PETITS CAS PRATIQUES
et FAITS DIVERS COCASSES
( Cas n° 51 à 64 )
Excusez le procédé, mais le peloton d'exécution est en permission ...
Non : Le principe de légalité s'applique aussi au mode d'exécution des peines
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Cas n° 51 - Entre gentlemen.
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Deux Anglais ont chaussé les
gants de boxe pour régler un différend sur le prix de vente d'un manoir dans le Sussex. Le vendeur voulait 90.000 £ de sa
propriété, belle et grande demeure géorgienne richement meublée. L'acheteur, un garagiste londonien, n'en offrait que 80.000
£.
Plutôt que de perdre du temps dans des transactions sordides, les deux hommes décidèrent de régler le différend à la boxe,
le vaincu admettant le prix fixé par le vainqueur. Après deux reprises et quelques bosses, le garagiste fut déclaré
vainqueur. Sportivement, ce dernier, âgé de trente ans, plus grand et plus lourd que son adversaire, proposa de couper la
poire en deux et d'acheter la maison pour 85.000 £. (Le Soir, 25 mai 1979)
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Question : Que pensez de ces coups et de ces bosses ?
Réponse : 1° Au regard du droit, l'analyse n'est pas douteuse : le vendeur et
l'acheteur ont chacun volontairement porté des coups et causé des blessures à leur adversaire, ce qui constitue un délit;
or aucun moyen de défense ne peut ici être invoqué. D'abord, de droit commun, le mobile ne saurait entrer en ligne de
compte. D'autre part, le fait que la boxe soit un sport reconnu ne saurait constituer une excuse, dès lors que le combat ne
s'est pas déroulé dans le strict respect des règles (notamment des catégories de poids). Enfin, le consentement de la victime
est irrecevable en matière d'atteinte à l'intégrité des personnes (comme il a été jugé en matière de duel).
2° D'un point de vue général, l'analyse de ce cas pratique ne constitue pas un simple exercice de style pour étudiants; il
peut au contraire présenter un grand intérêt pratique. Supposons que l'un des adversaires ait été atteint à l'oeil, et ait
perdu la vue: le ministère public aurait dû retenir la qualification de coups et blessures volontaires ayant entraîné une
infirmité permanente (avec circonstance aggravante de préméditation).
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Cas n° 52 - Faut-il payer le salaire d'un tueur à gages ?
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Un médecin de San Bernardino, en
Californie, vient d'attaquer en justice le tueur à gages qu'il avait embauché pour assassiner sa femme, parce que, le complot
ayant échoué, il veut récupérer les 1000 $ versés comme acompte. Le tueur était, en fait, un policier en civil. Il a
pris les 1.000 $ -un tiers du contrat- puis il a arrêté le médecin, qui a été condamné à 2000 $ d'amende. Le médecin vit
de nouveau avec sa femme, mais il veut récupérer son argent déposé comme pièce à conviction. (La Meuse 8 octobre
1976)
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Question : Le tribunal doit-il ordonner le remboursement de l'acompte ?
Réponse : Non. D'un point de vue civil, un tel contrat est entaché d'un clause
illicite et immorale, et ne saurait dès lors être invoqué en justice à l'appui d'une demande quelconque. D'un point de vue
pénal, il s'agit d'une somme d'argent qui a servi à commettre le délit pour lequel le requérant a été condamné, et elle
doit dès lors être confisquée... du moins en droit français.
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Cas n° 53 - L'arme absolue : l'indifférence.
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L'indifférence des clients et des
employés d'une banque de Kloten, près de Zurich, a eu raison des nerfs d'un bandit. L'homme, coiffé d'un casque de mortard,
avait fait irruption dans la banque en hurlant, revolver au poing: "Cambriolage, haut les mains !" Contre toute attente,
cris et revolver rencontrèrent l'indifférence la plus complète. Finalement, devant le manque de réaction des clients et des
employés occupés à leurs affaires, la bandit a préféré s'en aller sans demander son reste. (La Meuse, 20 avril 1978)
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Question : Sous quelle qualification doit-il être poursuivi ?
Réponse : Si le ministère public entend classer le dossier au plus vite et à
moindre frais, le trouble public ayant été léger, il peut s'en tenir à un acte préparatoire : le port d'une arme
(tribunal correctionnel). S'il souhaite au contraire donner à la poursuite la quafication que les faits appellent, il doit
poursuivre le bandit pour tentative de vol à main armée; il y a en effet eu commencement d'exécution dès l'instant où il a
pénétré dans la banque (cour d'assises).
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Cas n° 54 - Une fouille... de très près.
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Les 2.000 ouvrières d'une
fabrique de soutiens-gorge de Rio de Janeiro n'apprécient pas le "strip-tease" auquel elles sont soumises quotidiennement
pour éviter qu'elles ne détournent de la lingerie féminine en quittant l'atelier. L'une d'elles a même affirmé que les
fouilles étaient effectuées par des policières "d'une féminité douteuse". Les ouvrières se sont révoltées avec une
vigueur telle que la direction a dû faire appel aux troupes de choc de la police militaire. (La Meuse, 29 août 1978)
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Question : Ces fouilles corporelles appellent-elles des poursuites pour attentat à
la pudeur ?
Réponse : Probablement pas. D'une part, les vols commis au détriment de
l'employeur justifient que des mesures de surveillance soient prises ; d'autre part, la nature des objets protégés
impose un contrôle intime. Reste à savoir dans quelles conditions la visite est effectuée, et si certaines policières
n'abusent pas du fait justificatif dont elles bénéficient, ce qui le rendrait inopérant.
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Cas n° 55 - Lequel des deux a tué ?
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Deux gangsters ont commis hier un
hold-up, rue des Guillemins, à Liège. L'un des deux a tué l'inspecteur D..., qui était courageusement intervenu. Mais on
ignore encore lequel.
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Question : Comment imputer l'infraction, si l'auteur du coup de feu ne peut être
identifié ?
Réponse : Raisonnons d'abord dans le cadre du cas d'espèce : dès lors que les
deux malfaiteurs étaient d'accord pour agir à main armée, chacun des deux porte la responsabilité de la mort que leur
entreprise commune a causée; ils sont donc coauteurs tant du braquage que du meurtre.
S'ils avaient envisagé un simple vol commis par ruse, et que l'un d'entre eux soit venu armé sans que l'autre le sache, seul
l'auteur du coup de feu mortel pourrait être poursuivi du chef de meurtre.
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Cas n° 56 - Deux cents mètres de tunnel pour rien.
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Un facteur soupçonneux a fait
échouer en dernière minute ce qui aurait pu être un nouveau fric-frac du siècle. Trois hommes, au moins, avaient loué une
boutique proche des égouts de Bologne et avaient creusé 200 m. de tunnel en direction de la chambre forte de la caisse
d'épargne, qui contenait 30 milliards de lires. Intrigué par les allées et venues nocturnes de trois hommes, qui chargeaient
un camion de matériaux extraits des égouts, le facteur a alerté la police. Il ne restait plus aux malfaiteurs que dix mètres
à creuser.
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Question : Que peut-on reprocher à ces terrassiers ?
Réponse : Le tribunal se trouve ici devant une hypothèse d'école. Si l'on part
d'une conception subjective de la tentative, on peut dire que les malfaiteurs étaient depuis longtemps entrés dans la phase
d'exécution et qu'il y a donc tentative de vol avec effraction. Mais si l'on part d'une conception ojbective, il faut
constater que les terrassiers n'étaient pas encore arrivés sur les lieux du crime et qu'ils n'avaient accompli aucun acte
d'effraction touchant l'enceinte de la banque ; ce qui ne laisse place qu'à la répression des actes préparatoires.
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Cas n° 57 - Décidée à tuer, mais inexpérimentée.
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La femme d'un gendarme a tiré sur
son mari endormi. Il était 16 h.30, M. G... venait de terminer son service et se reposait dans la chambre. Son épouse en
profita pour subtiliser son pistolet de service et tirer une première balle vers l'homme endormi. Bien qu'ayant fait feu à
bout portant, en direction de la tête, elle rata son objectif ; le projectile traversa l'oreiller puis la cloison, et enfin
une canalisation d'eau qui fut transpercée à son tour. Ignorant qu'elle utilisait un pistolet automatique, l'épouse
essaya de le réarmer mais ne parvint qu'à l'enrayer : le deuxième coup ne partit pas. Comme son mari ne bougeait pas,
elle crut l'avoir tué, et se rendit chez des voisins à qui elle avoua son forfait. Quelques instants après tout le monde fut
surpris de voir M. G... apparaître, sain et sauf, ignorant ce qui venait de se passer, simplement réveillé par la fuite
d'eau. (La Meuse, 17 mai 1978)
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Question : Que peut-on reprocher à l'épouse courroucée ?
Réponse : Si Mme G... avait occis son mari, il aurait fallu parler de meurtre
puisqu'elle a tiré à bout portant en direction de la tête (ce qui caractérise l'intention de tuer) ; mais on n'aurait pu
parler d'assassinat, puisqu'elle n'avait pas étudié à l'avance le fonctionnement du pistolet et qu'elle n'a pas su s'en
servi (ce qui exclut l'idée de préméditation). Puisqu'elle a raté son coup, on peut seulement se tourner vers la théorie de
la tentative; et puisqu'elle a accompli, non seulement un commencement d'exécution, mais l'acte même de commission de
l'infraction, il faut parler de crime manqué.
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Cas n° 58 - Un village sans jeunes filles.
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Au cours de manoeuvres de l'armée
ouest-allemande, les membres d'une compagnie de transmission s'étaient étonnés de ne voir aucune fille dans le village de
Bogen. Un fermier des environs a expliqué que, au cours d'une réunion, les habitants avaient décidé d'enfermer leurs filles
pour les empêcher d'avoir des relations trop étroites avec les soldats. "Le seul endroit où vous puissiez les voir, c'est à
l'église le dimanche; le soir elles tricotent". (La Meuse, 21 septembre)
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Question : Une de ces jeunes filles pourrait-elle se plaindre de séquestration
arbitraire ?
Réponse : Non. Le Code civil fait un devoir impératif aux parents de préserver la
santé et l'intégrité physique comme morale de leurs enfants. En l'espèce, les habitants de Bogen n'ont fait que rempir leur
mission, qui est au demeurant de droit naturel: leur action était donc à la fois licite et légitime.
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Cas n° 59 - Prions, mon frère.
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Un habitant de Melbourne
(Australie) a réussi à neutraliser un cambrioleur en lui demandant de se joindre à lui dans la prière. Réveillé par des
bruits dans sa maison, Peter L... est tombé nez à nez dans l'escalier avec un cambrioleur. Je lui ai dit : "Le sang
de Jésus est sur cette maison", raconte-t-il. Il lui a alors offert du café, et les deux hommes ont prié. L'épouse de M. L...
avait, pendant ce temps, alerté la police ; mais à son arrivée le cambrioleur s'était déjà enfui en voiture. (La
Meuse, 4 janvier 1979)
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Question : Comment analysez-vous cette rare anecdote ?
Réponse : Puisqu'il était déjà entré dans la maison où il envisageait de commettre
un larcin, le malfaiteur avait accompli un commencement d'exécution, et il avait dès lors commis une tentative de vol
avec effraction. Mais, non sans une certaine bienveillance, le tribunal pourrait accepter de dire qu'il y a eu désistement
volontaire de la part du cambrioleur : le seul respect de la divinité ne constitue pas un élément extérieur interrompant une
activité criminelle contre le gré de l'agent. Une réprimande solennelle du juge aiderait même peut-être dans un tel cas au
reclassement du délinquant.
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Cas n° 60 - Une petite tape aux effets désastreux.
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Un homme de 28 ans est mort à
Mazé dans la nuit de mardi à mercredi. C. M... avait rejoint un groupe d'amis, au 2e étage d'un petit immeuble collectif pour
prendre un verre. Peu après minuit il eut une discussion un peu vive avec un jeune homme de 21 ans, J. J.... Celui-ci lui
aurait donné une petite tape sur l'épaule. Hélas, la fenêtre devant laquelle il se trouvait venait tout juste d'être ouverte
à cause de la fumée. C. M..., déséquilibré, bascule en arrière et chute dans le vide. Il atterrit sur la tête, six mètres
plus bas, et meurt sur le coup. J. J... a été écroué. (Ouest-France 13 août 2004)
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Question : Comment convient-il de qualifier les faits ?
Réponse : Si la petite tape sur l'épaule a bien été donnée volontairement, et non
par maladresse, il faut se placer dans le cadre des coups et blessures volontaires et non pas dans celui des délits
d'imprudence. Or, en matière de coups et blessures volontaires, la qualification dépend essentiellement des suites de l'acte
reproché : puisque, en l'espèce, la petite tape a causé le décès de la victime, il y a crime de "coups et blessures
volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la causer".
Cet exemple montre les faiblesses des définitions retenues par le législateur (qui sont nécessairement abstraites, générales
et impersonnelles), et la nécessité d'admettre l'individualisation judiciaire. Mais, en commençant son récit par la mort de
la victime, le rédacteur de l'article souligne l'extrême gravité de ce fait et l'importance du trouble social qu'il
engendre ; comment alors reprocher au législateur de maintenir en la matière une responsabilité quasi-objective ?
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Cas n° 61 - Saint-Yves au Paradis.
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Suivant le légendaire, Saint-Yves
se présenta aux portes du Paradis en compagnie d'un grand nombre de religieuses.
- Qui êtes-vous, demanda Saint-Pierre à l'une de celles-ci ?
- Religieuse, répondit-elle.
- Vous pouvez attendre, une foule de vos soeurs sont déjà ici !
- Et vous, demanda Saint-Pierre à Saint-Yves ?
- Avocat, répondit ce dernier.
- Il n'y en a pas encore parmi nous, vous pouvez entrer tout de suite. (Warée, Curiosités judiciaires
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Question : Celui qui colporte cette légende peut-il être poursuivi pour
diffamation ?
Réponse : Non. La loi pénale, en ce domaine notamment, protège des personnes
individualisables, qu'il s'agisse de personnes physiques ou de personnes morales. Ainsi Molière ne pouvait se voir
reprocher sa critique des médecins dans "Le malade imaginaire", puisqu'il ne visait ni tel médecin précis, ni la confrérie
(l'ordre) des médecins.
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Cas n° 62 - Un vol... de caravanier.
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C'est fou ce que l'on vole de
caravanes en Hollande. Un allemand, prudent, avait préféré dormir dans la sienne. A un moment, il se réveilla en sursaut
: il roulait ! Des gangsters avaient pris le volant de la voiture. Il poussa de grands cris. Les voleurs alarmés ont
rapidement abandonné la caravane. (La Meuse, 27 juin
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Question : Les malfaiteurs peuvent-ils être poursuivis pour vol et enlèvement de
personne ?
Réponse : En ce qui concerne le vol, aucun doute : ils ont pleinement pris
possession du bien d'autrui et ne l'ont abandonné qu'après leur coup réussi, ce qui caractérise une infraction achevée et pas
seulement une tentative.
En revanche on ne saurait leur reprocher un enlèvement et sequestration de personne, puisqu'ils ignoraient qu'il y avait une
personne dans la caravane dérobée ; or toute infraction de pur droit pénal suppose que l'auteur de l'acte reproché ait agi en
connaissance de cause (dol général).
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Cas n° 63 - Le détenu était un athlète.
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Un jeune homme de 19 ans s'est
évadé, hier après-midi, de la maison d'arrêt de Vannes. Il a escaladé le premier mur d'enceinte avant de se retrouver sur le
toit. Très vite les gardiens se positionnent sur le mur de ronde, mais il a déjà rejoint le bâtiment de semi-liberté qui
donne sur des jardins extérieurs. Le second toit qu'il faut franchir ne l'arrête pas, mais il se trouve alors au point
culminant de la prison. Ni une, ni deux, il fait le saut de l'ange. Après une chute de huit mètres, il atterri indemne dans
un jardin. Mais deux policiers très sportifs parviennent finalement à l'arrêter quelques centaines de mètres plus loin.
(Ouest-France, 3 septembre 2004)
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Question : Cet audacieux détenu peut-il être poursuivi du chef d'évasion ?
Réponse : Du point de vue de la science criminelle, non. En effet, selon l'opinion
dominante, l'attrait de la liberté est tel que l'on ne peut reprocher à une personne de chercher à la conserver ou à la
recouvrer, dès lors du moins qu'elle ne se livre pas à des actes de violence sur les biens ou les personnes pour parvenir à
ses fins. Il y a bien délit dans l'abstrait (les complices peuvent donc être sanctionnés), mais ce délit n'est pas imputable
à son auteur.
D'un point de vue disciplinaire, en revanche on peut considérer qu'il y a manquement au règlement intérieur, donc
possibilité de sanction disciplinaire.
En droit positif, depuis une loi du 9 mars 2004, une telle évasion est devenue punissable. L'article 434-27 nouveau du
Code pénal incrimine en effet le simple fait pour un détenu de se soustraire à la garde à laquelle il est soumis.
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Cas n° 64 - Des coups qui font du bien.
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Deux alpinistes, membres de la
récente expédition britannique à l'Everest, se sont retrouvés coincés, par la nuit, près du sommet. Pour se réchauffer, ils
se sont réciproquement donnés de grandes claques toute la nuit. Ils ont pu ainsi regagner, sains et saufs, leur campement.
(La Meuse 15 juin 1976)
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Question : Ont-ils commis une infraction de voies de fait et violences légères
?
Réponse : Observons d'abord que l'infraction est a priori constituée : des
coups volontaires ont été portés, et le consentement donné par la personne touchée n'est pas exonératoire en matière
d'intégrité corporelle. Mais, il y a état de nécessité, donc absence de trouble social, dès lors que les intéressés n'avaient
d'autre moyen pour préserver leur vie.
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Suite des "Petits cas pratiques et faits divers cocasses"