus complètement soumis et ne pouvant se rebeller.
Ahrens (Cours de droit naturel) : La théorie de la volonté dite générale, qui n'est en réalité que la somme des volontés individuelles consultées par le suffrage universel, conduira toujours au despotisme des majorités.
Proal (La criminalité politique) : À côté de la souveraineté nationale, il y a le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire. Absorber les deux derniers dans le premier, c'est faire un pouvoir absolu, c'est-à-dire créer un despotisme.
- Critique. Le terme despotisme comporte une forte connotation négative dans le langage courant, quoique d'un point de vue technique il ne suppose nullement une action contraire au Bien commun.
A.
de Tocqueville (De la démocratie en Amérique) : Le
despotisme, qui, de sa nature, est craintif, voit dans
l'isolement des hommes le gage le plus certain de sa durée, et
il met d'ordinaire tous ses soins à les isoler. Il n'y a pas de
vice du cœur humain qui lui agrée autant que l'égoïsme...
Plus qu'aucune autre forme de gouvernement, le despotisme
favorise le développement des vices... Les hommes n'y étant plus
rattachés les uns aux autres par aucun lien de castes, de
classes, de corporations, de familles, n'y sont que trop enclins
à ne se préoccuper que de leurs intérêts particuliers, toujours
portés à n'envisager qu'eux-mêmes et à se retirer dans un
individualisme étroit où toute vertu publique est étouffée...
Le despotisme, qui est dangereux dans tous les temps, est donc
particulièrement à craindre dans les siècles démocratiques.
Bautain (Philosophie des lois, 1860) : Ce qu'on appelle despotisme n'est pas autre chose que l'exploitation de la souveraineté, de l'autorité, de la puissance publique au profit d'un homme ou de quelques hommes, et ce au détriment des autres... Il y a toutes sortes de despotismes : le despotisme de la monarchie, celui de l'aristocratie et celui de la démocratie... ainsi nous pouvons y être exposés sous toutes les formes de gouvernement, par des moyens différents.
Fergusson (Institutions de philosophie morale) : Le despotisme habituel n'est jamais un expédient nécessaire ni utile ; c'est une usurpation et une calamité nationale. Il tend à produire cet excès de corruption dont on suppose qu'il est le remède.
Garçon (Le droit pénal, origine, évolution) : Le despote a besoin, pour exercer son autorité, de punir arbitrairement. Ainsi seulement il contraindra les volontés rebelles à ses ordres et qui refusent d'obéir à ses commandements.
Code pénal du Chili. Présentation : Parmi les conséquence du devoir de maintenir l’ordre intérieur, il apparaît nécessaire d’édicter des règles assurant le complet exercice des libertés individuelles et des droits solennellement garantis à chaque citoyen par la Charte fondamentale. En effet, à défaut de libre exercice de ces droits, l'ordre public deviendrait tyrannie et despotisme.
TGI Paris 5 juillet 1989 (Gaz.Pal. 1989 II somm. 418) : Le fait d'imputer à une personnalité... un despotisme sexuel à l'égard des hôtesses employées dans ses sociétés, étant de nature à porter très gravement atteinte à l'honneur et à la considération, constitue une diffamation au sens de l'art. 29 de la loi du 29 juillet 1881.
DESSAISISSEMENT
Cf. Saisine*.
Alors qu’il est saisi par une citation directe, par une ordonnance de renvoi ou par la comparution volontaire du prévenu, un tribunal se dessaisit au moment où il rend son jugement. Jusqu’à ce moment lui seul est compétent pour connaître des faits ; après il devient radicalement incompétent pour les examiner de nouveau (sous réserve des règles relatives à la Rectification des erreurs matérielles*).
Pradel (Procédure pénale) : Une fois que le juge a rendu sa décision au fond, il se trouve dessaisi de l’affaire. Il ne peut plus reprendre le procès et modifier sa décision, même avec l’accord des parties et même si la décision n’était pas encore irrévocable. Il a en effet rempli sa mission.
Cass.crim. 24 février 1993 (Bull.crim. n° 87 p.210) : Les juridictions correctionnelles, après avoir statué sur l’action publique, ne peuvent connaître ultérieurement de l’action civile que si elles s’en sont réservé la faculté par une décision excluant leur dessaisissement.
Cass.crim. 3 mai 2000 (Bull.crim. n° 177 p.517) : Sont simultanément saisis d’infractions connexes, justifiant le dessaisissement de l’un au profit de l’autre, en application de l’art. 663 C.pr.pén., deux juges d’instruction chargés d’informer sur des infractions qui auraient été commises, l’une lors de l’enquête, d’autres au cours de l’instruction, d’autres à l’occasion du jugement d’une même procédure.
Cass.crim. 8 juin 2005 (Bull.crim. n° 175 p.623) : Le dessaisissement d’un juge d’instruction au profit d’un autre, en application de l’art. 663 C.pr.pén., s’opère immédiatement et de plein droit par l’accord des deux magistrats.
Affaire des poisons. Michelet : Lors de l’interrogatoire de la Voisin, les juges pâlirent : le premier nom prononcé dut celui d’un prince, le comte de Clermont qui aurait empoisonné son frère... Le 11 janvier 1680 le Roi retira l’affaire au Parlement, la transporta du Palais à l’Arsenal, où siègera une Commission de gens du Conseil.
Autre exemple de dessaisissement. Le 11 mars 1793, lendemain du jour de la création du Tribunal révolutionnaire, Garnier monte à la tribune de l’Assemblée : Blanchelande, ci-devant gouverneur de Sains-Domingue, accusé de trahison et traduit devant le Tribunal criminel de Paris est près d’être acquitté. Or Blanchelande s’est rendu coupable des plus affreuses vexations contre les patriotes. Je demande que Blanchelande soit traduit devant le Tribunal révolutionnaire. Il passa d’un tribunal à l’autre, fut jugé et exécuté le 15 avril.
DESSOUS DE TABLE - Voir : Pot-de-vin*.
DESTRUCTION - Voir : Détérioration*, Domaine public*, Dossier de l'instruction*, Preuve (Destruction de)*, Sac d'une ville*.
DÉSUÉTUDE
Cf. Abolition*, Abrogation*, Application de la loi dans le temps*, Loi*.
Voir : J-P. Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° III-205 2°, p.23
Voir : J-P. Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-I-102, p.416
- Notion. Une institution, notamment une loi, tombe en désuétude lorsqu’elle n’est plus utilisée par les praticiens, lorsque nul ne songe plus à l'invoquer devant les tribunaux.
A. de Tocqueville (De la démocratie en Amérique) : Si une prescription légale qui, tout en étant utile à la société, n’est point d’une utilité actuellement sentie par un individu, chacun hésitera à se porter accusateur. De cette manière, et par une sorte d’accord tacite, les lois pourraient bien tomber en désuétude.
Joly (La France criminelle) : À côté des délits nouveaux, il faut voir les délits effacés de nos codes et les répressions tombées en désuétude.
Huc (Souvenirs d'un voyage en Chine de 1838 à 1852) : La loi qui défend, sous peine de mort, de fumer de l'opium n'a pas été rapportée ; cependant elle est tellement tombée en désuétude que chacun peut fumer en liberté, sans avoir à redouter la répression des tribunaux. Dans toutes les villes, on étale et vend publiquement les pipes, lampes et tous les instruments nécessaires aux fumeurs.
- Science criminelle. Favorables aux évolutions plutôt qu’aux révolutions les juristes de notre Ancien droit préféraient laisser une loi, devenue manifestement inadaptée aux temps nouveaux, tomber en désuétude, plutôt que de procéder à son abrogation brutale. D'où le renouvellement périodique des ordonnances importantes, comme celles interdisant le duel.
Bacon (Aphorismes) : Les lois tombées en désuétude, et pour ainsi dire usées, doivent être soumises a 1’examen d’hommes délégués avec pouvoir de les supprimer. Car une loi expresse, qui est tombée en désuétude, n’étant pas pour cela régulièrement abrogée, il arrive de là que le mépris pour les lois trop vieilles rejaillit sur les autres et leur fait perdre quelque peu de leur autorité.
Du Boys (Histoire du droit criminel) : Les amendes des Anglo-Saxons, tarifées suivant la gravité des blessures... conservées en droit par Guillaume Ier et ses successeurs, ne tardèrent pas à tomber en désuétude.
Plutarque (Vie de Solon) : Dracon donna ses lois aux Athéniens … Elles portaient l’empreinte de son caractère et de ses mœurs, qui avaient été toujours très sévères. Leur extrême rigueur les fit bientôt négliger. Suivant Aulu-Gelle, elles tombèrent en désuétude, et Solon finit par les abroger.
- Droit positif français. En droit contemporain, on estime qu’une loi, au sens large du terme, ne saurait s’éteindre par désuétude.
Puech (Droit pénal général) : La jurisprudence est bien fixée : ni le fait qu’un texte soit resté longtemps sans application, ni le changement des circonstances en vue desquelles il avait été pris n’ont d’influence sur son existence. Il demeure en vigueur.
Cass.crim. 4 février 1898 (S. 1899 249) : Le décret qui abolit l’exploitation des ouvriers par des sous-entrepreneurs … est encore en vigueur, comme n’ayant été abrogé, soit expressément, soit implicitement, par aucun texte de loi.
Cass.crim. 16 septembre 1997 (Gaz.Pal. 1998 I Chr. crim. 8) : La Société Protectrice des Animaux a fait citer le maire de Floirac, devant le tribunal correctionnel pour actes de cruauté et sévices graves sur animaux, à la suite de l’organisation, le 16 mai 1993, d’une corrida avec mise à mort de taureaux aux arènes de Floirac. La Cour d’appel retient notamment, pour débouter les parties civiles, que Floirac appartient à l’ensemble démographique dont Bordeaux est la capitale, où se retrouvent la permanence et la persistance d’une tradition tauromachique qui a donné lieu à des corridas avec mises à mort, et que cette tradition n’est pas localement tombée en désuétude.