DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL
- Professeur Jean-Paul DOUCET -
Lettre A
(Première partie)
ABANDON DE FAMILLE
Cf. Abandon de foyer*, Abandon d'enfant*, Enfant*, Famille*, Non-paiement de pension alimentaire*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », n° 507, p.328
Voir : Tableau des incriminations protégeant la vie familiale (selon la science criminelle)
- Notion. [ Confucius : Si le nom n'est pas clairement défini, les commentaires le concernant ne seront pas pertinents ]. Le délit d’abandon de famille consiste dans le fait, pour un époux ou une épouse, de ne pas accomplir durablement et volontairement son devoir légal d'aider, assister ou secourir, sur le plan pécuniaire, son conjoint et ses enfants.
Malaurie (Droit civil - La famille) : L'article 212 énumère trois devoirs conjugaux, dont l'un est exclusivement pécuniaire, le devoir de secours... Entre ces trois effets effets du mariage, il existe des liens étroits entre l'assistance et la communauté de vie .
Baudin (Cours de philosophie morale) : Pendant le temps de leur formation les parents doivent spécialement à leurs enfants l'entretien (nourriture, vêtement, logement, etc.) et l'éducation.
- Règle morale. Tant les théologiens que les philosophes s'accordent à affirmer que le père et la mère ont le devoir de participer à l'ensemble des besoins de leur famille, et en particulier de leurs enfants ; ce, bien évidemment, dans la mesure de leurs facultés. Négliger ce devoir constitue une faute manifeste, même après la rupture du lien conjugal.
Jolivet (Traité de philosophie - Morale) : Les parents sont obligés solidairement par la loi naturelle de pourvoir à toutes les nécessités physiques, intellectuelles et morales de leurs enfants.
Pierre et Martin (Cours de morale pour l'enseignement primaire supérieur) : Le père et la mère doivent d'abord à leurs enfants la nourriture, le vêtement, l'abri et les soins matériels de toute nature, jusqu'au moment où ceux-ci sont capables de se les procurer eux-mêmes.
- Science criminelle. L'infraction d'abandon de famille, qui ne peut être commise que par le père ou la mère, consiste dans le fait de ne pas subvenir durablement, de manière intentionnelle et dans la mesure de ses facultés, aux divers besoins matériels de sa famille que la loi met à sa charge. Avant toute poursuite, pour pouvoir établir l'élément moral de l'infraction, le conjoint doit avoir pris soin de mettre son époux en demeure de remplir ses devoirs de secours, d'assistance et de contribution aux dépenses du ménage.
Code pénal du Luxembourg. Art. 391bis. (L. 25 novembre 1977) Sera puni d’un emprisonnement de un mois à un an et d’une amende de 251 euros à 2.500 euros ou d’une de ces peines seulement le père ou la mère qui se soustrait à l’égard de ses enfants, à tout ou partie des obligations alimentaires, auxquelles il est tenu en vertu de la loi, soit qu’il ait refusé de remplir ces obligations alors qu’il était en état de le faire soit que par sa faute il se trouve dans l’impossibilité de les remplir.
Code pénal de Bolivie. Art. 248 : Celui qui, sans juste cause, ne remplit pas les obligations de soutien, de logement, d'habillement, d'éducation ou d'assistance inhérents à l'autorité du père, du tuteur, ou à la condition de conjoint... sera sanctionné avec de six mois à deux ans de réclusion ou d'une amende...
- Droit positif. L'expression « De d'abandon de famille » apparaît comme intitulé d'une section du Code pénal de 1993. Mais le texte principal qui figure sous cette rubrique consiste en l'incrimination de non-paiement de pension alimentaire* (art. 227-3).
ABANDON DE FOYER
Cf. Abandon d'enfant*, Abandon de famille*, Enfant*, Famille* .
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », no 219, p.106 / n° 319, p.156
Voir : Tableau des incriminations protégeant la vie familiale (selon la science criminelle)
- Notion. Le délit d’abandon de foyer consiste dans le fait pour l'un des conjoints, soit de quitter le domicile conjugal, soit à la limite d'y demeurer mais de ne pas remplir les devoirs qui lui incombent.
Levasseur (Cours de droit pénal spécial) : Cette infraction peut se présenter sous deux formes. Il peut s'agir d'un abandon matériel, du fait de quitter matériellement le foyer, quand bien même la famille abandonnée aurait des ressources ... Il peut s'agir aussi d'un abandon moral : tout en restant au foyer, il est possible qu'en fait l'individu n'exécuter pas les obligations qui s'imposent à lui, notamment ses obligations à l'égard de ses enfants, c'est alors la désertion des devoirs de la puissance paternelle.
- Règle morale. L'homme et la femme qui se marient s'engagent réciproquement à un devoir d'aide et assistance ; ils s'engagent également à fournir aux enfants à naître les aliments nécessaires à leur subsistance et une éducation leur permettant de s'intégrer dans la société.
Pothier (Traité du mariage) : Les personnes qui se marient contractent par le mariage, réciproquement l'une envers l'autre, l'obligation de vivre ensemble dans une union perpétuelle et inviolable, pendant tout le temps que durera le mariage, qui ne doit finir que par la mort de l'une des parties ... Le mari est obligé, en conséquence, de fournir à sa femme tout ce qui est nécessaire pour les besoins de sa vie, selon ses facultés et son état ... Les personnes qui se marient contractent par le mariage une obligation mutuelle d'élever les enfants qui naîtront de leur mariage, de leur fournir les aliments nécessaires, et de leur donner une éducation convenable, jusqu'à ce qu'ils soient en état de pourvoir par eux-mêmes à leur subsistance.
Baudin (Cours de philosophie morale) : Devoirs généraux des membres de la famille. Parents et enfants doivent également vouloir que la famille soit prospère, lui être attachés, prendre part à ses succès et à ses revers, ne jamais consentir à lui devenir indifférents ou étrangers.
- Science criminelle. Le législateur doit sans doute inciter les époux à remplir les obligations légales qui découlent du mariage dans lequel ils se sont engagés, afin de créer une famille. Mais le principe de précision des incriminations interdit un texte trop général : c'est pourquoi le délit spécifique d'abandon matériel de famille a été créé. Il demeure toutefois souhaitable d'incriminer aussi le délit d'abandon physique, résultant du départ sans cause légitime de l'un des conjoints. D'autres voies sont ouvertes au législateur, comme le montre le droit comparé ; par exemple le fait pour un époux de rentrer chaque soir sous l'empire de la drogue ou de l'alcool. Dans de semblables hypothèses la sanction doit être de nature à amender le coupable sans trop peser sur les ressources de la famille.
Code pénal d'Andorre. Art. 322 : Quiconque aura cessé de remplir ses devoirs d'aide et d'assistance envers ses enfants mineurs ou incapables ou ses ascendants ou son époux en état de nécessité sera puni d'un emprisonnement d'une durée maximale de huit mois.
Code pénal italien de 1930. Art. 570 - Violation des obligations d'assistance familiale : Quiconque, en abandonnant le domicile familial ... se soustrait aux obligations inhérentes à la puissance paternelle, à la tutelle légale, ou à la qualité de conjoint, est puni de la réclusion jusqu'à un an.
Code pénal du Cameroun. Art. 358 : Est puni d'un emprisonnement de trois mois à un an ou d'une amende de 5.000 à 500.000 francs le conjoint, le père ou la mère de famille qui, sans motif légitime, se soustrait, en abandonnant le foyer familial ou par tout moyen, à tout ou partie de ses obligations morales ou matérielles à l'égard de son conjoint ou de son ou ses enfants.
- Droit positif. L'art. 227-17 C.pén. (ancien 357-1) incrimine le fait, par le père ou la mère, de se soustraire, sans motif légitime, à ses obligations légales au point de compromettre la santé, la sécurité, la moralité ou l'éducation de son enfant mineur.
Pradel et Danti-Juan (Droit pénal spécial) : Matériellement, le délit de l’art. 227-17 consiste, pour le ou les parents, à se soustraire aux obligations parentales au point de compromettre gravement la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation de l’enfant… Il peut s’agir, par exemple, d’un départ pur et simple du foyer conjugal… Ce délit est une infraction de résultat, résultat qui ne peut être atteint que si les agissements des parents sont suffisamment caractérisés ; tel n’est pas le cas si non ne peut reprocher au prévenu qu’une intempérance passagère liée à des ennuis professionnels.
Cass.crim. 11 juillet 1994 (Gaz.Pal. 1994 II Chr.crim. 694) : L’art. 227-17 C.pén. n’exige pas que le manque de direction ait eu pour effet de porter atteinte d’une manière irréversible à la santé, la moralité ou la sécurité de l’enfant… L’arrêt attaqué a donc pu déclarer le prévenu coupable de cette infraction après avoir relevé que les époux D... ont pris, dans la précipitation, la décision d’envoyer, seul, leur fils, alors âgé de six ans et demi, dans une école dirigée par des adeptes du Sahaja à Dhapamsala en Inde.
Cass.crim. 17 octobre 2001 (Gaz.Pal. 2002 p.1632) : Justifie sa décision la Cour d'appel qui, pour relaxer des parents du délit prévu par l'art. 227-17 C. pén., apprécie souverainement que la santé, la sécurité, la moralité ou l'éducation de l'enfant n'ont pas été gravement compromises.
Cass.crim. 21 octobre 1998 (Gaz.Pal. 1999 I Chr.crim. p.18 ) : les art. 357-1 ancien et 227-17 C. pén. répriment un délit intentionnel impliquant, chez son auteur, la conscience de s'être soustrait à ses obligations légales au point de compromettre gravement la moralité de son enfant mineur.
Le législateur a toutefois prévu un moyen de défense spécifique : l'existence d'un motif légitime.
Cass.crim. 26 mars 1957 (Bull.crim. n°282 p.506) : Le père de famille qui, avant et après son incarcération, n'a jamais cessé d'habiter au domicile conjugal, ne commet pas le délit d'abandon de foyer.
ABANDON D’ENFANT
Cf. Abandon de famille*, Abandon de foyer*, Délaissement*, Éducation*, Enfant*, Famille*, Filiation*, Parents* .
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », n° 315, p.146 / n° 306 3°
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », n° 306 3°, p.134 (sur les Tours d'abandon)
- Notion. Au sens strict, l'abandon ou délaissement d'un enfant consiste dans le fait, pour ses parents, de l'abandonner seul en un lieu désert ou de l'exposer dans un lieu public, ce dans des conditions révélant leur décision de renoncer à s'occuper de lui. On songe ici au conte du Petit Poucet.
Encyclopédie Larousse : L'abandon d'enfant consiste dans le délaissement en un lieu quelconque d'un enfant hors d'état de se protéger lui-même en raison de son état physique ou mental.
Jousse (Traité de la justice criminelle; Paris 1771) : Le crime d'exposition d'enfant se commet lorsqu'un père ou une mère, après l'accouchement, exposent, ou font exposer leurs enfants, pour se délivrer de la honte que cet accouchement pourrait leur causer ; ou pour ne pas le nourrir, attendu leur pauvreté.
Exemple (Ouest-France 17 octobre 2008) : Une fillette de 3 ans a été découverte, seule, mercredi, dans un appartement du centre-ville de Besançon. Elle était dans un état sanitaire et hygiénique déplorable, apparemment abandonnée par sa mère. L'enfant a été pris en charge et le procureur de la République a émis une ordonnance de placement.
- Règle morale. Les parents ont des devoirs envers leurs enfants, le premier d'entre eux consiste à veiller à leur santé physique et morale, et plus encore à leur vie.
Vittrant (Théologie morale) : L'amour paternel oblige les parents à veiller sur le développement normal de l'enfant dès l'instant de sa conception.
Baudin (Cours de philosophie morale) : Les devoirs des parents envers leurs enfants... Pendant le temps de leur formation, ils leur doivent spécialement l'entretien (nourriture, vêtement, logement etc.) et l'éducation.
- Science criminelle. Le délit d'abandon d'enfant, incriminé en tant que tel, n'est apparu qu'assez tardivement dans la législation européenne. Il est aujourd'hui incriminé très généralement, soit sous ce nom, soit sous celui d'exposition d'enfant. En toute hypothèse, l'intérêt protégé consiste essentiellement dans l'intérêt matériel et moral de l'enfant.
Voir : Tableau des incriminations protégeant les mineurs (selon la science criminelle)
Voir : Tableau des incriminations protégeant la vie familiale (selon la science criminelle)
Von Liszt (Traité de droit pénal allemand) : Ni le droit romain, ni celui de l'ancien Moyen-âge allemand, n'ont connu l'exposition d'enfant comme crime spécial ... Ce fut seulement le droit canon qui conçut l'exposition comme un risque pour le corps et la vie et qui en fit un crime indépendant... La Caroline suivit cette conception dans son art. 132.
Morin (Répertoire de droit criminel) : Dès que des asiles pour enfants abandonnés furent ouverts, l'abandon d'enfant dut être sévèrement puni. Les condamnations les plus remarquables sont celles qui furent prononcées ... le 22 septembre 1614 contre une fille ayant exposé un enfant sept jours devant la porte de l'église.
Vitu (Traité de droit pénal spécial) : L’infraction d’abandon constitue essentiellement une fuite devant les obligations résultant de la garde d’un enfant : car celle-ci ne confère pas seulement des droits, mais aussi des devoirs à la charge de celui à qui elle est dévolue.
Code pénal du Venezuela. Art. 437 : Est puni de quarante-cinq jours à quinze mois de prison celui qui abandonne un mineur de moins de douze ans, ou une autre personne incapable de veiller à sa propre santé du fait d’une maladie intellectuelle ou corporelle, si la personne abandonné se trouve être sous la garde de l’auteur du fait.
Code pénal de la Fédération de Bosnie Herzégovine. Art. 220 : Celui qui délaisse son enfant hors d'état de survivre seul, dans le but de l'abandonner pour toujours, sera puni d'un emprisonnement de six mois et trois ans.
Code pénal de l'Inde. Art. 317 : Celui qui, étant le père ou la mère d'un enfant de moins de douze ans, ou ayant la garde d'un tel enfant, l'exposera ou le laissera dans n'importe quel endroit avec l'intention de l'abandonner complètement sera puni d'un emprisonnement de sept ans au plus.
Certains législateurs prévoient sagement des circonstances aggravantes, telle que le décès de l'enfant.
Code pénal Côte d'ivoire. Art. 363 : ... S'il en est résulté une infirmité permanente, la peine est celle d'un emprisonnement de cinq à dix ans et d'une amende ... Si la mort s'en est suivie, la peine est l'emprisonnement de cinq à vingt ans ...
- Droit positif. La loi française incrimine le fait de délaisser un enfant en un lieu quelconque, dans des conditions de nature à mettre sa santé en péril (art. 227-1 C.pén., ancien art. 349). L'art. 227-2 prévoit les circonstances aggravantes de mutilation ou de mort.
Renucci (Droit pénal des mineurs) : L’infraction suppose un acte matériel de délaissement qui peut se définir, a priori, comme le fait de laisser seul un enfant, de l’abandonner sans être certain qu’il a été recueilli ou qu’il le sera immédiatement.
Cass.crim. 23 février 2000 (Bull.crim. n° 84 p.245) : Le délit de délaissement suppose un acte positif, exprimant de la part de son auteur la volonté d’abandonner définitivement la victime.
L'incitation à l'abandon d’un enfant a donné lieu à une incrimination complémentaire. L’art. 227-12 C.pén. prohibe le fait de pousser une personne, ordinairement dans un but lucratif, à abandonner un enfant né ou à naître de façon à ce qu'il puisse être vendu à un tiers.
Exemple (Ouest-France 28 novembre 2008) : Un bébé belge cédé par ses parents, via Internet, à un couple de Néerlandais, sera placé dans une famille d'accueil ... Le bébé avait été cédé à sa naissance par ses parents belges, à la suite d'une annonce sur Internet. Les parents auraient perçu entre 5.000 et 10.000 €.
C'est cette disposition qui a permis de sanctionner la pratique de la mère-porteuse.
Cass. (Ass.plén.) 31 mai 1991 (Gaz. Pal. 1991 II panor. 162) : La convention par laquelle une femme s’engage, fût-ce à titre gratuit, à concevoir et à porter un enfant pour l’abandonner à sa naissance contrevient tant au principe d’ordre public de l’indisponibilité du corps humain qu’à celui de l’indisponibilité des personnes.
ABANDON DE PERSONNE FRAGILISÉE - Voir : Délaissement*.
ABANDON DE POSTE
Cf. Armée*, Délit disciplinaire*, Délit militaire*, Mise en danger d'autrui* .
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° I-429, p.220
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° I-I-115, p.90
Voir : Tableau des incriminations visant à assurer l'existence de la Nation (en droit positif français)
Voir : Tableau des incriminations protégeant la vie (selon la science criminelle)
Voir : Tableau des incriminations protégeant la vie (en droit positif français)
Voir : Tableau des incriminations luttant contre l'alcoolisme (selon la science criminelle)
- Notion. L’abandon de poste consiste, de la part de celui qui s’est vu confier une mission, soit à s’absenter du lieu où il doit remplir sa tâche, soit à ne pas se rendre au lieu où il a été affecté.
P. Hugueney (Traité de droit pénal militaire) : Un militaire peut être déclaré coupable d'abandon de poste lorsqu'il a effectivement quitté le poste où ses chefs l'avaient placé pour l'accomplissement d'une mission.
Cass.crim. 23 septembre 1920 (Gaz.Pal. 1920 II 600) : Le délit d'abandon de poste par le mécanicien d'un train, pendant la marche d'un convoi, ne consiste pas seulement dans l'abandon matériel du convoi, mais résulte aussi du fait que cet agent a cessé, en cours de marche, d'exécuter la mission qu'il avait été chargé de remplir.
- Régime. L’abandon de poste relève ordinairement de la police professionnelle, il n’appelle dès lors en principe qu’une sanction disciplinaire. Il en est ainsi du médecin qui quitte son domicile, sans indiquer comment le joindre, un jour où il est d'astreinte.
Code de déontologie médicale. Art. 78 : Lorsqu’il participe à un service de garde, d’urgences ou d’astreinte, le médecin doit prendre toutes dispositions pour être joint au plus vite.
Cons. d’État 30 janvier 1991 (Gaz.Pal. 1991 II panor. adm. 77) : L’arrêté prononçant la radiation des cadres pour abandon de poste d’un agent public, qui énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde, est suffisamment motivé.
- Mais, lorsqu’il est commis par une personne affectée à une mission de sécurité, l'abandon de poste peut être sanctionné sur le plan pénal. Il en va surtout ainsi lorsque sa défaillance a eu des suites fâcheuses, punissables en elles-mêmes telle la mort d'un malade (délit de non-assistance à personne en danger).
Code annamite de Gia Long. Art. 53 : Tout fonctionnaire ou employé qui, sans motifs (de malheur, de maladie ou de mission publique), aura, sans autorisation, quitté sa fonction ou son emploi sera puni de 40 coups de rotin.
Code pénal du Guatemala. Art. 298 : Le conducteur, le capitaine, le pilote ou le mécanicien d'un chemin de fer, navire, aéronef ou de tout autre moyen de transport public, qui abandonne son poste avant le terme du voyage en cours, si le fait ne constitue pas une autre infraction sanctionnée d'une peine plus lourde, sera puni d'un mois à une année de prison ...
Cass.crim. 13 février 2007 (Bull.crim. n°43 p.257) : Un médecin généraliste, réquisitionné par le préfet pour assurer une garde de nuit, qui ne prend pas les dispositions nécessaires pour être joint, commet une faute caractérisée exposant autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne peut ignorer.
Tel est notamment le cas en matière militaire (art. L.324-4 du Code de la défense) et en droit maritime.
Pufendorf (Le droit de la nature, éd. 1734) : Un Conseil de guerre punit souvent du dernier supplice un soldat à qui la crainte d'une mort prochaine a fait abandonner son poste.
Constitution criminelle de Charles Quint (Caroline) : Observations sur les art. 123 et 124 : 8° La peine de mort a lieu ... contre tout soldat qui de jour ou de nuit, après avoir été posé en sentinelle, quittera son poste sans avoir été relevé.
Code
pénal de Guinée. Art. 540 et 541 : Par poste il
faut entendre l’endroit où le militaire doit se trouver à un
moment donné pour l’accomplissement de la mission reçue de son
chef.
Tout militaire qui abandonne son poste est puni de 4 jours à 2
mois d’emprisonnement :
- De 2 à 3 mois d’emprisonnement si l’abandon a lieu alors qu’il
est de faction, de quart ou de veille ;
- De 2 mois à 1 an d’emprisonnement si l’abandon a lieu en
période de conflits armés, soit sur un territoire en état de
siège ou d’urgence ;
- De mort si l’abandon a lieu en présence de l’ennemi, de
rebelles ou d’une bande armée. Les peines temporaires prévues
ci-dessus sont doublées si le coupable est officier.
Vitu (Juris-classeur pénal annexe) : Avec la désertion, l’abandon de poste est regardé comme l’une des plus graves infractions militaires : la psychologie populaire y voit souvent la preuve de la lâcheté de leur auteur et, en temps de guerre, elle approuve la sévérité de la loi et des tribunaux à leur endroit.
Pierre Hugueney (Traité de droit pénal militaire) : Trois éléments sont nécessaires à l'existence du délit : que le délinquant soit un militaire ou assimilé, qu'il y a eu affectation à un poste, que ce poste ait été abandonné volontairement.
Code disciplinaire et pénal de la marine marchande. Art. 39 : Est puni d'un emprisonnement de six mois tout officier, maître ou homme d'équipage qui, dans un port métropolitain, se rend coupable d'absence irrégulière à bord, lorsqu'il est affecté à un poste de garde ou de sécurité.
ABANDON DES POURSUITES
Cf. Ministère public*, Opportunité des poursuites* .
On parle parfois d’« abandon des poursuites », lorsque le ministère public renonce à demander la condamnation d’un prévenu. Mais la formule est inexacte : si le ministère public apprécie souverainement l’opportunité d'exercer des poursuites, une fois que celles-ci ont été déclenchées il est tenu de les mener à leur terme. Si les débats ont permis d'établir l’innocence du prévenu, il lui est simplement loisible de requérir son acquittement.
Pradel (Procédure pénale) : La règle de l’opportunité des poursuites ne joue qu’au stade de l’engagement des poursuites. Celles-ci lancées, le procureur ne peut plus rien… Le procureur peut seulement réclamer la relaxe s’il apparaît que les poursuites ne sont plus fondées : on dit qu’il « abandonne l’accusation ».
Cass.crim. 28 septembre 1994 (Gaz.Pal. 1994 II Chr.crim. 714) : Le prévenu a été cité devant la juridiction répressive pour avoir « conduit un véhicule sous l’empire d’un état alcoolique ». A l’audience, le ministère public a déclaré « abandonner les poursuites » ; ce dont le Tribunal a pris acte par un jugement frappé d’appel par le procureur de la République. Puisque le Tribunal s’était cru, à tort, dessaisi de la poursuite, le ministère public n’ayant pas la disposition de l’action publique, la Cour d’appel a pu évoquer et condamner le prévenu.
ABANDON NOXAL
Cf. Action noxale*, Gortyne*.
L'abandon noxal était une technique des Droits anciens qui permettait à celui dont la responsabilité était recherchée, du fait d'un animal ou d'un esclave,
d'échapper aux poursuites en renonçant à ses droits sur cet animal ou
sur cet esclave.
Elle s'appliquait parfois sur le plan familial : pour se dégager
de toute responsabilité, un clan pouvait rejeter un de ses
membres qui avait commis un crime et le livrer à la famille de la victime afin qu'elle exerce
sur lui son droit de vengeance.
Voir : Glotz, L’évolution de la solidarité familiale dans le droit criminel de la Grèce classique
Daremberg et Saglio (Dictionnaire des antiquités grecques et romaines) : Noxalis actio. Action donnée contre un chef de famille en raison de certains délits commis par une personne en sa puissance, contre un propriétaire en raison du dommage causé à autrui par ses animaux. Le chef de famille ou le propriétaire est tenu de livrer à la victime l'auteur du délit ou du dommage ou de réparer le préjudice causé.
Fauconnet (La responsabilité) : L’abandon noxal est l’acte du défendeur qui fait passer l’auteur du délit sous la puissance du demandeur ou l’en rend propriétaire. Le droit romain ancien connaît deux actions noxales nées du fait des animaux... Les lois de Gortyne contiennent de curieuses applications du principe de la noxalité, notamment à l’hypothèse où un animal en tue un autre : le propriétaire lésé a le choix entre l’échange des animaux et le paiement de l’indemnité.
Garçon (Le droit pénal, origine, évolution) : L'abandon noxal remonte aux temps les plus reculés et a certainement été pratiqué à une époque antérieure à toute organisation de l'État politique. Il est tout naturel, en effet, que la famille exposée à de terribles et sanglantes représailles par la faute de l'un des siens, cherche à se dégager de cette lourde responsabilité. L'exil du coupable tend bien à ce résultat, mais il ne suffisait pas toujours à mettre les parents du coupable à l'abri de la vengeance. Les offensés pouvaient encore s'en prendre à eux, et pour que la paix fut assurée, leur consentement était nécessaire. L'abandon noxal est un moyen plus sûr de l'obtenir. Les plus anciennes traditions de la Grèce sont, sur ce point, particulièrement Intéressantes. La famille de l'offenseur pouvait donner satisfaction aux offensés de deux manières ... Soit elle extrade le coupable et le livre à la discrétion de l'offensé, qui pourra le sacrifier aux mânes de la victime dont le sang crie vengeance, ou le réduire en esclavage et lui imposer un travail qui compensera le préjudice éprouvé.
ABCISION (ou abscision) - Saint-Edme (Dictionnaire de la pénalité) : Abcision, action par laquelle, en exécution d'un jugement, le bourreau coupe un membre à un condamné. Voir : Mutilation*.
ABERRATIO ICTUS
Cf. Erreur de fait*, Erreur sur la personne (Error in personam)*, Intention criminelle*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-I-313, p.77
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la personne humaine » (4e éd.), n° I-109 p.67 / n° I-311, p.163
Pour un exemple, voir le Cas pratique n°30.
L’« aberratio ictus » est un coup volontaire porté si maladroitement qu’il fait une victime autre que la personne visée. Son auteur n’en est pas moins pénalement coupable, selon les circonstances, d'assassinat, de meurtre, de coups et blessures ayant entraîné la mort sans intention de la causer, ou de coups et blessures simples.
Tarde (La philosophie pénale) : J'ai résolu d'assassiner Paul, je le cherche et je trouve Pierre que je tue, le prenant pour Paul. Suis-je coupable d'assassinat ou d'homicide involontaire ? Là-dessus on a subtilisé à l'infini, et les systèmes se sont multipliés depuis le Digeste. Cependant il est clair que, au regard de la société, la vie de Pierre vaut celle de Paul ; l'assassin qui a tué le premier sans le vouloir est donc aussi coupable que s'il eût tué le second volontairement comme il a cru le faire. Par suite, la solution sociale de la question est toute simple, et, si des difficultés ont paru surgir, ce ne peut être que parce qu'on s'est placé inconsciemment au point de vue du temps où l'action pénale était mise en mouvement non par la nation mais par la famille.
Jeandidier (Droit pénal général) : L'erreur de fait est inopérante lorsqu'elle porte sur un élément accessoire de l'infraction, laissant subsister l'intention ... il en est ainsi en cas d'aberratio ictus, c'est-à-dire de maladresse, le délinquant ayant atteint une autre personne que celle visée. Seul compte le but vers lequel est tendue l'intention.
Donnedieu de Vabres (Traité de droit criminel) : Les circonstances d'error personae et d'aberratio ictus se sont trouvées réunies dans le crime de Vera Gelo. Vera Gelo, étudiante russe, à la sortie du Collège de France, tire un coup de révolver sur M. Émile Deschanel, le prenant pour un tiers contre lequel elle avait un grief. Mais elle tire maladroitement, et elle atteint son amie Zélénine.
Digeste de Justinien,47, X, 4. Paul : Si, voulant donner un coup à mon esclave, sans le vouloir je vous frappe vous qui êtes tout près, je ne puis être poursuivi pour injures.
Cass. Luxembourg 28 octobre 1898 (Pas. 5 59) : L’aberratio ictus laisse subsister le fait originairement volontaire.
Cass.crim. 21 novembre 1984 (Bull.crim. n° 362 p.960) : Constitue une violence volontaire le fait d’occasionner des blessures à une personne autre que celle que l’auteur des violences voulait atteindre.
Abbé Luco (Saint Gildas de Rhuys) rapporte ces lignes du philosophe Abélard : Un jour que le comte de Bretagne était malade, appelé par lui, je vins à Nantes le visiter. Un frère du couvent, que j'avais amené avec moi, me servit quelques aliments ; mais comme je ne songeais pas encore à manger, un autre moine qui m'avait accompagné goûta de ces mets perfides et fut frappé de mort. Le frère servant prit soudain la fuite.
ABIGEAT (ou abigéat)
Cf. Hermès*, Vol*.
Voir : Digeste de Justinien, L. 47, XIV
L’abigeat s’analyse en un vol aggravé, qui consiste à détourner un troupeau appartenant à autrui en vue d’en disposer ou de se l’approprier. Il était spécialement incriminé en droit romain et dans notre Ancien droit.
Jousse (Traité de la justice criminelle): On appelle abigeat, le crime de ceux qui détournent et emmènent les troupeaux, soit de bœufs, vaches, moutons, cochons, chevaux, ânes, ou autres, des endroits où ils paissent, pour se les approprier.
Brillon (Dictionnaire des arrêts du Parlement) : Le crime d'abigeat est de détourner ou dérober un troupeau, comme de dix brebis ou de dix chèvres ... la peine en est arbitraire en France.
Saint-Edme (Dictionnaire de la pénalité) : L'art. 627 de la coutume de Bretagne porte que ceux qui volent des chevaux, des boeufs ou d'autres bêtes de service et de labour, doivent être punis de mort ... Dans l'usage on condamnait ordinairement aux galères.
Tarde (La philosophie pénale) : Une bande de brigands siciliens pratique de temps immémorial les mêmes procédés … abigeato (vol de gros bétail dans les champs).
ABOLITION
Cf. Abrogation de la loi*, Cancellation*, Lettres d’abolition* .
Abolir c’est supprimer, annuler, anéantir une règle de droit ; notamment abroger une loi ou une coutume séculaire.
Séguier (Travaux préparatoires de l’Ordonnance de 1670) : Le mot abolition est un terme d’une puissance absolue, qui fait trembler les lois et suspend les effets de la vengeance publique.
Le Code pénal suisse vise une Loi Fédérale du 8 octobre 1999 sur l’abolition des Assises Fédérales.
De ce terme émane une puissance affective telle qu’il est notamment employé pour évoquer des sujets de première importance.
Pufendorf (Le droit de la nature) : Aussitôt que la Loi est abolie, l'imputation n'a plus lieu en aucune manière à l'égard de l'Action considérée, laquelle, cessant alors d'être ordonnée ou défendue, redevient par là entièrement libre.
Ahrens (Cours de droit naturel) : Le progrès des idées d'égalité de droit de tous les hommes, secondé si fortement par la philosophie du droit et par la réception du droit romain, a abouti, grâce à la révolution française, à l'abolition de tous les états qui blessaient à la fois l'égalité, la dignité et la vraie liberté de l'homme.
Dupin (Règles de droit et de morale) : La torture, cet atroce moyen d'inquisition, a subsisté dans notre législation depuis l'origine de la monarchie jusqu’à l'époque où Louis XVI, de vertueuse mémoire, en prononça l'abolition par sa déclaration du 15 février 1788.
Cass.crim. 5 novembre 1981 (Bull.crim. n° 297 p. 778) : Le meurtre, lorsqu'il a été précédé, accompagné ou suivi d'un autre crime était, aux termes de l'art. 304 C.pén., puni de la peine de mort ; il n’est plus maintenant puni, en application des art. 1 et 3 de la loi 81-908 du 9 octobre 1981 portant abolition de la peine de mort, que de la réclusion criminelle à perpétuité.
ABORDAGE
Cf. Piraterie* .
Il y a abordage lorsque deux navires se heurtent ou même simplement s’accrochent en mer.
C'est l'art. 82 du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande qui traite spécialement de l’abordage par négligence. Il importe de souligner que le capitaine d’un navire abordeur voit peser sur lui l’obligation impérative de porter assistance à l’équipage du navire abordé.
Cass.crim. 6 février 1980 (Gaz.Pal. 1980 I 551) : Il échet pour la Cour de cassation, réglant de juges, en l’état du conflit positif de juridictions existant entre le Tribunal correctionnel et le Tribunal maritime commercial, de déclarer le premier seul compétent, dès lors que le champ d’application des art. 80 et 81, alinéa 2 C. disciplinaire et pénal de la marine marchande ne sanctionnant que des infractions à certains règlements émanant des autorités maritimes est plus restreint que celui de l’art. 319 C.pén. et que les décès d’un certain nombre de membres de l’équipage d’un navire, consécutifs à l’abordage de celui-ci, imputé au capitaine du navire abordeur, apparaissent comme pouvant être non seulement la conséquence de l’inobservation des règlements maritimes, mais aussi d’une imprudence, d’une inattention ou d’une négligence au sens de l’art. 319 précité.
- L’abordage en haute mer, surtout entre navires de nationalités différentes, pose aux juristes un problème quasi insoluble. C’est la raison pour laquelle, en cas d’absence de convention internationale, le tribunal saisi a tendance à appliquer sa propre loi.
Donnedieu de Vabres (Principes de droit pénal international) : À la suite d’une collision survenue le 2 août 1926, entre un paquebot français et un vapeur turc, la Cour permanente de justice internationale a reconnu une compétence concurrente aux juridictions des deux États intéressés.
Cass.com. 9 mars 1966 (Gaz.Pal. 1966 I 368 et notre note) : Lorsqu’un abordage s’est produit en haute mer, le lieu du délit, qui fixe normalement la loi applicable à la responsabilité, ne donne compétence à aucune loi ; en conséquence il convient de faire application de la lex fori.
ABROGATION DE LA LOI
Cf. Abolition*, Application de la loi dans le temps*, Codification*, Désuétude*, Loi* .
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-I-102, p.23
Une loi est ordinairement édictée sans limitation de durée dans le temps, elle est même d’ordinaire réputée perpétuelle. Pourtant, dans les faits, toutes les lois finissent par être abrogées : il s’agit, ou bien d’une abrogation décidée expressément par le législateur, ou bien d’une abrogation implicite résultant de l’impossibilité de concilier la loi ancienne avec la législation présente. L’abrogation d’une loi d’incrimination, non seulement produit effet pour les faits passés, mais encore elle met fin aux poursuites qui n’ont pas encore abouti à une décision définitive (art. 6 C.pr.pén.).
Loi du 3 ventôse an II (21 mars 1804), annonçant les lois composant le Code civil dit "Code Napoléon". Art. 7 : à compter du jour où ces lois sont exécutoires, les lois romaines, les ordonnances, les coutumes générales ou locales, les statuts, les règlements, cessent d'avoir force de loi générale ou particulière dans les matières qui sont l'objet desdites lois composant le présent Code.
Jeandidier (Droit pénal général) : Il est possible de systématiser ainsi les solutions en matière d’abrogation tacite. Une loi générale abroge entièrement une autre loi générale à laquelle elle succède ; elle abroge également une loi spéciale antérieure dont les dispositions seraient incompatibles avec les siennes. En revanche une loi générale ne peut atteindre des lois spéciales antérieures portant sur des domaines qu’elle n’a pas abordés. Enfin une loi spéciale nouvelle abroge toutes dispositions antérieures incompatibles portées par une loi spéciale ou ne loi générale, celle-ci étant à l’évidence maintenue pour toute autre question dont elle traite.
Code de droit canonique, canon 1313 § 2 : Si une loi postérieure au fait supprime la loi d’incrimination ou seulement la peine, celle-ci cesse aussitôt.
Cass.crim. 25 mai 1988 (Bull.crim. n°221 p.573) : Une loi nouvelle qui abroge une incrimination s’applique aux faits commis avant son entrée en vigueur et non encore définitivement jugés.
Cas d’abrogation implicite. En Angleterre, la procédure de l’ordalie par bataille ne fut jamais abrogée. Aussi fut-on fort embarrassé en 1819 quand un individu prévenu de meurtre invoqua cette procédure. On rejeta néanmoins sa requête.
- La disparition brutale de l’action publique n’emporte pas extinction de l’action civile ; le droit à réparation de la victime subsiste : Arrêt Pouteaux du 16 décembre 1954 (D. 1955 145 note Pépy), rapporté dans la rubrique Grands arrêts.
- Une loi du 20 décembre 2007, dans son art. 1, fait obligation à l'administration de prononcer l'abrogation des textes règlementaires illégaux ou sans objet.
L'abrogation de la législation en vigueur, par l'entrée en vigueur d'un nouveau Code pénal, entraîne un conflit de lois dans le temps généralisé. Le législateur doit évidemment prendre soin de le régler, comme le montre l'exemple suivant.
Code pénal du Royaume de Bavière. Édit de promulgation du 16 mai 1813 :
Art. 1er : Le présent Code aura force légale, comme Code général, dans toute l'étendue du Royaume, à compter du 1er octobre 1813. à partir de cette époque, toutes les lois particulières, ordonnances ou coutumes précédemment existantes dans chaque province, perdront leur vigueur et efficacité légale pour tous les objets qui sont traités dans le présent code.
Art. 2. Les crimes et délits qui devront être poursuivis ou jugés depuis l'époque spécifiée ci-dessus, encore bien qu'ils aient été commis avant ladite époque, seront jugés conformément aux dispositions du présent code, à moins que les peines prononcées par les lois en vigueur, au moment de l'accomplissement des faits, ne soient plus douces que les peines prononcées par le code. Les dispositions dudit code seront applicables, au point de vue de la prescription, aux crimes ou délits commis antérieurement, à moins qu'aux termes des lois antérieures, la prescription ne fût déjà accomplie.
Dans certains cas exceptionnels, les tribunaux ont été conduits à considérer que l'abrogation d'une loi, au sens large, apparaissait purement accidentelle. En conséquence, ils ont considérés qu'elle devait continuer à produire effet. Ainsi la Cour de cassation française a maintenu en vigueur, longtemps après son abrogation, l'article 605 du Code pénal du 4 brumaire an IV parce que lui seul permettait de sanctionner raisonnablement les voies de fait légères.
Rigaux et Trousse (Le crimes et les délits du Code pénal belge, T.II) : L'interdiction de procéder à des visites domiciliaires la nuit est inscrite dans la Constitution du 22 frimaire an VIII... Sans doute la Constitution de l'an VIII n'a plus force obligatoire par elle-même et notre Constitution est muette sur ce point. Mais l'intention du législateur de 1808, auteur du Code d'instruction criminelle, a été de s'en référer à la Constitution de l'an VIII, qui était alors en vigueur, et partant d'interdire les perquisitions nocturnes.
ABSINTHE - Plante aromatique - Liqueur alcoolique tirée de cette plante. Très en vogue au XIXe siècle dans les milieux artistiques, sous le nom de « Fée verte », cette boisson était si nuisible pour la santé de ses adeptes que sa fabrication en France fut prohibée par une loi du 16 mars 1915. La législation contemporaine paraît, à tort, s'adoucir. La cocaïne est qualifiée de « Fée blanche » ; Cf. Stupéfiants*.
ABSOLUTION
Cf. Acquittement*, Excuse absolutoire*, Exemption de peine*, Hors de cour*, Relaxe* .
- Notion. Le terme absolution comporte un sens large et un sens étroit.
Dans un sens large, on prend parfois le mot absolution comme synonyme d’Acquittement* ou de Relaxe*. Il en est ainsi dans l’adage : « La condamnation d’un innocent est un plus grand mal que l’absolution d’un coupable ».
Ferri (Sociologie criminelle) : Les lois pénales actuelles, en diminuant la responsabilité pénale en proportion des conditions anormales qui poussent au crime, aboutissent trop souvent à l’absolution des criminels les plus dangereux.
Tarde (La philosophie pénale) : Aux deux verdicts d’acquittement et de condamnation, avec ou sans circonstances atténuantes, il serait bon d’ajouter ce troisième, le verdict de preuve insuffisante, analogue au « non liquet » des Romains. Dans nombre de cas, il permettrait aux jurés d’exprimer mieux le fond de leur pensée et d’éviter le scandale d’une absolution pure et simple.
Brillon (Dictionnaire des arrêts du Parlement) : L'absolution est l'acte juridique émané d'une puissance séculière par lequel un accusé est déclaré innocent.
Cass.crim. 3 janvier 1984 (Gaz.Pal. 1984 I somm. 173) : Pour déclarer le prévenu, auquel il est reproché d’avoir … constitué des avoirs en Israël et omis de rapatrier en France les revenus et produits qu’il y avait encaissés, coupable des délits prévus aux art. 3 et 6 du décret 68-1021 du 24 novembre 1968 et réprimés par l’art. 459 C. douanes, l’arrêt critiqué énonce à bon droit notamment, qu’à supposer que celui-ci ait agi en qualité d’administrateur d’une indivision familiale en vertu de règles et traditions particulières à la communauté à laquelle il se prévaut d’appartenir et pour accomplir un devoir moral dicté par celle-ci, de tels motifs ne pouvaient le dispenser de respecter les lois et règlements qui s’imposaient à lui en sa qualité de citoyen français et ne peuvent l’absoudre de les avoir violés.
- Dans un sens strict, le prévenu est absous lorsqu’il est reconnu coupable de l’infraction reprochée, mais qu’il bénéficie d’une Excuse absolutoire* telle l’excuse de dénonciation. Si sa responsabilité pénale ne peut alors être retenue, sa responsabilité civile peut être recherchée.
Cass.crim. 18 février 1998 (Gaz.Pal. 1998 Chr.crim. 105) : Aux termes de l’art. 366 C.pr.pén.., après la délibération de la Cour et du jury, le président fait comparaître l’accusé, donne lecture des réponses faites aux questions et prononce l’arrêt portant condamnation, absolution ou acquittement.
Garraud (Précis de droit criminel) : Quand le jury et la cour ont décidé qu’il n’y avait pas lieu d’appliquer une peine à l’accusé déclaré coupable … parce que le jury a admis à son profit l’existence d’une excuse absolutoire … la cour prononce l’absolution de l’accusé.
- Droit positif. Le Code de procédure pénale parlait à l'origine d’absolution (art. 366 al.3), il emploie maintenant l'expression "exemption de peine" (art. 363 al.2).
Angevin (La pratique de la cour d’assises) : Comme l’arrêt d’acquittement, l’arrêt d’absolution n’inflige pas de peine à l’accusé. L’accusé absous n’en est pas moins déclaré coupable. Il est condamné aux frais envers l’État et, le cas échéant, à des dommages-intérêts envers la partie civile.
ABSTENTION
Cf. Actes humains*, Omission* .
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° 126, p.99 / n° I-120, p.172 / n° I-232, p.239 / n° II-7, p.279 / n° II-117, p.309 / n° III-8, p.361
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-II-I-313, p.194
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° I-407 et s., p.202
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », n° 341, p.222
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° II-115, p.320 / n° II-I-130, p.375 / n° II-I-135, p.381 / n° II-I-139, p.386
Voir : R. Merle, L'acte pénal
- Notion. Si les deux termes Omission* et « abstention » sont ordinairement employés indifféremment ; il existe cependant entre eux une nuance. Alors que l’omission peut résulter d’une simple négligence fautive, l’abstention traduit généralement une attitude délibérée de refus d’effectuer un acte que l’on a le devoir d’accomplir.
Bluntschli (Droit public général). Une résistance passive peut être une arme politique puissante quand elle devient le mot d’ordre de tout un parti, exprimant ainsi sa haute désapprobation et entravant en mille endroits le pouvoir. Tels seront les abstentions en masse des électeurs, l’absence délibérée d’un groupe de députés, le refus général de payer les impôts tout en se laissant saisir et vendre…
Proal (Le crime et la peine) : Quand le législateur édicte une incrimination il peut espérer … chez ceux qui réfléchissent aux suites de leurs actions … que sa menace fera pencher la balance en faveur de l’abstention du délit.
- Règle morale. Plus encore que l'omission, l'abstention délibérée d'accomplir un acte que l'on a le devoir d'accomplir appelle une condamnation morale.
Aristote (Éthique à Nicomaque) : Le vice dépend de nous. En effet, là où il dépend de nous d’agir, il dépend de nous aussi de ne pas agir, et là où il dépend de nous de dire non, il dépend aussi de nous de dire oui ; par conséquent, si agir, quand l’action est bonne, dépend de nous, ne pas agir, quand l’action est honteuse, dépendra aussi de nous, et si ne pas agir, quand l’abstention est bonne, dépend de nous, agir, quand l’action est honteuse, dépendra aussi de nous.
Bentham (Déontologie ou science de la morale) : Il est des cas où l’homme qui s'est abstenu de ce que son devoir lui prescrivait de faire pour empêcher un meurtre, a tout autant mérité le châtiment réservé à l'homicide, que le meurtrier lui-même.
Schopenhauer (Le fondement de la morale) : Le bien et le mal qui en tout cas inspirent l'action ou l'abstention, ne peuvent être que le bien et le mal de l'agent lui-même.
- Science criminelle. L’opinion générale a longtemps été défavorable à l’incrimination pénale de simples abstentions, observant que les juges ne peuvent sans risque d’erreur judiciaire chercher à induire d’une attitude purement passive une intention criminelle. C’est pourquoi les abstentions et omissions ont trouvé leur domaine d’élection dans le domaine des infraction de police : omission pas un automobiliste de s’arrêter à un signal stop.
Roux (Cours de droit criminel) : Devant une abstention … il sera généralement très difficile de prouver l’intention criminelle.
Code pénal de Belgique. C’est une loi du 6 janvier 1961 qui a introduit dans le Code un paragraphe intitulé : De quelques abstentions coupables.
Code pénal du Luxembourg. Art. 249. (L. 15 janvier 2001) Sera punie de la réclusion de cinq à dix ans … toute personne, dépositaire ou agent de l’autorité ou de la force publiques … qui sollicite ou agrée, sans droit, directement ou indirectement, pour elle-même ou pour autrui, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques en raison de l’accomplissement ou de l’abstention d’accomplir un acte de sa fonction.
Cass.crim. 3 mars 1980 (Gaz.Pal. 1980 II somm. 587) : Le délit de refus de restituer un permis de conduire suspendu, prévu par l’art. L 19 C. route, est constitué par une abstention volontaire d’obtempérer à une injonction de l’agent de l’autorité chargé de l’exécution de la décision de suspension, quel que soit le mobile de cette abstention.
- Droit positif. Depuis quelques années, sur certains points la morale a incité le législateur à incriminer de pures abstentions et omissions. Évoquons p.ex. le délit d’abstention de porter secours à personne en péril. Voir : Omission* .
Levasseur (Droit pénal spécial) : Les textes nouveaux ne sont pas la consécration de la théorie des délits de commission par omission, ils en sont même la condamnation implicite, puisque c’est seulement dans certaines hypothèses précises que l’abstention constituera une infraction.
Cass.crim. 20 décembre 1988 (Bull.crim. n° 440 p.1165) : L’exclusion de tout traitement étant une qualité substantielle de légumes mis en vente, l’abstention d’indiquer aux consommateurs la présence, fût-ce à une faible dose, d’un produit chimique, suffit pour caractériser à la charge du prévenu, en ses éléments matériel et intentionnel, l’infraction de tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise vendue.
ABSTRAIT - CONCRET
Cf. Faits*, In abstracto / in concreto*, Matérialité*, Réel*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° 16, p.31 / n° 19, p.36 / n° 20, p.37 / n° 21, p.40 / n° 23, p.45 / (sur les principes)
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° 3, p.2-3 / n° 5, p.4 / n° 5a, p.5 / n° 5b, p.6 / n° 8 p.10 / (pour l'essentiel)
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° 5, p.7 / n° 26, p.20 (pour l'essentiel)
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », n° 303, p.125 / n° 327, p.179 1° / n° 327, p.179 / n° 179 2°, p.184
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° 3, p.6 / n° I-2, p.51 / n° I-II-121, p.175 / n° II-1, p.280 / n° II-I-100, p.329 / n°II-II-243, p.534
Le droit criminel distingue principalement l'abstrait du concret sous ce rapport qu'un juge doit être saisi de faits matériels. Par suite, il marque une préférence pour ce qui peut être appréhendé par les sens, par opposition à ce qui ne peut être conçu que par l'esprit, à ce qui relève du domaine des idées, des notions, des concepts. Au législateur les formulations abstraites, aux juges les décisions concrètes.
Vergely (Dictionnaire de la philosophie) : L'abstrait est le contraire du concret. Le concret étant ce qui est réel, mais ce qui est aussi parfois "terre à terre".
Victor Cousin (Du vrai, du beau et du bien) : Quelquefois j'affirme d'une manière générale que deux et deux valent quatre, en faisant abstraction de tout objet déterminé : c'est la conception abstraite de la vérité.
Fordyce (Éléments de philosophie morale) : L'examen le plus superficiel de la nature humaine suffit pour nous convaincre qu'il n'y a point d'objet qui fasse une si puissante impression sur nous que ceux qui frappent immédiatement nos sens. Tout ce qui est purement intellectuel, comme des vérités abstraites ou scientifiques, n'existe, pour ainsi dire, que faiblement dans notre âme.
Code pénal du Pérou, exposé des motifs : Dans la partie générale du Droit Pénal on traite l'infraction et la peine de manière abstraite.
Acollas (Les délits et les peines) : Le législateur a placé le délit manqué sur la même ligne que le délit tenté, par conséquent, il n'y a pas de différence à faire, au point de vue abstrait, pour la pénalité, entre le délit manqué et le délit réussi. [ le juge, en revanche, d'un point de vue concret, fixera la peine en tenant compte de la gravité objective des faits et de la perversité de leur auteur ]
Blunschli (Droit public général) a souligné les dangers des formules abstraites, par trop éloignées des situations concrètes : Suivant la Déclaration des droits de l'homme de 1789 : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ». Cette formule abstraites enthousiasma les Français, qui lui sacrifièrent jusqu'à la liberté ; elle conduit pourtant à l'anarchie par son faux éclat. Comment l'État subsisterait-il si l'on nie la différence des gouvernants et des gouvernés ? Comment conserver la famille si les enfants sont les parfaits égaux des parents, les serviteurs des maîtres ? C'est la destruction de tout droit.
Franck Adolphe (Philosophie du droit pénal) : J’en demande pardon ... aux moralistes et aux philosophes, qui considèrent le duel d’une manière purement abstraite, sans tenir compte de ses origines et de son but ; il est impossible de voir dans le duel les deux crimes qu’on se plaît à y trouver : un suicide et un assassinat.
Cass.crim. 19 mars 1991 (Gaz.Pal. 1991 II Chr.crim. 377) : Prive son arrêt de base légale l'arrêt qui se détermine par une référence purement abstraite à l'infraction de faux en écritures poursuivie, au lieu de rechercher quelle était la gravité de l'atteinte portée par ces faits à l'ordre public.
Cass.crim. 8 juin 1994 (Gaz.Pal. 1994 II Chr.crim. 674) : L'arrêt attaqué énonce à bon droit que la contrainte qu'aurait exercée l'intéressé doit s'apprécier de manière concrète en fonction de la capacité de résistance de la victime.