DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL
- Professeur Jean-Paul DOUCET -
Lettre I
(Quatrième partie)
INDÉCENCE
Cf. Bonnes mœurs*, Débauche*, Incivilité*, Ivresse publique*, Obscénité*, Outrage public à la pudeur*, Pudeur*, Turpitude*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° II-112, p.273 / n° II-115, p.276 / n° II-118, p.279
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », n° 338, p.211 / n° 427, p.275
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° I-II-127, p.181 / n° I-II-132, p.191
Voir : R. Garraud, L'outrage public à la pudeur
- Notion. La décence consiste à respecter les règles relatives à la Pudeur* dans les rapports sociaux, et plus généralement à la dignité de la personne humaine. La notion de décence est proche de celles de modestie, de bienséance, de civilité ou de Bonnes mœurs*.
Littré (Dictionnaire) : Décence. Honnêteté qu’on doit garder dans les actions, les discours, les habits, la contenance, etc. et dont la règle est prise, non seulement des préceptes de la morale, mais encore de l’âge, de la condition, du caractère dont on est, du temps et du lieu où l’on se trouve, des personnes avec lesquelles on vit.
Marat (Plan de législation criminelle) : Entre les mains d'une maquerelle, la jeune Agnès est portée à des indécences qui peu à peu bannissent toute honte, et font succéder à la pudeur l'impudicité la plus effrénée.
Paris 28 avril 1987 (D. 1987 IR 127) : Dans le bail commercial en cause, figure une clause suivant laquelle « l'exploitation doit être de bon aloi, conforme aux règlements et toute production de caractère pouvant être indécent est formellement interdite ». L'adjectif « indécent » signifie « inconvenant » et contraire à la bienséance, en particulier en ce qui concerne la pudeur. Lorsque, dans la salle de cinéma, a été projeté un grand nombre de films aux titres licencieux et provocateurs, cette accumulation établit la violation de la clause claire et précise du bail et entraîne la mise en jeu de la clause résolutoire.
- Règle morale. Les manquements caractérisés à la dignité de la personne humaine, par obscénité ou par impudicité, par actes ou par paroles, constituent à l'évidence une faute au regard de la morale.
Platon (Les lois) : Il est indécent de boire jusqu'à s'enivrer.
St Thomas d'Aquin (Somme théologique) : Ce qu’il y a de plus laid et de plus indécent pour l’homme, ce sont les voluptés bestiales.
Bentham (Déontologie ou science de la morale) : Le mot immodeste... implique impudicité dans les paroles ou dans les actes.
Ahrens (Cours de droit naturel) : Il est des mesures à prendre par rapport à la moralité, par la défense des jeux de hasard, d'exhibitions indécentes, de maisons publiques de prostitution.
Gousset (Théologie morale) : En condamnant les parures et les modes indécentes, un curé, un prédicateur, un confesseur doit éviter avec soin de comprendre dans sa censure ou ses réprimandes les modes qui, n'ayant rien de contraire à la modestie, n'ont pas d'autre inconvénient que d'être nouvelles.
- Science criminelle. En ce domaine comme en bien d'autres, le législateur doit s'efforcer d'atteindre un juste équilibre ; ici entre la liberté individuelle et la bienséance dans les rapports sociaux. C'est notamment ce qui le conduit à ne guère viser que les actes accomplis en public.
Garofalo (La criminologie) : Une société civilisée ne supporte pas le spectacle de la nudité complète, ni celui de la conjonction publique des sexes ; pourtant ceux qui verraient un tel spectacle ne crieraient pas au crime, mais à l'indécence.
Code pénal belge. Art. 387 : Sera puni d'un emprisonnement de six mois à deux ans et d'une amende de mille francs à cinq mille francs, quiconque vend ou distribue à des mineurs ou expose sur la voie publique ou le long de celle-ci des images, figures ou objets indécents de nature à troubler leur imagination.
Code pénal du Japon. Article 174 - (Indécence publique) : Une personne qui commet un acte indécent en public sera punie d'un emprisonnement de 6 mois au plus, ou d'une amende de 300.000 yens au plus.
Code pénal du Venezuela. Des actes contraires à la décence publique - Art. 538 : Quiconque s'est présenté en public d'une manière indécente, ou qui par des mots, chansons, gestes ou autres actes impropres, offense la décence publique, encourt les arrêts jusqu'à un mois ou une amende de dix à trois cent bolivars.
Code pénal de l'Uruguay. Art. 361 2° : Sera puni
d'une amende... ou d'un emprisonnement équivalent, celui qui, dans un lieu public ou ouvert ou exposé au public, et ce de manière visible, écrit des mots
ou trace des dessins ou des figures, contraires à la décence publique ;
3° : Celui qui en lieu public ou ouvert au public, met en vente, distribue ou expose des documents, dessins, timbres, photographies, gravures ou
autres objets contraires à la décence publique ;
4° : Celui qui en lieu public, ouvert ou exposé au public, offense par sa nudité la décence publique.
- Droit positif français. L’art R.624-2 C.pén. incrimine le fait de diffuser sur la voie publique ou dans des lieux publics des messages contraires à la décence (contravention de la 4e classe). Des arrêtés municipaux peuvent, pour des considérations locales, prohiber les tenues indécentes. Une autorisation administrative ne peut faire échec à l’appréciation souveraine de l’indécence par les tribunaux répressifs.
Cass.crim. 26 juin 1974 (Gaz.Pal. 1974 II 722) : Le caractère contraire à la décence d’une photographie qui représente deux jeunes femmes nues et enlacées se déduit nécessairement de la description qu’en donne l’arrêt attaqué.
Cass. 1re civ. 20 février 2001 (Gaz.Pal. 2001 somm. 591/592) : La photographie en cause était dépourvue de recherche du sensationnel et de toute indécence ; ainsi, elle ne portait pas atteinte à la dignité de la personne représentée.
Cass.crim. 26 juin 1974 (Gaz.Pal. 1974 II 722) : Le principe de la séparation des pouvoirs s’oppose à ce qu’une autorisation administrative relève le juge répressif du devoir qui n’incombe qu’à lui d’appliquer la loi pénale. [sur le fond, voir ci-dessus]
Exemple (Télétexte 17 août 1999) : Le maire de Trouville-sur-Mer (Calvados) a pris lundi un arrêté interdisant les torses nus dans les lieux publics, en dehors de la plage et de ses abords... La mairie voisine de Deauville avait pris un arrêté semblable en juillet 1996. [l'esthétique a sans doute encore plus à y gagner que la pudeur]
Exemple (Télétexte 29 juillet 2006, F2 puis TF1) : Comme chaque année, seins nus, strings ou naturisme sont bannis sur Paris-Plages a rappelé samedi la municipalité... Le maire de Paris, Bertrand Delanoë a interdit par arrêté municipal "les tenues indécentes" sur les berges de la Seine accueillant Paris-Plages... Les amateurs de strings et de topless sont passibles de 38 € d'amende.
INDEXATION
Cf. Monnaie*, Réparations civiles*.
Voir : Illustration de la dépréciation d'une monnaie (Timbres surchargés de la République de Weimar)
Lorsqu’il décide d’indemniser une victime un tribunal a le choix de la modalité de l’indemnisation ; il peut décider qu’elle se fera, soit par le
versement d’un capital, soit par le versement d’une pension ; dans cette seconde hypothèse, pour mettre la victime à l’abri de la dépréciation de la
monnaie, les juges doivent retenir comme monnaie de compte une valeur épousant l’évolution du coût de la vie.
- L’indexation de la rente (ou plus exactement la revalorisation des rentes) est actuellement régie par l’art. L.434-15 du Code de la sécurité
sociale, aux termes duquel : « Les rentes dues aux victimes atteintes d'une incapacité permanente égale ou supérieure à un taux minimum ou, en
cas de mort, à leurs ayants droit, sont calculées d'après le salaire annuel de la victime… ».
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° III-243 bis, p.459
Doucet (L’indexation -Thèse de doctorat) : La référence retenue dans la clause d’indexation joue le rôle de monnaie de compte ; la monnaie légale est alors réduite à sa fonction de monnaie de paiement.
Cass.3e Ch.civ. 14 janvier 2016, n° 14-24681 : Est nulle une clause d'indexation qui exclut la réciprocité de la variation.
Cass.crim. 15 janvier 1997 (Gaz.Pal. 1997 II Chr.crim. 110) : Aux termes de l’art. 1er de la loi du 27 décembre 1974, dans sa rédaction issue de la loi du 5 juillet 1985, les rentes allouées soit conventionnellement, soit judiciairement, en réparation du préjudice causé à la victime d’un accident de la circulation sont majorées de plein droit selon les coefficients de revalorisation prévus à l’art. L.455, devenu l’art. L.434-17 C. séc. soc.; selon l’art. 4, toute autre indexation, amiable ou judiciaire, est prohibée.
INDICATEUR
Cf. Affidé*, Condé*, Délation*, Mouchard*, Mouton*.
L’indicateur (indic dans un langage relâché) est un individu qui, au courant de certaines activités délictueuses, consent (de mauvais ou de bon gré) à fournir certains renseignements à la police.
Césaire, « L’affaire Petiot » : La Gestapo décide d’envoyer à la recherche du « docteur Eugène » (pseudonyme de Petiot) un personnage trouble : c’est un truand spécialiste des fausses perquisitions et du marché noir qui joue les indics, pourvu qu’on ferme les yeux sur ses petits trafics. Il s’appelle Berretta. Le 16 mai 1943 il se présente chez Fourrier, exhibe ses papiers d’ancien déporté et obtient un tarif réduit pour son passage.
- Lorsqu’il était chef de la sûreté, Vidocq recourait volontiers à ce type de collaborateurs, douteux mais nécessaires (c’est le conflit entre morale et efficacité, si fréquent en droit criminel). Un policier peut refuser de dévoiler le nom de celui qui l’a ainsi renseigné.
Bruxelles 9 décembre 1976 (Jour.trib. 1977 457) : Il n’est pas opportun de dévoiler l’identité exacte de personnes qui participent avec la police à la recherche des infractions.
Cass.crim. 2 octobre 1979 (Bull.crim. n°266 p.722) fournit un exemple de collaboration entre un policier et un indicateur : La circonstance qu’un fonctionnaire de police étranger et un indicateur se sont présentés comme des acheteurs éventuels de stupéfiants ne saurait faire obstacle à la condamnation d’individus appartenant à une organisation de trafiquants dès lors que les juges du fond constatent que cette circonstance n’a pas été déterminante des infractions retenues et qu’elle a eu pour seul effet de permettre la constatation d’une activité délictueuse qui existait et d’en arrêter la continuation.
- De l’« indicateur de police » et de l’« informateur de la justice », on rapprochera la « source » d’un journaliste qui peut être, elle aussi, couverte par l’Anonymat*.
Cour EDH 27 mars 1996, Goodwin c. Royaume-Uni (Gaz.Pal. 1996 somm. p. 195) : La protection des sources journalistiques est l’une des pierres angulaires de la liberté de la presse, comme cela ressort des lois et Codes déontologiques en vigueur dans nombre d’États contractants et comme l’affirment en outre plusieurs instruments internationaux sur les libertés journalistiques.
INDICES
Cf. Conjecture*, Enquête de police*, Pièces à conviction*, Police scientifique*, Preuve*.
Voir : Tableau des incriminations assurant le bon fonctionnement de la justice quant à la réunion des preuves (en droit positif français)
Voir : Bonnier, Les présomptions simples
Voir : Un innocent condamné sur des indices et sa mémoire justifiée
- Notion. Les indices sont des traces, des éléments ou des circonstances matérielles, susceptibles d’un examen
objectif ne prêtant pas à conjecture, permettant de faire la lumière sur certains faits entourant la commission d’une infraction.
Edmond Locard a pu dire que si les indices ne disent pas toute
la vérité, ils ne disent que la vérité ; sauf bien sûr s'ils ont
été forgés frauduleusement.
Dictionnaire civil et canonique (Paris 1687) : Indices, du mot latin « index », au pluriel « indices », sont les apparences ou les signes qui font naître des soupçons, des conjectures.
Stéfani et Levasseur (Procédure pénale, 2e éd.) : Les indices sont des faits matériels dont l’existence est établie, et qui, sans valeur démonstrative par eux-mêmes, peuvent, rapprochés les uns des autres, permettre de parvenir à la conviction que tel ou tel événement dont l’existence n’est pas établie, s’est bien réalisé.
Warée (Curiosités judiciaires) illustre l’adage « indices passent témoins » : Dans une affaire criminelle, deux témoins déposaient contre un accusé, connu pour sa probité. Le conseiller rapporteur était très inquiet parce qu’il sentait que la loi l’obligeait à prononcer contre un homme qu’au fond de son cœur il croyait innocent … Il se confie à sa femme et lui indique que les deux témoins disaient avoir vu commettre l’assassinat au clair de lune : les dépositions sont fausses, s’écria-t-elle, cette nuit là n’était pas éclairée par la lune. L’almanach confirma la remarque de la dame … L’accusé fut absous.
- Mode de preuve classique. Dans le Pro Cluentio, Cicéron parle déjà d’indicia veneni (de « signes d’empoisonnement »). Muyart de Vouglans range parmi les modes de preuve les « circonstances du procès » ; ce qui le conduit à parler de « preuve conjecturale » de « preuve indicielle » ou encore de « preuve circonstancielles ». La faiblesse des sciences physiques a longtemps suscité la méfiance des juristes pour ces traces matérielles, parfois infimes, et pourtant de nature à mettre sur la piste d’un crime et d’un malfaiteur.
Muyart de Vouglans (Les lois criminelles de France) : Comme les meurtres et assassinats sont occultes de leur nature, c’est-à-dire qu’ils se commettent en secret et avec des précautions tellement combinées qu’il serait le plus souvent impossible de les prouver par témoins de visu ; c’est pourquoi nos lois ont cru devoir admettre pour preuve principale en cette matière celle résultant des indices.
Faustin Hélie (Traité de l'instruction criminelle) : Dans notre ancienne jurisprudence, on distinguait trois sortes d'indices : 1° les indices violents et nécessaires ; 2° les indices graves et prochains ; 3° les indices légers et éloignés. Les premiers étaient ceux qui frappent tellement l'esprit et la conscience du juge qu'ils l'obligent à juger conformément à l'impression que ces indices lui laissent. Les indices graves étaient ceux qui forment dans l'esprit du juge une preuve ou présomption considérables. Les indices légers étaient ceux qui forment une simple conjecture ou présomption légère.
Code de procédure pénale du Chili. Art. 89 : On peut pratiquer l'examen des vêtements que porte le détenu, des bagages qu'il transporte ou du véhicule qu'il conduit, quand il existe des indices permettant de penser qu'il dissimule en ces derniers des importants objets pour la recherche.
Exemple. En juin 1938, à Lima, le professeur d’astronomie A... appelait au téléphone le préfet de police de da capitale du Pérou et lui dit qu’il venait de trouver son collègue l’astronome B... mort, avec un poignard dans la nuque. Un inspecteur de police fut aussitôt envoyé sur les lieux : après quelques recherches, i1 trouva que l’arme du crime appartenait à un cambrioleur connu, nommé J.... Celui-ci, vite retrouvé, avoua qu’il s’était bien introduit dans l’observatoire, mais qu’il avait été dérangé et avait perdu son poignard. Or, le lendemain, les journaux annonçaient que le professeur A... venait de découvrir une nouvelle étoile. L’inspecteur eut l’idée d’aller le prier de lui montrer cet astre : il eut la surprise de constater que le grand télescope n’était pas réglé pour l’œil du prétendu découvreur. Confirmé dans ses soupçons, il examina les notes de l’astronome assassiné et il constata que c’était lui, en réalité, qui avait fait la découverte. Son collègue, voulant s’en approprier la gloire, l’avait tué avec le poignard trouvé là.
- Mode de preuve d'importance croissante. Avec les progrès de la police scientifique, ce type de preuves (au nombre desquelles les Empreintes digitales*, puis les Empreintes génétiques*) occupent de nos jours la place qui leur revient rationnellement dans la recherche de la vérité, but premier de la procédure pénale.
Cf. Criminalistique*, Empreinte digitale*, Empreinte génétique*, Médecine légale*, Présomption de fait*.
Gorphe (L’appréciation des preuves en justice) : Ce mode de preuve est extrêmement étendu et mal défini. Il consiste à recueillir et interpréter tous faits ou circonstances qui peuvent conduire à la découverte de la vérité. Aussi n’a-t-il pas de dénomination bien précise, jusqu’à présent. Les civilistes parlent plutôt de présomptions de l’homme, les criminalistes d’indices, et les juristes anglais de circonstances : d’où le nom de preuve présomptive, de preuve indiciale, ou encore de preuve circonstancielle (terme anglais). Elle comprend tout fait ou circonstance en rapport avec le fait recherché et permettant d’inférer l’existence ou les modalités de ce dernier ; on peut dire qu’elle s’étend à tout ce qui ne rentre pas dans les autres preuves.
Jalby (La
police technique et scientifique) : Plusieurs raisons
expliquent l’irrésistible montée en puissance de la preuve
scientifique.
L’évolution des mentalités. L’aveu devient suspect,
entaché du soupçon d’avoir été extorqué. Le témoignage est jugé
faillible et influençable.
Les progrès de la science et l’apparition de nouvelles
technologies. Certains trouvent des applications en
criminalistique permettant de prendre en compte de nouveaux
indices et de « faire parler » ceux qui étaient inexploitables
jusque là.
Le caractère moderne de la preuve scientifique. Elle est
présentée comme incontestable et pouvant aussi bien incriminer
qu’innocenter. On rappelle que dans des affaires de viol
l’analyse génétique a conduit à mettre hors de cause des
suspects.
La volonté politique de promouvoir ce type de preuve.
Elle est indispensable car elle seule permet de dégager les
moyens financiers indispensables. Aujourd’hui la scène de crime
a changé de visage. Aux traditionnels intervenants s’ajoutent
des techniciens aux tenues de protection immaculées et dotés
d’équipements dernier cri.
Code de procédure pénale allemand, § 81e : (Recherche de l’identité génétique) : Dans le cadre des indices matériels que demandent les mesures prévues au § 81 a al.1 les recherches de l’identité génétique peuvent aussi être exécutées dans la mesure où elles sont nécessaires pour établir la filiation ou les faits, si des éléments indiciels ont été découverts sur l’inculpé ou sur la victime.
Exemple (Lesinge, Le Figaro du 01-12-01) : Pour les enquêteurs, ces rapprochements de traces ADN, ce sont des heures, voire des jours d’enquête gagnées. Pour les suspects, c’est la possibilité de prouver rapidement, scientifiquement et définitivement, leur innocence. Pour tous, c’est le spectre de l’erreur judiciaire qui s’efface. Récemment, les empreintes génétiques ont permis de confondre JC B..., dit « Le C... », meurtrier de deux policiers au Plessis-Trévise ; ainsi que A M..., l’assassin de la jeune britannique C. D....
INDIGNITÉ SUCCESSORALE
Cf. Matricide*, Meurtre*, Parricide*, Peines*.
Un principe très général du droit (repris et détaillé par l'art. 727 du Code civil) déclare indigne de succéder celui qui a été reconnu coupable d'avoir donné la mort, ou tenté de donner la mort, à celui dont il était héritier.
Dupin (Règles de droit et de morale) : Si c'est par le crime qu'on veut hâter l'ouverture d'une succession, on se rend indigne de succéder. On n'hérite pas de ceux qu'on assassine.
Marty et Raynaud (Traité de droit civil) : Les causes d'indignité successorale ne sont laissées ni à l'appréciation du défunt ni à celle du juge ; c'est la loi elle-même qui les définit en organisant une sorte de peine privée dans des cas limitativement déterminés.
Proal (Le crime et la peine) : Il reste un vestige du devoir de vengeance imposé aux parents de la victime, l'art. 727du Code civil déclare indigne de succéder l'héritier majeur qui, instruit du meurtre du défunt, ne l'aura pas dénoncé à la justice.
Cass. 1e civ. 18 décembre 1984 (Gaz.Pal. 1985 II Panor.cass. 144) : L'indignité successorale, peine civile, de nature personnelle et d'interprétation stricte, ne peut être étendue au-delà des textes qui l'instituent.
Riom 15 mai 2001 (D. 2001 somm. 2938) : Au cours d'une dispute, le mari a tué leur fils unique, puis son épouse et s'est donné la mort... Les héritiers réservataires, parents de la victime, se prévalent à juste titre des dispositions de l'art. 727 c. civ. pour opposer au père et aux frères et sœurs venant aux droits de leur fils et frère, l'indignité successorale du conjoint survivant. En effet, il n'est pas contestable qu'après avoir donné la mort à son propre fils, le mari a mortellement blessé son épouse au moyen d'une arme à feu après l'avoir blessée avec une arme blanche et que, s'il avait survécu, il aurait été condamné pour lui avoir volontairement causé la mort. En conséquent, il doit être déclaré indigne de succéder à son épouse, à laquelle il a survécu quelques heures.
Code d'instruction criminelle du Luxembourg. Art. 657 : La réhabilitation fait cesser pour l'avenir, dans la personne du condamné, tous les effets de la condamnation, mais elle ne relève pas le condamné de l'indignité successorale.
INDIVIDU
Cf. Citoyen*, Particulier*, Personne humaine*, Quidam*.
- Notion philosophique. L’individu est un être humain pris en lui-même, hors de la collectivité dont il ressort. Dans la conception libérale, il se voit attribuer une valeur propre et accorder une grande liberté d’action. Dans la conception socialiste, il apparaît comme un simple pion sur l’échiquier de la politique de l’État et ne saurait dès lors posséder qu’une liberté d’action restreinte.
Vergely (Dico de la philosophie) : Le mot individu désigne l’homme pris comme être particulier et non comme être général … il se rapporte à ce que chacun possède d’indivisible en lui.
P. Evdokimov (Une vision orthodoxe de la théologie morale) : L'individu signifie l'indivisible... c'est une catégorie naturelle biologique ; il est engendré par le processus biologique de l'espèce. En revanche, la personne est une catégorie spirituelle au-dessus de la nature et de la biologie.
Le Bon (Psychologie du socialisme) : Dans l’individualisme, l’homme est abandonné à lui-même, son action est portée au maximum et celle de l’État au minimum. Dans le collectivisme, ses moindres actions sont dirigées par l’État, c’est-à-dire par la collectivité ; l’individu ne possède aucune initiative, tous les actes de sa vie lui sont tracés.
- En droit criminel, le terme « individu » présente un sens différent selon qu’il est précédé d’un article défini ou d’un article indéfini.
Alland et Rials (Dictionnaire de la culture juridique). V° Individu par F.-X. Testu : Le mot "individu" ne correspond pas à un concept juridique, à la différence du mot "personne".
- Lorsque le droit criminel s’attache à « l’individu », c’est pour l’extraire de l’espèce humaine en général, pour affirmer sa personnalité propre, pour assurer sa protection singulière. La connotation est alors positive.
Höffe (Dictionnaire d’éthique) : Le concept éthique d’individu désigne l’homme dans ce qu’il a d’unique, tant dans ses besoins et ses intérêts, ses talents et ses capacités, que dans ses passions, son mode de vie et ses représentations des valeurs.
Paris 9 juillet 1980 : Une dénomination qui sert à individualiser une personne morale dans l’ensemble de la vie et de son activité, comme le nom patronymique individualise une personne physique, doit être protégée.
- Quand un praticien vise « cet individu », c’est pour désigner une personne soupçonnée d’être impliquée dans la commission de l’infraction en cause. La connotation est alors négative.
Cass.crim. 22 mai 1985 (Gaz.Pal. 1986 I somm. 118) : A été à bon droit condamné pour infraction à la législation sur les étrangers un individu qui, condamné à titre de peine principale à la reconduite à la frontière, a refusé d’embarquer dans l’avion où il aurait dû prendre place.
INDIVIDUALISATION (de la sanction)
Cf. Ajournement du prononcé de la peine*, Circonstances aggravantes*, Circonstances atténuantes*, Clémence*, Commutation de peine*, Dispense de peine*, Dispense de mention au bulletin n° 2*, Dossier de personnalité*, Échelle des peines*, Enquête de personnalité*, Enrichissement personnel*, Équité*, Imitation*, Mitigation*, Peine*, Personnalité des peines*, Placement à l'extérieur*, Prévention des infractions - Prévention générale*, Relèvement de peine*, Sanction*, Se livrer à la justice*, Sursis*, Sursis avec mise à l'épreuve*, Suspension de l’exécution de la peine*, Tiraqueau*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° III-117, p.407 / n° III-118, p.409
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-III-II-2, p.294 / n° II-107, p.315
Voir : Saleilles, L'individualisation de la peine
Voir : A. Le Poittevin, L'individualisation de la peine
Voir : De Curban, Voies pour juger de la grandeur des crimes et des délits
Voir : A.Vitu, Les pouvoirs du juge dans le choix et l’aménagement des peines
Voir : Jean-Paul Doucet, Les circonstances aggravantes générales : exemples tirés du droit comparé
Voir : J-P. Doucet, Les circonstances atténuantes : nature juridique et exemples
- Notion. On parle d’« individualisation » de la peine pour désigner les différentes techniques qui permettent de moduler la sanction attachée à la commission d’une infraction, afin de prendre en compte la gravité relative de celle-ci et la culpabilité propre du délinquant.
Digeste de Justinien 47, IX, 4,1. Paul : L'empereur Antonin a écrit... "pour déterminer les peines, il ne faut pas mettre plus de dureté ou d'indulgence que la cause ne l'exige".
Merle et Vitu (Traité de droit criminel) : Entre les coauteurs d'une même infraction ou entre les personnes coupables d'un même type d'infraction, il n'y a qu'un élément commun : le délit objectif qu'ils ont commis, avec sa gravité intrinsèque. Hormis ce trait qui les rapproche, de profondes différences séparent nécessairement leurs personnalités respectives et leurs responsabilités : leur âge, leurs antécédents, leur éducation, leur intelligence, leur structure mentale, les malheurs ou les tentations qui les ont accablés. Il n'est pas juste qu'ils soient a priori justiciables d'un châtiment de la même intensité. Il faut donc laisser au juge le pouvoir d'adapter quantitativement la peine prescrite par la loi à la responsabilité morale de chaque délinquant.
- Règle morale. Il ne fait pas de doute que la sanction attachée à la commission d'une infraction ne devrait pas être déterminée uniquement par la gravité objective de l'infraction commise, mais également par la responsabilité subjective de son auteur.
Gousset (Théologie morale) : Le Concile de Trente s'en rapporte à la prudence du confesseur, qui règlera les pénitences sur la gravité des crimes et sur les dispositions du pénitent.
Mgr Lustiger (Conférences Droit, Liberté et Foi) souligne la nécessité de mettre en valeur cette dimension humaine sans laquelle tout exercice du droit perdrait de son propre sens. La justice ne peut pas fonctionner en se contentant de son propre formalisme.
- Science criminelle. L’individualisation légale, par essence abstraite et impersonnelle, ne peut être que très approximative ; seule l’individualisation judiciaire, concrète et personnelle, permet vraiment d’adapter la peine à la personnalité du coupable.
Hegel (Principes de philosophie du droit) n° 213/214 : Le droit qui entre dans l'existence sous la forme de lois positives se réalise également , comme contenu, par l'application et entre alors en relation avec la matière fournie par les situations infiniment compliquées et singulières des cas d'espèce... Dans l'affinement de la pointe de l'universel jusqu'au particulier et même à l'individuel, c'est-à-dire vers l'application immédiate [par le jugement], se trouve la pure positivité de la loi.
Carrara
(Cours de droit criminel, éd. 1876) : L'individualisation
idéale de la peine consiste à laisser à l'arbitraire illimité du
juge le soin de mettre en harmonie la quantité de la peine avec
chaque délit. C'est, dans l'état actuel de la doctrine, une
question vitale autant que controversée, que de savoir s'il est
bon d'accorder aux juges la faculté d'abaisser la peine
au-dessous de la mesure ordinaire, à raison de circonstances
atténuantes non définies par la loi [la question se pose
toujours avec autant d'acuité]...
Ce système a été chaudement loué par M. Mittermaier, et
généralement par les français modernes qui s'y attachent par un
motif empirique : pour rendre plus rares les verdicts de
non-culpabillité.
Il a au contraire été âprement combattu par Feuerbach, comme
destructif de la force morale objective de la peine, et par
Lipmann, parce que, en vertu de ce système, l'autorité
judiciaire envahit le pouvoir législatif.
Les partisans des circonstances indéfinies qui ne se contentent
pas de la seule vue de faciliter la condamnation, cherchent à
les appuyer sur un principe rationnel, et invoquent ces deux
propositions : 1°/ que la justice demande qu'on proportionne la
peine à la criminalité subjective ; 2°/ que la
criminalité subjective ne peut être évaluée a priori par la loi,
quelle ne peut l'être que par le juge qui voit devant lui le
sujet actif du délit.
Mais l'expérience fait douter beaucoup si les jurés, en
admettant ou en refusant les circonstances atténuantes, jugent
l'homme du délit, ou l'homme de l'audience qui a su les
attendrir par ses artifices ou qui les a irrités par son
maintien ; ce qui change en pure hypothèse le prétendu jugement
de la criminalité subjective.
Toureille (Crime et châtiment au Moyen-âge) : Au Moyen-âge on s'interroge parfois sur les causes de la perversion et, comme on le fait aujourd'hui, le juge va chercher dans l'histoire de l'accusé, remontant jusqu'à son enfance, les éléments déterminants de la déviance. On n'en est pas encore aux abus du déterminisme, qui fonde une partie des théories criminelles du XIXe siècle, mais commence à poindre la prise de conscience que l'environnement familial et éducatif contribue à la construction des personnalités. On découvre alors que les comportements déviants s'ancrent dans la prime jeunesse.
Garnot (Histoire de la justice) : Le caractère atténuant ou aggravant des circonstances du crime s'apprécie au Moyen-âge en fonction de sept critères (le motif du crime, le rang des protagonistes, la nature du butin, le lieu, le temps, la récidive, la conséquence), ainsi que la complicité, l'ensemble définissant non seulement la dangerosité du délit, mais aussi le poids des transgressions sociales.
Code de procédure annamite des Lê (Chap. 1, art. 31) : Entre les auteurs d'un crime ou d'un délit, il existe des différences de culpabilité marquées. Il convient donc d'établir ces différences dans les condamnations et de ne pas condamner sans distinction tous les coupables à des peines graves... On doit examiner le degré de gravité exact de la faute commise pour augmenter ou diminuer les peines prévues, sans s'en tenir strictement aux prescriptions de la loi ordinaire.
Code pénal de l’Uruguay. Art. 86. Individualisation de la peine. Dans sa décision le juge déterminera, entre le maximum et le minimum indiqués par la loi pour l’infraction reprochée, la peine adéquate, en tenant compte de la plus ou moins grande dangerosité du coupable, de ses antécédents personnels, de la gravité et du nombre des circonstances aggravantes ou atténuantes qui concourent dans les faits.
Cons. d'État 21 octobre 2013, n° 367107 (Gaz.Pal. 7 novembre 2013 p.29) : Le principe d'individualisation des peines qui découle de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme, s'il ne saurait interdire de fixer des règles assurant une répression effective des infractions, implique qu'une sanction administrative ayant le caractère d'une punition ne puisse être appliquée que si l'autorité compétente la prononce expressément en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce.
L'individualisation de la peine se traduit le plus souvent par un abaissement de celle-ci, au détriment du but de prévention générale que doit viser la sanction pénale.
Franck (Philosophie du droit pénal) : En matière de droit pénal, vous passerez facilement de l’excès de la rigueur à celui de l’indulgence. Attendri par une pitié trompeuse, séduit par une philanthropie romanesque, vous voudrez enlever à la société tous ses moyens de défense, vous voudrez désarmer la justice et énerver la loi ; toujours prêt à verser des larmes sur le sort du coupable, vous serez sans entrailles pour les honnêtes gens. L’ordre social, sous cette influence dissolvante, n’existera plus bientôt que de nom. Le vice et le crime, assurés de trouver partout indulgence et protection, marcheront le front levé. Il faudra, comme naguère à New York, des associations privées pour remplacer l’autorité avilie et les tribunaux impuissants ; ou l’on en viendra à marcher en armes, comme les aristocraties féodales du moyen âge ; on rentrera dans la servitude par l’anarchie et par la faiblesse.
C'est pourquoi il est arrivé que le législateur interdise l'individualisation.
Exemple donné par Michelet. Les Édits de Charles Quint contre les protestants, aux Pays-Bas, interdisaient aux juges d'atténuer les châtiments prévus par la loi au motif que le but de celle-ci serait principalement de faire peur.
- Droit positif français. Le Code pénal de 1993 a laissé place à l'individualisation judiciaire, mais à regret tant la vénération de la loi demeure vivace depuis la Révolution.
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-III-I-302 et 303, p.277 et s. / n° II-114 et s., p.320 et s.
Desportes et Le Gunehec (Le nouveau droit pénal) : Quelles que soient les critiques que peut soulever l’accroissement des pouvoirs des juges, celui-ci est inéluctable car il est seul de nature à permettre une véritable personnalisation des peines.
Cass.crim. 5 octobre 1977 (Bull.crim. n°291 p.740) : Les juges répressifs disposent, quant à l’application de la peine dans les limites fixées par la loi, d’une faculté discrétionnaire dont ils ne doivent aucun compte.
Trib.pol. Tarbes 17 février 1993 (Gaz.Pal. 1993 somm. 174) : L’individualisation de la peine relève par essence de l’autorité judiciaire, notamment par application de l’art. 66 de la Constitution de 1958. En effet, si les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit, encore faut-il que la question suivante puisse être clairement posée et puisse être, cas par cas, résolue : comment traiter également des situations inégales ?C’est pour tenter de répondre au mieux à cette question que le principe de l’individualisation de la peine a été affirmé. Il constitue un principe fondamental d’un État de droit grâce auquel l’autorité judiciaire, gardienne des libertés individuelles, peut traiter de situations inégales en évitant les inégalités répressives et ainsi protéger la société tant au regard de la gravité de l’information commise qu’au regard des conséquences excessives que pourraient entraîner des sanctions inadaptées.
Cass.crim. 19 décembre 1983 (Bull.crim. p.886 n° 343) : Aucune peine, autre que celle appliquée par la loi à la nature de l'infraction, ne pouvant être prononcée, encourt la cassation l'arrêt qui, pour un délit d'abus de confiance, a prononcé une peine d'emprisonnement de trois ans, supérieure au maximum prévu par l'art. 408 C.pén.
Cass.crim. 3 avril 1973 (Bull.crim. n° 168 p.404): Les juges ne peuvent prononcer une peine que dans les limites fixées par la loi ; ils ne peuvent, dès lors, réprimer une infraction par une peine inférieure au minimum légal...
INDIVISIBILITÉ (des faits)
Cf. Compétence (nationale)*, Compétence internationale*, Connexité*, Faits*, Prescription*, Qualification des faits*, Recel*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-I-216, p.54
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », n° p.183 (note n°9) / n° 501, p.318,
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° I-II-222, p.212 / n° II-I-150, p.409 / n° II-I-151, p.411 / n° II-I-155, p.421 / n° II-I-215, p.445 / n° II-II-207, p.497
Voir : Faustin Hélie, Compétence, indivisibilité et connexité
Des agissements sont indivisibles lorsqu’ils sont accomplis en un trait de temps, qu’ils sont commis dans le même lieu, et qu’ils tendent à une même fin. Les juges doivent alors les réunir de façon à pouvoir les examiner globalement, ce qui augmente les chances de découvrir leur sens exact.
Merle et Vitu (Traité de droit criminel) : Pas plus que le Code d’instruction criminelle, le Code de procédure pénale n’a défini cette notion au sujet de laquelle l’incertitude règne en jurisprudence. L’indivisibilité suppose un ensemble de faits complexes, punissables chacun comme une infraction autonome, mais il existe entre ces faits un lien tel que l’existence des uns ne peut se comprendre sans celle des autres, ou bien encore ces faits sont si intimement reliés entre eux que l’une des infractions est la suite nécessaire de l’autre.
Digeste de Justinien, 47, X, 41. Nératius : Un père, au fils duquel une injure a été faite, ne doit pas être empêché de poursuivre son injure et celle de son fils en deux jugements différents.
Cass.crim. 13 juin 1968 (Traissac, Gaz.Pal. 1968 II 246 et la note) : Seule la constatation par les juges de l’existence de faits rattachés entre eux par un lien tel que l’existence des uns ne se comprendrait pas sans l’existence des autres, et formant un tout indivisible, peut faire obstacle à des poursuites séparées.
Cass.crim. 15 octobre 1959 (Tables Gazette du Palais) sommaire : Il y a lieu de considérer un crime ou un délit comme rattachés l’un a l’autre par les liens de l’indivisibilité lorsqu’ils ont été commis dans le même trait de temps, dans le même lieu, qu’ils ont été déterminés par le même mobile, qu’ils procèdent de la même cause, et qu’en outre l’indivisibilité de l’accusation comme de la défense sur l’ensemble des faits commande de les soumettre simultanément à l’appréciation d’un même juge.
- Ce principe s'applique à tous les types de responsabilité, pénale comme civile.
Cass 2e civ. 1er juillet 2010 (pourvoi n° 09-67627) : La qualité de conducteur ou de piéton de la victime ne pouvait changer au cours d'un accident reconnu comme un accident unique et indivisible.
- L'indivisibilité des faits a pour effet de reporter le point de départ de la prescription au jour où le dernier acte a été accompli.
Cass.crim. 31 janvier 2007 (Gaz.Pal. 12 mai 2007) : La prescription du délit de concussion résultant d'opérations indivisibles ne commence à courir qu'à compter de la dernière des exonérations indûment accordées.
- L’indivisibilité des faits perpétrés emporte indivisibilité des infractions commises, ce qui accroît les chances d’indemnisation des victimes.
Cass.crim. 2 mai 1967 (Bull.crim. n° 139 p.329) : La subornation de témoins et le faux témoignage qui s’en est suivi constituent un ensemble de faits qui est indivisible au regard du droit à réparation qu’il ouvre, devant la juridiction répressive, à ceux qui en ont été victimes.
Cass.crim. 12 janvier 2010 (Gaz.Pal. 25 mars 2010) : La culpabilité du prévenu est suffisamment établie par le constat qu'il a participé à la scène unique de violences au cours de laquelle la victime a été blessée.
IN DUBIO PRO REO - Voir : Doute* (il bénéficie à la défense).
INDUIRE (Induction)
Issu du verbe latin inducere (conduire dans, contre, vers - déterminer à), le verbe induire peut, en droit criminel, être employé dans trois sens.
Dans un premier sens (plus rare en français que dans les autres langues latines), il est synonyme d'inciter à commettre une infraction (ou encore d'instiguer).
Cf. Instigation*, Provocation (à commettre une infraction)*.
Code pénal de Colombie. Art. 107- Inducción o ayuda al suicidio : Celui qui, efficacement, incite autrui au suicide, ou il lui prête une aide effective pour sa réalisation, encourt en de deux (2) à six (6) années de prison.
Dans un deuxième sens, il vise le fait d'agir en sorte que quelqu'un soit victime d'une erreur. Tel est le cas avec le délit de fraude contractuelle consistant en des écrits ou propos "de nature à induire le client en erreur".
Cf. Mensonge*, Tromperie contractuelle*.
Gousset (Théologie morale) : Mentir, c'est parler contre sa pensée avec l'intention de tromper; c'est affirmer comme vrai ce que l'on croit faux, ou comme faux ce qu'on croit vrai, dans le dessein d'induire en erreur.
Bentham (Déontologie ou science de la morale) : Le mensonge est un des modes nombreux dans lesquels la déception est pratiquée. Sa tendance toujours, et en général son intention, est d'induire en erreur.
Larguier et Conte (Droit pénal des affaires) : La publicité fausse ou de nature à induire en erreur figure aujourd'hui dans le Code de la consommation, aux art. L. 121-1 et s.
Code pénal d'Andorre. Art. 330 : Quiconque, par un quelconque moyen publicitaire, aura présenté un produit ou un service avec des indications ou des allégations fausses, trompeuses ou susceptible d'induire en erreur sur la nature, la composition ou les qualités substantielles de ces produit ou service, sera puni comme auteur d'un délit de publicité mensongère, d'un emprisonnement d'une durée maximale de deux ans.
Cass.crim. 4 mai 2004 (Bull.crim. n° 105 p.402) : Commet cumulativement le délit de publicité de nature à induire en erreur et celui de tromperie, le voyagiste qui a fait diffuser une publicité comportant des allégations fausses ou de nature à induire en erreur et qui trompe volontairement les cocontractants sur la nature des prestations fournies.
Dans un troisième sens, l'induction désigne l'opération intellectuelle qui consiste à partir d'un cas spécial pour le rapprocher d'un cas plus général, par un raisonnement qui doit beaucoup à l'intuition, afin de le soumettre à une même loi. Cette forme d'Analogie* côtoie l'extrapolation et revêt dès lors un aspect arbitraire.
Cf. Analogie*, Imputation (de l'infraction)*, Qualification des faits*, Syllogisme*.
Vergely (Dictionnaire de la philosophie) : L'induction consiste à tirer des conclusions générales à partir de cas particuliers considérés comme porteurs de relations générales. Alors que la déduction va du général au particulier, l'induction va du particulier au général.
Cuvillier (Vocabulaire philosophique) : L'Induction - Opération qui consiste à passer des fais à la loi, de cas singuliers ou spéciaux à une proposition plus générale.
Bibaud (Essai de logique judiciaire) : L'induction est une forme d'argument qui consiste à présenter plusieurs propositions particulières, d'où l'on tire une conclusion générale.
Luquet (Logique, morale, métaphysique) : Il est possible, au moyen de l'induction, de rattacher certains faits à d'autres faits par des lois, c'est-à-dire par des relations constantes dans les conditions connues de l'expérience actuelle.
Gorce (Traité de philosophie) souligne le danger de l'induction amplifiante : Il ne s'agit pas d'une généralisation hâtive, ou de ce que les savants appellent extrapolation et qui consiste à affirmer dans un domaine ce qui a été vérifié dans un autre domaine réputé semblable.
Cass.crim. 29 novembre 1993 (Gaz.Pal. 1994 I Chr.crim. 153) : Le fait que les deux prévenus aient perçu d’importantes commissions, sans rapport avec la réalité des services rendus, induisent un comportement conscient et intentionnel de leur part.
Cass.crim. 28 mai 1980 (D. 1981 IR 137) : La complicité par aide et assistance ne peut s'induire d'une simple inaction ou abstention.
En raison de la grande part qui y est faite à l'intuition, le jugement par induction est contraire à l'esprit du droit criminel qui lui préfère le raisonnement par syllogisme.
Bacon (Œuvres complètes) : Passons au jugement ou à l'art de juger, art où il s'agit de la nature des preuves ou démonstrations. Or, dans cet art de juger, du moins dans celui qui est reçu, on conclut ou par induction ou par syllogisme... Or, quant au jugement par induction, je n'y vois rien qui doive nous arrêter ; car ce que l'on cherche c'est par une seule et même opération de l'esprit qu'on l'invente et qu'on le juge ; et il n'est pas besoin pour cela de moyen ou d'intermédiaire, l'opération est immédiate, et tout se passe ici comme dans les sensations.
INDULT - Institution du Très ancien droit français, qui a subsisté dans certains pays de langue espagnole ou portugaise. Du fait de l'indult (acte d'indulgence) l'autorité supérieure peut, par exception, mettre fin à telle action publique particulière dans le but d'assurer la paix sociale.
Carrara (Cours de droit criminel) : Les modes politiques d'extinction de l'action publique sont ceux par lesquels la loi éteint l'action pénale... L'indult a pour seule raison l'utilité générale de la cité qui, dans certains cas, trouve plus d'avantage à laisser le coupable impuni ; cette mesure laisse subsister l'action privée.
Code pénal du Brésil. Art. 107 : La faculté de punir s'éteint par le décès de l'agent, par l'amnistie, la grâce ou l'indult...
INFAMIE (Peine infamante)
Cf. Claie*, Ignominie*, Interdiction de droits*, Pilori*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° II-9, p.283 (note 7) / n° III-115, p.402 (note 2)
- Notion. Au sens étymologique, l’infamie est une décision, une action ou une omission qui porte atteinte à la renommée d’une personne, qui entache son honneur, qui la frappe d’ignominie.
Dictionnaire civil et canonique (Paris 1687) : Infamie est la perte de l’honneur et de la réputation. L’infamie de droit procède d’un crime condamné par la loi.
Bentham (Déontologie ou science de la morale) : Le tribunal de l'opinion publique a attaché une infamie spéciale à celui qui, dans l'occasion, ne rend pas les services qu'il a reçus.
Carrara (Cours de droit criminel) : Les peines infamantes sont celles qui frappent le coupable dans son honneur.
- Science criminelle. Le droit romain, et l'Ancien droit à sa suite, a connu la décision judiciaire d’infamie,
qui frappait l'intéressé de certaines déchéances sociales. Ce type de sanction peut être de quelque efficacité à l'égard des personnes soucieuses de leur
honneur et de leur réputation.
On a toutefois souvent observé que c’est, non la peine prononcée en application de la loi, mais la nature et la gravité du crime commis qui marque le
coupable d’infamie dans le public.
Digeste de Justinien 47, XII, 1 : L’action de sépulcre violé emporte infamie.
Mommsen (Droit pénal romain) : Dans les débuts de l’État romain, l’admission ou le rejet de l’infamie dépend ordinairement de l’appréciation individuelle de chaque magistrat.
Digeste de Justinien 47, II, 65. Nératius : Le gouverneur de la province ne peut pas faire que celui qui est condamné pour vol ne soit pas noté d'infamie.
Constitution criminelle de Charles Quint (Caroline) : Tous les Corps sont présumés être convenus entre eux de ne point admettre au nombre de leurs militaires un sujet noté d'infamie.
Bautain (Manuel de philosophie morale) : L'équité veut que la punition soit proportionnée à la faute. L'analogie exacte entre le crime et la peine fait la perfection de la pénalité... Il a diffamé: qu'il soit déshonoré à son tour par une note infamante.
Catherine II (Législation des tzars) : La crainte et la honte de quelque marque d'infamie est des moyens de retenir les hommes, et de les empêcher de commettre des crimes.
- Droit positif français. Le Code pénal de 1810, dans son art. 6, déclarait que toutes les peines criminelles
étaient infamantes. Mais la notion de peine infamante a disparu du nouveau Code pénal, qui lui a préféré celles de privation ou de suspension de droits.
Il n’en demeure pas moins que des agissements criminels marquent leur auteur d’infamie, et légitiment p.ex. une demande en divorce.
En sorte que le fait d’imputer à tort à autrui des actes criminels apparaît comme un propos infamant constitutif d’une diffamation.
Pau 5 février 1997 (Gaz. Pal. 1997 II somm. 504) : Revêtent un caractère diffamatoire des imputations insinuant, par des propos infamants et irresponsables, que les plaignants se sont rendus complices de tueurs appartenant à une organisation terroriste.
INFANS
Cf. Actes humains*, Enfant*, Majorité pénale*, Mineur délinquant*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° II-105, p.293
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-II-I-207, p.171
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », n° 459, p.313
Voir : Cass. crim. 13 décembre 1956.
- Au pénal, un « infans » est un enfant Mineur* en si bas âge (jusqu’à six ou sept ans) qu’il ne saurait en aucun cas être traduit devant une juridiction répressive.
Baudin (Cours de philosophie morale) : Il y a absence totale de moralité et de culpabilité là où manquent totalement la connaissance et la liberté ; p.ex. chez les enfants.
Digeste de Justinien, 48, 8, 12. Modestin : Un enfant ou un furieux qui ont tué un homme, ne sont pas tenus par la loi Cornélia ; l'un est défendu par l'innocence de ses intentions, l'autre par le malheur de son sort.
Pothier (Œuvres complètes, T.XXV) : Il est évident que l’on ne peut intenter d’accusation contre des enfants ; car n’ayant pas l’usage de la raison, ils ne sont pas capables de la malice qui fait le caractère du crime.
Code pénal suisse (état en 2003), art. 82 : Le présent code n’est pas applicable aux enfants qui n’ont pas atteint l’âge de 7 ans révolus.
Puech (Droit pénal général) : Si l’enfant en bas âge, l’infans au sens du droit romain, est en mesure de commettre une infraction, la constatation de sa culpabilité matérielle ne permet pas à elle-seule qu’on prenne à son encontre une mesure de sûreté. N’étant pas assez formé à l’usage de la raison, il ne peut émettre une volonté délictueuse qui soit prise en considération par le droit pénal… Le banc des prévenus ne peut tenir lieu de chaise haute pour un bambin.
- Les juridictions civiles sont moins strictes, car elles cherchent avant tout à assurer l’indemnisation de la victime, éventuellement par le canal d’une assurance.
Cass. (Ass. plén.), 9 mai 1984 : Un enfant de 3 ans ayant, en tombant d’une balançoire improvisée constituée par une planche qui s’était rompue, éborgné un camarade avec un bâton qu’il tenait à la main, l’arrêt qui a déclaré ledit enfant responsable sur le fondement de l’art. 1384 alinéa 1er C. civ. ne peut se voir reprocher de n’avoir pas recherché si l’enfant possédait la faculté de discernement. En retenant qu’il avait l’usage, la direction et le contrôle du bâton, la Cour a légalement justifié sa décision.
INFANTICIDE
Cf. Enfant*, Excuse atténuante*, Homicide*, Meurtre*, Parricide*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° I-105, p.147 / n° I-239, p.250 / n° I-244, p.257 / n° II-103, p.291 / n° III-309, p.474
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », n° 308 et 309, p.135 et s.
- Notion. Au sens étroit, l’infanticide est l'homicide d'un tout nouveau-né commis par sa mère, dans un temps où elle se trouve encore sous le choc psychologique causé par l’accouchement et la séparation physique qu'il entraîne.
Desmaze (Les pénalités anciennes) - 18 février 1589 : On fait savoir que Marguerite Targot, native d'Angoulême, ci-prise pour avoir celé sa grossesse et suffoqué son enfant, par arrêt de la Cour, a été condamnée à être pendue et étranglée à une potence, qui sera dressée sur la place de Grève.
Au sens large, l'infanticide n'est qu'une variété d’Homicide* ; c’est le Meurtre* d’un enfant, plus précisément d'un mineur n'ayant pas atteint un certain âge (fixé par le législateur en fonction des circonstances locales).
Garofalo (La criminologie) : Ce sont des préjugés patriotiques ou religieux, des usages traditionnels qu'on explique par la nécessité de la sélection, par la prévention d'un accroissement excessif de la population, qui ont fait tolérer l'infanticide au Japon, en Chine, est Australie, au Paraguay... qui, d'après la loi de Lycurgue, faisaient périr tous les enfants faibles ou mal conformés.
Minois (La
Révolution Française, Chronique d'une hécatombe, T.II) :
Dans la baie de Bourgneuf, le 23 février1794, à 17 heures ; sur
l'ordre du général Haxo le commandant du bateau le Destin,
Pierre Macé, fait jeter à la mer 39 femmes et petites
filles, un bébé d'un an et un vieillard comme
« rebelles à la loi
».
19 de ces victimes nous sont connues nommément : Marie Robard,
23 ans, Françoise Robard, 21 an, leur neveu Jean Robard, 1 an -
Marie Rousseau, femme Manier, et ses quatre filles, Marie, 4
ans, Françoise, 3 ans, Aimée-Rosalie, 2 ans et Anne, 1 an ...
Afin de ne pas laisser de témoins oculaires, le commandant fait
ensuite noyer un caporal et quatre fusiliers.
- Science criminelle. L'infanticide, au sens strict, ne constitue pas un crime autonome. Ce terme vise la situation particulière de la mère venant d'accoucher : le législateur considère parfois qu'elle se trouve dans un état de choc qui interdit de la tenir pour pleinement responsable de son acte ; en conséquence il la fait bénéficier de plein droit d'une excuse atténuante personnelle. Tel était le cas dans le Code pénal de 1810.
Voir : Tableau des incriminations protégeant la vie familiale (selon la science criminelle)
Georget (Discussion médico-légale) : L'infanticide commis par la mère, alors que dans le désordre de ses facultés physiques et morales elle agit presque à son insu, en replongeant dans le néant un être dont la vie est incertaine, offre une question difficile à résoudre.
Joly (Le crime, étude sociale) : Chez ces jeunes filles, plus malheureuses que coupables, la plupart des infanticides ont lieu immédiatement après la naissance et quelquefois pendant la délivrance même.
Garçon (Code pénal annoté) : L’atténuation de peine établie au profit de la mère ne peut s’analyser que comme une excuse légale, et non comme un crime spécial.
Code pénal du Brésil. Art. 123 – L’infanticide est le fait pour une mère de tuer son enfant, sous l’influence de l’état puerpéral, pendant l'accouchement ou aussitôt après.
Code pénal du Danemark (1933). Art. 238 : Si une mère tue son enfant au cours de l’accouchement, ou immédiatement après, il est à présumer qu’elle a agi dans un état de détresse, par peur du déshonneur, dans un état d’affaiblissement ou d’affolement …
Code pénal suisse. Art. 116 - La mère qui aura tué son enfant pendant l’accouchement ou alors qu’elle se trouvait encore sous l’influence de l’état puerpéral sera punie de l’emprisonnement.
- Droit positif français. L'infanticide était sanctionné de la peine de mort par les art. 300 et 302 du Code
pénal de 1810 ; mais la mère bénéficiait de l'excuse atténuante personnelle évoquée ci-dessus.
Le nouveau Code pénal inclut l’infanticide dans le meurtre d’un mineur de moins de quinze ans (art. 221-4 1°). Par suite, l'âge de l'enfant se trouve
être toujours une circonstance aggravante, et l'excuse atténuante dont bénéficiait la mère a disparu.
Véron (Droit pénal spécial) : L'admission de cette circonstance aggravante nouvelle a eu pour contrepartie la disparition du crime spécifique d'infanticide... disparaît également l'excuse atténuante prévue au profit de la mère.
Cass.crim. 19 janvier 1993 (Gaz.Pal. 1993 I Chr.crim. 239) : Pour renvoyer l’intéressée devant la cour d’assises sous l’accusation de tentative d’infanticide, la chambre d’accusation énonce, de manière suffisante : qu’après avoir mené une grossesse à terme à l’insu de son époux, elle a accouché seule d’une petite fille le 8 avril 1989 dans la baignoire de sa salle de bains ; que, selon ses déclarations, voyant l’enfant inerte et la croyant mort-née, elle l’aurait enfermée dans un double sac en plastique qu’elle aurait ensuite déposé dans le bûcher de sa maison ; que, prétextant une hémorragie, elle aurait demandé à son mari de la conduire à l’hôpital ; que celui-ci, en allant confier son fils à une voisine, aurait entendu des petits cris qu’il aurait interprétés comme provenant de miaulements de chat et aurait alors aperçu le sac ensanglanté ; que sur son interrogation, sa femme lui aurait répondu qu’elle ignorait ce dont il s’agissait ; que, revenant de chez ses voisins, il aurait constaté que le sac d’où provenaient les bruits précités avait été déplacé ; que, pour mettre fin aux souffrances de ce qu’il croyait être un animal blessé, il se serait armé d’un revolver mais, répugnant à tirer, aurait ouvert le sac et découvert le bébé ; que l’intéressée n’aurait rien fait pour l’empêcher de tirer de sorte que, s’il n’avait pas renoncé de lui-même à le faire, il aurait tué l’enfant.
INFILTRATION
Cf. Écoutes téléphoniques*, Loyauté*, Mouton*, Pièges et artifices*, Police judiciaire*, Preuve (Recherche des)*, Provocations*, Sonorisation*.
Une opération d’infiltration consiste, pour un officier de police judiciaire, ou un agent de police judiciaire spécialement habilité et agissant sous la
responsabilité d’un officier de police judiciaire, à surveiller des personnes suspectées de commettre un crime ou un délit en se faisant passer, auprès
de ces personnes, comme un de leurs coauteurs, complices ou receleurs.
L’officier ou l’agent de police judiciaire est, à cette fin, autorisé à faire usage d’une identité d’emprunt et à commettre si nécessaire certains actes
délictueux, telle la fourniture d’un logement. Ces actes ne peuvent en aucun cas constituer une incitation à commettre des infractions puisque, si la
police judiciaire peut user de Pièges et artifices*, elle ne saurait se livrer à des
Provocations*. Le régime de l’infiltration est précisé aux art. 706-81 et s. C.pr.pén.
Cass.crim. 22 juin 1994 (Gaz.Pal. 1994 II somm. 682) : Des fonctionnaires de l’Office central de répression contre le trafic international des stupéfiants et du service régional de police judiciaire ont infiltré un réseau de trafiquants de cocaïne ayant son siège en Colombie. Un agent de l’OCRTIS a ainsi été chargé de se présenter comme acheteur en utilisant le concours d’un délinquant repenti. A l’issue de l’enquête, les membres du réseau qui ont été arrêtés ont été déférés au procureur de la République.
Cass.crim. 30 avril 1998 (Gaz.Pal. 1998 Chr. crim. 138-139) : Pour refuser justement de faire droit à la demande d’annulation de la procédure, la Chambre d'accusation a relevé que l'intervention du policier n'avait pas déterminé les agissements des personnes mises en examen mais avait eu pour seul effet, en facilitant son infiltration d'un réseau préexistant, de constater le trafic de stupéfiants auquel ces derniers se livraient.
INFORMATION - Voir : Instruction préparatoire*.
Muyart de Vouglans (Instruction criminelle) : L’information n’étant autre chose qu’une exacte perquisition de la vérité des faits ; pour y bien procéder, il est donc du devoir d’un bon Juge de ne rien négliger de tout ce qui peut tendre à la découverte de cette vérité, et par conséquent de n’omettre aucune des circonstances qui peuvent servir à faire décharger l’accusé, comme de celles qui tendent à le convaincre du crime. C’est ce qui a fait dire aux Auteurs que l’information était comme une glace d’un miroir, qui doit représenter les objets tels qu’ils sont, sans les augmenter, diminuer, ni altérer en quelque manière. [On observa que, sous l'Ancien droit déjà, les magistrats devaient informer à charge et à décharge].
INFORMATIONS - Voir : Livraison d’informations*.
INFORMATIQUE
Cf. Cybercriminalité*, Escroquerie*, Vol simple - Droit positif*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° I-236 et s., p.340 et s.
- Notion. L’informatique est la technique qui permet le stockage et l’exploitation d’informations, de manière
automatique et rationnelle.
Les ordinateurs et leurs annexes sont protégés, d’abord, en tant que biens meubles, selon le droit commun, contre toute destruction matérielle. Ils le
sont également dans leur système de fonctionnement, cette fois par les art. 323-1 et s. C.pén. (anciens art. 462-3 et 462-4) ; le législateur a même
pris soin d’édicter en Délit-obstacle* le fait de détenir un matériel permettant de porter atteinte à un ou des
ordinateurs (art. 323-3-1).
Dictionnaire d’éthique et de philosophie morale. V° Informatique (Cerezuelle) : L’informatique est l’ensemble des techniques de stockage, de traitement et de transmission de données par manipulation automatique de symboles physiques enregistrés sous forme de signaux digitaux ; manipulations effectuées actuellement par des machines électroniques que l’on nomme ordinateurs.
Trib.corr. Paris 25 février 2000 (D. 2000 act.jur. 219) : Le système de carte bleue est, au sens des dispositions de l'art. 323-1 C.pén., un système de traitement automatisé de données.
- Protection contre les dégradations. Les art. 323-2 et 323-3 (modifié loi du 24 juillet 2015) C.pén. incriminent de manière générale la dégradation d'un système de traitement automatisé de données.
Code pénal du Luxembourg. Art. 509-2 : Quiconque aura, intentionnellement et au mépris des droits d’autrui, entravé ou faussé le fonctionnement d’un système de traitement ou de transmission automatisé de données sera puni d’un emprisonnement de trois mois à trois ans et d’une amende...
Cass.crim. 12 décembre 1996 (Bull.crim. n°465 p.1353) : L’introduction délibérée d’un « virus informatique » dans un logiciel constitue une atteinte au traitement automatisé de données.
- Protection contre les immixtions. L'art. 323-1 C.pén. vise pour sa part le fait d'accéder ou de se maintenir, frauduleusement, dans tout ou partie d'un système de traitement automatisé de données.
Cass.crim. 10 avril 2013, pourvoi n° 12-85618 : Les termes de l'art. 323-3 C.pén. sont suffisamment clairs et précis pour que son interprétation et sa sanction, qui entrent dans l'office du juge pénal, puissent se faire sans risque d'arbitraire.
Cass.crim. 8 septembre 2015, pourvoi n° 13-85587 : Selon l'art. 226-16 C.pén., ensemble la loi du 6 janvier 1978, est réprimé pénalement le fait, y compris par négligence, de procéder ou de faire procéder à un traitement de données à caractère personnel sans qu'aient été respectées les formalités préalables prévues par la loi susvisée qui s'applique aux traitements de données à caractère personnel et n'exige pas le franchissement d'un seuil de données ou de fichiers.
Paris 18 décembre 2001 (D. 2002 IR 940) : La loi réprime l’accès et le maintien frauduleux dans un système de traitement automatisé de données ainsi que l’action frauduleuse sur celles-ci, à titre individuel ou par association de malfaiteurs informatiques, mais elle réprime également l’entrave au fonctionnement d’un système informatique.
Cass.crim. 3 octobre 2007 (Bull.crim. n° 236 p.993) : Doit être censuré l'arrêt qui relaxe un prévenu du chef de maintien frauduleux dans un système de traitement automatisé de données alors qu'il relève que celui-ci, quand bien même il y aurait accéder régulièrement, a utilisé pendant plus de deux ans, et avec un code qui ne lui avait été remis que pour une période d'essai, une base de données qui n'était accessible qu'au personnes autorisées.
Code pénal d'Andorre. Art. 264 : L'accès frauduleux à tout ou partie d'un système informatique sera puni d'un emprisonnement d'une durée maximale de deux ans et demi.