DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL
- Professeur Jean-Paul DOUCET -
Lettre
O
(Deuxième partie)
OFFENSE
Cf. Affront*, Chef de l’État*, Chef d’État étranger*, Diffamation*, Honneurs*, Injure*, Lèse-majesté*, Mépris*, Outrage*, Respect*.
Voir :
Jean-Paul Doucet, « La protection de la personne humaine » (4e
éd.), n° II-318, p.377 et s. / n° II-327, p.390 et s.
- Notion. Nom donné autrefois à toute atteinte de peu de gravité touchant l’honneur des personnes (alors que l’injure couvrait les atteintes légères). Ce terme n’était plus employé, ces dernières années, que dans le cas de propos outrageants ou méprisants, injurieux ou diffamatoires, visant le chef de l'État français ou celui d’un État étranger ; mais ces deux incriminations ont été abrogées.
Vitu
(Traité de droit pénal spécial) : On emploie le terme
« offense » dans un sens technique précis, pour désigner
l’outrage contre le président de la République ou les souverains
et chefs de gouvernements étrangers : l’offense est donc un
outrage spécialisé par la qualité de la victime.
Paris
11 mars 1991 (Gaz.Pal. 1992 I somm. 225) : Le délit prévu et
réprimé par l’art. 36 de la loi du 29 juillet 1881 est constitué
par toute expression offensante ou de mépris, par toute
imputation diffamatoire ou injurieuse qui tant à l’occasion de
l’exercice des fonctions ou de la vie privée sont de nature à
atteindre un chef d’État étranger dans son honneur, sa dignité
ou la délicatesse de ses sentiments.
Exemple
(A.F.P. 26 janvier 2012) : Un militant du Mouvement des
jeunes a été condamné aujourd'hui par un tribunal militaire
jordanien à deux ans de prison pour avoir brûlé un portrait du
roi Abdallah II, a-t-on appris de source judiciaire. "La Cour de
sûreté de l'Etat a condamné Oudaï Abou Issa, 18 ans, à deux ans
de prison pour atteinte à la dignité du roi, pour avoir brûlé un
portrait d'Abdallah II", le 12 janvier, a déclaré cette source.
- Offense au chef de l’État. - L’art. 26 de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse incriminait spécialement les manifestations outrageantes ou méprisantes exprimées par des paroles ou des écrits et visant le Président de la République. Cette disposition a été abrogée en 2013.
Voir
: Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° II-110,
p.314
Cass.crim.
12 avril 1967 (Bull.crim. n° 117 p. 267, Rev.sc.crim. 861 obs.
Vitu) :
Ce délit est constitué par toute expression offensante ou de
mépris, par toute imputation diffamatoire qui, à l’occasion tant
de l’exercice de la première magistrature de l’État que de la
vie privée du Président de la République, ou de sa vie publique
antérieure à son élection, sont de nature à l’atteindre dans son
honneur ou dans sa dignité.
Victor
Hugo, dans son pamphlet « Napoléon le petit », était assez
virulent : Louis Bonaparte ternirait le second plan de
l’Histoire, il souille le premier… Cet homme ment comme les
autres respirent… Machiavel a fait des petits, Louis Bonaparte
en est un… Louis Bonaparte, ce masque, ce nain, ce Tibère
avorton, ce néant !
Le
Tribunal correctionnel de la Seine, le 4 avril 1877, condamna à
trois mois de prison le cordonnier Sangnier qui, au cabaret,
s’était écrié : « J’emmerde Mac-Mahon : c’est un assassin.
C’est lui qui a commandé le feu et qui est l’auteur des
assassinats de nos concitoyens pendant la Commune ».
- Offense à un chef d’État étranger. - C’est l’art. 36 de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse qui incriminait les propos déplacés visant le Chef d’un État, un chef de Gouvernement, un ministre des Affaires étrangères d’un État étranger. Sous la pression de la Cour de Strasbourg, il a été abrogé par une loi du 9 mars 2004).
Code
pénal de Colombie. Art. 465. Violation d’immunité
diplomatique. Celui qui viole l’immunité du chef d’un État
étranger, ou de son représentant devant le Gouvernement
colombien, encourt une amende.
Cass.crim.
22 juin 1999 (Gaz.Pal. 1999 II Chr.crim. 165) : Constitue le
délit d’offense publique à un chef de gouvernement étranger
l’affirmation de l’appartenance d’un chef de gouvernement à la
secte du Mandarom.
Cass.2e
civ. 28 septembre 2000 (D. 2000 IR 293) :
L'incrimination d'offense envers un chef d'État étranger n'est
pas prohibée par le principe de la liberté d'expression énoncé
par la Conv.EDH.
OFFRE (de commettre une infraction)
Cf. Assassinat*, Délits pénaux (délit d'intention)*, Intention criminelle*, Meurtre*, Proposition (de commettre une infraction)*, Résolution criminelle*, Tueur à gages*.
Voir :
Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° I-147 2°,
p.263
Voir :
Jean-Paul Doucet, « La protection de la personne humaine » (4e
éd.), n° I-331, p.183
Voir :
Tableau général des incriminations de structure pénale (1e
colonne, 1e ligne)
Voir :
Le contrat d’assassinat
- Notion. L'hypothèse envisagée est celle-ci : un individu fait savoir, à un tiers, à un groupe de personnes ou à l'ensemble du public, qu'il est disposé à accomplir pour le compte d'autrui tel acte prohibé par la loi, sous telle ou telle condition.
Constant
(Manuel de droit pénal belge) : Les termes "offre" et
"proposition" ne sont point synonymes, mais caractérisent deux
situations bien distinctes. L'offre implique une participation
personnelle de l'offrant à l'exécution de l'infraction visée. La
simple proposition, à l'encontre de l'offre, ne nécessite
d'autre activité de celui qui la formule que la suggestion
criminelle faite à un tiers, auquel est laissé le soin
d'assurer, à sa convenance, l'exécution du dessein criminel.
- Science criminelle. Le fait de se proposer, explicitement par écrit ou par oral, à commettre une infraction peut être réprimé par le législateur, puisqu'il se présente sous une forme matérielle. Il s’agit d’un délit d’intention qualifié, où le virtuel auteur d’un délit a affiché une intention criminelle délibérée, mais où il n’a pas encore accompli d’acte préparatoire. En l’absence d’atteinte effective à un intérêt protégé, l’incrimination vise un simple projet criminel ; la sanction ne peut dès lors être que délictuelle.
Voir :
Tableau des incriminations protégeant la fonction législative
(selon la science criminelle)
Voir :
Tableau des incriminations protégeant le pouvoir législatif
(selon la science criminelle)
Voir :
Tableau des incriminations protégeant la fonction judiciaire
(selon la science criminelle)
Voir :
Tableau des incriminations protégeant le pouvoir judiciaire
(selon la science criminelle)
Voir :
Tableau des incriminations protégeant la fonction exécutive
(selon la science criminelle)
Voir :
Tableau des incriminations protégeant le pouvoir exécutif)
(selon la science criminelle
Code
pénal de Norvège. § 140 : Toute personne qui pousse ou incite
publiquement à la commission d'un acte criminel, ou qui prône un
tel acte, ou qui offre de le commettre ou d'aider à le
commettre... encourt l'emprisonnement pour huit ans au plus.
Loi
belge du 7 juillet 1875 : Quiconque aura offert ou proposé
directement, de commettre un crime punissable de la peine de
mort ou de celle des travaux forcés … sera puni d’un
emprisonnement de trois mois à cinq ans.
Code
pénal d'Algérie. Art. 64 : Est coupable d’espionnage et puni
de mort, tout étranger qui commet l’un des actes visés aux
articles... La provocation à commettre ou l’offre de commettre
un des crimes visés au présent article est punie comme le crime
même.
- Droit positif. La loi française n'a pas incriminé ce méfait. Même pas par l'art. 221-5-1 C.pén., qui sanctionne seulement le fait de recourir aux services d'un tueur, alors que ce texte aurait dû envisager tant l'offre que la demande.
OISIVETÉ - Thémistocle appelait l'oisiveté « Le tombeau d'un homme vivant ». Voir : Fainéantise*, Parasitisme*, Paresse*, Prodigalité*.
Hérodote
(Histoires, II-259) : Amasis est l'auteur de la loi qui
oblige tout Égyptien à montrer, chaque année, au gouverneur de
son nome, d'où il tire ses moyens d'existence ; et celui qui
n'obéit pas, ou celui qui ne paraît pas vivre à l'aide de
ressources légitimes, est puni de mort. Solon, ayant repris
cette loi, l'imposa aux Athéniens, qui l'observent encore et la
jugent irréprochable.
St
Benoît (Règle, 48,1) : L'oisiveté est ennemie de l'âme.
Aussi les frères doivent-ils s'adonner à certains moments au
travail manuel, et, à d'autres heures fixes, s'appliquer à la
lecture de la parole Divine.
Le
Brun de La Rochette (Le procès criminel - 1629) : Tout comme
les ronces et les chardons croissent dans les terres incultes et
non labourées ; de même les mauvaises pensées s'épanouissent
dans les âmes atteintes de l'oisive fainéantise, qui hébète les
sens, engourdit l'âme raisonnable et rend inapte aux actes
vertueux.
OLIGARCHIE
Cf. Anarchisme*, Aristocratie*, Démocratie*, Dictature*, État*, Nation*, République*, Théocratie*, Tyrannie*.
L'oligarchie est une forme du Gouvernement réservée à un petit nombre de personnes, appartenant le plus souvent à un nombre restreint de familles. Du point de vue du pénaliste, il est à craindre qu'elle ne méconnaisse le principe selon lequel la loi ne doit pas faire acception de personnes.
Aristote
(Rhétorique I-VIII-4/5) : L'oligarchie est le
gouvernement où l'autorité dépend de la fortune... Le but ultime
de l'oligarchie c'est l'accroissement de la richesse.
Domat
(Les quatre livres du droit public) : On donne le nom
d'oligarchies à quelques démocraties où le gouvernement est
entre les mains de peu de personnes.
Fustel
de Coulanges (La Cité antique) : Nous savons par Thucydide,
qui n’est certes pas suspect de trop de zèle pour le
gouvernement démocratique, que sous la domination de
l’oligarchie le peuple était en butte à beaucoup de vexations,
de condamnations arbitraires, d’exécutions violentes.
Spencer
Herbert (Justice) : L'observation des contrastes que
présentent les états des différentes nations et les états
successifs de la même nation, a fortement empreint dans l'esprit
des hommes la conviction que lorsque la puissance
gouvernementale est aux mains d'une oligarchie, ceux-ci en
useront à leur profit et au détriment de la masse.
Le
Bon (Les Révolutions) : La démocratie des intellectuels
conduit simplement à remplacer le droit divin des rois par le
droit divin d’une petite oligarchie trop souvent tyrannique et
bornée. Ce n’est pas en déplaçant une tyrannie qu’on crée une
liberté.
Huc
(L'Empire chinois) : Le plus grand contrepoids à la puissance
impériale existe dans la corporation des lettrés, institution
antique qu’on a su fonder sur une base solide, et dont l’origine
remonte au moins au XIe siècle avant notre ère. On peut dire que
l’administration de l’État reçoit toute influence réelle et
directe de cette espèce d’oligarchie littéraire. L’empereur ne
peut choisir ses agents civils que parmi les lettrés, et en se
conformant aux classifications établies par les concours.
OLIGOPHRÉNIE - Voir : Démence* / Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-II-II-210, p.240
OLIM
On appelle « Olim » les plus vieux registres du Parlement de Paris, qui ont été tenus à partir de 1250. Ceux qui subsistent (après 1254) apportent de précieux renseignements sur la vie sociale de l’époque, et soulignent le rôle des juges dans la fixation des anciennes coutumes.
Montesquieu
(De l’esprit des lois) : A peine le Parlement fut-il un corps
fixe, qu’on commença à compiler les arrêts. Jean de Montluc,
sous le règne de Philippe le Bel, fit un recueil que l’on
appelle aujourd’hui les Registres Olim.
Warée
(Curiosités judiciaires) : Tout le monde a vu citer les
registres du Parlement de Paris connus sous ce nom : Olim. Mais
il est peu de gens qui sachent qu’on les appelle ainsi parce que
le plus ancien de tous commence ainsi : « Olim homines de
Baïonna » ; ce qui vient de l’ancien usage, qui s’est conservé
en jurisprudence, de citer les autorités par le premier mot de
la loi ou du paragraphe.
OMISSION
Cf. Abstention*, Actes humains*, Devoirs*, Fraternité*, Non-assistance à personne en péril*, Non-dénonciation de crime à venir*, Refus de prêter le secours requis*.
Voir :
Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° I-120, p.172 /
n° II-11, p.309
Voir :
Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-I-318,
p.82 / Table alphabétique p.390
Voir :
Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e
éd.), n° 6, p.8 / n° I-307, p.160
Voir :
Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et
des adolescents », n° 312, p.143 / n°313, p.144 / n° 320, p.159
/ n° 335 1°, p.202 / n° 404, p.238 / n° 508, p.331 / n°515,
p.340
Voir :
Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° II-I-125,
p.365 / n° II-I-135, p.381 / n° II-I-137 p.383 / n° II-I-139,
p.386 / n° II-I-146 p.397 / n° II-II-210, p.502
Voir :
R. Merle, L'acte pénal
- Notion. En droit criminel une « omission » est une « in-action », une abstention, une attitude passive face aux événements, une absence d'acte humain positif. Elle ne se manifeste pas ordinairement par un comportement extérieur de nature à révéler objectivement la pensée de la personne en cause.
Ahrens
(Cours de droit naturel) : Les actes se divisent en actes de
commission et d'omission (actes positifs et, négatifs).
Villey
(Cours de droit criminel) : La loi commande ou défend
certains actes. Faire ce qu'elle défend est le délit d'action ;
ne pas faire ce qu'elle commande est le délit d'inaction ou
d'omission.
Carrara
(Cours de droit criminel) : Pour la protection des droits de
l'homme, il peut être nécessaire de défendre certains actes et
d'en imposer d'autres en telle ou telle circonstance. La loi qui
défend les premiers est violée par l'acte positif contraire ; la
loi qui impose les seconds est violée par l'acte négatif...
Le pur délit d'inaction ne peut se concevoir que dans le cas où
une autre personne a un droit exigible à l'action omise.
Ainsi la mère qui n'allaite pas son enfant, pour le faire
mourir, commet un véritable délit d'inaction, un véritable
infanticide, car l'enfant nouveau-né a droit à l'action de
l'allaitement.
- Règle morale. Les moralistes considèrent que certaines omissions sont condamnables ; notamment lorsque l'auteur d'une abstention avait le devoir d'agir selon la loi naturelle. Commet une faute celui qui ne tend pas à une personne, en train de se noyer, une perche qui se trouve sur la rive de la pièce d'eau (« J'ai péché par omission », dit le confiteor).
Marc-Aurèle
(Pensées pour moi-même, IX 5) : On est souvent injuste par
omission, et non seulement pas action.
St
Thomas d'Aquin (Somme théologique, II-II q.79 a.3) :
L’omission implique qu’on néglige le bien, non pas n’importe
lequel, mais celui que l’on sait être son devoir. Or le bien
envisagé sous la raison de dette est proprement l’objet de la
justice : de la justice légale s’il est prescrit par la loi
divine ou humaine ; de la justice particulière s’il est dû au
prochain. Aussi, de même que la justice est une vertu spéciale
comme nous l’avons montré, l’omission sera un péché spécial
distinct des péchés opposés aux autres vertus.
Baudin
(Cours de philosophie morale) : Quand on le peut, il y a
obligation absolue de sauver qui se noie, de donner à manger à
qui meurt de faim. Ce n'est pas d'humanité ni de charité qu'il
est alors question, mais de stricte justice.
Gousset
(Théologie morale) : Il y a péché d'omission quand on ne fait
pas ce qui est commandé. Il ne peut y avoir péché d'omission
sans qu'il y ait un acte de la volonté.
Bruguès
(Dictionnaire de morale catholique) : Trois conditions sont
requises pour qu'il y ait omission fautive. Il faut que le sujet
puisse intervenir, qu'il ait le devoir moral de le faire et que,
volontairement, il n'ait pas agi.
- Science criminelle. En raison du principe de matérialité qui impose, pour limiter le risque d'erreur judiciaire, de partir de faits objectifs pouvant être constatés concrètement par les sens, le droit criminel se borne en principe à incriminer des actes dits de "commission".
Vitu
(Traité de droit pénal spécial). T.II, n° 2318. La nécessité
d’actes positifs. — Il n’y a d’attitude répréhensible chez le
délinquant que celle qui se traduit à l’extérieur par des actes
positifs : en droit français, l’escroquerie est un délit de
commission, et non d’omission... La passivité du délinquant qui
se borne à dissimuler un fait ou une particularité, ou qui
profite d’une erreur qu’il n’a pas lui-même créée dans l’esprit
de la victime, ne suffit pas à faire naître l’infraction.
Techniques législatives. Le législateur n'incrimine les simples omissions que pour protéger des intérêts juridiques de première importance (non-dénonciation d'un complot contre la sûreté de l'État), sur le plan de la police professionnelle (omission d'un devoir légalement dû), ou sur le terrain des incriminations de police préventive (fait pour un automobiliste de ne pas marquer l'arrêt à un "stop").
Kenny
(Esquisse du droit criminel anglais) donne un exemple
d’exception à ce principe :
Sans prêter activement assistance à l’auteur d’une trahison,
toute personne qui le sait coupable, et qui peut donner des
renseignements de nature à entraîner son arrestation, commet une
infraction si elle ne communique pas ces renseignements à
l’autorité publique.
Merle
(Droit pénal général complémentaire) : Il existe une
hypothèse dans laquelle l’omission équivaut à une commission :
c’est celle du délit d’imprudence car par nature la faute
d’imprudence est protéiforme, elle peut consister aussi bien
dans une abstention (négligence) que dans un fait positif.
Code
pénal du Panama. Art. 17 : Le fait punissable peut être
effectué par action ou par omission. Quand on incrimine tel fait
en raison du résultat qu'il produit, il est également
caractérisé quand celui qui avait devoir juridique d'éviter ce
résultat ne l'a pas empêché alors qu'il pouvait le faire.
Cass.crim.
17 février 1988 (Bull.crim. n° 80 p.206) : Le débitant de
boissons qui laisse se perpétrer dans son établissement la
contravention de bruits et tapages nocturnes doit être considéré
comme complice de cette infraction.
Techniques judiciaires. Un point de droit est particulièrement discuté : lorsque le législateur a défini une infraction sur la base d'un acte volontaire de commission, un tribunal peut-il condamner l'auteur d'une abstention volontaire ayant abouti au même résultat ? Il semble que la réponse varie selon le cas d'espèce et soit abandonnée à la prudence des juges.
Vidal
et Magnol (Cours de droit criminel) :
Il faut éviter de confondre le délit de commission par
omission avec le délit d'omission. Le délit d'omission n'existe
que lorsqu'il y a inexécution d'un ordre positif de la loi. Le
délit de commission par omission, au contraire, n'implique pas
un ordre d'agir méconnu par l'omission... il se réalise par une
négligence intentionnelle à empêcher des causes étrangères de
produire leur effet nuisible. Exemple : un garde-barrière
aperçoit sur la voie ferrée un objet faisant obstacle à la
circulation, il néglige intentionnellement de l'enlever au
moment du passage d'un train, lequel déraille.
Trib.corr.
Poitiers 11 octobre 1901, et Poitiers 20 novembre 1901 (D. 1902.
II. 81) affaire dite de la «
Séquestrée de Poitiers » : La Dlle M…, atteinte
d’aliénation mentale, a été tenue privée de soins dans une
chambre obscure, insuffisamment aérée, dépendant de l’habitation
de sa mère à Poitiers ; dans ces derniers temps surtout, elle a
été laissée dans un état épouvantable de saleté et de
dénuement ; le 23 mai 1900, elle a été trouvée, dans cette même
chambre, étendue sur une paillasse pourrie, au milieu de débris
de nourriture en putréfaction et de bêtes immondes, le corps
complètement nu et enveloppé seulement d’une couverture sale et
trouée, la chevelure remplie d’ordure, les ongles des pieds et
des mains démesurément longs.
Les faits de la cause ne peuvent tomber sous le coup d’une
disposition pénale ; on ne saurait, en effet, comprendre un
délit de violences ou de voies de fait sans violences. Le rôle
purement passif auquel Monnier a cru devoir se résigner ainsi
que sa froide impassibilité, qui ne lui a inspiré aucune
démarche efficace, méritent le blâme le plus sévère ; sa
conduite ne tombant pas, néanmoins, sous le coup de la loi
pénale à laquelle les juges ne sauraient suppléer, il y a lieu
pour la Cour de prononcer son acquittement.
Exemple :
Le 2 mai 1934, un certain Krioutchkov aurait provoqué la mort du
fils de M. Gorki en le laissant dormir sur un banc de jardin,
après l'avoir enivré. La victime mourut de pneumonie le 11 mai.
Exemple
(Ouest-France 21 octobre 2011) : Après la mort de Marie Dedieu
suite à son enlèvement en Somalie... Le Président Sarkozy : "
Cette femme de 66 ans, gravement malade, qui avait un cancer,
tétraplégique, qui a été enlevée, à qui on n'a pas donné les
médicaments dont elle avait besoin... ceux qui ont fait cela ont
commis l'innommable ".
- Droit positif. Le législateur français s'est montré longtemps très réservé quant à l'incrimination de simples omissions, mais il semble avoir de plus en plus souvent recours à cette technique délicate à mettre en œuvre.
Jeandidier
(Droit pénal général) : Le législateur doit prendre garde à
ne pas multiplier à l'excès les infractions d'omission : la
lutte contre l'égoïsme des uns ne saurait passer par
l'arbitraire de la société.
Omission d’empêcher un crime, ou un délit contre les personnes. - L’article 223-6 al.1 C.pén. invite chacun à faire son possible pour empêcher la commission d’un crime, ou d’un délit susceptible de porter atteinte à l’intégrité corporelle d’autrui, à supposer que ce soit sans risque pour lui.
Voir :
Jean-Paul Doucet, « La protection de la personne humaine » (4e
éd.), n° I-415, p.209
Omission de combattre un sinistre. - L’art. 223-7 C.pén. sanctionne celui qui s’abstient volontairement de prendre les mesures, sans risque, permettant de combattre un sinistre de nature à créer un danger pour la sécurité des personnes.
Voir :
Jean-Paul Doucet, « La protection de la personne humaine » (4e
éd.), n° I-416, p.211
Omission de faire connaître l’innocence d’un prévenu. - L’art. 434-11 C.pén. incrimine le fait, pour quelqu’un connaissant l’innocence d’une personne poursuivie, de s’abstenir volontairement d’en apporter témoignage aux autorités judiciaires ou administratives.
Joly
(Le crime, étude sociale) stigmatise ceux qui, par
égoïsme et lâcheté, sans aller jusqu’au faux témoignage,
laissent, par leur silence, condamner des innocents.
Pradel
et Danti-Juan (Droit pénal spécial) : Cette infraction a été
créée en 1945. Le délit doit être strictement entendu. L’agent
doit non pas seulement avoir un doute sur l’innocence, mais
avoir la certitude de cette innocence.
Cass.crim.
22 novembre 2005 (Bull.crim. n° 301 p.1026) : Commet le délit
prévu par l’art. 434-11 C.pén. la personne qui, connaissant la
preuve de l’innocence d’une personne jugée pour crime ou pour
délit, s’abstient volontairement d’en apporter aussitôt le
témoignage aux autorités judiciaires ou administratives.
La loi pénale étant d’interprétation stricte, encourt la
cassation l’arrêt d’une cour d’appel qui, pour dire une telle
infraction constituée, se borne à retenir que le prévenu a
exprimé de manière non équivoque sa connaissance d’informations
de nature à innocenter un condamné, sans constater qu’il
connaissait la preuve de l’innocence dudit condamné.
Omission de porter secours à personne en péril. - L’obligation faite par le droit naturel d’apporter son aide à une personne en péril n’est sanctionnée par la loi pénale que depuis quelques années. Ce délit de police morale n’est toutefois constitué que s’il était possible d’intervenir sans prendre un risque grave (art. 223-6 al.2 C.pén.).
Cf. Clameur publique*, Mise en danger d’autrui*. Voir principalement : Non-assistance à personne en péril*.
Voir :
Jean-Paul Doucet, « La protection de la personne humaine » (4e
éd.,) n° I-409, p.203 et s.
Voir :
Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° I-215, p.220
Voir :
Tableau des incriminations protégeant la vie (en droit
positif français)
Trib.corr.
Draguignan 28 janvier 1983 (D. 1983 IR p. 400) : Le délit
prévu par l’art. 63 alinéa 2 C.pén. est constitué dès lors que
le prévenu dont le concours est demandé ne pouvait se méprendre
sur la gravité du péril auquel se trouvait exposée une personne
et qu’il s’est volontairement abstenu de lui porter secours.
Ainsi en est-il pour un chirurgien de garde qui, informé
téléphoniquement qu’un blessé de la route souffrant de plusieurs
traumatismes importants était dirigé sur l’hôpital et que sa
présence était demandée, refuse de se déplacer alors qu’il avait
à cet instant connaissance du péril grave encouru par la
personne blessée.