DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL
- Professeur Jean-Paul DOUCET -
Lettre D
(Neuvième partie)
DÉTECTEUR DE MENSONGE - Voir : Polygraphe*.
DÉTECTIVE PRIVÉ
Cf. Filature*, Polices privées*, Preuve (Principe de la liberté des)*, Vie privée -science criminelle*.
Voir : J-P. Doucet, « La protection de la Société », n° II-II-106, p.460
Un détective privé, ou Agent privé de recherche, est un simple particulier ordinairement chargé de procéder à des enquêtes pour le compte de personnes privées. Il peut également recevoir mission de protéger des personnes ou des biens, et ce dans les conditions prévues par le Livre VI du Code de la sécurité intérieure.
Decocq et autres (Le droit de la police) : L'agent privé de recherches est incompétent pour accomplir un acte quelconque portant atteinte soit aux libertés publiques (arrestation, hors le cas de flagrant délit) soit au droit de propriété (saisie d'objet coercitive ou à l'insu de son propriétaire), soit à l'intimité de la vie privée (captation d'entretiens téléphoniques).
Le rapport établi par un détective privé constitue un élément de preuve dont il appartient aux juges du fond d'apprécier, et la régularité au regard de la législation en vigueur, et la valeur probatoire.
Cass.crim.
6 novembre 2001 n° 00-86744. Le pourvoi reprochait à l'arrêt
attaqué de s'être fondé, pour considérer que la preuve des
détournements incriminés était rapportée, sur des comptes rendus
de détectives privés engagés par la partie civile.
La Cour de cassation répond simplement :
Les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de
Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, qui a
caractérisé en tous leurs éléments, les faits dont elle a
déclaré le prévenu responsable, a, sans insuffisance ni
contradiction répondu aux chefs péremptoires des conclusions
dont elle était saisie.
DÉTENTION - Voir différentes variétés ci-dessous.
Carrara (Cours de droit criminel) : La détention comprend tout mode de punition par lequel on prive un délinquant de sa liberté en l'enfermant pour un temps déterminé dans un établissement à ce destiné.
DÉTENTION CRIMINELLE
Cf. Emprisonnement*, Fouille à corps*, Infractions (infractions politiques)*, Peine*, Réclusion criminelle*.
Voir : J-P. Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° III-232, p.444
La détention criminelle (art. 131-1 C.pén.) se situe au même niveau de sanction que la Réclusion criminelle*. Elle en
diffère toutefois en ce qu’elle est attachée, non aux infractions de droit commun, mais aux Délits politiques*.
Lors de leur prise de pouvoir, les républicains entendirent en effet établir une législation sublimant leurs luttes passées. Mais le législateur actuel,
d’une part limite le champ du mobile politique (refusé à ceux qui luttaient pour la défense de la Vie), d’autre part restreint les faveurs accordées aux
détenus politiques (art. D. 790 et s. C.pr.pén.).
En principe les détenus politiques bénéficient toutefois d’être logés indépendamment des condamnés de droit commun.
Morin (Répertoire du droit criminel, 1850) : La peine nouvelle de la détention, disait un député, est surtout destinée à réprimer les attentats politiques : elle portera aux âges futurs du haut degré de civilisation auquel notre patrie est arrivée. Le lieu fixé pour l’exécution a d’abord été le Mont Saint-Michel.
Merle et Vitu (Traité de droit criminel, 1997) : Malgré l’aggravation du sort du délinquant politique à l’époque contemporaine, le régime pénitentiaire des détenus politiques demeure un régime de faveur par rapport au régime de droit commun. Ils sont séparés des détenus appartenant aux autres catégories et placés dans un établissement ou un quartier d’établissement particulier. Ils peuvent en principe se réunir entre eux dans la journée, peuvent écrire ou recevoir des visites tous les jours. Ils ont le droit de faire venir de l’extérieur, à leurs frais, les livres de leur choix, à condition qu’ils ne traitent pas de questions politiques. Enfin, ils ne sont pas astreints au travail.
DÉTENTION ARBITRAIRE - Voir : Séquestration*.
DÉTENTION PRÉVENTIVE - Ancien nom de la Détention provisoire*.
DÉTENTION PROVISOIRE
Cf. Arrestation*, Assignation à résidence*, Bracelet électronique*, Contrôle judiciaire*, Détenu*, Écrou*, Emprisonnement - durée*, Juge des libertés*, Liberté (liberté physique*, Mandat de dépôt*.
Voir : Doucet, La détention préventive : mesure exceptionnelle ?
- Notion. La détention provisoire consiste en l’incarcération, avant jugement, d’une personne traduite devant une juridiction d’instruction ou de jugement pour crime ou un délit grave. Il s’agit d’une mesure de sécurité publique, qui est fermement soutenue par ceux qui font prévaloir l’intérêt de la société sur les droits individuels. Dans le Code d'instruction criminelle on parlait de "détention préventive" ; le législateur a modifié l'appellation afin de souligner qu'il entend lui conférer un caractère exceptionnel.
Donnedieu de Vabres (Traité de droit criminel, 3e éd. 1947) : Si la peine encourue est la privation de liberté... l'inculpé peut être mis en détention préventive, c'est-à-dire interné dans un établissement pénitentiaire.
Merle et Vitu (Traité de droit criminel, T.II, 4e éd.) : On appelle détention provisoire ("détention préventive" jusqu'en 1970) l'incarcération de l'inculpé dans une maison d'arrêt pendant tout ou partie de la période qui va du début de l'instruction préparatoire jusqu'au jugement définitif sur le fond de l'affaire.
- Science criminelle. Dans l’esprit de la Convention EDH la détention provisoire porte une double atteinte, à la présomption d’innocence d’abord, à la liberté individuelle ensuite. Aussi doit-elle présenter un caractère exceptionnel, et n'être prescrite que pour assurer la sécurité ou la tranquillité publique, permettre la recherche de la vérité, ou encore assurer la protection de l'intéressé. Mais il ne faut pas se cacher que la remise en liberté d'un suspect ne va pas sans risques.
Digeste, 48, 3, 1. Ulpien : Sur la garde des accusés. Le proconsul doit apprécier si la personne doit être mise en prison, livrée à la garde d’un soldat, ou confiée à une caution ou à sa parole. Il a coutume de le faire suivant la gravité du crime dénoncé, le statut social de l'accusé, ses grandes richesses, sa bonne réputation, ou sa dignité.
Digeste, 48, 3, 3. Ulpien : Antonin le Pieux a adressé un rescrit en réponse aux habitants d'Antioche, portant qu'il ne faut pas jeter dans les fers celui qui est prêt à donner des répondants ; à moins qu'il ne soit constant qu'il a commis un crime si grave que l'on ne doit remettre le coupable, ni à un soldat, ni à une caution, mais qu'avant le supplice il doit souffrir aussi cette peine de la prison.
Le Brun de la Rochette (Le procès criminel, 1629) : Le juge, avant de procéder à l’emprisonnement et à l’interrogatoire de l’accusé, doit mûrement considérer la gravité du crime, et s’il y a des indices certains qu’il ait par lui été commis.
Garofalo (La criminologie, 1890), pour l’école positiviste : La liberté provisoire paraît faite exprès pour encourager le monde criminel… Elle est la plus mauvaise de toutes les institutions de notre législation, elle agit dans un sens diamétralement opposé à celui de la répression.
Code de procédure pénale allemand, § 112 (Conditions
de la détention préventive) :
(1) La détention préventive peut être ordonnée contre l’inculpé, s’il est fortement soupçonné du fait et s’il y a un motif d’arrestation. Elle
ne pourra être ordonnée, au cas où elle serait hors de proportion avec l’importance de l’affaire et avec la peine ou la mesure de rééducation et de
sûreté à laquelle il y a lieu de s’attendre.
(2) Un motif d’arrestation existe, si sur le fondement d’une infraction déterminée :
1. il est établi que l’inculpé est en fuite ou qu’il se tient caché,
2. en raison de l’appréciation des circonstances de l’affaire existe le danger que l’inculpé se soustraie à la procédure (danger de fuite),
3. la conduite de l’accusé donne fondement au soupçon très fort : a) qu’il procède à l’anéantissement de moyens de preuve, à leur modification, à
leur dissimulation, à leur destruction ou à leur falsification ou b) que de manière déloyale il fasse pression sur des co-auteurs, des témoins ou des
experts ou c) qu’il provoque chez d’autres une telle conduite, et si à cause de cela menace le danger que la découverte de la vérité soit plus difficile
(danger d’obscurcissement)…
Cour EDH 30 juillet 2015, n° 50104/11 : Pour déterminer la durée d'une détention provisoire... la période à prendre en considération commence le jour où l'accusé est incarcéré et prend fin le jour où le chef d'accusation est fixé, fût-ce en première instance.
En cas de condamnation du prévenu à une peine d'emprisonnement, la durée de la détention provisoire subie par lui doit être imputée sur la durée de la peine privative de liberté prononcée contre lui.
Carrara (Cours de droit criminel) : Quand la détention préventive soufferte par le coupable avant la sentence excède une certaine mesure, on doit la porter en diminution de la pénalité méritée, car le mal de cette pénalité, survenant après les souffrances d'une longue prison, se trouverait aggravé.
Pradel (Procédure pénale) : En cas de condamnation à une peine privative de liberté, il y a imputation obligatoire du temps passé en détention provisoire sur la durée totale de la peine prononcée.
- Droit positif français. Quand la détention provisoire leur paraît indispensable, les juges doivent la motiver de manière méticuleuse en fonction des particularités de l’espèce (art. 144 et s. C.pr.pén.).
Voir : Tableau des incriminations protégeant le système judiciaire quant aux personnes placées sous main de justice (en droit positif français)
Cass.crim. 29 mars 2011 (pourvoi n° 11-90008, Gaz.Pal. 12 juillet 2011 p15) : Il résulte de la combinaison des art. 130, 130-1 et 133 C.pr.pén. qu'une personne arrêtée en exécution d'un mandat d'arrêt, à l'instar d'une personne arrêtée en vertu d'un mandat d'amener, peut être privée de liberté pendant une durée de quatre jours avant d'être traduite devant un juge ; dès lors la question portant notamment sur la conformité de cette disposition au principe constitutionnel de la protection de la liberté individuelles est sérieuse.
Cass.crim. 16 février 2010 (Gaz.Pal. 11 mars 2010) : La détention provisoire ne peut être ordonnée ou prolongée que par une décision qui doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait sur le caractère insuffisant des obligations du contrôle judiciaire.
Cass.crim. 18 juin 2008 (Gaz.Pal. 24 février 2009) : Il résulte de l'art. 144 C.pr.pén., dans sa rédaction issue de la loi du 5 mars 2007 que la détention provisoire ne peut être ordonnée ou prolongée que s'il est démontré, au regard des éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure, qu'elle constitue l'unique moyen de parvenir à l'un ou plusieurs des objectifs définis par ce texte, et que ceux-ci ne sauraient être atteints en cas de placement sous contrôle judiciaire.
Cass.crim. 4 juin 2009 (Gaz.Pal. 11 août 2009 p.18) : Selon l'art. 145 C.pr.pén., lorsque le juge des libertés et de la détention envisage d'ordonner la détention provisoire de la personne mise en examen, il statue après un débat contradictoire au cours duquel il entend le ministère public en ses réquisitions, puis les observations de la personne mise en examen et, le cas échéant, celles de son avocat.
Le point de départ de la détention provisoire est en principe fixé par la date d'écrou.
Cass.crim. 31 mai 2011 (n° 11-81110, Gaz.Pal. 4 août 2011 p.25) : Le point de départ de la détention provisoire, au sens de l'art. 145-2 C.pr.pén., d'une personne remise en vertu d'un mandat d'arrêt européen est sa date d'écrou en France.
Puisque la détention provisoire revêt le caractère d’une exception, celui qui est privé de sa liberté peut à tout état de la procédure demander sa liberté. Il peut notamment la solliciter pour raison de santé (art. 147-1 C.pr.pén.).
Cass.crim. 24 avril 2003 (Bull.crim. n°88 p.339) : Tout accusé dont la condamnation n’est pas définitive peut demander sa liberté en toute période de la procédure.
La détention provisoire peut faire l'objet d'ordonnances ou d'arrêt de prolongation en raison des nécessités de l'instruction, après débat contradictoire en présence de l'avocat de l'inculpé et à condition que ces décisions soient spécialement motivées.
Cass.crim. 6 mars 2007 (Bull.crim. n°70 p.357) : Une ordonnance de prolongation de la détention provisoire prenant effet de plein droit à l'échéance du titre de détention, la mention d'une date d'effet erronée est inopérante et ne nécessite pas la prise d'une ordonnance rectificative.
Cass.crim. 4 décembre 2007 (Bull.crim. n° 297 p.1207) : Il résulte de la combinaison des articles 114 al. 2, 145-2 al.1er, et 803-1 C.pr.pén. que la décision sur la prolongation de la détention provisoire ne peut être prise qu'après un débat contradictoire auquel l'avocat du mis en examen a été convoqué au plus tard cinq jours ouvrables avant ledit débat, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, télécopie avec récépissé ou verbalement avec émargement au dossier de la procédure ou encore par un envoi adressé par un moyen de télécommunication à l'adresse électronique de l'avocat et dont il est conservé une trace écrite.
Cass.crim. 2 mai 2007 (Bull.crim. n°113 p.531) : Selon l'art. 145-3 C.pr.pén., lorsque la durée de la détention provisoire excède un an en matière criminelle, les décisions ordonnant la prolongation de cette mesure ou rejetant une demande de mise en liberté doivent comporter des indications particulières qui justifient, en l'espèce, la poursuite de l'information et le délai prévisible d'achèvement de la procédure.
Cass.crim. 18 août 2010 (n° 10-83819 - Gaz.Pal. 4 janvier 2010) sommaire : La détention provisoire ne peut être ordonnée ou prolongée que s'il est démontré, au regard des éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure, qu'elle constitue l'unique moyen de parvenir à l'un ou à plusieurs des objectifs définis par l'art. 144 C.pr.pén., qu'ele constitue l'unique moyen de parvenir à l'un ou plusieurs des objectifs définis par l'article susvisé et que ceux-ci ne sauraient être atteints en cas de placement sous contrôle judiciaire ou d'assignation à résidence sous surveillance électronique.
Cass.crim. 22 février 2011, n° 10-86186 (Gaz.Pal. 19 avril 2011 note Raoult) sommaire : La décision qui prolonge une détention provisoire au-delà de huit mois en matière correctionnelle ne doit pas se contenter de préciser le délai prévisible d'achèvement de la procédure, elle doit également donner des indications particulières justifiant en l'espèce la poursuite de l'information.
La détention provisoire prend fin, soit par une décision de justice, soit d'office notamment en cas de dépassement des délais légaux. Dans ce dernier cas, les juges peuvent ordonner le maintien en détention si le dépassement résulte de circonstances imprévisibles et insurmontables extérieures au service de la justice ; en est-il ainsi dans l'hypothèse d'un bug informatique, on peut en douter si l'on part de l'idée se sécurité publique.
Cass.crim.4
septembre 2012, n° 12-83997
(Gaz.Pal. 27 septembre 2012) : Il résulte des art. 194 et 199
C.pr.pén. que la chambre de l'instruction doit, en matière
d'examen d'une demande de mise en liberté, se prononcer dans les
plus brefs délais et, au plus tard, dans les quinze jours de
l'appel, faute de quoi la personne concernée est mise d'office
en liberté, sauf si des vérifications concernant sa demande ont
été ordonnées ou si des circonstances imprévisibles et
insurmontables mettent obstacle au jugement de l'affaire dans le
délai prévu. En cas de comparution de la personne concernée, ce
délai est prolongé de cinq jours.
Viole ces textes et ce principe la chambre de l'instruction qui,
pour écarter le moyen soulevé par l'intéressé, qui demandait sa
mise en liberté d'office, faute de décision ayant statué sur son
appel dans le délai légal, énonce que, s'il ne paraît pas
discutable que la déclaration d'appel a bien été envoyée par
télécopie, il est manifeste, ainsi que l'atteste le greffier en
chef du tribunal de grande instance, que, pour une raison
technique demeurant inconnue, cet avis n'est jamais parvenu à
son destinataire, que la transcription tardive de cet appel
résulte d'une circonstance insurmontable extérieure au service
public de la justice et que la détention du mis en examen n'est
donc entachée d'aucune irrégularité, sans caractériser
l'existence d'une circonstance imprévisible et insurmontable,
extérieure au service de la justice, justifiant le retard
apporté à la transcription, par le greffier de la juridiction,
de la déclaration d'appel faite auprès du chef de
l'établissement pénitentiaire.
Exemple (Ouest-France
18 septembre 2015) : En octobre 2011, R... P..., un
Sri-Lankais de 34 ans, avait été condamné à vingt ans de
réclusion pour le meurtre d'un policier à La Courneuve, en
février 2009. Depuis, il attendait que la date du procès en
appel soit fixée.
Ne voyant rien bouger, son avocat a déposé en juillet une
demande de remise en liberté. P... est écroué depuis six ans.
Mercredi la chambre de l'instruction de la Cour d'appel de Paris
a jugé que la détention provisoire avait excédé le délai
raisonnable , au regard de la Conv. EDH.
P... a été libéré, et placé sous contrôle judiciaire. Il doit
demeurer en France et se présenter au commissariat chaque
semaine .
Celui qui a fait l'objet d'une détention provisoire injustifiée peut demander réparation du préjudice qu'il a subi, en invoquant l'art. 149 C.pr.pén.
Commission nationale de réparation des détentions 5 décembre 2005 (Bull.crim. 2005 n° 14 p. 57) : L'art. 149 C.pr.pén. ne répare que le préjudice moral et matériel causé par la détention.
DÉTENU
Cf. Accusé*, Coupable*, Défendeur*, Inculpation*, Innocent*, Pécule*, Prévenu*, Sujet de droit*, Suspect*.
Le détenu est une personne privée de sa liberté physique par décision de justice, soit au titre de la détention provisoire, soit après avoir été reconnu coupable d’un délit. En s’échappant (avec violence dans un droit libéral) il commet le délit d’Évasion*.
Joly (Le crime, étude sociale) : Les deux sujets de conversation des détenus vivant ensemble sont : les crimes commis, les crimes à commettre.
Ahrens (Cours de droit naturel) : Une question intimement liée à la théorie de l'amendement est celle de la libération conditionnelle des détenus qui après un certain temps ont donné, aux yeux de la direction, assez de garanties d'une conduite dorénavant irréprochable pour qu'ils puissent être relâchés sous la condition que, dans le cas où ils commettraient un nouveau délit, ils doivent, sans jugement préalable, rentrer en prison pour y subir la peine pendant tout le reste du temps.
Chauveau Hélie (Théorie du Code pénal) : La première règle de tout système pénitentiaire est la séparation des criminels dans les prisons... En effet, les détenus les plus consommés dans le crime initient les plus timides à leur funeste science, ébranlent leurs irrésolutions, les font rougir d'un remords, et leur impriment dans l'âme la lèpre du crime. La prison devient une école de démoralisation.
Code pénal d’Andorre. Art. 113 : La personne arrêtée, détenue ou condamnée qui se sera évadée au moyen d’intimidation ou violence sur les personnes ou sur les biens … sera condamnée à un emprisonnement de cinq ans.
Cass.crim. 21 janvier 1981 (Bull.crim. n° 31 p.97) : Les dispositions de l’art. D. 173 C.pr.pén., selon lesquelles aucun lien ne doit être laissé à un détenu au moment de sa comparution devant une juridiction, ne sont pas prescrites à peine de nullité.
DÉTÉRIORATION OU DESTRUCTION (de choses)
Cf. Archives*, Biens publics*, Bris de clôture*, Dégâts*, Dépôts publics*,Explosion*, Graffitis*, Incendie*, Menaces*, Monuments*, Patrimoine*, Pillage*, Plasticage*, Propriété*, Sabotage*, Vandalisme*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° IV-201 et s. p.563 et s.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° 4, p.7 / n° 13, p.18 / n° I-9, p.60 / n° I-I-213, p.115 / n° I-I-218, p121 / n° II-I-127, p.369 / n° II-II-228, p.518 / n° II-II-251, p.546 / n° II-II-254, p.555 / n° II-II-260, p.565
- Notion. La détérioration est un acte de violence dirigé contre une chose appartenant à autrui. Ordinairement le législateur parle de destruction lorsque le bien touché est devenu inutilisable, de dégradation lorsque le bien est gravement endommagé mais peut encore remplir son office, et de détérioration en cas d’atteinte légère ne portant pas atteinte à la substance du bien lésé.
Dictionnaire Larousse des synonymes : Détériorer c'est mettre l'ensemble d'une chose dans un état inférieur à l'ancien, en en diminuant la qualité intrinsèque.
Exemple (Télétexte F2 16 novembre 2007) : R.S., qui avait laissé une trace de rouge à lèvres sur une toile blanche du peintre américain C.T., a été condamnée à 100 h. de travaux d'intérêt général.
- Règle morale. Dès lors qu'elles ne sont pas accidentelles, les destructions, dégradations ou détériorations du bien d'autrui constituent manifestement une faute qui engage la responsabilité de son ou de ses auteurs.
Livre des morts dans l’Égypte pharaonique : Je n'ai pas endommagé de terres cultivées.
Vittrant (Théologie morale) : Lorsqu'il s'agit de caractériser les fautes commises contre la fortune du prochain, on parle de "simple dommage" quand l'auteur de la faute n'a tiré de son action injuste aucun avantage directement appréciable en argent : par exemple quand on met volontairement le feu au bien d'autrui... Ce dommage doit être réparé.
Buddhist monastic code, par Thanissaro Bhikkhu (2009) : Si un moine casse, éparpille, brûle, ou rend de toute autre manière inutilisable la propriété d'une autre personne, il encourt une sanction.
Ahrens (Cours de droit naturel) : Le travail dans le sens propre du mot est toute activité de l'homme exercée pour la production d'un bien. C'est par ce but éthique que le travail se distingue de tous les efforts tendant au mal : la rapine, la destruction...
- Science criminelle. Lorsque la détérioration du bien d'autrui résulte d'une simple maladresse, la sanction de
la réparation civile suffit normalement à restaurer l'ordre social. Il en va autrement dans les cas graves (incendie involontaire de forêt).
En revanche, quand la destruction est le résultat d'un acte volontaire de violence, le législateur doit prévoir la possibilité d'une sanction pénale. La
mesure de cette sanction varie en fonction de la valeur sociale
ou privée du bien détruit (p.ex. bibliothèque ou navire), et
aussi de la dangerosité du moyen employé (p.ex.
incendie ou explosif).
Rigaux et Trousse (Les Code de police belges) : Vaste et pragmatique le droit de la protection des biens résiste à une analyse méthodique. Il est cependant possible d'apercevoir les éléments principaux qui ont guidé le législateur. Tout d'abord, le législateur a traité différemment les destruction, dégradations et dommages volontaires et ces mêmes atteintes aux biens lorsqu'elles sont involontaires. En général, il a uniquement réprimé les faits volontaires... La notion principale, sur laquelle la droit pénal s'est basé pour organiser le répression des destructions, des dégradations et des dommages est l'importance sociale du bien à protéger... Une autre notion dont maintes dispositions tiennent compte dans l'organisation de la répression en cette matière, c'est le moyen mis en œuvre pour réaliser la destruction ou le dommage (incendie, explosion, violences en bandes).
Vitu (Traité de droit pénal spécial T.II) : À presque toutes les époques, il est apparu logique et nécessaire de prévoir spécialement la répression de certaines manières de détruire particulièrement dangereuses, parce qu'elles mettent en oeuvre des forces dont les effets peuvent être graves, voire catastrophiques. Des caractéristiques sont communes à ces procédés de destruction : c'est l'énergie qui leur est inhérente et dont le coupable peut difficilement maîtriser les conséquences.
Cass.crim. 16 décembre 2015, n° 14-83140, relatif à des cassettes vidéo : Vu les art. 314-1 et 322-1 C.pén., peut faire l'objet d'un abus de confiance et du délit de destruction tout bien susceptible d'appropriation.
Code pénal de Biélorussie. Art. 96 : La destruction ou la détérioration délibérée de la propriété d'autrui sera punie de la privation de la liberté pour un an au plus... La destruction ou la détérioration délibérée de la propriété d'autrui commise par un incendie criminel ou toute autre méthode généralement dangereuse sera punie de la privation de la liberté pour dix ans au plus...
Code pénal de Côte d'Ivoire. Art. 423 : Quiconque, volontairement, détruit ou dégrade plus ou moins gravement par un moyen quelconque, tout ou partie d'un immeuble, navire, aéronef, édifice, pont, chaussée, construction, installation, même mobile, ou moyen de transport public de marchandises appartenant à autrui, est puni d'un emprisonnement d'un à cinq ans et d'une amende...
- Droit positif. Le nouveau Code pénal français distingue entre les destructions, dégradation ou détériorations, soit ne présentent pas, soit présentent un danger pour les personnes.
Voir : Tableau des incriminations protégeant les biens patrimoniaux (en droit positif français)
Cass.crim. 5 septembre 2001 (Gaz.Pal. 2002 somm. 1597) : Les dispositions de l’art. 322-1 C.pén. s’appliquent à toute personne qui détruit intentionnellement un objet mobilier ou immobilier dont elle n’est pas l’unique propriétaire.
Cass.crim. 4 janvier 1983 (Gaz.Pal. 1983 I somm. 95) : Déclarent à bon droit le prévenu coupable de détérioration volontaire d'objet mobilier les juges du fond qui énoncent que, son véhicule étant bloqué par celui du plaignant, le prévenu a poussé avec son automobile celle de ce dernier, et que ce véhicule a été endommagé sur toute la partie gauche.
Cass.crim. 8 juillet 1986 (Bull.crim. n° 231 p.590) : L’arrachage d’une borne constitue, au sens de l’art. 434 C.pén., une dégradation de l’immeuble foncier dont elle fixe les limites, et non une détérioration légère.
Cass.crim. 9 décembre 1904 (S. 1907 I 300) : Constitue, non le délit de destruction de clôture, mais une simple dégradation de clôture le fait d’avoir brisé et enlevé par places le ciment recouvrant l’armature de fer d’une clôture, dès lors que cette armature n’a pas été atteinte, en sorte que la clôture n’en restait pas moins entière dans toute sa hauteur et sa largeur, sans aucune interruption causée par les dégradations.
1° Les destructions, dégradations ou détériorations, commises délibérément mais ne présentant pas de danger pour les personnes, sont régies par les art. 322-1 et s. C.pén. Lorsqu’il n’en est résulté qu’un dommage léger, c’est l’art. R.635-1 qui s’applique.
Voir : J-P. Doucet, « La protection de la personne humaine » (4e éd.), n° IV-204 et s. p.565 et s.
Cass.crim. 19 novembre 2002 (D. 2002 IR 3309) : La destruction de plants de riz génétiquement modifiés, cultivés à des fins expérimentales, constitue le délit de destruction ou dégradation du bien d'autrui.
Cass.crim. 22 avril 1997 (Gaz.Pal. 1997 II Chr.crim. 163) : Déclare à bon droit le prévenu coupable, non d’une contravention de détérioration ou dégradation légère, mais du délit incriminé par l’art. 322-1 C.pén., la Cour d’appel qui retient qu’il a jeté plusieurs cailloux du haut d’un pont supérieur de l’autoroute A13, dont l’un est tombé sur un véhicule circulant sur cette voie et a étoilé le pare-brise.
Exemple (Ouest-France 15 août 2008) : Une vingtaine de salariés d'une conserverie de champignons, dans le Gard, ont brûlé hier, pour un million de champignons. Ces salariés sont en grève depuis deux mois pour protester contre un plan social.
2° La destructions, dégradations et détériorations dangereuses pour les personnes sont incriminées par les art. 322-5 et s. C.pén. À juste titre, le Code sanctionne les actes involontaires moins sévèrement que les actes volontaires ; encore faut-il qu'ils constituent un manquement à un règlement de sécurité.
Cf. Explosion*, Incendie*.
Voir : J-P. Doucet, « La protection de la personne humaine », (4e éd.) V-601 et s. p.649 et s.
Cass.crim. 24 juin 1998 (Gaz.Pal. 1998 II Chr.crim. 166) : Pour condamner à bon droit le prévenu du chef de destruction, dégradation ou détérioration volontaire d’un bien appartenant à autrui par l’effet d’un incendie, l’arrêt attaqué relève qu’il a mis le feu à un immeuble d’habitation en enflammant de l’essence répandue sous la porte d’entrée. En effet, l’élément intentionnel de l’infraction définie par l’art. 322-6 C.pén. est caractérisé par la seule utilisation, par l’auteur de la destruction, de la dégradation ou de la détérioration d’un bien appartenant à autrui, d’une substance explosive, d’un incendie ou de tout autre moyen de nature à créer un danger pour les personnes ; peu importe que le prévenu ait cru que les lieux étaient vides de leurs occupants.
Cass.crim.
13 janvier 2015, pourvoi n° 12-87059, dans l'affaire de
l'incendie de l'usine AZF près de Toulouse : Selon
l’art. 322-5 C.pén., le délit de destruction ou dégradation
involontaire d’un bien par explosion ou incendie ne peut être
constitué qu’en cas de manquement à une obligation de prudence
ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement ;
Pour déclarer les prévenus coupables de ce délit, l’arrêt se
réfère implicitement aux fautes de maladresse, imprudence,
inattention ou négligence constitutives des délits d’homicides
et de blessures involontaires retenues à leur encontre ;
Mais en prononçant ainsi, alors qu’il lui appartenait de
caractériser l’existence d’un manquement à une obligation de
prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, la
Cour d’appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus
énoncé ; d’où il suit que la cassation est encourue.
Nancy 13 avril 1993 (JCP 1993 IV 2440) : Ne constitue pas l’infraction de violences ou voies de fait préméditées de l’art. 309 du Code pénal en l’absence de l’élément constitutif d’ITT personnelle d’une durée quelconque subie par la personne visée à travers l’acte, mais seulement l’infraction de dégradation volontaire légère d’objet mobilier d’autrui de l’art. R 38-6 du Code pénal, le sabotage du système de freinage d’un véhicule.
DÉTERMINISME
Cf. Anthropologie criminelle*, Doctrines criminelles*, Libre arbitre*, Phrénologie*, Responsabilité*, Sociologie criminelle*.
Voir : J-P. Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° II-3, p.270 / n°II-9, p.281 et s.
Voir : J-P. Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-I-302, p.182 / n° I-II-II-100, p.219 / n° I-II-II-101, p.220 / n° I-II-II-101, p.221
Voir : De Lanessan, La morale naturelle [sur le déterminisme et l'absence de libre arbitre]
- La théorie du déterminisme.
La doctrine déterministe, fort ancienne, mais qui s'est surtout
développée avec les progrès des sciences physiques, considère que
les actes accomplis par les êtres humains sont nécessairement
dictés, soit par des facteurs internes (tels le sexe, l'âge, et
les instinct primaires de survie, de reproduction ou de
satisfaction des appétits immédiats), soit par des facteurs
externes (tels le milieu physique, le régime politique, la
religion dominante, la structure familiale, les fréquentations
scolaires ou professionnelles). Cette doctrine se trouve
conduite, par là
même, à rejeter la notion de libre arbitre, et, de ce
fait, à exclure le principe de la responsabilité morale. La Mettrie
a parlé en ce sens d'un «
homme-machine ».
Alors, face à la criminalité, deux attitudes s'offrent aux tenants
de cette doctrine : ou bien ils tiennent l'auteur d'un crime
pour un malade relevant de la médecine et non de la justice
sociale ; ou bien ils voient dans cet individu un être asocial
qu'il convient d'éliminer sans considération de l'existence
ou de l'absence de faute morale.
Cuvillier (Vocabulaire philosophique) : Déterminisme - Principe de la science expérimentale selon lequel il existe entre les phénomènes des relations nécessaires, de telle sorte que tout phénomène est rigoureusement conditionné par ceux qui le précèdent ou l'accompagnent.
Durkheim (Sociologie) : Pour les Encyclopédistes, la science est une parce que le monde est un ; il est donc inadmissible que le déterminisme ne soit pas vrai du règne social comme des autres règnes de la nature... C'est Saint-Simon qui, le premier, déclara que les sociétés humaines sont des réalités, originales assurément et différentes de celles que l'on trouve dans le reste de la nature, mais soumises au même déterminisme.
Ferri (Sociologie criminelle) : Nous sommes en plein déterminisme physique et moral ; car nous admettons que les actions humaines, comme tout autre phénomène naturel, sont un effet qui tout en se développant sans entraves, n'en est pas moins nécessairement déterminé par les causes naturelles... De vraiment logique et concevable il n'y a que le libre arbitre absolu, ou bien l'absolu déterminisme.
Caro Elme-Marie (Problèmes de morale) : Le matérialisme contemporain n'a pas reculé devant la thèse extrême de l'irresponsabilité absolue. La volonté n'est pour lui qu'une des causes occultes par lesquelles nous voilons notre ignorance. Au fond, si ce mot signifie quelque chose, il exprime un certain mode des actes réflexes, accompagné d'un certain degré de sensation.
Critique de cette théorie. La
première observation qu'appelle le déterminisme absolu résulte
de l'expérience personnelle : quand il se trouve face à un choix
à effectuer entre accomplir un acte bon ou un acte mauvais, l'être humain
normalement constitué a le sentiment qu'il a la possibilité de
suivre l'une ou l'autre de ces deux possibilités. Son seul amour
propre l'invite à penser qu'il est maître de sa décision.
Ajoutons que, si l'on pose en principe juridique que l'homme
n'est pas responsable de ses actes, rien ne pourra l'arrêter
s'il est tenté d'accomplir un acte illicite ou immoral.
Deuxièmement, le fait que la loi naturelle lui reconnaisse une
dignité propre, conduit à le rendre responsable de ses actes :
les notions de libre arbitre et de responsabilité personnelles
apparaissent alors indissociables. La sanction civile ou pénale
de la violation d'une règle de la vie en société constitue le prix à
payer pour le libre choix d'accomplir un acte illicite ou immoral.
Troisièmement, une vie sociale harmonieuse s'oppose à ce que
l'on puisse soutenir que les citoyens ne sauraient aucunement
être tenus pour responsables de leurs actes : chacun doit, au
contraire, être éventuellement appelé à rendre compte de sa
conduite : celui qui commet un vol, afin de mener une vie
tranquille dans l'oisiveté et les plaisirs, doit nécessairement
être sanctionné afin que la paix publique soit assurée.
Proal (Le crime et la peine) : Si le droit criminel subit
aujourd'hui une crise, comme la morale, c'est aux progrès du déterminisme qu'il faut l'attribuer. En rejetant les croyances spiritualistes, sur
lesquelles sont fondées les législations positives, les novateurs sont logiquement amenés à chercher l'explication du crime dans l'organisme et à vouloir
séparer la responsabilité pénale de la responsabilité morale...
Les défenseurs du libre arbitre ont le droit de dire aux
déterministes : voyez dans quelles contradictions vous tombez en
voulant séparer la responsabilité pénale de la responsabilité
morale. Parmi vous, les uns proposent à la justice de ne
conserver que la balance et de déposer le glaive ; ils
s'attendrissent sur les scélérats comme sur des malades,
remplacent la peine par le traitement et par suite
sacrifient la sécurité publique. Les autres, au contraire,
veulent conserver à la justice le glaive, qu'ils aiguisent même,
et lui enlever la balance qui sert à peser les responsabilités ;
pour frapper plus fort, ils proposent de frapper sans mesure,
sans justice, ne reconnaissant de droits qu'à l'espèce, et
sacrifiant l'individu à des considérations de salut public.
[ l'expérience montre que les régimes totalitaire, de gauche
comme de droite, adoptent cette seconde politique... au profit
de leurs dirigeants ]
Léoni (La conjuration du Troisième Ciel), à propos d'un éventuel déterministe par les astres : Si nous admettions que l'effet des cieux sur nos natures est déterminant, l'échafaudage éthique sur lequel reposent nos lois, nos coutumes et même notre sens moral s'effondrerait. Il faudrait attribuer la mort de la victime à la pérégrination des astres. Et la main qui l'a causée deviendrait un simple instrument irresponsable. La rédemption serait inutile, car la faute serait absente.
Synthèse. Contrairement à ce qui a parfois été soutenu, les deux doctrines du libre arbitre et du déterminisme ne sont pas exclusives l'une de l'autre car chacune comporte une part de vérité. Sans doute convient-il de poser en principe que le libre arbitre constitue la règle, et que la part du déterministe se trouve d'autant plus restreinte que les membres d'une société civilisée sont mieux éduqués et mieux instruits. Mais il n'est reste pas moins, par exemple, que l'instinct de survie peut justifier un un acte de défense contre une agression apparente.
Garraud (Précis de droit criminel) : Sur le fondement de la responsabilité morale distincte de la responsabilité sociale, il a toujours existé deux grandes écoles. D'après la première, la responsabilité morale implique la liberté, si bien que le libre arbitre devient tout à la fois la base, la limite et la mesure de la responsabilité. D'après la seconde, la responsabilité morale n'a pas besoin de s'appuyer sur la liberté : la notion de personnalité suffit pour l'expliquera et la justifier. Entre ces deux conceptions métaphysiques, le droit positif n'a pas à prendre parti. La liberté absolue d'élection, pas plus que le déterminisme fatal, ne peuvent être démontrés. Ce sont des thèses. En réalité, tout acte de l'homme parait dépendre d'un élément de liberté et d'un élément de nécessité. Dans les conditions qui lui sont faites par les lois générales, l'homme normal conserve une dose de spontanéité.
Merle et Vitu (Traité de droit criminel, 7e éd.) : L'école néoclassique a mis l'accent sur la complexité et sur la relativité de la responsabilité morale. Entre les coauteurs d'une même infraction ou entre les personnes coupables d'un même type d'infraction, il n'y a qu'un élément commun : le délit objectif qu'ils ont commis, avec sa gravité intrinsèque. Hormis ce trait qui les rapproche, de profondes différences séparent nécessairement leurs personnalités respectives et leurs responsabilités : leur âge, leurs antécédents, leur éducation, leur intelligence, leur structure mentale, les malheurs ou les tentations qui les ont accablés. Il faut donc laisser au juge le pouvoir d'adapter quantitativement la peine prescrite par la loi à la responsabilité morale de chaque délinquant.
Finalement, pour l'essentiel, l'opposition entre la doctrine issue du Code pénal de 1810 et la doctrine positiviste a eu pour effet de rappeler ce que savaient depuis longtemps les juristes de l'Ancien droit : il n'y a pas deux meurtres identiques appelant la même sanction pour leurs auteurs. Les principes de légalité (nul crime sans loi) et d'égalité devant la loi (quiconque aura commis telle infraction encourra telle sanction) avaient exagérément rigidifié le droit pénal. Il était souhaitable de lui rendre une certaine souplesse, comme s'était efforcé de le faire Tiraqueau dans son ouvrage de 1459 (« De poenis temperandis »), dont le professeur Laingui nous a donné une heureuse traduction en 1986.
DÉTOURNEMENT
Cf. Abus de confiance*, Dépositaire public*, Divertir*, Interversion de possession*, Lettre missive*, Malversation*, Péculat*, Soustraction*.
Voir : J-P. Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° I-232, p.240
Voir : J-P. Doucet, « La protection de la personne humaine » (4e éd.), n° II-219, p.322 / n° IV-311, p.596 / n° IV-312, p.598 / V-402, p.644 /
Le détournement est l’acte par lequel un individu dépossède une personne d’un bien qu’elle lui a confié. Il constitue l’élément matériel des délits de la nature de l’Abus de confiance*.
Garçon (Code pénal annoté) : La loi désigne par le mot « détournement » l’acte matériel par lequel le possesseur précaire manifeste sa volonté d’intervertir cette possession et de posséder animo domini la chose qui lui a été confiée.
Goyet (Droit pénal spécial) : Le détournement consiste dans l’enlèvement, le déplacement, le transport dans un autre lieu, ou même la résistance non motivée et persistante à représenter l’objet confié.
Un détournement peut constituer une faute civile (comme dans le cas de recel successoral), une faute professionnelle (comme dans le cas d'appropriation de bien confiés à un fonctionnaire pour l'exercice de sa mission), ou une faute pénale (comme dans les différents cas que nous allons survoler ci-après).
Cons. d'État 5 octobre 2011 (n° 343311, Gaz.Pal. 3 novembre 2011 p.28) sommaire : Le fait pour l'intéressée d'avoir détourné à son profit des objets appartenant à la préfecture et commis des abus dans l'utilisation des moyens mis à sa disposition étaient de nature à justifier légalement une sanction. La sanction de révocation et de radiation du corps des préfets n'est pas manifestement disproportionnée, compte tenu de la gravité des fautes commises et de la nature des fonctions assumées par un préfet.
- Détournement de biens par un dépositaire public. L’art. 432-15 C.pén. (anciens art. 169 et s.) sanctionne le détournement par un dépositaire public de biens qui lui ont été remis en raison de ses fonctions ou de sa mission.
Vitu (Juris-classeur pénal, art. 432-15) :
Les détournements ou destructions commis par des
fonctionnaires, comptables ou dépositaires publics peuvent être
envisagés, dans une première optique, comme constituant une
atteinte aux intérêts pécuniaires ou financiers de l'État ou de
la collectivité publique. Ils prennent alors place aux côtés du
faux-monnayage, des atteintes au crédit de la Nation...
Un autre système prévaut, qui voit dans l'infraction,
principalement, une atteinte à l'obligation de probité dont tout
fonctionnaire est tenu envers la collectivité publique qui
l'emploie et, indirectement, une violation de la confiance que
les particuliers sont fondés à mettre dans chacun des
représentants du pouvoir, en raison des fonctions qu'il exerce.
Cass.crim. 3 janvier 1947 (D. 1947 117) retient cette incrimination pour le détournement, par un facteur des postes, de titres de ravitaillement.
Cass.crim. 7 novembre 1991 (Gaz.Pal. 1992 somm. 102) : A pu renvoyer devant la Cour d'assises, du chef de détournement de deniers publics, C... en qualité de dépositaire public au sens de l'art. 169 C.pén. et L... en qualité de complice et de receleur d'une partie des détournements incriminés, la chambre d'accusation qui relève que les fonds attribués à un organisme dont C... était le trésorier, sur des crédits inscrits au budget du ministère de la Coopération, ont été alloués par un Fonds d'Aide et de Coopération, organisme sans personnalité juridique qui n'était qu'une « chambre d'enregistrement », et que C... a été déclaré comptable de fait de l'État par un arrêt de la Cour des comptes, de même que le ministre dont il était chef de cabinet.
Cass.crim. 23 juillet 2014, n° 13-82193 : La conclusion de contrats d'agent de cabinet dépourvus de toute réalité, exclusivement destinés à faire supporter par le territoire de Polynésie les rémunérations versées aux responsables syndicaux au titre d'activités qu'ils ont poursuivies au seul profit de leur organisation syndicale, s'analysent en un dévoiement frauduleux du recrutement et de la mise à disposition d'agents de cabinet, lequel suffit à constituer le délit de détournement de fonds publics.
- Détournement de biens ou de pièces contenus dans un dépôt public. L’art. 433-4 C.pén. (anciens art. 254 et 255.) sanctionne le fait de détourner un acte ou un titre, des fonds publics ou des effets, perpétré par la personne qui en est dépositaire. Comme dans le cas précédent, il s’agit d’un délit de fonction.
Vitu (Juris-classeur pénal, art. 433-4) n°40 et s. : Les verbes " détruire, soustraire, recéler ou altérer " recouvrent l'éventail des possibilités d'action, tant sur un document public ou privé que sur un objet... Il faudra prouver que l'un des faits incriminés a été perpétré, comme l'exige le premier alinéa de l'art. 434-4, " en vue de faire obstacle à la manifestation de la vérité ".
Cass.crim.
19 février 1998 (Gaz.Pal. 18 juillet 1998) : À l'issue de la
procédure d'appel d'offres concernant un marché public de
travaux, clôturée le 8 novembre 1991, les entreprises retenues
ont déposé leurs propositions,entre les mains de P..., agent
communal à la mairie du Port ; dès le 9 novembre 1991, J-R. D...
et J.D..., cadres de l'entreprise Dumez, agissant à
l'instigation de leur supérieur hiérarchique, B..., ont, avec la
complicité de P..., ouvert les enveloppes contenant les offres
des concurrents et, dans les jours suivants, modifié celle de la
société Dumez pour la présenter comme la moins-disante, et lui
permettre d'obtenir l'attribution du marché ;
Pour condamner B... du chef de complicité de détournement de
pièces remises à un dépositaire de l'autorité publique, commis
par J-P.D..., J.D... et P..., les juges du second degré énoncent
que ce dernier, qui avait pour mission de conserver les plis
sous l'autorité du maire, était un dépositaire public au sens
des art. 254 ancien et 433-4 nouveau C. pén. ;
En cet état, et dès lors, en outre, que les documents concernés
ont été frauduleusement détournés des locaux de la mairie du
Port, qui constitue un dépôt public au sens de l'art. 254 ancien
C. pén., la Cour d'appel a justifié sa décision.
- Détournement d’objets placés sous scellés. L’art.434-22 al.2 C.pén. punit tout détournement d’objet placé sous scellés ou sous main de justice.
Cass.crim. 4 mai 2011 (arrêt n° 10-84456,
Bull.crim. n° 90 p.412) : Pour déclarer M. X...coupable de blanchiment aggravé du délit de détournement de fonds placés sous main de justice,
l'arrêt relève que M. Y..., qui avait une parfaite connaissance de la situation juridique des fonds transférés à la Caisse des dépôts et consignations,
qui n'a présenté aucune requête aux fins de main levée de la mesure judiciaire de blocage avant de procéder à ces transferts et qui n'a informé
quiconque, hormis les dirigeants des sociétés et M. X..., qu'il détenait ces fonds placés sous main de justice, s'est rendu coupable du délit de
détournement de scellés ; les juges ajoutent que M. Y..., professionnel du droit, ne peut se prévaloir d'aucune erreur de droit ; ils énoncent encore que
M. X..., en utilisant les facilités que lui procurait sa profession d'avocat, a apporté sciemment son concours au placement de ces sommes d'argent dont
il savait qu'elles avaient été prélevées sur des comptes bloqués ;
En l'état de ces énonciations, et dès lors que le fait, pour un mandataire liquidateur de verser sur un compte ouvert à la Caisse des dépôts et
consignations au nom d'une société en liquidation judiciaire des fonds appartenant à cette dernière mais provenant d'un compte bloqué par décision d'un
juge d'instruction sans en informer ce dernier est constitutif d'un détournement au sens de l'art. 434-22 C.pén., article dont les termes suffisamment
précis ne sont pas contraires au principe de la légalité des délits et des peines, la cour d'appel qui a, dans les limites de sa saisine, caractérisé, en
tous ses éléments le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable, a justifié sa décision.
Affaire de la veuve Théot. (Déposition Fouquier-Tinville le 10 août 1794) : Quant à Catherine Théot, je reçus ordre de porter les pièces au Comité, après le décret qui avait ordonné la mise en jugement… Le Comité était assemblé, je remis les pièces sur le bureau ; Robespierre s’en empara, et lorsqu’il commença à les lire, tout le monde sortit, de manière que je restai seul avec lui et Dumas. Il m’ordonna de laisser la liasse, j’obéis…
- Détournement d’objet donné en gage. L’art. 314-5 C.pén. (ancien art. 400) incrimine le détournement, par un débiteur, un emprunteur ou un tiers donneur de gage, de l’objet constitué en gage. Voir : Gage*.
Cass.crim. 20 février 1973 (Gaz.Pal. 1973 I somm. 151) : Une Cour d’appel énonce à bon droit que le seul fait d’avoir abandonné son véhicule gagé sur la voie publique en un lieu interdit, et de s’être désintéressé de son sort et des droits du créancier gagiste, suffit à caractériser le délit.
- Détournement d’objet saisi. L’art. 314-6 (ancien art. 400) vise le détournement, par le saisi lui-même, d’une chose qui a fait l’objet d’une saisie, qu’elle ait été confiée à sa garde ou à celle d’un tiers.
Cass.crim. 20 juin 1963 (Bull.crim. n° 218 p.455) : Le délit est constitué dés lors que le débiteur saisi a déplacé l’objet du lieu où il avait été placé sous main de justice, et s’est opposé à sa représentation afin de faire échec à l’adjudication.
Versailles 21 septembre 1982 (Gaz.Pal. 1983 II somm. 274) : Les meubles ayant fait l’objet d’une saisie-gagerie ne peuvent être déplacés par le saisi des locaux où ils se trouvaient au moment de la saisie qu’avec l’autorisation du créancier saisissant, pour ne pas s’exposer à des poursuites pénales du chef de détournement d’objets saisis.
DÉTOURNEMENT DE CORRESPONDANCE - Voir : Lettre missive*.
DÉTOURNEMENT DE MINEUR
Cf. Enfant*, Enlèvement de mineur*, Rapt*.
Voir : J-P. Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », n° 424, p.271
Le fait de soustraire un enfant des mains de l'un de ses parents relève, s’il est commis par un autre parent de l’art. 227-7 C.pén., s’il est commis par un tiers de l’art. 227-8 C.pén. (anciens art. 354 et s.).
Pradel et Danti-Juan (Droit pénal spécial) : Le nouveau Code nous invite à distinguer en fonction de l’auteur du détournement … la répression est en effet d’une intensité bien différente suivant que l’auteur du rapt est un ascendant de l’enfant ou une autre personne.
Code pénal suisse. Art. 220 : Celui qui aura soustrait ou refusé de remettre un mineur à la personne qui exerce l’autorité parentale ou la tutelle sera, sur plainte, puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire.
Cass.crim. 30 juin 1981 (Bull.Crim. n°223 p.598) : Le délit de détournement d'enfant consiste dans le refus persistant d'obtempérer à la décision de justice de représenter l'enfant à ceux qui ont le droit de le réclamer.
Cass.crim. 24 mai 1982 (Gaz.Pal. 1982 II somm. 362) : A caractérisé le délit de détournement de mineur dont elle a déclaré coupable le président d’une association agréée pour le placement familial et l’adoption d’orphelins la Cour d’appel qui a souligné que malgré la demande réitérée de restitution formulée par la mère d’un enfant qui avait été confié à cette œuvre, il avait placé celui-ci en vue d’une adoption à l’étranger et s’était mis volontairement, par ses agissements, dans la situation de ne plus pouvoir rendre l’enfant à la mère qui le réclamait depuis plusieurs années.
Cass.crim. 30 juin 1981 (Bull.Crim. n°223 p.598) : Le délit de détournement de mineur se renouvelle chaque fois que son auteur démontre sa volonté de persévérer dans son attitude. Les principes admis en matière de chose jugée ne s'opposent pas, dès lors, à ce qu'une infraction qui a été réprimée par une première condamnation soit l'objet d'une nouvelle poursuite et d'une nouvelle condamnation lorsque cette infraction s'est renouvelée depuis la précédente condamnation et présente, par sa nature, le caractère d'une infraction successive.
DÉTOURNEMENT DE POUVOIR
Cf. Détournement de procédure*, Pouvoir*.
Constitue un détournement de pouvoir le fait, pour une autorité administrative, d’accomplir un acte entrant dans son domaine de compétence dans un but différent de celui qu’elle est habilitée à poursuivre. Un tel acte encourt la nullité, et ne saurait servir de fondement à une condamnation pénale.
Hauriou (Aux sources du droit) : La formule du Conseil d’État, lorsqu’il annule une décision pour détournement de pouvoir, est que l'auteur de l'acte a usé de son pouvoir dans un but et pour des motifs autres que ceux en vue desquels ce pouvoir lui a été conféré.
Puech (Droit pénal général) : Le détournement de pouvoir consiste dans le fait pour une autorité administrative d’user de ses pouvoirs dans la poursuite d’un but différent de celui pour lequel ils lui ont été conférés.
Cass.com. 8 octobre 2002 (Gaz.Pal. 2002 somm. 1859) : Dès lors que l’administration de Douanes n’agissait pas dans le cadre d’une opération relevant de son contrôle ou de sa compétence, c’est à bon droit que la Cour d’appel a décidé qu’elle avait procédé par un détournement de pouvoir.
DÉTOURNEMENT DE PROCÉDURE
Cf. Détournement de pouvoir*.
Il y a détournement de procédure lorsqu’une autorité publique utilise une technique qui a été prévue par la loi dans un but bien précis, non dans ce but mais afin d’esquiver un obstacle juridique et d’atteindre un objectif différent. Il en est ainsi lorsqu’un maire institue un stationnement payant sur la place du village dans le but, non de faciliter la circulation des automobiles, mais d’instituer une taxe communale indirecte. Cet artifice est sanctionné par la nullité de l’acte frauduleux.
Stéfani, Levasseur et Bouloc (Procédure pénale) : La Cour de cassation prohibe la mise en œuvre, par un détournement de procédure, de pouvoirs non octroyés par la loi.
J-H. Robert, intitule une note sous Cass.crim. 3 octobre 1996 (Droit pénal 1997 Comm.50) : Un détournement de procédure résultant du mélange de règles de droit commun et de dispositions fiscales.
Cass.crim. 18 décembre 1989 (Gaz.Pal. 1990 II 395) : Les pouvoirs d’investigation conférés aux officiers et agents de police judiciaire ou à certains fonctionnaires par des lois spéciales ne peuvent être exercés que dans les conditions et dans les limites fixées par les textes qui les prévoient, sans qu’il leur soit permis de mettre en oeuvre, par un détournement de procédure, des pouvoirs que la loi ne leur a pas reconnus.
DÉTOURNEMENT D’UN MOYEN DE TRANSPORT
Cf. Otages*, Transports en commun*.
Voir : J-P. Doucet, « La protection de la personne humaine » (4e éd.), n° V-402, p.644
Le fait de prendre le contrôle par la force d’un moyen de transport dans lequel des personnes ont pris place est réprimé par l’art. 224-6 C.pén. (ancien art. 462). Ce crime complexe assure, du point de vue public la sûreté des transports, et d’un point de vue privé la sécurité des personnes.
Vitu (Traité de droit pénal spécial) : On appelle détournement d'avion ou capture illicite d'aéronef la mainmise sur un aéronef en vol, pour contraindre le pilote à modifier la route initialement prévue... Ces détournements soulèvent une émotion intense en raison du péril grave qu'ils font courir aux personnes et à leurs biens..
Code criminel de Biélorussie. Article 208 : Le détournement d’un avion, à terre ou dans le ciel, sera punissable d’une privation de liberté pour trois à dix ans.
Cass.crim. 22 novembre 1983 (Bull.crim. n°308 p.787) : Le détournement d’un aéronef a été incriminé pour protéger la liberté de la circulation dans l’espace aérien national ou international ainsi que la sécurité des personnes se trouvant à son bord.
DÉTRACTATION
Cf. Diffamation*, Médisance*.
Voir : J-P. Doucet, « La protection de la personne humaine » (4e éd.), n° II-309, p.366
On nomme détractation le fait de rabaisser publiquement le mérite d’une personne, d’en dire du mal. De nos jours on parle plutôt de médisance (simple délit civil) ou de diffamation (délit pénal).
Gousset (Théologie morale) : La détractation est l’injuste diffamation du prochain : elle comprend les soupçons, les doutes et les jugements téméraires, la médisance et la calomnie.
Pruner (Théologie morale) : La détractation ou médisance consiste à publier injustement une chose infamante qui existe réellement mais qui est encore secrète.
Marat (Plan de législation criminelle) : Il importe de décerner contre les détracteurs des femmes vertueuses la peine portée contre les calomniateurs.
TGI Paris (Réf.) 12 mars 1985 (Gaz.Pal. 1985 I somm. 117) : Le demandeur se plaint d’un « coup monté grossièrement » par « ses détracteurs d’aujourd’hui ».
DÉTRESSE (État de)
Cf. Contrainte*, Détrousseur*, Libre arbitre*, Nécessité (état de)*, Non-assistance à personne en péril*, Personnes vulnérables*, Victime*.
Voir : J-P. Doucet, « La protection de la personne humaine » (4e éd.), n° I-134, p.94 / IV-317, p.603
Voir : P.Moriaud, De la justification du délit par l'état de nécessité
- Notion. Une personne est dite en état de détresse lorsqu'elle est, ou confrontée à un danger pressant, ou dans une situation de dénuement extrême. Sa situation est plus grave que celle dans laquelle se trouve une personne en état de vulnérabilité ou en état de faiblesse, en particulier parce que cette situation prend habituellement sa source dans une circonstance extérieure. Sont par exemple en état de détresse, un marin à bord d'un navire devenu ingouvernable alors qu'il est pris dans une tempête, ou encore un soldat blessé abandonné sur le champ de bataille.
Larousse (Dictionnaire de synonymes) : La détresse emporte l'idée d'une situation poignante, qui, toutefois, peut être momentanée, si l'on réussit à obtenir un prompt secours.
Platon (Les lois) : Il arrive qu'un homme va bâtir une auberge dans un lieu désert, où l'on n'arrive qu'après de longs trajets, qu'il reçoit dans une hôtellerie bien venue des voyageurs en détresse et leur fournit un abri tranquille... et que au lieu de les traiter en amis et de leur faire les présents d'amitié qu'on fait quand on reçoit un hôte, il les traite en ennemis ou captifs de guerre et exige d'eux des rançons exorbitantes, injustes et malhonnêtes. Ce sont ces excès et tous ceux du même genre qui ont discrédité ces établissements... Aussi le législateur ne doit-il pas manquer de chercher un remède à ces inconvénients.
- Règle morale. Le devoir d'humanité impose de porter secours à une personne en état de détresse, dans la mesure de nos capacités et de nos moyens.
Schopenhauer (Le fondement de la morale) : Un motif moral pur me décidera à me sacrifier dans la mesure nécessaire pour remédier à la détresse de mon semblable. Je sacrifierai soit une partie de mes forces physiques ou morales, en les dépensant à son profit, soit mes biens, ma santé, ma liberté, ma vie même.
Dictionnaire de l'Église catholique. § 2409 : Est contraire au septième commandement le fait de hausser les prix en spéculant sur la détresse d'autrui.
E.Sue (Les mystères de Paris) : Parce qu'il n'aime pas à ébruiter ses bienfaits, Monseigneur a laissé ignorer à M. d'Harville qu'il avait retiré sa parente d'une affreuse détresse.
- Science criminelle. Celui qui méconnaît ce devoir moral, alors qu'il lui serait aisé de le remplir, peut notamment être sanctionné du chef de non-assistance à personne en péril.
Code pénal d'Arménie. Art. 249 : Le fait pour un capitaine de ne pas porter assistance à un navire en détresse. dans la mer ou tout autre étendue d'eau, si cette aide pourrait être offerte sans exposer le bateau, les passagers ou son équipage au danger sérieux, est puni...
Constitue une circonstance aggravante le fait de profiter de l'état de détresse d'une personne pour porter atteinte à son intégrité physique ou à son patrimoine. Il en est ainsi du fait de profiter qu'une femme se trouve en état de détresse pour la violer, ou du fait qu'une personne est désespérée pour lui prêter de l'argent à un taux usuraire.
Digeste. Ulpien, sur l'Édit du préteur : Si l'on expose que quelqu’un, dans un incendie, une ruine, un naufrage, un navire en détresse, a enlevé quelque chose par violence ou l'a recélé par fraude, ou a causé quelque dommage, je donnerai action au quadruple.
Code pénal de Finlande. Si, lors du vol, le contrevenant tire profit de la détresse de la victime du délit, le contrevenant sera condamné pour le vol aggravé.
À l'inverse, la personne qui commet une infraction pour échapper à l'état de détresse dans lequel elle se trouve peut invoquer, tantôt l'état de nécessité, tantôt une excuse ou une circonstance atténuante.
Code pénal de Finlande. Infanticide. Une femme que dans un état d'épuisement ou de détresse provoquée par l'accouchement tue son bébé sera condamnée pour l'infanticide à l'emprisonnement pour quatre mois au moins et pour quatre ans au plus.
Code pénal suisse. Art. 64 : Le juge pourra atténuer la peine lorsque le coupable aura agi... dans une détresse profonde.
- Droit positif français. Le législateur préfère la notion de Personne vulnérable*, à celle de personne en état de détresse. Mais les juges peuvent tenir compte du fait que la seconde est plus grave pour alourdir la sanction.
Code pénal. Art. 221-4 : Le meurtre est puni de la réclusion criminelle à perpétuité lorsqu'il est commis... 3º Sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur.
Cass.crim. 17 octobre 1984 (Bull.crim. n°308 p.816) : Pour constituer la circonstance aggravante réelle du crime de viol prévue par l'art. 332 al. 3 C.pén., la vulnérabilité de la victime doit résulter d'un état préexistant aux faits objet de la poursuite.
DÉTROUSSER (Détrousseur)
Cf. Détresse (état de)*, Malfaiteurs*, Naufrageur*, Personnes vulnérables*, Rapine*, Vol qualifié*.
Un détrousseur est un malfaiteur de grand chemin qui, par la force, dépouille ses victimes de leurs biens, valeurs, effets et bagages.
Robert (Dictionnaire). Détrousser : Dépouiller quelqu’un en ayant recours à la violence. Détrousser un passant, un voyageur.
Joly (La France criminelle) : C'était la difficulté des communications qui faisait les détrousseurs de grande route.
Accolas (Le délits et les peines) parle des vols commis par ceux qui se cachent dans un fossé pour profiter d'un moment propice afin de détrousser les passants.
- Les plus méprisables des détrousseurs sont ceux qui rôdent sur les champs de bataille, s’en prennent aux blessés pour leur arracher effets, argent ou bijoux. Ils sont spécialement visés par le Code de justice militaire.
Code de justice militaire, art. 428 : Tout individu, militaire ou non, qui, dans la zone d'opérations... dépouille un blessé, malade, naufragé ou mort est puni de la réclusion criminelle à temps de dix ans.
Code pénal d'Arménie. Art. 383 : Le vol des affaires des morts et blessés dans le champ de bataille est puni d'un emprisonnement de 2 à 8 ans.
Digeste de Justinien, 47, XII, 1, 7. Ulpien : Les gouverneurs ont coutume de déployer plus de sévérité contre ceux qui dépouillent les cadavres, surtout s'ils arrivent à main armée : en sorte que s'ils sont en armes, comme des voleurs, ils soient punis de mort.
On comprend dès lors que constitue une injure le fait de traiter quelqu’un de détrousseur.
TGI Paris (1re Ch..), 5 juillet 1989 (Gaz.Pal. 1989 I somm. 418) : Les accusations outrageantes : «petit voyou portuaire, tueur à gages, dépeceur d’entreprises, détrousseur de pauvres, truand, escroc, voleur, pauvre con, trou du cul, sardine avariée, hyène de l’économie » constituent des injures au sens de l’art. 29 de la loi du 29 juillet 1881.
DÉVALISER
Cf. Brigandage*, Rat d'hôtel*, Vol qualifié*.
Au sens strict du terme, dévaliser c'est s'emparer des bagages, des vêtements et des valeurs d'une personne, notamment d'un voyageur. Il s'agit ordinairement d'un vol avec violences, donc d'un vol qualifié. Ce verbe est parfois employé improprement comme simple synonyme de voler.
Gousset (Théologie morale) : Il est nécessaire qu'un scélérat sache qu'on est en droit de lui résister; et que, dans le cas même où il ne craint ni la justice de Dieu, ni celle des hommes, espérant pouvoir échapper à celle-ci, il ne puisse impunément entreprendre de dévaliser un honnête homme.
Code pénal de l'ancien Cambodge ( éd. Leclère) : Art. 26. - Quand un individu, parti pour aller voler, ne fait qu'arriver dans l'enclos de la maison qu'il veut dévaliser, s'il est saisi, il sera puni de vingt-cinq coups de rotin.
Joly (Le crime, étude sociale) : Pour deux ou trois francs, les indicateurs livrent l'adresse d'une maison de campagne se prêtant le mieux du monde à se laisser dévaliser.
Cass. 1e civ. 27 janvier 1982 (Gaz.Pal. 1982 II panor. cass. 200) : Les clients de l'hôtel ont été attaqués dans leur chambre et dévalisés par un des fils du directeur de l'établissement et par un autre malfaiteur demeuré inconnu.
Ferri (Sociologie criminelle) : Une voleuse proposa à une dame du patronage d'aller dévaliser un magasin pour lui fournir le trousseau pour un enfant abandonné.
Lombroso (L'homme criminel) : Mainero était un garçon de physionomie précoce, il se vantait d'avoir organisé des bandes pour dévaliser les troncs des églises.
DÉVIANCE (Déviant)
Cf. Bonnes mœurs*, Criminalité*, Délinquant*, Incivilité*.
La notion de déviance englobe l’ensemble des comportements qui méconnaissent les règles de la vie sociale
ou professionnelle. Elle peut constituer une faute sur le plan
civil comme sur le plan disciplinaire.
- Les agissements qui enfreignent la loi pénale relèvent de la notion plus étroite de délinquance.
Robert (Dictionnaire de sociologie) : La déviance peut se définir, par opposition à la conformité, comme transgression des normes, violation des interdits, manquement aux obligations ou du moins adoption des postures contrevenant aux usages, esquivant ou défiant les injonctions des foyers d’autorité, déjouant les attentes de l’entourage.
Merle et Vitu (Traité de droit criminel) : Le concept de déviation tend à s’élargir sans cesse, jusqu’à recouvrir tous les aspects de l’inadaptation sociale, dans les domaines familial, scolaire, professionnel, civique, psychopathologique.
Vitu (Traité de droit pénal spécial) : Le déviant est un para-délinquant, qui présente certains des traits de comportement du criminel, ou qui se trouve soumis aux mêmes processus de marginalisation sociale, puis d’opposition ouverte aux impératifs sociaux. Il suffit de songer aux prostituées, que le droit pénal français ne punit plus en tant que telles depuis près de deux siècles, à certains jeunes oisifs, aux vagabonds et mendiants.
Jeandidier (Droit pénal général) : Le crime est un comportement antisocial stigmatisé par le droit, tandis que la déviance vise les conduites asociales non appréhendées par le droit criminel.
Gassin (Criminologie) : En sociologie, on entend par déviance l’ensemble des comportements qui ne sont pas conformes aux normes sociales en vigueur.
Mauger (La sociologie de la délinquance juvénile, Paris 2009) : Le répertoire des pratiques déviantes - définies comme celles qui sont susceptibles de susciter la stigmatisation - apparaît à peu près illimitée. Ainsi conçue, la notion de déviance a un sens plus large que celui de délinquance : sont qualifiés de déviants les comportements qui transgressent des normes acceptées par tel ou tel groupe social ou par telle institution.
Commission de réforme du droit du Canada (Document n° 42 de 1985) : La gravité d’un comportement déviant s’apprécie en fonction de plusieurs facteurs qui doivent normalement constituer les fondements rationnels de sa criminalisation.
Lyon 29 mai 2001 (JCP 2002 IV 1402) : Les coups de martinet portés par sa belle-mère sur la tête d’un enfant de six ans, même s’ils sont minimisés par le père qui met en avant la grossesse de sa nouvelle épouse au moment des faits, attestent d’un comportement déviant.
DEVIN - Voir : Divination*.
DEVOIR
Cf. Beau*, Bien*, Conscience*, Déontologie*, Dignité de la personne humaine*, Droits*, Héroïsme*, Honneur*, Loyauté*, Mariage*, Mise en danger d'autrui*, Morale*, Omission de porter secours à personne en péril*, Personne humaine*, Travail*, Vertus*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° 21, p.40 / n° 115, p.78 / n° I-6 bis, p.133 / n° I-103, p.145 / notamment
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° II-309, p.366
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », n° 328, p.125 - n° 339, p.219 et s.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° I-4, p.53 / n° I-II-1 et s., p.137 et s. / n° I-II-10, p.151 / n° I-II-421, p.277 / notamment
Voir : La déclaration des droits et devoirs de l'homme et du citoyen du 22 août 1795
Voir : Kant - L’éducation morale (Extraits du Traité de pédagogie, 1803)
Voir : A. Pierre et A. Martin, Cours de morale à l'usage des écoles primaires supérieures
- Notion. Ce qui confère sa dignité particulière à l’être humain, ce qui justifie qu’on lui reconnaisse des
Droits*, c’est le fait qu’il a des devoirs moraux, légaux ou de convenance à remplir envers lui-même, envers sa famille,
envers autrui et envers la société.
C’est en accomplissant ces devoirs, guidé par sa conscience (elle-même éclairée par l’éducation), que l’homme peut parvenir à l’état de paix intérieure
qu’engendre le sentiment d’avoir bien fait ce que l'on avait à faire.
Cuvillier (Vocabulaire philosophique) : L'obligation morale : le devoir est la forme de la loi morale comme le bien en est la matière.
Vergely (Dictionnaire de la philosophie) : Le devoir est une action que l’homme doit faire et qu’il fait en étant soumis, non pas à une contrainte extérieure violente, mais à une obligation intérieure librement assumée.
Brian-Chaninov (Histoire de la Russie) : Pierre le Grand possédait au plus haut degré une qualité majeure : le sentiment du devoir, l'idée d'être constamment au service de son pays.
- Règle morale. Puisque le devoir est l'expression de la loi morale, il s'impose par là même à chacun d'entre nous.
Voir : Cousin, Devoirs envers soi-même et devoirs envers autrui
Voir : P. Janet, Les conflits de devoirs (Les cas de conscience)
Marc-Aurèle (Pensées pour moi-même) : Pour moi, je fais ce qui est mon devoir.
Chemin ( Code de religion et de moralité) cite Sénèque : Le devoir de l'homme est d'être utile aux hommes, à un grand nombre, s'il le peut, sinon à un petit nombre, sinon à ses proches, sinon à lui-même ; en se rendant utile à lui-même, il travaille pour les autres.
Triade druidique : Les trois devoirs de l’homme sont : - Lutter contre le mal. – Rechercher le bien. – Affiner sa personnalité.
Védisme (Bhagavad-Gita) : L'acte qui dicte le devoir procède de la Vertu ; l'acte qui vise à l'assouvissement des désirs est dit appartenir à la Passion.
Leclercq (Leçons de droit naturel, T.I) : Au droit, dans le sens subjectif, s'oppose le devoir. Le droit étant un pouvoir moral d'agir ou de s'abstenir, le devoir est une nécessité morale d'agir ou de s'abstenir. Quand j'ai le droit d'accomplir un acte, je peux le faire ; quand j'ai le devoir de l'accomplir, je dois le faire.
Pufendorf (Le droit de la nature) :
Par cela seul qu'on est Homme, on est naturellement assujetti
à certaines obligations et revêtu de certains droits.
Il faut que,
par des offices mutuels, nous témoignions des sentiments de la parenté que la Nature a mise entre tous les hommes. Selon ce beau mot de Platon, nous ne
sommes pas seulement nés pour nous-mêmes, mais encore pour notre Patrie et pour nos Amis. Suivant la pensée des stoïciens, les hommes ont été faits les
uns pour les autres, c’est-à-dire pour s’entraider. Nous devons tous, en suivant les desseins de la Nature, mettre chacun du nôtre dans le fonds de
l’utilité commune, par un commerce réciproque d’offices et de services, et employer nos soins et notre industrie à serrer, pour ainsi dire, de plus en
plus les nœuds de la Société humaine... Parmi les devoirs absolus qui obligent tous les hommes, il faut mettre au premier rang les deux maximes suivantes
: Ne faire du mal à personne ; et réparer le dommage que l’on peut avoir causé.
Baudin (Cours de philosophie morale) : Personne ne peut me contraindre et me forcer au devoir, si je suis libre ; et je le suis. Je puis toujours m'y dérober. Mais puis-je le faire légitimement ? Voilà la vraie question. Il s'agit uniquement de savoir si l'obligation morale est justifiée et fondée en raison... L'obligation morale trouve son fondement dans les exigences de la nature morale.
Bruguès (Dictionnaire de morale catholique) : Il revient au Stoïcisme, semble-t-il, d’avoir élaboré pour la première fois le concept moral de devoir. C’est par l’intermédiaire de Cicéron qu’il passa dans la philosophie occidentale et dans l’éthique chrétienne. Le devoir exprime ce qui doit être fait, ou évité, pour respecter les exigences du bien. Au fond de sa conscience, l’homme découvre la présence d’une loi qui le presse d’aimer et d’accomplir le bien, ou d’éviter le mal. Au moment opportun, une voix résonne dans l’intimité de son cœur : Fais ceci – Évite cela !
Nous n'avons pas seulement des devoirs envers autrui, et particulièrement envers nos proches, mais également envers nous-mêmes.
Confucius (Les quatre livres) : De l'homme le plus élevé en dignité jusqu'au plus humble et au plus obscur, il est un devoir égal à tous : se corriger et s'améliorer ; le perfectionnement de soi-même est la base fondamentale de tout progrès et de tout développement moral.
Bentham (Traité de législation civile et pénale) : La partie de sa conduite relative aux autres compose une classe d'actions qu'on appelle devoirs envers autrui. Or, il y a deux manières de consulter le bonheur des autres, l'une négative, en s'abstenant de le diminuer ; l'autre positive, en travaillant à l'augmenter : la première constitue la probité, la seconde constitue la bienfaisance.
Mabilleau (Cours de morale pour l'enseignement primaire) : On a des devoirs envers soi-même parce qu'on est tenu de respecter en soi la dignité de la nature humaine. Ces devoirs se résument en trois mots, la bonté, la franchise et le courage.
Il importe de souligner le lien étroit existant entre les devoirs, actuellement sous-estimés, et les droits, actuellement surestimés.
Voir : J. Tissot, Droit naturel et droit criminel
Burlamaqui (Principes de droit naturel) : Il y a des droits qui ont par eux-mêmes une liaison naturelle avec nos devoirs, et qui ne sont donnés à l’homme que comme des moyens de s’en acquitter.
A.Comte (Système de politique positive) : Nul ne possède d'autre droit que celui de toujours faire son devoir.
Gratieux (Khomiakov et le mouvement slavophile) : Parlez peu du droit ou des droits, disait Khomiakov ; mais écoutez volontiers ceux qui parlent du devoir, car le devoir est l'unique source vivante du droit.
Jean XXIII (Pacem in terris) : Le fondement de toute société ordonnée et féconde, c’est le principe que tout être humain est une personne, c’est-à-dire une nature douée d’intelligence et de volonté libre. Par là même il est sujet de droits et de devoirs découlant, les uns des autres, ensemble et immédiatement, de sa nature ; aussi sont-ils universels, inviolables et inaliénables.
Chateaubriand (Mémoires) : C’est le devoir qui crée le droit.
- Science juridique. Les devoirs moraux se situent souvent à un niveau trop élevé pour que le législateur pénal puisse prétendre en imposer l'accomplissement. Il doit se contenter de prescrire ou de proscrire ce qui importe le plus au bien de la collectivité. Avec les progrès de la civilisation, certains autres devoirs passent du plan d'exigence morale au plan d'obligation légale. Il en est ainsi depuis longtemps du devoir de respecter le secret professionnel, et depuis quelques décennies de l'obligation de porter secours à une personne en péril (devoir de charité, d'humanité ou de solidarité). Ces dispositions, qui visent souvent de simples omissions, s'analysent ordinairement en des incriminations de police professionnelle ou sociale.
Déclaration des droits et devoirs de l'homme et du
citoyen (préambule de la Constitution du 5 fructidor an III, 22
août 1795).
Art.1er : La déclaration des droits contient les obligations
des législateurs ; le maintien de la société demande que ceux
qui la composent connaissent également leurs devoirs.
Art. 2
: Tous les devoirs de l’homme et du citoyen dérivent de
ces deux principes, gravés par la nature dans tous les cœurs :
Ne faites pas à autrui ce que
vous ne voudriez pas qu’il vous fît.
Faites
constamment aux autres le bien que vous voudriez en recevoir.
Art. 3 : Les obligations de chacun envers la société
consistent à la défendre, à la servir, à vivre soumis aux lois
et à respecter ceux qui en sont les organes.
Serment d’Hippocrate. Je jure par Apollon médecin... Les choses que, dans l’exercice ou même hors de l’exercice de mon art, je pourrai voir ou entendre sur l’existence des hommes et qui ne doivent pas être divulguées au dehors je les tairai, estimant que ces choses-là ont droit au secret des Mystères.
Levasseur (Cours de droit pénal spécial) : L'incrimination de l'abstention de porter secours a fait naître bien des controverses. On lui a reproché de transformer en obligation juridique une obligation de pure morale, de faire aux gens un devoir de se dévouer aux autres. On a fait valoir qu'il serait très malaisément applicable, qu'il n'offrirait pas d'utilité... L'abondance des décisions rendues en cette matière montre pourtant que ce texte répondait à un besoin certain.
Code pénal du Luxembourg. Art. 410-1 (L. 13 décembre
1985) : Sera puni d'un emprisonnement de huit jours à cinq ans et d'une amende de 251 € à 10.000 €, ou d'une de ces peines seulement, celui qui, sans
danger sérieux pour lui-même ou pour autrui, s'abstient volontairement de venir en aide ou de procurer une aide à une personne exposée à un péril grave,
soit qu'il ait constaté par lui-même la situation de cette personne, soit que cette situation lui ait été décrite par ceux qui sollicitent son
intervention. Il n'y a pas d'infraction lorsque la personne sollicitée a fait toutes les diligences pour procurer le secours par des services
spécialisés.
Art. 410-2 (L. 13 décembre 1985) : Sera puni des peines prévues à l'article précédent celui qui, le pouvant sans danger sérieux pour lui-même ou pour
autrui, refuse ou néglige de porter à une personne en péril le secours dont il est requis; celui qui, le pouvant sans danger sérieux pour lui-même ou
pour autrui, refuse ou néglige de faire les travaux, le service, ou de prêter le secours dont il aura été requis dans les circonstances d'accidents,
tumultes naufrages, inondations, incendie ou autres calamités, ainsi que dans le cas de brigandages, pillages, flagrant délit, clameur publique ou
d'exécution judiciaire.
- Droit positif. Le droit français a connu cette évolution en incriminant l'omission de porter assistance à une personne en péril, ou celui de ne pas créer une situation pouvant causer un dommage corporel à Autrui*. Il connaît aussi le devoir de secret professionnel. ou le devoir pour le juge de statuer sur les faits dont il est saisi.
Doucet (« La loi pénale » (4e éd.), n° 21 p.40 : L’art. 4 C.civ. invite les juges à remplir pleinement leur mission, et leur impose de statuer même en cas de silence, d’obscurité ou d’insuffisance de la loi. La violation de ce devoir de fonction constitue un déni de justice, délit qui n’est pas assez énergiquement réprimé par l’art. 434-7-1 C.pén.
Cass.crim. 19 novembre 1985 (Bull.crim. n°364 p.937) : Si celui qui a reçu la confidence d’un secret a toujours le devoir de le garder, la révélation de cette confidence ne le rend punissable que s’il s’agit d’une confidence liée à l’exercice de certaines professions, la loi ayant voulu garantir la sécurité des confidences qu’un particulier est dans la nécessité de faire à une personne dont l’état ou la profession dans un intérêt général et d’ordre public fait d’elle un confident nécessaire.
Toulouse 9 octobre 2003 (JCP 2004 IV 1668) : A commis le délit de non-assistance à personne en danger le prévenu, gérant d'une SARL exploitant un centre ayant pour objet l'enseignement et la diffusion de l'alimentation macrobiotique, qui a manqué à son devoir d'humanité en ne portant pas secours à l'une des pensionnaires de ce centre, atteinte du SIDA, et dont l'état de santé, s'étant détérioré au cours de son séjour, aurait requis des soins immédiats.
Nancy (Ch. instr.) 25 avril 2002 (JCP, 2003 IV 1862), dans une espèce où les prévenus se voyaient reprocher de ne pas avoir empêcher un ami ivre de conduire sa voiture, mettant ainsi autrui en danger : Ces personnes se trouvant en présence d'un risque extrême pour autrui qu'il était en leur mesure d'empêcher, le devoir d'humanité leur commandait de donner la priorité à la sécurité des usagers de la route contre un danger immédiat et non à leur amitié, le conflit psychologique en résultant n'étant pas de nature à les libérer de leur obligation.
DEVOIRS RÉGALIENS - Voir : J-P. Doucet, « La protection de la Société », n° II-II-200 et s., p.489 et s.
DÉVOLUTIF (Effet)
Cf. Appel*, Suspensif (effet)*, Voies de recours*.
On parle d’« effet dévolutif », en matière de voies de recours, pour désigner l’étendue de la saisine de la juridiction devant laquelle la cause est maintenant portée. Dans le cas de l’appel, cet effet est limité par l’étendue de la saisine des premiers juges, par les termes de l’acte d’appel et par la qualité de celui qui interjette appel. Ainsi, lorsque seule partie civile interjette appel, la cour d’appel n’est saisie que des intérêts civils ; elle ne peut revenir sur l’acquittement prononcé au pénal.
Cornu (Vocabulaire juridique) : L’effet dévolutif est l’effet produit par certaines voies de recours (appel, opposition) qui, remettant en question une chose jugée, en défèrent la connaissance à la juridiction de recours avec pouvoir et obligation pour elle de statuer à nouveau en fait et en droit sur tous les points qu’elles critiquent dans la décision attaquée (et sur ces points seulement).
Cass.crim. 5 mai 1998 (Gaz Pal. 1998 II Chr.crim. 161) : Les juges du second degré se trouvent saisis, par l’effet dévolutif de l’appel interjeté par l’intéressé, de toutes les questions de droit et de fait soumises aux premiers juges.
- Cas de l'appel, limité aux dispositions pénales, des seuls ministère public et prévenu.
Cass.crim. 6 décembre 2005 (Bull.crim. n°314 p.1077) : Aux termes de l'art. 509 C.pr.pén., l'affaire est dévolue à la cour d'appel dans le limite fixée par l'acte d'appel et par la qualité de l'appelant. Il en résulte qu'en l'absence d'appel de la partie civile d'un jugement ayant omis de statuer sur sa demande, les juges du second degré, saisis des seuls appels du prévenu et du ministère public, limités aux dispositions pénales, ne pouvaient annuler les jugement entrepris et condamner le prévenu à des réparations civiles.
DÉVOUEMENT (Acte de)
Cf. Charité*, Égoïsme*, Héroïsme*, Non-assistance à personne en péril*, Voies de recours*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° I-231, p.238 / n° III-4, p.355
- Notion. Un acte de dévouement est un acte par lequel une personne met en péril sa propre vie (ou quelque autre intérêt majeur) dans le but, soit de sauvegarder la vie d’autrui (ou quelque autre intérêt majeur), soit d’assurer le salut de la Nation.
Le Bon (psychologie des foules) : Qu’il s’agisse d’un palais à incendier ou d’un acte de dévouement à accomplir, la foule s’y prête avec la même facilité.
Cass.crim. 6 juillet 1994 (Bull.crim. n° 267 p.660) : L’Ordre des médecins est légalement chargé, en vertu de l’art. L. 382 C. santé publ., de veiller au maintien des principes de moralité, de probité, de dévouement indispensables à l’exercice de la médecine.
- Régime. Si cet acte produit l’effet inverse de celui qui était recherché, il ne saurait être reproché sur le plan criminel : un acte bon dans son principe ne saurait comporter l’élément moral d’un délit pénal. Il en serait ainsi en cas d’intervention malheureuse d’un sauveteur.
Thomas d’Aquin (Somme théologique) : Une volonté bonne doit s’entendre d’une volonté bonne, à la fois, dans l’acte voulu pris en lui-même, et dans sa fin.
Si l’auteur de l’acte de dévouement se blesse au cours de son intervention, il semble avoir droit à une juste indemnité. Mais notre droit positif n’est pas encore parvenu à déterminer le fondement de ce droit.
Lalou (Traité de la responsabilité civile) : Il y a une tendance très marquée de la jurisprudence à reconnaître droit à indemnité au sauveteur bénévole qui se blesse en accomplissant un acte de dévouement.
G.Viney (La responsabilité civile) : Les juges cherchent à indemniser convenablement celui qui, ayant agi dans un but altruiste, a été victime de sa générosité.