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DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL
Dictionnaire des noms propres

- Professeur Jean-Paul DOUCET -

Sur l’importance du rôle social des auteurs évoqués ci-dessous, voir notre étude :
La doctrine est-elle une source du droit ?

Lettre  V

VIDOCQ François Eugène

Cf. Fouché*, Milieu*.

Né à Arras en 1775, mort à Bruxelles en 1857. Personnage qui fut une légende de son vivant même ; successivement soldat, bagnard puis chef d'une brigade de sûreté composée d'anciens forçats. En raison de son exceptionnelle personnalité, il inspira des auteurs tels que Balzac et Victor Hugo.
Il représente, de manière caricaturale, une police qui, dans sa lutte contre la délinquance crapuleuse, joue la carte de l'efficacité sans trop se soucier de morale. Il a laissé des Mémoires, mis en forme par des littérateurs, qui donnent une première idée du "milieu" et de la police au début du XIXe siècle.

Signe Exemple concret Moreau-Christophe (cité en Introduction de ses Mémoires, par l'éditeur Jean de Bonnot) : Moreau-Christophe, qui fut inspecteur général des prisons, put l'observer pendant des mois et des années, et voici le portrait qu'il en fait : « C'est un homme d'une audace d'esprit extraordinaire, d'une témérité et d'un courage inouïs, d'une fertilité d'inspiration incroyable et d'une force physique prodigieuse. Ancien forçat, il participait aux natures différentes du genre humain et présentait des contrastes de caractères, de moeurs et de conduite, souvent étranges et contradictoires. Il était en même temps bavard et discret, dissimulé et vantard, brave et fanfaron. Il avait toutes les qualités de ses vices et tous les vices de ses qualités. Peu sérieux en apparence, il ne faisait rien d'étourdi. Il était aussi rapide à exécuter qu'à concevoir. L'acte chez lui était toujours raisonné et pensé, toujours aidé par l'habileté du calcul et jamais laissé au hasard. Son aspect et son langage étaient communs, mais il était fin d'esprit et distingué de sentiments. Son coeur au fond était sincèrement bon et on aurait pu l'appeler "un bourru bienfaisant". Oui, il avait des qualités, il était dévoué, reconnaissant jusqu'au sacrifice, toujours à la recherche du bon, mais en même temps rancunier jusqu'à la haine, vindicatif et prêt à l'embûche et à la trahison.

Signe Exemple concret Balzac (Splendeurs et misères des courtisanes) : Fouché, instruit de quelque complot, averti de quelque machination, n'importe comment, disait à l'un des colonels de sa police : "Que vous faut-il pour arriver à tel résultat ?" Corentin, Contenson répondaient après un mûr examen : "Vingt, trente, quarante mille francs." Puis, une fois l'ordre donné d'aller en avant, tous les moyens et les hommes à employer étaient laissés au choix et au jugement de Corentin ou de l'agent désigné. La Police judiciaire agissait d'ailleurs ainsi pour la découverte des crimes avec le fameux Vidocq.

On a beaucoup critiqué sa méthode consistant à recruter des délinquants repentis pour arrêter des malfaiteurs en activité. Ce n'est sans doute pas un procédé à poser en principe ; mais il peut s'avérer efficace dans certains domaines particuliers.

Signe Exemple concret Exemple (Ouest-France 6 janvier 2017) : Agacé de voir les dealers traficoter tranquillement sur le "darkness", la face cachée du Net, l'Agence européenne des drogues recrute des hackers. Parmi ces anciens pirates informatiques, d'anciens trafiquants : « Il faut s'appuyer sur des braconniers assagis ou repentis », explique au journal "Le soir" le Belge A. Goosdeel, directeur de cet observatoire européen des drogues et toxicomanes.

VILLON François

Cf. Dante *.

Signe Renvoi rubrique Voir : Villon, La Ballade des pendus.

Signe Renvoi rubrique Rapprocher : André Chénier "La jeune captive"

Signe Renvoi rubrique Rapprocher : La complainte de Mandrin

Poète français (né vers 1430 – mort après 1463). Orphelin, il fut élevé par un religieux, Guillaume de Villon, dont il prit le nom. Il suivit les cours de l'Université de Paris et fut reçu Maître es arts en 1452. Il y acquit une culture générale appréciable qui transparaît dans son œuvre, mais il semble qu'il fréquenta plus volontiers les tavernes que l'Université. Ce travers le conduira à côtoyer la pègre de son temps, et à tuer un prêtre dans une rixe. Il obtint des "lettres de rémission" pour ce crime ; mais il n'en continua pas moins à mener une vie déréglée qui se traduisit par un vol retentissant au Collège de Navarre. Ayant quitté Paris, il poursuivit sa carrière de mauvais garçon et se trouva emprisonné à Meung-sur-Loire ; venant d'accéder au trône, Louis XI le gracie. De retour dans le région parisienne, il est condamné à mort par le Tribunal du Châtelet (c'est alors qu'il compose la Ballade des pendus) ; mais une nouvelle fois il échappe à la mort, le Parlement de Paris ayant cassé cet arrêt. Ce 5 janvier 1463 il est banni de Paris... Nul ne sait ce qu'il devint.

Signe Doctrine Lagarde de Michard (Cours de littérature) : L'épitaphe de Villon, le chef-d'œuvre du poète, est la Ballade des pendus. Villon, condamné à mort, s'attend à être pendu : alors, du fond de son angoisse, s'élève cette marche funèbre, ce « De profundis » au rythme obsédant. Ce n'est plus le vivant qui parle, mais le mort qu'il sera demain, avec ses frères de gibet. Sa vision, dans son réalisme, nous fait frissonner et nous entendons retentir en nous cet appel d'outre-tombe. La sentence fut annulée par le Parlement, puis Villon disparaît. Ainsi la « Ballade des pendus » reste pour nous son chant du cygne.

VITU André

Cf. Donnedieu de Vabres*, Levasseur*, Merle*, Perreau*.

Signe Renvoi rubrique Voir : A. Vitu, Le principe de la légalité criminelle

Signe Renvoi rubrique Voir : A. Vitu, L’illicéité

Signe Renvoi rubrique Voir : A. Vitu, Légitime défense et infractions d’imprudence

Signe Renvoi rubrique Voir : A. Vitu, Le meurtre politique

Signe Renvoi rubrique Voir : A. Vitu, La complicité de complicité

Signe Renvoi rubrique Voir : A. Vitu, Contrainte morale et état de nécessité

Signe Renvoi rubrique Voir : A.Vitu, le droit criminel français et les convictions religieuses, philosophiques, morales ou politiques

Signe Renvoi rubrique Voir : A. Vitu, Les pouvoirs du juge dans le choix et l’aménagement des peines

Signe Renvoi rubrique Voir :  Merle et Vitu, La mise à exécution des peines

Signe Renvoi rubrique Voir : A. Vitu, le droit pénal spécial source vivante et concrète du droit criminel

Signe Renvoi rubrique Voir : A. Vitu, La corruption et le trafic d’influence

Signe Renvoi rubrique Voir : A. Vitu, les éléments constitutifs du délit d’escroquerie

Signe Renvoi rubrique Voir : A. Vitu, Le faux-monnayage  (sous le Code pénal de 1810)

Signe Renvoi rubrique Voir : A. Vitu, Le meurtre simple

Signe Renvoi rubrique Voir : A. Vitu, L’opposition à l’exécution de travaux publics

André VITU Criminaliste français, né à Nancy le 6 juillet 1920, mort à Nancy le 27 octobre 2013. Proclamé docteur en droit à Nancy en 1945, après avoir soutenu une remarquable thèse intitulée « Les conflits de lois dans le temps en droit pénal ». Agrégé de droit privé au concours de 1947 (reçu 1er). Chargé de cours, puis professeur à la Faculté de droit de Nancy (Titulaire de la chaire de droit criminel en 1951). Directeur de l'Institut d'études judiciaires de Nancy, Chroniqueur à la Revue de sciences criminelles, Collaborateur du Juris-classeur de Droit pénal.
Pour nous en tenir à ses principaux travaux nous citerons les ouvrages suivants : Manuel de procédure pénale (Thémis 1957) ; Traité de droit criminel : deux volumes consacrés au Droit pénal général et à la Procédure pénale en collaboration avec R. Merle* (1e éd. 1967), deux volumes qu'il a rédigés seul consacrés au Droit pénal spécial (éd. Cujas 1982).
Il fut le grand pénaliste français de la seconde moitié du XXe siècle, s'inscrivant dans la lignée des Muyart de Vouglans*, Ortolan*, Garçon* et Garraud*. Sa connaissance encyclopédique du droit criminel s'appuie sur un humanisme sans faille : témoin dans sa jeunesse des effets qu'emportent les doctrines totalitaires, il défendit toujours avec conviction la dignité de la personne humaine. Et ce non seulement par ses écrits, mais dans la vie civile.
C'est son attachement à un enseignement du droit criminel fondé sur la morale chrétienne, qui l'a conduit à me donner toute latitude pour reproduire ses travaux sur ce site. Il m'a confié un jour qu'il regrettait d'avoir été limité dans l'exposé de la matière par les exigences compréhensibles des éditeurs, eux-mêmes liés par les programmes officiels.
Si l'on retourne une formule célèbre, deux mots définissent l'homme : science et conscience.

Signe Doctrine Wilfrid Jeandidier (À la mémoire de son Maître) : Excepté une parenthèse grenobloise pendant la guerre, André Vitu aura été fidèle toute sa vie à Nancy, sa ville natale. Ses brillantes études sont couronnées, d’une part par sa thèse sur les conflits de lois dans le temps en droit pénal, soutenue en 1945, d’autre part par son succès au concours d’agrégation en 1947 dont il sort major. Choisissant sa faculté, Nancy aura eu ainsi la chance et le privilège d’avoir un Professeur merveilleux et un Auteur incomparable.
André Vitu aura été d’abord un Professeur merveilleux, se dépensant sans compter pour ses étudiants. Il a toujours enseigné dans toutes les étapes du cursus universitaire. Son cours annuel de droit pénal général et procédure pénale en 2e année de licence était extraordinaire de limpidité, de richesse et il a suscité nombre de vocations de pénalistes chez ses auditeurs. Sa maîtrise du droit pénal spécial transparaissait dans son cours de 4e année. Ses séminaires de doctorat étaient transcendants. Il n’était donc pas surprenant qu’un tel Professeur fût choisi comme directeur de thèse par de nombreux étudiants qu’il a guidés avec une rare et généreuse maîtrise. Plusieurs d’entre eux seront ainsi devenus grâce à lui professeurs ou maîtres de conférences des universités. Directeur de l’Institut d’études judiciaires pendant plusieurs décennies, André Vitu aura aussi noué des liens étroits avec la magistrature et le barreau.
André Vitu aura été ensuite un Auteur incomparable. Sa thèse l’annonçait. Après une incursion remarquée en droit du travail, comme coauteur des deuxième et troisième tomes du Traité de droit du travail du Professeur Paul Durand (Dalloz, 1949 et 1956), André Vitu devait consacrer ses nombreux travaux ultérieurs au droit pénal. Il publie en 1957 dans la prestigieuse collection Thémis des PUF un manuel de Procédure pénale. Neuf ans plus tard se concrétise sa fructueuse association avec le Professeur Roger Merle de la Faculté de droit de Toulouse, avec la publication chez Cujas du magistral et célèbre Traité de droit criminel en un seul volume. Les éditions ultérieures le dédoubleront en un premier tome consacré à une introduction générale aux sciences criminelles et au droit pénal général, et en un deuxième tome consacré à la procédure pénale, dont les dernières éditions respectives (7e et 5e) datent de 1997 et 2001. André Vitu rédigera seul les troisième et quatrième tomes du Traité, consacrés au droit pénal spécial, fresque colossale de toute cette matière, unique en son genre, parue en 1982.
À ces livres qui placent la doctrine pénaliste française aux plus hautes cimes, André Vitu ajoute de multiples travaux où se retrouvent sa clarté d’analyse et son élégance d’écriture : fascicules du JurisClasseur – hélas disparus -, articles, notes de jurisprudence, chroniques régulières à la Revue de science criminelle, interventions dans des colloques. Sa renommée le conduit notamment à participer à deux reprises au jury du concours d’agrégation de droit privé et sciences criminelles, à être membre élu du Conseil National des Universités et surtout à figurer dans la première Commission de réforme du Code pénal de 1976 à 1981 dont il sera une des voix les plus écoutées.
Travailleur infatigable, penseur d’une exceptionnelle lucidité, André VITU a littéralement illuminé ses auditeurs et ses lecteurs. À l’aube de sa longue retraite, nombre de ses collègues pénalistes lui ont rendu un juste hommage en lui offrant en 1989 de riches Mélanges intitulés « Droit pénal contemporain » édités par Cujas. Aujourd’hui André Vitu a rejoint Faustin Hélie, Emile Garçon et René Garraud au Panthéon du droit criminel
.

Signe Doctrine A.Vitu (Traité de droit pénal spécial) Introduction : À l'intérieur de cette vaste discipline que constitue le droit criminel, envisagé comme l'ensemble des règles juridiques de fond et de forme qui organisent la réaction de l'État à l'égard des infractions et des délinquants, l'usage est d'isoler, pour l'opposer à la procédure pénale, ce que l'on appelle le droit pénal. Celui-ci se divise à son tour en deux branches complémentaires : le droit pénal général et le droit pénal spécial.
Par nature, le droit pénal général a une vocation de synthèse, puisqu'il se donne pour objet l'étude des principes généraux qui, placés à la base de la répression, sont de nature à s'appliquer à toutes les infractions ou à un grand nombre d'entre elles. Il fait une étude abstraite de l'infraction, il élabore la théorie générale du délinquant, il détaille les sanctions et leur régime.
Le droit pénal spécial, lui, envisage les infractions séparément. Pour chacune, il énumère et précise ses éléments constitutifs, c'est-à-dire les pièces dont l'agencement, plus ou moins complexe, traduit le comportement délictueux ; il indique les pénalités applicables aux auteurs de chacune de ces infractions et mentionne, s'il y a lieu, les particularités procédurales qu'elle comporte. D'une façon plus brève, on dira que le droit pénal spécial consiste en l'étude analytique des diverses infractions, envisagées une à une dans leurs éléments particuliers et dans les modalités de leur répression.
De cette définition résulte une caractéristique qu'il faut dès maintenant souligner et qui fait la difficulté de la matière, en même temps qu'elle lui donne son originalité. Le droit pénal spécial prend, presque inéluctablement, l'aspect d'un catalogue, d'un répertoire des crimes, délits, et contraventions, difficiles à rattacher les uns aux autres. Le nombre des incriminations est immense et impossible à chiffrer exactement. Les lois et règlements ne cessent, chaque année, d'augmenter la cohorte des dispositions répressives : tout est matière à sanctions pénales, de l'organisation de la publicité jusqu'à la lutte contre les moustiques, de la protection des pigeons-voyageurs à l'exploitation des débits de boissons, de l'information des actionnaires d'une société anonyme à la répression du détournement d'aéronefs. La présentation d'ensemble de la matière est, par là, rendue très compliquée, voire impossible...
Mais peut-être la doctrine a-t-elle eu le tort de ne pas assez chercher à présenter, de cette matière, une systématisation qui aurait permis d'éliminer, au moins en partie, son manque d'homogénéité.

Signe Doctrine A.Vitu (Procédure pénale) Introduction : La procédure pénale ou criminelle est l'ensemble des règles juridiques qui ont pour objet la recherche et la constatation des infractions, le rassemblement des preuves établissant la culpabilité des délinquants, l'institution d'autorités et de juridictions habilitées à poursuivre et à punir ces délinquants, enfin l'élaboration des formes qui doivent être suivies devant ces autorités ou ces juridictions.
La procédure pénale constitue l'indispensable moyen d'expression du droit pénal. Elle est le trait d'union existant entre ces deux parties essentielles du droit pénal que sont l'infraction et la sanction pénale. Aucune peine, aucune mesure de défense sociale, ne peuvent en effet être appliquées à l'auteur d'une infraction, si une procédure ne s'est déroulée pour aboutir à une décision judiciaire. Le lien entre le droit pénal et la procédure criminelle est donc, on le voit, beaucoup plus étroit qu'entre le droit civil et la procédure civile ou entre le droit commercial et la procédure commerciale : car un procès civil ou commercial n'est qu'un accident exceptionnel dans l'ensemble des contrats et des situations juridiques multiples dont est faite la vie des individus, alors que le procès pénal est la suite logique de l'infraction et l'antécédent indispensable de la réaction sociale.
On comprend donc que, si les particuliers peuvent vivre sans grand inconvénient avec des lois de procédure civile ou commerciale imparfaites, il en va tout autrement de la procédure criminelle ; le meilleur Code pénal serait, en effet, voué à l'échec, si son exécution était arrêtée ou rendue incomplète par de médiocres règles procédurales. C'est dire l'importance de cette partie du droit dont l'étude sera faite dans le présent ouvrage.
Mais l'opposition entre la procédure civile ou commerciale et la procédure pénale doit être poussée plus loin, car il existe entre elles, non seulement une différence de degré, mais une véritable différence de nature. Le rôle du juge civil et celui du juge pénal se distinguent, en effet, fondamentalement par les buts qu'ils poursuivent. Alors que le premier peut, sauf en de rares matières, trancher le procès dont il est saisi sans connaître les parties, et donc sans que leur comparution personnelle soit indispensable, le magistrat pénal, au contraire, doit avoir, du délinquant qu'il juge, une connaissance approfondie et savoir quels sont sa personnalité, ses déficiences physiques, mentales ou caractérielles, le milieu familial et social dans lequel il vit. Tandis que le juge civil dit le droit et applique, à la solution d'une difficulté juridique, toutes les ressources de la logique, le juge criminel doit prononcer des mesures d'assistance, de surveillance, d'amendement ou d'élimination qui font de lui un technicien des sciences humaines. Est-il étonnant, dès lors, que l'on doive exiger du second d'autres connaissances techniques, d'autres préoccupations, que celles dont le premier doit faire preuve ?
Il faut aller plus loin encore pour saisir l'importance de la procédure criminelle. Alors que, dans le procès civil, ne sont en cause que des intérêts particuliers, le procès pénal met en jeu, d'une part, la tranquillité, l'ordre et la sécurité de la société tout entière et, d'autre part, le patrimoine, la liberté, la vie même de la personne poursuivie. Nulle part, peut-être, on ne voit s'affronter aussi visiblement la puissance publique et l'individu que dans le procès répressif. Et l'on peut dire, sans exagération, que la procédure criminelle est l'exact reflet des conditions dans lesquelles, dans un pays donné, sont conçues les relations de l'État et de l'être humain.
La procédure pénale est, en effet, le complément nécessaire des libertés publiques ; mieux encore, elle est par excellence l'expression même des libertés reconnues par le Pouvoir aux individus. Là où l'emprise de l'État sur l'être humain est portée à son maximum, l'intérêt de la société l'emporte tout au long du procès répressif : un déroulement rapide et secret, des pouvoirs considérables réservés aux magistrats, une certaine dépendance des juridictions à l'égard de l'exécutif, caractérisent alors la procédure criminelle ; tout est orienté vers une répression exemplaire et prompte, qui affermit les fondements de l'État. Tout autres sont les principes admis dans un Etat libéral et individualiste : on y limite étroitement les pouvoirs des juges ; on fait appel à une procédure publique et orale ; on assure l'indépendance des juridictions par un appel aux jurés populaires ; bref, la défense individuelle a le pas sur le seul intérêt de l'État.
Intérêt de la société, intérêt de l'individu, tels sont les deux éléments entre lesquels la procédure pénale doit établir un équilibre aussi stable et aussi équitable que possible. La conciliation de ces deux intérêts est d'ailleurs bien difficile à réaliser. Il faut, cependant, que certains principes indispensables soient toujours
observés : nécessité d'un jugement antérieur à l'infliction d'une sanction quelconque ; instruction préalable excluant systématiquement l'emploi de la contrainte ou de la torture, possibilité pour l'inculpé de faire valoir les éléments de sa défense à tous les stades du procès, organisation d'autorités et de juridictions aux pouvoirs nettement définis, exigence chez les magistrats d'une impartialité et d'une indépendance au- dessus de tout soupçon. Rien n'empêche ensuite le législateur d'organiser, dans le cadre ainsi établi, des règles procédurales assez simples pour faciliter la recherche de la vérité judiciaire, et assez rapides, dans leur mise en œuvre, pour ne pas affaiblir la valeur probante des témoignages ou des indices ou faciliter l'impunité des délinquants. À ces conditions peuvent alors être assurées la sécurité des individus et la sûreté de l'État.

VOLTAIRE François Marie Arouet (dit Voltaire)

Cf. Beccaria *, Brissot de Warville*, Holbach*, Montesquieu *.

Écrivain et polémiste français (1694 - 1778). Il fut l'un des membres les plus célèbres du siècle dit des "Lumières", et par suite l'un des maîtres à penser de la Révolution. De son temps, il s'illustra par ses combats contre ce qu'il considérait comme des erreurs judiciaires (affaire Callas, p.ex.), par ses commentaires sur livre de Beccaria « Des délits et des peines », par son approbation de l'ouvrage de La Mettrie intitulé « L'homme machine », et par ses relations suivies avec Frédéric de Prusse. Le meilleur de son œuvre semble être constitué par ses contes, en raison de la pureté et de l'élégance classique de son style.

Signe Doctrine Voltaire (Commentaire sur le livre "Des délits et des peines"), conclusion : La magistrature est si respectable, que le seul pays de la terre où elle est vénale fait des vœux pour être délivré de cet usage. On souhaite que le jurisconsulte puisse parvenir par son mérite à rendre la justice qu'il a défendue par ses veilles, par sa voix et par ses écrits. Peut-être alors on verrait naître, par d'heureux travaux, une jurisprudence régulière et uniforme...
De quelque côté qu'on jette les yeux, on trouve la contrariété, la dureté, l'incertitude, l'arbitraire. Nous cherchons dans ce siècle à tout perfectionner ; cherchons donc à perfectionner les lois, dont nos vie et nos fortunes dépendent.

Signe Doctrine Xavier Martin (Nature humaine et Révolution française) : On ne songe pas d'emblée, s'agissant de Voltaire, au matérialisme et à la négation sans fard du libre arbitre, et au mépris corrélatif de la nature humaine... S'il est vrai que l'intéressé a longtemps hésité à vraiment endosser des opinions réductrices d'aussi grave conséquence, il faut bien constater qu'il s'y est, pour finir, résolu sans ambages, et que l'archétype humain qui se précise au fil des ans dans son regard s'avère chez lui une bien pauvre chose, un jouet passif et dérisoire, offert à qui voudra et saura le manœuvrer.

VON JHERING  -  Voir : Jhering*.

VON LISZT Franz

Cf. Caroline*, Jhering*, Justinien*, Mommsen*, Mittermaier*, Prins*, Pufendorf*.

Pénaliste allemand (1851 –1919). Son « Traité de droit pénal allemand », dont la 17e édition (1908) a été traduite et publiée en français par R. Lobstein (1911), retient l’attention car il illustre la doctrine allemande en ce qu’elle a de meilleur. Le savant auteur s’efforce en effet d’atteindre un juste équilibre entre l’enseignement du droit allemand traditionnel et l’exposé de considérations relevant de la science criminelle la plus approfondie. Un ouvrage à consulter, d’autant qu’il comporte un premier volume consacré au droit pénal général et un second développant le droit pénal spécial, branche du droit criminel trop souvent négligée.

Signe Doctrine Garçon (Préface) : Le droit criminel a été étudié en Allemagne, pendant tout le XIXe siècle, avec une ardeur qui ne s’est jamais démentie ; et nulle part ailleurs, pas même en Italie, cette science n’a suscité tant d’efforts ni plus de travaux… La littérature allemande criminaliste allemande forme un ensemble d’une incomparable richesse.

Signe Doctrine Von Liszt (Traité précité) : La mission immédiate de la science du droit pénal peut se déterminer comme suit. Au point de vue de la pure technique juridique, considérer le crime et la peine comme des réalités tangibles en s’appuyant sur la législation pénale ; développer les diverses prescriptions de la loi en un système délimité, en remontant jusqu’aux dernières notions et aux derniers principes fondamentaux ; dans la partie spéciale du système présenter les diverses infractions et les diverses peines posées par la loi ; dans la partie générale, présenter la notion de l’infraction et de la peine elles-mêmes.
Comme science éminemment pratique, travaillant constamment pour les besoins de la jurisprudence et tirant constamment de cette dernière de nouveaux fruits, la science juridique doit être et rester la science systématique par excellence ; car seul le classement des connaissances en un système garantit la possession sûre et toujours disponible de tous les détails, sans laquelle la mise en pratique du droit n’est jamais qu’un dilettantisme livré à tous les hasards et à tous les arbitraires.

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