DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL
Dictionnaire des noms propres
- Professeur Jean-Paul DOUCET -
Sur l’importance du rôle social des auteurs évoqués ci-dessous, voir notre étude :
La doctrine est-elle une source du droit ?
Lettre M
MAÂT
Cf. Balances de la justice*, Confucius*, Justitia*, Jugement dans l'au-delà*, Thémis*, Thot*, Zoroastre*.
Voir :
Jugement des morts
Dans l’Égypte ancienne, Maât était la divinité attachée à la Vérité*, au Droit* et à la
Justice*. Par là même, c’est elle qui assurait le maintien de l’ordre et de l’harmonie sociale.
Elle était de ce fait la déesse tutélaire des magistrats investis de l’administration de la justice. Mais elle était aussi celle devant qui ils devraient, plus
tard, rendre compte des actes qu’ils auront accomplis en cette qualité.
Moret (Au temps des pharaons) : La loi morale, sur laquelle
veille Maït, peut se résumer en un précepte : « Pratiquer la Justice ; faire le Vrai ». Le Dieu, disent les textes, « crée la Justice,
vit de Justice, n’est que Justice ». L’homme respectera les lois de la nature et de la conscience : agir autrement, faire œuvre d’égoïsme, de violence,
d’injustice, ce serait fausser l’harmonie préétablie entre les hommes et les choses, contredire la vérité, altérer l’œuvre du Créateur. L’injuste ou le vicieux
oublie qu’il n’est qu’une parcelle du divin dans le divin total ; il dérange l’ordre de l’Univers, il « n’est pas dans le vrai ». Le juste continue
l’œuvre du créateur ; en pratiquant, la charité, la fraternité, la justice, il assure l’ordre commun et l’harmonie universelle.
Schumann Antelme et Rossini (Dictionnaire illustré des dieux de
l’Égypte) : L’adjectif Maâ, signifiant « juste », « vrai », « comme il faut », « véritable », « excellent », « vénérable », « en équilibre », « parfait », bref
toutes les valeurs positives, est à la base du nom de la déesse de la justice, de la vérité et de l’équilibre, ainsi que de l’ordre cosmique et social... Maât est
l’ordre de la création divine, opposé au chaos incréé, préexistant et toujours latent, que l’action de la déesse permet de juguler … Les hommes vivant selon Maât
peuvent espérer être justifié par le Tribunal d’Osiris lors de la psychostasie, être déclarés « bienheureux » et connaître une nouvelle existence dans l’au-delà.
Maât reflète le vieux rêve de l’humanité d’un monde juste et équilibré où chacun peut vivre heureux et en paix.
Isabelle Franco (Nouveau dictionnaire de mythologie
égyptienne) : Souvent considérée comme l’incarnation de la Vérité-Justice, Maât représente en réalité l’ordre cosmique, l’ordre politique, tel qu’il est
régi par le roi, mais aussi l’ordre social, tel qu’il est vécu par chaque individu. La déesse personnifie ce qui doit être accompli pour que l’univers existe, ce
qui signifie combattre les diverses manifestations du désordre.
MACHIAVEL
Cf. Dante*, Politique (politiciens)*, Politique criminelle*, Pouvoir*.
Machiavel (1469-1527), né à Florence comme Dante, fut tout comme ce dernier à la fois un homme politique et un écrivain. Son œuvre principale, Le Prince (1513), semble plus délicate à approfondir qu'il n'y paraît au premier abord ; il s'efforce de démonter les mécanismes de la politique de son temps, tout en essayant d'en atténuer la rigueur. Le principal reproche qui puisse lui être adressé paraît être d'avoir eu des formules qui situent les Grands de ce monde au dessus de la morale et des lois (mal qui sévit encore de nos jours en Italie comme en France).
Machiavel (Le
Prince - Dédicace au Magnifique Laurent de Médicis) :
Mon intention est que la nouveauté et la gravité de mon travail
le rende recommandable... Je ne voudrais pas qu'on m'imputât à
présomption de ce qu'étant de petite et basse condition, j'ose
pourtant discourir du gouvernement des Princes et en donner les
règles ; car comme ceux qui dessinent des paysages se tiennent
en bas dans la plaine pour contempler l'aspect des montagnes et
hauts lieux , et montent sur celles-ci pour mieux considérer les
lieux bas, de même pour bien connaître la nature des peuples, il
convient d'être Prince,et pour des Princes être du populaire.
Reçoive donc Votre Magnificence ce petit don que je Lui envoie ;
en le lisant et considérant avec attention. Elle y apercevra
l'extrême désir que j'ai qu'Elle parvienne à la grandeur que la
fortune et Ses autres qualités lui promettent.
Machiavel (Le
Prince - Chapitre XVII) : Tout Prince doit grandement
souhaiter d'être estimé pitoyable et non pas cruel ; néanmoins
il doit bien prendre garde de n'appliquer mal cette miséricorde.
César Borgia fut estimé cruel : toutefois sa cruauté a réformé
la Romagne, l'a unie et réduite à la paix et fidélité...
Le Prince ne se doit point soucier d'avoir le renom de cruauté
pour tenir tous ses sujets en union et obéissance ; car faisant
bien peu d'exemples, il sera plus pitoyable que ceux qui, pour
être trop miséricordieux, laissent se poursuivre les désordres,
desquels naissent meurtres et rapines ; car ceci nuit
ordinairement à tous les citoyens ensemble, mais les exécutions
qui viennent du Prince ne nuisent qu'à un particulier.
Proal (La
criminalité politique) : Le machiavélisme ne date pas de
Machiavel ; ce n'est pas lui qui l'a inventé, il n'a fait que
raconter ce qu'il a vu faire de son temps. Son seul tort (et il
est grand) est d'exploser la politique des violents et des
fourbes, sans la blâmer, et de montrer comment on peut tirer
profit de la cruauté et de la fourberie, pour conquérir ou
conserver le pouvoir.
Malaurie
(Anthologie de la pensée juridique) : Machiavel est ambigu,
d'une extraordinaire complexité : à la fois cynique et
idéaliste. Apparaît aussi comme une constante : ce qui
l'intéresse, c'est le pouvoir, pas sa légitimité. Il est
étranger aux questions de droit : il ne s'intéresse qu'au fait
du pouvoir.
MALESHERBES ( Chrétien Guillaume de Lamoignon de )
Cf. Censure*, Lettre de cachet* .
Magistrat et homme politique français (1721 – 22 avril 1794). Un honnête homme s'il en fut, un humaniste qui protégea Voltaire, Rousseau, Diderot, favorisa la publication de l’Encyclopédie, et contribua à faire pénétrer les idées nouvelles dans la politique criminelle du pouvoir. Du point de vue législatif, il lutta contre la censure, les lettres de cachet et le régime des prisons. Du point de vue judiciaire, il assura la défense de Louis XVI devant la Convention ; c’est pourquoi il fut guillotiné, avec une grande partie de sa famille : l’un des plus grands crimes de la Révolution.
Malesherbes (Mémoire sur la liberté de la presse) : Ce qui importe au
public, c’est que le vrai soit connu. Il le sera toujours quand on permettra d’écrire ; il ne le sera jamais sans cela. Si l’on défend de publier des erreurs,
on arrêtera les progrès de la vérité, parce que les vérités nouvelles passent toujours quelque temps pour des erreurs.
Malaurie (Anthologie de la pensée juridique p.115). Comme Cicéron, il fut
un martyre de la liberté et du droit. Il a été guillotiné pour avoir défendu Louis XVI dans un des procès les plus déshonorants que la France ait connus. Il a été
aussi l'auteur de l'édit de Tolérance et annoncé d'autres libertés - la liberté de la presse, la liberté de conscience, la liberté d'enseignement, les droits de
l'homme. à tous ces titres, il a été un grand juriste. Son sens de la liberté, il l'a montré comme directeur de la librairie (I), par ses "remontrances", par la
tolérance (III) et surtout comme défenseur de Louis XVI (IV). [voir dans cet ouvrage un portrait de Malesherbes et un choix de citation illustrant ces quatre
points]
Henri Martin (Histoire de France) : Quant à
Malesherbes, ce grand magistrat qui avait défendu les principes de justice et de liberté, qui avait été l’ami de Rousseau et de Diderot et leur protecteur contre
la persécution, l’envoyer au supplice à soixante-douze ans, c’était faire commettre à la Révolution un vrai parricide : c’était comme si l’on eût immolé le
dix-huitième siècle lui-même.
MANOU
Cf. Confucius*, Dracon*, Être suprême*, Hammourabi*, Maât*, Moïse*, Thot*, Zoroastre*.
Le recueil dit « Lois de Manou », rédigé en sanscrit, langue savante autrefois en vigueur aux Indes, remonte à l’époque où le système des castes s’est solidement implanté. Présenté d’origine divine, comme toute les lois primitives, il régissait l’ensemble de la vie sociale, spirituelle comme temporelle.
Sumner Maine (études sur l’ancien droit) : Au XVIIIe siècle,
subsistaient encore des ouvrages juridiques, d’origine prétendue sacrée, d’antiquité extrême, et d’obligation universelle chez les Hindous. Le plus vieux d’entre
eux, disait-on, avait été dicté par Manou, être divin que l’on associait mystérieusement à la création de toute chose; et on le représentait comme la base
indiscutée de l’ensemble du droit hindou et des institutions hindoues, comme la source de toute obligation civile pour une population de plus de cent millions
d’hommes.
Ahrens (Cours de droit naturel) : Le code de Manou est une
législation à la fois religieuse et politique ; il règle les plus minutieux détails de la vie sociale., de la famille et de l’activité individuelle, et
comprime tout essor. Cette législation, malgré sa haute antiquité, paraît cependant appartenir à l’époque où la caste des prêtres entreprit de consacrer par des
lois la domination morale et politique qu’elle avait acquise en fait.
Proal (Le crime et la peine) : Les anciens législateurs et fondateurs
de religions avaient tous compris que la justice est d’origine divine. Voilà pourquoi ils disaient que les lois qu’ils donnaient leur avaient été communiquées par
la divinité. Ils comprenaient comme nous que, au-dessus des législations positives, il y a un droit idéal; une justice supérieure; ils ne confondaient pas, comme
les utilitaires modernes, la justice avec la légalité … Manou recommande au roi de juger d’après la loi éternelle … Ses lois contiennent aussi des règles très
sages il est recommandé au juge d’infliger une peine exactement proportionnée, d’examiner toutes les circonstances qui peuvent aggraver la culpabilité, notamment
la récidive, le lieu, le moment, le mobile du crime, les facultés mentales de l’accusé.
J.Auboyer (La vie quotidienne dans l'Inde ancienne) :
L'ouvrage le plus connu de l'Inde ancienne est sans doute le Manavadharmaçastra,
plus communément appelé « Lois de Manou », dont le quart environ est consacré à
des questions juridiques ; il est sûrement antérieur au IIe siècle avant l'ère chrétienne.
MARAT Jean-Paul
Cf. Beccaria*, Brissot de Warville*, Holbach*, Montesquieu*, Voltaire*.
Voir :
Marat, Des principes fondamentaux d'une bonne
législation
Homme politique (né en Suisse en 1743 - mort à Paris en 1793). Sa biographie est trop connue pour que l'on s'y arrête ici. Au regard du droit criminel il convient toutefois de relever que, avant d'être atteint par les troubles mentaux qui marquèrent la fin de sa vie et eurent des conséquences si funestes, il fut l'auteur d'un « Plan de législation criminel » dont certains aspects méritent encore de retenir l'attention.
Marat (Plan de législation criminelle) : Les lois criminelles,
nécessairement liées au système politique, ne doivent jamais choquer la nature du gouvernement : un même code ne saurait donc convenir à toutes les nations. Mais
en cherchant les convenances particulières, souvent on oublie la justice ; or, je dois prévenir mes lecteurs, que n'ayant écouté que sa voix, c'est pour des hommes
libres que j'écris.
Les mœurs seules pourraient maintenir le bon ordre de la société ; lorsqu'elles sont dépravées, il faut que la crainte des châtiments y supplée : ce qui multiplie
nécessairement les lois.
Plus une société s'agrandit, et plus les rapports de ses membres s'étendent ; plus on peut en troubler l'ordre à différents égards : ainsi telles lois qui
suffiraient à un peuple naissant ou peu nombreux, ne suffisent point à une nation nombreuse, ou dès longtemps civilisée.
Une matière aussi intéressante que celle dont il s'agit, devrait être traitée avec certaine étendue ; il importe qu'il n'y ait rien d'obscur, d'équivoque,
d'arbitraire dans l'idée qu'on se fait des délits et des peines ; ce qui demande nécessairement des détails. Quelque peu détaillé néanmoins que soit un code
criminel, il n'est guère possible de le renfermer dans les bornes d'un simple mémoire : on doit donc s'attendre à ne trouver dans celui-ci que l'exposé des
principes qui en font la base, l'esprit des lois criminelles, si je puis m'exprimer de la sorte.
Lorsqu'on traite chaque cas séparément, il s'en trouve de si compliqués, qu'ils échappent au législateur le plus sagace ; inconvénient qu'on évite toujours en
distinguant les délits par leurs genres, leurs espèces, leurs objets, leurs nuances : aussi, ai-je constamment suivi cette méthode.
Le Bon (Les Révolutions) : L’amour-propre blessé et la jalousie
furent sous la Révolution les causes de haines que nous ne comprenons guère aujourd’hui, où l’influence sociale de la noblesse est si nulle. Plusieurs
conventionnels, Carrier, Marat, etc., se souvenaient avec irritation d’avoir occupé des positions subalternes chez de grands seigneurs.
Proal (La criminalité politique) : Marat écrivait, dans "l'Ami du
peuple" du 8 février 1791, il s'agit du salut du peuple ; devant cette loi suprême toutes les autres doivent se taire et, pour sauver la patrie, tous les moyens
sont bons, tous les moyens sont justes, tous les moyens sont méritoires.
Bouillier (Questions de morale) : Quelques assassins
politiques ont cru peut-être bien mériter de leur pays en enfonçant un poignard dans le sein de tel ou tel tyran. Plus la victime est odieuse, comme Marat par
exemple, plus l'assassin est assuré de l'indulgence ou même des sympathies et de l'admiration des contemporains et de la postérité. Telle est Charlotte Corday, cet
ange de l'assassinat, comme l'a dit Lamartine alliant en son honneur deux mots qui se repoussent mutuellement. Cependant, ce n'est pas à la première pensée qui lui
en est venue à l'esprit que l'assassin politique s'est persuadé qu'un ordre du ciel, que sa conscience lui faisaient un devoir de frapper et de tuer de sa propre
autorité. Sa conscience ne s'est-elle pas d'abord révoltée ou troublée ? Avant de se faire à cette pensée, il a hésité, il a lutté. Que n'a-t-il écouté sa
conscience alors qu'elle n'était pas entièrement faussée ? Pourquoi s'est-il grisé en quelque sorte de la pensée du crime ?
MARC-AURÈLE
Cf. Aristote*, Cicéron*, Platon*.
Empereur romain (né le 26 avril 121 - mort le 9 avril 180). Il constitue un cas unique : monarque d'un immense empire, il fut aussi un philosophe stoïcien éminemment digne d'admiration. Il a consigné ses réflexions dans un ouvrage intitulé « Pensées pour moi-même », qui demeure l'un des grands classiques de la littérature mondiale du fait qu'il a été écrit par un homme qui n'est pas resté cloitré tout au long de sa vie dans son cabinet de travail, mais qui se trouvait chaque jour confronté aux innombrables difficultés de la vie en société, et aux furieuses attaques dont son pays faisait l'objet.
Marc-Aurèle (Pensées
pour moi-même) : Si quelqu'un peut me convaincre et me
prouver que j'agis mal, je serai heureux de me corriger. Car je
cherche la vérité, qui n'a jamais porté dommage à personne...
Pour moi, je fais mon devoir.
Malepeyre (Précis
de la science du droit naturel) : L'esprit de cet Empereur
était plus vaste que l'empire qu'il gouvernait ; ce sage
couronné a fait à juste titre l'admiration de ses contemporains
; car un empereur philosophe est un prodige que l'humanité cite
avec fierté. Il pensait que l'ignorance est la cause de tous les
maux qui affligent l'humanité, et que le méchant n'est tel que
parce qu'il ne sait pas discerner le mal du vrai bien... Selon
ses termes, "Vous ne trouverez rien de mieux que cette partie de
la Divinité qui a son temple au dedans de vous-même ; préférez
ce bien à tout autre, et sachez vous y attacher avec
persévérance".
Mario
Meunier (Préface à l'édition Flammarion) : Une vie de
Marc-Aurèle reste l'introduction la meilleure pour la
compréhension de ce journal intime que sont ses "Pensées", de ce
livre émanent des énergies secrètes qui firent de son âme un
incomparable amalgame de douceur et de gravité, de justice et de
clémence, de noblesse et de modestie, de bonté et de fermeté, et
qui surent colorer de l'éclat que rayonne la richesse
intérieure, les décisions, les actes et la conduite pratique
d'une vie consacrée tout entière au bien des homme et au salut
de l'Empire.
Léon
Homo (Nouvelle histoire romaine) : La justice fut, comme
on pouvait s'y attendre, la sphère de prédilection de
Marc-Aurèle. Il la pratiqua avec assiduité et s'efforça de faire
pénétrer dans la législation les principes nouveaux de moralité
et d'humanité qui formaient l'essence même de sa noble nature.
MAXWELL Joseph
Cf. Ferri*, Lombroso*, Tarde*.
Voir :
Maxwell - Le criminel d'habitude
Voir :
Maxwell - Le criminel d'occasion
Né en1858, mort en 1938. Juriste de formation, il obtint en outre le grade de docteur en médecine. Il fut procureur général près la Cour d'appel de Bordeaux. S'il compléta ses connaissances par l'étude la médecine, ce fut afin de mieux pénétrer la notion de responsabilité pénale des prévenus atteints de déficience mentale. Celui de ses ouvrage qui intéresse le plus les criminologue est sans doute celui intitulé « Le crime et la société » édité en 1909.
Maxwell (Le crime et la société) : Je crois que l'unique moyen
d'étudier avec précision le phénomène social de la criminalité, est de vivre en contact avec les criminels et de les observer ; je partage, sur ce point, le
sentiment de M. Durkheim ; les phénomènes sociaux sont des faits naturels et doivent être étudiés selon la méthode naturelle, c'est-à-dire l'observation, et
l'expérimentation lorsqu'elle est possible ; l'effet des lois pénales, souvent contraire à celui que recherchait le législateur, permet de véritables expériences
en matière de sociologie criminelle ; malheureusement, ce ne sont pas seulement les lois pénales qui réagissent sur la criminalité; les lois civiles ont un
retentissement semblable.
Le sujet de ce livre forme ce qu'on est convenu d'appeler la sociologie criminelle ; c'est une faible partie de la sociologie proprement dite ; mais c'est la plus
facile à isoler théoriquement et à soumettre à l'analyse. Je dis théoriquement, car, en réalité, la criminalité n'est pas indépendante de l 'état social ; elle est
une des manifestations de la vie collective. Je montrerai qu'il ne peut pas y avoir de criminalité en dehors d'un état social quelconque ; elle existe déjà chez
les animaux qui vivent en société.
La sociologie criminelle ne comprend pas l'étude complète du problème de la criminalité ; elle ne s'occupe que des rapports de l'infraction et de son auteur avec
la société ; elle étudie le crime, en donnant à ce mot le sens le plus large, au point de vue objectif. Les conditions dans lesquelles l'acte criminel se détermine
chez son auteur, c'est-à-dire l'étude de la volonté manifestée dans cet acte, est réservée à la psychologie criminelle, dans la mesure où cette science peut être
distraite de la psychologie proprement dite.
MAZEAUD Henri
Cf. Domat*, Planiol*, Pothier*.
Voir :
H. Mazeaud, La règle morale et la règle de droit
Né en 1900, mort en 1993. Professeur de droit civil à la Faculté de droit de Lille puis à la Faculté de droit de Paris. Il fut, non seulement un enseignant exceptionnel, mais aussi un auteur dans la grande tradition des jurisconsultes romains. Il s'efforça de faire reposer les règles juridiques sur les normes morales, ce qui explique probablement l'importance de ses recherches sur la notion de faute (en collaboration avec son frère jumeau Léon). Il fut mon professeur de droit civil tout au long de mes études de licence ; puis il me fit l'honneur d'accepter de diriger ma thèse de doctorat. Son abord sévère cachait une grande sensibilité et une profonde sollicitude envers ses étudiants. Il aurait pu avoir pour devise : la science en accord avec la conscience grandissent l'âme.
H.Mazeaud (Cours de droit civil) : La faute est une erreur de
conduite telle qu’elle n’aurait pas été commise par une personne avisée placée dans les mêmes circonstances externes que l’auteur du dommage.
Henri et Léon Mazeaud (Traité de la responsabilité civile délictuelle et
contractuelle). Préface de la 1e édition : Les historiens n'usent pas assez de la source d'information qui se trouve dans la jurisprudence des tribunaux. En
observant la nature et la fréquence des litiges portés devant les magistrats, on pourrait retracer la vie économique et sociale d'un pays aux diverses époques.
Cette étude permet de saisir sur le vif les répercussions des lois et des faits sur les rapports des individus.
Henri, Léon et Jean Mazeaud (Leçons de droit civil). Avant-propos de la 4e
éd. : Dans l'avant-propos de la première édition des "Leçons de droit civil", nous avons précisé notre but : donner aux étudiants un instrument de travail
leur facilitant la connaissance du droit civil. Ce but demeure pour nous le premier : notre livre doit rester un livre d'enseignement. Mais parce que les règles du
droit sont celles-là mêmes qui gouvernent la vie des hommes, leur enseignement et leur application ne peuvent être séparés. Les étudiants puiseront dans les
"Leçons de droit civil" la connaissance des problèmes juridiques ; les praticiens y trouveront les solutions des questions qu'ils doivent résoudre.
MERLE Roger
Cf. Levasseur*, Perreau*, Vitu*.
Voir :
R. Merle, L'acte pénal
Voir :
R. Merle, La théorie de la causalité
Avocat et Professeur de droit pénal à la Faculté de droit de Toulouse (1922 - 2008). À la fois praticien et théoricien du droit criminel, il avait su pénétrer au cœur de la matière, comme on avait pu le constater dans son ouvrage consacré au "Droit pénal général complémentaire", publié aux éditions Thémis en 1957. Mais c'est dans le "Traité de droit criminel" (éd. Cujas), ayant donné lieu à plusieurs édictions, qu'il écrivit avec le Professeur André Vitu, qu'il donna toute la mesure de ses qualités de pénaliste. Sans doute ces qualités n'étaient-elles pas étrangères au fait que, profondément catholique, il se faisait une haute idée de la dignité de la personne humaine.
Merle ((La pénitence et la peine) : Concrètement la punition doit être
capable de remplir plusieurs fonctions. Elle doit restaurer l'ordre public en empêchant le délinquant de continuer à nuire s'il est dangereux (à cet égard, la
prison est toujours nécessaire) ; souligner par un signe extérieur visible de tous la réprobation du crime ; placer le condamné dans une situation pénitentielle ;
car le but imminent de la peine est la conversion intérieure et une sérieuse garantie de sa durée.
En toute hypothèse, punir c'est infliger une souffrance. Le châtiment est par nature afflictif dans la mesure où il comporte blâme social, privation d'un bien ou
d'un droit, obligation de se soumettre à des contraintes. Cependant, les rapports entre la punition et la souffrance ont été souvent mal compris. Il n'est pas
absolument inéluctable que la souffrance soit intense. Il faut même éviter qu'elle soit incompatible avec le rachat du délinquant.
Jean Foyer (Préface aux Mélanges offerts à Roger Merle : "La plume et la
parole") : Roger Merle n'est point seulement un juriste éminent, mais aussi, indivisément, homme de lettres, soucieux de son style et de son langage dans ses
écrits juridiques, mais n'hésitant point à exercer l'art de la plume en des genres tout différents et qui le font avec bonheur, historien, philosophe et même
théologien.
MERLIN Philippe Antoine ( dit Merlin de Douai )
Cf. Code des délits et des peines*, Morin*.
Homme politique et juriste français, né en 1754 à Arleux et mort à Paris en 1838. Fils d'un agriculteur, il fit ses études au collège de Douai. Après avoir suivi des cours de droit, il devint avocat au Parlement local. Député aux États-Généraux de 1789, il siégea successivement à l'Assemblée constituante puis à la Convention ; c'est lui qui fut le rapporteur du Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV. Il devint Ministre de la Justice, et enfin Procureur général à la Cour de cassation, ce qui explique sa parfaite connaissance de l'Ancien droit, du droit intermédiaire puis du droit issu de la législation napoléonienne. Il laissa deux ouvrages monumentaux : un "Recueil alphabétique des questions de droit" en 8 volumes, et surtout un "Répertoire universel et raisonné de jurisprudence" en 18 volumes qui connut 5 éditions ; ces travaux présentent l'intérêt d'illustrer la mise en place du droit criminel issu de la Révolution. On lui reproche toutefois de n'avoir pas eu une conscience morale à la hauteur de ses connaissances juridiques, contrairement à Papinien ; c'est en effet lui qui rédigea la terrible "Loi sur sur les émigrés". Sur la fin de sa vie il n'en devint pas moins membre de l'Académie des sciences morales et politiques.
Merlin (Répertoire), pour donner un exemple du contenu de cet ouvrage : Le
criminel emporte le civil ; l'action civile doit réussir si l'action publique qui lui est préjudicielle réussit, et échouer si l'action publique échoue ; par
conséquent, le jugement rendu sur l'action publique reçoit à l'action civile une application nécessaire et forcée.
Proal (La criminalité politique) rapporte que, si science était grande, sa
moralité laissait à désirer car il était prêt à tout pour arriver : Merlin, qui a été procureur général à la cour de cassation, prêta sa grande science du droit
et sa merveilleuse habileté de légiste à la confection de ce
chef-d'œuvre de la tyrannie odieuse qu'est la loi des suspects. Le chancelier Pasquier a dit de lui :
"Je n'ai jamais connu un homme qui eût moins le sentiment du juste et de l'injuste. Tout lui semblait bon et bien, pourvu que ce fût une conséquence d'un texte".
Au 18 fructidor, celui que Toullier appelait le Prince des jurisconsultes prépara avec les Directeurs qui firent ce coup d'État, le projet de loi qui prononça la
déportation d'un grand nombre de membres du Conseil des Cinq cents, du Conseil des anciens et de deux directeurs modérés Carnot et Barthélemy.
Warée (Curiosités judiciaires) : Philippe-Antoine Merlin, né à Arleux en
1754, mort à Paris le 26 décembre 1838. A trente ans il était regardé comme une autorité dans toute la France. Député en 1788 par le bailliage de Douai, il fut
l'un des rédacteurs du rapport qui, dans la nuit du 4 août, abolit la féodalité. Il le fut également de la fameuse loi des suspects, qui pèsera éternellement sur
sa mémoire.
MINOS
Cf. Dracon*, Égérie*, Gortyne (Lois de)*, Jugement dans l'au-delà*, Matt*, Moïse*, Salomon*, St Yves*.
Minos est le roi et législateur légendaire de la Crète (il semble avoir fondé une dynastie, ses successeurs portant tous ce même nom de Minos). Selon la mythologie son sens de la justice en fit, après sa mort, le Juge des Enfers avec Rhadamanthe et Éaque. Il est surtout connu de nos jours par la description qu’en fait Dante dans la Divine comédie (voir ci-dessous).
Grimal (Dictionnaire mythologique) : Minos passe pour avoir civilisé
les premiers Crétois, avoir régné sur eux avec justice et douceur, et leur avoir donné d’excellentes lois. Ces lois étaient si remarquables qu’elles étaient
considérées comme directement inspirées par Zeus.
Paul
Faure (La vie quotidienne en Crète du temps de Minos) : Minos
va consulter Zeus dans sa caverne de l'Ida. Il parle au Dieu,
son père, face à face, et reçoit de lui les lois les plus justes
et les plus sages du monde.
Fustel de Coulanges (La cité antique) : Le mode de génération des
lois anciennes apparaît clairement. Ce n’est pas un homme qui les a inventées. Solon, Lycurgue, Minos, Numa ont pu mettre en écrit les lois de leurs cités ; ils ne
les ont pas faites. Si nous entendons par législateur un homme qui crée un code par la puissance de son génie et qui l’impose aux autres hommes, ce législateur
n’exista jamais chez les anciens. Longtemps les lois se présentent comme quelque chose d’antique, d’immuable, de vénérable. Aussi vieilles que la cité, c’est le
fondateur qui les a posées, en même temps qu’il instituait la religion.
Dante (La
divine comédie - L’enfer) : À l’entrée du second cercle,
Minos se tient là, horrible et grinçant des dents ; il examine les fautes, il juge et assigne les places. Je veux dire que lorsque l’âme maudite comparaît
devant lui, elle se confesse entièrement, et cet inquisiteur des péchés voit quel lieu de l’enfer lui convient.
MITTERMAÏER Carl Joseph
Cf. Jhering*, Mommsen*, Von Listz*.
Voir :
Mittermaier, L'importance des règles de preuve dans le
procès pénal
Voir :
Mittermaïer, La force probante des constatations
faites par le juge lui-même
Juriste allemand qui passa l'essentiel de sa vie à Heidelberg (1787 - 1867). Il fut professeur de droit à Innsbrück, puis à Bonnn et enfin à Heidelberg où il obtint une chaire en 1834. Il fut considéré comme l'un des plus éminents jurisconsultes de son temps, ce qui ne saurait surprendre lorsqu'on lit le passage reproduit ci-dessous. On lui doit notamment, outre un « Manuel de procédure criminelle », un « Traité de la preuve en matière criminelle » qui a heureusement été traduit en français en 1848 par C-A. Alexandre.
Mittermaïer (Traité de la procédure criminelle en Angleterre - Introduction)
:
Influence des théories et lois pénales sur la procédure criminelle.
La loi de progrès de toutes les institutions n'est autre que la loi de progrès de l'homme lui-même. Le christianisme contient la suprême formule de cette
double loi. Celle religion par excellence de l'âme et de la liberté tient avant tout compte de l'essence morale de l'homme, rejetant tous les moyens de le
gouverner indignes de sa haute nature. Par suite, plus l'humanité, avançant dans la voie des lumières et de la moralité, se laisse pénétrer par l'influence
chrétienne, plus elle sent le besoin de perfectionner ses institutions. Le christianisme, avant tout, respecte la personnalité humaine, à la fois intelligente et
morale, et élève le sentiment de la responsabilité ; de là aussi il favorise plus que toute autre religion la liberté civile et politique, qui s'appuie sur celle
personnalité et sur ce sentiment. Répugnant aux moyens purement extérieurs de contrainte et de force matérielle, il les tolère au sein de la société civile, mais
dans la mesure où ils sont rendus nécessaires pour arrêter ou réprimer les instincts pervers et corrompus de l'homme.
C'est le christianisme qui, distinguant nettement l'élément spirituel de l'élément matériel delà nature humaine, et faisant à l'un et à l'autre sa juste part,
permet d'établir entre eux une harmonie parfaite et de créer un ordre social l'emplissant les conditions les plus propres à assurer un semblable accord.
Cette conciliation, qui prépare le triomphe définitif de l'élément spirituel, est, dans tous les temps, l'œuvre du législateur, et suivant qu'elle se trouve
réalisée d'une manière plus ou moins complète, la civilisation progresse ou décline.
Le droit criminel est la branche de la législation où cette conciliation présente le plus de difficultés. Il y a ici une sorte de prédominance de l'élément
matériel, laquelle résulte de la nature des choses et dont il paraît impossible de ne pas se préoccuper. Par suite, il est plus important ici que partout ailleurs
de trouver la juste mesure. C'est le christianisme qui la fournira ; mais l'histoire montre qu'il ne pourra le faire qu'à la longue, d'une manière indirecte, en
pénétrant insensiblement les lois humaines de son esprit. C'est ainsi qu'on voit, pendant tout le cours du moyen âge, un état de lutte et d'antagonisme se
prolonger dans la législation criminelle, entre l'élément chrétien et l'élément barbare. La victoire du premier n'est obtenue qu'au prix d'efforts continus et par
un travail incessant de conciliation entre les deux éléments.
La religion de l'Évangile, au lieu d'essayer une révolution radicale dans les mœurs et dans les lois, s'attache plutôt à les imprégner de sa vertu vivifiante. De
là un lent perfectionnement, auquel il est donné à tous les peuples de concourir, mais qui n'atteindra son dernier terme qu'alors que l'esprit aura fini par
triompher pleinement de la matière, le droit de la force, l'intérieur de l'extérieur de l'homme, l'harmonie finale ne se comprenant pas sans cette subordination
d'un des éléments à l'autre.
Le christianisme ouvre ici la voie véritable du progrès et prévient les déviations auxquelles se laissent entraîner les doctrines philosophiques. Lui seul, tenant
suffisamment compte de la liberté et de la responsabilité humaine, fait prévaloir une justice une et absolue, ne relevant que de la conscience et mesurant le
châtiment sur la faute non sur ses résultats. Cette justice s'inspire, en un mot, uniquement du grand principe de l'imputabilité morale, qui s'attache moins au mal
causé qu'à la faute elle-même, au degré de perversité de l'agent.
MODESTIN (Herennius Modestinus)
Cf. Digeste*, Gaïus*, Jurisconsultes*, Papinien*, Ulpien*.
Jurisconsulte romain du IIIe siècle, il fut un disciple d'Ulpien. Sa vie est peu connue, quoique l'on sache qu'il fut nommé Consul par Alexandre Sévère en l'an 228. Mais ses écrits, qui attestent de sa notoriété, sont fréquemment cités dans le Digeste de Justinien. Il fut retenu dans la « Loi des citations » comme étant l'un des auteurs dont les opinions avait quasiment force de loi.
Digeste. 34. Modestin au livre des Règles. Celui-là commet une
fornication qui retient auprès de lui une femme libre pour vivre aveu elle, et non pour en faire son épouse... L'adultère se commet avec une femme mariée, la
fornication avec une veuve, ou une vierge, ou un enfant.
Digeste. Modestin (T.IX) : La peine du parricide par l'institution
des ancêtres est telle : Le parricide est battu de verges teintes de son sang, ensuite on le coud dans un sac, avec un chien, un coq, une vipère et un singe, le
sac est jeté dans la mer profonde, si la mer est très proche : autrement il est jeté aux bêtes par la constitution d'Adrien... L'homme en démence, qui dans
sa fureur aura tué son ascendant, ne sera point puni ; ce qu'ont déclaré par un rescrit les divins frères à l'égard d'un homme qui, dans une fureur de démence,
avait tué sa mère : car il suffit qu'il soit puni par sa fureur même ; il doit être gardé avec plus de soin ou même enchaîné.
MOÏSE
Cf. Dracon*, Égérie*, Etre suprême*, Hammourabi*, Minos*, Salomon*, Thot*.
Voir : Doucet, " La loi pénale " n°109.
Voir :
Les Dix commandements
Législateur d’Israël (XIII e siècle av. J-C). C’est à lui que Yahvé remit les Tables de la loi sur le Mont Sinaï. On parle du Décalogue ou des Dix commandements ; lesquels ont été quelque peu remaniés par l’Église catholique à la suite de l’enseignement du Christ. Plusieurs d’entre eux concernent directement le droit criminel (p.ex. : Tu ne tueras pas).
Carbonnier (Droit civil) : Le droit s’incarne pour le peuple
dans le législateur et dans le juge (Moïse et Salomon, Solon et Minos).
Ancien Testament (Exode, 19-20) : Le matin, il y
eut des coups de tonnerre, des éclairs et une épaisse nuée sur la montagne, ainsi qu’un puissant son de trompe et dans le camp tout le monde trembla… La montagne
était toute fumante, parce que Yahvé était descendu dans le feu ; la fumée s’en élevait comme d’une fournaise et toute la montagne tremblais violemment. Le
son de trompe allait en amplifiant… Yahvé appela Moïse au sommet de la montagne, Moïse monta… Dieu dit… [voir les Dix commandements]
MOMMSEN Theodor
Cf. Droit (histoire du)*, Esmein*, Jhering*, Von Liszt*.
Juriste allemand (1817 – 1903), Professeur de droit romain, puis d’histoire romaine. Prix Nobel de littérature en 1902 (ce qui n’est pas un mince exploit pour un juriste), il a exercé de son temps une profonde influence sur les sciences historiques. Ses deux principales œuvres sont une « Histoire romaine » et un traité de « Droit public », auquel il a rattaché un traité de « Droit pénal romain » (trois volumes traduits en français par J. Duquesne, et publiés à Paris en 1907). Par la richesse de sa documentation, et en dépit de son ancienneté, ce dernier ouvrage demeure un précieux documents de travail pour accéder aux sources de notre droit criminel.
Carcopino (Vie et œuvre de Th. Mommsen) : Toute une congrégation de
Bénédictins n’aurait pu suffire à édifier son œuvre... Par dessus toutes les frontières, et pour tous les érudits de la terre, il est le maître incontesté de
l’Antiquité, l’incarnation de l’histoire romaine.
Discours de réception prononcé lors de la remise du Prix
Nobel : Son « Histoire romaine » se caractérise autant par une érudition solide et vaste que par une présentation forte et vivante. En dominant
une documentation prodigieuse, Mommsen réunit la rigueur critique, la méthode stricte, l’ardeur juvénile et la forme artistique qui, seule, peut rendre une
description vivante et attachante. Il arrive à séparer l’essentiel du secondaire, et l’on ne sait ce que l’on doit admirer davantage de sa vaste érudition, de son
bon sens ordonné, ou de son aptitude à faire naître, de faits soigneusement examinés, des images pleines de vie.
MONTESQUIEU ( Charles de Secondat, baron de la Brède et de )
Cf. Aristote*, Beccaria*, Doctrines criminelles*, Séparation des pouvoirs*, St Thomas d'Aquin*.
Voir :
Page de titre de "L'esprit des lois"
Voir :
Séparation des pouvoirs ou séparation des fonctions ?
Philosophe et publiciste français, né au château de la Brède près de Bordeaux en1689, est mort en 1755. Il fut nommé en 1714 Conseiller au Parlement de Bordeaux, et devint président à mortier en 1716. Son principal ouvrage, intitulé « De l’esprit des lois », intéresse le droit criminel en ce qu’il précise, de manière magistrale, la nature et l’étendue des intérêts juridiques que le législateur doit protéger pour assurer le bon équilibre de la société. Par ailleurs, mieux qu’Aristote, il a su montrer que les trois fonctions rationnelles de législation, de justice et d’administration publique doivent être confiées à trois pouvoirs indépendants l’un de l’autre et dotés des moyens suffisants pour remplir pleinement leur mission (principe qui a inspiré le plan de ce site). Surnommé « le Législateur du genre humain », son influence sur la civilisation occidentale a été considérable ; mais moindre qu’elle aurait dû être, peut-être parce qu'il écrivit en retrait de sa pensée de peur de la censure (le deuxième volume de son ouvrage est curieusement placé sous l'égide du grand Atlas).
Montesquieu (De l’esprit des lois) : C’est de la bonté des lois
criminelles que dépend principalement la liberté du citoyen. Les connaissances que l’on a acquises dans quelque pays et que l’on acquerra dans d’autres sur les
règles les plus sûres que l’on puisse tenir dans les jugements criminels, intéressent le genre humain plus qu’aucune autre chose qu’il y ait au monde.
Malaurie (Anthologie de la pensée juridique) : Montesquieu n'est pas
à proprement parler un grand juriste. Il est autre chose, un ensemble complexe : un aristocrate de l'humanisme, subjugué par l'antiquité grecque et romaine et par
l'Angleterre ; un sociologue du droit ; un comparatiste ; un politologue ( à ces trois égards c'est un innovateurs) ; un historien du droit (assez approximatif) ;
un philosophe du droit ( à la langue simple et élégante, ce qui n'est pas courant).
Larrère (Dictionnaire
de philosophie politique) : L'examen des différentes thèses
sur son œuvre ... fait apparaître l'importance chez Montesquieu
d'une philosophie morale. La prendre en considération permet de
comprendre la dualité, qui lui est souvent objectée, d'un
déterminisme social et d'une philosophie de la liberté, d'une
théorie des causes et d'une considération des fins.
MORIN Pierre Achille
Cf. Faustin Hélie*, Merlin*, Ortolan*.
Voir :
Morin, L'amnistie selon la science criminelle
Voir :
Morin, Le double degré de juridiction
Magistrat français, né à Rouen en1803, et mort dans la même ville en 1874). Il fut avocat à la Cour de cassation et au Conseil d'État. Il a grandement mérité de la science criminelle en nous laissant un « Répertoire général et raisonné du droit criminel » où sont méthodiquement exposées la législation, la doctrine et la jurisprudence sur tout ce qui constitue le grand et le petit criminel (4 volumes, Paris 1850). L'un des principaux mérites de cet ouvrage, classé par ordre alphabétique, est de nous rapporter l'histoire des principales institutions pénales depuis le droit romain.
Morin (Répertoire du droit criminel - Avertissement de l'auteur) :
Le droit criminel, assurément, est l’une des plus importantes branches de la législation générale. Intimement lié au droit public, qui fixe les conditions de
l’association politique et les droits de tous, il sanctionne les devoirs respectifs du gouvernement et des citoyens, il assure la défense sociale et les libertés
publiques; en distinguant ce qui est défendu de ce qui demeure permis, en donnant aux magistrats les moyens nécessaires de répression et aux individus les
garanties d’une bonne justice.
La science du droit criminel, ainsi que l’a dit Montesquieu intéresse tout le genre humain ; car il y va de la sécurité publique, du repos de chacun, de la
liberté ou de l’honneur et parfois même de la vie des citoyens...
Cependant, qu’il me soit permis de le dire, le droit criminel n’est pas étudié ou connu comme il devrait l’être. Les jurisconsultes romains, si savants
d’ailleurs, l’avaient négligé, sans doute, à raison de ce qu’il subit fatalement l’influence de la politique et de ses variations, quoiqu’il ait quelques principes
immuables. Nos anciens criminalistes étaient fort érudits ; mais la législation criminelle était trop arbitraire, alors, pour que leurs écrits répandissent partout
la lumière. De profonds publicistes ont disserté sur le droit criminel et provoqué d’importantes réformes ; mais il en est peu dont des œuvres soient un guide sûr
pour l’explication des lois actuelles…
Les esprits superficiels se persuadent que la loi pénale distingue simplement le juste de l’injuste, que la distinction est dans la conscience de chacun et
n’exige pas de longues études ; que les lois d’instruction et de procédure criminelle tracent en tous points la marche des procès, qu’il n’y a qu’à les lire et
qu’un défenseur habile domine toujours les difficultés d’application. C’est une erreur profonde, dont les effets sont déplorables...
La législation pénale, dans la marche du temps, a varié comme les mœurs et les institutions. Pour en bien apprécier les progrès, il faudrait connaitre les lois
criminelles des Romains, adoucies, par le christianisme ; celles des Germains et des Francs ; avec leur système différent ; les constitutions, capitulaires, édits,
déclarations, etc., qui composaient notre ancien droit ; les écrits-des publicistes modernes, qui ont assigné de nouvelles bases au droit de punir ; les lois et
codes qui se sont succédé depuis 1789 ; les discussions et les rapports qui ont expliqué ces changements successifs, et cette foule de lois spéciales qui ont une
si grande part dans la législation criminelle…
Comment réunir les milliers de livres où se trouvent ces lois diverses, ces documents explicatifs, ces commentaires, et ces arrêts ? La difficulté est extrême, à
en juger seulement par le tableau des ouvrages que nous citons. [l'ouvrage
cité est justement remarquable par la richesse de sa documentation, qui nous permet
de mieux comprendre l'évolution du droit criminel]
MUYART DE VOUGLANS Pierre-François
Cf. Ayrault*, Denisart*, Doctrines criminelles*, Domat*, Jousse*, Le Brun de la Rochette*, Pussort*, Rousseaud de la Combe*, Serpillon*, Tiraqueau*.
Voir :
Épître au Roi Louis XVI, et Importance des lois criminelles
Voir :
Les circonstances influant sur la gravité de
l'infraction
Éminent criminaliste français de la fin de l’Ancien régime,
né près de Saint-Claude dans le Jura en 1713, mort à Paris en 1781.
Avocat au Parlement de Paris, il fut nommé Conseiller au Grand-conseil
en 1774. Son principal ouvrage, dédié à Louis XVI, s’intitule :
« Les lois criminelles de France dans leur ordre naturel » . Par ce titre, l’auteur affirmait
vouloir poursuivre dans la voie scientifique ouverte par
l’illustre Domat ; il a par suite considérablement fait progresser la science criminelle.
Hélas, la postérité ne lui a pas rendu justice : elle a surtout
retenu les vives critiques qu’il a adressées à Beccaria, celui qui a vulgarisé l'idéologie de son temps.
On peut cependant comprendre l’agacement du plus remarquable
et du plus savant technicien de son époque devant des propositions, certes intéressantes, mais trop souvent aventureuses.
Muyart de Vouglans (Les lois criminelles de France) : Quelles lois,
Sire, pourraient être plus dignes de votre attention et de la bonté de votre cœur paternel, que celles qui font l’objet de ce recueil ? Puisque sans elles
toutes les autres resteraient absolument sans vigueur ; qu’elles sont la base même de l’État, et de la tranquillité publique ; qu’elles décident de tout
ce que l’homme a de plus précieux, de sa vie et de son honneur ; qu’en un mot elle sont la sauvegarde de l’innocence, et la terreur du crime, ce mal
contagieux dont l’impunité fut toujours regardée comme la principale cause de décadence des empires.
Garraud (Traité de droit pénal) : Dans les ouvrages de Muyart de
Vouglans, le droit pénal est présenté suivant un ordre et une méthode rationnelle qui ont fourni au législateur moderne ses principales divisions.