PETITS CAS PRATIQUES
et FAITS DIVERS COCASSES
( Cas n°21 à 34 )
N'ayez pas peur, ce n'est qu'un rêve ...
Où est donc votre portefeuille ?
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Cas n° 21 - Un concurrent mauvais joueur.
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A la fin de 1978, un centre
commercial était inauguré à Gardanne, près de Marseille. Les affaires furent vite prospères, puis, sans raison apparente, les
clients commencèrent à déserter le nouveau commerce. Son directeur s’aperçut alors que la passage conduisant à son parking
était quotidiennement semé de clous afin de décourager les automobilistes venus effectuer leurs achats. Les gendarmes ont
arrêté un chauffeur-livreur qui venait y jeter des poignées de clous. Il a avoué que son employeur, qui exploite une autre
grande surface, l’avait chargé de cette tâche ; « Mon patron était jaloux du succès de son concurrent » a-t-il
déclaré. ( La Meuse 21 avril 1979 )
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Question : A qui, et à quel titre, peut-on imputer cette infraction de dégradation
volontaire du bien d’autrui ?
Réponse : Le chauffeur-livreur est l’auteur matériel de l’infraction. Son
employeur est l’auteur principal, mais ne peut être poursuivi en droit positif qu’au titre de la complicité par instigation
(abus d’autorité).
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Cas n° 22 - Une guerre des clans.
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Le 9 octobre 2001, à Lorient, un
contentieux, vieux de 30 ans, entre deux familles de la communauté des gens du voyage, a dégénéré. Les membres de l’une de
ces familles ont fait feu sur la voiture de la famille rivale. Dans celle-ci on déplore un blessé grave, le chef du clan
adverse. P. M... et ses deux fils ont comparu, pour ces faits, devant le tribunal correctionnel. (Le Télégramme, 15 juin
2004)
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Question : Le délit de coups et blessures étant établi, quelles règles suivre pour
procéder à son imputation ?
Réponse : 1° La loi applicable est, non pas la loi personnelle propre à la
communauté à l’intérieur de laquelle l’infraction a été commise, mais la loi territoriale ; en l’espèce la loi
française.
2° En raison du principe de la personnalité des peines, l’imputation ne peut se faire de manière collective, mais
nécessairement de manière individuelle ; la responsabilité de chacun des trois participants à l’infraction doit donc
être appréciée séparément.
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Cas n° 23 - Il faisait sécher sa voiture !
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Un Néo-Zélandais, qui roulait en
ville à une vitesse deux fois supérieure à celle autorisée, a tenté de se justifier en ces termes : - « Après avoir
lavé ma voiture, j’avais mal au dos ; j’ai pensé que conduire rapidement ferait sécher ma voiture et m’éviterait d’avoir
à utiliser une peau de chamois »(Ouest-France 18 juin 2004)
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Question : Que doit penser le juge de cette explication ?
Réponse : 1° Un délit d’excès de vitesse est une incrimination de police
préventive qui suppose simplement que son auteur était conscient de ses actes ; il en était ainsi en l’espèce, où il n’y
avait pas état de nécessité.
2° Lors de l’imputation de l’infraction, le droit pénal ne tient pas compte des mobiles ; donc le prévenu doit être
reconnu coupable des faits reprochés.
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Cas n° 24 - Trois cuites en deux jours.
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Henri aime bien boire, mais ses
cuites lui coûtent cher. Le 26 juin dernier, vers 1 h.30 du matin, des agents l’avaient trouvé complètement saoul auprès du
Perron à Liège ; on l’amena au poste pour qu’il cuve son vin , puis on le relâcha à 6 h. Dès 14 h.30 il était de
nouveau ivre ; des policiers de Grivegnée le mirent au cachot jusqu’à 21 h.30. Sorti de cellule, Henri s’empressa de
revenir à Liège pour se saouler ; le 27 juin dans l’après-midi, il était affalé devant un grand magasin de la place
Saint-Lambert ; de nouveau en cellule. (La Meuse, 31 janvier 1974)
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Question : Combien de sanctions le juge doit-il prononcer ?
Réponse : Le juge se trouve ici en présence d’infractions de police assorties
d’une peine contraventionnelle. Aussi doit-il considérer : que chaque nouvelle scène d’ivresse constitue une infraction,
que chaque infraction appelle une sanction, et que chaque sanction doit être prononcée par application du principe du cumul
des peines.
En l’espèce le juge est allé plus loin en prononçant des amendes progressives : 450 F, 600 F, 750 F : un
avertissement à valoir pour la prochaine cuite.
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Cas n° 25 - Un braqueur dépité.
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« Cela n’en vaut pas la
peine », a commenté un gangster, en rendant au caissier de la banque de Metz l’argent qu’il venait de voler (36.000 FB).
Dégoûté, il a remis son arme dans sa poche et est parti sans se presser. (Le Soir 19 août 1977)
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Question : Ce malfaiteur peut-il être condamné pour vol à main armée ou
tentative ?
Réponse : Oui. D’abord, le fait qu’il « rend » l’argent montre qu’il en
a déjà dépossédé la banque et que l’infraction de vol était constitué ; il n’y a donc pas simple tentative. Ensuite, peu
importe que le voleur ait rendu l’argent de son propre mouvement : le repentir actif n’efface pas l’infraction, il
autorise seulement un abaissement de la peine.
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Cas n° 26 - Le paquet perdu.
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Deux couples ont raté un casse
jeudi dernier vers 4 h. du matin : ils avaient brisé la vitrine du magasin « Vog » et emporté des colis de
vêtements ; mais, leur manège ayant été aperçu par des pompiers, ils lâchèrent leurs colis au cours de leur fuite. Un
passant ayant trouvé les colis abandonnés venait de s’en emparer… juste comme la police arrivait alertée par les
pompiers ; il a passé la nuit au « violon ». (La Meuse, 9 mars 1979)
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Question : Les différents protagonistes de cette scène peuvent-ils être
condamnés ?
Réponse : Pour ce qui est des casseurs, aucun doute : le fait qu’ils n’aient
pas pu conserver leur butin s’analyse en une circonstance postérieure au crime, donc indifférente pour la qualification des
faits.
Pour ce qui est du passant, tout dépend de savoir s’il a cru que ces colis de vêtements avaient été abandonnés ou perdus.
Dans le premier cas il pouvait légitiment se les approprier (p.ex. si ces colis avaient été jetés sur un trottoir près de
poubelles pleines). Dans le second il a commis un vol (p.ex. si ces colis se trouvaient sur la rue elle-même).
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Cas n° 27 - Sauvé par son insigne.
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Un policier d’Everett
(Massachusetts) va conserver soigneusement son insigne de fonction qui lui a sauvé la vie. Il poursuivait un bandit quand
l’homme lui fit face, tira à trois mètres de distance, et aurait tué le policier d’une balle en plein cœur si elle n’avait
été stoppée par son badge. (La Meuse 1977).
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Question : Sous quelle qualification pouvait-on poursuivre ce bandit ?
Réponse : Tentative de meurtre. Le malfaiteur a parcouru l’entier iter criminis
subjectif, puisqu’il a accompli tous les actes qui dépendaient de lui ; il s’est donc rendu coupable, bien plus que d’un
délit simplement tenté, d’un véritable délit manqué en raison d’une circonstance extérieure. Il n’y a toutefois pas meurtre,
puisque la victime en a été quitte pour la peur et que le législateur a fait de ce crime un délit de résultat supposant le
décès de la victime.
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Cas n° 28 - Du danger d’oublier ses clefs.
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Un jeune homme, qui rentrait chez
lui vers 1 h. du matin, avait oublié ses clefs ; il a d’abord sonné à la porte d’entrée, mais ses parents n’ont rien
entendu ; il a alors décidé de rentrer dans la villa familiale en passant par l’arrière où une fenêtre est toujours
ouverte. Mais pour cela il devait passer par le jardin boisé de la propriété voisine. En traversant il a fait du bruit et
réveillé le haut fonctionnaire de l’OTAN qui occupe cette maison. Comme il a été cambriolé plusieurs fois, celui-ci n’a pas
hésité à faire feu en direction du jeune homme. Atteint à l’épaule, d’une balle de 22 Long riffle, ce dernier s’est écroulé.
Le fonctionnaire s’est alors dirigé vers sa victime, a reconnu le fils de son voisin et a immédiatement téléphoné aux
services de secours. La blessure du jeune homme n’est pas grave. Le haut fonctionnaire n’a pas été inquiété. (La Meuse, 27
juillet 1976)
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Question : Comment analyser cette scène ?
Réponse : En premier lieu, nous avons un délit de violation de domicile, puisqu’un
intrus pénètre en connaissance de cause et sans autorisation dans une propriété privée.
En deuxième lieu, nous avons un délit de coups et blessures volontaires, puisque l’habitant des lieux tire délibérément un
coup de feu et vise précisément un être humain.
En troisième lieu, puisque les faits se déroulent la nuit et que d’autres intrusions ont déjà eu lieu, l’habitant a pu
penser que sa sphère d’intimité était de nouveau menacée et se croire en état de légitime défense. Puisqu’il a utilisé une
arme a priori non mortelle, et qu’il a dès lors pu penser que sa riposte était mesurée, il devait bien être innocenté.
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Cas n° 29 - Des policiers écroués pour viols de prostituées.
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Six policiers âgés de 24 à 29 ans
du commissariat de Saint-Denis ont été mis en examen et écroués pour viols commis sur des prostituées, au terme d’une enquête
menée par l’Inspection Générale de Services. (Ouest-France 25 juin 2004)
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Question : Quelles questions doit se poser le juge ?
Réponse : Le juge doit se placer successivement sur le terrain de la loi invoquée
puis sur celui des faits reprochés.
1° Au regard des textes, la loi sur le viol peut-elle être invoquée par des prostituées ? Certains en ont douté,
estimant que des filles publiques ne sauraient se prévaloir du sentiment de pudeur. Mais l’opinion dominante est que la loi
protège tous les justiciables sans qu’aucune distinction puisse être faite entre eux.
2° Du point de vue des faits, le juge doit se demander si les conditions d’application de la loi sont remplies ; ce qui
le conduira notamment à rechercher s’il y eu ou non consentement au moment des faits, par exemple un consentement
conditionnel. Selon les circonstances il y aura plein délit pénal ou simple délit disciplinaire.
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Cas n° 30 - Meurtre par erreur.
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On avait tout d’abord cru à un
règlement de compte entre proxénètes. Mais, en fait, R. N..., abattu d’une balle de 11,43 mercredi soir à Lyon, est mort
« par erreur » au cours d’une bagarre opposant deux clans qui se disputaient pour une histoire de cœur. Le tueur,
J. G..., actuellement en fuite, visait un certain J. L.... Et c’est son meilleur ami qui tomba sous ses balles. (La Meuse,
15 juin 1973)
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Question : Que peut-on reprocher à J. G... ?
Réponse : Puisque la loi pénale protége la vie humaine en général, et non pas la
vie de tel individu précis, il y a tout simplement meurtre. Dans une telle hypothèse, il est inutile de passer par le biais
de la théorie de la tentative et de disséquer la scène en disant qu’il y a tentative de meurtre envers J. L... et homicide
par maladresse à l’égard de R. N....
L’acte reproché était de nature à causer la mort d’autrui, il a été accompli avec l’intention de causer la mort d’un homme
et il a effectivement causé un décès : tous les éléments constitutifs du crime de meurtre sont réunis.
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Cas n° 31 - Vol d’une voiture en circulation.
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La technique est de plus en plus courante : un automobiliste est éjecté de sa voiture alors qu’il est au volant, et ses
agresseurs repartent avec le véhicule. En début d’après-midi, hier, sur le parking de Castorama, à Vannes, c’est ce qui est
arrivé à une employée du magasin : deux hommes encagoulés, en bleu de travail, l’ont ainsi agressée, l’un des deux la
menaçant même d’une arme de poing ; tous deux sont repartis avec la voiture. (Ouest-France, 2 juillet 2004)
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Question : Quelle infraction les agresseurs ont-ils commis ? Et que pouvait faire l’employée pour se défendre ?
Réponse : 1° Il s’agit d’un vol commis en réunion aggravé de violences. Il est au départ puni de 7 ans d’emprisonnement, mais comme il a
été perpétré avec arme, il est sanctionné de 20 ans de réclusion
criminelle.
2° Quant à la victime elle a fait preuve de sagesse en se laissant dépouiller sans résister, car tout acte
de défense qui aurait causé un dommage corporel à l’agresseur aurait pu lui être reproché par celui-ci ou par sa famille :
les « intellectuels » qui influencent notre législation criminelle sont étrangement fascinés par le crime et les
criminels.
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Cas n° 32 - De divers troncs d’église.
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Être pilleur de tronc d’église, c’est une chose ; mais y installer son propre tronc c’en est une autre. C’est ce qui vient
de se produire à la chapelle Notre-Dame de Châtelaudren, actuellement en cours de restauration. Profitant des travaux, un
« drôle de paroissien » s’y est introduit et a fracturé un tronc … Plus cocasse, cet individu a placé, près de l’entrée
un autre tronc sur lequel il a inscrit « Pour les travaux de restauration de la chapelle ». La gendarmerie a ouvert une
enquête. (Le Télégramme, 5 octobre 1982)
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Question : Quelles qualifications ont dû été portées sur le dossier ?
Réponse : Deux. La première porte sur un vol, où l’auteur des faits a soustrait (par effraction) de l’argent qui avait été donné par des
bienfaiteurs à la paroisse. La seconde porte sur une escroquerie, où le rusé personnage a fait en sorte que des dupes, trompées
par un mensonge crédible, lui remettent des fonds pour une œuvre inexistante.
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Cas n° 33 - Un avocat à poigne.
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Un avocat plaidant pour l’état d’un enfant âgé de cinq ans, le fit amener à l’audience. Quand il en fut à la péroraison, il le
prit dans ses bras et le présenta aux juges en disant des choses fort touchantes. L’enfant pleurait, et ses larmes, secondant
l’éloquence de défenseur, excitait la compassion de toute l’assemblée. L’avocat adverse, inquiet de voir les cœurs émus, demanda
à l’enfant : - « Mon cher ami, qu’as-tu donc à pleurer ? » - « Il me pince »,
répondit le petit innocent. Aussitôt les pleurs de se changer en huées sur l’avocat auteur de la ruse. (Warée, Curiosités
judiciaires)
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Question : Quelles infractions l’auteur de cette duperie a-t-il commises ?
Réponse : 1° Envers l’enfant, l’avocat peut se voir reprocher la contravention de voies de fait et violences légères.
2° Sur le plan déontologique, il encourt une sanction disciplinaire pour avoir cherché à agir sur les sentiments plutôt que sur
la raison des juges, ce qui va à l’encontre du fondement même de la loi et de la justice.
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Cas n° 34 - Un avocat de bon conseil.
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[XVIIe siècle] Il est d’usage de donner un conseil aux criminels avant de les condamner. Un avocat, devenu le conseil d’un filou
surpris à dérober des bourses dans une audience du Parlement, le tire à l’écart et lui demande s’il était vrai qu’il eût coupé la
bourse à quelqu’un. – « Il est vrai, monsieur, dit le voleur, mais… » - « Tais-toi, reprit l’avocat, le
meilleur conseil que je puisse te donner est de t’en aller d’ici au plus vite ». Le voleur, trouvant l’avis bon, gagne
l’escalier le plus proche et disparaît. L’avocat se présente à la barre et déclare : - « Messieurs, ce pauvre
malheureux m’a avoué son larcin ; comme j’étais son conseil, j’ai cru devoir lui conseiller de prendre la fuite ».
Ce fut un sujet de risée, mais il n’y avait rien à dire à l’avocat. (Warée, Curiosités judiciaires)
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Question : Est-il vrai qu’il n’y avait rien à redire sur la conduite de l’avocat ?
Réponse : Oui au regard du droit pénal. Un reproche de complicité d’évasion suppose l’accomplissement d’un acte positif d’aide et assistance. Or,
en l’espèce, l’avocat s’est borné à un simple conseil purement verbal.
Mais on peut hésiter sur le plan déontologique. Dès lors que le tribunal avait autorisé l’avocat à s’éloigner avec son client,
afin qu’ils pussent s’entretenir secrètement, le défendeur était devenu garant de sa comparution. Il ne faut pas oublier que la
profession se fait gloire d’être « auxiliaire de justice ».
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Suite des "Petits cas pratiques et faits divers cocasses"