DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL
- Professeur Jean-Paul DOUCET -
Lettre I
(Cinquième partie)
INFRACTION
Cf. Classification des délits*, Contravention*, Crime*, Crime atroce*, Crime parfait*, Délit*, Délit civil*, Délit pénal*, Délits pénaux*, Éléments constitutifs de l’infraction*, Faits*, Forfait*, Incrimination*, Infractions (diverses variétés d’)*, Méfait*, Péché*, Qualification*.
Voir : Jean-Paul Doucet,
« La loi pénale » (4e éd.), n° I-9, p.137 /
et les deux tableaux classant des diverses incriminations pénales,
p.266 et 267
Voir notre article intitulé : Les familles d'infractions
- Notion. Le mot « infraction » est souvent employé de manière imprécise. Aussi faut-il toujours conserver présent à l’esprit son sens strict.
Dans un sens large, le mot infraction vise tout crime, délit ou contravention, soit envisagé abstraitement par le législateur, soit perpétré concrètement par un malfaiteur. Cette acception doit être retenue avec prudence, et seulement là où il n’y a nul risque d’imprécision dans la pensée ou dans l’expression.
Garçon (Code pénal annoté) : On appelle infraction pénale tout fait prévu et puni par la loi d’une peine proprement dite.
Larguier (Droit pénal général) : L’infraction est un acte ou une omission interdit par la loi sous menace d’une peine.
Dans un sens étroit, conforme à son étymologie, le terme infraction désigne le fait pour une personne de violer consciemment les divers éléments constitutifs d'une incrimination assortie d'une sanction pénale (du latin infractio : fait de briser, de heurter, d’abattre un obstacle). Sous cette acception, l’infraction relève par nature des techniques judiciaires (concrètes) et non des techniques législatives (abstraites, voir : Délit*). C’est cette notion restrictive qui est retenue ci-dessous ; voir : Infractions (diverses variétés d’)*.
Cass.crim. 17 mars 1981 (Bull.crim. n° 97 p.267) : Dès lors que la plainte dénonçant une infraction à la loi sur la presse, contient les mentions exigées par l'art. 50 de cette loi, l'action est régulièrement engagée.
Cass.soc. 19 mai 1993 (Gaz.Pal. 1993 II panor. 166) concerne un salarié qui a utilisé le véhicule de la société pour regagner son domicile à la suite de la réception organisée par elle, alors qu'il était « gai et en état d'infraction ».
L'essentiel consiste à bien distinguer entre l'incrimination abstraite, édictée par le législateur, et l'infraction concrète commise par un justiciable (qui n'est établie qu'après qualification judiciaire des faits de l'espèce).
Carrara (Cours de droit criminel - éd. française) : Quand on ne considère plus le délit in abstracto, dans sa notion générale et ses conditions, mais qu'on descend à l'examiner dans ses applications particulières, on trouve naturellement entre un cas d'espèce et un autre des différences très importantes, des diversités de qualité, de quantité et de degré.
Rorbert (Droit pénal général) : L’infraction que le législateur a créée est une description abstraite, un concept mis en forme... L'infraction du délinquant est un acte réel, concret et malfaisant qui trouble la société.
Lorsque l'auteur d'agissements visant à violer une incrimination pénale échoue dans son entreprise, on parle de Tentative* ou d'Infraction - manquée*.
Carrara (Cours
de droit criminel) : L'infraction est parfaite quand
la violation du droit protégé par la loi pénale est consommée.
Elle est imparfaite quand cette violation n'a pas eu
lieu...
Une infraction peut demeurer imparfaite, soit quand l'action est
restée imparfaite... soit quand l'action étant parfaite l'agent
n'a cependant pas obtenu l'effet auquel il visait,à cause d'un
empêchement produit par une heureux accident. Dans le premier
cas, il y a tentative ; dans le second il peut y
avoir, sous certaines conditions infraction manquée.
L'auteur d'une infraction, au sens strict, est parfois dit l'infracteur.
Rauter (Traité du droit criminel) : L’opinion personnelle de l’infracteur sur le mérite de la loi n’entre aucunement dans l’appréciation de son intention.
Mittermaïer (Traité de la preuve ne matière criminelle) : Parmi les lois qui édictent des peines contre leurs infracteurs, les plus sages même deviendraient infructueuses, si les coupables qui, au mépris de leurs injonctions, ont porté atteinte à la paix publique, n’étaient pas irrémissiblement livrés aux châtiments qu’elles énoncent.
- La violation de la loi peut résulter, soit d’un acte unique, soit de plusieurs actes ; elle peut consister, soit en un acte dangereux en soi, soit en un acte qui s’étire jusqu’au moment où il a causé à une victime. Il résulte de cela que si certains délits se limitent à un point de l’espace et du temps, et obéissent de ce fait à un régime juridique simple, d’autres présentent une certaine densité : ils occupent une plage dans l’espace, une durée dans le temps. D’où certaines difficultés de localisation et de datation de l’infraction.
- Localisation de l’infraction dans le temps. Cette localisation intéresse principalement la prescription de l’action. Une contravention d’excès de vitesse est commise tel jour à telle heure : le délai de prescription commence à courir dès le lendemain. En revanche, un délit de recel perdure tant que son auteur conserve le bien entre les mains et la prescription ne commence à s’écouler que du jour où il s’en est dessaisi.
Cf. Infractions (Variétés)* : Infraction complexe, Infraction continue, Infraction instantanée, Infraction permanente et Infraction successive.
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-I-217, p.55
Merle et Vitu (Traité de droit criminel) : On fixe le point de départ du délai de prescription au jour où l’infraction a été commise. Mais quand l’infraction est-elle réputée commise ? C’est ici que la distinction entre les infractions instantanées, continues et d’habitude, prend tout son intérêt. Le point de départ est fixé au jour de l’acte délictueux pour les premières, - au jour où prend fin l’état délictueux pour les infractions dites continues successives, par exemple pour le recel de choses ou la non-représentation d’enfant, - au jour où cesse l’activité délictueuse pour les délits dits continués, tels que la corruption de fonctionnaires, - au jour de l’acte délictueux, et non au jour où ont cessé ses effets, pour l’infraction appelée continue permanente, par exemple la bigamie, - enfin au jour du dernier acte manifestant l’état d’habitude pour les infractions d’habitude.
Cass.crim. 7 juin 2005 (Bull.crim. n° 171 p.603) : Les éléments constitutifs de la dénonciation calomnieuse doivent être appréciés au moment où celle-ci a été portée devant l’autorité compétente.
Cass.crim. 8 juillet 1971 (Bull.crim. n° 227 p.550) : L’usage de faux est une infraction instantanée, mais se renouvelant à chaque fait positif d’usage qui interrompt la prescription.
Cass.crim. 28 mars 1996 (Gaz.Pal. 1996 II Chr.crim. 130) : Il est de principe que la prescription du recel de choses commence à courir du jour où la détention a pris fin.
- Localisation de l’infraction dans l’espace. Cette seconde localisation revêt elle aussi une grande importance, car c’est elle qui détermine la Compétence territoriale*. Sont compétents tous les tribunaux (ayant déjà compétence d’attribution) des lieux où l’infraction s’est développée et propagée. Supposons un camion transportant des cigarettes de contrebande qui part de Madrid en direction de Londres : peuvent juger le chauffeur (et ses complices) les tribunaux correctionnels espagnols, français et anglais des différentes villes traversées.
Cf. Compétence (compétence territoriale)*, Compétence internationale*, Infraction commise à l’étranger*, Infractions (Variétés)* : Infraction complexe, Infraction continue, Infraction instantanée, Infraction permanente et Infraction successive, Lieu du crime*, Transport sur les lieux*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-I-220, p.57
De Ferrière (Dictionnaire de droit,1762) : Si un homme tire un coup de fusil étant en une juridiction, et tue un homme qui serait dans une autre, à quel juge de ces deux juridictions doit appartenir la connaissance de ce crime ? Il faut dire que l’un et l’autre de ces juges est compétent.
Cass.crim. 28 janvier 1960 (Bull.crim. n° 59 p.118) : Lorsqu’un écrit injurieux est adressé d’un lieu à un autre, la compétence appartient aussi bien au tribunal de la localité d’où il a été expédié qu’à celui de l’endroit où il a touché son destinataire.
INFRACTION COMMISE À L’AUDIENCE D’UN TRIBUNAL - Voir : Audience*.
INFRACTION COMMISE À L’ÉTRANGER
Cf. Compétence internationale*, Territorialité de la loi*.
Une infraction survenue à l’étranger n’intéresse ordinairement que la justice étrangère. Les tribunaux français ne peuvent s’en saisir que si l’un de ses
éléments constitutifs a été commis en France.
La situation se présente de manière particulière si un français est impliqué dans cet événement (anciens art. 689 et s. C.pr.pén.). Il faut alors
distinguer selon que l’infraction est commise ou subies par un compatriote. Mais, en toute hypothèse, la poursuite ne peut être exercée que par le
ministère public, et doit être précédée d’une plainte de la victime ou d’une dénonciation officielle de l’autorité étrangère (art. 113-8 C.pén.).
Cass.crim. 24 novembre 1998 (Gaz.Pal. 1999 I Chr.crim. 47) : Il résulte de l'art. 113-8 C.pén. que, même en l'absence d'une dénonciation officielle, les poursuites contre un français ayant commis un délit hors du territoire de la République peuvent être exercées en France à la requête du ministère public, lorsque les réquisitions ont été précédées d'une plainte de la victime; pour l'application de ces dispositions, il n'importe que la plainte ait été déposée en France ou à l'étranger, dès lors que, dans ce second cas, elle a été transmise aux autorités judiciaires françaises.
- Infraction commise par un français à l’étranger. L’art. 113-6 du Code pénal donne compétence à la loi pénale
française pour certaines infractions perpétrées par un Français à l’étranger. C’est la raison pour laquelle la France peut légitimement refuser
d’extrader ses nationaux réfugiés sur le territoire national : si elle ne les livre pas, elle doit impérativement les juger (à moins qu’ils ne
l’aient déjà été par l’État intéressé et n’aient purgé leur peine : art. 113-9).
- L’art. 113-6 al.1 dispose que les tribunaux français peuvent juger tout français supposé avoir commis un crime à
l’étranger.
- L’art. 113-6 al.2 limite la compétence des tribunaux français, pour les délits, au cas où les faits sont incriminés à
la fois par la loi française et par la loi étrangère (sur la double qualification, voir : Loi étrangère*).
Merle et Vitu (Traité de droit criminel) : Il semblerait logique que la France se désintéresse des infractions commises à l’étranger par des Français. Mais cette indifférence serait condamnable, et d’ailleurs nuisible à notre pays lui-même. Il se peut en effet que le coupable réussisse à regagner la France après son acte sans avoir été inquiété par les autorités étrangères, et il importe alors de prévenir la récidive par la sanction pénale qu’il mérite. D’ailleurs, puisque le citoyen français bénéficie, hors des frontières, de la protection des agents diplomatiques et consulaires de son pays, ne doit-il pas en contrepartie répondre de ses infractions devant les tribunaux français ? Le juger en France est d’ailleurs la seule solution possible s’il s’est réfugié sur le sol national, puisque l’extradition n’est pas utilisable contre lui.
Cass.crim. 9 novembre 1988 (Bull.crim. n° 385 p.1018) : L’arrêt qui, statuant sur une poursuite du chef d’évasion par bris de prison commis en Belgique par un citoyen français, constate que le fait n’est pas puni par la législation du pays où il a été perpétré et le requalifie, déclare à bon droit le prévenu coupable de dégradation de monument d’utilité publique, dès lors que ce délit est prévu par l’art. 257 du Code pénal français et par l’art. 526 du Code pénal belge.
- Infraction subie par un français à l’étranger. L’art. 113-7 du Code pénal dispose que la loi pénale française est applicable aux crimes et aux délits punis de l’emprisonnement commis à l’étranger, lorsque la victime était de nationalité française au moment de l’infraction.
Cass.crim. 31 janvier 2001 (Bull.crim. n° 31 p.81) : Seule la qualité de Français, de la victime directe d’une infraction commise à l’étranger, attribue compétence aux lois et juridictions françaises sur le fondement des art. 113-7 C.pén. et 689 C.pr.pén. Il n’en était pas ainsi en l’espèce, où la veuve française d’un ancien Président nigérien portait plainte, du chef d’assassinat, contre le nouveau Chef de l’État.
- Agissements d'un étranger commis en France et s'achevant à l'étranger. Dès lors que l'un des éléments constitutifs de l'infraction a eu lieu en France, les tribunaux nationaux sont compétents. Mais il peut arriver que, à l'évidence, l'affaire relève par priorité des tribunaux du pays où le résultat s'est manifesté ; c'est ce qui s'est produit dans l'espèce suivante.
Cour d'assises d'Anvers 14 août 1848. Elle a eu à connaître de la capture d'une troupe belge en France, à l'initiative d'un citoyen belge : En 1848, sous la Seconde République, des démocrates belges montèrent à Paris une expédition visant à renverser le Roi Léopold. La troupe, dirigée par Fosse, se dirigeait déjà vers Quiévrain lorsqu'un ingénieur mécanicien belge, Gobert, imagina une manœuvre qui permit de la capturer presque entière, sans coup férir. Alors que le train transportant cette équipe manœuvrait en gare de Valenciennes, Gobert profita du moment où la rame se trouvait sans motrice pour en accrocher une, conduire le train en Belgique, et livrer les révolutionnaires à la troupe qui les attendait.
INFRACTIONS PÉNALES (Diverses variétés d')
Cf. Sur la notion générale d'infractions, ci-dessus : Infraction*.
Voir notre article : Les infractions de prévention
- Introduction. Les incriminations édictées par le législateur dans l’abstrait peuvent être perpétrées sous des formes très différente d’un cas concret à un autre. Par exemple, un vol peut se réaliser de manière instantanée en subtilisant le portefeuille de la victime, ou de manière successive en en retirant chaque jour un billet ; il peut se commettre de manière occulte par une habile manipulation, ou de manière ostensible avec la menace d’une arme, etc. Selon les caractères de l’acte dommageable, le régime judiciaire peut profondément varier (en particulier sur le plan de la compétence ou de la prescription) ; d’où l’importance qui s’attache à ces diverses variétés.
- Infraction complexe
Cf. Délit composé*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la personne humaine » (4e éd.), n° V-301, p.638 pour le cas du chantage, où la menace et la remise de fonds se succèdent dans le temps, sinon dans l'espace.
Une infraction complexe est une infraction qui ne s’est pas
déroulée en un seul temps, en un seul lieu, au cours d’une seule action. Soit ses actes matériels sont étendus dans le temps ou dans l’espace, soit
l’acte dommageable et le dommage effectif sont éloignés dans le
temps ou dans l'espace. Une telle infraction soulève nombre de difficultés techniques,
en particulier du point de vue de l’application de la loi dans l’espace, ou de l’application de la loi dans le temps (en particulier au regard de la
prescription).
Par exemple, le délit d’Escroquerie* suppose des actes trompeurs et une remise : ces deux éléments ne se succèdent
pas toujours en quelques instants. De même, le délit d’atteinte à l’intégrité corporelle implique un acte de violence et une blessure : l’acte peut
se situer en France et le dommage en Espagne. Les solutions dégagées par la doctrine et la jurisprudence à propos de l’un de ces délits sont applicables
aux autres (il en est ainsi de la double compétence, du tribunal du lieu des actes, et du tribunal du lieu du dommage).
On parle aussi d'infraction complexe lorsque les agissements du
ou des prévenus ont porté atteinte à plusieurs intérêts protégés
distincts. À cet égard on doit observer que, en présence d'un mode
opératoire bien rôdé produisant des dommages multiples, le
législateur prend parfois soin de l'incriminer par une
disposition spécifique (dit aussi délit composé). Il en est ainsi avec le
chantage, l'incendie ou l'extorsion de fonds.
Merle (Droit pénal général complémentaire) : L’infraction complexe est celle dont les éléments constitutifs décrits par la loi comportent « l’accomplissement de plusieurs actes matériels de natures différentes ». L’escroquerie en est le type puisque, selon l’art. 405 C.pén. [de 1810], elle se décompose en deux séries de faits : l’usage d’un faux nom, d’une fausse qualité ou de manœuvres frauduleuses d’une part, et d’autre part la remise consécutive par la dupe d’une somme d’argent ou de valeurs, billets, etc.
Decocq (Droit pénal général) : L’élément matériel de certaines infractions se compose de plusieurs éléments distincts ; il peut être constitué par un ensemble d’actes simples, de nature différente : ce sont des infractions complexes.
Puech (Droit pénal général) : Lorsque le législateur incrimine une pluralité de comportements distincts, il crée une infraction complexe. L’escroquerie en est l’exemple type puisqu’elle comporte des étapes successives : 1° Les manœuvres de l’escroc (usage d’un faux nom…) et 2° la réception par l’escroc du bien convoité que lui remet la dupe (fonds, meubles…). Cette complexité matérielle entraîne d’importantes conséquences pratiques ; voir : point de départ du délai de prescription, choix de la juridiction territorialement compétente, application des lois dans le temps.
Huet
et Koering-Joulin (Droit pénal international n° 131) :
Infraction complexe - En rédigeant l'art. 693 C.pr.pén., le
législateur a surtout pensé à l'infraction de non-représentation
d'enfant tant il est dans sa nature d'être transnationale : à
partir du moment où un délit suppose pour sa constitution
matérielle la réunion d'au moins deux éléments distincts, il
devient facile pour les malfaiteurs d'opérer sur le territoire
de deux États. On pense immédiatement à l'escroquerie que les
tribunaux localisent indifféremment au lieu de l'action ou au
lieu du résultat.
Cependant on aperçoit aussitôt combien il est tentant de
décomposer abusivement des infractions afin de multiplier les
points de contact avec le territoire français. Parfois, c'est
une simple condition préalable qui est qualifiée d'acte
caractérisant un élément constitutif afin de transformer une
infraction simple, commise à l'étranger, en une infraction
complexe partiellement commise en France... Parfois, au
contraire, c'est un élément postérieur à la constitution des
faits qui est pris en compte afin de rattacher ces derniers au
territoire français... .
Code pénal du Luxembourg. Art. 3. L'infraction
commise sur le territoire du Grand-Duché, par des Luxembourgeois ou par des étrangers, est punie conformément aux dispositions des lois
luxembourgeoises.
Note 14° : Le délit de coups et blessures involontaires étant un délit complexe, les tribunaux luxembourgeois sont compétents pour juger un
étranger inculpé de coups et blessures involontaires, bien que les fautes imputées à l’inculpé aient été commises à l’étranger, lorsque les blessures ont
été causées au Grand-Duché.
Cass.crim. 11 avril 1988 (Bull.crim. n° 144 p.377) : Une tentative d’escroquerie est réputée commise en France si des actes préparatoires, constituant l’une des composantes nécessaires des manœuvres frauduleuses retenues, ont été perpétrées sur le territoire national.
- Infraction continue. Une infraction est dite continue,
ou continuée, lorsqu’elle résulte d’une activité qui se prolonge
dans le temps et qui marque concrètement la persistance d’une intention délictueuse (tel est le cas du délit d’édification d’un bâtiment sans permis de
construire, qui se prolonge pendant toute la durée des travaux). Les auteurs parlent parfois, dans un sens proche, d’Infraction
successive*, ou d’infraction continue successive.
Le délai de prescription ne commence à courir que du jour où
l'infraction a pris fin ; mais les juges ne peuvent prononcer
qu'une seule peine pour l'ensemble des agissements reprochés.
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-I-225, p.61 et s.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la personne humaine » (4e éd.), n° 24, p.19, relatif au recel de chose, qui s'étend du jour de la prise de possession du bien volé jusqu'au jour de sa cession à autrui
Pénitentiel de St Gildas. § 14 : Il faut savoir que le temps de la pénitence doit être augmenté en fonction de la durée du péché.
Donnedieu de Vabres (Traité de droit criminel) : Le délit continu consiste dans un fait qui se prolonge ou se renouvelle un certain temps. À ces délits appartiennent des délits de commission tel que le port illégal de décoration.
Garraud (Traité de droit pénal) : L’usage d'un faux peut être, suivant le mode de perpétration, un délit continu ou un délit instantané.
Carrara
(Cours de droit criminel) : Si l'agent, par des violations
répétées, n'a toujours offensé qu'une même loi pénale,
alors la fin des diverses violations semble se réduire à
une seule, du moins sous un point de vue générique, et
l'unification de la fin semble devoir conduire aussi à unifier
le délit... La très subtile théorie de la continuation doit son
origine à l'indulgence des praticiens qui ont fait tous leurs
efforts pour rendre plus rare la peine de mort infligée au
troisième vol.
Si un délit est continué, la prescription ne court que du jour
du dernier acte.
Code pénal du Pérou. Article 82.- Début des délais de prescription. - Les délais de prescription de l’action publique commencent : 3° Dans le cas d’infraction continue, depuis le jour où l’activité délictueuse est achevée.
Cour
EDH. 27 janvier 2015, arrêt n° 59552/08 : Il ressort de
la jurisprudence claire et constante de la Cour suprême qu'une
infraction "continuée s'analyse en un seul et même acte...
En l'espèce, il ressort de
la description des agissements du requérant donnée par les
autorités internes, que ceux-ci étaient dirigés contre une
victime précise, à savoir son épouse, et en particulier contre
les biens juridiques que constituaient pour elle son intégrité
physique et mentale ainsi que son honneur. Il est clair
également que le mode opératoire était le même : les agressions
étaient commises sous le même toit, il existait un lien de
proximité temporelle entre les différents faits, qui se sont
étendus sur une période de plusieurs années, chacun des faits
commis pendant cette période procédait de la même intention
délictueuse et chacun d’eux était contraire au droit pénal.
Autrement dit, l’infraction dont le requérant a été reconnu
coupable partage certaines caractéristiques avec d’autres
infractions de ce type existant au sein du cercle des États
contractants, tout comme la solution du système de justice
pénale tchèque consistant, dans des cas tels celui de l’espèce,
à infliger une peine pour une seule et même infraction a
également été adoptée dans d’autres États contractants. En
somme, il n’y a pas eu violation de l’art. 7 de la Convention.
Cass.crim. 10 décembre 1985 (Gaz.Pal. 1986 II somm. 267) : Le délit de construction sans permis s’accomplit pendant le temps où les travaux non autorisés sont exécutés, et le délai de prescription de cette infraction ne commence à courir qu’à la date à laquelle lesdits travaux ont été achevés.
Cass.crim. 11 février 1998 (Gaz.Pal. 1998 II Chr.crim. 90) : Le délit prévu par l'art. 225-14 C.pén. est une infraction continue, qui se poursuit tant que dure l’hébergement illicite.
Cass.crim. 17 janvier 2006 (Bull.crim. n° 21 p.86) : Le délit de propagande ou publicité, directe ou indirecte, en faveur du tabac, constitue une infraction continue qui se poursuit tant que le message litigieux reste accessible au public.
Exemple. Télétexte du 1er juin 2000 : Une espagnole de 92 ans a séquestré son fils malade mental pendant 30 ans, dans une remise de deux mètres sur deux. La femme avait enfermé son fils, aujourd’hui âgé de 72 ans, après avoir appris que sa maladie était incurable. Elle lui donnait de la nourriture et de l’eau à travers un trou dans le mur.
- Infraction flagrante. Voir : Flagrant délit*.
- Infraction imaginaire. Voir : Dénonciation de délit imaginaire*. Rapprocher : Infraction putative*.
- Infraction imparfaite. On dit d'un acte prohibé par la loi, et en principe puni par une sanction pénale, qu'il est imparfait s'il n'a pas atteint le but visé par l'agent.
Cf. Infraction manquée*, Tentative*.
Carrara (Cours de droit criminel) : Le délit est parfait quand la violation du droit protégé par la loi pénale est consommée. L'infraction est imparfaite quand cette violation n'a pas eu lieu, bien que l'agent ait exécuté, avec une volonté dirigée vers cette fin, des actes extérieurs capables de la produire.
Fiore (Traité de droit pénal) : Un délit imparfait ne peut pas engager au même titre la responsabilité de son auteur qu'un délit entièrement consommé. Mais cette circonstance n'a pas pour effet de changer entièrement la nature du fait incriminé.
Code pénal du Salvador. Art.24 : Il y a infraction imparfaite ou tentée quand l'agent, afin de perpétrer une infraction, a commencé à accomplir tous les actes tendant à son exécution et de nature à obtenir sa consommation, mais que celle-ci ne s'est pas produite pour des causes extérieures à l'agent. [on observera que ce Code infraction assimile, un peu légèrement, infraction imparfaite et infraction tentée] .
- Infraction impossible. On parle d’infraction impossible dans deux hypothèses bien distinctes : ou bien l’acte accompli par l’agent n’est pas susceptible de porter atteinte à l’intérêt protégé, ou bien l’intérêt protégé se trouve hors d’atteinte de l’agent.
Cf. Impossibilité*, Infraction manquée*, Tentative*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-I-340, p.105
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° I-315, p.168
Voir : Levasseur – Vitu, Le meurtre… d’une personne déjà morte
Pour une illustration : Un délit impossible
Merle et Vitu (Traité de droit criminel) : Il y a infraction impossible lorsque l’agent n’a obtenu aucun résultat soit parce que, à son insu, l’objet de l’infraction n’existait pas (manœuvres abortives pratiquées sur une femme qui n’est pas enceinte), soit parce que, toujours à son insu, les moyens employés étaient inefficaces (utilisation se substances impropres à l’avortement).
1°/ Un acte qui n’est pas de nature à porter atteinte à l’intérêt protégé. Lorsque l’agent a employé un moyen qui n’était absolument pas susceptible d’atteindre le résultat visé, on considère en règle générale que cet acte ne traduit pas une intention criminelle mûrie, et ne peut donc légitimer une répression pénale (p.ex. prétendre tuer une personne en lui faisant prendre un comprimé d’aspirine). Toutefois, si l’impossibilité résulte d’une simple impéritie de sa part, l’agent peut être sanctionné au titre de la tentative.
Trousse (Novelles de droit pénal belge), partant de l'idée de responsabilité objective : Impossibilité par suite de l’insuffisance des moyens employés - Si les moyens sont absolument insuffisants, s’ils n’auraient pu en aucune circonstance procurer le résultat poursuivi, l’inculpation de tentative ne peut être retenue.
Commission de réforme du droit du Canada (Document n° 45, 1985) : Aucune responsabilité pénale ne devrait être imputée à l'auteur d'actions tendant à la consommation d'une infraction qu'il est, par la nature des choses, impossible le commettre par les moyens employés.
Cass.crim. 9 novembre 1928 (Gaz. Pal. 1928 II 850, D. 1929 I 97), mais dans la conception subjective : Les manœuvres accomplies par les demandeurs avec l’intention et dans le but de procurer un avortement (injection d’eau de Cologne) constituent la commencement d’exécution prévu par lesdits articles ; le fait, énoncé dans l’arrêt, que ces manoeuvres étaient par elles-mêmes insuffisantes à produire le résultat auquel elles tendaient, n’a été qu’une circonstance indépendante de leur volonté, par suite de laquelle leur tentative a manqué son effet ; il suit de là qu’en déclarant les demandeurs coupables du délit de tentative d’avortement et en leur appliquant les peines édictées par l’article 317 alinéa 1 du Code pénal, l’arrêt attaqué n’a violé aucun des textes visés au moyen.
Exemple d’acte inadapté au but recherché mais traduisant une intention criminelle (« La Meuse » 27 août 1975) : Les cambrioleurs d’une usine de Sclessin n’ont pu percer le coffre-fort : ils employaient un chalumeau à souder et non un chalumeau à couper ! Cette impéritie n’entame en rien leur responsabilité pénale.
2°/ Un intérêt protégé qui est hors d’atteinte de l’agent. Si l’agent met en œuvre un procédé adéquat pour réussir dans son
entreprise, mais que les circonstances font obstacle à ce qu’il puisse atteindre son but, on estime dans un droit subjectif, qu’il est punissable au
titre de la Tentative*.
Commet une tentative de vol celui qui fracture un tronc d’église venant d’être vidé par le bedeau. Commet une tentative de meurtre celui qui vide le
chargeur de son arme sur le lit de celui qu’il veut tuer,
alors que la personne menacée avait prudemment mis à sa place un mannequin la représentant.
Code de la tribu indienne d'Ute (EU). § 13-4-62. 6) : Une personne est coupable d'avortement si, son but étant d’accomplir un avortement, elle fait un acte adapté à l'avortement d’une femme enceinte … quand bien même, en fait, la femme en cause ne serait pas enceinte.
Cass.crim. 14 juin 1961 (Bull.crim. n° 299 p.574), sur un « vol à la roulotte » : Le prévenu a pénétré dans une voiture automobile dans le but de s’emparer des objets de valeur pouvant s’y trouver…. l’absence d’objets de valeur à l’intérieur de la voiture automobile explorée n’a été qu’une circonstances indépendante de sa volonté. Tentative constituée.
Trib.corr. Nanterre 12 juillet 1990 (Gaz.Pal. 1991 I somm. 164) : L’élément moral du délit d’association ou d’entente en vue de commettre un trafic de stupéfiants réside dans la croyance qu’avaient les prévenus de l’existence de produits stupéfiants. Dans cette infraction, où l’élément intentionnel est le plus fort, de par sa définition même, la matérialité du produit comme stupéfiant n’est pas une condition de l’incrimination. Du fait que la substance présentée comme de la drogue était en réalité du talc, il ne saurait dès lors être valablement conclu à la notion de délit impossible.
Cass.crim. 5 octobre 1972 (Bull.crim. n° 269 p.699).
Argument de la défense : Les deux auteurs portant chacun leurs armes, et agissant individuellement au moyen d'armes à feu qui donnent la mort
instantanément, il en résulte nécessairement que les coups portés par l'un d'eux a atteint un cadavre, alors que la mort venait d'être donnée par
l'autre, et que par conséquent,celui qui a tiré sur la cadavre n'a pu commettre un homicide.
Réponse de la Cour de cassation : C'est à bon droit qu'une question relative au meurtre de S... a été posée par chacun des accusés ; les réponses
affirmatives à ces questions ne présentent aucune contradiction, la Cour et le jury ayant pu valablement décider que ce crime avait été commis par l'un
et l'autre des accusés.
Exemple de résultat impossible à atteindre : A la fin du film « Frenzy », un meurtrier en série approche du lit de sa dernière victime et porte un coup manifestement destiné à la tuer. Le fait que la police l’ait précédé, et ait placé un mannequin dans le lit à la place de la personne menacée, ne modifie évidemment en rien sa responsabilité pénale.
- Infraction instantanée. Une infraction est instantanée lorsqu’elle s’accomplit en un trait de temps. Tel est généralement le cas de l’assassinat, de l’incendie, du vol, ou de la corruption.
Cf. Corruption*, Dénonciation calomnieuse*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-I-225, p.61
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° II-I-129, p.372 (sur le délit d'évasion)
Pour un exemple, voir le Cas pratique n°67
Donnedieu de Vabres (Traité de droit criminel) : Le délit instantané est celui qui s’accomplit en un trait de temps, par une action de courte durée.
Garraud (Traité de droit pénal) : L’usage d'un faux peut être, suivant le mode de perpétration, un délit continu ou un délit instantané.
Cass.crim. 10 juin 1980 (Bull.crim. n° 183 p.472) : Le délit de fraude étant un délit instantané consommé par la livraison de la chose, les juges du fond ont à bon droit écarté l’argumentation de la partie civile selon laquelle le délai de la prescription n’aurait commencé à courir qu’à compter de la découverte de la tromperie sur les qualités substantielles de la chose vendue.
- Infraction manquée
Cf. Infraction impossible*, Tentative*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° I-135 6°, p.199
Voir :Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-I-338, p.102
Pour un exemple : L'assassinat de Raspoutine
Pour une illustration : Un futur délit manqué
- Notion. On parle
d’infraction manquée dans le cas où un individu a fait tout ce
qui lui incombait pour mener un délit à son terme, mais a échoué
dans son entreprise en raison de son incompétence, de son
impréparation, de sa maladresse ou de sa malchance.
Ainsi, le trop fameux Lacenaire, craignant que la receleuse Javotte ne le dénonçât, l’attira dans sa chambre du Faubourg Saint-Martin, et lui porta un
coup de poignard. Heureusement pour la victime, la lame heurta un petit baril qu’elle portait à sa chaîne et ne lui causa aucune blessure ; l’irruption
de voisins, alertés par les bruits de lutte, mit fin à cette agression infructueuse.
Merle et Vitu (Traité de droit criminel) : Il y a infraction manquée lorsque, par suite de circonstances imputable à sa maladresse, à son étourderie ou à une cause fortuite, le délinquant n’a obtenu aucun résultat : l’exemple classique est celui du meurtrier qui, par suite d’une erreur de visée ou d’un mouvement mal approprié, « manque » sa victime.
Carrara (Cours de droit criminel) : Les anciens criminalistes ne connaissaient pas, comme espèce particulière, le délit manqué... C'est parmi les modernes que le délit manqué présente un danger et un dommage médiat beaucoup plus considérables que les simples tentatives et l'on a donné de cette espèce particulière une notion distincte qui a été accueillie par la science et qui a trouvé place dans quelques codes modernes.
Laget-Valdeson (Théorie
du Code Espagnol de 1850, éd. 1860) nous fait connaître une
notion proche de celle de délit manqué : le délit frustré : L'article
3 alinéa 2 dispose : Il y a délit frustré lorsque le coupable,
quoiqu'il ait fait tout ce qui était en son pouvoir pour
consommer son coupable projet, ne l'a pas accompli par
des causes indépendantes de sa volonté.
Le rapporteur expose : L'agent a mené à fin ce qu'il
avait à faire, son action a été complète et terminée : il a tiré
le pistolet placé sur la poitrine de la victime, il a versé le
poison dans le verre où elle allait boire, et l'a considérée,
impassible, pendant qu'elle buvait ; il a ouvert son armoire et
s'est emparé des rouleaux qu'il croyait pleins d'or ; si le coup
n'est pas parti, si le poison n'a pas produit d'effet, si les
rouleaux étaient pleins de menue monnaie, si enfin le mal qui
devait résulter du délit ne s'est pas réalisé, ce n'est pas
parce que le délinquant a omis de faire tout ce qui était en son
pouvoir ; moralement, le crime était commis dans la sphère des
intentions ; dans celle des faits, le délit a été frustré,
l'action a manqué, le mal personnel et direct, le mal de premier
ordre ne s'est pas heureusement produit.
Loi Salique. T. XIX, art. 1 : Si quelqu’un a tenté de donner la mort à un autre, et qu’il n’ait pas réussi dans son projet ; ou s’il a voulu le percer d’une flèche empoisonnée, et qu’il ait manqué son coup, il sera condamné à payer 2.500 deniers, ou 62 sous d’or et demi.
Henri Martin (Histoire de France de 1789 à nos jours -1885-), sur l'incendie de la ville de Paris par la Commune de Paris en 1871. Après la Sainte-Chapelle, Notre-Dame était menacée de destruction. Quatre foyers d'incendie avaient été préparés dans la cathédrale ; le feu y était. La courageuse intervention d'un médecin de l'Hôtel-Dieu, le docteur Brouardel, à la tête des internes en pharmacie, nous sauva de ce malheur ; les incendiaires se retirèrent devant la population ameutée ; une bande d'enfants qu'ils avaient recrutés et qui les avaient aidés à mettre le feu aidèrent les internes et le personnel de l'Hôtel-Dieu à l'éteindre.
Exemple (Ouest-France, 30 janvier 2004) : Il était 20 h., mercredi. Un employé de l’Intermarché de Riantec était en train de fermer la grande surface quand deux hommes encagoulés l’ont braqué et lui ont demandé de leur indiquer où se trouvait le coffre-fort de l’établissement. Les deux hommes, malgré tous les efforts qu’ils ont pu déployer, n’ont pas réussi à l’ouvrir. Ils sont donc repartis, particulièrement dépités, les mains vides.
Exemple (Ouest-France, 11 novembre 2011) : Un homme de 31 ans, suspecté d'avoir piégé par vengeance à La Baule la maison de son ex-compagne, a été arrêté hier par les policiers du commissariat baulois. Une explosion aurait dû être déclenchée par l'ouverture de la porte de la maison, mais le système n'a pas fonctionné.
Exemple (Ouest-France, 17 février 2012). Un homme qui avait volé pour 200 € de vêtements aurait pu passer à travers les mailles. Après un passage en cabine d'essayage, où il avait enlevé les antivols, il s'attend à sortir sans encombre. Las ! Les portiques ont sonné : l'homme avait mis les antivols dans ses poches... Il écope d'un mois de prison avec sursis.
- Régime. L'auteur d'un délit manqué est ordinairement puni en tant qu'auteur d'une simple tentative ; et ce quoique, ayant déjà accompli le dernier acte dépendant de lui, il ait pleinement engagé sa responsabilité subjective. Tenant compte de l'absence de dommage effectif, quelques codes admettent même un abaissement de la sanction applicable.
Cass.crim. 3 mai 1974 (Bull.crim. n° 157
p.402) : Il résulte des constatations de l’arrêt attaqué que trente-sept échantillons de vins ont été adressés à des clients des Établissements
R... sous des bordereaux faisant état d’appellation d’origine ou de dénominations de provenance auxquelles ces vins ne pouvaient prétendre s’agissant de
vins de coupage de consommation courante;
Pour déclarer R... coupable, à raison de ces faits, de tentative de tromperie sur l’origine et la qualité substantielle de la marchandise, les juges
d’appel énoncent que l’envoi des échantillons dans les conditions ci-dessus décrites constitue le commencement d’exécution qui caractérise cette
tentative, la circonstance alléguée selon laquelle aucune commande ne s’en serait suivie étant indépendante de la volonté du prévenu;
Cette décision est justifiée; en effet, le commencement d’exécution est constitué au sens de l’art. 2 du C.pén. par tous les actes qui tendent
directement et immédiatement à la consommation du délit, le prévenu étant ainsi entré dans la période d’exécution; tel est bien le cas, en, l’espèce
d’une proposition de vente qui, appuyée par l’envoi d’un échantillon assorti d’indications fausses doit, dans l’intention de son auteur, déterminer la
conclusion de la vente et entraîner une tromperie dont l’acheteur sera la victime.
Garofalo (La criminologie) : Dans la législation italienne [de son temps], strictement logique sur ce point, on punit le délit manqué plus sévèrement que la simple tentative.
Code pénal suisse. Art. 22 : La peine pourra être atténuée (art. 65) à l’égard de celui qui aura poursuivi jusqu’au bout son activité coupable, mais sans atteindre le résultat nécessaire pour que le crime ou le délit soit consommé.
- Infraction occulte. Une infraction est dite occulte lorsque son auteur a usé d’un procédé clandestin, en
sorte que la victime de l’infraction n’a pas pu avoir immédiatement conscience de l’atteinte qui lui était portée. Il est en ainsi dans le cas du délit
d’abus de biens sociaux.
Dans un tel cas, le délai de prescription ne commence à courir contre la victime que du jour où il lui a été possible d’avoir connaissance des faits
(contra non valentem agere non currit praescriptio).
Cf. Abus de confiance*, Col blanc*, Malversation*, Occulte*, Ententes prohibées*, Infanticide Droit positif*, Prescription de l’action publique*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-I-224, p.61
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », n° 314, p.146 / n° 413, p.257 / n° 460, p.314 / n° 502, p.322
Muyart de Vouglans (Les lois criminelles de France) : L'empoisonnement est du nombre des crimes qui sont occultes de leur nature.
Véron (Clandestinité et prescription, Droit pénal 1998 Chr.16) : Une série de décisions de la Cour de cassation traduit l’émergence d’une catégorie nouvelle d’infractions pénales, les infractions « clandestines » soumises à un régime spécifique en matière de prescription.
Cass.crim. 8 juin 1999 (Gaz.Pal. 1999 II Chr.crim. 158) : Le point de départ de la prescription du délit d’atteinte à l’intimité de la vie privée doit être fixé au jour où le délit est apparu et a pu être constaté dans des conditions permettant l’exercice de l’action publique.
- Infraction parfaite. Voir : Infraction imparfaite*.
- Infraction permanente. Une infraction est permanente lorsqu’elle résulte d’un acte qui est unique dans sa réalisation, mais dont les effets se prolongent dans le temps. Il en est ainsi du délit de bigamie. Son régime est celui des délits instantanés.
Jeandidier (Droit pénal général) : La distinction entre infractions instantanées et infractions continues a été compliquée par la doctrine avec la création d’une troisième catégorie, l’infraction permanente. Il s’agit d’une infraction instantanée dont les effets se prolongent dans le temps de manière obligée, ce qui la différencie de l’infraction continue successive qui implique un renouvellement constant de la volonté délictueuse. Constitueraient par exemple des infractions permanentes l’apposition irrégulière d’affiches, la construction sans permis, la bigamie.
Cass.crim. 5 février 1963 (Bull.crim. n°65 p.133) : Le délit de bigamie est consommé au moment même où le second mariage a été contracté.
- Infraction politique. Voir : Délit politique*.
- Infraction putative
Cf. Délit imaginaire*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-I-304, p.67
Notion. Une infraction est dite putative lorsqu’elle n’existe que dans l’esprit d’une personne ; ce qui peut se produire, soit dans l’esprit d’un l’agent, soit dans l’esprit d’une victime potentielle.
Du point de vue de l’agent. Il y a d’abord infraction putative lorsque l’agent croit commettre une infraction, alors que sa conduite ne tombe pas en réalité sous le coup de la loi. Tel serait le cas si une personne se cachait des pouvoirs publics pour accomplir un acte de Fornication*, alors que ce délit rationnel n’est plus réprimé en France. Il commet sans doute une faute morale, en accomplissant un acte qu'il croit mauvais ; mais à défaut de violation d’une loi positive il n’encourt pas de sanction sociale.
Gousset (Théologie morale) : Tout acte contraire au jugement intérieur que nous portons sur lui est mauvais... Si en l'accomplissant on croit commettre un péché mortel, on pèche mortellement.
Trousse (Novelles de droit pénal belge) : Le délit putatif est celui que croit commettre un individu par suite d’une erreur de fait sur un des éléments de son activité. Il y a délit putatif dans le chef de celui qui a des relations sexuelles avec une mineure de plus de seize ans, alors qu’il croit commettre un attentat sur une mineure de moins de seize ans.
Puech (Droit pénal général) : Est exclue du champ de la répression l’infraction putative qui correspond à un comportement qui n’est pas incriminé par la loi pénale, mais que l’agent a accompli avec le sentiment qu’il était répréhensible ; p.ex., vendre de l’or en supposant que le trafic d’or est interdit.
Commission de réforme du droit du Canada (Document n° 45, 1985) : Aucune responsabilité pénale ne devrait être imputée pour des actes qui ne sont pas qualifiés d'infraction par la loi pénale.
Code annamite de Gia Long, art. 34, commentaire : Si le coupable a commis une faute moins grave que celle qu’il croyait commettre, il ne doit être puni que pour le fait qu’il a en réalité commis.
Code pénal danois de 1933. Art. 107 : L’agent peut être puni pour espionnage, même si le renseignement qu’il transmet n’est pas exact.
Du point de vue d’une victime potentielle. Il y a ensuite infraction putative lorsqu’une personne a le sentiment que l’individu qui approche s’apprête à l’agresser. Si, en raison des circonstances, cette agression apparaît vraisemblable, il y a état de légitime défense apparente ; en sorte que la riposte sera couverte par un fait justificatif dans la mesure où elle sera proportionnée à la menace apparente. L’exemple classique est celui de la personne qui, de nuit, dans sa maison, se trouve face à un individu qui tient en main un objet évoquant un revolver ou un couteau : elle peut croire que l’intrus s’apprête à la tuer et peut devancer le geste redouté en tirant le premier.
Merle et Vitu (Traité de droit criminel) : Il convient de distinguer la légitime défense vraisemblable, qui repose sur des apparences subjectives sensibles à tous, et la légitime défense putative qui n’existe que dans l’imagination de l’intéressé… En pareil cas, le fait justificatif fait défaut ; il n’en demeure pas moins que, sur le terrain de la culpabilité, l’agent peut être déclaré irresponsable en raison de sa bonne foi.
- Infraction successive. Une infraction est successive lorsqu’elle résulte matériellement d’un acte unique, mais qu’elle se trouve réitérée chaque jour dans son élément moral. Comme exemple on peut prendre le délit d’ouverture illicite d’un débit de boissons, qui s’est constitué le jour de l’inauguration, puis qui se renouvelle depuis chaque matin à l’ouverture. Les auteurs parlent parfois, dans un sens proche, d’Infraction continue*, ou d’infraction continue successive.
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-I-225, p.62 (note 5)
Jousse (Traité de la justice répressive) : Les crimes successifs ne se prescrivent pas par vingt ans ; parce que, dans ces sortes de crimes, on peut dire qu’il s’en commet un nouveau à chaque instant. La prescription ne peut être opposée contre ces sortes de crimes, si ce n’est à compter du jour où le crime a cessé. Tel est le cas dans le crime de rapt.
Puech (Droit pénal général) : L’infraction continue sanctionne un comportement matériel et psychologique qui s’étale dans le temps… Elle est appelée également infraction successive ou continue successive. Les conséquences pratiques de cette notion sont extrêmement nombreuses tant dans l’ordre procédural que dans l’ordre du fond du droit…
Rigaux et Trousse (Les crimes et les délits du Code pénal belge) : Les infractions répétées ou successives doivent être considérées comme un fait pénal unique parce qu'elles procèdent toutes d'une même conception persistante, d'une seule et même intention criminelle.
Cass.crim. 4 janvier 1990 (Gaz.Pal. 1990 II Chr.crim. 373) : La contravention de défaut d’exécution de travaux prescrits par arrêté préfectoral, comme condition de création d’un étang, consiste dans le refus d’obtempérer aux prescriptions de cet arrêté. Ce refus s’est renouvelé chaque jour depuis l’expiration du délai imparti. Comme la prescription ne commence qu’à partir de la cessation du fait qui constitue la contravention, la circonstance que plus d’un an se soit écoulé depuis l’achèvement des travaux ne saurait justifier l’exception de prescription.
Cass.crim. 30 juin 1981 (Bull.Crim. n°223 p.598) : Le délit de détournement de mineur se renouvelle chaque fois que son auteur démontre sa volonté de persévérer dans son attitude. Les principes admis en matière de chose jugée ne s'opposent pas, dès lors, à ce qu'une infraction qui a été réprimée par une première condamnation soit l'objet d'une nouvelle poursuite et d'une nouvelle condamnation lorsque cette infraction s'est renouvelée depuis la précédente condamnation et présente, par sa nature, le caractère d'une infraction successive.
- Infraction tentée. Voir : Infraction impossible*, Infraction manquée*, Tentative*.