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DU CUMUL DE DÉLITS
OU RÉITÉRATION,
suivant la science rationnelle

Extrait de « Éléments de droit pénal »
de J. ORTOLAN ( 4e éd. Paris 1875, T. I p.535 )

Cumul ou confusion des peines encourues,
en cas de pluralité de crimes ou délits
jugés hors l’état de récidive ?
Telle est la question examinée ici.

L’auteur se prononce pour une solution
intermédiaire, conciliant les exigences
de la justice et de la sécurité sociale.

À vrai dire il nous laisse un peu sur notre faim ;
car, si ses critiques sont pertinentes,
sa partie constructive est un peu légère.

Peut-être le problème se situe-t-il plus
sur le terrain de l’appréciation judiciaire des faits
que sur celui de la théorie pure et de la législation.

Le législateur ne semble guère pouvoir aller
plus loin que de voir dans la réitération
une circonstance aggravante personnelle.

1142. Jusqu’ici nous avons traité de l’hypothèse la plus simple : celle d’un seul délit, d’un seul agent et d’un seul patient du délit. Nous pouvons maintenant compliquer les données du problème. Il peut se faire, en effet, qu’il y ait pluralité de délits, pluralité d’agents, pluralité de patients du délit : quelles devront être alors les solutions du droit pénal ?

1143. Afin de marcher toujours graduellement, même en ces sortes de complications, nous commencerons par celle qui offre le moins d’éléments composés : pluralité de délits à la charge d’un seul agent.

Celle-ci se présente elle-même de deux manières : — Ou bien l’agent s’est rendu coupable de ces délits cumulés avant d’avoir été encore atteint d’aucune condamnation ; ou bien c’est après une condamnation prononcée contre lui pour un premier délit que l’agent en a commis un nouveau. — On donne communément au premier cas, dans le langage des jurisconsultes, le nom de concours de délits (concursus delictorum) ou réitération (ce dernier mot est usité techniquement dans les Codes italiens) ; nous nous servirons, quant à nous, de celui de cumul de délits. Le second cas porte le nom, généralement consacré, de récidive [N.B. nous avons reproduit le texte consacré à la récidive dans un autre document].

Du cumul de délits, ou réitération.

1144. Qu’on veuille bien considérer que, dans l’hypothèse dont il s’agit ici, l’agent ayant commis les délits qu’il a cumulés avant d’avoir été condamné pour aucun, tous sont encore à punir. C’est là le trait distinctif de la situation ; c’est de là que nous tirerons, par la seule déduction logique, les règles qui doivent y dominer. — Le problème pénal est de savoir quelle peine on fera subir au coupable pour lui faire expier tous ces délits. Nous dirions volontiers, pour plus de précision : cumul de délits à punir.

1145. Qu’on veuille bien considérer qu’une fois que les délits cumulés ont été commis, qu’ils soient déférés à la justice pénale tous en même temps, dans une même instance, ou qu’ils le soient séparément en des instances différentes, la conclusion du problème, quant à la pénalité, ne saurait changer ; car il est impossible d’arriver logiquement à un tel résultat, que l’agent soit, en droit, plus ou moins punissable selon qu’on aura donné telle ou telle autre direction à la procédure. Le jurisconsulte et le législateur pénal ont été dans le faux et dans l’injuste lorsqu’ils se sont mis en dehors de cette vérité.

1146. C’est en conséquence des deux observations qui précèdent que nous repoussons l’expression de concours de délits, dérivée d’ailleurs, nous le reconnaissons, d’un fragment du droit romain (ci-dessous, n° 1159). Les mots de concours, concurrence, indiquent une sorte de lutte, de rivalité, et un choix à faire entre les concurrents : ce sont des lutteurs qui courent ensemble vers un même but ; lequel d’entre eux y arrivera ?

Nous concevons davantage le mot de concours à propos des actions à exercer en justice, et c’est particulièrement à ce propos que les jurisconsultes romains s’en sont servis. Plusieurs actions nous sont offertes ; elles se présentent ensemble ; pouvons-nous user de toutes ? sommes-nous obligés d’en choisir une, et, dans ce cas, laquelle devra l’emporter ?

Mais à l’égard des délits dont nous parlons, rien de semblable. Il n’y a pas concours, il y a cumul de délit sur délit. Compris ou non compris dans une même instance, ces délits existent tous, l’agent est coupable de tous, il est punissable à raison de tous.

1147. Le problème général reste toujours le même, de quelque nature que soient les délits cumulés : qu’il s’agisse d’une même espèce de délits, comme de plusieurs vols ; ou de délits d’un même genre, comme de vol et d’escroquerie ; ou de délits tout à fait différents de caractère, comme un délit de chasse ou un délit de presse et des coups ou blessures ; toujours, ces délits cumulés ayant été commis avant qu’aucun d’eux eût été frappé de peine, ils sont tous à punir.

On peut bien, par rapport à l’appréciation morale du caractère de l’agent, de ses penchants ou de ses habitudes vicieuses, distinguer deux sortes de cumuls : cumul de mêmes délits, cumul de délits divers ; mais le problème pénal ne change pas de l’un à l’autre : l’agent a toujours à expier tous ses délits.

Le mot de réitération convient parfaitement aux cas du cumul de mêmes délits ; ce n’est que dans une acception propre, rendue plus générale, qu’on l’a étendu même au cas du cumul de délits divers. Voilà pourquoi nous préférons, quoique moins brève, l’expression de cumul de délits, qui est exacte en tous les cas.

1148. Que les délits aient été commis en différents temps ou en différents lieux, qu’ils soient plus ou moins graves ou plus ou moins légers, cela ne change rien au problème général, en ce sens qu’ils sont toujours tous à punir.

Sans doute le plus ou moins de gravité des délits cumulés influera directement sur la quotité de la peine, peut-être même sur la manière de calculer cette quotité ; mais toujours, graves ou légers, il s’agira de faire expier au coupable tous les délits qu’il aura commis.

Ceux néanmoins de ces délits qui, à raison du temps, se trouveraient couverts par la prescription, ou qui, à raison du lieu, seraient en dehors de l’action pénale du pays, n’entreraient pas en ligne de compte dans le cumul des délits, puisqu’ils ne seraient plus à punir, ou qu’ils ne l’auraient jamais été par la justice de ce pays.

1149. Si l’agent n’a commis qu’un seul fait, lequel contient en soi la violation de plusieurs devoirs qui se réunissaient pour le défendre, la transgression de plusieurs lois pénales qui le frappaient chacune de peine : au point de vue de l’exercice physique de l’activité humaine, de l’acte matériel accompli, il n’y a qu’un seul délit ; mais au point de vue de l’appréciation morale de cet acte, il y en a plusieurs. Cette sorte de cumul est nommée cumul idéal, cumul moral de délits. Les délits politiques, les délits de fonctions en offriront souvent l’exemple ; car souvent il arrivera que le même acte constituera en même temps une de ces sortes de délits particuliers et en outre un délit de droit commun : comme serait la séquestration, le meurtre du chef de l’État.

La solution du problème pénal en cette sorte de cumul ne saurait offrir de difficulté : puisqu’il n’y a qu’un fait unique, il ne peut y avoir qu’un seul châtiment. C’est par la plus grave des transgressions en lui contenues que l’acte sera caractérisé; ce sera la peine de cette transgression la plus grave qui sera appliquée ; les autres violations de devoirs qui se trouveront dans le même acte devront servir seulement de motif d’aggravation de cette peine, dans les cas où l’appréciation morale du fait le comportera.

1150. Une solution analogue, quant à la pénalité, se présente au sujet des délits continus (vulgairement nommés successifs), et l’observation est importante, surtout au cas de la continuité morale, dont nous avons déjà marqué les caractères. Bien qu’il y ait en cette sorte de continuité divers actes dont chacun suffirait à lui seul pour constituer le délit, cependant l’unité de conception, de résolution et de but relie tous ces actes en un seul et même délit, qui sera frappé d’une seule peine, sauf l’aggravation pouvant résulter de la considération du nombre de faits compris dans le délit.

Il faut donc se bien donner garde de confondre la continuité morale avec la réitération ou le cumul des délits. La distinction sera souvent très délicate à établir en fait ; mais elle n’en doit pas moins être observée en droit.

1151. Le vrai cumul de délits n’existe que lorsqu’il y a eu de la part de l’agent plusieurs actes constituant chacun séparément et distinctement un délit : le cumul est alors qualifié, par les jurisconsultes, de cumul réel, ou cumul formel, matériel, par opposition au cumul idéal ou moral. C’est ici seulement qu’il y a pluralité de délits à punir dans la personne du même agent,

1152. La règle scientifique pour marquer la mesure de cette punition sera toujours déduite des mêmes principes : infliger à tous ces délits cumulés la quotité de peine qu’exigent la justice et la nécessité sociale réunies ; jamais plus qu’il n’est juste, jamais plus qu’il n’est nécessaire.

1153. Là-dessus deux systèmes radicaux, en sens inverse l’un de l’autre, se sont produits : — l’un qui consiste à infliger au coupable les peines additionnées de tous les délits qu’il a commis ; ce qui s’exprime par cette formule : « Le cumul des délits emporte cumul des peines » ; — l’autre qui consiste à n’infliger au coupable que la peine du délit le plus gravement réprimé entre ceux qu’il a commis ; ce qui s’exprime en disant : « La plus forte peine absorbe toutes les autres ».

Il n’est pas difficile de démontrer que ni l’un ni l’autre de ces deux systèmes n’est en accord avec les principes fondamentaux de la pénalité sociale. Le premier pèche par excès de peine, le second par insuffisance.

1154. En effet, le cumul des peines à raison du cumul des délits n’est ni juste ni nécessaire. — Ni juste, car la société a une partie des reproches à prendre à sa charge dans cette accumulation de délits, pour avoir, par son inaction ou par les retards de son action, laissé le coupable s’engager dans une voie où l’impunité lui a fait pente. Prise en masse, la culpabilité du délinquant, dans l’ensemble de tous ces faits, n’est pas égale, en justice absolue, à la somme de toutes les culpabilités partielles qu’offrirait chacun de ces faits considéré isolément. — Ni nécessaire, car ni les conditions de la sécurité publique, ni celles de l’exemple à donner, n’exigent, pour être satisfaites, l’application des peines additionnées. Le total de cette addition pourra même quelquefois s’élever à des chiffres tellement exagérés, par exemple pour la somme des amendes, pour la durée des peines privatives de liberté, ou pour les autres peines, qu’ils deviendront hors de toute proportion avec une pénalité sérieuse et pratique.

1155. Quant à la règle que la plus forte peine absorbe toutes les autres, elle ne donne satisfaction, à son tour, ni à la justice, ni aux exigences de la sécurité sociale. — Ni à la justice, puisque l’auteur de plusieurs délits cumulés est puni seulement comme s’il avait commis un seul de ces délits, le plus grave d’entre eux, les autres ne comptant pas dans la mesure de la peine. — Ni à la sécurité sociale, puisque, après avoir commis un délit, le malfaiteur a, pour ainsi dire, carte blanche, en ce qui concerne la mesure de la peine, pour commettre impunément, autant de fois qu’il le voudra, tous les délits de même gravité ou de gravité inférieure ; la société est laissée sans protection pénale contre ces délits ultérieurs ; le premier délit est comme un bref d’impunité pour les autres : « Que saurait-il m’en advenir de plus ? Rien », peut se dire le malfaiteur. La crainte que l’un ne fasse découvrir l’autre, voilà le seul frein légal qui reste, en fait, pour le retenir.

1156. L’idée d’un tel système, aussi radicalement en désaccord avec les principes de justice et avec ceux d’utilité, est venue de ce qu’en certains cas, il est impossible qu’il en soit autrement : la peine la plus grave absorbe forcément toutes les autres. Il en est ainsi particulièrement de la peine de mort, qui absorbe forcément toutes les peines corporelles ; il en est de même, jusqu’à un certain point, de la peine privative de liberté de l’ordre le plus dur, lorsqu’elle est perpétuelle, qui absorbe forcément toutes les autres peines privatives de liberté ; ou de la peine privative de droits de l’ordre le plus étendu et à perpétuité, qui absorbe forcément toutes les autres peines privatives, partiellement ou temporairement, des mêmes droits.

Nous disons jusqu’à un certain point, parce qu’un système de pénalité bien coordonné peut encore pourvoir, par des aggravations sagement combinées, à ces deux dernières hypothèses, et qu’il n’y a réellement d’inévitable absorption que celle qu’opère la peine de mort sur toutes les peines corporelles. Mais, de ce que cette dernière situation est inévitable, de ce qu’il est impossible à la société, lorsqu’elle a atteint le nec plus ultra des châtiments sur le corps de l’homme, d’aller au-delà et de se protéger davantage, vouloir transporter tous les inconvénients de la situation dans les cas où il peut en être autrement, vouloir transformer en règle générale de droit ce qui n’est qu’une fatalité extrême à subir : quelle manière de raisonner, et quel abandon des garanties dues à la société contre les crimes !

1157. Laissant donc de côté l’un et l’autre de ces deux systèmes, celui qui pèche par excès et celui qui pèche par insuffisance, il faut dire que la vraie solution de la science rationnelle sera dans la combinaison d’une peine plus grave, comme résultante générale de tous les délits qui ont été commis et qui sont tous à punir.

Sans doute, il est beaucoup plus simple pour le législateur de décréter : « La peine de tous les délits sera appliquée » ; ou, au contraire : « La peine la plus forte sera seule appliquée »; mais la simplicité qui s’obtient aux dépens des exigences de la justice ou de la sécurité sociale n’est plus une qualité, elle est un vice radical dans la loi de répression.

Il faut donc que le législateur trouve et formule un système de combinaison, d’où le juge doive faire sortir cette résultante, cette peine aggravée, non par addition, mais en considération de tous les délits à punir. Sans entrer dans le détail des règles possibles à cet égard, il nous suffira de dire qu’à mesure que la législation pénale avancera vers le point où la science la pousse, celui de l’unité de peine principale, variée par des degrés divers et par l’adjonction de quelques peines accessoires, les complications disparaîtront, et la combinaison dont il s’agit deviendra de plus en plus facile à faire.

1158. Qu’on se pénètre bien de la différence qui existe sous ce rapport entre la question pénale et la question civile. Quant à cette dernière question, le cumul des délits doit toujours entraîner le cumul des condamnations aux dommages-intérêts à raison de chaque délit. Quelle que puisse être la somme de tous ces dommages-intérêts additionnés, peu importe, parce qu’il ne s’agit pas ici de punition, il s’agit de réparation ; or, la moindre faute suffit, en droit civil, pour obliger à réparer tous les préjudices résultant de cette faute. Quant à la punition publique au contraire, elle doit être mesurée sur le degré de la culpabilité et sur les nécessités de la sécurité sociale, qui repoussent l’une et l’autre, suivant les principes rationnels, tant la règle du cumul des peines que celle de l’absorption.

1159. L’ancienne doctrine européenne a été divisée sur la règle pénale à suivre en cas de cumul de délits, nommé par elle concursus delictorum. Cependant la décision prédominante, dans la plupart des États, a été pour le cumul des peines. Tel était le courant de notre ancienne jurisprudence française. Il n’était fait exception à ce cumul que dans les cas d’impossibilité, tels que celui de la peine de mort, qui absorbe forcément toutes les autres peines corporelles, ou bien encore à l’égard de certaines peines qui étaient réputées, d’après les usages du temps, incompatibles entre elles.

Les criminalistes distinguaient d’ailleurs du véritable concours de délits le concours idéal, et le cas de délit continu, autrement dit successif (ci-dessus n° 1148 et 1149) : leur décision variant de l’une à l’autre de ces hypothèses. Enfin, il faut remarquer que, d’une part, malgré le principe du cumul, la règle que les peines étaient quasi toutes arbitraires pouvait permettre au juge, le plus souvent, de modérer ce cumul et d’empêcher que le total résultant de l’addition ne s’élevât à des quotités exorbitantes et hors d’application possible ; tandis que, d’autre part, la faculté d’exaspérer même la peine de mort, par des supplices accessoires, permettait à ce même juge de faire sentir l’aggravation résultant du cumul jusque dans les condamnations capitales.

1160. Cette coutume prédominante du cumul des peines en cas de cumul de délits avait été basée par l’ancienne jurisprudence sur un fragment d’Upien fort connu : Nunquam plura delicta concurrentia faciunt ut ullius impunitas detur : neque enim delictum ob aliud delictum minuit pœnam ; c’était de là même qu’était venue l’expression concours de délits.

Ce fragment n’a pas trait aux peines publiques, aux délits de droit criminel, poursuivis par voie d’accusation ou par voie criminelle extra ordinem ; il ne se réfère qu’aux délits dans le sens du droit privé, poursuivis par voie d’action, pour faire prononcer une condamnation pécuniaire au profit du demandeur. Il n’en a pas moins été entendu, il n’en a pas moins été répété partout dans le sens du véritable droit pénal, il est devenu un brocard et a fait règle en ce sens. Au besoin, les docteurs le corroboraient par quelque citation du droit canon.

1161. La maxime tirée d’Ulpien n’empêchait pas qu’un autre brocard, diamétralement opposé, n’eût cours, en même temps, dans l’ancienne jurisprudence: « Major poena minorem absorbet ». Seulement ce dernier était entendu, suivant l’opinion commune, des cas où, les peines étant incompatibles, soit par leur propre nature, soit par les usages du temps, le cumul n’en pouvait avoir lieu, et l’absorption devenait forcée.

Là-dessus, néanmoins, il s’est trouvé des criminalistes qui ont soutenu la justice de ce second adage dans un sens plus étendu, de manière à en porter l’application des cas où les peines sont incompatibles aux cas même où elles ne le sont pas, et à le substituer, comme règle générale répressive du cumul des délits, à la règle du cumul des peines.

Cette manière de voir a eu faveur, surtout en Allemagne. Une disposition particulière de la Caroline, ou Code criminel de Charles-Quint (de 1530-1532), a contribué à cette direction de la jurisprudence en ce pays, et toutefois, quand on y regarde de près, dans la pratique, on voit que la règle « Major poena minorem absorbet » y était appliquée avec de si nombreuses restrictions qu’elle revenait, en définitive, à admettre le cumul pour certaines peines, à le repousser pour d’autres, et à infliger, dans ce dernier cas, au moyen de l’arbitraire dans les peines, une aggravation, en place de l’addition. C’était ainsi que le même principe, celui des peines arbitraires, servait, tour à tour, dans l’ancienne jurisprudence, à corriger d’une part l’excès de la règle du cumul, et d’autre part l’insuffisance de la règle de l’absorption.

1162. Finalement, nous trouvons la règle de l’absorption passée en texte formel de loi dans un Code pénal décrété sous les inspirations de la philosophie du dix-huitième siècle, celui de l’empereur Joseph II, pour l’Autriche (du 1er janvier 1787), art. 15 : « Si le criminel est coupable de plusieurs délits différents entre eux, la peine doit être infligée eu égard au délit le plus rigoureusement puni ».

1163. Chez nous, après la révolution de 1789, ni les lois de police correctionnelle ou municipale, ni le Code pénal de 1791, ni plus tard celui de 1810, n’ont formulé de règle sur ce point.

Seulement la Constituante, dans la loi de 1791 sur l’établissement des jurés, à propos des opérations de la cour d’assises, et des nouveaux délits qui seraient révélés dans le cours des débats à la charge de l’accusé, a émis une disposition de laquelle il résulte que la règle à suivre, dans son esprit, était que la peine du délit plus grave absorbe celle des délits inférieurs ; le Code des délits et des peines, de brumaire an IV, et enfin celui d’instruction criminelle de 1808, ont suivi les mêmes errements ; et c’est ainsi que sur ce problème capital du droit de répression, qui aurait dû être législativement réglementé dans la partie générale du Code pénal, nous n’avons aucun article de ce Code, mais seulement deux articles du Code d’instruction criminelle (art. 365, 379), placés sous le titre Des affaires soumises au jury, et sous la section Du jugement et de l’exécution.

1164. Mais le législateur de 1808, tout en suivant la trace de celui de 1791 et de brumaire an IV, a voulu du moins formuler d’une manière plus précise, qui la met plus en relief, la règle par lui adoptée, et il l’a fait en ces termes. Code d’instruction criminelle, art. 365 : «... En cas de conviction de plusieurs crimes ou délits, la peine la plus forte sera seule prononcée ».

1165. L’orateur du gouvernement devant le Corps législatif s’est borné à dire au sujet de cette disposition : « Le projet se décide formellement contre la cumulation des peines.... Jusqu’ici les cours de justice criminelle se sont interdit cette cumulation, plutôt d’après une jurisprudence que d’après un texte formel ; mais en telle matière tout doit être réglé par la loi ». — Se décider contre le cumul des peines, fort bien (ci-dessus, n° 1154) ; mais adopter la règle de l’absorption, c’était tomber de l’excès dans l’insuffisance (ci-dessus, n° 1155).

Les seuls palliatifs pratiques de cette insuffisance peuvent se rencontrer chez nous dans le maximum de la peine, que le juge doit être plus facilement porté à appliquer en cas de cumul de délits ...

Signe de fin