DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL
- Professeur Jean-Paul DOUCET -
Lettre N
(Deuxième partie)
NOM
Cf. Alias*, Faux nom*, État civil*, Pseudonyme*, Usurpation d’état civil*, X… (Poursuites contre)*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° II-9, p.253
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents » , n° 311, p.139-140
- Notion. Le nom, complété du ou des prénoms de l'intéressé, est un vocable servant à identifier, à individualiser, une personne à l’intérieur du groupe social. Il est en principe immuable, sauf cas d'espèce exceptionnel admis par les pouvoirs publics.
Carbonnier (Droit civil) : Le nom est un moyen d’individualisation consistant dans l’usage d’un mot (ou d’une série de mots) pour désigner une personne.
Malaurie (Droit civil - Les personnes) : Le nom permet d'identifier la personne. Mais il n'est pas que cela... sa particulière valeur sociale tient à ce qu'il implique, plus ou moins, le rattachement d'une personne à un groupe social ; il évoque l'histoire familiale de la personne qu'il désigne, en même temps que, de manière incertaine, il en suggère l'origine territoriale, l'appartenance à une religion ou à un État.
De Ferrière (Dictionnaire de droit, v° Nom) : Comme le sieur Boileau a fort maltraité dans une de ses satires le Procureur Rolet en disant : " J'appelle un chat un chat, et Rolet un fripon " ; un des enfants de Rolet qui avait été mousquetaire, et ensuite Capitaine, pour se mettre à couvert des insultes auxquelles il était continuellement exposé, obtint des Lettres du Roi, portant permission de commuer son nom en celui de Saint-But.
- Science juridique. Le nom est, tout à la fois, un attribut de la personne et un élément d'identification sociale. À ce double titre son utilisation doit être encadrée par la loi pénale : dissimulation irrégulière de son nom, utilisation illicite du nom d'autrui, sont autant d'actes qui appellent une sanction pénale.
Cour EDH 5 décembre 2013, n° 32265/10 (Gaz.Pal. 19 décembre 2013 p.39) sommaire : Le nom, en tant qu'élément d'individualisation d'une personne au sein de la société, appartient au noyau dur des considérations relatives au droit au respect de la vie privée et familiale.
Marty et Raynaud (Droit civil) : En même temps que l'objet d'un droit, le nom est une institution de police civile. C'est pourquoi le nom est obligatoire ; dans la vie juridique chaque personne a le devoir de porter son nom patronymique.
Code pénal de Porto Rico. Art. 218 : Sera punie d'une peine de six mois de prison au plus ... toute personne qui, en étant légalement requis par un employé ou un fonctionnaire compétent ... donne un faux nom ou refuse de donner son véritable nom.
Code pénal d'Algérie. Art. 223 - Quiconque se fait délivrer indûment ou tente de se faire délivrer indûment un des documents désignés à l’article 222, soit en faisant de fausses déclarations, soit en prenant un faux nom ou une fausse qualité ... est puni d’un emprisonnement de trois mois à trois ans.
- Droit positif français. Commet un délit, par exemple, celui qui prend un faux nom dans un document public (art. 433-19
C.pén., ancien art. 261C.pén.), ou celui qui prend le nom d’un tiers dans des circonstances pouvant entraîner des poursuites pénales contre celui-ci
(art. 434-23 C.pén., ancien art. 780 C.pr.pén.).
Sur l'utilisation d'un faux nom pour commettre une escroquerie, Voir : Faux nom*,
Escroquerie*.
Cass.crim. 11 janvier 1991 (Gaz.Pal. 1991 I 298 note Doucet) : La connaissance que le nom patronymique, utilisé dans l'un des actes énumérés à l'art. 261 C.pén., n'est pas le sien, suffit à caractériser l'élément intentionnel du délit prévu par ledit article.
Cass.crim. 14 décembre 1971 (Bull.crim. n° 349 p.883) : Est insuffisamment motivé et doit être cassé l'arrêt qui, prononçant condamnation pour usurpation de nom par application de l'art. 780 C.pr.pén., ne précise pas que cette fausse identité a déterminé ou était susceptible de déterminer l'inscription d'une condamnation au casier judiciaire d'un tiers réellement existant.
Cass.crim. 26 septembre 1994 (Gaz.Pal. 1995 I Chr.crim. 35) : Par dérogation aux dispositions de l’art. 132-3 C.pén., les peines prononcées pour usurpation d’état civil se cumulent, sans possibilité de confusion avec celles prononcées pour l’infraction à l’occasion de laquelle l’usurpation a été commise.
NON-ASSISTANCE À PERSONNE EN PÉRIL
Cf. Amour [in fine]*, Aide et assistance (dans le cadre familial)* Charité*, Clameur publique*, Danger*, Détresse (état de)*, Dévouement*, Égoïsme*, Enfant trouvé*, Euthanasie*, Fraternité*, Héroïsme*, Humanité*, Incivilité*, Médecine*, Mise en danger d'autrui*, Omission*, Vie*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° I-409, p.203
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », envers un conjoint n° 216, p.99 ; envers un enfant n° 419, p.262
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° I-II-2, p.140
Voir : G. Levasseur, Non-assistance à personne en péril
- Notion. On parle de non assistance à personne en péril (ou en danger) dans le cas où un individu, constatant qu'une personne se trouve dans une situation telle qu'elle risque de perdre la vie ou de subir un préjudice corporel grave, passe son chemin sans intervenir alors qu'elle pourrait le faire.
Gattegno (Droit pénal spécial) : L’hypothèse visée est celle d’un péril imminent pour autrui, sans que le danger ait nécessairement pour cause un crime ou un délit.
Vitu (Traité de droit pénal spécial) : Née il y a un quart de siècle, l'incrimination de refus de porter secours (plus souvent mais inexactement dénommée "omission de porter secours") est d'une utilisation fréquente ; averti par des procès retentissants, le grand public l'a rapidement intégré à son vocabulaire et cette adoption est signe qu'elle correspond aux exigences de la mentalité populaire : le refus de secourir fait partie des "délits naturels" pour parler comme Garofalo.
Exemple (Ouest-France, 7 septembre 2012) : À Foshan, en Chine, en octobre 2011, Yue Yue, 2 ans , avait été percutée par une fourgonnette puis par un camion, et abandonnée, baignant dans son sang. Une quinzaine de passants ne lui avaient pas porté secours. Hun Jun, l'un des chauffards, vient d'être condamné à trois ans et demi de prison. Il a bénéficié de circonstances atténuantes car, après avoir pris la fuite, il s'était livré à la police et avait payé une partie des frais d'hospitalisation de la fillette.
- Règle morale. Le défaut d'assistance à personne en danger méconnaît le devoir de charité, qui pèse sur chacun d'entre nous, de secourir une personne menacée par un péril grave et imminent, dès lors du moins que ce devoir peut être rempli sans danger grave pour soi-même.
Le livre des récompenses et des peines (Traduction par Stanislas Julien d'un ouvrage taoïste) : Sauvez les hommes dans le danger. Il est dit : si vous sauvez un homme dont la vie est en danger, le ciel prolongera votre existence de douze ans.
Sophocle (Œdipe Roi) : Il n'est pas de plus noble tâche pour un homme que d'aider les autres dans la mesure de sa force et de ses moyens.
Catéchisme de l’église catholique. § 2269 : La loi morale défend d’exposer sans raison grave quelqu’un à un risque mortel, ainsi que de refuser l’assistance à une personne en danger.
Évangile St Luc : Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho, et il tomba sur des bandits ; ceux-ci, après l'avoir dépouillé et roué de coups, s'en allèrent en le laissant à moitié mort. Par hasard un prêtre descendait par ce chemin ; il le vit et passa de l'autre côté. De même un lévite arriva à cet endroit ; il le vit et passa de l'autre côté. Mais un Samaritain, qui était en voyage, arriva près de lui ; il le vit et fut saisi de pitié ; il s'approcha, pansa ses plaies ...
Bautain (Philosophie des lois) : Le médecin est le défenseur de la vie contre la mort, ou il doit l'être. Il faut donc qu'il lutte avec la maladie partout où il la rencontre, et en la combattant il s'expose à recevoir ses coups… Les médecins ne peuvent pas plus reculer devant la maladie que le soldat devant l'ennemi. Pour eux aussi, en maintes circonstances, il faut vaincre ou mourir.
Thomas (Cours de philosophie morale) : C'est un devoir de bienfaisance que d'assister dans le péril tous nos semblables, quels qu'ils soient.
Leclercq (Leçons de droit naturel - T.I) : Il y a pour l'homme, en société, un devoir d'entraide organisée, non seulement en vue d'assurer sa subsistance et sa sécurité, mais en vue d'améliorer les conditions de vie du genre humain.
John Rawls (Théorie de la justice, n° 19) : Voici des exemples de devoirs naturels : aider quelqu'un d'autre qui est dans le besoin ou le danger, à la condition que ce soit possible sans risques ni dommages excessifs pour soi-même...
Exemple d'assistance à personne en péril (Ouest-France 17 février 2017) : Manfred Kick, sur une autoroute près de Muniche, en doublant une Passat, se rend compte que son conducteur est inconscient. Il a alors le réflexe incroyable de se placer devant la voiture et de ralentir afin de stopper sa course folle. La voiture livrée à elle-même a fini par s'arrêter. Manfred a effectué les gestes de premier secours en attendant l'arrivée du Samu local.
- Science criminelle. Si la loi morale nous fait obligation de porter assistance à une personne qui se trouve en
péril, la loi pénale a longtemps hésité à intervenir sur ce terrain. L'argument technique le plus souvent avancé était tiré d'une certaine répugnance des
pénalistes à incriminer une simple abstention ou omission : seuls les actes de commission peuvent en effet clairement révéler l'élément moral d'une
infraction pénale.
Si le législateur a cru devoir passer outre à cette objection, pour leur part les juges doivent se montrer très prudents pour déclarer le dol général
constitué et le prévenu pénalement coupable.
Voir : Tableau des incriminations protégeant la vie (selon la science criminelle)
Code Ta-ts’ing (Trad. Boulais) : Ceux qui, rencontrant une barque naufragée, ne lui porteront aucun secours et laisseront les passagers se noyer, seront passibles : le principal coupable de la peine portée contre les meurtriers simples.
Code pénal du Luxembourg. Art. 410-1 : Sera puni d'un emprisonnement de huit jours à cinq ans ... celui qui, sans danger sérieux pour lui-même ou pour autrui, s'abstient volontairement de venir en aide ou de procurer une aide à une personne exposée à un péril grave, soit qu'il ait constaté par lui-même la situation de cette personne, soit que cette situation lui ait été décrite par ceux qui sollicitent son intervention. Il n'y a pas d'infraction lorsque la personne sollicitée a fait toutes les diligences pour procurer le secours par des services spécialisés.
On peut remarquer que la non-assistance à personne en péril côtoie parfois le refus de prolonger artificiellement la vie d'un patient en phase terminale et reconnu incurable, voire l'euthanasie.
Cass.crim. 7 mars 2017, pourvoi n°16-80.754 : Pour confirmer l'ordonnance disant n'y avoir lieu à suivre contre quiconque, l'arrêt retient que l'instruction a démontré que Simone X... a bénéficié de soins adaptés à son état, soit d'un traitement antibiotique et de tous les soins qu'elle était en mesure de supporter, décidés, dans des circonstances d'urgence, en concertation entre, d'une part, les praticiens, lesquels s'accordaient sur la gravité de son état de santé et sur l'inefficacité de toute technique de réanimation et d'autre part, M. Christian X... et qu'il ne saurait dès lors être reproché à ce dernier ou au personnel soignant d'avoir refusé ou de s'être abstenu volontairement de secourir la patiente ; en l'état de ces énonciations, la chambre qui a estimé qu'il n'y avait pas de charges suffisantes à l'encontre de M. Christian X... ou de quiconque d'avoir refusé ou de s'être abstenu volontairement de secourir Simone X... a justifié sa décision.
- Droit positif français. L'art. 223-6 al. 2 du Code pénal nouveau a sanctionné l’omission de porter secours à une personne en danger (art. 63 al. 2 du Code de 1810 dans ses dernières années). Mais il n’exige pas l’héroïsme ; il se borne à inviter celui qui voit autrui en péril à lui apporter toute l’aide possible, sans pour autant se mettre lui-même dans une situation dangereuse.
Voir : Tableau des incriminations protégeant la vie (en droit positif français)
Voir : Tableau des incriminations protégeant l'intégrité corporelle (en droit positif français)
Cass.crim.
4 mai 2013, n° 12-85874 : Pour le déclarer coupable,
l'arrêt retient que le prévenu qui a découvert le corps d'une
personne qui venait de se pendre et dont on lui a indiqué
qu'elle bavait et qu'elle avait encore les mains chaudes, a
reconnu qu'il s'était opposé à ce qu'on la dépende sans avoir
procédé à aucune vérification personnelle de son état et en
indiquant qu'il n'avait pas pensé à regarder si elle était morte
;
la cour d'appel ajoute que l'appel téléphonique par lui effectué
aux services de police pour provoquer des secours ne saurait
l'exonérer dès lors que l'art. 223-6, al. 2, C.pén. qui fait
devoir à celui qui est en état de le faire sans risque pour lui
ou pour les tiers, de porter assistance à une personne en péril
soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours,
n'a pas entendu ouvrir une option arbitraire entre deux modes
d'assistance mais fait, tout au contraire, obligation
d'intervenir, s'il le faut, par leur emploi cumulatif ;
en se déterminant ainsi, et dés lors que, même si l'aide
apparaît vouée à l'inefficacité en raison de la gravité de
l'atteinte corporelle, elle ne peut être refusée lorsqu'elle est
exempte de risque pour celui qui y est tenu ou pour les tiers.
Cass.crim. 3 février 1993 (Bull.crim. n° 58 p.137) : Le délit d'omission de porter secours prévu par l'art. 63 al. 2 C.pén., n'est constitué que lorsque le prévenu, ayant eu conscience du degré de gravité du péril auquel se trouvait exposée une personne, s'est abstenu volontairement de lui porter secours. Encourt dès lors la cassation l'arrêt qui, pour caractériser l'élément moral de ce délit, se fonde sur une erreur de diagnostic portant, en l'espèce, sur l'utilité d'une réanimation.
Cass.crim. 26 avril 1988 (Gaz.Pal. 1988 II 844 note Doucet) : A caractérisé les éléments matériels et intentionnel du délit prévu à l'art. 63 al. 2 C.pén. à la charge de l'un des auteurs d'un livre intitulé « Suicide mode d'emploi » la Cour d'appel qui a constaté qu'alors qu'une personne souffrant d'une grave dépression nerveuse lui avait demandé des précisions sur certaines des méthodes décrites dans l'ouvrage, puis sur la dose mortelle d'un médicament cité dans le livre et qu'on venait de lui prescrire, le prévenu, auquel il était possible soit d'user de l'influence qu'il pouvait avoir sur cet être faible pour le dissuader, soit d'alerter une association de prévention, non seulement s'était abstenu de provoquer toute aide et de tenter de conjurer le péril, mais encore, en fournissant au désespéré les renseignements demandés, lui avait permis de mettre son projet à exécution, un tel comportement témoignant de sa volonté de ne pas porter assistance à une personne qu'il savait en danger.
Cass.crim. 24 juin 1980 (Bull.crim. n° 202 p.527) : La qualification de coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner n'est pas exclusive de celle de refus de porter secours à une personne en péril.
Trib.corr. Les Sables d’Olonne, 7 décembre 1995 (D. 1996 J 473 note M. Morin) : Se rend coupable du délit prévu et réprimé par l’art. 223-6 (non-assistance à personne en danger) C.pén. le capitaine d’un navire étranger qui a abordé dans les eaux internationales un navire de pêche, entraînant le naufrage de ce dernier et qui s’est abstenu de se porter au secours des marins en détresse.
Encore faut-il que celui qui intervient n’ait pas à craindre les trop fréquentes tracasseries administratives.
Montaigne (Essais) : Des paysans viennent de m’avertir en hâte qu’ils ont laissé présentement dans une mienne forêt un homme meurtri de cent coups, qui respire encore et qui leur a demandé de l’eau par pitié et du secours pour le soulever. Ils disent qu’ils n’ont osé l’approcher et s’en sont enfuis de peur que les gens de justice ne les y attrapassent et qu’ils n’eussent à rendre compte de cet accident.
- Circonstance aggravante (délit spécial). Ce délit est plus grave lorsque la personne en danger est menacée d'un crime ou d'un délit contre l'intégrité des personnes. L'art. 223-6 al. 1 prévoit dans ce cas une peine de sept ans d'emprisonnement.
Voir : J-P. Doucet, « La protection de la personne humaine » (4e éd.), n° I-415, p.209
Cass.crim. 31 mars 1992 (Gaz.Pal. 1992 II Chr.crim. 357) : A pu renvoyer l'inculpée devant la cour d'assises, du chef de non-empêchement de crime ou de délit, la chambre d'accusation qui expose, d'une part, que son mari aurait à plusieurs reprises imposé à leur fille adoptive, en la menaçant si elle lui résistait de la chasser du foyer familial, des relations sexuelles, et, d'autre part, qu'informée dès l'origine de tels agissements, elle se serait abstenue d'intervenir efficacement pour en empêcher le renouvellement, allant même jusqu'à s'absenter «pour laisser le champ libre» à son mari.
Cass.crim. 23 octobre 2013, n° 12-80793 : Pour déclarer le prévenu coupable du délit d'omission d'empêcher une infraction, l'arrêt relève, en substance, que le Dr X..., sachant que plusieurs membres du personnel avaient un comportement maltraitant envers des pensionnaires âgés et dépendants, s'est abstenu d'intervenir auprès de l'encadrement des infirmiers, même s'il n'avait pas autorité sur le personnel soignant, afin que soient prises des dispositions, telles qu'une meilleure surveillance, tendant à prévenir le renouvellement de faits constituant des atteintes à l'intégrité de personnes hospitalisées ; l'arrêt ajoute qu'en cas d'échec de cette démarche, il lui appartenait de s'entretenir de la situation avec la direction de l'hôpital afin que la qualité des soins prodigués aux pensionnaires soit préservée par des mesures appropriées ; en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, et sans méconnaître le principe du secret médical, caractérisé les éléments constitutifs du délit précité.
Exemple (Ouest-France, 1er février 2013) : Trois hommes comparaissaient hier devant le tribunal correctionnel de Quimper pour abstention volontaire d'empêcher un délit contre l'intégrité d'une personne. Le 30 mars 2008, un Quimpérois âgé de 25 ans meurt torturé par un dealer pour une dette de 140 € de cannabis. La scène dure quelques minutes, trois hommes y assistent. Aucun n'est intervenu que ce soit physiquement ou en appelant les secours. Deux ont écopé de neuf mois avec sursis. Le troisième, déjà emprisonné, a été condamné à un an ferme.
NON BIS IN IDEM
Cf. Action publique*, Amende - Amende civile*, Chose jugée*, Droit - droit naturel*, Extradition*, Principes généraux du droit*, Sanction (sanction disciplinaire)*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° 110, p.70
- Notion. La maxime Non bis in idem interdit à la justice répressive de poursuivre et de condamner, une même personne, deux fois pour un seul et même fait.
Pothier : La bonne foi ne permet pas que l’on demande deux fois la même chose.
Cass.crim. 19 janvier 2005 (Bull.crim. n° 25 p. 66) : Un même fait ne peut donner lieu contre le même prévenu à deux actions pénales distinctes.
- Règle morale. Cette maxime, qui nous vient du droit romain, se présente comme une règle universelle de justice et d'équité.
Digeste. Ulpien, sur l'Édit du préteur : Si l'on intente plusieurs fois l'action pour la même cause relative au même fait, on pourra opposer l'exception ordinaire de chose jugée.
Dupin (Règles de droit et de morale) : Pilate prit Jésus et le fit fouetter ... Voilà l'arrêt de Pilate, c'est une décision injuste, mais utile toutefois pour élever toute nouvelle procédure en raison du même fait. [Dupin en déduisait l'irrégularité de la suite des poursuites]
- Science criminelle. Relevant du droit naturel, cette règle s'impose à tout juge, même en l'absence de texte légal la consacrant. Elle s'analyse en une fin de non-recevoir.
Voir : J. Ortolan, L'autorité de la chose jugée (La règle "Non bis in idem")
Berlier, le 17 fructidor An XII : La maxime « non bis in idem » appartient au droit universel des nations.
Fiore (Traité de droit international) : Une fois jugé et libéré de sa peine, le coupable ne devrait pas de nouveau être mis en jugement et condamné à raison du même fait.
Chevalier Braas (Précis de procédure pénale) : La règle "non bis in idem" forme obstacle à ce que la même poursuite soit reproduite devant les tribunaux. On ne pourrait punir de nouveau un coupable déjà frappé à raison d’un délit. On ne pourrait, non plus, remettre en prévention un individu déjà acquitté. Le renouvellement de poursuites terminées aboutirait à créer un véritable climat d’insécurité sociale.
Cass. belge 2e Ch. 22 octobre 1973 (Pas. 1974 I 195) : Le jugement rendu en violation du principe général de droit « non bis in idem » est illégal.
Code pénal du Pérou. Punir une personne en prenant en considération ses infractions précédentes, dont les conséquences pénales ont pourtant déjà été tirées, entraîne une violation du principe Non bis in idem.
Les récentes conventions internationales lui ont d'ailleurs conféré une autorité supérieure à celle des lois.
Conv. EDH (7e protocole, art.4) : Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions d’un même État en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet État.
Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Art. 50 : Droit à ne pas être jugé ou puni pénalement deux fois pour une même infraction - Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné dans l’Union par un jugement pénal définitif conformément à la loi.
- Droit positif français. L'art. 6 al.1 du Code de procédure pénale observe et consacre cette règle lorsqu'il énonce que l'action publique s'éteint par l'autorité de la chose jugée.
Principe. Cette règle d’ordre public s’applique normalement lorsque l’intéressé a déjà été acquitté pour le fait considéré : une décision définitive éteint définitivement l’action publique.
Cass.crim. 6 janvier 1999 (Gaz.Pal. 1999 Chr.crim. 82) : En vertu du principe «non bis in idem», un même fait ne peut entraîner une double déclaration de culpabilité ni être retenu comme élément constitutif d’un crime et comme circonstance aggravante d’une autre infraction. En l’espèce, en retenant les mêmes violences à la fois comme élément constitutif du crime de viol et du délit de violences volontaires et comme circonstance aggravante du délit de vol, la Cour d’assises a méconnu le principe ci-dessus rappelé.
Cass.crim. 2 avril 2014, pourvoi n° 13-80474 : Un étranger ayant commis hors du territoire de la République un crime ou un délit puni d'emprisonnement contre une victime de nationalité française ne peut échapper à toute poursuite en France que s'il justifie avoir été définitivement jugé à l'étranger pour les mêmes faits... Le classement sans suite par le ministère public près une juridiction étrangère, confirmé par cette juridiction, qui dit n'y avoir lieu à exercice de l'action publique, sauf survenance de faits nouveaux, n'a pas valeur de jugement définitif au sens des art. 113-9 C.pén. et 54 de la Convention d'application des accords de Schengen.
Cass.crim. 9 mai 1961 (Bull.crim. n° 241 p. 464) : La nullité de la poursuite engagée en violation de la règle non bis in idem intéresse l’ordre public et peut être invoquée à tout moment.
Violation du principe. Le général Rossi, vainqueur des troupes Piémontaises et Autrichiennes, fut renvoyé devant la Cour martiale de Grenoble pour n’avoir pas détruit leurs magasins et s’être retiré trop tôt. Acquitté par le jury et la Commission militaire, il n’en fut pas moins traduit devant le Tribunal révolutionnaire. A l’interrogatoire préalable, il répondit au juge Subleyras qu’ayant été jugé par un jury et confirmé par une Commission militaire, pour le même objet, il ne pouvait plus être traduit devant aucun tribunal. Argument rejeté, accusé condamné à mort le 8 pluviôse an II.
Limites. La règle non-bis in idem ne s’applique toutefois qu’à deux poursuites fondées sur des faits identiques. En outre son domaine est restreint au droit pénal pur ; elle ne s’oppose pas à des poursuites successives, la première devant les tribunaux répressifs, la seconde devant les juridictions disciplinaires.
Cass.crim. 25 mars 1954 (Arrêt Thibaud) : Mais l’adage non bis in idem ne peut être invoqué lorsque les faits sur lesquels est fondée une seconde poursuite ne se confondent pas avec ceux qui ont servi de base à une première action.
Cass.crim. 7 septembre 2004 (Bull.crim. n° 200 p.717) : La règle non bis in idem, consacrée par l’art. 4 du protocole n° 7 additionnel à la Conv. EDH, n’interdit pas le prononcé de sanctions disciplinaires parallèlement aux sanctions infligées par le juge répressif.
NON-CUMUL - Voir : Cumul des peines*.
NON-DÉCLARATION DE NAISSANCE par une personne ayant assisté à l'accouchement (l’article 433-18-1 C.pén.) .
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », n° 312, p.142
NON-DÉNONCIATION DE CRIME (à venir)
Cf. Dénonciation*, Enfant*, Personnes vulnérables*, Prévention*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° I-I-114, p.89
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° I-415 p.209
Voir : Tableau général des incriminations (2e colonne)
- Notion. L'idée est qu'il est du devoir de chacun d'avertir l'autorité publique d'un crime qui se prépare, tant qu'il en est encore temps, afin qu'elle puisse intervenir avant que les agissements dénoncés n'aient causé une atteinte à l'intérêt juridique menacé.
Vitu (Droit pénal spécial) : La dénonciation ne jouit pas, dans le public, d’une faveur bien grande. Dénonciation et délation sont souvent confondues dans une même réprobation, alors que la seconde seule est moralement blâmable, parce qu’elle n’est autre que le moyen d’assouvir une rancœur ou de gagner de l’argent par un moyen vil … On ne peut refuser à l’État l’obligation de maintenir l’ordre et le droit de demander à chacun son concours dans la répression des infractions les plus graves. Dénier aux citoyens la possibilité et même le devoir de dénoncer ces infractions, c’est faire triompher un individualisme forcené, c’est faire de l’égoïsme et de l’indifférence à l’égard de la chose publique la loi des relations humaines. Il n’est pas plus moral de ne pas dénoncer que de laisser mourir son prochain sans le secourir.
- Règle morale. De manière générale, la morale impose de porter secours à une personne en péril. Il en est particulièrement ainsi lorsque cette personne risque d'être victime d'un crime, tel qu'un meurtre.
Pontas (Dictionnaire de cas de conscience) : Apollonius sait qu'Arnoul va commettre un grand crime ; est-il obligé de l'accuser ? Sans accuser en forme, on peut et l'on doit avertir les supérieurs de veiller en telle occasion.
- Science criminelle. Si la non-dénonciation d’un crime à venir constitue une faute au regard de la morale,
une démocratie libérale répugne à transformer chaque citoyen en dénonciateur virtuel ; d’autant qu’il est délicat de donner de cette faute une définition
qui satisfasse le principe de la légalité des incriminations.
Depuis quelques années, cette réticence fléchit dans le cas, soit d’un crime (au sens strict du terme) à venir, soit d’un crime en cours dont il encore
possible de limiter les effets, soit d’un crime passé dont on peut craindre le renouvellement.
Voir : Tableau des incriminations protégeant la Constitution (selon la science criminelle)
Voir : Tableau des incriminations protégeant le pouvoir législatif (selon la science criminelle)
Voir : Tableau des incriminations protégeant le pouvoir exécutif (selon la science criminelle)
Voir : Tableau des incriminations protégeant la vie (selon la science criminelle)
Digeste de Justinien, 48, 9, 2. Marcien : Un frère qui avait seulement connu le projet de parricide, et ne l'avait pas indiqué à son père, a été envoyé en exil ; et le médecin livré au supplice.
Le Foyer (Le droit pénal normand au XIIIe siècle) rapporte la décollation, le 30 avril 1075 du comte Waltheof, exécuté pour n'avoir pas révélé la conjuration de Roger, comte de Hereford et de Raoul de Gaël.
Code pénal de Yougoslavie. Art. 279 : Celui qui, ayant eu connaissance de la préparation d’une infraction passible d’une peine d’emprisonnement sévère … n’aura pas dénoncé ces préparatifs d’infraction à un moment où il aurait encore été possible d’en empêcher la consommation, et si l’infraction est tentée ou consommée, sera puni de l’emprisonnement.
Code pénal de Colombie. Art. 417 : L'employé public qui, ayant connaissance de la commission d'un acte répréhensible sur lequel il doit être informé d'office, ne rend pas compte à l'autorité compétente, encourt une amende et la perte se son emploi ou de sa charge publique.
Code pénal de Hongrie, a. 261 : La personne qui prend connaissance de renseignements sûrs, laissant à penser que la perpétration d'un acte de terrorisme est en préparation, et ne les rapporte pas aux autorités dès qu'il le peut, commet un crime punissable d’emprisonnement jusqu'à trois ans.
Exemple (Télétexte 6 février 206) : Le premier procès aux États Unis, en lien direct avec les attentats du 11 septembre, s’ouvre aujourd’hui près de Washington. Il s’agit de sélectionner les jurés chargés de décider du sort de Zacarias Moussaoui, accusé de ne pas avoir dénoncé aux autorités les attentats en préparation.
- Droit positif français. L’art. 434-1 C.pén. (art. 62 al.1 ancien) fait obligation à celui qui en prend connaissance d’en informer l’autorité publique. L’art. 434-3 incrimine le fait de ne pas dénoncer des sévices visant un enfant ou une personne vulnérable.
Voir : Tableau des incriminations protégeant la Nation contre les actes de terrorisme (en droit positif français)
Voir : Tableau des incriminations protégeant la vie (en droit positif français)
Voir : Tableau des incriminations assurant le bon fonctionnement de la justice (en droit positif français)
Zambeaux (Juris-classeur pénal art. 434-1) : En ce qui concerne la non-dénonciation de crime, l’idée est de demander à ceux qui ont connaissance d’une infraction d’apporter leurs concours à la justice et à la sécurité, en portant celle-ci à la connaissance des autorités. Cette idée, que l’on considérait surtout comme d’ordre moral, n’avait fait l’objet d’aucune sanction dans le Code pénal de 1810.
Cass.crim. 2 mars 1961 (Bull.crim. n°137 p.265) : La loi n’édicte pas une obligation générale de délation à l’égard de toute personne que l’on sait coupable d’un crime… ; ce n’est pas l’identité ou le refuge du criminel qui doit être portée à la connaissance des autorités, mais seulement le crime lui-même, afin de permettre à ces autorités de prendre les mesures propres à éviter qu’il achève de produire ses effets, ou qu’il soit suivi d’autres crimes.
Cass.crim. 12 mai 1999 (Juris-Data 003263) : La loi n’a pas défini, à l’art. 434-1 C.pén., les circonstances qui rendent la dénonciation obligatoire pour prévenir et empêcher les effets des crimes commis ou la survenance de nouveaux crimes. Leur appréciation est donc confiée à la juridiction répressive qui possède à cet égard un pouvoir souverain que la Cour de cassation ne saurait remettre en cause.
NON-DÉNONCIATION D'INFRACTION commise à l'encontre d'un mineur (art. 434-3 C.pén.).
Voir : J-P. Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », n° 419, p.262
NON-DROIT (Périodes et zones de)
Cf. Couvre-feu*, Discrimination*. Force*, Loi du plus fort*, Légalité*, Nuit*, Sécurité publique*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° 134, p.111 note 6
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-II-210, p.146
- Notion. D'origine doctrinale, l’expression « non-droit » désigne une activité, un lieu, ou un moment qui n’est aucunement, ou incomplètement, couvert par la loi.
Tarde (La philosophie pénale) : Le droit et le non-droit, le devoir de faire et le devoir de ne pas faire, c’est la catégorie du bien et du mal appliquée aux tendances et aux actes, aux propriétés et aux activités, c’est le bien et le mal fonctionnels.
Digeste de Justinien, 47, X, 1 (traduction Hulot). Ulpien : Quelquefois une iniquité est dite injure, comme lorsque quelqu'un a rendu un jugement inique ou injuste ; ce jugement est dit injure, parce qu'il manque de justice et de droit, il est comme non-juria, non-droit.
Carbonnier (L’hypothèse du non-droit) : Le non-droit, s’il faut en donner une première approximation, est l’absence du droit dans un certain nombre de rapports humains où le droit aurait vocation à être présent. Ce n’est pas, bien sûr, l’anti-droit, le droit injuste, qui est un phénomène positif. Ce n’est pas non plus le sous-droit, tel qu’il peut se produire dans la sous-culture de certains groupements particuliers (droit folklorique). Le non-droit, au contraire, a une négativité caractéristique… Le type du lieu de non-droit est donné par le droit d’asile, sous les formes multiples qu’il a revêtues dans l’histoire… Le calendrier judiciaire de la Rome antique est un témoignage des temps de non-droit, avec ses jours néfastes fermés aux actions de la loi.
Jean-Luc [un magistrat] (Gaz.Pal. 1999 Doct. 2060) a intitulé une chronique : Halte aux dérives d'un état de non-droit qui s'instaure.
Toulouse (1re Ch.) 4 juin 1984 (Gaz.Pal. 1984 II somm. 444) parle de la confusion législative, voire de la situation de non-droit, qui se sont instaurées dans les années qui ont suivi la Révolution, avant que ne soit accepté et ne s’installe vraiment le droit positif actuel.
Il importe de ne pas confondre les zones de non-droit et les ghettos. Les premières sont constituées de territoires où la loi nationale n'est pas appliquée et où les forces de police répugnent à pénétrer. Elles se trouvent alors placées sous la coupe des plus forts et des plus rusés (par exemple la Cour des miracles dans l'Ancien Paris, ou encore les quartiers de villes où sévissent des gangs trafiquant de la drogue).
Tarde (La philosophie pénale) : Assez souvent la criminalité inférieure des villes prend le masque de la mendicité. Il en était ainsi dans l'ancien Paris où les faux mendiants, les faux infirmes, vraies bandes d'escrocs, avaient pour caserne leur Cour des Miracles. A Pékin, cette organisation redoutable dure encore.
Bauer et Perez (L'Amérique la violence et le crime) : Les gangs, organisations ethniques et territoriales, constituent l'un des problèmes majeurs de la criminalité américaine... L'histoire américaine montre qu'à peu près toutes les nationalités présentes aux États-Unis ont généré leurs propres gangs d'adolescents et de jeunes adultes. Les plus nombreux furent irlandais, puis italiens et porto-ricains.
Les second sont les endroits d'une ville où se regroupent (ou sont regroupées) des personnes obéissant à une loi d'origine étrangère et vivant selon leurs propres us et coutumes. Il en était ainsi du ghetto juif de Vienne ; tel est encore le cas des lieux aménagés pour accueillir les gens du voyage.
Daudet (Les Contes du lundi) : Au milieu du vacarme de 1870, une chose m'a frappé : c'est la tranquillité de la rue Lappe et des ruelles et passages qui rayonnent autour. Il y a là comme un ghetto auvergnat, où les enfants du Cantal trafiquent paisiblement sur leurs vieilles ferrailles, sans plus s'occuper de l'insurrection que si elle était à mille lieux.
Le livre noir de la condition des chrétiens dans le monde : Dans les villes de la plaine de Ninive et au Kurdistan, où se concentre la grande majorité des Chrétiens, la pression démographique des musulmans pèse comme une épée de Damoclès. Un esprit de ghetto s'est installé dans les cœurs et dans les têtes.
- Exemples. Les jours
dédiés à un carnaval, où il est d'usage de se promener porteur
d’un masque, sont traditionnellement conçus comme des périodes
de sommeil de la loi (« aujourd’hui tout est permis » dit une
chanson).
Plus grave certaines banlieues de grandes villes sont devenues, en fait, des zones de non-droit où les agents du
pouvoir exécutif hésitent à s’aventurer. .
Trib.com. Paris 26 janvier 1998 (Gaz.Pal. 1999 II somm. 635) : Une ZAC n’est pas une zone de non-droit, et il n’appartient pas à ce Tribunal de décider que le fait de quitter son véhicule pour consulter un plan urbain, en France, constitue une faute.
Trib.inst. Troyes 15 novembre 1984 (Gaz.Pal. 1985 II somm. 248) : Il est de l’essence du carnaval de permettre et de tolérer ce jour-là une certaine inversion des valeurs sociales (relaxe d’un prévenu poursuivi pour avoir brocardé certaines personnalité locales).
Actualité (Le Figaro 20 octobre 2010) : Les obsèques de deux policiers tués mardi au Plessis-Trévise se sont déroulées sous le signe de la colère. Un CRS a dit : « On ment aux Français, les zones de non-droit existent ».
Mgr Centène (Ouest-France 23 juin 2006) : Accepter la tenue d'une rave-party consiste à organiser, pour le profit de quelques-uns, et aux frais des contribuables, une zone de non-droit au coeur de laquelle toutes les déviances et tous les trafics sont favorisés.
Corato (Grands criminels et grands bandits) : Dans l'histoire de Gilles de Rais, la géographie joue un rôle déterminant. En effet, il vient au monde aux confins du royaume de France, dans une de ces « Marches » dont on sait qu'elles étaient marquées par la violence et le non droit.
NON-JUSTIFICATION DE RESSOURCES
Cf. Proxénète*, Recel*.
Une loi du 23 janvier 2006 a créé un délit de non-justification de ressources, qui vient compléter la classique incrimination du recel. Ce délit, qui a été inséré dans le Code pénal (art. 321-6), vise celui qui ne peut justifier de son train de vie alors qu'il se trouve en relations habituelles avec des individus qui se livrent à la commission de crimes et délits.
Cass.crim. 13 juin 2012, n° 12-90027 : Le délit de non-justification de ressources est défini de façon claire et précise et ne repose sur aucune présomption de responsabilité.
Cass.crim. 27 février 2013, n° 12-81063 (Bull.crim. n°50 p.98) : Ne méconnaît pas la présomption d’innocence, la cour d’appel qui, pour entrer en voie de condamnation du chef de non justification de ressources, relève que le prévenu est en relations habituelles avec une personne se livrant à la commission de crimes ou de délits punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement, sans constater que celle-ci a fait l’objet d’une condamnation définitive pour ces faits.
NON-LIEU
Cf. Refus d’informer*, Relaxe*.
Voir : Ordonnance de non-lieu
- Notion. Un arrêt ou une ordonnance de non-lieu est une décision de la juridiction d’instruction selon laquelle l’affaire examinée de peut avoir de suite judiciaire, soit pour une raison de droit, soit pour une raison de fait (art. 177 C.pr.pén.).
Garraud (Précis de droit criminel) : L’ordonnance de non lieu est celle par laquelle le juge déclare qu’il n’y a pas lieu de poursuivre. Elle prescrit l’élargissement de l’inculpé, s’il a été arrêté. Elle est motivée, soit en fait, soit en droit : en fait si elle porte qu’il n’y a pas de charges suffisantes, soit de l’existence du délit, soit de la culpabilité de l’agent ; en droit si elle affirme que le fait, bien qu’établi, n’est pas punissable ou que l’action publique est éteinte.
Code de procédure pénale espagnol, Art. 634 : Le non-lieu peut être pur et simple ou provisoire, total ou partiel. Si le non-lieu est partiel, on décidera d’ouvrir le débat oral à l’égard des inculpés qui n’en bénéficient pas. S’il est total, on ordonnera de classer aux archives le dossier et les pièces à conviction qui n’ont pas de propriétaire connu.
Césaire (L’affaire Petiot) : Fourrier, rabatteur de Petiot, a bénéficié d’un non-lieu avant l’ouverture du procès... A la question : « Vous êtes-vous inquiété de savoir comment avait lieu le passage vers l’étranger ? », il a répondu : « Certainement pas, le docteur m’avait dit que c’était secret ! ».
Un non-lieu est motivé en droit lorsqu’il apparaît que les faits reprochés ne peuvent recevoir une qualification pénale, ou sont prescrits, ou sont couverts par un fait justificatif, ou ont été commise par une personne alors qu’elle se trouvait sous l’empire d’un trouble mental. Une fois définitif, un tel non-lieu est en principe irrévocable.
Donnedieu de Vabres (Droit criminel) : Une ordonnance de non-lieu est motivée en droit quand le juge estime que la poursuite est exclue pour une raison d’ordre juridique. C’est, par exemple, que le fait imputé ne constitue, aux termes de la loi pénale, ni un crime ni un délit. Quand l’ordonnance est ainsi motivée en droit elle a (sous réserve de l’appel) un caractère définitif.
Un non-lieu est motivé en fait lorsque le juge d’instruction ne trouve pas dans le dossier de charges suffisantes pour saisir la juridiction de jugement. Un tel non-lieu n’empêche pas la réouverture, par le ministère public, de l’instruction en cas de découverte de faits nouveaux ou de preuve nouvelle.
Code de procédure pénale espagnol, Art.641. - On prononcera le non-lieu provisoire : 1.° Lorsque la commission du délit qui a motivé la poursuite n’apparaît pas comme dûment établie. 2.° Lorsqu’il résulte de l’instruction qu’un délit a bien été commis mais qu’il n’y a pas de motifs suffisants pour accuser une personne ou plusieurs personnes déterminées comme auteurs, complices ou receleurs.
Cass.crim. 10 novembre 1980 (Gaz.Pal. 1981 I somm. 138) : En application des art. 188 et s. C.pr.pén., l’inculpé à l’égard duquel la juridiction d’instruction a dit n’y avoir lieu à suivre ne peut plus être recherché à l’occasion du même fait à moins qu’il ne survienne de nouvelles charges, auquel cas seul le ministère public peut prendre des réquisitions tendant à la réouverture de l’information.
- Publication de la décision de non-lieu. Les art. 177-1 et 212-1 du Code de procédure pénale française autorisent le juge d'instruction et la chambre de l'instruction à ordonner la publication de la décision de non-lieu, notamment sur la demande de la personne concernée. L'innocence de l'intéressé est ainsi rendue publique.
Cass.crim. 6 mars 2007 (Bull.crim. n° 68 p.353) : Seule une personne ayant été mise en examen peut demander à la chambre de l'instruction d'ordonner, en application de l'art. 212-1 C.pr.pén., une mesure de publication de l'arrêt de non-lieu la concernant.
NON-PAIEMENT DE PENSION ALIMENTAIRE
Cf. Abandon de famille*, Abandon de foyer*, Abandon d'enfant*, Enfant*, Famille*, Mépris des décisions de justice*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », n° 508, p.329 / voir la Table alphabétique, p.355
Voir : Tableau des incriminations protégeant la vie familiale (selon la science criminelle)
- Notion. Le délit de non paiement de pension alimentaire résulte du fait, pour celui qui a été condamné en justice à verser une pension alimentaire à telle ou telle personne de sa famille, de se soustraire à cette injonction deux mois ou plus.
Monzein (Le mariage) : L’abandon de famille peut se définir comme l’abstention volontaire, pendant plus de … mois, de payer une pension alimentaire allouée par une décision judiciaire, en vertu d’une obligation de famille.
Rigaux et Trousse (Les crimes et délits du Code pénal belge, T.V) : Le délit d'abandon de famille consiste essentiellement en la non-exécution volontaire et persistante d'une décision judiciaire condamnant un individu à une pension alimentaire dans le cadre des obligations de famille.
- Règle morale. Le père et la mère ont le devoir de participer à l'ensemble
des besoins de leur famille, et en particulier de leurs enfants
; ce, bien évidemment, dans la mesure de leurs facultés.
Négliger ce devoir constitue une faute manifeste, même après la
rupture du lien conjugal.
Ce devoir ne cesse pas en effet du seul fait que les parents divorcent ;
il se concrétise alors par un jugement fixant le montant de la pension alimentaire qui est dû.
Gousset (Théologie morale) : Le père et la mère sont tenus conjointement, chacun selon ses facultés, de contribuer à l'éducation de leurs enfants. Cette obligation leur est naturellement commune, et doit être acquittée solidairement, quand même il n'y aurait plus communauté de biens entre les époux.
Baudin
(Cours de philosophie morale) : Les époux se doivent
réciproquement... l'entraide dans les besoins, les maladies, les
épreuves de toute sorte.
Pendant le temps de leur formation, les parents doivent à leurs
enfants l'entretien (nourriture, vêtement, logement etc.) et
l'éducation...
- Science criminelle.
L'infraction de non-paiement de pension alimentaire s’étage sur deux niveaux.
Elle
suppose au départ une double Condition
préalable*, à savoir l'existence
de liens de famille (en sorte que l'incrimination apparaît
d'abord comme protégeant des intérêts familiaux), ensuite d'une
condamnation judiciaire au paiement d’une pension alimentaire
(en sorte que l'incrimination apparaît ensuite comme protégeant
l’autorité des décisions de justice).
L'infraction se commet, sur le plan matériel, par le fait de
négliger, pendant plusieurs mois de suite (deux en règle
générale), de verser intégralement
la pension fixée par le tribunal à ses proches. Pour que l'infraction soit constituée
sur le plan de l'élément moral, il faut que l’agent
ait agi délibérément.
Puisqu'elle protége deux intérêts juridiques distincts cette
incrimination s'analyse en un Délit composé*.
Levasseur (Observations sous Cass.crim. 4 juin 1970, Gaz.Pal. 1970 II 122 et notre note) : Cette décision souligne une fois de plus que le législateur veut sanctionner davantage le mépris dans lequel a été tenu une décision de justice exécutoire que le manquement aux obligations découlant du mariage et de la filiation.
Vitu (Traité de droit pénal spécial) : L'originalité du délit tient en ce que, s'il est d'abord une infraction contre la famille (ce qui explique qu'on en traite parmi les infractions dirigées contre la famille), il constitue aussi une infraction contre la justice, et ce second caractère n'est pas moins important que le premier : c'est lui qui, en pratique, a d'ailleurs suscité les questions les plus épineuses.
Code pénal d'Espagne. Art. 227. 1. Celui qui cesse de payer pendant deux mois consécutifs ou quatre mois non consécutifs tout type de prestation économique en faveur de son conjoint ou de ses enfants, prestation établie par une convention judiciairement approuvée ou par une décision judiciaire dans les cas de séparation légale, de divorce, de déclaration de nullité du mariage, de procès en filiation ou en demande judiciaire d'aliments pour ses enfants, sera puni d'une peine de prison de trois mois à un an ...
Cass.crim. 8 mars 1977 (Bull.crim. n° 88 p.210) : Une décision de justice allouant une pension alimentaire ne peut servir de base à une poursuite pour abandon de famille que si, à l’époque des faits incriminés, elle présentait un caractère exécutoire.
- Droit positif. Le délit d'abandon de famille est incriminé par l’art. 227-3 C.pén. (art 357-2 ancien). Il revêt un caractère mixte, en ce sens qu'il protège tout à la fois, et le parent ou l'enfant créancier d'aliment, et l'autorité de la décision de justice ordonnant le paiement d'une pension (intérêts juridiques figurant curieusement en conditions préalables).
Cass.crim. 30 septembre 1992 (Bull.crim. n° 293 p.796) : Le délit d’abandon de famille, tel qu’il est prévu et réprimé par l’art. 357-2 C.pén., exige, pour être constitué, la méconnaissance d’une décision de justice légalement exécutoire définissant, dans son montant et sa périodicité, l’obligation de famille mise à la charge du prévenu.
Cass.crim.
9 septembre 2015, n° 12-84024 : Le juge répressif ne peut
prononcer une peine sans avoir relevé tous les éléments
constitutifs de l'infraction qu'il réprime ;
L'arrêt attaqué n'a pu valablement déclarer X... coupable
d'abandon de famille sans avoir répondu à l'argumentation du
prévenu, qui faisait valoir qu'il avait adressé à son épouse des
chèques que celle-ci avait refusé d'encaisser, et qu'il n'était
jamais demeuré plus de deux mois consécutifs sans s'acquitter de
son obligation alimentaire.
L'infraction est constituée par le défaut de paiement de la pension deux mois de suite ; et ce en connaissance de cause.
Cass.crim. 2 juillet 1970 (Bull.crim. n° 223 p.540) : Fait une exacte application de l’art. 357-2 C.pén. l’arrêt qui condamne le débiteur d’une pension alimentaire demeuré volontairement plus de deux mois sans en acquitter intégralement les termes.
Cass. (Ch. mixte) 12 mai 2000 (Gaz.Pal. 2000 II somm. 1668) : La Cour d’appel, en retenant que le mari s’était abstenu volontairement pendant plus de deux mois de payer la contribution mise à sa charge, a caractérisé, en tous ses éléments, le délit d’abandon de famille.
Cass.crim.
28 mai 2015, pourvoi n° 14-84879 : Il résulte de l'arrêt
attaqué et des pièces de procédure que X... a été poursuivi pour
ne pas s'être acquitté, depuis le 1er décembre 2012, du montant
de la pension alimentaire qu'il avait été condamné à verser à
son épouse par ordonnance de non-conciliation rendue
contradictoirement le 10 juillet 2012 ; sur appel du jugement le
déclarant coupable de cette infraction entre le 21 août 2013 et
le 3 janvier 2014, la cour d'appel, infirmant partiellement
cette décision pour le retenir dans les liens de la prévention à
partir du 20 juin 2013, relève que le délit ne peut être
constitué qu'après cette dernière date, à laquelle l'ordonnance
de non-conciliation a été notifiée ;
Mais en se déterminant ainsi, alors que le prévenu a eu
nécessairement connaissance de la pension alimentaire mise à sa
charge, s'étant présenté à l'audience de non-conciliation du 10
juillet 2012, assisté de son avocat, la cour d'appel a méconnu
les art. 227-3 C.pén., 514 C.pr.civ. et 593 C.pr.pén.
Cass.crim. 21 mai 1997 (Gaz.Pal. 1997 II Chr.crim. 183) : L’art. 227-3 C.pén., en vigueur à la date de l’arrêt, n’a pas repris les dispositions de l’art. 357-2 ancien qui présumaient volontaire le défaut de paiement.
Le devoir de verser une pension alimentaire à un mineur, en vertu d'une décision judiciaire, ne prend pas automatiquement fin par le fait que l'intéressé atteint sa majorité.
Cass.crim. 7 février 2007 (Bull.crim. n°34 p. 234) : Sauf décision contraire à la décision qui condamne le père ou la mère d'un enfant mineur à verser une pension alimentaire à titre de contribution à l'entretien de celui-ci, les effets de la condamnation ne cessent pas de plein droit à la majorité de l'enfant. Il appartient au débiteur de solliciter la suppression de l'obligation de contribution à la charge d'entretien et d'éducation devenus majeurs devant le juge compétent.
Le délit de non-paiement de pension alimentaire, une fois caractérisé, ne saurait être effacé par une décision réduisant ou supprimant la pension, une telle décision ne pouvant produire d'effet rétroactif.
Cass.crim. 29 janvier 2014, pourvoi n° 19-81918 : La réduction ou la suppression des pensions alimentaires, fût-ce avec effet rétroactif, ne peut avoir pour effet de faire disparaître l'infraction
NON-RÉTROACTIVITÉ DES LOIS - Voir : Application de la loi dans le temps*.
NON-REPRÉSENTATION D’ENFANT
Cf. Autorité parentale*, Délits pénaux (Délit composé)*, Enfants*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », n° 512 et s., p.336 et s.
- Notion. L'hypothèse classique - mais il en est d'autres - est la suivante : un homme et une femme se séparent ; leur enfant mineur est confié à l'un des deux, à charge toutefois pour lui de laisser l'enfant à l'autre parent, à certaines dates, ou pendant certaines périodes. La méconnaissance de cette obligation fait l'objet d'une incrimination pénale.
Vitu (Traité de droit pénal spécial) : Il est fréquent de voir un père ou une père, privé de la garde de sont enfant par une décision de justice, refuser de remettre le mineur au gardien judiciairement désigner ou chercher à l'enlever des mains de celui-ci. Pour lutter contre ces faits, qui s'étaient multipliés avec la loi de 1884 rétablissant le divorce ... une loi du 5 décembre 1901 a créé le délit de non-représentation d'enfant, accomplie au mépris d'une décision de justice qui a statué sur la garde du mineur.
- Science criminelle. Deux délits types peuvent être distingués. Le premier, simple, consiste dans le fait de ne pas remettre un enfant à la personne qui a la responsabilité de son éducation. Le second, s’analyse en un Délit composé* : d'une part il se situe sur le terrain de la police des familles désunies, d'autre part il porte atteinte à la décisions de justice qui a fixé les règles à suivre.
Code pénal d'Algérie. Art. 327 - Quiconque, étant
chargé de la garde d’un enfant, ne le représente point aux personnes qui ont droit de la réclamer, est puni de l’emprisonnement de deux à cinq
ans.
Art. 328 - Quand il a été statué sur la garde d’un mineur par décision de justice exécutoire par provision ou définitive, le père, la mère ou toute
personne qui ne représente pas ce mineur à ceux qui ont le droit de le réclamer ou qui, même sans fraude ou violence, l’enlève, le détourne ou le fait
enlever ou détourner des mains de ceux auxquels sa garde a été confiée, ou des lieux ou ces derniers l’ont placé, est puni d’un emprisonnement d’un mois
à un an ...
- Droit positif. C'est l’art. 227-5 C.pén. (ancien art. 357) qui incrimine le fait de refuser, à tort, de remettre un enfant mineur à la personne qui a le droit de le réclamer.
Renucci (Droit pénal des mineurs) : L’infraction suppose que le coupable connaissait l’existence de la décision de justice l’obligeant à remettre l’enfant et s’est volontairement refusé à obéir à l’injonction judiciaire. Cela montre bien que l’incrimination est destinée à imposer aussi bien la protection de l’autorité parentale que le respect de l’autorité des décisions de justice.
Cass.crim. 3 septembre 1996 (Gaz.Pal. 1997 I Chr.crim. 22) : l’élément intentionnel du délit de non représentation d’enfant est caractérisé par le refus délibéré ou indu, comme étant, en l’espèce, contraire à une décision de justice, de remettre les enfants à la personne qui a le droit de les réclamer, quel que soit le mobile de cette attitude, et en l’absence, en la cause, de tout danger actuel ou imminent menaçant leur personne ou leur santé, tel qu’il était allégué.
NORME
Cf. Interdits*, Légistique*, Loi pénale*, Prohiber*, Sources du droit*.
- Notion générale. Peu utilisé en droit criminel, le terme « norme » désigne une règle générale à travers laquelle il est possible de voir si un acte humain est ou non conforme aux principes moraux en vigueur. En pratique, ce terme est le plus souvent employé dans le sens de « loi ».
Cuvillier (Vocabulaire philosophique) : La norme est une formule exprimant l’idéal de l’action, sous forme de jugement de valeur.
Höffe (Dictionnaire d’éthique) : Au sens juridique, la norme est un impératif général qui oriente l’agir légal et moral d’individus ou de groupes.
R.Simon (Éthique de la responsabilité) : La norme se présente comme une règle objective qui a valeur morale ; on parle de « norme-précepte », de « norme-commandement », de « norme-obligation ». On rassemble sous cette notion les trois notions d’interdit, d’impératif et de loi.
TGI Périgueux 13 décembre 1988 (Gaz.Pal. 1989 I 122) : La convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ratifiée par la France le 31 décembre 1973 et publiée par décret du 3 mai 1974 est donc devenue une norme juridique directement applicable en droit interne.
Avec la multiplication des textes constitutionnels et assimilés, législatifs, réglementaires et administratifs, on insiste de plus en plus fermement sur l'existence d'une "hiérarchie des normes" pour souligner que tous ne sont pas revêtus de la même autorité.
Digeste de Justinien (47, XII, 3, 5). Ulpien : Si la loi municipale permet d'ensevelir dans la ville, le rescrit du prince a-t-il abrogé ce droit particulier ? Oui : les rescrits sont généraux ; les décisions impériales doivent avoir pleine force et valoir en tout lieu.
Vedel (Cours de droit constitutionnel 1954-1955) : La hiérarchie des normes (ou règles de droit) trouve son fondement dans la constatation que toute règle de droit doit trouver sa justification dans sa conformité à une règle supérieure ... La Constitution est supérieure à toute règle de droit.
Detraz (note sous Cass. Ass.plén. 15 avril 2011 - Gaz.Pal. 28 juillet 2011) : Le respect de la hiérarchie des normes est particulièrement important en matière pénale, dont la méconnaissance peut entraîner la paralysie du texte d'incrimination ou de pénalité, ou encore l'annulation d'un acte de procédure.
Foillard (Droit administratif, 13e éd. p.133) : Il existe en France une hiérarchie des normes. Au sommet de cette hiérarchie se trouve l'ensemble des normes de valeur constitutionnelle formant le bloc de la constitutionnalité. Ce bloc constitue la référence sur laquelle s'appuie le Conseil constitutionnel pour contrôler la constitutionnalité de la loi.
Debbasch et Colin (Droit administratif, 10e éd.) : L’exercice des pouvoirs de police administrative doit, en tout état de cause, respecter les prescriptions législatives.
Guide de législation suisse (2007) : La constitution fédérale se situe au sommet de la hiérarchie des normes internes de l’État.
Guide légistique de Légifrance : En vertu du principe de légalité, chaque norme juridique doit se conformer à l'ensemble des règles en vigueur ayant une force supérieure dans la hiérarchie des normes, ou du moins être compatible avec ces normes.
Code pénal de Mongolie. Art. 2 : La législation criminelle sera basée sur la constitution de la Mongolie ...
Cass.(Ass.plén.) 15 avril 2011, n° 10-30316 (Gaz.Pal. 19 avril 2011 note Bachelet) : Les États adhérents à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sont tenus de respecter les décisions de la Cour européenne des droits de l'homme, sans attendre d'être attaqués devant elle ni d'avoir modifié leur législation.
Cass.crim. 18 septembre 1997 (Gaz.Pal. 1998 I Chr.crim. 6) : Il appartient au juge répressif d’écarter l’application d’un texte d’incrimination de droit interne lorsque ce dernier méconnaît une disposition du Traité des communautés européennes ou un texte pris pour l’application de celui-ci.
La hiérarchie des normes correspond naturellement à la hiérarchie des sources du droit. Depuis que la France est entrée dans la Communauté européenne, ce sont les organes européens qui édictent les normes supérieures. Aussi le Conseil constitutionnel français a-t-il cru devoir poser une Question préjudicielle à la Cour de justice européenne.
Conseil Constitutionnel 4 avril 2013, n° 2013-314P QPC : Il y a lieu de demander à la Cour de justice de l'Union européenne de statuer à titre préjudiciel sur la question suivante...
- En matière industrielle et commerciale, la norme est une règle qui fixe les conditions de fabrication d’un chose mobilière ou immobilière. On parle en ce sens de la norme « Afnor » ou de la norme « CE ». La norme commerciale est parfois simplement fixée par les usages professionnels ; en toute hypothèse, sa violation peut constituer le délit de fraude dans les ventes.
Fourgoux et autres (Droit de la consommation) : La politique de qualité et de protection des consommateurs poursuivie par les pouvoirs publics passe par la normalisation.
Conseil d’État 8 mars 2002 (Gaz.Pal. 2002 II somm. 1846) : L’art. 5 du décret du 26 janvier 1984 modifié portant statut de la normalisation confie à l’Association française de normalisation (AFNOR), association de droit privé, la mission de recenser les besoins en normes nouvelles, de coordonner les travaux de normalisation, de centraliser et d’examiner les projets de normes, de diffuser les normes, de former à la normalisation, de promouvoir celle-ci et de représenter les intérêts français dans les instances internationales non gouvernementales de normalisation.
Cass.crim. 7 avril 1999 (Gaz.Pal. 1999 II Chr.crim. 108), sur la norme « CE » : Pour déclarer à bon droit le prévenu coupable de fraude, les juges d’appel relèvent que la poussette incriminée, dépourvue de butée de sécurité ou de dispositif de verrouillage, en méconnaissance de la norme applicable à tous les jouets destinés aux enfants de moins de 14 ans, présente un risque de pliage ou d’affaissement soudain en cas de charge supérieure à dix kilogrammes.
Poitiers 25 septembre 1997 (JCP 1998 IV 2454) : Les ostréiculteurs du bassin de Marennes-Oléron ne peuvent utiliser la marque collective «Huîtres de Marennes-Oléron» concédée par l’organisation professionnelle qu’à la condition d’affiner et de conditionner les huîtres vendues sous cette appellation dans ledit bassin selon les conditions posées par la norme AFNOR NF V 45-056.
NOTE EN DÉLIBÉRÉ
Cf. Conclusions*, Délibéré*, Moyens dilatoires*.
Une note en délibéré est un document écrit, déposé au greffe ou remis au président après la clôture des débats, dans lequel une partie ajoute une
précision aux indications données dans ses conclusions et dans la plaidoirie.
Si son contenu lui paraît de nature à modifier son appréciation de l'affaire, le tribunal peut ordonner la réouverture des débats. Sa décision est
souveraine.
Perrot (Institutions judiciaires) : Il peut arriver qu'après la clôture des débats l'une des parties éprouve le besoin de fournir de nouvelles explications au moyen d'une note écrite que l'on appelle une "note en délibéré" ... Mais dans ce cas, pour que le principe de la contradiction soit respecté, il est indispensable que la note soit communiquée à la partie adverse, afin que celle-ci puisse y répondre le cas échéant. L'usage des notes en délibéré présente le très grave inconvénient de prolonger la discussion et, parfois même, de relancer un nouveau débat ... Il faut éviter qu'il en soit fait un usage systématique.
Cass.crim. 18 octobre 1993 (Gaz.Pal. 1994 I Chr.crim. 15) : Il ne saurait être fait grief à la cour d'appel d'avoir écarté les écritures adressées au greffe par la partie civile au cours du délibéré dès lors qu'il relève du pouvoir souverain des juges, saisis d'une note en délibéré appelée «conclusions», d'apprécier s'il convient d'ordonner la reprise des débats.
Cass.crim. 14 mars 2007 (Bull.crim. n°83 p.416) : La suite susceptible d'être réservée à une note en délibéré relève de l'appréciation souveraine des juges du fond.
Toutefois lorsque, à la suite de circonstances particulières, le tribunal a été amené à déclarer expressément qu'il acceptait de recevoir une note en délibéré, il doit répondre aux observations qui y figurent.
Cass.crim. 29 janvier 2014, n° 13-80093 (Gaz.Pal. 12 février 2014 p.24/25) : Si les juges ne sont pas tenus de faire mention, dans leur décision, de l'existence d'une note en délibéré produite après l'audience, dès lors qu'ils ne fondent pas leur conviction sur ce document, il en va différemment dans le cas où, au cours de l'audience, ils ont expressément accepté de recevoir une note en délibéré, celle-ci devant alors être examinée au même titre que des conclusions régulièrement déposées.
NOTIFICATION
Cf. Conclusions*, Mémoire (en procédure)*, Signification*.
Notifier un acte de procédure, ou une décision de justice, c’est en donner connaissance à la personne intéressée en observant dans leur esprit les formes
légales applicables dans le cas présent. Cette formalité, d’une relative souplesse, revêt une importance particulière dans une procédure de type
contradictoire.
- La notification effectuée par un huissier de justice est nommée
signification.
Vincent et Guinchard (Procédure civile) : La notification est la formalité par laquelle on porte un acte à la connaissance d’une personne, une assignation, un jugement, par exemple. Cette formalité est d’une grande importance car c’est de son accomplissement que partiront certains délais, ainsi pour comparaître ou pour former une voie de recours.
Cass.crim. 26 juillet 1988 (Bull.crim. n°307 p.835) : La décision par laquelle le tribunal a ordonné que le prévenu comparaissant détenu serait maintenu en détention vaut mandat de dépôt ; et le prononcé du jugement vaut notification dudit mandat.
Cass.crim. 29 mai 2013 n° 12-82033 (Gaz.Pal. 27 juin 2013) : L'officier ou agent de police judiciaire chargé, sur instructions du procureur de la République, de notifier une convocation en justice à un prévenu doit, de sa propre initiative, faire toutes diligences pour parvenir à la délivrance de cet acte à la personne de son destinataire... Il peut notamment s'adresser de son propre mouvement à une Caisse d'allocation familiale.
- De nos jours, une notification peut parfois s'effectuer par voie de fax ou télécopie, voire de courriel internet.
Cass.crim. 6 décembre 2005 (Bull.crim. n° 318 p.1100) : Il résulte des mentions du procès-verbal que l'avocat a été convoqué par télécopie ; que cette mention fait foi jusqu'à inscription de faux.
Cass.crim. 16 mai 1994 (Gaz.Pal. 1994 II somm. 554) : En l'espèce, la chambre d'accusation a pu déclarer irrecevable le mémoire ... expédié par un avocat en télécopie le 19 janvier 1994 à 17 h 10 au numéro de Fax du Parquet général et non à celui du greffe de la chambre d'accusation qui lui avait été indiqué sur l'avis d'audience.
Cass.crim. 12 décembre 2007 (Bull.crim. n° 308 p. 1249) : Répond aux dispositions de l'art. 198 al.2 C.pr.pén. le mémoire adressé par télécopie au président de la chambre de l'instruction par l'avocat du témoin assisté, n'exerçant pas dans la ville où siège la juridiction, dès lors qu'il a été déposé au greffe et visé par le greffier avant le jour de l'audience.
NOUVEAUTÉ
Cf. Techniques législatives*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° 127 et 128, p.100 et s.
Les dictionnaires de l'Ancien droit comportaient souvent le mot « noveltés » pour mettre le législateur en garde contre d’apparentes
innovations, qui ne sont le plus souvent que la répétition d’erreurs commises dans le passé et malheureusement oubliées.
Sans doute le Parlement ne saurait-il ignoré l’évolution de la société ; mais il ne doit pas légiférer par idéologie, et encore moins pour donner à
la population l’illusion qu’il agit.
Montaigne (Essais), à propos des changements de lois : Je suis dégoûté de la nouveauté, quelque visage qu’elle porte, et j’ai raison, car j’en ai vu les effets très dommageables… Elle a tout produit et engendré, jusqu’aux maux et ruines qui se font depuis, sans elle, et contre elle.
Bautain (Philosophie des lois) : Une fois qu’une erreur ou un paradoxe a pris possession du monde, on a bien de la peine à l’extirper. Les hommes qui affichent le plus d’indépendance de pensée jurent cependant volontiers sur la parole d’hommes célèbres ; et de là des préjugés, des partis pris et de prétendues maximes. On répète hardiment ce qu’ils ont écrit ; et l’erreur se propage avec toutes ses misères, jusqu’à ce que ses déplorables conséquences en démontrent la fausseté, et ramènent au vrai par l’expérience et le dégoût de ce qui lui est contraire.
Denisart (Collection de jurisprudence, 1768) : Toutes nouveautés sont suspectes, et le plus souvent dangereuses par leurs conséquences. L’évidence de leur utilité peut donc seule autoriser à détruire, ou changer, ce qui a paru juste pendant un long temps et devoir être suivi.
Portalis (Discours de présentation du Code civil) : Ne nous y trompons pas, citoyens législateurs, une nouveauté hardie n’est souvent qu’une erreur brillante dont l’éclat subit ressemble à celui de la foudre qui frappe le lieu même qu’elle éclaire. Gardons-nous de confondre le génie qui crée, avec l’esprit novateur qui bouleverse ou dénature.
Proal (Le crime et la peine) : Ne semble-t-il pas que dans les sciences morales et philosophiques on a remplacé la recherche de la vérité par la recherche de la nouveauté ? « Il est des temps, et tel est le nôtre, où les vérités simples, les idées justes ne suffisent pas pour éveiller l'attention des hommes ; on se jette alors dans les propositions outrées, le paradoxe s'introduit partout » écrit Flourens dans "La psychologie comparée". Toute hypothèse nouvelle est accueillie avec engouement, par cela seul qu'elle prend le contre-pied d'une croyance traditionnelle. Les vérités morales paraissent à quelques esprits raffinés fades et banales ; elles sont si vieilles ! Combien un paradoxe. nouveau est plus piquant ! Combien surtout ont plus d'attrait les hypothèses scientifiques, qui rabaissent l'homme !