DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL
- Professeur Jean-Paul DOUCET -
Lettre E
(Quinzième partie)
EXCUSE (sur le plan procédural)
Cf. Mépris -Mépris de justice*, Exoine*.
Une personne convoquée à telle audience d’une cour ou d’un tribunal a le devoir d’y être présente. En cas d’absence elle encourt certaines sanctions pour Mépris de justice, à moins qu’elle ne produise une justification motivée par son état de santé ou par un cas de force majeure (une « excuse », une Exoine disait-on autrefois).
Art. 410 C.pr.pén. : Le prévenu régulièrement cité à personne doit comparaître, à moins qu’il ne fournisse une excuse reconnue valable par la juridiction devant laquelle il est appelé.
Cass.crim. 16 janvier 1989 (Bull.crim. n° 16 p.44) : L’appréciation d’une excuse, invoquée par le prévenu détenu qui refuse de comparaître, relève du pouvoir souverain des juges du fond.
Cass.crim. 19 juin 2012, n° 11-87545 (Gaz.Pal. 1er août 2012 p.25) : Doit être assimilée à l'excuse prévue par l'art. 410 C.pr.pén., sur la validité de laquelle les juges sont tenus de se prononcer, la lettre du prévenu non comparant, parvenue après les débats mais avant le prononcé de la décision et invoquant une cause d'empêchement légitime.
EXCUSE (quant au fond du droit) - Voir : Excuse absolutoire*, Excuse atténuante*, Excuse de dénonciation*, Exemption de peine*.
Rigaux et Trousse (Les crimes et délit du Code pénal belge) : Les excuses sont des causes légales d'atténuation ou même d'exemption de peines relativement à des infractions déterminées. Les excuses qui entraînent une atténuation de la peine sont dites atténuantes ; celles qui justifient la remise totale de la peine s'appellent excuses absolutoires ou péremptoires.
EXCUSE ABSOLUTOIRE
Cf. Absolution*, Acquittement*, Excuse de dénonciation*, Faux témoignage*, Immunités*, Relaxe*, Repenti*. Voir maintenant : Exemption de peine*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° III-328, p.494
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-III-I-201, p.267
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° III-215 bis, p.494 / n° IV-305, p.589
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents » : n° 338 6°, p.218 / n°407, p.246 / n° 453, p.308
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° 6, p.9 / n° I-I-220, p.125 / n° I-II-218, p.208 / n° II-I-110, p.346
Voir : Tableau général des incriminations pénales pouvant protéger un intérêt juridique donné (1e colonne)
Voir : Tableau des incriminations protégeant la Constitution (selon la science criminelle)
Voir : Tableau des incriminations protégeant la Constitution (en droit positif français)
Voir : Tableau relatif à la prohibition du duel (selon la science criminelle)
Voir : Tableau des incriminations protégeant la Nation contre les actes de terrorisme (en droit positif français)
Voir : Tableau des incriminations protégeant la monnaie (en droit positif français)
- Notion. Une excuse absolutoire est une circonstance de fait, prévue par le législateur, qui emporte dispense de peine. Ordinairement de nature immorale, elle ne se justifie que par des conditions d'utilité. On parle aujourd'hui d'Exemption de peine*.
Jeandidier (Droit pénal général) : Les excuses absolutoires réalisent une véritable exemption légale de la sanction. Elles sont des circonstances de fait limitativement prévues par la loi. En tout état de cause, le prévenu n’est nullement blanchi ; sa responsabilité civile reste entière.
Code pénal de Côte d'Ivoire. Art. 10 : Constitue une excuse toute raison limitativement prévue et définie par la loi et dont l'admission, sans faire disparaître l'infraction, entraîne soit, dispense ou exemption de peine et, dans ce cas, l'excuse est dite absolutoire, soit atténuation obligatoire de la peine encourue et, dans ce cas, l'excuse est dite atténuante.
- Science criminelle. L'excuse absolutoire repose le plus souvent sur des considérations de politique criminelle : elle permet notamment d'obtenir que des participants à un complot (doutant du résultat) se livrent aux autorités avant qu'il n'aille à son terme. Ainsi, en droit anglo-saxon, le malfaiteur qui dénonce ses complices et qui accepte de témoigner contre eux bénéficie d’une excuse atténuante, voire d’une excuse absolutoire.
Code pénal du Japon. Art. 80 (renoncement) : Celui qui, ayant commis l'un des crimes préparatoires à une insurrection, se livre aux autorités avant que celle-ci ne se déclenche sera exempt de peine.
Bellemare (Les génies de l’arnaque) : Un des escrocs de la bande devient « témoin du roi » et sort impuni de l’affaire car il accepte de témoigner contre ses complices.
Certaines excuses absolutoires concernent le droit privé ; elles présentent un caractère strictement personnel.
Haus (rapport reproduit par Nypels, "Législation criminelle de la Belgique") : L'excuse tirée du flagrant délit d'adultère est essentiellement personnelle à l'époux offensé ; seul il a ressenti l'outrage, seul il peut invoquer la véhémence de la passion qui l'a entraîné au crime.
- Droit positif. Depuis quelques années, le législateur français ne parle plus d'excuse absolutoire, mais d'Exemption de peine*. Ainsi, l’art. 450-2 C.pén. prévoit une exemption de peine au profit de celui qui, ayant participé à une association de malfaiteurs, en révèle l’existence aux autorités.
Accolas (Les délits et les peines, 1887) : Toutes les excuses absolutoires sont spéciales, c’est-à-dire qu’elles ne se rapportent chacune qu’à certains délits. Les auteurs distinguent : celles qui sont fondées sur un motif d’utilité sociale, celles qui sont fondées sur l’idée que le mal du délit a été postérieurement réparé, celles qui sont fondées sur la nécessité de ne pas affaiblir les liens de la discipline hiérarchique, celles qui sont fondées sur certaines relations de parenté ou d’alliance.
Cass.crim. 31 décembre 1936 (Gaz.Pal. 1937 I 482) : Les dispositions des art. 138 et 144 C.pén. sont générales et n'excluent pas du bénéfice éventuel de l'excuse des individus poursuivis en France qui auraient procuré l'arrestation des autres coupables, fût-ce à l'étranger.
Trib.corr. Basse-Terre 23 juillet 1982 (Gaz.Pal. 1983 I somm. 9) : L'art. L 628-1 C. santé publ. prévoit que l'action publique ne sera pas exercée contre les personnes qui se seront soumises à une cure de désintoxication depuis la commission des faits d'usage ; il a été admis, par extension, que peuvent prétendre à la même excuse absolutoire les personnes ayant subi ladite cure après l'engagement de l'action publique.
En vertu du principe de la légalité criminelle, les juges répressifs ne sauraient consacrer de nouvelles excuses absolutoires (abstraites, générales et impersonnelles) ; ils ne peuvent admettre que des Causes de non-imputabilité* ou des Faits justificatifs* (concrets, spéciaux et personnels).
Brillon (Dictionnaire des arrêts des Parlements, Paris 1727) : L'impuissance du mari ne justifie pas la mauvaise conduite de sa femme. Arrêt rendu à la Tournelle, sur l'accusation réciproque du mari et de la femme ; savoir, de la part de la femme l'impuissance du mari, de la part du mari l'adultère de la femme.
EXCUSE ATTÉNUANTE
Cf. Circonstance aggravante*, Délits pénaux (Délit dérivé)*, Emprunt de criminalité*, Excuse absolutoire*, Excuse de dénonciation*, Faux témoignage*, Mineur délinquant*, Provocation (excuse de)*, Réduction de peine*, Repenti*, Sang-froid*, Se livrer à la justice*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° I-239, p.250 / n° III-327 et s., p.494 et s.
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-I-325 p.91 / n° I-III-I-309 p.283
Voir : J-P. Doucet, « La protection de la personne humaine », n° I-131, p.93 / n° III-215, p.494 / n° V-202, p.638 / n° V-401, p.643
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents » : n° 308, p.136 / n° 407, p.246 / n° 424 2°, p.273
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° I-II-218, p.208 / n° I-III-I-309, p.283 / n° I-II-407, p.261 / n° II-109, p.314 / n° II-II-123, p.475
Voir : Tableau général des incriminations pénales pouvant protéger un intérêt juridique donné. (1e colonne)
Voir : Tableau des incriminations protégeant la Constitution (selon la science criminelle)
Voir : Tableau des incriminations protégeant la Nation contre les actes de terrorisme (en droit positif français)
Voir : Tableau des incriminations protégeant la vie (selon la science criminelle)
Voir : Tableau - La prohibition du duel (selon la science criminelle)
Voir : Tableau des incriminations protégeant la liberté physique (en droit positif français)
- Notion. Une excuse atténuante résulte d’une circonstance qui, aux yeux de la loi, rend, soit les faits délictueux moins graves qu’à l’accoutumée, soit la responsabilité du prévenu moins lourde que d’ordinaire. Dans le premier cas on parle d’excuse atténuante réelle, dans le second de circonstance atténuante personnelle. Le Code pénal actuel a quelque peu négligé cette technique en dépit de son utilité, au motif abstrait qu’il n’y a plus de minimum des peines.
Ortolan (Éléments de droit pénal) : L’excuse atténuante est un fait spécialement déterminé par la loi, qui, tout en laissant subsister un certain fond de culpabilité, a pour conséquence une diminution de peine.
Trousse (Novelles de droit pénal belge) : Les cause d’excuses atténuantes sont personnelle ou réelles suivant qu’elles reposent sur une diminution de la responsabilité de l’agent ou sur une moindre gravité de l’acte.
- Excuses atténuantes réelles. - Une excuse atténuante réelle consiste en une circonstance matérielle, qui diminue la gravité d’une infraction, sans pour autant la supprimer. P.ex., un délit de vol dégénère traditionnellement en délit de maraudage lorsqu’il ne porte que sur quelques fruits cueillis sur un arbre. Une telle excuse, révélée par les faits, bénéficie à l’ensemble des participants à l’infraction.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° I-239, p.250.
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-III-I-307, p.281.
Donnedieu de Vabres (Traité de droit criminel) : Les excuses atténuantes peuvent avoir un caractère réel, c’est-à-dire résider dans des faits extérieurs.
Rigaux et Trousse (Les crimes et les délits du Code pénal belge) : L’alinéa 2 de l’article 101 du Code pénal a établi une cause d’excuse atténuante dans le fait que l’attentat contre la personne du Roi n’a eu pour résultat, ni de porter atteinte à la liberté du souverain, ni de lui causer effusion de sang, blessure ou maladie. Ainsi le Code pénal qui, dans la matière des attentats et des complots a largement sacrifié à la tendance subjective de la répression, fait ici la part du point de vue objectif, en imposant une atténuation de peine à raison de la gravité moindre du résultat obtenu, indépendamment de la volonté de l’auteur.
Carrara (Cours de droit criminel - éd. française) : Il peut y avoir des raisons politiques de diminuer la peine, mais on ne peut pas admettre de raisons politiques de l'augmenter. La politique ne peut jamais primer la justice pour punir davantage.
- Excuses atténuantes personnelles. - Une excuse atténuante personnelle consiste en une circonstance individuelle, qui diminue la responsabilité d’une personne, sans pour autant la supprimer. Il en était ainsi de l’excuse de provocation, qui abaissait la peine encourue par celui qui a riposté trop brutalement ; il en est encore ainsi avec l’excuse de minorité. Une telle excuse, attachée à la responsabilité d’une personne, ne se communique pas aux autres prévenus.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° III-327 et s., p.494
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-III-I-308, p.282
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine », (4e éd), n° I-240, p.138 / voir la Table alphabétique
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », n° 308, p.136-137 / n°424 2°, p.273
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° I-I-105, p.74 / n°I-II-218, p.208
Voir : Tableau des incriminations protégeant la monnaie (selon la science criminelle)
Voir : Tableau des incriminations protégeant la monnaie (en droit positif français)
Carrara (Cours de droit criminel - éd. française) : L'excuse tirée de la minorité a toujours plus d'énergie dans les délits par l'entraînement des passions, parce que leur véhémence exerce sur la jeunesse, naturellement trop prompte à agir, une action psychologique plus puissante.
Code pénal suisse (état en 2003), Art. 26 : Les relations, qualités et circonstances personnelles spéciales dont l’effet est… de diminuer ou d’exclure la peine, n’auront cet effet qu’à l’égard de l’auteur, instigateur ou complice qu’elles concernent.
Pradel (Droit pénal général) : La minorité entraîne une réduction de peine ; laquelle est sans influence sur la nature de l’infraction. Son fondement correspond à une présomption de responsabilité atténuée.
EXCUSE DE DÉNONCIATION
Cf. Dénonciation*, Excuse absolutoire*, Excuse atténuante*, Exemption de peine*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° III-328, p.494
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-III-I-203, p.269
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° III-120 p.460 / n° III-215 bis, p.494 / n° V-202, p.637
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° 6 p. 9 / voir cette Table alphabétique, v° Exemption de peine
Voir : Tableau des incriminations protégeant le pouvoir judiciaire (selon la science criminelle)
Voir : Tableau des incriminations protégeant le pouvoir exécutif (selon la science criminelle)
Voir : Tableau des incriminations protégeant la vie (en droit positif français)
L’excuse de dénonciation est une mesure de politique criminelle visant à faciliter la constatation des infractions et la recherche de leurs auteurs. Le malfaiteur qui fournit des renseignements aux autorités sur l’un ou l’autre point va bénéficier d’une mesure de faveur.
- L’excuse est, tantôt atténuante, et emporte alors abaissement de peine encourue par le dénonciateur, tantôt absolutoire, et emporte alors dispense complète de peine. Elle est utilisée notamment en matière de sûreté de l’État, en matière de fausse monnaie, et dans la lutte contre le trafic de stupéfiants. Une loi du 9 mars 2004 l’a établie dans le but de prévenir l’effet mortel d’un empoisonnement (art. 221-5-3 C.pén.).
Plutarque (Vie de Cicéron) : Lorsque Cicéron exposa au Sénat la conjuration de Catilina, un certain Titus dévoila ce qu’il savait, sur la promesse de l’impunité que lui fit le Sénat s’il voulait bien tout révéler.
Code général des états prussiens (éd. Paris an X). XX-58 : Celui qui dénonce ses complices, encore ignorés, doit être puni d'une peine moins sévère que celle établie par la loi.
Michelet (Histoire de France) rapporte que la conspiration de Cinq-Mars et de Thou n’était établie par aucun document. Mais Gaston d’Orléans (le bénéficiaire de la conspiration), pour mériter sa grâce, fit la confession la plus complète ; confession terrible ; meurtrière, où il dit les péchés des autres, ne risquant pour lui que la honte. Il parla tout au long, et chacun de ses mots tuait, d’abord Cinq-Mars, ensuite de Thou.
Cass.crim. 19 juin 1997 (Gaz.Pal. 1997 II Chr.crim. 217) : Pour faire bénéficier à bon droit le prévenu, déclaré coupable d’infractions aux art. 222-36 et 222-37 C.pén., de la réduction de moitié de la peine prévue par l’art. 222-43 du même Code, l’arrêt attaqué énonce que ce texte n’impose ni que les renseignements fournis par l’auteur des infractions soient préalables à l’enquête, ni que celui-ci ne soit tenu à une obligation de résultat; les juges ajoutent que le prévenu a rapidement reconnu les faits et fourni l’ensemble des informations en sa possession, permettant d’identifier les commanditaires et de reconstituer les circonstances du trafic.