DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL
- Professeur Jean-Paul DOUCET -
Lettre C
(Vingt-quatrième et dernière partie)
CRIMINALISATION
Cf. Contraventionnaliser*, Correctionnalisation*, Dépénaliser*, Incrimination*.
Criminaliser un acte prohibé sous menace de sanction pénale consiste, de la part du législateur, à élever la sanction prévue du niveau des peines correctionnelles à celui des peines criminelles. Cette aggravation de la répression ne saurait bien évidemment produire un effet rétroactif.
Levasseur (Le problème de la dépénalisation), cite le rapport de Mme Rodriguez sur la néo-criminalisation.
Le vocabulaire anglo-saxon confond, à tort sur le plan scientifique, les deux mots "incrimination" et "criminalisation" : le premier vise une loi assortissant la méconnaissance d'une prescription législative ou réglementaire d'une sanction pénale de quelque nature qu'elle soit, tandis que le second ne concerne que le fait de réprimer un acte par une peine criminelle.
Canada (Travaux préparatoires au Code pénal) : La gravité d’un comportement déviant s’apprécie en fonction de plusieurs facteurs qui doivent normalement constituer les fondements rationnels de sa criminalisation.
Code pénal de Mongolie. Art. 12.2 : Une loi criminalisant un acte (ou une omission) ou durcissant la pénalité ... ne s'appliquera pas rétroactivement.
CRIMINALISTE
Cf. Criminalistique*, Criminologie*, Droit (droit pénal, droit pénal général, droit pénal spécial)*, Empreinte génétique*, Matière pénale*, Pénaliste*, Procédure pénale*.
Un criminaliste est, le plus souvent, un universitaire spécialisé dans l’étude du droit pénal général, du droit pénal spécial et de la procédure pénale ; un généraliste de la matière pénale.
Merle et Vitu (Traité de droit criminel) : Le criminaliste (juriste pénaliste) ne peut négliger les secours que lui apportent le criminologiste (technicien de la criminalistique) et le criminologue (spécialiste de la criminologie).
Chauveau Hélie (Théorie du Code pénal) : Le droit romain avait divisé les crimes en capitaux et non-capitaux. De là les divisions proposées, par les anciens criminalistes, en atroces et légers, simples et qualifiés, directs et indirects.
Garofalo (La criminologie) : Il est temps de proclamer à haute voix que la science pénale n’a pas d’autre but que la défense de la Société contre ses ennemis naturels, et que c’est à ce but que tous les efforts des criminalistes doivent conspirer.
Proal (Le crime et la peine) : Ce qui me parait manquer le plus aujourd'hui à quelques criminalistes, c’est l'esprit de mesure. Dès qu’un fait est observé, ils le grossissent et veulent tout expliquer par lui ; ils oublient tout le reste.
Warée (Curiosités judiciaires) : Le pape Clément VIII disait du fameux criminaliste Farinaccio que la farine était bonne, mais que le sac n’en valait rien ; allusion par laquelle il marquait l’estime qu'il avait pour les ouvrages de Farinaccio, et le peu de cas qu’il faisait de sa personne.
CRIMINALISTIQUE (Criminologiste)
Cf. Empreinte digitale*, Empreinte génétique*, Locard*, Médecine légale*, Police scientifique*, Portrait-robot*, Preuve (recherche des)*, Toxicologie*.
La criminalistique regroupe les divers arts et sciences permettant de faire la lumière sur les circonstances dans lesquelles une infraction a été commise, et facilitant l’identification de ses auteurs. Dans la pratique ce sont principalement la Médecine légale et la Police scientifique qui la mettent en œuvre. Un grand ancêtre : Bertillon*, qui donna naissance à l’anthropométrie et à la reconnaissance des Empreintes digitales*.
Ceccaldi (La criminalistique) : Au sens large, la criminalistique c’est l’ensemble des procédés applicables à la recherche et à l’étude matérielles du crime pour aboutir à sa preuve. Elle est fondée sur le fait qu’un criminel (le plus souvent à son insu) laisse toujours des traces, sur les lieux de son crime.
Merle et Vitu (Traité de droit criminel) : On regroupe sous l’appellation « criminalistique » … la médecine légale, la toxicologie, la police scientifique et la police technique, l’anthropométrie et la dactyloscopie.
Général Hébrard (Réforme de la garde à vue : qu'attendre réellement de la police technique et scientifique - Gaz.Pal. 20 mars 2012 p.19) : La criminalistique est décrite comme l'étude et la pratique de l'application de la science pour les desseins de la justice.
Buquet (Manuel de criminalistique) : La notion de preuve est intimement liée à celle de criminalistique. La police et la justice cherchent à établir la vérité par tout moyen de preuve. Ce problème de l’administration de la preuve a dominé en tous temps les législations, car c’est à partir de la preuve scientifique que la justice pourra se déterminer sur la culpabilité d’un mis en examen. La conviction qui emportera la décision doit alors se fonder sur la démarche critique d’un examen total des faits… L’imprécision, la fragilité et la relativité du témoignage humain, démontrées amplement dans les annales judiciaires, ont conduit progressivement la justice à adopter des témoignages plus objectifs tels que les preuves indiciales, qui, comme disait Locard faisant allusion aux indices « s’ils ne disent pas toute la vérité, ils ne disent que la vérité ». [ sous réserve d’une éventuelle manœuvre commise au préalable par l’auteur des faits ].
CRIMINALITÉ
Cf. Argot*, Chiffre noir*, Crime*, Cybercriminalité*, Délinquant (délinquance)*, Déviance*, Éducation*, Eurojust*, Hooligan*, Incivilité*, Malfaiteur*, Milieu*, Pègre*, Politique criminelle*.
Voir : A. Prins, Le caractère social de la criminalité
Voir : W. Jeandidier, Les causes de la délinquance
- Notion. La criminalité se caractérise par la somme des diverses infractions - crimes, délits ou contraventions - qui sont commises en un temps et en un lieu donné. À l'expérience, elle apparaît comme une maladie endémique sous-jacente à toute civilisation, même si elle prend des formes quelque peu différentes d'une nation à une autre.
Dictionnaire Larousse (éd. 2000) : Criminalité - Ensemble des actes criminels et délictueux commis dans un groupe donné à une époque donnée.
Merle et Vitu (Traité de droit criminel) : Entre le crime et la criminalité, il y a une simple nuance quantitative. Le crime est un acte isolé, individuel ou collectif. La criminalité est un état social composé par la globalisation des crimes qui perturbent la société.
Joly (Le crime, étude sociale) : Les juristes les plus éminents distinguent, à juste titre, ce qu'ils appellent la petite, la moyenne et la grande criminalité. Il est bien clair qu'ils font rentrer dans les deux premières un très grand nombre de délits, mais ils ont soin d'ajouter : « Il ne faut pas se laisser tromper par ce mot de moyenne criminalité. Au jugement des bons observateurs, c'est souvent la moyenne criminalité qui est le champ de la dépravation la plus grande. Beaucoup de crimes commis dans l'accès d'un mouvement de colère, de passion, de vengeance, ne sont pas à mettre tout entiers sur le compte précis de l'immoralité, tandis que les condamnations correctionnelles qui ont pour principales sources le vol, l'escroquerie, l'abus de confiance, supposent, en général, une dépravation profonde. » Ainsi s'exprime la Cour d'appel de Paris. Elle ajoute : « Un certain nombre de délinquants ont trouvé commode de se cantonner dans la classe des petits délits qui ne sont réprimés que par des peines assez légères, et ils y demeurent jusqu au moment où leur dépravation, entretenue et ayant eu le temps de s'accroître, les entraîne plus loin dans la carrière du délit ou du crime. » Bref, "la petite criminalité est le noviciat de la moyenne, comme la moyenne est le stage de la grande".
Statistiques (Le Figaro 7 octobre 2015). Hausse quasi générale des trois derniers mois (4/6 2015 - 7/9 2015): Vol avec armes (+ 10,2), Vols violents sans armes (+ 3,9), Cambriolages (+ 3), Vols dans des véhicules (+ 2,8); Vols de véhicules (+ 1,8), Coups et blessures volontaires (+ 0,9), Vols sans violences (+ 0,9), Homicides (- 18,3). [on doit tenir compte du fait que, pour les vols et voies de faits simples, les victimes hésitent à aller porter une plainte inutile sinon dangereuse]
- Causes. Les diverses causes de la criminalité sont étudiées par la Criminologie* ; elles relèvent soit du tempérament de chacun, soit d'une mauvaise éducation familiale, soit d'une instruction défaillante, soit de facteurs extérieurs tels que de mauvaises fréquentation ou l'influence néfaste de Médias tendancieux voire immoraux*. L'une des plus graves causes consiste en une politique gouvernementale influencée par une idéologie matérialiste rejetant, d'une part tout enseignement spirituel, d'autre part les données de fait sur lesquelles repose le droit naturel.
Larguier (Criminologie
et science pénitentiaire) 8e éd. : On peut classer les
facteurs criminogènes :
- d'après leur effet, dans un ordre presque chronologique :
facteurs prédisposant (p.ex. hérédité), facteurs préparants
(p.ex. alcoolisme) et facteurs déclenchants (p.ex. milieu
criminogène) ;
- d'après leur nature, endogène ou exogène, facteurs individuels
et facteurs sociaux.
Proal (La criminalité politique) 2e éd., Préface : Littré croyait que, dans une société démocratique, l'éducation positive pouvait seule empêcher les rébellions et que les croyances spiritualistes étaient impuissantes pour comprimer les mauvais instincts. L'accroissement de la criminalité qui s'est produit depuis l'affaissement des croyances spiritualistes me paraît prouver le contraire. Le grand philosophe positiviste Herbert Spencer vient de reconnaître l'utilité du sentiment religieux, qu'il avait contesté jusque là, et d'étudier « avec sympathie ».
- Lutte contre la criminalité. Elle comprend des moyens juridiques (lois pénales), des moyens moraux (enseignement des morales spirituelle et sociale) et des moyens matériels (assistance aux pré-délinquants et aux délinquants avérés mais désireux de se racheter) .
Commission de réforme du droit du Canada (Rapport préliminaire) : Le crime menace la sécurité individuelle, nous effraie personnellement et nous fait craindre pour notre survie. De telles craintes peuvent conduire à une réaction trop violente, à l'oppression et à l'injustice. Les sociétés qui aspirent à la liberté, à la justice et à la sécurité ont un défi de taille à relever, celui de définir la réaction appropriée au crime...
Gassin (Criminologie)
2e éd. : On peut classer les moyens de lutte contre la
délinquance en deux catégories : les moyens juridiques et les
moyens empiriques, puis les combiner d'après leur champ
d'action.
1°/ Les moyens juridiques sont l'ensemble des règles de droit
qui ont pour objet direct la lutte contre la délinquance ou qui
contribuent indirectement à cette lutte...
2°/ Les moyens empiriques consistent dans l'ensemble des
pratiques institutionnelles (police, tribunaux...) ainsi que des
pratiques qui se situent en marge des institutions officielles
qui sont orientées vers la lutte contre la délinquance.
3°/Si l'on combine ces divers moyens de lutte contre la
délinquance d'après leur champ d'action, on peut en fin de
compte dégager trois domaines principaux de la lutte contre le
délinquance : a) Le champ du droit pénal et de ses applications
concrètes ; b) Le champ du traitement des délinquants ; c) Le
champ de la prévention de la délinquance.
Exemple (Le
Figaro 14 octobre 2013) : Le député-maire des Abymes en
Guadeloupe tire le signal d'alarme sur l'insécurité grandissante
dans son département... Il y a d'abord un problème de trafic
d'armes aujourd'hui en Guadeloupe. Notre police municipale
l'avait repérée depuis longtemps. Et maintenant les armes
servent, le passage à l'acte s'est banalisé... La violence gagne
du terrain et change de nature. Désormais, les délinquants
sortent des armes à feu et tirent sur n'importe quoi : un
cambriolage, une simple altercation. Les règlements de comptes
se multiplient... La priorité des priorités, c'est de fournir du
travail à nos jeunes. L'inactivité est le terreau de la
délinquance.
Un policier Antillais ajoute : Notre problème, c'est la
drogue, le crack qui rend les gens fous, et l'alcool qui fait
des ravages dans une frange de la jeunesse de plus en plus
marginalisée.
Cour EDH 4 décembre 1995 (D. 1997 somm. 202) : Les indéniables difficultés de la lutte contre la criminalité ne sauraient conduire à limiter la protection due à l’intégrité physique de la personne.
CRIMINALITÉ D’EMPRUNT - Voir : Emprunt de criminalité*.
CRIMINALITÉ ORGANISÉE
Cf. Association de malfaiteurs*, Bande organisée*,
Gang*, Hold-up*,
Mafia*, Sociétés secrètes*, Tracfin*, Trafic (de
choses)*, Traite (des êtres humains)*, Yakusa*.
- sur la criminalité non organisée : Milieu*, Pègre*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° I-I-227, p.131 / n° I-I-223, p.127 (sur ses liens avec le terrorisme)
- Notion. Si le phénomène est ancien, la formule est nouvelle. Elle désigne, plus qu’une Association de malfaiteurs* formée d’artisans de la délinquance, un groupement de personnes agencé comme une entreprise commerciale ayant pignon sur rue, mais dont l’objet porte sur des choses ou des activités contraires à la loi, à l’ordre public, à la morale et aux bonnes mœurs.
Bossard (La criminalité internationale) : Le crime
organisé constitue la forme la plus structurée des bandes criminelles. Désigné parfois par l’appellation « Syndicat du crime », il ne constitue
pas une institution criminelle internationale unique et centralisée. Il est composé de nombreuses organisations, originaires de pays très
divers.
Si les individus ou petites équipes sont les artisans du crime, les bandes des petites et moyennes entreprises, les groupes du crime organisé en
constituent les grandes entreprises, les multinationales. Ils sont structurés comme des sociétés cherchant à fonctionner en échappant aux règles établies
par les lois. Leurs caractéristiques sont : la permanence, des structures complexes, la hiérarchie, le secret (la loi du silence est élevée ici à la
hauteur d’une institution).
Code pénal de Bosnie-Herzégovine. Art. 1 - Définitions - 17 : Un groupe criminel organisé est un groupe structuré d'au moins trois personnes ou plus, existant pendant une certaine période et agissant de concert dans le but de perpétrer une ou plusieurs infractions criminelles pour lesquelles une peine d'emprisonnement de trois ans ou plus peut être infligée en vertu des lois de Bosnie et d'Herzégovine.
Code pénal du Salvador. (Crimen organizado). Art. 22 - A : On considère comme crime organisé la forme de délinquance qui se caractérise par la réunion d'un ensemble de personnes décidées à entretenir une structure hiérarchisée, dans le but de planifier et d'exécuter des actes illégaux afin de s'enrichir par des biens ou des services illégaux, ou de poursuivre des activités terroristes.
Encyclopédie Microsoft Encarta : Les membres de la Camorra étaient organisés selon une hiérarchie précisément codifiée : la basse Camorra regroupait petits voleurs et mendiants, la haute Camorra était constituée de plusieurs grades dont le plus élevé était celui de camorrista. La société pratiquait la contrebande, le chantage, la corruption, le vol et le meurtre, terrorisant et pillant le pays.
Le chef d'une organisation criminelle est souvent nommé le parrain, par extension du terme employé à propos de la Mafia.
Dictionnaire Robert. Parrain : Chef d'un important groupe illégal, un parrain de la Mafia.
- Dangerosité. Un groupement organisé présente à l'évidence une plus grande menace pour la sécurité publique que de simples associations occasionnelles de malfaiteurs. Cela apparaît avec un éclat particulier lorsque des organisations maffieuses s'attaquent ostensiblement à des organes de l'État afin de montrer leur force à la population et de l'intimider.
J. Pierrat (Le Point 1er mars 2012) : Il ne reste guère, dans le champ des activités criminelles à l'ancienne, que le trafic de stupéfiants... La grande criminalité est opportuniste et réactive en diable, elle s'adapte aux transformations de la société dans laquelle elle prospère. C'est sa force et le gage de sa survie. En veille permanente, les truands déploient leurs antennes à l'affût se nouveaux marchés, dont ils ciblent très vite les failles... Le crime organisé évolue bien souvent dans la zone grise de l'économie, à la frontière entre business légal et illégal, ce qui nécessite une veille accrue pour le débusquer... Ils sont de plus en plus nombreux à délaisser la cagoule et le calibre pour le costume d'homme d'affaire... Mais ces groupes criminels ont conservé ce qui fait leur spécificité : une grande capacité de nuisance et une violence extrême. On ne change pas son ADN.
Exemple (Ouest France 29 décembre 2006) : Dix-huit personnes sont mortes, à Rio de Janeiro, dans une série d'attaques lancées, jeudi à l'aube, par le crime organisé contre des cibles civiles et policières. Huit commissariats et postes de police ont été mitraillés ainsi qu'un hôpital, tandis que quatre autocars et deux voitures de police ont été incendiés dans divers quartiers ... Ces violences rappellent les attaques déclenchées par le crime organisé dans l'État de Sao Paulo au mois de mai, qui étaient orchestrées depuis les prisons par l'organisation criminelle. Ces violences, puis la contre-attaque de la police, avaient fait officiellement plus de 170 morts, dont une quarantaine d'agents des forces de l'ordre.
C'est pourquoi affirmer que telle personne tire profit de la criminalité organisée constitue une diffamation publique, si l'auteur de ce propos ne peut établir la vérité de cette allégation.
Paris 10 juillet 1984 (Gaz.Pal. 1984 II somm. 293) : Le fait de présenter quelqu'un comme l'un des maîtres du crime organisé est une allégation de nature à porter atteinte à la considération d'une personne qui, en l'état, n'a été ni condamnée ni même inculpée pour des faits ayant un rapport direct avec de telles imputations.
- Répression. La criminalité organisée a fait l'objet d'une Convention internationale placée sous l'égide des Nations Unies, en décembre 2000 ; elle est connue sous le nom de Convention de Palerme. Cette Convention générale est complétée par des Conventions inter-États.
Code pénal de l'État du Texas. §71.02 - S'engager dans une activité criminelle organisée (organized criminal activity) : Une personne commet un délit si, avec l'intention de créer, de, maintenir, ou de participer à une association ... elle commet ou conspire à commettre une ou plusieurs des infractions suivantes : le meurtre ...
Code pénal suisse. Art. 340 bis : Sont soumis à la juridiction fédérale les infractions commises dans les domaines du crime organisé.
Cass.crim.
1er avril 2015, pourvoi n° 14-87647 (Gaz.Pal. 7 mai
2015 p.30), rejetant l'argument tiré d'actes de police qui
auraient été accomplis hors du territoire national, et
confirmant la condamnation prononcée : Un officier de
liaison espagnol ayant informé la police judiciaire de Lyon
qu'il avait appris d'une source humaine digne de confiance,
qu'un groupe de trafiquants de la région lyonnaise, installé à
Marbella, s'apprêtait à organiser un transport de résine de
cannabis ; après avoir informé du départ et du retour des
véhicules en cause, l'officier de liaison a transmis des
photographies des véhicules utilisés et indiqué la date de leur
départ, permettant au dispositif de surveillance mis en place
sur le territoire français d'intercepter les véhicules circulant
en convoi ;
Les renseignements ainsi fournis ne constituent pas des actes de
police judiciaire, mais des informations utiles pour lutter
contre la criminalité transfrontière et destinées seulement à
guider d'éventuelles investigations entreprises en France par la
police judiciaire.
Exemple (Dépêche AFP 16 mars 2011) : Le gouvernement mexicain a confirmé que des drones non armés des États-Unis avaient survolé son territoire avec son accord pour obtenir des informations sur l'activité du crime organisé. "Le gouvernement du Mexique a demandé lors d'occasions et d'événements spécifiques au gouvernement des Etats-Unis l'appui d'avions sans équipage pour l'obtention d'éléments d'information spécifique", indique le Conseil de sécurité national du Mexique, organisme gouvernemental, dans un communiqué.
Quant au fond, l'appartenance à un tel groupement peut être élevé par le législateur au rang de délit distinct. Le législateur français à préféré établir une liste d'incriminations soumises à une procédure spécifique (art. 716-73 C.pr.pén.). Cette procédure est principalement marqué par les extensions de compétence territoriale judiciaire et par des conventions internationales ; ainsi, une loi du 13 mai 1996 facilite la coopération internationale dans la lutte contre le blanchiment d’argent.
- Variété. Parmi les groupements les plus connus on peut relever :
Les cartels. On pense surtout aux cartels sud-américains qui se sont spécialisés dans la production, le trafic et la vente de drogues dures (pour autant qu’il y ait des drogues douces). Exemple : le « Cartel de Medellin » pour le trafic de cocaïne.
Delpirou et Mackenzie (Les cartels criminels) : Le mot cartel est utilisé dans le langage économique pour désigner les accords – implicites ou explicites – que font certains producteurs dans une même branche industrielle dans le but de limiter la production, fixer les prix, se répartir les marchés, déterminer les quotas de ventes, de fabrication, de distribution, et de partager les bénéfices entre chacun de ses membres… Les cartels colombiens sont le produit aberrant de circonstances économiques récentes.
La mafia. La Mafia est une organisation sicilienne créée pour lutter contre l’anarchie locale et des autorités étrangères indifférentes. Elle a progressivement dérivé d’activités illégales (mais peut-être légitimes) vers des activités criminelles (illégales et illégitimes). Son organisation stricte, appuyée sur une police interne rigoureuse, lui a permis d’établir un Corps autonome en marge de l’État. Elle a servi de modèle à de nombreuses autres entreprises criminelles, en sorte que son nom est passé dans le langage commun. La région napolitaine, pour sa part, est placée sous le joug de la Camorra ; la Calabre sous le joug de la Ndrangheta ; les Pouilles sous la Sacra Corona Unita ; New York, à son tour, a été infesté par la Cosa Nostra.
Raufer et Quéré (La mafia albanaise) : Tous les pays ont un « milieu » criminel. Peu nombreux sont cependant ceux qui ont suscité une authentique mafia, une société permanente, dotée de rites d’initiation, d’une loi du silence et pratiquant un recrutement clanique. Si celle de Sicile est célèbre, on connaît en revanche en revanche mal la nouvelle et dangereuse mafia albanaise, telle qu’elle opère dans ses fiefs d’Albanie, de Macédoine et de Kosovo. Et pourtant ! La mafia albanaise contrôle plus de 70 % du marché de l’héroïne en Suisse, en Autriche et en Allemagne… des milliers de prostituées « travaillant » de l’Italie à la Suède… des commandos de cambrioleurs professionnels formés d’anciens militaires ou policier. La mafia albanaise est crainte pour sa férocité et ses vengeances implacables.
TGI Paris 9 mars 1998 (Gaz.Pal. 1998 I 228) : Imputer à une personne d’entretenir des liens avec la mafia sicilienne, notamment avec l’un de ses chefs notoirement connu est, à l’évidence, attentatoire à l’honneur.
Exemple (Ouest-France 20 juin 2008) : Le procès "Spartacus" s'est achevé hier à Naples, perpétuité pour seize mafieux ... Une trentaine de mafieux y étaient jugés pour homicides. Ils appartiennent au clan des C..., le plus puissant de la Camorra.
Les organisations yakuzas. C’est un ancien samouraï qui, après l’effondrement de l’ordre ancien, fonda la Société de l’Océan noir qu’il met au service de politiciens ultra-nationalistes. De là ont dérivé des groupes de type mafieux qui sévissent encore de nos jours. Un membre de ces groupe est appelé « yakuza ».
Melville (Glossaire en fin de ses romans). Yakuza : membre de la mafia japonaise, structurée depuis le milieu du XIXe siècle et intégrée à la vie politique ou économique du Japon. Le terme vient d’une expression utilisée pour désigner une combinaison de dés (8, 9, 3) qui symbolise l’échec ; il désigna successivement les marchands itinérants, les joueurs professionnels, puis au XIXe siècle le hors-la-loi au sens général.
Exemple (Ouest-France 20 avril 2007) : Choc et stupeur au Japon. L'assassinat du maire de Nagasaki, Itcho Ito (61 ans), mardi après-midi, par un yakuza (un mafieux) du Yamaguchi-gumi, premier syndicat du crime nippon, a plongé les Japonais dans la désolation. La presse du pays dénonce "un attentat contre la démocratie". Itcho Ito était un homme populaire, dévoué, très apprécié de ses concitoyens. Ardent pacifiste.
Les triades. Chinoises, les triades ont pour origine une société secrète fondée pour libérer le pays de la dynastie Mandchoue et pour restaurer la dynastie Ming. Elles ont dérivé vers la criminalité de droit commun et étendu leurs réseaux dans les principaux centres d’immigration chinoise.
Bossard (La criminalité internationale) : Les Triades, d’origine chinoises, sont issues de mouvements de résistance constitués au XVIIe siècle pour restaurer la dynastie des Ming. Elles exercent leurs activités dans les pays d’Extrême-orient et dans les pays d’accueil de la diaspora chinoise.
Raufer et Quéré (Le crime organisé) : Les grandes
Triades sont les suivantes. Hong Kong : Sun Yee On (Vertu nouvelle et paix), 14 K (K pour carat), Fédération Wo. Taiwan : Bambou Uni, Bande des
quatre mers. Chine populaire : Grand cercle.
Business des Triades : trafic de stupéfiants, d’armes, de migrants clandestins, de cartes bancaires falsifiées, contrefaçons, piratage audio et
vidéo, jeux illicites, racket, usure, prostitution, pornographie. Au-delà, « protection » de nombreuses « Chinatowns »…
CRIMINEL
Cf. Crime*, Délinquant*, Lombroso*, Malfaiteur*, Scélérat*.
- Dans la langue usuelle, un criminel est un
individu ayant commis une
infraction qui a troublé de manière grave l'ordre social.
- Dans la langue juridique, un
criminel est un individu
qui a fait l’objet d’une condamnation définitive pour
avoir commis un fait sanctionné par la loi d’une peine criminelle
(réclusion en France, travaux forcés dans de nombreux droits
étrangers).
Dictionnaire Larousse des synonymes. Crime se dit d'une très grave infraction à la loi morale et à la loi civile qui mérite d'être réprimée ou sévèrement blâmée.
Joly (Le crime, étude sociale) : B., condamné à perpétuité comme faux-monnayeur, est un criminel.
Pontas (Dictionnaire de cas de conscience) : On entend par le mot criminel, pris dans un sens général, toute personne coupable de quelque crime ; mais, dans le for extérieur, on n’appelle criminel que celui qui est dûment atteint et convaincu d’un crime.
Bernardi (Institution au droit français - Paris an VIII) : Le vrai criminel est celui pour qui l'unique motif de faire le mal est le plaisir de le faire, et qui, ayant bu jusqu'à la lie la coupe de la méchanceté et de la corruption, a la force de méditer longtemps et de sang froid un horrible dessein, d'en concevoir les moyens et d'épier le moment de le mettre à exécution.
Carrel (L'homme cet inconnu) : La majorité des criminels ne sont pas dans les prisons. Ils appartiennent à une classe supérieure. Chez eux, comme chez les idiots, certaines activités de la conscience sont restées atrophiques. Le criminel-né de Lombroso n'existe pas. Il y a seulement des défectifs qui deviennent criminels. En réalité la plupart des criminels sont des hommes normaux... mais leur sens moral ne s'est pas développé.
Toureille (Crime et châtiment au Moyen-âge) : Il y a dans la construction de la figure criminelle, qu'on voit s'esquisser au Moyen-âge, la résultante de trois processus parallèles. Le premier est né de la question de la récidive parce qu'elle remet en cause le fondement chrétien de la rédemption... Le second processus émerge de la justice elle-même, car le criminel, de manière paradoxale, forme le meilleur argument de l'institution ... en deux mots, c'est par la création du criminel que se constitue la justice criminelle, qu'elle se différencie des autres modes d'exercice de la justice. Mais la figure du criminel n'est pas seulement le produit d'une réflexion institutionnelle... la même époque voit émerger un modèle littéraire, à mi-chemin entre la dérision et la constatation, et que Villon a si bien mis en valeur : un archétype du marginal délinquant.
(LE) CRIMINEL TIENT LE CIVIL EN ÉTAT - Voir : Le criminel tient le civil en état*.
CRIMINEL-NÉ
Cf. Anthropologie criminelle*, Biologie criminelle*, Délinquant - délinquant d'habitude*, Hérédité*, Lombroso*, Multi-récidive*, Pénologie*, Phrénologie*, Physiognomonie*, Sociologie criminelle*, Sociopathe*, Témibilité*.
Voir : Un criminel-né, parricide,matricide et empoisonneur (Extrait du T.XI des « Causes célèbres » de Nicolas-Toussaint Le Moyne des Essarts - Paris 1774)
L’ouvrage de Lombroso est illustré notamment de portraits de criminels révolutionnaires
L’ouvrage de Lombroso est illustré notamment de portraits de criminels politiques par passion
Voir : J. Maxwell, Le criminel d'habitude
Depuis toujours les gouvernants rêvent de la découverte d’un caractère physique permettant de déceler les criminels en puissance et de les éliminer avant
qu’ils n’aient pu porter atteinte à la Société. Au XIXe siècle, sur la lancée du positivisme, certains auteurs ont poussé leurs recherches dans la voie
de l’anthropologie criminelle (notamment Lombroso, « L’homme criminel ») ; à l’issu de leurs études ils ont cru pouvoir dresser un
portrait du criminel-né et demander, dans un but de défense sociale, qu’il soit purement et simplement éliminé. On peut également parler de criminel de
constitution.
- Cette doctrine a connu un regain de popularité avec les progrès de la génétique et la découverte du « chromosome surnuméraire ». Mais il
semble bien que la première source du passage à l’acte criminel soit psychologique plutôt que physiologique. De toute manière, une simple anomalie de
constitution physique ne saurait à elle seule justifier une mesure d’élimination sociale.
Stéfani et Levasseur (Droit pénal général et criminologie), ont ainsi résumé la position des positivistes, déterministes et évolutionnistes, alors soutenue par la doctrine socialiste : Les criminels-nés ont une personnalité que les voue presque fatalement à la délinquance ; ils sont criminels par constitution à la suite d’influences congénitales diverses. Le portrait physique du criminel-né est resté célèbre : front bas, regard dur, mâchoire inférieure développée, pommettes saillantes, oreilles décollées etc… Des stigmates physiologiques (insensibilité à la douleur, daltonisme, bégaiement…) et psychologiques (vanité, paresse, insensibilité morale…) étaient également mis en relief.
Gassin (Criminologie) : Les aberrations gonosomiques peuvent en premier lieu consister dans la présence d’un ou de plusieurs X supplémentaires qui se caractérise par une morphologie ennuchoïdique asses typique et la débilité mentale… Les aberrations gonosomiques peuvent en second lieu résulter d’un ou de plusieurs Y supplémentaires qui donnent des sujets de grande taille et des personnalités dont la description rejoint celle des psychopathes… Aujourd’hui on parle de fragilité du terrain ; mais le « chromosome du crime », cela n’existe pas.
Code pénal de Saint-Marin de 1975 (trad. Constant). Art. 16 : Le juge déclare délinquant constitutionnel celui qui, même mineur de dix-huit ans; a commis un crime contre la vie, l'intégrité des personnes ou la liberté sexuelle, lorsque la cruauté de l'exécution, la turpitude et la futilité des motifs révèlent l'absence des sentiments fondamentaux d'humanité.
Haraucourt, dans son roman "Daâh le premier homme" (1914), reprend à son compte l'une des idées majeures de Lombroso : Les philosophes ont pu rêver d'un homme primitif qu'ils imaginaient doué de toutes les candeurs vertueuses ; sur la valeur morale de cette virginité, nous sommes quotidiennement renseignés par les phénomènes de régression qui se manifestent chez nos dégénérés actuels. Les violations de la règle, que nous désignons sous le nom de crimes et de vices, ne sont que des réminiscences d'un temps ou l'égoïsme animal avait tous les droits, et les pratiquaient sans objection, pourvu qu'il en eût la force.
Titre d’une émission de Télévision du 14 décembre 2003 (Faites entrer l’accusé) : F. R... et A. M..., « Tueurs nés ? ». En octobre 1994 à Paris, F. R... et A. M..., la vingtaine, deux jeunes amants de bonne famille, dérobent des armes avant de prendre un taxi en otage. Une fusillade éclate : le chauffeur de taxi et deux policiers sont tués. Le couple parvient à prendre la fuite en prenant un autre automobiliste en otage. A Vincennes, un motard qui les suivait est abattu. Un autre tire sur M... et le tue. Arrêtée, F. R... est condamnée à vingt ans de réclusion criminelle.
CRIMINOLOGIE (Criminologue)
Cf. Anthropologie criminelle*, Biologie criminelle*, Criminel né*, De Greeff*, Ferri*, Garofalo*, Graphologie*, Habitude (criminel d')*, Lombroso*, Médias*, Pénologie*, Phrénologie*, Physiognomonie*, Sociologie criminelle*, Sutherland*, Témibilité*, Victimologie*.
Voir : R. Garofalo, Manifeste du positivisme pénal
Voir : A. Corre, Invention et imitation dans la criminalité
Voir : A. Vitu, le droit pénal spécial source vivante et concrète du droit criminel
Voir : W. Jeandidier, Les causes de la délinquance
La criminologie est la discipline consacrée à la recherche des causes, des manifestations, des effets et du traitement de la criminalité. Elle envisage la criminalité moins d’un point de vue juridique que d’un point de vue sociologique.
Picca (La criminologie) : Ce que propose la criminologie c’est, avant tout, de porter un regard neuf sur le crime et la criminalité, ainsi que sur les procédures sociales de répression et de prévention.
Morvan (Criminologie) : La criminologie est la science qui étudie les facteurs et les processus de l’action criminelle puis détermine, à partir de cette connaissance, les moyens de lutte contre ce fléau social.
Larguier (Criminologie et science pénitentiaire) : La criminologie est l’étude du crime, acte humain : elle recherche les causes et examine les manifestations de la délinquance ; elle étudie le criminel, l’acte criminel et la réaction sociale contre le crime : tout cela devrait permettre de mieux lutter contre le crime (par la politique criminelle). La criminologie est multidisciplinaire : elles suppose, ce qui n’est pas simple, l’utilisation de nombreuses autres disciplines (ex : la psychologie, la sociologie, la biologie, la médecine, la psychiatrie, le droit pénal).
Carrel (L'homme cet inconnu), partant de l'observation de jumeaux : L'originalité de l'être humain dépend à la fois de l'hérédité et du développement... Les observations et les expériences nous montrent que la part de l'hérédité et celle du développement varient suivant les individus, et que le plus souvent on ne peut pas déterminer leur valeur respective... Il apparaît que l'identité de la constitution d'individus n'assure pas la formation d'individus semblables dans des milieux différents.
Fable
contemporaine :
Un promeneur est attaqué par deux voleurs qui l'assomment,
lui prennent son portefeuille, son téléphone portable et sa
montre ; puis l'abandonnent en sang dans le fossé.
Deux criminologues passent à côté de lui, sans s'arrêter. L'un
dit à l'autre : « Celui qui
a fait cela a dû beaucoup souffrir dans sa jeunesse ; il aurait
besoin de notre aide ».
CRIS SÉDITIEUX - Voir : Sédition*.
CROCHETEUR
Cf. Effraction*, Malfaiteur*, Violation de domicile*, Vol qualifié*.
Le crocheteur est le malfaiteur qui a pour spécialité de forcer les serrures des portes et des coffres. Par extension, on désigne également sous ce nom celui qui commet un vol avec effraction.
Toureille (Crime et châtiment au Moyen-âge) : Outre les "crocheteurs" qui font métier de cambriolage, il y a encore les "vendangeurs" qui sont les coupeurs de bourses, ou les "blancs coulons" qui ont pour mission d'investir les dortoirs dans les auberges pour y détrousser les voyageurs la nuit venue.
Jousse (Traité de la justice criminelle) : Ceux qui crochètent les portes pour voler, sont sujets aux peines portées par les Édits.
Defourneaux (La vie quotidienne au temps de Jeanne d’Arc) : Bien des spécialités apparaissent dans le monde des bas-fonds : crocheteur utilisant le rossignol pour faire sauter les serrures et ouvrir les troncs des églises…
CROIX DE JUSTICE - Voir : Piliers de justice*.
CRUAUTÉ
Cf. Animaux*, Sévices*, Torture*.
Voir: Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° I-109 3°, p.158
Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° I-248, p.147 / n° I-325, p.179 / n° IV-217 / IV-218, p.580
- Notion. Proche de l’acte de torture, l’acte de cruauté tend à infliger délibérément et sans raison légitime une souffrance à un être vivant.
Bruguès (Dictionnaire de morale catholique) : On peut définir la cruauté comme une complaisance dans la souffrance infligé à autrui.
Baudin (Cours de philosophie morale) : La cruauté est le vice qui consiste à faire souffrir des êtres vivants pour jouir de leurs souffrances.
Janet (La morale) : Si le dernier degré de la cruauté est de jouir du mal d’autrui, un degré moindre, mais non moins certain, est l’indifférence aux souffrances d’autrui.
- Règle morale. Les actes de cruauté sont bien évidemment condamnés par l'ensemble des moralistes.
Burlamaqui (Principes du droit naturel) : Ôtez les lois naturelles, laisser les hommes abandonnés à eux-mêmes, c'est laisser le champ libre aux passions, et ouvrir la porte à l'injustice, à la violence, aux perfidies, aux cruautés.
Joly (Le crime, étude sociale) : L'amour de la vengeance cherche et trouve des raffinements de cruauté qu'on a peine à comprendre.
Kardec (Le livre des esprits) : Peut-on rattacher le sentiment de cruauté à l'instinct de destruction ? « C'est l'instinct de destruction dans ce qu'il a de plus mauvais, car si la destruction est quelquefois une nécessité, la cruauté ne l'est jamais ; elle est toujours le résultat d'une mauvaise nature ».
- Science criminelle. L'acte de cruauté constitue une circonstance aggravante rationnelle de la responsabilité subjective. Il ne semble incriminé à titre principal que dans le cas des violences faites aux animaux.
Code pénal d'Andorre. Art. 25 : Constitue une circonstance aggravante de la responsabilité ... La cruauté.
Code pénal du Pérou. Art. 450-A.- Celui qui commet des actes de cruauté envers un animal, le soumet à des travaux manifestement excessifs ou le maltraite, sera sanctionné d’une peine allant jusqu’à soixante jour-amendes.
- Droit positif. Le Code pénal français ne parle guère d’acte de cruauté que dans le domaine de la protection des Animaux* (art. 521-1 C.pén.).
Cass.crim. 23 janvier 1989 (Gaz.Pal. 1989 II Somm. 287) : L’acte de cruauté suppose l’existence d’actes accomplis intentionnellement dans le but de provoquer la souffrance ou la mort.
Cass.crim. 13 janvier 2004 (Gaz.Pal. 2004 J 3198) : L'art. 521-1 C.pén. réprime le fait, publiquement ou non, d'exercer des sévices graves ou de commettre un acte de cruauté dans le dessein de provoquer la souffrance ou la mort d'un animal domestique. .
CRUCIFIXION (ou Crucifiement)
Cf. Jugement dans l'Au-delà*, Mort (Peine de)*, Patibule*, Titulus*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° III-207, p.418
Le crucifiement était le mode d’exécution de la peine de mort que les grecs et les romains infligeaient aux esclaves et aux criminels les plus vils.
Cette sanction présentait un caractère infamant.
- L’usage veut que l’on réserve le terme Crucifixion au supplice subi par le Christ.
Digeste de Justinien (48, 19, 28, pr.). Callistrate : Pour les peines capitales, voici la gradation. Le plus grave supplice paraît d'être crucifié.
Mommsen (Droit pénal romain) : Le crucifiement sert de mode d’exécution des esclaves… L’exécution a lieu de la manière suivante : on dépouille le condamné de ses vêtements, on lui voile la tête, on lui met une fourche sur le dos et on lui lie les bras aux deux extrémités ; on hisse ensuite la fourche, et avec elle le corps, le long d’un poteau planté sur le lieu d’exécution et on attache les pieds du supplicié à ce poteau. Lorsqu’il est ainsi crucifié, le délinquant est flagellé.
St Marc (15, 23) : Il crucifient Jésus et se partagent ses vêtements en tirant au sort ce qui reviendrait à chacun.
Imbert (Le procès de Jésus) : Dans la ville de Rome, la peine de la croix était à l'origine essentiellement appliquée aux esclaves, à tel point que Tacite la nomme "un supplice servile". Mais elle fut étendue aux voleurs sacrilèges qui entraient par effraction dans un temple, aux transfuges qui passaient à l'ennemi, aux voleurs redoutables (qui devaient être crucifiés dans les lieux qu'ils dévastaient).
TGI Paris 20 février 1997 (D. 1998 somm. 132) vise l’image douloureuse du corps affligé de Jésus-Christ dans l’iconographie traditionnelle de la crucifixion.
CRUENTATION
Cf. Cadavre*, Jugement de Dieu*, Ordalie*, Preuve*.
La cruentation est un phénomène relevant du domaine médical : elle consiste dans le fait que du sang (en particulier) jaillit parfois spontanément du corps d'une personne quelque temps après sa mort. Jadis, en cas de mort violente, on a interprété cette circonstance, lorsqu'elle se produisait en présence du meurtrier présumé, comme l'indication que le mort désignait ce dernier comme coupable.
Lacassagne (Précis de médecine légale) : Au Moyen-âge l’esprit public était tourné vers des pratiques absurdes et barbares, et l’épreuve de l’eau, du feu, la cruentation des cadavres étaient regardées comme le jugement de Dieu. On s’instruisait en astrologie et en magie, et cette tendance mystique se reflétait dans l’exercice de la médecine et de la justice.
Wikipedia international : La cruentation ( latin : « cruentationis jus ») a été l'une des méthodes médiévales de trouver des preuves contre un suspect meurtrier . La croyance commune est que le corps de la victime aurait spontanément saigné , en présence de l'assassin... Dans les cas où il était difficile pour les jurés de déterminer si quelqu'un, accusé d'assassinat, était innocent ou coupable, l'affaire pourrait être résolu au moyen d'un procès par ordalie. L'accusé était amené devant le cadavre de la victime et on lui faisait poser ses mains sur elle. Si les blessures du corps recommençaient à saigner, ou si d'autres signes visuels inhabituels apparaissaient, cela était considéré comme le jugement de Dieu ( judicium dei ) annonçant que l'accusé était coupable.
CRYPTOLOGIE
Cf. Circonstances aggravantes* .
Une loi du 21 juin 2004, édictée pour assurer la confiance dans l’économie numérique, a consacré ses articles 29 et s. à la cryptologie.
- Elle précise qu’il faut entendre par moyen de cryptologie tout matériel ou logiciel conçu ou modifié pour transformer des données, qu’il s’agisse
d’informations ou de signaux, à l’aide de conventions secrètes ou pour réaliser l’opération inverse avec ou sans convention secrète.
- La confidentialité, l’authentification et le contrôle de l’intégrité des données sont protégés par des sanctions administratives et des sanctions
pénales figurant dans cette loi.
- Le nouvel art. 132-79 C.pén. fait de l’usage de la cryptologie, dans la préparation ou dans la commission d’un crime ou d’un délit, une circonstance
aggravante de cette infraction.
- Le nouvel art. 434-15-2 C.pén. punit celui qui refuse de remettre à la justice le mode de déchiffrement d’un procédé de cryptologie susceptible
d’avoir été utilisé pour préparer ou commettre une infraction.
TGI Paris 25 février 2000 (D. 2000 IR 99) : L’infraction de maintien frauduleux dans le système de traitement automatisé de données réside plus spécifiquement dans la recherche, pour isoler et identifier l’algorithme de cryptage, le caractère frauduleux de ce maintien étant sans conteste établi dès lors que le prévenu a consacré ses efforts à décrypter une donnée cryptée du système.
CULPABILITÉ
Cf. Coupable*, Déterminisme*, Libre arbitre*, Remords*, Responsabilité*.
- Notion générale. Est moralement Coupable* celui qui enfreint en connaissance de cause une règle morale ou juridique. Éprouve un sentiment de « culpabilité » celui qui, sachant avoir transgressé une norme qui s’imposait à lui, réalise qu’il a ainsi porté atteinte à sa propre intégrité morale.
Bautain (Philosophie des lois) : Là où il n'y a point d'acte de liberté ni de raison, il n'y a pas lieu à application de la loi, il n'y a point de culpabilité ; et les actions ne sont ni bonnes ni mauvaises moralement, bien qu'elles puissent être utiles ou funestes par leurs conséquences.
Höffe (Dictionnaire d’éthique) : Est moralement coupable quelqu’un qui par action, par omission ou par simples propos enfreint sciemment et par libre décision les exigences de sa conscience et les normes morales.
- En droit pénal, cette notion se situe sur le plan de la qualification des faits de l’espèce, et non pas sur
celui de la détermination des responsabilités. En effet, quelqu’un qui se sent coupable en conscience n’est pas forcément un responsable au regard de la
loi pénale (laquelle se place sur le terrain de la défense de la société). Voir : Coupable*.
Il arrive que la faute constatée ait été commise dans des circonstances qui ne permettent pas de l’imputer utilement à son auteur. Tel est le cas
lorsque l’agent ne jouissait pas au moment des faits de sa pleine liberté d’action ou de l’ensemble de ses facultés psychiques ; on peut alors être
coupable mais pénalement non-responsable (Voir : Responsabilité*). Observons que la culpabilité est strictement
individuelle, alors que la responsabilité peut être partagée.
Merle et Vitu (Traité de droit criminel) : Si l’on se réfère à l’étymologie, la culpabilité apparaît essentiellement comme une notion morale ou psychologique qui se confond avec la faute intentionnelle ou non intentionnelle, volonté déterminée de provoquer tel résultat pénal, imprudence ou négligence.
Cass.crim. 23 mars 1982 (Gaz.Pal. 1982 II somm. 290 note Doucet) : La question de la contrainte irrésistible à laquelle l'inculpé n'aurait pu résister est comprise dans celle de la culpabilité.
CULTE
Cf. Être suprême*, Incrimination*, Liberté (Liberté spirituelle)*, Religion*, Rite*, Sacrilège*, Secte*, Séparation des pouvoirs*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la personne humaine » (4e éd.), n° III-243, p.536.
Voir : Tite Live - Le procès de la secte dite « des Bacchanales »
- Notion. Le culte est un hommage rendu à Dieu, par une réunion de fidèles, suivant le rite prescrit par leur religion.
Littré (Dictionnaire) : Culte. - Honneur que l’on rend à la divinité. – Religion considérée dans ses manifestations extérieures. On parle de la liberté des cultes.
- Science criminelle. Le droit comparé et l’histoire du droit offrent un éventail de texte qui va de l’interdiction de toute religion, considérée comme une aliénation de l’individu, à une liberté totale, sous réserve d’absence de troubles à l’ordre public, en passant par le régime de la religion officielle et par celui des religions reconnues.
Voir : Décret du 7 vendémiaire an IV (29 septembre 1795), sur l'exercice et la police extérieure des cultes
Voir : Tableau des incriminations protégeant les libertés intellectuelles (selon la science criminelle)
A.Esmein (Éléments de droit constitutionnel) : La liberté de culte est pour chaque personne le droit de pratiquer extérieurement la religion à laquelle elle croit, d'en suivre les rites et d'en accomplir les cérémonies. Il s'agit là du culte public, c'est-à-dire de celui qui se produit dans les temples ouverts à tous les fidèles... car le culte privé ne saurait suffire à ce qu'exige la véritable liberté.
Bakounine (Catéchisme révolutionnaire) : Principe généraux. Négation de l’existence d’un dieu réel, extramondial, personnel, et par conséquent aussi de toute révélation et de toute intervention divine dans les affaires du monde et de l’humanité. Abolition du service et du culte de la divinité.
Loi du 20 fructidor an III. Art. 3 : Trois jours après la publication du présent décret, tous les ministres des cultes qui, ayant refusé l’acte de soumission exigé par la loi du 11 prairial, ou ayant ajouté des restrictions à cet acte, ou l’ayant rétracté, exerceront encore un culte quelconque dans les édifices publics ou dans les maisons particulières ou partout ailleurs, seront sur-le-champ arrêtés et traduits dans la maison de détention d’un des départements les plus voisins de celui de leur domicile.
Code pénal belge. Art. 143 : Ceux qui, par des troubles ou des désordres, auront empêché, retardé ou interrompu les exercices d'un culte qui se pratiquent dans un lieu destiné ou servant habituellement au culte ou dans les cérémonies publiques de ce culte, seront punis d'un emprisonnement de huit jours à trois mois et d'une amende...
Code pénal du Brésil. Des crimes contre le sentiment religieux. Art. 208 : Railler de quelqu’un publiquement, à cause de ses croyance ou de ses fonctions religieuses ; empêcher ou perturber une cérémonie ou la pratique d’un culte religieux ; vilipender publiquement un acte ou un objet se rattachant à un culte religieux - peine encourue : détention de un mois à un an.
- Droit positif. La loi pénale française garantit en principe la Liberté* du culte.
Voir : Tableau des incriminations protégeant les libertés intellectuelles (en droit positif français)
Paris 27 mai 1851 (D. 1854 226 ) sommaire : Constitue le délit d'outrage le fait d'apporter une bouteille de vin dans une église et de boire ce vin pendant que le prêtre officie à l'autel .
Cass.crim. 12 mai 1987 (Gaz.Pal. 1988 I somm.2) : A pu déclarer l’infraction d’atteinte à la liberté du culte prévue par l’art. 31 de la loi du 9 décembre 1905 non constituée en l’espèce, la cour qui relève que la partie civile a été invitée à jurer dans les formes de la religion islamique à laquelle elle appartenait.
C. admin. app. Paris 9 mai 2001 (Gaz.Pal. 2002 somm. 1081) : Le sacrifice d’un mouton le jour de l’Aïd el Kebir, pratique liée à l’exercice d’un culte, constitue un « abattage rituel » qui ne peut être assimilé à « une mise à mort d’animaux lors de manifestations culturelles traditionnelles », au sens de l’art. 1er du décret du 1er octobre 1997.
La loi du 9 décembre 1905 et des arrêtés municipaux réglementent la police des cultes. Ceux-ci concernent notamment les sonneries de cloches annonçant les heures de la journée et les cérémonies du culte.
Cons. d'État 25 mai 1911 (Gaz.Pal. Tables 1907-1912 v° Culte n° 382) : S'il appartient au maire de réglementer les sonneries religieuses, il ne peut user de ce pouvoir que dans l'intérêt de l'ordre et de la tranquillité publique, et en respectant la liberté des cultes..
Cons. d'État
19 février 1909 (Gaz.Pal. Tables 1907-1912
v° Culte n° 192) : SEn interdisant les manifestations
extérieures du culte... le maire ne fait qu'user de ses pouvoirs
de police.
Mais si le maire est chargé de maintenir l'ordre dans la
commune, il doit concilier l'accomplissement de sa mission avec
les respect des libertés garanties par la loi.
Les lois touchant la sécurité publique sont plus rigoureuses : elles peuvent aller jusqu'à autoriser la fermeture de lieux de culte où se trament des agissements criminels.
Exemple (Ouest-France 27 novembre 2015) : Un lieu de culte musulman clandestin ainsi qu'un restaurant ont été fermés mercredi à Nice, dans le cadre de l'état d'urgence. Après ceux des communes de Drap et de Beausoleil, il s'agit du troisième lieu de culte clandestin perquisitionné et fermé dans ce département.
Il n'en reste pas moins que la religion officielle de la France issue de la Révolution est la religion de l'Être suprême. En effet la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 est placée « sous les auspices de l’Être suprême », et le Conseil constitutionnel considère que ce document constitue l'une des sources fondamentales du droit positif français.
Conseil Constitutionnel 9 janvier 1990 (n° 89-265) : Cette décision, qui précise la hiérarchie des normes, commence par énoncer, avant même de viser la Constitution, que en vertu de l'art. 3 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ...
CUMUL DES PEINES
Cf. Confusion des peines*, Dispense de peine*, Peines*, Qualification des faits (Cumul de qualifications)*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-I-346 et s., p.113 / n° II-128 et s., p.332.
Voir : J. Ortolan, Du cumul de délits ou réiération suivant la science rationnelle
Voir : Merle et Vitu, La qualification simple et les qualifications multiples
Pour un exemple, voir le Cas pratique n° 24.
- Notion. Lorsqu’un malfaiteur a commis plusieurs infractions, se pose la question de savoir s’il doit être condamné à autant de peines qu’il a commis de délits, ou si un plafond doit être établi. Le premier système a pour effet pratique que les réductions de peines n’ont guère d’effet à l’égard de ceux qui ont été le plus lourdement condamnés. Le second offre l’avantage intellectuel de contenir la peine d’emprisonnement à un niveau compatible avec la durée de vie d’un être humain.
Larguier (Droit
pénal général) : Le cumul des peines consiste à faire
l'addition des peines (ex. États-Unis.
Il est apparemment juste, mais il présente des inconvénients :
quant au principe, le coupable n'a pas reçu l'avertissement que
constitue la condamnation ; quant à la mise en œuvre, le système
ne vaut que pour les peines légères (on abouti par exemple à des
condamnations de plusieurs centaines d'années d'emprisonnement).
- Science criminelle. Certains droits ont admis ou admettent que les peines encourues s’additionnent (cumul
total des
peines), ce qui permet d'atténuer les effets des remises de
peines ou des grâces partielles collectives en ce qui concerne
les auteurs de plusieurs crimes particulièrement graves.
Un certain nombre d'autres admettent une confusion des peines principales ou fixent un plafond ;
quelques un enfin ne prévoient que le cumul des peines
complémentaires.
Proal (Le crime et la peine) : Deux systèmes radicaux, en sens inverse l'un de l'autre se sont produits : — l'un qui consiste à infliger au coupable les peines additionnées de tous les délits qu'il a commis; ce qui s'exprime par cette formule : "Le cumul des délits emporte cumul des peines" ; — l'autre qui consiste à n'infliger au coupable que la peine du délit le plus gravement réprimé entre ceux qu'il a commis, ce qui s'exprime en disant : "La plus forte peine absorbe toutes les autres". Il n'est pas difficile de démontrer que ni l'un ni l'autre de ces systèmes n'est en accord avec les principes fondamentaux finalité sociale. Le premier pèche par excès de peine, le second par insuffisance.
Ulpien (Digeste 47, 1, 2 pr.) : Jamais deux délits n'entrent en concurrence de manière telle que l'impunité soit acquise à l'un d'entre eux ; jamais en effet un délit ne voit sa sanction diminuée en raison de l'existence d'un autre délit.
Code chinois des Ts'ing (trad. Boulais) : Quiconque sera accusé en même temps de deux crimes ou plus, subira la peine due au plus grave.
Le Foyer (Le droit pénal normand au XIIIe siècle) : Il est un exemple fameux dans le droit anglo-saxon, c'est celui de David of Wales : il fut traîné sur une claie pour trahison, pendu pour homicide, étripé pour sacrilège, décapité et écartelé pour complot de la mort du roi.
Code de droit canonique ancien. Canon 2274 § 1 : Ordinairement, il y a autant de peines que de délits.
Code nouveau. Canon 1346 : Chaque fois que le coupable aura commis plusieurs délits, si le cumul de peines « ferendae sententiae » apparaît trop sévère, il est laissé à l’appréciation prudente du juge de diminuer des peines dans des limites équitables.
Code pénal du Salvador. Art. 71 : En cas de concours réel d'infractions on imposera au coupable toutes les peines correspondant aux infractions qu'il a commises, afin qu'il les purge successivement par l'ordre de gravité respective, en commençant par la peine la plus grave ; mais l'ensemble des peines imposées, en aucun cas ne pourra dépasser de plafond de 75 ans.
Code pénal du Burkina Faso. Art. 6 : Il y a cumul des peines en cas de concours réel entre contraventions, entre délits et contraventions non connexes ou entre crimes et contraventions non connexes.
Code pénal suisse. Art. 68 1 al.3 : Toute peine accessoire, mesure de sûreté ou autre mesure pourra être appliquée, même si elle n’est prévue que pour une des infractions en concours ou par une des lois en concours.
Pour un exemple de cumul (« Le Soir » 2 mai 1980) : Un tribunal égyptien vient de condamner à 1617 années de prison un entrepreneur de travaux publics qui avait construit plusieurs immeubles à Alexandrie et reçu des pots-de-vin de 462 personnes pour leur louer des appartements. Pour chaque contrat de location il a été condamné à trois ans de prison ferme et le tribunal l’a condamné à 231 années de prison supplémentaires pour avoir fait signer des formulaires de bail incomplet.
Pour un autre exemple (Télétexte du 6 octobre 2000) : Un ex-dirigeant de l'ETA a été condamné aujourd'hui en Espagne à 109 ans de prison. Il a notamment été reconnu coupable d'avoir organisé un attentat contre la Garde civile à Madrid, en mai 1987, qui avait fait un mort et cinq blessés.
Un dernier exemple (Ouest-France 13 juillet 2012) : Bajir Singh Tamang, 37 ans, a été condamné par un tribunal népalais à une peine d'emprisonnement record de 170 ans, pour avoir vendu des adolescentes à des Indiens propriétaires de maisons closes. Il recrutait ces jeunes femmes dans les milieux ruraux en leur faisant miroiter une vie meilleure en tant que domestique au Moyen-Orient et en Inde... Selon les ONG locales, 20.000 jeunes filles népalaises tombent, chaque année, dans des réseaux de prostitution indiens.
- Droit positif. En France, si les peines contraventionnelles et les peines complémentaires se cumulent, les peines principales criminelles et correctionnelles prononcées contre un délinquant ne s’ajoutent pas purement et simplement les unes aux autres. Leur total ne peut dépasser le niveau de la peine la plus grave encourue (art. 132-2 C.pén., art. 5 ancien) ; les plus courtes se fondent dans la plus longue (confusion des peines). Voir : Qualification*.
Cass.crim. 8 mars 2005 (Bull.crim. n° 78 p.175) : Une faute pénale unique ne peut être sanctionnée que par une seule peine. Encourt la cassation l’arrêt qui condamne le prévenu à plusieurs peines pour des délits et contraventions de blessures involontaires qui procèdent d’une même action coupable.
Cass.crim. 21 mars 1989 (Gaz.Pal. 1989 II somm. 390) : La règle du non-cumul des peines s’applique sans qu’il y ait lieu de distinguer selon que les infractions en concours font l’objet d’une seule poursuite ou de poursuites successives.
Cass.crim. 16 janvier 1988 (Bull.crim. 37 p.97) : Si, lorsque la confusion est facultative et que les juges refusent de l'ordonner, les peines doivent être cumulativement subies, ce n'est cependant que dans la mesure où elles n'excèdent pas, par leur réunion, le maximum de la peine la plus forte.
Cass.crim. 17 février 1988 (Gaz.Pal. 1988 II 848) : Chaque vente d'appareil détecteur de radars par le prévenu ayant constitué une faute distincte punissable séparément conformément à l'art. R.242-4 C. route, la Cour d'appel a légalement prononcé autant d'amendes que d'appareils vendus, sans méconnaître la règle du non-cumul des peines qui n'est pas applicable en matière de contraventions.
En cas de cumul d'une sanction pénale et d'une sanction administrative, le montant de la sanction ne doit pas dépasser le niveau de la peine de plus grave encourue.
Conseil constitutionnel 24 juin 2016, n° 2016-545 QPC : Selon l'art. 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ». Les principes ainsi énoncés ne concernent pas seulement les peines prononcées par les juridictions pénales mais s'étendent à toute sanction ayant le caractère d'une punition. Le principe de nécessité des délits et des peines ne fait pas obstacle à ce que les mêmes faits commis par une même personne puissent faire l'objet de poursuites différentes aux fins de sanctions de nature administrative ou pénale en application de corps de règles distincts. Si l'éventualité que deux procédures soient engagées peut conduire à un cumul de sanctions, le principe de proportionnalité implique qu'en tout état de cause le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues.
CUPIDITÉ
Cf. Avarice*, Enrichissement personnel*, Lucre*, Mobile*, Tentation*. Rappr. : Lâcheté*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° III-334, p.501
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-II-II-218, p.249 ; n° I-III-II-3, p.296
Voir : J-P. Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° I-324, p.178-179 / n° V-2, p.623 / n° V-101, p.624 / n° V-102, p.626 / n° V-109, p.631 / n° V-302, p.640
Voir : J-P. Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », n° 406 1°, p.243
Voir : J-P. Doucet, « La protection de la Société », n° I-I-108, p.77
- Notion. La cupidité se manifeste par un désir ardent de posséder des biens matériels, notamment par une passion pour l’argent. Elle peut conduire celui qui s’y abandonne à commettre des actes délictueux pour atteindre ses fins.
Petit Robert (Dictionnaire) : Cupidité - Désir indécent et mesquin de gagner de l'argent, de faire argent de tout.
Proal (Le crime et la peine) : Il ressort des statistiques que ces dernières années le nombre des crimes inspirés par la cupidité a beaucoup augmenté.
- Règle morale. La cupidité est condamnée tant par la théologie que par la philosophie morale.
Évangile St Luc : Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’Argent.
Bruguès (Dictionnaire de morale) : La cupidité exprime de désir avide et immodéré de posséder des richesses. Elle représente ce que l’on pourrait appeler l’une des racines du péché… fruit de la concupiscence, elle est plus redoutable que l’orgueil, autre racine du péché.
Bautain (Manuel de philosophie morale) : Toutes les manières de dérober, tous les artifices du vol, doivent être constatés, recherchés et punis par la législation et ses tribunaux. Malheureusement de tout temps la cupidité a été plus ingénieuse dans ses ruses que la pénalité dans ses poursuites.
Proal (La criminalité politique) : Pendant que la conscience et la religion disent à l'homme : « Tu ne déroberas pas le bien d'autrui, tu gagneras ton pain à la sueur de ton front », la cupidité, la fureur des jouissance et la paresse lui crient : « Il est doux de piller le bien d'autrui ; il est agréable de vivre du travail d'autrui ».
Tarde (La criminalité comparée) : La cupidité paraît avoir grandi en même temps que la fortune. publique. De 1826 à 1830, elle était treize fois sur 100 le mobile déterminant des crimes d’assassinat, de meurtre, d’empoisonnement et d’incendie. Cette proportion s’est élevée par degrés à 20 pour 100 en 1856-60, pour atteindre en 1876-80 22 pour 100.
- Science criminelle. La cupidité fait parti des mobiles pouvant influer sur la peine. Par faveur pour les politiques, certaines infractions supposent le but (impossible à prouver) d’enrichissement personnel. Le principe du parallélisme des peines invite le législateur à prévoir de lourdes amendes contre ceux qui agissent par cupidité.
Core (Les criminels) : Chez certains hommes, la cupidité n'est pas en rapport avec son stimulant occasionnel : on en a vu commettre jusqu'au parricide, pour entrer en jouissance de quelques pauvres meubles, d'un lopin de terra ou d'une somme d'argent très minime. Caroline [Code pénal de Charles-Quint] : On doit juger selon que c’est par nécessité de subsistance, ou par cupidité, que le voleur s’est porté à cette action.
Leclère (Code pénal du Cambodge) : Lorsque, dans un billet qu'il s'est fait souscrire, un créancier a stipulé un intérêt plus élevé que celui qui est réglé par la loi, les juges, pour le punir de sa cupidité, le débouteront de tous les intérêts et ne lui feront payer que le capital par le débiteur.
Code pénal suisse (état en 2003), art.50 : 1.
Si le délinquant a agi par cupidité, le juge, accessoirement à la peine privative de liberté, pourra le condamner à une amende.
2. Si la loi prévoit alternativement une peine privative de liberté ou l’amende, le juge pourra toujours cumuler les deux peines.
Code pénal du Luxembourg. Sur l'extorsion de fonds incriminée par l'art. 470 : La limite du droit de transiger n'est dépassée qu'à partir du moment où une personne, agissant par cupidité illégitime, abuse du droit de transaction pour en tirer un profit anormal.
Poitiers 19 mai 1983 (D. 1984 IR 132) : Le délit de malversation vise tous les artifices comptables ou autres au moyen desquels le syndic, inspiré par la cupidité, réussit, dans sa gestion, à percevoir et à s’approprier les fonds de l’actif du débiteur, au préjudice de la masse.
- Il ne fait aucun doute que la convoitise ne saurait constituer une cause de non-imputabilité. Chacun doit savoir résister à ce type de pulsions primaires.
CUR - L'une des questions que doit se poser le tribunal lors de l'individualisation de la sanction : pour quelle raison l'infraction a-t-elle été commise ?
Cf. Quis*, Quid*,
Quando*,
Ubi*, Quibus auxilliis*,
Quomodo*.
Et : Motifs (de
l'individualisation de la sanction)*.
Voir : J-P. Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-III-II-3, p.295
CUSTODE - Voir : Fouet*.
CYBERCRIMINALITÉ
Cf. Criminalité*, Informatique*, Mandat d’arrêt européen*.
Un cybernaute, usager du réseau internet, peut commettre un délit en dévoyant ce moyen de communication. Son infraction relève de la cybercriminalité,
mode de délinquance qui est spécialement prévu par la décision-cadre du 13 juin 2002 relative au mandat d’arrêt européen (art. 695-23 C.pr.pén.).
Que les actes commis l’aient été dans un cybercafé pourrait, en bonne technique législative, constituer une circonstance aggravante du fait de
l’anonymat qui les couvre.
En droit positif, on peut principalement se tourner vers les art. 226-16 (traitement de données à caractère personnel), 227-23 (transmission d'images à
caractère pédophile), 22725 et 227-26 (atteinte sexuelle sur un mineur commise par le biais d'un matériel de communication électronique), 323-1 et s.
(atteinte à un système de traitement automatique de données) ou 421-1 2° (commission d'acte de terrorisme par la voie d'infractions en matière
informatique).
Site officiel du Ministère de l’intérieur (au 28
novembre 2011). La cybercriminalité est le terme employé pour désigner l'ensemble des infractions pénales qui sont commises via les réseaux
informatiques, notamment, sur le réseau Internet. Ce terme désigne à la fois :
- Les atteintes aux biens: fraude à la carte bleue sur Internet sans le consentement de son titulaire; vente par petites annonces ou aux enchères
d'objets volés ou contrefaits; encaissement d'un paiement sans livraison de la marchandise ou autres escroqueries en tout genre; piratage d'ordinateur;
gravure pour soi ou pour autrui de musiques, films ou logiciels.
- Les atteintes aux personnes: diffusion d'images pédophiles, de méthodes pour se suicider, de recettes d'explosifs ou d'injures à caractère racial;
diffusion auprès des enfants de photographies à caractère pornographique ou violent; atteinte à la vie privée.
Tous ces faits sont punis d'une peine d'emprisonnement (5 ans maximum) et d'une amende (375.000 € maximum) .
Jeanclos (Dictionnaire de droit criminel et pénal) : La cybercriminalité est l’ensemble des infractions pénales qui trouvent leur origine dans l’utilisation malhonnête de systèmes et réseaux informatiques… Le législateur doit lutter contre cette criminalité nouvelle, liée à l’irruption de nouvelles technologies, qui révolutionnent la vie économique, politique et culturelle.
Martin (La criminalité informatique), a sous-titré son ouvrage : Cyber-crime : sabotage, piratage etc.
Pinguet a intitulé un article publié à la Gazette du Palais du 26 octobre 1996 (p.53) : « La douane et la cyber-délinquance ».
Modèle de Code pour l’Australie : L’acte du Royaume-Uni de 1990 sur le mésusage d'ordinateur a fourni une base appropriée pour la réforme de la loi australienne. Le Conseil de l'Europe s’efforce actuellement de formuler une convention sur le Cyber-Crime proposant un schéma-cadre des délits informatiques. Dans le contexte en rapide évolution de la réglementation du Cyberespace, il est nécessaire de s'assurer que la Loi du Royaume-Uni n'a pas été rattrapée par les agissements les plus récents.
Cass.crim. 27 octobre 2009 (Bull.crim. n° 177 p.760) le mémoire produit par le demandeur visait : la violation des art. 8 de la Déclaration des droits de l’homme, 6 et 7 de la Conv.EDH, 6 de la Convention européenne sur la cybercriminalité du 23 novembre 2001, 34 et 37de la Constitution, 323-1, 323-2, 323-3 et 323-3-1 du code pénal,111-3 et 121-3 du code pénal, 591 et 593 C.pr.pén.