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LE CARACTÈRE SOCIAL
DE LA CRIMINALITÉ

Extrait de « Criminalité et répression »
de Adolphe PRINS
( Bruxelles 1886 )

Les causes de la délinquance sont multiples ;
une seule mauvaise fréquentation peut suffire à détourner
un adolescent du droit chemin sur lequel il était engagé.

Selon l’importance qu’elle attache à tel ou tel facteur,
chaque école s’oriente dans un sens qui lui est propre
et propose par suite des solutions particulières
à la lutte contre la criminalité.

L’école positiviste insiste sur le facteur social
et, logique avec elle-même, souligne la nécessité
de veiller à maintenir une société saine,
éventuellement au prix de l’élimination des malfaiteurs.

I -  DE LA CRIMINALITÉ EN GÉNÉRAL

Malgré les études considérables et les efforts généreux de tant d’hommes dévoués au bien public, le problème de la criminalité se dresse encore, à la fin du XIXe siècle, aussi obscur et troublé qu’il l’était au début. Les gouvernements d’Europe jettent annuellement des milliers d’individus au fond des prisons. L’Angleterre, la France, la Russie consacrent à elles seules cent millions de francs à la répression. La petite Belgique, rien que pour les prisons, a un budget de près de trois millions. Et pourtant les statistiques signalent la progression de la récidive. Les spécialistes les plus compétents, sir James Fitz-James Stephen (History of the criminal law), en Angleterre, Beltrani Scalia (Riforma penitenziara in Italia) en Italie, d’Haussonville (Enquête parlementaire vol. VI), en France, von Oettingen (Moralstatistik) en Allemagne, Wahlberg, en Autriche, déplorent la persistance et l’accroissement de la criminalité.

La science pénale et les gouvernements, avec la noble ambition d’amender les coupables, accumulent les peines et prodiguent les sacrifices d’argent sans restreindre le chiffre des délits ni affaiblir la récidive. Si les résultats sont décourageants, c’est que nous vivons dans la fiction. Bien loin de scruter les replis du monde réel, la justice s’isole sur les sommets de l’abstraction. Elle méconnaît la tragique grandeur de l’humanité qui s’agite devant elle, et, semblable à la Thémis de l’ancienne mythologie, elle conserve un bandeau sur les yeux. Elle se détourne de la vie ; la vie s’éloigne d’elle. Elle devient insensiblement une sorte de formalisme, atteignant la surface des choses sans en pénétrer l’essence.

Dans les sciences exactes, on a longtemps considéré les phénomènes de l’univers comme des miracles sans lien entre eux ; l’homme ne s’est élevé à une idée plus haute, il n’a pu tirer parti des ressources que la nature lui prodigue et en admirer l’ordre grandiose qu’en acquérant la notion de l’enchaînement et de l’unité des forces physiques.

Dans les sciences morales, il en est de même ; l’homme manquait de vues d’ensemble, il croyait à la confusion et au chaos, là où règnent la régularité et la loi. Mais dans ce domaine aussi, il a retrouvé l’enchaînement et l’unité des forces, il a compris que la solidarité et le travail jouent dans l’humanité le rôle de la chaleur et du mouvement dans l’univers, et ces idées si grandes ont une influence énorme sur l’étude de la criminalité.

Il n’y a relativement que peu de temps que Quetelet (Essai de physique sociale) dans ses célèbres aperçus de physique sociale, Guerry, dans ses travaux de statistique (Essai sur la statistique morale de la France), récemment encore von Oettingen, dans son grand ouvrage de statistique morale, et les disciples de ces savants éminents ont fait ressortir la constance des tendances et des penchants de l’homme et la vaste portée sociale de la loi des grands nombres. « Les chiffres gouvernent le monde » disait Goethe. De nos jours, les savants, qu’ils appartiennent à l’orthodoxie ou à la libre-pensée, reconnaissent qu’il y a une mécanique sociale.

L’humanité est un organisme géant, dont les rouages fonctionnent avec une harmonie merveilleuse. À travers l’incessant tourbillon des atomes, elle laisse entrevoir la majesté sereine de l’ordre et de la loi.

La naissance et la mort, le mouvement de la population, la proportion des sexes, la moyenne des enfants légitimes et naturels et des enfants trouvés, les actes qui semblent le plus dépendre de la volonté libre, tels que les mariages et les divorces, rien de tout cela ne paraît livré au hasard ; partout, sous la mobilité inouïe des faits, se révèle la loi permanente des nombres.

La criminalité a la même apparence ; sous l’inextricable enchevêtrement des infractions, on démêle la loi de la criminalité. Il n’existe pas un type abstrait de l’homme moral et un type abstrait du coupable ; le crime n’est pas un phénomène individuel, mais un phénomène social. La criminalité sort des éléments mêmes de l’humanité ; elle n’est pas transcendante, mais immanente ; on peut voir en elle une sorte de dégénérescence de l’organisme social.

Que serait, d’ailleurs, la molécule séparée de la matière et suspendue dans le néant, sinon une petite poussière sans direction ? Que serait l’individu pris en dehors des conditions de la vie, que seraient ses oscillations entre le bien et le mal, sinon le bizarre caprice et l’ironie d’un destin fantasque ?

Heureusement, il n’en est rien. L’homme appartient à l’humanité comme l’atome à la matière ; le délinquant et l’honnête homme se rattachent l’un et l’autre à leur milieu. Il y a un milieu social favorable à la santé morale : le penchant au crime y est presque nul ; il y a un milieu social où l’atmosphère est corrompue, où les éléments malsains s’amoncellent, où les plus vigoureux dépérissent, où la criminalité s’abat comme la moisissure sur le fumier : le penchant au crime y est formidable, et l’on peut dire en ce sens qu’il est un fait social avec une cause sociale et qu’il est en connexion intime avec une organisation sociale donnée.

Considérons un instant notre époque : un siècle de progrès et de raffinement est un siècle de vices ; la complication croissante de notre mécanisme crée, avec des tentations nouvelles, de nouvelles occasions de chutes. Le char de la civilisation, semblable à celui du dieu Djagger-Nath, écrase beaucoup de ceux qui se précipitent sous ses roues. Le monde a des appétits énormes qu’il ne peut satisfaire : la sensualité, l’avidité au gain, le goût et la facilité des spéculations ; le contraste entre la grande richesse et l’extrême pauvreté; les nécessités brutales du combat pour la vie en face de la concentration de la propriété et du capital ; les défectuosités de l’organisation industrielle, qui abandonne le prolétariat au hasard, qui ne surveille pas l’apprentissage et laisse l’enfant de l’ouvrier aux excitations de la rue et à la promiscuité de l’atelier, qui, enfin, aiguise partout les instincts obscurs de l’animalité, tout cela retentit sur la criminalité avec une certitude déplorable.

Combien on aurait tort, dans une pareille mêlée, d’opposer simplement le délinquant à l’honnête homme ! Ce sont deux états sociaux qui s’opposent l’un à l’autre : l’un est fondé sur l’aisance, la sociabilité, la protection réciproque, le travail utile et l’épargne ; l’autre, sur la misère, l’isolement, l’égoïsme, le travail improductif. Et dans les grandes agglomérations urbaines le paupérisme, la mendicité et le vagabondage, la paresse, l’esprit d’aventures, la prostitution, l’éparpillement des forces, tout, enfin, concourt naturellement à développer l’anémie sociale. [uneactualisation de ce propos conduirait à ajouter la drogue]

Prenez n’importe quelle région pauvre, inculte, sauvage, et toujours vous trouverez dans les grandes villes, Londres ou Paris, New York ou San Francisco, un milieu inférieur au premier, quelque chose de plus dépravé. C’est ici, dans les bas-fonds où jamais ne pénètre une lueur de bien-être physique ou moral, que vivent les déshérités. Ils entrevoient l’éclat du luxe pour le haïr ; ils ne respectent ni la propriété ni la vie, parce que ni la vie ni la propriété n’ont pour eux de valeur réelle ; ils naissent, s’étiolent, luttent et meurent sans soupçonner que, pour certaines gens, l’existence est un bonheur, la propriété un droit, la vertu une habitude et le calme un état constant. Tel est le foyer naturel et fatal de la criminalité.

II -  DES CLASSES CRIMINELLES

Dans un quartier soumis à une détestable hygiène, bâti sur un sol marécageux, privé de canalisation et d’eau potable, sillonné de rues étroites et sales, couvert de masures sans air ni lumière, où végète une population atrophiée, les épidémies sont inévitables et se propagent avec une grande intensité. De même, le crime trouve une proie facile et certaine au milieu des misérables d’une capitale. Les enfants naturels et abandonnés, les enfants des repris de justice et des prostituées, les vagabonds, etc., sont autant de recrues désignées.

Sans famille, sans traditions, sans domicile fixe, sans occupations sédentaires, sans relations avec les classes dirigeantes, quoi d’étonnant à ce qu’ils n’éprouvent que le besoin physique, à ce qu’ils n’aient d’autre mobile que l’égoïsme à outrance, à ce qu’ils ne connaissent d’autre activité qu’une activité intéressée et passagère pour la satisfaction immédiate de leurs appétits matériels !

L’émigration des campagnes vers les villes accroît encore cette armée et augmente les chances de criminalité. Quand les fils des paysans quittent la charrue pour l’atelier et viennent chercher fortune dans la fournaise des grandes villes, ils obéissent à l’esprit d’aventure; il leur faut à tout prix un gagne-pain, et comme la concurrence est ardente et que les tentations surgissent à chaque pas, les prisons profitent de cet excédent que la campagne donne à la ville. Une autre conséquence, c’est que l’immigration rurale fait déborder la population ; la place manque et le salaire descend au-dessous du nécessaire. Ducpétiaux montrait, en 1856, que le budget de l’ouvrier des grandes villes est inférieur même à la somme qui représente le budget de l’ouvrier des prisons. Cette situation n’a pas changé, et les classes laborieuses, mal logées, mal nourries, végètent à la merci des crises économiques. L’ouvrier est toujours sur la limite du vagabondage ; le vagabond est toujours sur la limite du crime. Le prolétariat entier est ainsi exposé en première ligne et, qu’il s’agisse de la maladie ou du crime, c’est lui qui succombe le premier.

Sous le vernis de leur luxe, les villes dissimulent donc les hontes, les souffrances sociales ; elles étalent à la fois « la parure et la fange » de la civilisation. Elles possèdent l’élite et la quintessence de l’esprit humain ; elles possèdent aussi les êtres disposés à répondre aux excitations mauvaises et sensibles aux moindres vibrations du dehors.

Cela ne veut pas dire qu’il faille opposer les campagnes aux villes comme des foyers d’innocence à des foyers de corruption. Les campagnes ont leur tradition de brutalité et de violence et leur genre de criminalité. En Belgique, la statistique des Flandres le démontre suffisamment. Toutefois, Adam Smith, dans la Richesse des nations, expliquait bien pourquoi l’habitant des campagnes a tort de quitter la maison paternelle : « Tant qu’un homme de basse condition, dit-il, demeure à la campagne, on peut avoir les yeux sur lui, et il doit s’observer. Il a une réputation à ménager. Mais sitôt qu’il vient dans une grande ville, il est plongé dans l’obscurité la plus profonde, il ne veille plus sur lui-même et s’abandonne au vice et à la débauche ».

On n’a malheureusement pas suivi les conseils d’Adam Smith, et les gouvernements ont, au contraire, montré la plus grande imprévoyance en négligeant les campagnes pour les villes, en laissant le capital se développer au détriment de la terre et le mouvement industriel se porter vers les villes au détriment de l’agriculture.

Aujourd’hui, les résultats de cette incurie sont évidents ; l’excès de prospérité est tari ; les choses sont rentrées dans leur état normal, et nous voyons, à côté de l’abandon des populations rurales, le mécontentement de l’ouvrier des villes ; de là un état général de gêne et de malaise ; de là, dans les classes inférieures, une sourde inquiétude et un levain de révolte qui peut devenir la source des plus grands dangers.

Telles sont les conditions de développement des classes criminelles, c’est-à-dire des classes où l’on rencontre le penchant au crime. Et, il importe de le remarquer, on peut, au regard de la justice répressive, déterminer leur caractère légal : ce sont les vagabonds et les délinquants de profession. Ils s’opposent nettement aux vagabonds et aux délinquants d’accident. Cette distinction, que la statistique moderne a mise en relief, est désormais la base de la science pénale, et le juge ne peut plus s’en passer.

III -  DES DÉLINQUANTS D’ACCIDENT
ET DES DÉLINQUANTS DE PROFESSION

Les délinquants d’occasion constituent la minorité ; leur vie est régulière, leurs instincts sont droits ; une passion soudaine, un emportement irréfléchi, un affaissement passager de la volonté, les entraîne au crime ; une sorte de fièvre les a dominés et, l’accès passé, la vie normale reprend son cours.

Au contraire, les délinquants de profession, qui forment la grande majorité de la population des prisons, sont véritablement la classe criminelle. Ce sont les endurcis, les incorrigibles, les récidivistes. C’est, à côté de la société régulière, la «grande tribu rebelle», où viennent se confondre la misère, l’ignorance, l’alcoolisme, le vice, la paresse, la prostitution. Les soldats de cette armée n’obéissent point à un désir momentané, mais à une tendance permanente. Ils ne commettent pas toujours le crime pour le crime, mais l’incident le plus futile les pousse à le commettre ; ils profitent de toute occasion, et l’on peut dire que, de même que dans certains groupes la vertu est un acte réflexe, de même chez eux le crime devient un acte réflexe. Bien plus, ils ont, tout comme le monde civilisé, une opinion publique qui les soutient, qui les excite, leur donne leur genre de popularité et constitue, en un mot, un aiguillon pour les héros du vice, de même qu’elle encourage les soldats du devoir.

Ce qui est vrai quand on considère ainsi l’ensemble de la société, est également vrai quand on prend l’individu comme tel.

Dans chaque infraction, il y a, à côté du facteur accidentel, c’est-à-dire de l’âge, du caractère, du tempérament, en un mot, des dispositions personnelles, le facteur collectif ou social, c’est-à-dire le milieu, les circonstances permanentes, les lois générales. Chez le délinquant d’occasion, le facteur individuel prédomine, c’est surtout l’homme qui apparaît. Chez le délinquant d’habitude, c’est le facteur social, c’est la collectivité qui entre en scène.

Dans les classes aisées, instruites, policées, qui n’ont manqué de rien, qui ont dès le berceau profité de toutes les influences civilisatrices, la faute est surtout personnelle, et elle est l’exception. Dans les couches profondes, quand tout a fait défaut, quand pour combattre le mal l’homme n’a ni dans le présent la protection sociale, ni dans le passé des générations d’ancêtres qui ont joui de la puissance, de la richesse et des lumières, la faute est la règle, elle est surtout collective. En ce sens donc, dans la criminalité, les forces collectives ont une action dominante ; pour la combattre, il faut agir sur ces dernières, et le législateur ne trouve dans la loi qu’une arme émoussée s’il méconnaît cette vérité suprême : le caractère social de la criminalité.

IV -  LA RESPONSABILITÉ ET LE DROIT DE PUNIR

Ces constatations ont remis au premier plan le difficile problème de la responsabilité.

Quand on affirme que les climats froids produisent plus de vols et les climats chauds plus de meurtres ; que l’élévation du prix du blé, qui augmente les difficultés de la vie, accroît également le chiffre des attentats à la propriété, tandis que l’abaissement du prix du blé, en augmentant l’aisance, élève par contrecoup la moyenne des attentats aux mœurs ; quand on distingue des groupes sociaux où le penchant au crime est irrésistible et d’autres où il est anéanti ; quand on rattache la criminalité à des prédispositions héréditaires, à l’atavisme, aux conditions de l’organisation sociale, il semble au premier abord que nous fassions de l’homme le jouet inconscient de la destinée, que nous détruisions à jamais le principe de la responsabilité, et que nous enlevions par là même à la justice pénale toute base et toute raison d’être.

Quand, au contraire, on n’aperçoit dans les variations de la moralité humaine que des manifestations spontanées de l’esprit ; quand, après le Moyen-âge livré à la démonologie et rattachant la criminalité aux inspirations du génie du mal, le XIXe siècle voit dans le crime et la vertu des entités métaphysiques, et dans la capacité théorique de choisir entre le bien et le mal la seule mesure de la responsabilité, la peine devient la clef de voûte des institutions publiques.

La vérité, c’est que la science moderne, ouvrant des horizons nouveaux, reprenant et développant l’œuvre de Kant, a déplacé l’axe de la moralité et de la responsabilité. Elle leur a donné comme pivot non plus la raison, mais la vie sociale elle-même, et loin de supprimer la responsabilité et la morale, elle en a fait ainsi quelque chose de plus tangible et de plus sacré à la fois. Elle déclaré avec beaucoup de bon sens que pour juger l’homme il faut connaître l’homme, et elle poursuit une enquête sur les caractères physiques et moraux des criminels de profession.

L’école anthropologique retrouve parmi les délinquants d’habitude un être physique à part, un type de régression. D’après Maudsley, Lombroso, Bordier, Broca, ce type se distingue du reste de l’humanité par les conditions organiques du développement, par les caractères craniologiques, la microcéphalie, l’anomalie des sutures, l’irrégularité dans la disposition des os wormiens, par la simplicité des circonvolutions du cerveau, par le prognathisme, une sensibilité moindre, en un mot, par des signes physiques le séparant du type normal et le rapprochant du type primitif.

L’école de médecine mentale se place sur un autre terrain. L’un de ses représentants les plus autorisés, M. le professeur Benedict, a fait connaître, au congrès tenu à Anvers au début du mois de septembre 1885, les tendances de cette école, et M. le professeur Heger, à son tour, les a exposées dans un remarquable rapport, lu à la Société d’anthropologie, le 5 octobre suivant. Cette école a bien soin de repousser l’opinion qui assimile les criminels endurcis à des aliénés ; mais elle trouve chez ces criminels incorrigibles « une étroitesse ou faiblesse des qualités psychiques qui rompt l’équilibre mental ». M. Benedict donne à cet état, distinct de la folie comme de l’état normal, le nom de neurasthénie. « Cette neurasthénie est physique, alors elle constitue une défectuosité congénitale ou un épuisement prématuré des nerfs ; ou bien elle est morale, et elle constitue chez un individu de conformation physique régulière une incapacité de résister aux tentations mauvaises (1) ».

Je n’ai pas à aborder dans ce travail l’examen de théories spéciales qui ne sont pas de ma compétence. Je me borne à signaler le haut intérêt qu’elles offrent pour le monde judiciaire. Elles disent au juge que, pour exercer la justice, il ne suffit pas de proclamer simplement que l’homme est libre ; elles l’engagent à connaître non seulement les articles du Code qu’il applique, mais l’organisation du coupable qu’il punit ; non seulement la jurisprudence du tribunal où il siège, mais les antécédents, la famille, la psychologie du délinquant; elles ont surtout leur influence sur la façon de concevoir les institutions répressives (2).

Ces études sont encore à leur début. On aurait tort d’en craindre ou d’en exagérer la portée. Bien comprises, vues sous leur vrai jour et dégagées d’esprit exclusif, elles peuvent donner au légiste une base plus large et plus solide.

Les délinquants de profession appartiennent aux classes inférieures ; ils en ont les caractères, les instincts brutaux et violents, l’absence de sensibilité, et, en général, les indices d’une nature inculte. Ils appartiennent aux classes déshéritées; ils subissent toutes les conséquences de la misère : le rachitisme, l’alcoolisme, l’anémie physique et intellectuelle, le manque d’équilibre des facultés, les troubles cérébraux.

Mais la criminalité prise dans son ensemble n’est pas purement un fait anthropologique ou un fait mental, elle est un fait social. Le criminel de profession peut parfaitement, en un certain sens, être considéré, au sein de notre culture raffinée, comme le représentant de la civilisation inculte des premiers jours. Il ne faut pas restreindre cette affirmation à une thèse médicale ou anthropologique ; il faut lui donner, au contraire, sa signification profonde et y voir la loi suprême de l’évolution historique.

V -  LE CRIME AU POINT DE VUE
DE L’ÉVOLUTION HISTORIQUE

Les hommes primitifs n’avaient évidemment la notion ni du droit, ni de la justice, ni de la morale ; pour eux, les actes étaient bons ou mauvais, suivant qu’ils étaient conformes ou contraires à leur intérêt ; ils glorifiaient et divinisaient la force et considéraient comme permis tout ce qu’ils avaient le pouvoir de faire.

Les délinquants ne s’élèvent guère non plus au-dessus des vues les plus étroites et les plus égoïstes ; ils ne possèdent pas davantage le sens du droit ou de la morale ; ils estiment la force et méprisent la faiblesse. Ils sont donc aux antipodes de la civilisation moderne et s’approchent incontestablement de l’être sauvage. Ce sont bien les forces élémentaires et irréductibles qui rappellent, au milieu de l’ordre et de la légalité, la violence des âges lointains.

L’homme primitif vivait de chasse, de pêche, de pillages et d’attaques ; il y avait équation entre ses instincts et ses besoins. Aujourd’hui, cette équation n’existe plus; l’individu n’obéissant qu’à des instincts matériels est en révolte contre l’idéal de la majorité et contre ceux qui ont défini cet idéal dans les lois : de là la criminalité et la répression.

Mettez en regard les chants anciens, les sagas des Saxons, par exemple, et un code moderne, et vous avez les deux pôles de l’humanité. D’une part, la fougue intempérante, les élans désordonnés, l’âpre convoitise des masses barbares s’éveillant à la vie ; d’autre part, les aspirations vers la stabilité et le calme ; la prudence et l’étroite réglementation des peuples chargés d’ans.

Ceux-là glorifient tout ce que ceux-ci blâment et réprouvent. Le malfaiteur actuel, c’est le héros de nos vieilles épopées. On met aujourd’hui en cellule celui qui eût été le chef redouté et respecté d’un clan ou d’une tribu.

Plus nous nous rapprochons de l’origine de nos institutions, plus nous voyons triompher la loi de la survie des mieux doués et de l’élimination des faibles par les forts. Plus nous nous rapprochons de la période moderne, plus, au contraire, domine la loi de la protection des faibles contre les forts. Le riche le plus débile jouit en paix de ses richesses, et l’athlète qui veut les lui ravir est condamné à mort, tandis que jadis il eût savouré les joies de la victoire.

Les mœurs se sont adoucies, la vie est assurée, la propriété est garantie ; et en admettant même qu’il y ait parmi nous un type du barbare et un type du civilisé, encore faudrait-il reconnaître la puissance d’une civilisation qui a su dans le passé modifier à la fois le type et les instincts, et l’emporter de plus en plus sur la criminalité.

A cet égard, les progrès se manifestent tous les jours d’une façon frappante : l’univers est soumis à l’évolution ; depuis la nébuleuse qui se résout en étoiles, depuis la planète en fusion qui se résout en rochers, en océans, en monts, en plaines, jusqu’aux groupements embryonnaires qui sont devenus nos sociétés compliquées, jusqu’aux sons confus d’où est sortie la variété des dialectes, tout passe du chaos à la régularité ; la criminalité a subi la même loi de progrès et de différenciation.

Les sociétés naissantes offrent la confusion tumultueuse de toutes les choses humaines : au milieu du déchaînement des passions, du choc des appétits et des intérêts, la notion du délit n’existe même pas. Aujourd’hui, non seulement la criminalité s’est détachée de cette masse informe de sentiments, d’idées et de désirs, mais elle s’est localisée et il y a des classes criminelles.

La civilisation a encore obtenu un autre résultat, d’une portée immense. La criminalité était répandue dans tout le corps social ; Grégoire de Tours nous décrit une société livrée tout entière à la violence et à la fraude, et, pendant la féodalité, les classes les plus élevées y recouraient ; les rois, les princes, les évêques, les nobles obéissaient sans frein à leurs instincts ; à une époque bien rapprochée, sous Louis XIV, les Grands jours d’Auvergne témoignent encore de la brutalité des puissants. Aujourd’hui, la criminalité descend de plus en plus ; elle est reléguée dans les bas- fonds sociaux, elle se cache et agit dans l’ombre ; et ainsi réduite, elle est bien l’empreinte des siècles barbares, le souvenir de nos premiers jours, elle est bien la tradition vivante qui nous rappelle à chaque instant les efforts de l’humanité pour s’élever vers l’idéal.

De même que dans la langue la plus libre le philologue retrouve des mots rappelant les premiers bégaiements des hommes, de même que dans le corps le plus parfait l’anatomiste retrouve des organes qui ont survécu aux fonctions et sont là pour rappeler l’hérédité, de même enfin que l’ethnographe retrouve encore aujour-d’hui des peuplades comme celles du Soudan, qui honorent le vol et le meurtre, de même, au milieu de toutes les élégances d’une société cultivée, le penseur retrouve au bas de l’échelle sociale, chez les déshérités, l’instinct sauvage, sanguinaire, indompté des premiers jours ; et il n’oublie jamais que si beaucoup a déjà été fait, il reste encore plus à faire, et que « la douleur est, comme le dit Jhering, le grand levier du progrès social ».

VI -  LA LOI DES GRANDS NOMBRES
ET LA LIBERTÉ INDIVIDUELLE

Je viens de montrer qu’en prenant l’humanité dans son ensemble, la constatation du penchant au crime ne détruit ni la notion du progrès ni celle de la liberté.

Il importe de montrer aussi que cette constatation, quand on considère l’individu, ne supprime ni la responsabilité ni le droit pénal. Il suffit de se rappeler encore une fois que le malfaiteur appartient à l’humanité et est soumis aux conditions générales de son développement.

Tout homme, obscur ou illustre, a en lui un élément de liberté et un élément de nécessité. Il tient de la liberté son individualité propre, ce quelque chose de mystérieux qui constitue sa personnalité. Il tient de la tradition l’empreinte qu’il reçoit de sa famille, de son milieu, de sa race et de son époque (Ribot, De l’hérédité).

Le grand génie, tout en planant au-dessus du vulgaire dans la plénitude de sa libre intelligence, dépend cependant des générations présentes ou passées, et subit la culture de son siècle, qui est lui-même le résumé des siècles écoulés.

Que de douleurs, que de luttes, que d’efforts ignorés, que de pensées, de travaux, d’héroïsme, de défaites et de victoires il a fallu aux nations pour produire le cerveau d’un Corneille, d’un Shakespeare, d’un Dante, d’un Newton, etc. !

« Le meilleur de ce que nous croyons inventer, dit Jhering, et que nous appelons notre bien, flotte dans l’air ambiant ; c’est un fruit mûr sur l’arbre du temps ; nous le cueillons, nous ne le produisons pas. »

« Le grand homme, dit à son tour Spencer, dépend des antécédents sociaux, et sans les éléments intellectuels et matériels que les siècles passés apportent à son temps, il serait impuissant. »

Cette force impersonnelle, ce « génie silencieux des masses collectives », agit non seulement sur l’élite de l’humanité, mais sur le rebut ; non seulement sur les grandioses manifestations de la pensée, mais sur le crime. Un grand penseur est le produit d’une accumulation de siècles de civilisation ; les classes criminelles sont la résultante d’une accumulation de siècles de barbarie et de violence ; qu’il s’agisse de l’épanouissement de la beauté morale ou de la laideur morale, le problème est le même.

Rien n’empêche donc la société d’exercer le droit de punir.

La pensée que l’artiste grec, le jurisconsulte romain, l’écrivain français, le parlementaire anglais, doivent quelque chose à l’hérédité, n’a jamais détourné d’eux la gloire et les récompenses ; la pensée que le criminel subit l’action des choses extérieures ne doit pas écarter de lui le glaive de la justice.

Personne ne nous dira, il est vrai, si le dernier mot de l’univers est mécanisme ou force morale, déterminisme ou liberté, ces questions sont du domaine de l’inconnaissable ; toutefois, le déterministe le plus convaincu peut admettre le droit de punir. Supposons que le monde soit un pur mécanisme, que tous les mouvements y soient prévus et réglés d’avance, il y aurait néanmoins, dans cette gigantesque machine, des individus utiles et d’autres dangereux, et il faudrait prendre des mesures contre ces derniers. Le philosophe le plus convaincu ne se laissera pas égorger par un tigre affamé, sous prétexte que ce dernier obéit à un instinct fatal ; à plus forte raison ne restera-t-il pas désarmé contre le criminel, fût-il un type de régression ou de neurasthénie. S’il y a une catégorie d’hommes que l’instinct pousse à la lutte contre la société, celle-ci n’en a pas moins le devoir de défendre ses conquêtes les plus précieuses, elle réagit contre la foudre par le paratonnerre, elle peut réagir contre la criminalité, et la lutte qu’elle entreprend contre les criminels est parfaitement légitime.

L’expression de cette lutte pour l’ordre public, c’est le Code pénal, avec les juges et la force publique. Il y a, à cet égard, à rappeler une remarque très importante de Jhering : « En appréciant la lutte pour le droit, on ne doit pas seulement avoir en vue les combattants, mais aussi les autres ». À côté des êtres qui obéissent au penchant au crime et de ceux qui y résistent, il y a la masse flottante des indécis. Les circonstances les plus variées et les mobiles les moins puissants en apparence peuvent les retenir ou les pousser en avant : la seule pensée qu’il y a un droit pénal, c’est-à-dire que la société est armée contre eux, les tient parfois en respect. Le droit pénal ne fût-il donc qu’un frein pour les hésitants, qu’il serait encore un rouage social d’une valeur immense et que sa disparition laisserait dans notre organisation un vide énorme que rien ne saurait, combler.

Il s’en faut de beaucoup, d’ailleurs, que l’hypothèse du déterminisme s’impose au criminaliste et que, sous l’aspect où il lui est donné de voir l’humanité, elle lui apparaisse comme un pur mécanisme.

Pourquoi, actuellement, les résultats de la statistique, de la sociologie, de l’histoire semblent-ils anéantir la causalité humaine ?

Parce que les statisticiens, en étudiant les masses et en établissant leurs moyennes sur celles-ci, éliminent les influences individuelles. C’est comme si l’on concluait de la régularité des marées à la régularité de toutes les vagues qui déferlent sur le rivage.

L’être humain est soumis à des lois générales, mais dans les limites de ces lois, qui sont les conditions de la vie universelle, il conserve une liberté relative, qui suffit à sauvegarder le principe de la responsabilité individuelle.

La constance et la régularité dans le chiffre dé la criminalité, c’est la loi suprême des grands nombres, et non la loi suprême des individualités.

Quand on distingue un groupe chez lequel le penchant au crime est certain, un autre chez lequel il est douteux, et un troisième chez lequel il est nul, ce sont des divisions approximatives pour les masses. Un individu du premier groupe peut ne jamais faillir. « La vie, le malheur, l’isolement, l’abandon, la pauvreté, dit Victor Hugo, sont des champs de bataille qui ont leurs héros, héros obscurs, plus grands parfois que les illustres. » Un individu du’ dernier groupe peut se conduire comme un misérable et commettre un crime atroce. C’est dire, en un mot, que, vu de près, l’individu conserve une liberté qu’aperçu de loin et noyé dans la foule il semble avoir perdue.

C’est un effet d’optique semblable à celui qu’on éprouve sur une hauteur, en regardant à ses pieds. Quand j’arrive en Ardenne, sur le sommet des Fagnes, et que je regarde dans la plaine une route plantée d’arbres, tous me paraissent identiques et je puis, au moyen de quelques lignes simples, reproduire le tracé de cette route vue à distance. Mais que je redescende et que je me place sur la route, je constaterai l’infinie variété des différences : pas un arbre n’est exactement le même que son voisin.

À distance et vues de haut, les grandes agglomérations ont aussi leurs caractères généraux ; les détails se perdent et l’on trace sans peine le schéma de la criminalité; seulement, que l’on se rapproche, et les individus apparaissent dans la multiplicité des combinaisons et des variétés possibles ; cette variété, c’est la liberté relative qui augmente ou diminue suivant que l’on monte ou que l’on descend les échelons de l’humanité, et elle suffit à produire toutes les manifestations dont la vie sociale nous offre l’incessant spectacle.

L’individu, en ce sens restreint, reste libre, même quand il nous paraît esclave. Les condamnés à mort qui marchent à l’échafaud sont tous uniformément soumis à la loi. Suivons-les dans le trajet de la prison à la guillotine : les uns iront librement et sans résistance ; les autres se débattront et lutteront jusque sous le couperet ; d’autres encore se laisseront traîner sur la plate-forme fatale en n’opposant que la force d’inertie. Il leur reste donc, même dans cette extrémité, une certaine latitude ; ils peuvent choisir entre deux lignes de conduite ; leur personnalité peut encore se manifester, et si l’amplitude des oscillations est réduite à son minimum, elle n’en existe pas moins.

L’homme né dans un bouge, d’une lignée maudite et vivant comme ses pères, conserve aussi une certaine liberté ; il y a néanmoins un abîme entre lui et le grand seigneur qui, dès sa naissance, a librement respiré sur les sommets sociaux. Celui-ci a devant lui un large champ d’activité, et si malgré tout il tombe, l’effort personnel, et, par conséquent, la responsabilité sont d’autant plus grands.

L’autre, au contraire, se meut péniblement sur un terrain des plus étroits, les risques de chute sont effrayants ; quand il succombe, l’effort personnel est bien moindre, la responsabilité est considérablement diminuée ; elle est collective, sociale, l’histoire elle-même y participe et dans le malheur et le crime de l’individu retentit la souffrance de la race entière.

Nous devons en conclure que la liberté dans ce domaine n’a rien d’absolu ou d’abstrait ; elle est une notion essentiellement relative et réelle.

La question, d’ailleurs, ne saurait influer que sur le système et la nature des peines. Quant au droit de défense de la société, il reste intact, il est proportionnel au danger occasionné et ne dépend pas du degré de responsabilité reconnu chez le coupable.

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NOTES :

(1) Voici comment M. Benedict distingue le neurasthénique devenant criminel de l’homme en démence : chez le neurasthénique, il y a insuffisance des facteurs de résistance ou force disproportionnée des impulsions, tandis que, dans la démence, les facteurs de résistance manquent totalement, les impulsions deviennent par le fait même et immédiatement obligatoires pour l’individu.

La neurasthénie morale doit être également distinguée de la manie morale : la première est caractérisée par le défaut des facteurs de résistance, la seconde par l’impétuosité des excitations qui n’est pas contrebalancée par une force normale de résistance.

Les neurasthéniques devenus criminels se distinguent encore des aliénés en ce que tout ce qu’ils veulent et tout ce qu’ils recherchent est à leur point de vue parfaitement rationnel. Ils veulent vivre et jouir de la vie; mais comment y arriver ? Ennemis de tout effort, ils sont dans l’impossibilité d’atteindre ce double but par les moyens sociaux ordinaires, c’est-à-dire le travail. Ils ne sont pas des fous, car ils reconnaissent très bien que la société a besoin d’institutions préservatrices, nécessairement hostiles aux gens de leur espèce. Ils ont même de cette nécessité sociale un sentiment si profond qu’ils acceptent les mêmes règles entre eux et punissent même sévèrement leurs réfractaires.

La nature a mis dans ces neurasthéniques, comme partout, des nuances infinies. La neurasthénie peut passer inaperçue, rester à l’état latent, parce que la position sociale de l’individu lui offre les moyens de satisfaire ses goûts fâcheux. Dans d’autres cas, une éducation heureuse donnera aux facteurs de résistance existant dans le caractère une certaine force artificielle ou affaiblira les impulsions. À l’extrême opposé se trouveront les cas dans lesquels la neurasthénie confine à la démence. Les juges et le public se demanderont alors s’ils ont affaire oui ou non à un aliéné ; on pourra discuter et rester indécis, et le choix des termes paraîtra au public très important, tandis qu’en réalité il ne s’agira que de nuances dans une même opinion.

(2) Aujourd’hui, dit M. Heger dans son rapport, un homme commet itérativement le même crime sans que la société, confiante dans ses procédés de répression, change vis-à-vis de lui sa manière d’agir. Consultez à cet égard les dossiers des récidivistes ::voici un homme qui a commis trois fois, à quelques années d’intervalle, le crime d’incendie pour des motifs futiles ou même sans motif aucun. En l’examinant, on constate que c’est un pyromane, sorte d’épileptique à accès périodique ; on admet qu’il agisse sans motif appréciable, mais on ne se préoccupe pas autrement de sa situation ; le jour où sa peine est expirée, les portes de la prison s’ouvrent, non pour qu’il soit conduit dans un asile ou dans une colonie pénitentiaire, où il pourrait être l’objet d’une surveillance étroite, mais bien pour lui rendre la liberté. Tout le monde sait que cet homme recommencera quelque jour; on le désigne «comme un cheval de retour», mais on lui rend sa pleine liberté. Un autre est condamné pour viol, c’est la troisième ou quatrième fois que cela lui arrive ; pendant qu’il subit sa peine, l’un de nous entre dans sa cellule et a la curiosité de lui demander si, redevenu libre, il recommencera : « Ce n’est pas de ma faute, répond-il cyniquement ; quand cela me vient, il faut que je le fasse. » C’est en présence de plusieurs d’entre nous que cette réponse a été faite. Vous représentez-vous cet homme reprenant, sous la protection des lois, le cours de ses funestes exploits et recommençant une nouvelle série ? C’est pourtant ce qui ne peut manquer d’arriver. Un médecin légiste me citait le cas d’un individu qui a commis plus de soixante attentats à la pudeur.

N.B. : Psychologie et psychiatrie ont beaucoup évolué depuis que ces lignes ont été écrites, surtout du point de vue du vocabulaire ; elles n’en conservent pas moins une part de vérité.

Signe de fin