DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL
- Professeur Jean-Paul DOUCET -
Lettre M
(Quatrième partie)
MASQUE (Déguisement et grimage)
Cf. Circonstance aggravante réelle*, Délits pénaux (délits-obstacles)*, Faux costume*, Faux nom*, Imputation des infractions*, Nuit*, Prévention des infractions*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° I-I-225, p.130 (note 3) / n° II-II-207, p.496 (note 4) / p.509 in fine / n° II-II-239, p.528 (note 2)
- Notion. Le fait de porter un masque ou une cagoule, de se déguiser ou de se grimer, afin de préserver son incognito, permet à une personne d’accomplir des actes qu’elle n’aurait pas pu autrement se permettre ; actes parfois innocents, mais trop souvent criminels.
Joly (Le crime, étude sociale) : Lacenaire se lia vite avec des malfaiteurs de profession. Il apprit à se servir d'eux, il prit de faux noms, il multiplia ses déguisements.
Exemple. Lorsque Charles VI organisa trois jours de fêtes à l’abbaye Saint-Denis et termina ces divertissement par un bal masqué de nuit, il savait parfaitement qu’il favorisait des excès. Effectivement, selon le chroniqueur « Mainte demoiselle s’oublia ; plusieurs maris pâtirent ».
Exemple (Télétexte F2 3 mai 2010) : Samedi 20 à 30 personnes cagoulées ont brûlé quatre véhicules à la limite à Villepinte, avant de caillasser un bus des Courriers d'Îles de France. Un bus des TRA a aussi été pris pour cible.
Exemple (Ouest-France 15 août 2014) : Mercredi, vers 22 h., deux hommes encagoulés ont fait irruption dans une pizzeria à Brest. Ils ont menacé d'une bombe lacrymogène l'employée qui se trouvait seule dans le magasin. Puis ils se sont emparés de la caisse... C'est la troisième fois que la salariée de la pizzeria doit affronter ce genre de situation, « extrêmement pénible » dit-elle.
- Science criminelle. C’est pourquoi le port d'un masque, ou d'une cagoule juste percée de trous pour les yeux, ou d'un déguisement comme l'emprunt d'un uniforme de policier avec lunettes réfléchissantes, doivent retenir l'attention du législateur. Il s'agit là d'une question de sécurité publique, qui est particulièrement pressante dans une période de forte criminalité.
Tantôt il incrimine le fait même, en tant que délit-obstacle ou incrimination de police préventive.
Ordonnance de Charles VI du 9 mars 1399. Elle interdisait à quiconque de se couvrir d'un chaperon, tellement qu'on ne peut le reconnaître, ni voir les visages à découvert, excepté les yeux.
Jousse (Traité de droit criminel, Paris 1771) : La
déclaration du 9 mai 1539, art. 1, défend à toutes personnes de quelque qualité et condition qu'elles soient, d'aller par les villes, bourgs, forêts et
chemins du royaume, masqués ou déguisés, sous quelque cause ou occasion que ce soit, à peine de confiscation de corps et de biens, sans aucune exception
de personne.
Pareilles défenses à toutes personnes de recevoir, loger, ni receler telles gens en leurs hôtelleries, ou maisons, sous les mêmes peines ; et enjoint
de les déférer à Justice, à peine d'être punis comme fauteurs et complices.
Veyrat (La haute justice des archevêques de Rouen) - Trib.civ. Louviers 13 février 1783, Chambre du Conseil : Sur la remontrance faite par le procureur... qu'à l'occasion de ce que l'on se croit permis pendant le carnaval de se déguiser et de se cacher sous des habits de masque... plusieurs profitent de ce déguisement pour insulter des personnes... Cette licence effrénée a d'autant mieux lieu que ceux qui se le permettent croient s'assurer l'impunité en demeurant inconnus sous leur déguisement et sous le masque... pourquoi le procureur requiert qu'il soit pourvu à arrêter ces désordres sous les peines qu'il appartiendra suivant l'exigence des cas... Sur quoi déclare que, faute pour les personnes qui paraîtraient en public déguisées de s'être auparavant fait connaître au greffe de la police, elles seront par ce seul défaut de déclaration réputées suspectes et responsables de tout dommage envers les personnes qui dénonceraient au procureur les insultes à elles faites par des personnes inconnues et couvertes sous le masque.
Exemple (Presse du 9 mars 1989) : La coalition de centre-droit au pouvoir en Allemagne fédérale s'est définitivement mise d'accord, après plusieurs années de débats agités, sur une restriction du droit de manifestation prévoyant notamment l'interdiction du port de masques ou de cagoules pendant les défilés.
Tantôt il en fait une circonstance aggravante matérielle.
Code criminel du Canada. Déguisement dans un dessein criminel – Art. 351 : Est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de dix ans quiconque, dans l’intention de commettre un acte criminel, a la figure couverte d’un masque ou enduite de couleur ou est autrement déguisé.
Code criminel de Malte. Art. 263. Le vol est aggravé par des « moyens »... (b) quand le voleur se sert de n'importe quel maquillage, d'un masque, de toute autre objet couvrant son visage, ou de n'importe quel autre déguisement, vêtement ou accessoire modifiant son apparence.
Code pénal de Côte d'Ivoire. Art. 394 : La peine est un emprisonnement de dix à vingt ans... si le vol ou la tentative de vol a été accompagné d'une au moins des circonstances ci-après : L'auteur dissimule son visage sous un masque, quelle qu'en soit la nature.
Code pénal de Porto Rico. Art. 237 : Encourt une
peine de réclusion de six (6) mois au plus... toute personne qui porte un masque ou un loup, une barbe postiche ou tout autre déguisement complet
ou partiel, ou modifie son apparence physique de manière temporaire ou permanente, dans le but de :
a) éviter qu'on le reconnaissez ou qu'on l'identifie lors de la commission de quelque infraction ;
b) se dissimuler, s'enfuir ou éviter d'être dénoncé, arrêté ou déclaré coupable de quelque infraction.
- Droit positif français. Le Code pénal de 1993 ne contient pas de disposition générale sur ce point. Mais il
incrimine des agissements spécifiques, comme le port d'un Faux costume*
;
En outre, l'article R.645-14 du Code pénal, créé par une loi du 19
juin 2009, incrimine le fait, pour une personne, au sein ou aux abords immédiats d'une
manifestation sur la voie publique, de dissimuler volontairement son visage afin de ne pas être identifiée dans des circonstances faisant craindre des
atteintes à l'ordre public.
Desprez (note sous CE 23 février 2011 - Gaz.Pal. 24 mars 2011) : L'interdiction de dissimulation du visage est... spatiale, temporelle et situationnelle. Ainsi, le visage doit être dissimulé au sein ou aux abords d'une manifestation sur la voie publique. Cette détermination spatiale induit nécessairement une détermination temporelle en ce que le visage doit être dissimulé pendant le temps d'une manifestation sur la voie publique ou dans un temps voisin de celle-ci. S'ajoute à ces éléments une précision d'ordre situationnel puisque la dissimulation doit être opérée en vue de ne pas être identifié.
Cons. d'État. 23 février 2011 (n° 329477) : En édictant une mesure de police visant à traiter les comportements violents en marge des manifestations et en rendant passible de contravention la dissimulation volontaire du visage afin d'échapper à l'identification en cas de risque de perturbation de l'ordre public, le pouvoir réglementaire n'a pas excédé ses compétences...
Enfin une loi du 11 octobre 2010 dispose que : Nul ne peut, dans l'espace public, porter une tenue destinée à dissimuler le visage.
Circulaire
du 2 mars 2011 : Les tenues destinées à dissimuler le
visage sont celles qui rendent impossible l'identification de la
personne. Il n'est pas nécessaire, à cet effet, que le visage
soit intégralement dissimulé.
Sont notamment interdits, sans prétendre à l'exhaustivité, le
port de cagoules, de voiles intégraux (burqa, niqab...), de
masque et masque ou de tout autre accessoire ou vêtement ayant
pour effet, pris isolément ou associé avec d'autres de
dissimuler le visage. Dès lors que l'infraction est une
contravention, l'existence d'une intention est indifférente : il
suffite sue la tenue soit destinée à dissimuler le visage.
Teyssié (Droit civil - Les personnes) : L’interdiction du voile intégral dans l’espace public participe des valeurs essentielles de la République française.
Cass.crim.
5 mars 2013, n° 12-80891 (Bull.crim. n° 54
p.105) : Si l’art. 9 de la Conv. EDH garantit l’exercice
de la liberté de pensée, de conscience et de religion, l’alinéa
2 de ce texte dispose que cette liberté peut faire l’objet de
restrictions prévues par la loi et constituant, dans une société
démocratique, des mesures nécessaires à la sécurité publique, à
la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publics,
ou à la protection des droits et libertés d’autrui.
Tel est le cas de la loi du 11 octobre 2010 interdisant la
dissimulation intégrale du visage dans l’espace public, dès lors
que cette loi vise à protéger l’ordre et la sécurité publics en
imposant à toute personne circulant dans un espace public de
montrer son visage.
Cour EDH. 1er juillet 2014, n° 43835/11, à propos de l'interdiction de dissimuler son visage dans un espace public : S'il peut être considéré que l'interdiction que pose la loi du 11 octobre 2010 a des effets négatifs spécifiques sur la situation des femmes musulmanes qui, pour des motifs religieux, souhaitent porter le voie intégral dans l'espace public, cette mesure a une justification objective et raisonnable.
Cass.crim. 5 mars 2013, n° 12-82852 (Bull.crim. n° 53 p.105) : L’espace public dans lequel il est interdit de porter une tenue destinée à dissimuler le visage est constitué des voies publiques ainsi que des lieux ouverts au public ou affectés à un service public.
Cas pratique (Télétexte F2 7 février 2010) : Deux hommes recouverts d'une burqa ont braqué la poste d'Athis-Mons samedi vers 10 h.30. Croyant être en face de deux femmes, un employé a ouvert le sas de la banque. Une fois à l'intérieur, les deux hommes ont relevé le voile et braqué les employés et se sont fait remettre une somme d'environ 4.500 €.
Par ailleurs, les juges peuvent retenir cette circonstance, qu'une personne se cagoule ou revête un faux costume, comme indice qu'elle passe à l'acte, qu'elle entreprend le commencement d'exécution d'un crime.
C.admin.app. Lyon 3 décembre 1992 (Gaz.Pal. 1994 I panor. adm. 32). Sur le danger que constituent des personnes masquées : Alors que venait d’être déchargé sur un quai du port d’Ajaccio un tracteur transportant un rotor destiné à la centrale EDF du Vazzio, un groupe d’une douzaine de personnes, le visage masqué et armé de barres de fer, surgissait et neutralisait les occupants de deux voitures de police, tandis que l’une d’entre elles précipitait le tracteur dans le bassin. L’enquête de police n’a pu identifier les auteurs des faits.
Cass.crim. 2 avril 1997 (Bull.crim. n° 131 p.440) concerne un guet-apens où un complice les aurait attendus, masqué et armé d'un fusil à crosse et canon scié.
De plus le législateur a parfois retenu le fait de porter une cagoule pour commettre une infraction, comme une circonstance aggravante. En matière de violences volontaires : art. 222-12 15° et art. 222-13 15°. En matière de vol : art. 311-4 10°.
MASSACRE
Cf. Assassinat*, Attentat*, Complot*, Crime de guerre*, Crime contre l'humanité*, Génocide*, Guerre civile*, Homicide*, Meurtre*, Personnes vulnérables*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° 192, p.169 / n° I-I-I-114, p.400 / n° I-I-I-115, p.404
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° 5 a, p.6 / n° I-II-I-311, p.192
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° I-316 p.169 / n° I-325, p.179 (note 2)
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », n° 327, p.179 / n° 440, p.295 (note 5)
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° 4, p.7 / n° I-I-218, p.121
- Notion. On parle de massacre à propos d'homicides intentionnels commis à plusieurs, de manière systématique, sur un nombre important de personnes ne pouvant se défendre efficacement.
Larousse des synonymes : Tuer est le terme générique qui indique simplement le fait de frapper à mort... Massacrer, c'est tuer en frappant avec acharnement, particulièrement en parlant d'une masse de gens qui ne se défendent pas.
Le Bon (Les révolutions) : La seconde catégorie d'individus, qui joue un rôle capital dans tous les troubles nationaux, se compose d’un résidu social subversif dominé par une mentalité criminelle. Dégénérés de l’alcoolisme et de la misère, voleurs, mendiants, miséreux, médiocres ouvriers sans travail constituent le bloc dangereux des armées insurrectionnelles. La crainte du châtiment empêche beaucoup d’entre eux d’être criminels en temps ordinaire, mais ils le deviennent dès que peuvent s’exercer sans danger leurs mauvais instincts. À cette tourbe sinistre sont dus les massacres qui ensanglantèrent toutes les révolutions.
- Règle morale. De manière unanime les moralistes condamnent les massacres, quels qu'aient pu être les mobiles ayant animer leurs auteurs.
Tarde (La criminalité comparée) : La vue d'un massacre belliqueux soulève en nous plus d'horreur que la vue d'un seul homme assassiné.
Franck (Philosophie du droit pénal) : C’est au nom de l’intérêt public, et même du salut public, qu’on a essayé de justifier la Saint-Barthélemy, les dragonnades, les massacres de septembre, le tribunal révolutionnaire, et d’autres mesures non moins sanglantes et non moins honteuses pour la nature humaine.
Encyclique Evangelium vitae. 10 - Certaines menaces sont le fait de situations de violence, de haine, ou bien d'intérêts divergents, qui poussent des hommes à agresser d'autres hommes en se livrant à des homicides, à des guerres, à des massacres ou à des génocides.
- Science criminelle. Dans les cas les plus graves, un massacre peut relever des notions de génocide, de crime de guerre ou de crime contre l'humanité.
Lombroso (Le crime politique et les révolutions) : La Révolution française et, en Italie, celle des Vêpres Siciliennes, bien que déterminées par de très justes causes, et avec le concours des classes les plus élevées, furent cependant déshonorées par des massacres, par de véritables épidémies criminelles.
Vêpres siciliennes (Larousse encyclopédique) : Émeute durant laquelle furent massacrés, le 30 mars et jusqu'à la fin d'avril 1282, les Français de Sicile... Elles entraînèrent la mort de milliers de Français surpris sans défense.
Code pénal d'Algérie. Art. 84 : Ceux qui ont commis un attentat dont le but a été de porter le massacre ou la dévastation dans une ou plusieurs communes, sont punis de mort. L’exécution ou la tentative constitue seule l’attentat.
Code pénal de Bosnie-Herzégovine : Crimes contre l'humanité et les valeurs protégées par le droit international - Génocide. Art. 171 : Quiconque, dans le but pour détruire, entièrement ou partiellement, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, ordonne la perpétration ou commet le massacre des membres de ce groupe... sera puni de la réclusion de dix ans au moins.
- Droit positif français. L'art. 91 du Code pénal de 1810 incriminait le complot ou l'attentat ayant pour but de porter la dévastation, le massacre et le pillage dans une ou plusieurs communes. Le Code pénal de 1993 ne comportant pas de disposition spéciale sur ce point, les praticiens n'ont d'autre possibilité que se tourner vers les textes de droit commun relatifs au génocide, à la protection des institutions ou au meurtre commis en groupe ; mais ils doivent garder présent à l'esprit que le législateur n'a bien sûr pas eu en vue de dépénaliser le crime défini précédemment.
Chauveau Hélie (Théorie du Code pénal) : Il faut que la dévastation, le massacre et le pillage aient été le but que les accusés s'étaient proposés : c'est ce seul but qui caractérise le crime. Il faut remarquer ensuite que la loi exige la réunion de la dévastation, du massacre et du pillage. En effet, la dévastation d'une commune ne serait qu'une atteinte à la propriété. C'est la massacre des habitants, c'est le pillage des maisons, qui déterminent le caractère de la guerre.
Blanche (Études pratiques sur le Code pénal) : Les questions relatives à l'attentat prévu par l'art. 91 doivent être posées en ces termes : Le nommé... est-il coupable d'avoir, le..., exécuté un attentat ayant pour but de porter la dévastation, le massacre et le pillage dans une ou plusieurs communes ?
Cons. d'État 28 juillet 2004 (Gaz.Pal. 2005 somm. 1360) : L'intéressé a personnellement participé, de 1992 à 1994, au sein d'une unité spéciale de para-commandos, à des opérations de massacre touchant aussi bien des civils que des extrémistes islamistes.
MATÉRIALITÉ
Cf. Abstrait- concret*, Actes humains*, Complot*, Corps du délit*, Délits pénaux (délit d'intention)*, Droits intangibles*, Éléments constitutifs de l’infraction*, Faits*, Fiction*, Imputation*, Intérêts protégés*, Légalité*, Objectivité*, Pensées*, Possession*, Présomption*, Propriété*, Qualification*, Raisonnement pénal*, Réel*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° 23, p.42 / n° I-113, p.162 / n° II-6, p.278 / n° III-111, p.360
Voir :Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° 6 p.7 / n° I-I-I-201, p.39 / n° I-II-I-301, p.180 / n° I-III-I-305, p.295
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° 6, p.7 - Table alphabétique, p.683
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents , n° 5, p.7
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° 11, p.15
Si la règle première du droit criminel réside dans le principe de légalité, la seconde consiste en un
principe de matérialité : toute incrimination légale, toute qualification judiciaire doit reposer sur des faits
matériels, concrets, tangibles, décelables par les sens de la vue, de l'ouïe, de l'odorat ou du toucher.
Chaque infraction pénale doit au moins comporter, d’abord un élément matériel (un acte dommageable, et éventuellement une atteinte portée à un intérêt
protégé), ensuite un élément moral (un acte conscient, volontaire, intentionnel). Encore ce dernier doit-il ressortir des circonstances et des modalités
d’accomplissement de l’acte matériel.
Von Jhering (L'esprit du droit romain) : L'élément matériel ou sensible dans le droit... La matérialité est de premier degré de la spiritualité. Toute pensée originaire des individus est matérielle et sensible. L'esprit ne s'affranchit du monde extérieur qu'après s'être préparé, à cette école, à la compréhension de la pensée abstraite. Cette loi de la nature, qui s'affirme dans toutes les sphères de la pensée et du savoir humains, régit aussi évidemment le droit.
Chauveau Hélie (Théorie du Code pénal) : Un crime a deux éléments, la matérialité du fait et la criminalité de l’agent.
Conseil constitutionnel 7 avril 2017, QPC n° 2017-625. Il a rappelé que le législateur pénal ne saurait réprimer des actes ne matérialisant pas, en eux-mêmes, la volonté de préparer une infraction.
Commission de réforme du droit du Canada (Document n° 45, 1985) : Normalement, on s'attache tout d'abord à l'étude de l'élément matériel, puisque dans la commission d'un crime c'est ce qui importe le plus... Ce n'est qu'ensuite que l'on s'intéresse à l'élément moral, qui est souvent inféré du fait matériel.
Code de procédure pénale du Mexique. Art. 168 : Par corps de l’infraction on comprend l’ensemble des éléments objectifs ou externes qui constituent la matérialité du fait que la loi incrimine comme infraction.
Cour de cassation du Luxembourg 1er juin 1912 : Le juge correctionnel a le droit de qualifier les faits sur lesquels la prévention se base, sous la condition que la matérialité des faits à lui soumis reste la même.
Cass.crim. 21 mai 1990 (Gaz.Pal. 1990 II somm. 641) : L’acquittement de la personne accusée d’être l’auteur principal d’un crime n’exclut pas la culpabilité de complices de cette action, dès lors que l’existence du fait criminel a été établie par la réponse affirmative de la Cour et du jury à la question qui leur était posée dans une forme abstraite sur la matérialité du crime.
Cass.soc. 5 mars 1980 (Bull.civ. V n° 225) : : Les déclarations de l’intéressée étaient, à elles seules, insuffisantes pour établir la matérialité du fait allégué et ses circonstances.
Cass.crim. 30 novembre 1971 (Gaz.Pal. 1972 I 374) : Déclarent à bon droit un mari coupable de faux en écritures privées et d'usage de ce faux les juges du fond qui précisent qu'au moment où le testament litigieux avait été rédigé, sa femme, en état de pré-coma urémique, ne présentait plus un état de lucidité lui permettant de comprendre entièrement la portée du testament, pour la rédaction duquel son mari avait guidé sa main, lui imposant presque en totalité sa graphie personnelle dans le tracé du document.
Proal (Le crime et la peine) : En matière de contravention, si la matérialité du fait suffit, c’est parce que la faute est présumée.
Molière (L'Avare) : Seules les actions font connaître ce que nous sommes.
MATIÈRE PÉNALE
Cf. Criminaliste*, Droit (pénal, pénal général, pénal spécial)*, Meurtre*, Parricide*, Pénaliste*, Procédure pénale*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n°102, p.56
Voir : Cour européenne des droits de l'homme 13 octobre 1993
La matière pénale est constituée par les incriminations et les sanctions qui, selon la Cour européenne des droits de l’homme, relèvent par nature du droit criminel et de ses techniques visant à assurer le respect des droits des justiciables.
Robert (Droit pénal général) : La Cour européenne des droits de l’homme a décidé que, quelques soient les qualifications juridiques nationales, l’application de certaines sanctions relevant de la matière pénale suppose le respect de garanties élémentaires inscrites dans l’art. 6 de la Convention.
Commission européenne des droits de l’homme, 13 octobre 1993 (Boyadjian c. France) : Pour définir la « matière pénale », il importe d’abord de savoir si le texte définissant l’infraction en cause ressortit ou non au droit pénal d’après la technique juridique de l’État défendeur ; il y a lieu d’examiner ensuite, eu égard à l’objet et au but de l’art. 6, au sens ordinaire de ses termes et au droit des États contractants, la nature de l’infraction ainsi que la nature et le degré de gravité de la sanction que risquait de subir l’intéressé.
Cass.crim. 17 novembre 1993 (Bull.crim. n° 344 p.866) : Les textes, en matière pénale, sont d’interprétation stricte.
Cass.crim. 6 novembre 1991 (Gaz.Pal. 1992 I 287) : L'art. 6 § 2 de la Conv. EDH, qui n'a pas pour objet de limiter les modes de preuve prévus par la loi interne mais d'exiger que la culpabilité soit légalement établie, ne met pas obstacle aux présomptions de droit ou de fait instituées en matière pénale dès lors que lesdites présomptions, comme en l'espèce celle de l'art. L. 21-1 C. route, permettent d'apporter la preuve contraire et laissent entiers les droits de la défense.
Code pénal d’Andorre. Exposé des motifs : L’erreur en matière pénale est définie en ce sens que le Code prévoit que l’acte commis sans mauvaise foi ou sans faute est considéré comme fortuit, ce qui exonère de toute responsabilité.
MATRICIDE
Cf. Homicide*, Indignité successorale*, Meurtre*, Parricide*, Uxoricide*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° I-244, p.257
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », n° 342, p.224
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° 16, p.15
Voir : Platon, L'homicide (extrait du "Traité des lois")
Voir : L’assassinat d’Agrippine par Néron
Voir : Un criminel-né, parricide,matricide et empoisonneur (Extrait du T.XI des « Causes célèbres » de Nicolas-Toussaint Le Moyne des Essarts - Paris 1774)
- Notion. De même que le Parricide* est l’Homicide* intentionnel de son propre père, le matricide est le Meurtre* de sa propre mère. Ainsi, pour venger la mort de son père Agamemnon, Oreste assassina ses deux meurtriers, à savoir sa propre mère, Clytemnestre, et son amant, Égisthe.
Littré (Dictionnaire). Matricide – Celui ou celle qui a tué sa mère. On dit plutôt, même en parlant d’une mère, parricide : le parricide d’Oreste.
Lombroso (Le crime, causes et remèdes) : Enfant matricide. - Un enfant de 13 ans, Robert C., aidé de son frère de 12 ans, tua à Londres, sa mère avec un couteau acheté exprès. Après 1’homicide les deux enfants restèrent dans la maison pendant 11 jours, jusqu’à ce qu’on découvrit le cadavre. Robert avoua son crime en disant avoir tué sa mère parce qu’elle avait trop grondé son frère.
- Régime. Dans le langage courant, comme en droit positif, le matricide ne constitue qu’un cas particulier du parricide. Ce crime tombe sous le coup de l’art. 221-4 2° du Code pénal français.
Garraud (Traité de droit pénal) : Le parricide est un meurtre, mais un meurtre commis sur les père, mère ou tout autre ascendant.
Garçon (Code pénal annoté) : L'élément caractéristique du parricide est le rapport de filiation qui unit le meurtrier à la victime : père, mère ou tous autres ascendants.
MATURITÉ CRIMINELLE - Voir : Majorité pénale*, Sutherland*.
MAUVAIS TRAITEMENTS - Voir : Animaux*, Brutalités*.
MÉCHANT (Méchamment)
Cf. Dol spécial*, Éléments constitutifs de l’infraction*, Intention criminelle*, Mal*, Malice*.
- Notion. Une personne est dite méchante quand elle a tendance à faire le mal ; et, plus particulièrement en ce qui nous concerne, quand elle a l’intention de porter atteinte aux intérêts d’autrui.
Littré (Dictionnaire) : Qui ne vaut rien en son genre … Contraire à la probité, à la justice … Qui est porté à faire du mal.
Dictionnaire Larousse des synonymes : Méchant renferme l’idée positive du mal, principalement en parlant des individus chez qui il suppose réflexion et plaisir à faire du mal.
Bautain (Manuel de philosophie morale) : Le méchant vit conformément à sa nature viciée, en suivant l'instinct de la concupiscence et l'entraînement de l'égoïsme.
Rauter (Traité du droit criminel) : Dans l’état de nos mœurs des peines graves paraissent nécessaires, si on ne veut pas laisser les bons en proie aux méchants.
- Règle morale. La méchanceté ne peut, à l'évidence, qu'être condamnée sur le plan moral.
Cicéron (Traité des lois) : Nul parmi les gens de bien ne consentirait à recevoir un présent d’un méchant.
Les préceptes du Bouddhisme. Les dix préceptes se divisent en trois classes... c) Les fautes commises par l'esprit : la convoitise, la méchanceté...
St Thomas d’Aquin (Somme théologique) : On diffame quelqu’un, non en portant atteinte à la vérité, mais à une réputation. Ce qui peut se faire directement ou indirectement... Indirectement, en niant le bien qu’il fait ou en multipliant méchamment les réticences et les restrictions.
Ahrens (Cours de droit naturel) : Celui qui sait que ce qu'il fait n'est pas bon et l'accomplit néanmoins, parce qu'il s'en promet un avantage, a une volonté perverse ou méchante ; l'action est à la fois immorale et mauvaise, et le degré de la faute se mesure d'après l'extension du mal et la force intentionnelle dans laquelle il est fait.
- Science criminelle. Les pénalistes usent peu du terme "méchant", trop imprécis. Mais certains Codes définissent l'élément moral de l'infraction par l'adverbe "méchamment" ; ils visent ainsi l'intention de porter atteinte à l'intérêt protégé par la loi.
Neufbourg (La loi naturelle) : Sans les châtiments, qui rassurent les bons et intimident les méchants, la loi serait une lettre morte, un objet de risée, que braveraient effrontément autant qu'impunément les passions envieuses et brutales.
Ayrault (Ordre et instruction judiciaire) : Condamnons ledit Blanchard à faire amende honorable … au-devant de la grande porte de l’église cathédrale, et là, à déclarer à haute et intelligible voix que méchamment et malicieusement il a blasphémé contre le saint nom de Dieu... Dont il se repent et demande pardon à Dieu, au roi et à justice.
Code pénal de 1791. II-I-I, art. 6 : Tout fonctionnaire public chargé du secret d'une négociation... qui sera convaincu de l'avoir livré méchamment et traîtreusement aux agents d'une puissance étrangère, ou en cas de guerre, à l’ennemi, sera puni de mort.
Code pénal belge, art. 443 : Celui qui … a méchamment imputé à une personne un fait précis qui est de nature à porter atteinte à l’honneur de cette personne ou à l’exposer au mépris public, et dont la preuve légale n’est pas rapportée, est coupable de calomnie lorsque la loi admet la preuve du fait imputé, et de diffamation lorsque la loi n’admet pas cette preuve.
Code pénal suisse, art. 261 : Celui qui, méchamment, aura profané un lieu ou un objet destiné à un culte ou à un acte cultuel garantis par la constitution, sera puni de l’emprisonnement pour six mois au plus ou de l’amende.
Code pénal du Burundi. Art. 163 : Sera puni d’une servitude pénale d’un an à cinq ans et d’une amende de mille francs ou d’une de ces peines seulement, quiconque aura méchamment mutilé un cadavre humain.
Trousse (Novelles de droit pénal) : Quand le législateur requiert le dol spécial en employant le mot méchamment, il n’exige pas que l’auteur ait agi en vue de tirer un profit de son acte. Il suffit qu’il ait eu l’intention de faire mal, de porter atteinte aux droits de la société ou de particuliers.
Proal (Le crime et la peine) : Cette même année, 20 incendies ont été allumés méchamment par des domestiques ou ouvriers congédiés et mécontents.
MÉDECINE
Cf. Compérage*, Déontologie*, Fonction*, Maladie*, Médecine (exercice illégal)*, Médicament*, Non-assistance à personne en péril*, Santé*, Secret professionnel*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° 16, p.33 / n° I-103, p.145 / n° I-212 2°, p.193 / n° III-14, p.373
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le Jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-II-102, p.128 / n° I-I-II-105, p.130 / I-II-II-220, p.251
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° I-218, p.112 (faute professionnelle) / n° I-420, p.214 (exercice illégal) / II-230 p.331 (secret professionnel) / Table alphabétique p.681
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », n° 207, p.84 / n° 215, 99 / n° 302 5°, p.120 / n° 320, p.160 / n° 323, p.170 / n° 404, p.239
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° II-II-256, p.557 (sur l'organisation des professions médicales)
- Notion. L'art médical consiste dans l'exercice des techniques propres à prévenir ou à guérir les diverses maladies ou infirmités.
De Ferrière (Dictionnaire de droit, 1779) : Le médecin est celui qui, ayant étudié la structure du corps humain et les maladies qui lui arrivent, fait profession de les guérir, autant qu'il est possible, par la vertu des remèdes dont il a fait aussi une étude particulière, et dont il a la prudence de se servir à propos, suivant l'âge et le tempérament du malade, et suivant les circonstances qui accompagnent la maladie... La médecine est un art effectif qui conserve la santé présente, et qui guérit les maladies curables avec le secours de l'érudition, de l'expérience et de la raison.
St
Basile le Grand (Les règles monastiques, n° 55) :
Chacun des différents arts nous a été donné par Dieu pour
remédier à l’insuffisance de la nature : l’agriculture, par
exemple, parce que les produits de la terre ne naissent pas
spontanément en assez grande abondance pour nos besoins, l’art
du tissage parce qu’il nous faut absolument des vêtements pour
nous couvrir décemment, et nous protéger contre les morsures de
l’air ; de même l’art de construire, et il en est ainsi
certainement pour l’art de la médecine.
Le corps est sujet à de nombreuses maladies provenant de causes
extérieures ou intérieures comme la nourriture, et il souffre
tantôt d’excès, tantôt d’insuffisance ; c’est pourquoi Dieu,
modérateur de toute notre vie, nous a fait présent de la
médecine, et celle-ci, en retranchant ce qui excède et en
fournissant ce qui manque, symbolise l’art de soigner les
âmes... Certes, il est insensé de mettre tous ses espoirs de
guérison entre les mains des médecins, comme nous le voyons
faire par certains malheureux, qui n’hésitent pas à les appeler
leurs sauveurs, mais c’est aussi de l’obstination de refuser les
secours de leur art. [ c'est pourquoi rejeter des
traitements médicaux éprouvés ne saurait être justifié par un
motif prétendument religieux ]
- Exercice. L'art médical légitime les actes nécessaires à l'établissement du diagnostic, la prescription de médicaments composés de produits en principe prohibés, voire les atteintes portées à l'intégrité physique ou morale du patient lors du traitement .
Cass.1e civ. 14 octobre 2010 (pourvoi n° 09-68471) :Le principe de la liberté de prescription ne trouve application que dans le respect du droit de toute personne de recevoir les soins les plus appropriés à son âge et à son état.
Aix-en-Provence 23 avril 1990 (Gaz.Pal. 1990 II 575 note Doucet) : Dans les cas autorisés par la loi, le chirurgien qui pratique une intervention chirurgicale dans l'exercice normal de sa profession cause volontairement une atteinte à l'intégrité physique du patient. Néanmoins, les rigueurs de l'art. 309 C.pén. ne lui sont pas applicables parce que la profession médicale est autorisée et réglementée par la loi. Le médecin jouit ainsi d'une impunité légale dans la mesure où son intervention est justifiée par un intérêt thérapeutique.
L'acte médical fautif, qui a causé un préjudice au patient, emporte la responsabilité de son auteur. Est fautif l'acte qui n'est pas conforme à l'état des connaissances médicales au jour où il est accompli.
Cass.crim. 18 novembre 1876 (Bull.crim. n°333 p.854) : Est à bon droit déclaré coupable d'homicide involontaire le chirurgien à la charge duquel ont été constatées des négligences en relation de cause à effet avec le décès de l'opéré.
Cass.crim. 29 juin 1999 (Bull.crim. n° 162 p.448) : Pour déclarer S…, médecin gynécologue, coupable d’homicide involontaire, l’arrêt retient qu’il n’a pas procédé à un examen clinique approfondi de la patiente et que cette négligence, qui l’a empêché de diagnostiquer la lésion et a retardé l’intervention chirurgicale, a causé la mort de Chr. M… En l’état de ces seuls motifs, procédant de son appréciation souveraine, d’où il résulte que le prévenu n’a pas accompli les diligences normales qui lui incombaient, compte tenu de sa mission et des moyens dont il disposait, la Cour d’appel a justifié sa décision.
MÉDECINE (Exercice illégal de la)
Cf. Charlatan*, Compérage*. Rapprocher : Banquier (exercice illégal de la profession de)*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la personne humaine » (4e éd.), n° I-420 et s., p.214 et s.
Voir : Tableau des incriminations protégeant la vie (selon la science criminelle)
Voir : Tableau des incriminations protégeant la vie (en droit positif français)
- Au sens étroit, l’exercice illégal de l’art médical est le fait de pratiquer l’exercice de la médecine, en
diagnostiquant ou traitant des maladies, sans avoir acquis les connaissances nécessaires, sans avoir obtenu le diplôme les sanctionnant, et sans être
inscrit au tableau départemental de l’Ordre.
- Cette immixtion expose les patients à un risque pour leur santé, voire pour leur vie ; aussi est-elle incriminée par l’art. L.4161-1 du Code
de santé publique (ancien art. L.372). Cette disposition relève de la catégorie des infractions de police préventive.
Vitu (Traité de droit pénal spécial) : Dans le souci de
protéger la santé humaine contre les entreprises de personnes qui ne possèdent pas les connaissances voulues et ne satisfont pas aux conditions légales
d'exercice, le législateur use de divers procédés : usurpation du titre de docteur en médecine... exercice illégal de la profession de médecin.
Ce second délit exige trois éléments constitutifs : le défaut de qualité chez l'auteur du délit, l'accomplissement d'actes médicaux ou la prescription
d'un traitement, enfin l'habitude ou la direction suivie.
Code pénal du Brésil. Art. 282 :
Exercer, même à titre gratuit, la profession de médecin, de dentiste ou de pharmacien, sans autorisation légale ... Peine - détention de six mois à
deux ans.
Art. 283 - Charlatanisme : Effectuer ou faire de la publicité pour une cure secrète et infaillible... Peine - détention de trois mois à un
an.
Cass.crim. 9 février 2010 n° 09-80681 (Bull.crim. n° 19 p.33) : Constitue l’exercice illégal de la médecine le fait par une personne non diplômée de prendre part habituellement à l’établissement d’un diagnostic ou au traitement des maladies, quels que soient les procédés employés.
Cass.crim. 8 mars 2011 n° 10-83330 (Bull.crim. n° 50 p.67) : Il résulte de l’art. L. 4161-1 C.santé pub. qu’une personne, qui remplit les conditions d’exercice de la médecine exigées par ce texte, ne commet pas le délit d’exercice illégal de la médecine lorsqu’elle sort des limites de sa spécialité ou de sa compétence.
Cass.crim. 3 février 1987 (Gaz.Pal. 1987 I 398) : A caractérisé l’infraction d’exercice illégal de la médecine reprochée au prévenu la Cour d’appel qui a retenu que l’acupuncture constituait une thérapeutique à raison tant des moyens d’action qu’elle utilise que des actions organiques qu’elle est susceptible de susciter et qu’elle ne peut dès lors être pratiquée, en vertu de l’art. L 372 C. santé publ., que par les personnes titulaires du diplôme d’État de docteur en médecine ou bénéficiaires des dispositions spéciales visées aux art. L 356, L 357-1, L 359 et L 360 dudit Code.
Cass.crim. 13 septembre 2016, pourvoi n° 15.046, en matière d'épilation : Selon les arrêtés des 6 janvier 1962, pris en application de l'art. L. 372 du Code de la santé publique devenu l'art. L. 4161-1, et 30 janvier 1974, toute épilation au moyen d'un appareil laser ne peut être pratiquée que par un docteur en médecine ou sous sa responsabilité. Se rendent complices d'exercice illégal de la médecine le médecin qui, sans encadrement ni formation, fait pratiquer à des esthéticiennes ou secrétaires médicales de l'épilation laser, et le gérant de la société qui, agissant pour le compte de celle-ci, met à disposition de l'établissement des lasers à usage médical et fait pratiquer des séances d'épilation au moyen de ces appareils par des employés non titulaires du diplôme de docteur en médecine.
Cass.crim. 16 décembre 2008 n° 08-80453
(Bull.crim. n° 255 p.1194) : Les soins de détartrage dentaire réalisés à l’occasion d’un traitement dispensé par un médecin stomatologue
relèvent de l’exercice de la médecine.
En conséquence, la pratique habituelle de tels soins, pour le compte d’un médecin stomatologue, par une personne, qui n’est inscrite ni à l’ordre des
médecins ni à celui des chirurgiens-dentistes, constitue le délit d’exercice illégal de la médecine.
Cass.crim. 7 mai 1974 (Bull.crim. n° 160 p.410) : Le délit d’escroquerie existe dès lors que les versements n’ont pas été librement consentis, mais extorqués par des moyens frauduleux.
Exemple (Ouest-France 8 juin 2012) : L'épouse d'un médecin morbihannais comparaissait hier devant le Tribunal correctionnel; On lui reproche d'avoir exercé la médecine en lieu et place de son mari. Celui-ci est prévenu comme complice. On reproche à l'épouse du médecin, infirmière, d'avoir établi des ordonnances. Le nombre de consultations que vous avez effectuées en 2006, observe le Président (13.000) est de quatre fois supérieur à la moyenne en Morbihan.
- Au sens large, la notion d’exercice illégal de l’art médical couvre également l’exercice de l’art dentaire et l’exercice des professions para-médicales qui supposent des études sanctionnées par un diplôme attestant des capacités de son titulaire.
Cass.crim. 24 février 2004 (Bull.crim. n° 51 p.199) : Exerce illégalement l’art dentaire le prothésiste, non titulaire du diplôme de chirurgien-dentiste, qui prend des empreintes et pose des appareils de prothèse, cet acte étant la conséquence d’un diagnostic.
Exemple (Ouest-France 5 février 2016) : L'ex-footballeur jouait aussi au kiné... il a été condamné à six ans de prison ferme. Il avait exercé le métier de masseur-kinésithérapeute pendant huit à neuf ans, sans formation ni diplôme. Aucun patient n'a éventé l'imposture, ni même porté plainte. Ancien joueur de football, puis éducateur sportif, il a appris les gestes en observant et en massant lui-même, sur le bord des terrains.
- Complicité. Un médecin diplômé peut se rendre complice s'exercice illégal de la médecine s'il laisse son personnel accomplir des actes médicaux sans exercer de surveillance.
Cass.crim. 13 septembre 2016, pourvoi n° 15-85046 : Selon les arrêtés des 6 janvier 1962, pris en application de l'art. L. 372 du C. santé publ. devenu l'art. L. 4161-1, et 30 janvier 1974, toute épilation au moyen d'un appareil laser ne peut être pratiquée que par un docteur en médecine ou sous sa responsabilité, et que se rendent complices d'exercice illégal de la médecine le médecin qui, sans encadrement ni formation, fait pratiquer à des esthéticiennes ou secrétaires médicales de l'épilation laser, et le gérant de la société qui, agissant pour le compte de celle-ci, met à disposition de l'établissement des lasers à usage médical et fait pratiquer des séances d'épilation au moyen de ces appareils par des employés non titulaires du diplôme de docteur en médecine.
MÉDECINE LÉGALE
Cf. Autopsie*, Criminalistique*, Lacassagne*, Locard*, Narco-analyse*, Orfila*, Polygraphe*, Toxicologie*.
Voir : A. Lacassagne, Histoire de la médecine légale
Voir : Muyart de Vouglans, La lutte contre l’empoisonnement après l’« Affaire des poisons »
La médecine légale est la branche de l’art médical spécialisée dans l’examen des violences faites à un être humain. Si tout médecin peut déterminer la durée de l’incapacité de travail subie par une victime, seul un médecin légiste peut rechercher les causes d’une mort suspecte et déterminer avec précision la date du décès.
Brissot (Bibliothèque du législateur) : Plus de quatre cents ans avant Henri IV, il y avait des médecins et chirurgiens attachés par commission au Châtelet de Paris, et qui étaient chargés des rapports dans les cas où la justice avait besoin d'être éclairée sur la cause des morts violentes ou sur l'état des personnes qui formaient ou étaient l'objet de demandes juridiques. Ce monarque, par un édit donné en 1606, multiplia ces commissions, ordonna qu'il y aurait dans chaque ville où il se trouvait une justice royale, des médecins et chirurgiens auxquels le droit de faire les rapports serait exclusivement attribué, et il confia leur nomination à son premier médecin.
Constitution criminelle de Charles Quint (Caroline, 1532) : De la visite d’un corps mort. Le juge accompagné … d’un ou plusieurs chirurgien, doit prendre avec soin l’inspection du cadavre avant qu’il ne soit enterré et faire dresser exactement un procès-verbal de la visite des blessures, des coups et des contusions qui s’y trouveront.
Ordonnance criminelle de 1670 (T. V) : Les personnes blessées pourront se faire visiter par médecins et chirurgiens… Voulons qu’à tous les rapports ordonnés en justice assiste au moins un des chirurgiens commis de notre premier médecin ès lieux.
Desmaze (Les pénalités anciennes) cite ce rapport médical fait à Paris le 7 mai 1655 : Nous avons trouvé Anne Kerver gisant au lit, se plaignant de grandes douleurs dans la région du bas-ventre et sur le haut de la joue droite, que nous avons trouvée en effet d’un rouge livide, avec tumeur et contusion de la partie inférieure de l’orbite, un mal de tête et émotion du pouls assez considérables, lesquels accidents proviennent vraisemblablement des violences dont ladite demoiselle malade se plaint lui avoir été naguère faites sur son corps, comme soufflets, coups de poing et autres choses semblables…
Planques (La médecine légale judiciaire) : La médecine est à la fois une science dans son inspiration et un art dans l’application individuelle que le médecin en fait. La partie de ces connaissances et de ces techniques mise au service de l’application des lois constitue la médecine légale. Si la justice pénale peut à tout moment requérir impérativement tout médecin, elle utilise de préférence les médecins légistes dont elle s’est assurée le concours habituel. Il n’existe en France qu’un très petit nombre de médecins consacrant toute leur activité aux tâches médico-légales.
Code de procédure pénale espagnol, Art. 344 : Avec le nom de médecin légiste, il y aura en chaque tribunal d’instruction un médecin chargé d’apporter son concours à l’administration de la justice dans tous les cas et pour toutes les mesures où l’intervention et les services de sa profession sont nécessaires ou utiles en tout point de la circonscription judiciaire.
MÉDIAS
Cf. Censure*, Presse*, Publications destinées à la jeunesse*, Publication d'un ouvrage contraire aux bonnes mœurs*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », sur les dangers de la télévision pour les mineurs n° 322, p.168 / n° 330, p.191-192 / n° 403 1°, p.233 / n° 438, p.292 / n° 447, p.302
On appelle « Média » (ou « mass media ») tout moyen de diffusion de l’information ou de la pensée. Journaux, hebdomadaires, livres, vidéogrammes, radio, télévision, Internet, entre autres, sont a priori régis par la loi du 29 juillet 1881 sur la Presse*.
Cour EDH 24 novembre 1993 (Gaz.Pal. 1994 II 483) : La Cour a fréquemment insisté sur le rôle fondamental de la liberté d’expression dans une société démocratique, notamment quand elle sert à communiquer des informations et des idées d’intérêt général. La remarque vaut spécialement pour les média audiovisuels, car leurs programmes se diffusent souvent à très grande échelle.
Desmurget (TV
Lobotomie, Paris 2011) : L'effet délétère de la télévision
sur l'agressivité est aujourd'hui solidement établi d'un point
de vue scientifique. Tous les travaux de synthèse
parus depuis 15 ans le clament haut et fort. Globalement trois
effets majeurs des contenus audiovisuels violents ont été
démontrés.
1° - désensibilisation : le spectateur apprend
progressivement à tolérer sans sourciller des niveaux de
violence de plus en plus marqués ;
2° - syndrome du grand méchant monde : le
spectateur s'imprègne graduellement de la conviction selon
laquelle le monde environnant est hostile et dangereux ;
3° - agressivité : le spectateur se comporte du
manière plus violente et agressive, aussi bien à court qu'à long
terme.
Aucun argument n'a pu être apporté en faveur de la thèse
cathartique selon laquelle les spectateurs se purgeraient de
leurs pulsions violentes en voyant ces dernières mises en scène
à la télévision.
MÉDIATEUR DE LA RÉPUBLIQUE - Voir : Défenseur des droits*.
MÉDIATION PÉNALE
Cf. Action publique*, Composition pénale*.
La médiation pénale est la procédure par laquelle le procureur de la République confie à un tiers la mission de susciter, entre l’auteur et la victime d’une infraction pénale, un accord qui permettra de réparer le dommage causé, de mettre fin au trouble social et de contribuer au reclassement de l’auteur des faits (art. 41-1 5° C.pr.pén.). En cas de conciliation, l’affaire est classée sans suite.
Pradel (Procédure pénale) : C’est le parquet qui a l’initiative de la médiation, même si en fait rien n’interdit au délinquant de la lui suggérer… Mais cette procédure suppose l’accord de tous les intéressés, y compris le parquet. Deux précisions doivent toutefois être ajoutées. D’abord, le médiateur n’est pas le procureur, mais un tiers neutre et indépendant par rapport à la poursuite… Ensuite la médiation est une sorte de transaction civile dans laquelle interviennent délinquant et victime sous l’égide du médiateur.
Cass.crim. 12 mai 2004 (Bull.crim. n° 121 p.466) : Les dispositions de la loi du 8 février 1995 selon lesquelles les constatations du médiateur et les déclarations qu’il recueille ne peuvent être évoquées devant le juge saisi du litige qu’avec l’accord des parties, ne sont pas applicables aux procédures pénales.
MÉDICAMENT
Cf. Médecine*, Poison*, Santé*, Stupéfiants*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° II-II-259, p.563 (sur la police des médicaments)
- Notion. Un médicament est une substance animale, végétale, minérale ou artificielle qui est administrée à une personne, soit pour prévenir ou traiter une maladie, soit pour atténuer des douleurs.
Larousse médical : Médicament - Substance matérielle employée dans le traitement des maladies ou blessures... Le médicament possède des propriétés curatives et n'est pas toujours dépourvu de toxicité, c'est pourquoi il doit être préparé et dispensé par un pharmacien qui en expliquera le mode d'emploi.
Vitu (Traité de droit pénal spécial) : Depuis une ordonnance du 23 septembre 1967, la notion de médicament est devenue : toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines ou animales.
Cass.crim. 9 novembre 1994 (Bull.crim. n° 359 p.879) : Selon l’art. L. 511 C. santé publ., sont considérés comme médicament toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines ainsi que tout produit pouvant être administré à l’homme en vue de restaurer, corriger ou modifier ses fonctions organiques.
Cass.crim. 5 mai 2009, n° 07-88599 (Bull.crim. n° 84 p.305) : Ne justifie pas sa décision au regard des articles L. 4211-1 4° et 5°, L. 5111-1 du Code de la santé publique, la cour d’appel qui, pour écarter la qualification de médicaments par présentation et par fonction et dire non réunis les éléments constitutifs du délit d’exercice illégal de la pharmacie, d’une part ne recherche pas si les produits objet de la poursuite sont présentés comme possédant des propriétés curatives et préventives à l’égard des maladies humaines, d’autre part ne procède pas au cas par cas, en tenant compte de l’ensemble des caractéristiques de chaque produit, dont notamment sa composition, ses propriétés pharmacologiques, immunologiques ou métaboliques, établies en l’état actuel de la connaissance scientifique, ses modalités d’emploi, l’ampleur de sa diffusion, la connaissance qu’en ont les consommateurs et les risques que peut entraîner son utilisation sur la santé, et enfin, omet de vérifier si ceux des produits litigieux composés de plantes médicinales inscrites à la pharmacopée échappent au monopole des pharmaciens.
La jurisprudence est parfois amenée à distinguer les médicaments par fonction des médicaments par présentation.
Cass.crim. 22 février 2011 n° 10-81742 (Bull.crim.
n° 34 p.190) : La qualification de médicament par fonction s’apprécie, au cas par cas, au regard de la situation de chaque produit, en tenant
compte de l’ensemble de ses caractéristiques, notamment en examinant sa composition, ses modalités d’emploi, ses propriétés pharmacologiques,
immunologiques ou métaboliques dont il se déduit qu’il est capable de restaurer, corriger ou modifier les fonctions physiologiques de manière
significative et qu’il ne s’agit pas d’un complément alimentaire, ainsi que les risques liés à son utilisation.
Constitue un médicament par présentation le produit qui est présenté comme possédant des propriétés curatives et préventives à l’égard des maladies
humaines.
Justifie, en conséquence, sa décision la cour d’appel qui qualifie des produits de médicaments en se référant à de tels critères .
- Science criminelle. Pour les plus dangereux d'entre eux, les médicaments doivent, d'abord être élaborés par une officine autorisée, ensuite être prescrits par un médecin et délivrés par un pharmacien. Les pouvoirs publics se trouvent parfois en présence d'un véritable trafic.
Exemple (Ouest-France 23 mai 2014) : Lors d'une vaste opération menée du 13 au 20 mai, dans 111 pays, l'Organisation internationale de coopération policière a sais 9,4 millions de médicaments contrefaits et potentiellement mortels. L'opération, qui ciblait des sites Internet de vente, a permis de saisir pour 26.000.000 € de marchandises : pilules amaigrissantes, traitement contre le cancer, le cholestérol, le rhume, la malaria... 10.000 sites ont été fermés et 237 personnes arrêtées.
Code pénal d'Andorre. Art. 173 : Quiconque, sans y être régulièrement autorisé, aura élaboré des médicaments ou des substances nocives ou se sera livré à leur trafic sera puni d'un emprisonnement d'un maximum de trois ans.
Code pénal du Chili. Art. 494 : Encourt une amende le pharmacien qui délivre des médicaments en vertu d'une prescription qui n'est pas dûment autorisée.
Nigeria (Code pénal de l'État du Zamfara). Art. 358. Quiconque, sachant qu'un médicament, ou qu'une préparation médicale, est altéré ou périmé en sorte qu'il a perdu son efficacité, le propose à la vente ... sera puni d'un emprisonnement de trois ans au plus et de quarante coups de canne.
Cass.crim. 15 septembre 2000 (Gaz.Pal. 2001 J
64) : La société H… fabrique et vend des gélules, réalise des mélanges de plantes médicinales, de poudres de plantes et d’oligo-éléments. Son
dirigeant, n’étant pas titulaire du titre de pharmacien, est poursuivi pour exercice illégal de la pharmacie. Il a prétendu, devant les juges du fond,
que l’entreprise se bornait à vendre en gros, à des pharmaciens, des substances chimiques destinées à la pharmacie, activité qui, par application de
l’art. L.512, dernier alinéa, du Code de la santé publique, n’est pas réservée aux seuls pharmaciens; il a en outre soutenu que le monopole
pharmaceutique n’était pas compatible avec les dispositions des art. 36 et 30 du Traité de Rome.
Pour écarter à bon droit ces moyens de défense et déclarer le prévenu coupable de l’infraction, les juges relèvent qu’il est établi qu’il s’est livré à
la fabrication de médicaments et de préparations conditionnées en gélules et à leur vente, qu’il accompagnait de fiches ou factures comportant des
indications thérapeutiques ; et ils énoncent que les dispositions réservant ces activités aux seuls pharmaciens, pour des raisons de protection de la
santé publique, ne sont pas incompatibles avec le droit communautaire.
- Droit positif.
L'administration de certains produits, notamment par un simple particulier, peut constituer, tantôt le crime
d'Empoisonnement*, tantôt le délit d'Homicide par imprudence (impéritie)*, tantôt le délit
d'Administration de substances nuisibles pour la santé*.
Ils relèvent alors du Code pénal.
La fabrication de faux médicaments tombe sous le coup des textes
édictés dans le Code de la santé publique.
Cass.crim. 21 octobre 1998 (Gaz.Pal. 1999 I
Chr.crim. p.16) : Si les sages-femmes, en application des art. L.370 et L.374 C.santé publ., ne peuvent prescrire que les examens et les
médicaments nécessaires à l’exercice de leur profession, elles sont libres de leurs prescriptions dans les limites fixées par ces textes, qui leur
attribuent notamment la pratique des soins postnataux à la mère.
En l’espèce, la Dame H…, après avoir donné le jour à deux jumelles, est morte des suites d’une hémorragie intra-utérine postérieure à
l’accouchement et à la délivrance, pratiqués par D…, médecin gynécologue indépendant assurant le remplacement des médecins de la clinique, assisté par
H.H…, sage-femme salariée de l’établissement. A l’issue de l’information ouverte sur les causes de ce décès, le gynécologue et la sage-femme ont été
renvoyés sous la prévention d’homicide involontaire...
Cass.crim. 14 juin 1995 (Gaz.Pal. 1995 II Chr.crim.
p. 455) : L..., vice-président d’un club de football, a, à l’occasion d’une rencontre, mis à la disposition des adversaires de son club des
bouteilles d’eau minérale dans lesquelles il avait introduit, à l’aide d’une seringue, une certaine quantité de « valium », médicament qu’il s’était à
dessein fait prescrire par son médecin traitant. Après avoir bu ce breuvage, deux joueurs ont subi une altération passagère de leurs facultés
physiques.
L.. est poursuivi pour administration d’une substance nuisible à la santé. Les premiers juges l’ont relaxé en retenant, au vu des constatations
médicales effectuées, que les victimes n’avaient souffert d’aucune maladie. Pour infirmer cette décision et déclarer L... coupable de coups ou violences
volontaires avec préméditation, la juridiction du second degré retient que l’administration d’un calmant diminuant la capacité physique d’un sportif
caractérise une atteinte à l’intégrité physique qui est un élément constitutif de l’infraction de violences ou voies de fait prévue par l’art. 309
C.pén.
En prononçant ainsi après avoir constaté que l’absorption de « valium » par deux joueurs avait entraîné une diminution de leurs facultés physiques,
caractérisant une altération de leur santé, les juges ont écarté à tort le délit prévu et réprimé par l’art. 318 de l’ancien Code pénal, et par l’art.
222-15 du nouveau, pour lui substituer la qualification de violences ou voies de fait avec préméditation. Toutefois, la peine prononcée et les
dommages-intérêts alloués étant justifiés dans les conditions prévues par l’art. 598 C.pr.pén., rejette .
MÉDISANCE
Cf. Calomnie*, Contumélie*, Dénigrement*, Détractation*, Diffamation*, Injure*, Offense*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° II-309, p.366 et s.
- Notion. Médire consiste à tenir des propos malveillants sur autrui, notamment à dévoiler, sans raison valable, soit ses vices, soit des fautes qu'il a commises.
Thomas (Cours de philosophie morale) : Médire, c'est dévoiler les fautes, les travers ou les ridicules de ses semblables, sans jamais rien avance qui soit contraire à la vérité... la médisance a pour but de ternir la réputation de ses semblables et de leur nuire.
Franck Adolphe (La morale pour tous) : La médisance n'est, pour ainsi dire, qu'une diffamation à huis clos, renfermée dans les murs d'un salon.
Pierre et Martin (Cours de morale pour l'enseignement primaire) : La médisance consiste à révéler inutilement les fautes et les défauts des autres... C'est une disposition fâcheuse qu'il faut combattre de toutes nos forces.
Vitu (Traité de droit pénal spécial) : La médisance consiste en la révélation des fautes ou défauts d'autrui, faite sans raison suffisante ou dans l'intention de nuire.
- Règle morale. La médisance est naturellement condamnée par la loi morale. Elle constitue une faute, tant au regard de la loi civile, qu'au regard du droit disciplinaire.
Lois de Manou. La médisance, est une des dix sortes de vices qui naissent de l'amour du plaisir.
Ménant (Zoroastre, éd. 1844) : Il y a trois péchés qui ne peuvent être compensés par des prières ou des bonnes œuvres : la calomnie, la médisance et le vol ; la partie lésée doit pardonner elle-même au coupable.
Catéchisme de l'Église catholique : § 2477 : Le respect de la réputation des personnes interdit toute attitude et toute parole susceptibles de leur causer un injuste dommage. Se rend coupable de « médisance » celui qui, sans raison objectivement valable, dévoile à des personnes qui l’ignorent les défauts et les fautes d’autrui.
Marat (Plan de législation criminelle) : Les motifs qui portent à la médisance sont toujours odieux, et que la médisance elle-même est toujours blâmable...
Pontas (Dictionnaire des cas de conscience) : Un avocat doit respecter la vérité... Il doit s'abstenir de tout ce qui peut blesser la réputation du prochain ; il y a péché mortel, lorsque l'injure ou la médisance sont considérables. L'injure, la médisance, ne sont employées comme moyen de défense que par les avocats médiocres.
- Science criminelle. Le législateur pénal hésite à incriminer ce mode d'atteinte à la réputation, à la dignité de la personne visée : d'une part la médisance repose souvent sur un fond de vérité, d'autre part l'intention de porter atteinte à la réputation d'autrui est souvent difficile à établir. Dans ses formes aggravées, elle relève toutefois de la loi pénale à travers les incriminations de diffamation ou de calomnie.
Leclère (Législation criminelle des Cambodgiens) : Les codes cambodgiens ne parlent guère des calomnies, des médisances et des injures ; ils n'indiquent presque jamais les peines qu'encourent ceux qui commettent ces délits, quand ils ne sont pas accompagnés de voies de fait. Mais, dans la pratique, il est d'usage que les petits tribunaux en connaissent et les punissent assez sévèrement.
St Thomas d'Aquin (Somme théologique) : Quelqu’un peut être lésé de façon occulte, dans sa dignité, par des médisances qui ternissent sa réputation.
Servant (Discours sur l’administration de la justice) : Quelles différences des crimes par leurs degrés ! Que de nuances à marquer, que de délits à distinguer, depuis la menace jusqu'au meurtre, depuis la médisance jusqu’à la diffamation.
- Droit positif. Le droit pénal français, qui s'en tient à la calomnie et à la diffamation, ne sanctionne pas la simple médisance. Celle-ci peut cependant être réprimée sur le plan disciplinaire ou sur le plan civil.
Voir : Tableau des incriminations protégeant l'honneur et la considération (en droit positif français)
Trib.corr. Paris 6 décembre 1984 (Gaz.Pal. 1985 II 707) : La médisance à l’encontre de tel ou tel groupe ethnique n’a pas pour conséquence nécessaire de provoquer à la discrimination et à la haine. Il appartient à la partie poursuivante d’articuler les éléments de faits propres à caractériser le délit de provocation.
Rouen (2e Ch.), 8 janvier 2004 (JCP 2004 IV 3016) : Le trouble commercial subi par l'acquéreur est dû aux médisances du cédant, lequel doit en conséquence verser à son cocontractant 4.500 € à titre de dommages et intérêts.
Vidocq (Mémoires) : Terrible engeance, les portiers sont les trompettes de toutes les médisances.
MÉFAIT
Cf. Crime*, Délit*, Forfait*, Infraction*, Mal*, Malfaiteur*, Malice*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° I-232 2°, p.241 / n° III-323, p.489 (note 6)
Voir : Holbach, Du mal moral, ou des crimes, des vices et des défauts des hommes
- Notion. Verbe un peu oublié, « méfaire » signifie « faire le mal » ; comme « médire » signifie encore « dire du mal ». Un méfait est dès lors un acte orienté vers le mal. L’auteur habituel de méfaits est un malfaiteur.
Littré (Dictionnaire). Méfaire : faire le mal. Méfait : Action de méfaire, mauvaise action.
Merle et Vitu (Traité de droit criminel) : Le crime est un « méfait », le délinquant un « malfaiteur ».
En très vieux français on écrivait : mesfet (mesfets).
Ordonnance de Saint-Louis de 1264 sur le blasphème : Si la personne qui aura "mesfet" ou "mesdit" est de l'âge de dix à quatorze ans, elle sera battu par la justice.
- Règle morale. Le méfait, souvent rapproché du péché, est par là même fermement flétri par la loi morale.
Bentham (Déontologie ou science de la morale) : De même qu'Horace, dans ses Satires, place tous les méfaits (peccata) sur le même niveau, de même Hume met toutes ses vertus sur la même ligne, ne tirant entre elles aucune ligne de démarcation.
Tarde (La philosophie pénale) : Notre but, dans cet ouvrage, est de rechercher et d'éprouver les principes sur lesquels se fonde, ou doit se fonder, notre sentiment d'indignation à la vue du méfait, et du malfaiteur.
Liard (Morale et enseignement civique dans les écoles primaires) : Divulguer les méfaits des voleurs, des assassins et des coquins de toute sorte, ce n'est pas médire, c'est faire une bonne action.
Joly (Le crime, étude sociale) : On peut diviser les malfaiteurs suivant l'étendue, le nombre et l'importance de leurs méfaits, quelle que soit d'ailleurs la nature particulière de leurs actes.
- Science criminelle. Étant perpétré pour "faire le mal", un méfait relève de la catégorie des délits subjectifs et même, le plus souvent, des délits rationnels. Il suppose l'intention de porter atteinte à tel intérêt protégé.
Bourg Saint-Edme (Dictionnaire de la pénalité) : Par un arrêt du parlement de Toulouse, du 27 janvier 1535, René de Bélestar, pour les crimes et méfaits par lui commis, a été condamné à être mis perpétuellement aux galères, et s'il s'échappait serait pris et mené à la Conciergerie, et d'icelle à Saint-Georges perdre la tête.
Domat (Les quatre livres du droit public) : Beaucoup de malfaiteurs... faisant un métier du vol et du pillage, sont convenus de mettre en commun le produit de leurs méfaits. Cette association est en soi-même un crime.
Code pénal de 1810. Sur le crime d'association de malfaiteurs. Art. 266 : Ce crime existe par le seul fait d'organisation de bandes... ou de conventions tendant à faire distribution ou partage du produit des méfaits.
Rigaux et Trousse (Les codes de police belge) : Par l’art. 552 2°, le législateur n’a voulu rien moins que prévenir la tentation de perpétrer des vols ou d’autres méfaits.
Code pénal canadien. Art. 430 : Commet un méfait quiconque volontairement, selon le cas : a) détruit ou détériore un bien; b) rend un bien dangereux, inutile, inopérant ou inefficace; c) empêche, interrompt ou gêne l’emploi, la jouissance ou l’exploitation légitime d’un bien; d) empêche, interrompt ou gêne une personne dans l’emploi, la jouissance ou l’exploitation légitime d’un bien.
- Droit positif. Devenu trop imprécis en France pour relever du vocabulaire pénal, ce terme ne se rencontre plus que rarement chez les juges répressifs. Mais il n'a pas disparu pour autant du langage juridique, comme on peut le voir ci-dessous.
Paris 26 février 1986 (D. 1986 397) : Une société, qui s’est engagée à assurer la surveillance d’un entrepôt, ne saurait échapper à sa responsabilité, après cambriolage de l’entrepôt, en soutenant que son préposé avait organisé le méfait en dehors de l’exercice de sa profession.
Cons. d'État 18 novembre 1988 (Gaz.Pal. 1989 II Panor.adm. 360) : L'assassinat d'une jeune femme par un gendarme qui l'avait prise en auto-stop, alors même qu'il avait été commis par celui-ci en dehors de ses heures de service et avec son arme personnelle, n'est pas dépourvu de tout lien avec le service et engage la responsabilité de l'État, étant établi que cet agent s'était rendu coupable à l'époque de nombreux méfaits, qu'il avait commis plusieurs vols de voiture et trois attaques à main armée.
MEHAING
Cf. Blessure*, Mutilation*, Navrer*.
Le mot « mehaing » ou « mahaing », employé au Moyen-âge, signifiait « navreure » dans notre Ancien droit, et se rend par « blessure » en langage contemporain. Mehaigner correspondait à « blesser » ; un « mehaigné » était donc un blessé. On trouve aussi l’orthographe « maganer ».
Musée virtuel francophone de la Saskatchewan : Dans son Dictionnaire nord-américain de la langue française, Bélisle maintien que le verbe « maganer » vient de l’ancien français « mahaner ». Le Dictionnaire Larousse de l’ancien français n’a pas le terme « maganer », mais « mahaigner » qui voulait dire autrefois « mutiler, blesser, torturer ».
Le Foyer (Le droit pénal normand au XIIIe siècle) : Au nombre des crimes les plus graves contre les personnes figure le méhaing... qui est la mutilation ou la lésion grave qui rend l'homme impropre au combat, et c'est à la lumière de cette incapacité que seront appréciées les atteintes à l'intégrité des membres et des organes.
Y.Bongert (Cours d’histoire du droit pénal) : Les « bateures », « navreures » ou « mehaing » : il s’agit là de l’équivalent de nos « coups et blessures ».
Très ancienne Coutume de Bretagne : [Si celui qui a reçu un coup perd un de ses membres … celui qui a porté ce coup et causé cette incapacité] est tenu de pourvoire tout le cours de la vie au mehaigné selon son estat.
MÉLANCOLIE
Cf. Démence*.
Abattu, déprimé, dégoûté de la vie et des hommes, le mélancolique peut être amené à des actes de violence. Il est surtout susceptible de se suicider (d’où la nécessité de le surveiller pour son bien) ; mais il peut aussi décider de faire partir ses proches avec lui, afin de leur éviter d’avoir à affronter un monde qu’il estime perverti par le mal (suicide collectif).
Larousse médical : La mélancolie est un état morbide de dépression assez mal définie dans son intensité. Il s’agit d’une psychose aiguë. Elle consiste en un trouble de l’humeur ou état dépressif profond qui se traduit par une sombre tristesse, une coloration pessimiste des idées et des sentiments, une douleur morale intense, un ralentissement ou une suspension de toutes les activités intellectuelles. Le risque de suicide y est grand.
Cuvillier (Vocabulaire philosophique). Mélancolie : tristesse morbide accompagnée d’une dépression mentale générale avec anxiété, dégoût de la vie et souvent idées délirantes d’auto-accusation.
Cass.crim. 8 janvier 1985 (Gaz.Pal. 1985 II somm. 385) : La victime d’un accident de circulation s’est donné la mort à quelque temps de là ; le Tribunal correctionnel a entériné les conclusions des experts selon lesquelles le suicide était l’aboutissement d’un état mélancolique qui avait été déclenché par l’accident et ses conséquences.
MÉMOIRE (des morts)
Cf. Dénigrement (science criminelle)*, Diffamation envers la mémoire d’un mort*, Réhabilitation*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la personne humaine » (4e éd.), n° 45, p.43
La mémoire des morts est protégée contre les propos diffamatoire par une incrimination spéciale de la loi de 1881 sur la presse.
Si la mémoire d’un mort peut donner lieu à réhabilitation, elle ne peut être touché par une condamnation pénale, puisque la mort d’une personne éteint
l’action publique. En revanche, elle peut faire l’objet de sanctions politiques.
Villey (Cours de droit criminel) : La réhabilitation existait dans notre ancien droit, et elle était accordée même pour rétablir la mémoire des morts.
Code d’instruction criminelle du Luxembourg. Art. 446. (L. 30 avril 1981) : S’il y a impossibilité de procéder à de nouveaux débats, notamment en cas de décès, la Cour de cassation annule celles des condamnations qui lui paraissent non justifiées et décharge, s’il y a lieu, la mémoire des morts.
Monestier (Faits-divers) : La municipalité de Tambov, dans le sud de la Russie, a décidé, après la sanglante prise d’otage à Moscou en octobre 2002, de débaptiser le rue de la ville portant le nom de Robespierre. Une mesure adoptée à l’unanimité par le conseil municipal, à la demande pressante des riverains qui ne supportaient plus de voir chaque jour sur leur courrier ou les plaques de leur rue cette référence au terrorisme.
MÉMOIRE (en procédure)
Cf. Actes juridiques - actes de procédure*, Notification*, Témoin assisté*.
Un mémoire est un acte de procédure écrit, adressé à une juridiction d’instruction ou de jugement, dans lequel une partie au procès développe tout ou partie de ses prétentions ou arguments.
Maron (Droit pénal 1993 Chr.61) : Normalement, « mémoire » est le terme qu’il convient d’employer lorsqu’il s’agit de procédure écrite, alors que « conclusions » est celui qui correspond à la procédure orale… La différence de terminologie n’empêche nullement une grande similitude d’objet, à savoir contraindre la juridiction à se prononcer sur une question, qu’il s’agisse d’un incident, d’une demande ou d’un moyen.
Normalement, les mémoires sont déposés au greffe. Mais l'avocat qui n'exerce pas dans la ville où siège la chambre de l'instruction peut communiquer son mémoire par télécopie ou par lettre recommandée avec avis de réception (art. 198 C.pr.pén.). Un détenu bénéficie, largement, de la même facilité.
Cass.crim. 13 juin 2007 (Bull.crim. n° 159 p.687) : Il se déduit des dispositions de l'art. 6 § 1 de la Conv. EDH et des articles préliminaires et 198 C.pr.pén. que, lorsqu'elle est détenue, la personne doit pouvoir adresser son mémoire ) la chambre de l'instruction par lettre simple ou recommandée, par télécopie ou par l'intermédiaire du chef de l'établissement pénitentiaire.
Dès lors qu’ils ont été régulièrement saisis de ce document, les magistrats sont tenus d’y répondre dans les motifs de leur décision. Rapprocher : Conclusions*.
Cass.crim. 3 octobre 2000 (Gaz.Pal. 2001 I somm. 971) : Encourt la cassation l’arrêt de la chambre d’accusation qui, dans une poursuite pour exercice illégal de la pharmacie, confirme une ordonnance de non-lieu au motif que le produit dont la partie civile dénonçait la vente ne constitue pas un médicament, sans répondre aux articulations essentielles de son mémoire sur la qualification d’insecticide ou d’acaricide de ce produit.