DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL
- Professeur Jean-Paul DOUCET -
Lettre B
(Deuxième partie)
BEAU
Cf. Bien*, Civilisation (Vie et mort)*, Mal*, Raison*, Vérité*, Vertu*.
Voir :
La doctrine est-elle une source du droit ?
- Notion intrinsèque. Depuis la Grèce classique on englobe dans la notion de Bien*: le Beau, le Bon, le Vrai et le Juste . Le beau est caractérisé par une harmonie des êtres, des choses ou des mots, qui émeut l'homme jusqu'au plus profond de lui-même. Cette harmonie doit se retrouver dans un système législatif pour emporter l'adhésion spontanée des justiciables.
Vergely (Dictionnaire de la philosophie) : Le beau est
ce qui est harmonie. Harmonie des choses avec elles-mêmes. Harmonie de soi avec les choses et avec les êtres.
D'où dans la beauté une notion d'unité mais aussi de dépassement.
Cuvillier
(Cours de philosophie) : Lorsque cette harmonie est réalisée dans
l'équilibre parfait de toutes nos facultés en même temps que dans la
plénitude d'une réussite technique, dont les moyens sont assez
simples pour ne plus se laisser apercevoir, nous sommes en présence
du Beau. C'est pourquoi le beau se rencontre
surtout dans les périodes classiques.
Fouillée
(Liberté et déterminisme) : La beauté nous invite à concevoir un
principe d'action et de détermination spontanée qui serait supérieur
aux fatalités mécaniques ; elle est l'intermédiaire entre le monde
matériel et le monde moral.
Thomas (Cours de philosophie morale) : La conscience
morale est telle que les sentiments du bien, du mal et du devoir ont toujours été étroitement unis au sentiment du beau.
Neufbourg (La loi naturelle) : Tous les hommes
poursuivent de fait ou d’intention, selon leur manière particulière de voir et de sentir, ce. qui leur convient ou leur plaît le plus : le vrai, le
beau, ou le bien.
Ahrens (Cours de droit naturel) : Le beau, en
général une harmonie de forme, est avant toute un principe formel ; toutefois la notion de beau ne doit pas être séparée du fond, de l’idée qu’elle
exprime … le beau doit être en harmonie avec tout ce qui est vrai, bien, moral … quand le beau exprime cette triple et parfaite harmonie il épanouit tout
notre être.
Thévenot (Morale
fondamentale) : La beauté met en jeu diverses
potentialités de notre cerveau, en particulier tout ce qui
touche à l'émotion... Par exemple, des conversions se produisent
face à la beauté d'une église. [surtout dans des églises
parfaitement adaptées à leur objet qui est la prière, comme si
les pierres avaient le pouvoir de restituer les vibrations qui
les ont imprégnées]
- Le Beau, aspect du Bien, du Vrai et du Juste. Une règle qui plonge ses racines au plus profond du Droit naturel peut normalement être formulée en des termes qui s'harmonisent avec la nature profonde de l'homme. Elle est de ce fait ressentie comme inspirée par la vérité et conforme au Bien commun*, donc comme digne de guider la conduite des hommes.
Platon (Les lois) : Une action juste participe à la
beauté, dans la mesure où elle participe à la justice.
Von Jhering (L’esprit du droit romain) parle d’une
loi du beau juridique. C’est sur le sens artistique que repose la satisfaction ou le déplaisir que certaines
constructions juridiques excitent en nous. Les unes nous agréent par leur caractère naturel, leur transparence, leur simplicité, leur clarté ; les
autres nous répugnent par l’absence de toutes ces qualités, nous paraissent forcées, peu naturelles…
Frédéric
Lenoir (Petit traité de la vie intérieure) : Les
traditions religieuses ont utilisé le Beau comme voie d'accès au
sacré.
Renard (Le
droit, l'ordre et la raison) : Il en est du droit
naturel pour le juriste, comme de la notion du Beau pour
l’artiste : le Beau n’est pas une recette à fabriquer des
chefs-d’œuvre ; il est, comme le Juste, un principe de
discrimination, inscrit dans la nature humaine.
Chateaubriand (Le
génie du christianisme) : Celui qui aime la laideur
n'est pas loin d'aimer le vice ; quiconque est insensible à la
beauté pourrait bien méconnaître la vertu.
Carrel (L'homme
cet inconnu) : Le sens de la beauté ne se développe pas
de façon spontanée. Il n'existe dans notre conscience qu'à
l'état potentiel. À certaines époques il reste virtuel. Il peut
même disparaître chez les peuples qui autrefois le possédaient
au plus haut degré. C'est ainsi que la France a détruit ses
beautés naturelles et méprise les souvenirs de son passé. Les
descendants des hommes qui ont conçu et exécuté le monastère du
Mont-Saint-Michel ne comprennent plus sa splendeur... Comme le
sens moral, le sens de la beauté, pendant le cours d'une
civilisation, se développe, atteint son apogée et s'évanouit.
Bernard (Éloge
du droit naturel). Considérons un village traditionnel ancien
tel qu’on le trouve en Provence ou dans la campagne Anglaise.
Ceux qui les construits n’ont suivi aucun plan, n’ont subi
aucune contrainte ; ils ont construits librement, spontanément
ce groupe admirable de maisons ordinaires. Ils ont obéi à une
sorte de droit naturel en action... L’art s’est effondré, en
abandonnant la catégorie du beau (que la religion enveloppait).
Le plus traître ennemi de l'expression du Beau est la Mode ; inventée soit par des esprits médiocres, soit par des hommes d'affaires à la recherche de profit strictement commercial.
Michel
Plasson, éminent Chef d'orchestre, lors d'un entretien à la
télévision : Notre époque est doublement marquée, par la
sottise sur le plan intellectuel, et par la laideur sur le plan
artistique.
Fernand
Pouillon, architecte de premier rang, dans son livre intitulé
« Les pierres sauvages
», consacré à la
construction de l'Abbaye du Thoronet : La mode
est une des formes de la décadence et de la médiocrité. Il est
courant que l'artiste qui suit cette détestable pratique,
constate de son vivant la sottise de son
œuvre... La mode n'est bonne
que pour ceux qui la lancent : ainsi, avec du génie, elle
deviendra un art véritable et, sans talent, une farce agréable
pour celui qui en profite.
J.B.
Livingstone (La jeune fille et la mort) : L'imposture
actuelle fait passer la laideur pour la beauté, la médiocrité
pour le génie, le mensonge pour la vérité.
BERTILLONNAGE
Cf. Bertillon*, Empreinte digitale*, Empreinte génétique*.
Technique d’identification des malfaiteurs et des personnes soupçonnées d’avoir commis une infraction relevant de la police judiciaire. Elle consiste en la prise de mesures des différentes parties du corps de l’intéressé (certaines d’entre elles étant propres à chaque individu).
Bertillon (Identification anthropométrique) : Qu’il
s’agisse d’une entrée ou d’une sortie de prison, d’une libération ou d’un transfèrement, le but est toujours le même : conserver une empreinte
suffisante de la personnalité pour pouvoir identifier la description présente avec celle que l’on pourrait être à relever ultérieurement. A ce point de
vue, le signalement est l’instrument par excellence de la constatation de récidive.
Decocq, Montreuil et Buisson (Le droit de la police) :
Le bertillonnage est l’anthropométrie à l’effet d’identifier les délinquants.
Documents parlementaires de l'Assemblée nationale
et du Sénat : L'anthropométrie développée par Alphonse Bertillon à partir de 1880 utilisait une vingtaine de mensurations fournissant une description
unique et infalsifiable d'une personne. Le « bertillonnage » sera détrôné dans les premières années du XXe siècle par l'empreinte digitale, moins
onéreuse et plus facile à manier.
BESTIALITÉ
Cf. Animaux (protection des animaux)*, Crime sans nom*, Débauche*, Luxure*, Publication d’ouvrage contraires aux bonnes mœurs*, Sodomie*.
Voir :
Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° I-II-103, p.159
(note 1)
- Notion. La bestialité, ou zoophilie, ou bougrerie, est la déviation sexuelle extrême. C’est le crime de Pasiphaé, dont est issu le Minotaure, symbole du Mal* pour les grecs.
Bourg Saint-Edme (Dictionnaire de la pénalité) : La
bestialité est le commerce criminel d'un homme ou d'une femme avec une bête.
- Règle morale. La bestialité est considérée comme le plus grave des péchés de luxure par les moralistes. Ils la désignaient autrefois sous l'appellation de « crime sans nom » et n'en parlaient qu'en latin, afin de ne pas même en donner l'idée.
Code brahmanique des Gentoux : Si un Brahmane a des
approches avec une vache, le magistrat le condamnera à une amende de 25 pièces d'or ... Si c'est un Sooder, il le fera mettre à mort.
Vittrant (Théologie morale) : Bestialitas est
concubitus cum bestia. La bestialité est en soi le plus grave des péchés de luxure.
Bruguès (Dictionnaire de morale catholique) v° Bestialité
: Le moraliste dira que l'acte sexuel s'y trouve dévoyé, puisque ni la fonction de procréation, ni la fonction de communion ne s'y exercent. D'aucune
manière, donc, l'acte ne saurait être moralement justifié.
Marat (Plan de législation criminelle, 1780) éd. 1974, p. 131,
à propos de la bestialité : Heureusement, ces crimes sont peu communs... et il faut bien se garder de les tirer des ténèbres dont ils se couvrent :
sévir contre certains crimes fort rares, c'est toujours en faire naître l'idée.
- Science criminelle. Indubitablement attentatoire à la dignité de la personne humaine, cette perversion relève rationnellement de la catégorie des infractions de luxure.
Constitution criminelle de Charles Quint de 1532, art. 116 :
Le crime d'une personne commis avec une bête... sera puni de mort.
Lombroso (L'homme criminel) : Le Justinien des Incas,
Pachacutec, avait porté des lois contre la bestialité ... l'adultère, le rapt et le viol, surtout s'il s'agissait des vierges sacrées, la séduction,
l'inceste, la sodomie, la corruption des juges. Presque tous ces crimes étaient punis de mort.
Desmaze (Les pénalités anciennes" (Paris 1966) p.126 : Pierre
Grondeau, gagne-denier à Loudun, pour bestialité avec une ânesse, par le Parlement de Paris confirmant la sentence des premiers juges, à être
étranglé, brûlé avec l'ânesse et ses biens confisqués.
Code du Liechtenstein de 1859, art. 129 :
Sont punis comme crime les actes obscènes contre nature commis avec des bêtes.
Code pénal du Zimbabwé. Art. 74 : Toute personne
qui commet sciemment n'importe quel acte sexuel avec un animal o sera coupable de la bestialité et passible d'une amende ... ou l'emprisonnement pour un
an au plus.
Bruxelles 21 juin 1977 (Jour.trib. 1977 677) : a
déclaré contraires aux bonnes mœurs les scènes d'un film faisant plus que suggérer l'accouplement d'une femme et d'un chien, d'une femme et d'un
taureau.
- Droit positif. Depuis une loi du 9 mars 2004 (art. 50), ce fait est incriminé par l'article 521-1 al.1. Mais, suivant la doctrine matérialiste dominante, qui abaisse l'être humain au rang de simple animal, ce texte incrimine non l'acte en lui-même, considéré comme dégradant pour son auteur, mais l'atteinte portée à la bête.
Cass.crim. 4 septembre 2007 (Gaz.Pal. 2007 somm.
4092) : Tout acte de pénétration sexuelle commis par un être humain sur un animal est constitutif de sévices de nature sexuelle au sens de l'art.
521-1 C.pén.
BIEN
Cf. Beau*, Conscience*, Libre arbitre*, Mal*, Mœurs*, Règle d'or*, Vérité*, Vertu*.
Voir :
Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et
des adolescents » : n° 327, p.178 (sur l'éveil de la conscience
des mineurs aux notions de Bien et de Mal)
Voir :
La doctrine est-elle une source du droit ?
Voir :
Préceptes fondamentaux du bouddhisme.
Voir :
Lecomte du Noüy, Les notions de bien et de mal.
- Notion commune. Suivant la démarche retenue par Littré on peut percevoir la notion de bien en la rapprochant de ce qui apparaît comme étant vrai, bon, juste, droit, sage, honnête, loyal et même beau. Le bien semble être le versant ensoleillé de la morale universelle : son adret ; et ce par opposition à son versant obscur : l'ubac, qui est caractérisé par le mal, le mensonge, le faux, l'inconvenant, le laid.
Alcuin,
Conseiller de Charlemagne, disait déjà : Tout ce qui est
vrai, bon, beau, mérite d'être aimé pour lui-même, par ce qu'il
reflète quelque chose de Dieu.
Baudin (Cour de philosophie morale) : Les valeurs
morales objectives sont le bien et le mal, le juste et l'injuste, l'honnête et le déshonnête, pris au neutre : bonum et malum, justum et injustum,
honestum et inhonestum.
Bayer (Traité d’esthétique) : L’art, instrument
de l’essentiel, pourrait nous faire toucher les essences… Le grand artiste est celui qui, par l’effort de son intuition, pénètre au sein même du génie
créateur de la nature, et, s’identifiant avec l’énergie créatrice, suit inconsciemment les voies de la nature elle-même.
Le vrai, le beau et le bien ne seraient que les modalités d’une même idée ; le beau rejoindrait le vrai par la contemplation, le bien par le
désintéressement… Pour Schiller « Ce n’est que par la porte du beau que nous pénétrons dans le domaine du bien et du vrai ».
Xénophon (Les Mémorables) :
La vie de Socrate a été consacrée tout entière à la pratique
et à l’exemple du bien.
Carrel (L'homme
cet inconnu) :
La définition du bien et du mal est basée à la fois sur la
raison et sur l'expérience millénaire de l'humanité. Elle
correspond à des exigences fondamentales de la vie individuelle
et sociale. Le bien est synonyme de justice, de charité et de
beauté. Le mal, d'égoïsme, de méchanceté et de laideur.
Proverbe
chinois
: Faire le bien sans chercher de récompense, fuir le mal sans
avoir la crainte du châtiment : voici un homme rare sous le ciel.
Fr.
Lenoir (Socrate, Jésus, Bouddha)
: Dans la vision de sagesse qui est celle de Socrate, de
Jésus et de Bouddha, le vrai et le bien coïncident. La
connaissance du vrai n'a de sens que si elle nous permet d'agir
de manière bonne.
- Notion morale. Relevant de la philosophie morale, la notion de « Bien » caractérise les actes qui tendent à la perfection de l’être humain dans sa quête de spiritualité (philosophique ou religieuse). Elle s’épanouit depuis Platon dans les notions de Vérité*, de « bon » et de Beau* (kalokagathos), voire de « justice » ; elle constitue pour Aristote l’idéale justification des actions accomplies par les hommes. Au vu de l'histoire de l'humanité, une question demeure toutefois sans réponse : pourquoi le Bien apparaît-il plutôt statique, et le Mal plutôt dynamique ?
Kant (Traité
de pédagogie) : L'homme doit d'abord développer ses
dispositions pour le bien ; la Providence ne les a pas mises en
lui toutes formées ; ce sont de simples dispositions, et il n'y
a pas encore là de distinction de moralité. Se rendre soi-même
meilleur, se cultiver soi-même, et, si l'on est mauvais,
développer en soi la moralité, voilà le devoir de l'homme.
Bautain (Philosophie des lois, 1860) : Dans
l'ordre moral se trouve une idée dominante, l'idée du bien. Quand vous pensez, vous ne cherchez qu'une chose, le vrai ; quand vous agissez, vous ne
voulez qu'une chose, le bien ; mais qu'est-ce que le bien ? c'est tout ce qui est conforme à la nature d'un être.
Daval et Guillemain (Philosophie morale) : Pour
Socrate, le Bien n’est pas un objet du monde ni une qualité sensible. Il est transcendant ; il se confond avec l’Idée de l’Être absolu. L’Idée du
Bien est le soleil du monde intelligible vers lequel tendent les êtres intelligents comme les êtres du monde sensible tendent vers l’astre-soleil… Il
faut fuir l’univers de l’erreur pour pénétrer dans l’Univers de la raison pure où l’on possèdera le bonheur dans la contemplation pure.
Ahrens (Cours de droit naturel) : La raison qui
s'adresse à la volonté, fait des commandements, qui se résument en cet ordre de faire le bien pour le bien, sans aucune considération intéressée, sans
qu'on doive attendre de ses actes aucun plaisir ni aucun avantage personnel.
Anne Cheng (Dictionnaire d’éthique et de philosophie
morale). V° Confucius. Chez Confucius, le vrai, le bon et le beau se conçoivent en termes d’harmonie, laquelle ne constitue pas un idéal de perfection
figé, mais une réalité vivante, c’est-à-dire en perpétuel mouvement, devenir et transformation.
Catéchisme de l’Église catholique, § 1704 : La
personne humaine trouve sa perfection dans le recherche et l’amour du vrai et du bien.
St Thomas d'Aquin (cité par Clément "Du bien commun") :
Le suprême degré de la dignité chez les hommes, c'est qu'ils se déterminent eux-mêmes vers le bien.
Leclercq (Leçons de droit naturel
- La famille) : Un acte bon est un acte qui aide l'homme à se
développer conformément à sa nature.
Lecomte
du Noüy (L'homme et sa destinée) : Par rapport à l'homme,
le Bien c'est ce qui contribue au progrès de l'évolution
ascendante et ce qui nous détache de l'animal pour nous
entraîner vers la liberté ; le Mal, c'est ce qui s'oppose à
l'évolution et lui échappe par une régression vers la servitude
animale.
P.
Evdokimov (Une vison orthodoxe de la théologie morale) : Si
le Bien était subjectif, tout jugement serait aussi subjectif,
c'est-à-dire une fantaisie personnelle sans aucune
signification. Or l'universalité de l'instinct moral, ses
réactions unanimes et ses sanctions infaillibles chez tout homme
équilibré indiquent son caractère trans-subjectif. Le Bien
existe souverainement en dehors de nous... Cela apparaît
clairement dans les analyses de Dostroïevski avec sa formule
fondamentale :
« Si Dieu n'existe pas, tout est permis ».
Odon
Vallet (Voix bouddhistes, 4 février 2001) : L'une des
premières actions que tout pratiquant bouddhiste apprend à
développer est la générosité, car la générosité engendre des
mérites... Globalement on peut dire que les mérites sont des
actes bénéfiques, positifs ; ils permettent au disciple
d'édifier les fondations nécessaires, indispensables, qui
l'aident à progresser sur la voie du bien, tant du point de vue
moral que du point de vue spirituel.
Victor Cousin (Du vrai, du beau et du bien) : Le bien,
si essentiellement lié au vrai, s'en distingue en ce qu'il est la vérité pratique.
- Science criminelle. En droit, le « Bien » apparaît comme une notion trop immatérielle et incertaine
pour constituer un intérêt directement protégé par la loi pénale. Il ne peut entrer que dans la catégorie des mobiles.
Il importe toutefois d’observer que, même s’il est accompli pour faire le bien, un acte intrinsèquement mauvais demeure un acte mauvais ;
l’intention première et abstraite de porter atteinte à l’intérêt protégé par la loi est étrangère au but ultime et concret poursuivi. L’acte qui tend le
plus clairement vers le Bien est celui que l'on accomplit afin de s’opposer au Mal*. Rendre justice, c'est faire le bien.
Catéchisme de l’Église catholique, § 1756 : Il
n’est pas permis de faire le mal pour qu’il en résulte un bien.
Bentham (Déontologie, ou science de la morale) : La
justice est de la bienveillance effective ... C'est l'action de rendre des services là où on a droit d'en attendre. C'est faire le bien lorsque son
non-accomplissement créerait le désappointement, et que l'opinion publique autorise à attendre que ce bien sera fait.
BIEN COMMUN
Cf. Intérêt général*, Loi humaine*, Népotisme*, Ordre public*, Raison d’État*.
Voir :
Jean-Paul Doucet,
« La loi pénale » (4e éd.), n° 3, p.5 / n° 12, p.23 /
n° 19, p.37 / n° 103, p.57 / n° 105, p.64 / n° 113, p.73 et 74 / n° 114, p.75
/ etc
Voir :
Jean-Paul Doucet,
« Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-I-104, p.28
(note 1) / n° I-I-II-1, p.121 / n° I-I-II-4, p.124 / n°
I-II-II-220, p.251 / n° I-III-I-300, p.275
Voir :
Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine »
(4e éd.), no 1,
p.2 et 3 / II-230, p.333 / n° II-234, p.338 / n° III-101,
p.424 / n° III-104, p.429 / n° III-220, p.503 / n° III-224,
p.510 / n° III-228, p.515 / n° III-229, p.515
Voir :
Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et
des adolescents », no 1,
p.2 / n° 7, p.13 / n° 11, p.20 / n° 15, p.29 / n° 106, p.45 / n°
327 1°, p.84 / n° 334, p.199 / notamment
Voir :
Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », no 1,
p.2 / n° 3, p.6 / n° 4, p.7 / n° 7, p.11 / n° I-4, p.55 / n° II-8,
p.287 / par exemple, puisque toute l'action de la Société doit
tendre au Bien commun
Voir :
B.-D. de la Soujeole, Les limites théologiques de la
création du droit positif
- Notion. On entend par « Bien commun » l’intérêt général de l’ensemble de la population, prise tant collectivement qu'individuellement.
Höffe (Dictionnaire d’éthique) : Comme impératif
éthique du politique, le bien commun exige tant la distinction, entre intérêt privé et intérêt général, que leur médiation. L’intérêt général n’est pas
la somme des intérêts particuliers, mais l’équilibre juridique et politique entre les intérêts des individus et des groupes sociaux ; équilibre qui,
dans les décisions de l’État, assure des conditions sociales justes et stables.
John
Rawls (Théorie de la justice, n°37) : On admet que le
gouvernement doit viser le bien commun, c'est-à-dire maintenir
des conditions de vie et réaliser des objectifs qui sont à
l'avantage de tous, de la même façon.
- Règle morale. Les moralistes s'entendent à affirmer que c’est la recherche du Bien commun qui doit guider, tant le législateur dans le choix des textes, que les magistrats dans l’élaboration des jugements
Marc-Aurèle (Pensées pour moi-même) : Il est conforme
à ta constitution et à la nature humaine d'accomplir des actions utiles au bien commun.
St
Thomas d'Aquin (Du gouvernement royal) : Le gouvernement
devient injuste du fait que son chef dédaigne le bien commun de
la multitude pour ne plus chercher que son bien particulier. Dès
lors, plus il s'éloigne du bien commun, plus il est injuste.
Suárez (Des lois et du Dieu législateur) : De
même que les lois s’imposent à la communauté, de même elles doivent être principalement présentées en vue du bien de la communauté, car, sinon, elles
seraient source de désordre... La loi doit exister en raison du
bien commun.
Bautain (Philosophie des lois) : L’intérêt commun
est le pivot de la société, tout doit y tendre, y converger. Une société ne peut exister sans un gouvernement, pas plus qu’un homme ne peut naître sans
un cœur qui envoie la vie avec le sang à tous les organes… Le premier devoir, l’obligation essentielle de tout gouvernement est de travailler à assurer
ce bien public par tous ses moyens, et de procurer ainsi, autant qu’il est possible, la satisfaction des intérêts de chacun. C’est ce que dit
Saint-Paul : Tu aimeras par dessus tout le bien du peuple, et tu y travailleras de toute ton âme, de tout ton esprit et de toutes tes forces.
Bruguès (Dictionnaire de morale catholique) : La
notion traditionnelle du bien commun occupe une place centrale en éthique… Le bien commun politique comporte trois éléments essentiels : Il passe en
premier lieu par le respect de la personne humaine… Il implique le perfectionnement du groupe social, qui s’étend à tous les domaines de l’activité et
des besoins humains.. Il suppose que l’autorité assure, par des moyens honnêtes, la sécurité de chacun de ses membres… Le bien commun est
prioritaire.
Baudin (Cours de philosophie morale) : L'État est à la
fois le représentant de la Nation et son serviteur. D'une part, elle lui communique toutes ses prérogatives ; d'autre part, elle lui donne mandat de
remplir ses propres obligations et de faire tout ce que requiert le service de son bien commun.
Marcel Clément (Du bien commun) : On ne peut formuler
de façon adéquate la notion de bien commun humain en philosophie morale et politique sans en établir le fondement sur la dignité éminente de la personne
humaine... C'est essentiellement en éclairant l'intelligence, et non en contraignant les volontés, qu'une autorité gouverne en vue d'un bien commun.
Sévillia (Le
terrorisme intellectuel) : Il faut redécouvrir la notion
de bien commun et d'intérêt général. Si l'individu est roi,
comment relier les individus entre eux ?
Paulo
Coelho (Maktub) : Être ensemble avec un but commun et
permettre à chacun se développe à sa manière, voilà le chemin de
ceux qui désirent communier avec Dieu.
- Science criminelle. Les pouvoirs publics ne doivent jamais perdre de vue que la Société a pour but de créer un cadre favorable à l’évolution des individus et de l’humanité tout entière, vers toujours plus de rationalité, de moralité et de spiritualité. Des hommes politiques ne sauraient donc invoquer la notion de Bien commun pour asseoir une dictature.
Pufendorf (Le
droit de la nature) : Des devoirs du Souverain. Le Bien
du Peuple est la souveraine loi : c'est aussi la maxime générale
que les Puissances doivent avoir incessamment devant les yeux,
puisqu'on ne leur a conféré l'Autorité souveraine afin qu'elles
s'en servent pour procurer le Bien public, qui est le but
naturel de l'établissement des Sociétés civiles.
Renard (Le
droit, l'ordre et la raison) : Il n’y a d’autorité
sociale que pour le service du Bien commun, de même qu’il n’y a
de liberté individuelle que pour le service de la raison. Le
Bien commun, c’est la « raison sociale ».
Batiffol (La philosophie du droit) : Une
tradition ancienne assigne au droit la mission de rechercher le « bien commun ». L’expression se trouve chez Aristote, elle répond à la notion
fondamentale de sa philosophie morale suivant laquelle un acte humain, en tant qu’humain, se propose toujours une fin, et emprunte sa valeur à celle de
la fin poursuivie : il sera donc bon, dans la mesure où il recherche un bien. La notion est reprise par saint Thomas d’Aquin et mise au centre de sa
philosophie de la loi sans autre élucidation… Les événements contemporains l’ont cependant rendue suspecte à beaucoup : elle leur paraît frayer la
voie au totalitarisme par l’accent qu’elle met, ou semble mettre, sur les intérêts de la collectivité par oppositions à ceux de l’individu… Aussi l’idée
de bien commun n’est-elle défendable que si on lui assigne une nouvelle portée… Dans la conception la plus répandue, la vie sociale n’est pas un but en
soi, la personne a une valeur plus haute et doit trouver son épanouissement dans la vie en société… Le bien commun consistera donc, comme en toute
matière vivante, dans la recherche d’un équilibre : développer tous les instruments d’une vie sociale active et féconde, mais ne pas demander aux
individus plus qu’ils ne peuvent moralement accepter de donner sans avoir le sentiment d’être sacrifiés au bien d’autrui.
Suárez (Des lois et du Dieu législateur) :
Imposer une loi à la communauté, et le faire au profit d’un intérêt particulier, n’est pas fondamentalement contradictoire ; c’est ce qui se
produit dans les lois tyranniques.
Code de droit canonique. Canon 795 :
L’éducation véritable doit avoir pour but la formation intégrale de la personne humaine ayant en vue sa fin dernière en même temps que le bien commun
de la société.
Vittrant (Théologie morale) : Le but de la loi civile
est uniquement le bien commun temporel du peuple.
Jean XXIII (Encyclique Pacem in terris § 7) : La
création d'une communauté mondiale est impérieusement réclamée par les exigences du bien commun universel.
Marcel Clément (Du bien commun) : Ce qui caractérise
le bien commun humain, c'est son fondement : la dignité de la personne humaine.
Beaumanoir (Coutume du Beauvaisis) : Le roi est souverain
par devers tous, et a, de son droit, la générale garde de son royaume, par quoi il peut faire tous établissements, comme il lui plaît pour le commun
profit.
Olivier-Martin (Histoire du droit) : Le roi ne peut
vouloir que le bien commun. Cette idée est à la base de la conscience professionnelle du prince ; il se déclare prêt à lui sacrifier ses intérêts
personnels ou familiaux. François 1er refusa de ratifier le traité de Madrid, bien qu’il eût laissé en otage ses deux fils.
- Droit positif. Les tribunaux français parlent plus fréquemment d’intérêt général que de Bien commun.
Rennes (Ord. réf.) 30 novembre 1993 (JCP 1994 IV
25) : L’intérêt général, dans une société de progrès, doit passer avant des intérêts privés, pour le bien commun, dans les limites légales.
Cass.crim. 25 octobre 2006 (Bull.crim. n° 254 p.903)
: Le ministère public n'est pas recevable à se pourvoir contre une décision qui ne concerne que les intérêts civils et à l'encontre de laquelle n'est
invoquée aucune violation affectant l'intérêt général.
Cass.crim. 10 octobre 1996 (Gaz.Pal. 1997 I Chr.
crim. 46) : Pour recevoir la constitution de partie civile de la plaignante la Cour d’appel énonce à bon droit que la revente à perte,
incompatible avec une concurrence saine et loyale, est contraire à l’intérêt général des consommateurs.
Cass.crim. 17 septembre 2003 (Bull.crim. n° 165
p.664) : Si les dispositions de l’art. 434-6 C.pén. [visant le recel de malfaiteur] ont pour objet l’intérêt général et répriment le trouble
causé à l’ordre public par une atteinte à l’action de la justice, elles ont aussi pour but la protection des intérêts privés. Dès lors, l’action civile
née du délit peut être régulièrement exercée devant les juridictions répressives.
Rennes (Ord. réf.), 30 novembre 1993 (JCP 1994 IV
2585). Dans une affaire d'expropriation : L'intérêt général, dans une société de progrès, doit passer avant des intérêts privés, pour le bien commun,
dans les limites légales.
BIEN JURIDIQUE – Voir : Intérêt protégé*.
Code
pénal du Pérou (Exposé des motifs) : La liberté
d'expression est un bien juridique qui bénéficie d'une
protection constitutionnelle.
BIENS PUBLICS
Cf. Contravention de grande voirie*, Détérioration*, Établissements scolaires*, Graffitis*, Monuments*, Patrimoine historique et culturel*, Trafic d'objets d'art*, Vestiges archéologiques*.
Voir :
Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », no
I-I-223, p.128 / n° II-I-147, p.400 (note 4)
- Notion. Les biens publics sont ceux qui appartiennent, non à de simples particuliers, mais à la Société dans son ensemble. Inaliénables et imprescriptibles, ils sont soumis à un régime administratif différent de celui des biens ordinaires (distinction du domaine public hors commerce et du domaine privé relevant sous certaines conditions du droit commun).
Code pénal du Mali. Art. 106 : Ont le caractère de
biens publics les biens appartenant aux institutions et organismes suivants : L'État et les collectivités publiques ; Les sociétés et entreprises d'État
; Les établissements publics ; Les organismes coopératifs, unions, associations ou fédérations desdits organismes ; Les associations reconnues
d'utilité publique ; Les organismes à caractère industriel ou commercial dont l'État ou d'autres collectivités publiques détiennent une fraction du
capital social. Les biens visés à l'alinéa précédent comprennent ...
Cass. belge 22 juillet 1975 (Pas. 1975 I 1066) :
Des panneaux d’information sont des objets d’utilité publique.
Cass.crim. 18 janvier 1967 (Bull.crim. n° 27
p.68) : La destruction de semences, sur le sol d’un jardin public, constitue une dégradation d’objets destinés à la décoration publique.
Exemple
(Ouest-France 25 juillet 2014) : Les pompiers sont
intervenus sur l'incendie du radar de la D.786, sur l'axe
Morlaix-Lannion. Hier, c'est vers 4 h. que les gendarmes ont été
alertés par un conducteur alarmé par la fumée qui s'échappait de
la machine. Une enquête a été ouverte.
- Régime. Si l’on fait abstraction de la réglementation disciplinaire, on peut dire que la protection de ces biens relève en principe des incriminations de droit commun. Le fait que l’on se trouve en présence d’un bien d’intérêt général peut, tantôt donner lieu à une incrimination autonome, tantôt constituer une circonstance aggravante.
Garraud (Traité de droit pénal) : En principe le
dommage causé à des propriétés, mobilières ou immobilières, appartenant à l’État, tombe sous le coup des dispositions qui protègent, contre ce fait,
toute espèce de propriété, la propriété publique aussi bien que la propriété privée.
- Destruction et dégradations. La destruction, dégradation ou Détérioration* d’un bien public relève en principe de l’art. 322-1 C.pén. Mais l’art. 322-2 (anciens art. 257 et 257-1) prévoit une série de circonstances aggravantes, notamment au bénéfice des biens destinés à l’utilité ou à la décoration publique, des bâtiments classés ou des découvertes archéologiques.
Voir :
Tableau des
incriminations protégeant les biens patrimoniaux (en droit positif français)
Cass.crim.
31 mars 1882 (D. 1882 I 389, S. 1882 I 481) : Les termes
de l'art. 257 sont généraux et absolus ; ils comprennent tous
les objets destinés à l'utilité ou à la décoration publique.
Cass.crim. 4 février 1992 (Gaz.Pal. 1992 II
Chr.crim. 359) : Pour dire à bon droit le prévenu coupable du délit prévu par l’art. 257 C.pén., la Cour d’appel, après avoir relevé que 70
panneaux de signalisation et bornes kilométriques se trouvant sur des routes nationales avaient été maculés, notamment par lui, au moyen d’un enduit de
couleur noire, énonce qu’il est établi qu’un certain nombre de ces panneaux, dont la réflectorisation avait disparu au cours d’essais de nettoyage,
avaient dû être remplacés par les services de l’équipement.
- Soustraction (vol). L’incrimination générale de Vol* est complétée par des dispositions éparses, notamment par l’art. 433-4 C.pén. (art. 254 ancien), incriminant la soustraction d’une chose dans un Dépôt public*, et par l’art. R.645-7, visant la soustraction d’une pièce produite en justice.
Tribunal Révolutionnaire 23 septembre 1792 : Des hommes armés ont escaladé le balcon du rez-de-chaussée et le premier étage du Garde-Meuble, en
ont forcé les croisées, enfoncé les portes des appartements, et fracturé les armoires, d’où ils ont enlevé tous les diamants, pierres fines et bijoux de
prix qui y étaient déposés, tandis qu’une troupe de trente à quarante hommes armés de sabres, de poignards et de pistolets, faisaient de fausses
patrouilles autour dudit Garde-Meubles, pour protéger lesdits vols et enlèvements.
[On ne sera pas surpris d'observer que les commanditaires de ce vol du Millénaire ne furent jamais inquiétés]
Cass.crim. 19 octobre 1993 (Bull.crim. n° 297
p.746) : La soustraction de pièces à conviction ou d’objets placés sous scellés afférents à une procédure criminelle commise dans le bureau du
président de la cour d’assises, constitue non le délit de vol, mais le crime prévu par l’art. 254 C.pén.
- Police de la fonction publique. L’art. 432-15 C.pén. (art. 169 et s. anciens) incrimine le fait, par une personne, dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, de détruire, détourner ou soustraire des actes, fonds, titres, effets ou objets qui lui a été remis en raison de ses fonctions ou de sa mission. L’art. 432-16 incrimine même la simple négligence.
Code annamite de Gia Long. Art. 93 : Tout
gardien ou surveillant de biens publics qui empruntera pour son usage, ou prêtera à autrui, des voitures, barques, magasins, maisons, outils ou autres
choses analogues, sera puni de 50 coups de rotin.
Cass.crim. 29 mars 2000 (Gaz.Pal. 2000 J
2120) : Selon l’art. 432-15 C.pén., le subordonné d’un dépositaire public peut être déclaré coupable de détournement de biens. Il en est ainsi en
l’espèce où les prévenus, employés par l’Institut d’émission des départements d’outre-mer, chargés de la perforation et de la destruction des billets
retirés de la circulation, ont été poursuivis pour avoir, de mars 1993 à mars 1996, détourné, en billets, une somme totale de 67 millions de Fr.
environ.
BIGAMIE
Cf. Dignité de la personne humaine*, Famille*, Mariage*, Polygamie*.
Voir :
Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° 6, p.12 /
n° I-105, p.147 / n° I-222, p.227 / n° I-225 2°, p.232
Voir :
Jean-Paul Doucet,
« La protection de la Famille, des enfants et des
adolescents », n° 7, p.13 / 101 et s., p.32 et s.
Voir :
La prohibition de la bigamie en droit occidental
(Travaux préparatoires du Code criminel canadien)
- Notion. L’infraction de bigamie consiste dans le fait de contracter un nouveau mariage, alors que l’on se trouve encore dans les liens d’un précédent mariage.
Voir :
Joseph Smith, un Landru britannique
Littré (Dictionnaire) : La bigamie est l'action
criminelle de celui qui épouse une seconde femme pendant que la première vit encore.
Vitu (Traité de droit pénal spécial) : Le Code pénal de 1810
définit la bigamie comme le fait, par une personne engagée dans les liens d'un mariage, d'en contracter un autre avant la dissolution du
précédent.
Commission de réforme du Code criminel du
Canada : Dans son acception juridique, la bigamie se caractérise essentiellement par le fait de passer par la formalité du mariage, alors que
l’un des conjoints est déjà engagé par les liens d’un mariage antérieur.
Maurice
Garçon (Histoire de la justice sous la IIIe
République) : Le 11 juin 1875 comparaissait, devant la Cour
d'assises de la Seine, le Chinois Tin-Tun-Ling, hôte de
Théophile Gautier. Effectivement l'accusé s'était marié à Macao
et avait fini par fuir sa femme dont il avait eu, outre deux
enfants, d'épouvantables scènes de ménage. Vingt-cinq ans après
il se remariait en France, tout aussi mal, et se retrouvait de
ce fait devant les juges. Il fut acquitté car il n'était établi,
ni que la première épouse n'ait pas été une simple concubine au
regard de la loi chinoise, ni que cette union n'ait pas été
rompue par la prescription extinctive prévue encore par la loi
chinoise.
- Règle morale. La bigamie, et à plus forte raison la polygamie, est condamnée par les moralistes occidentaux car contraire à l'équilibre temporel et spirituel du mariage, à la dignité de la femme et à l'intérêt des enfants.
Kant (Eléments de métaphysique du droit) : Le rapport
des époux est un rapport d'égalité ... ce qui ne peut avoir lieu que dans la monogamie.
Ahrens (Cours de droit naturel) : La monogamie pure
est seule un mariage rationnel et moral.
Gousset (Théologie morale) : La bigamie produit
l'irrégularité du mariage.
Catéchisme de l'Église catholique. § 1645 : L'égale
dignité personnelle qu'il faut reconnaître à la femme et à l'homme dans l'amour plénier qu'ils se portent l'un à l'autre fait clairement apparaître
l'unité du mariage ... La polygamie est contraire à cette égale dignité et à l'amour conjugal qui est unique et exclusif.
Merlin (Répertoire de jurisprudence) : Le crime de bigamie
est également condamné par les lois de l'Église et par celles de l'État. Il est d'autant plus grave qu'à la profanation du sacrement de mariage, il joint
un adultère continuel.
- Science criminelle. Ce délit semble avoir été incriminé pour la première fois dans l’Athènes classique. Puisqu'il concerne la protection de la famille, le délit de bigamie revêt un caractère d'ordre public ; en sorte qu'il ne saurait être effacé par le consentement des personnes intéressées.
Voir :
Tableau des incriminations protégeant
l'institution du mariage (selon la science criminelle)
Carbonnier (Droit civil) : L’interdiction de la
polygamie –avec son corollaire positif, l’institution du mariage monogamique- est une clef de voûte de la civilisation juridique européenne.
Garraud (Traité de droit pénal) : La conception
monogamique du mariage interdit absolument à chaque époux de contracter un second mariage avant la dissolution du premier. Si ce fait se produit, non
seulement il appartient à la loi sociale de dénier tout effet juridique au second mariage, mais encore de l’incriminer comme antithèse même du principe
organique de la société domestique.
Du Boys (Histoire du droit criminel) : Selon les anciennes
lois du XIVe siècle, la bigamie était justiciable des tribunaux ecclésiastiques. Plus tard, le parlement britannique crut devoir faire une félonie de
cette violation si grave de l'ordre public.
On hésite sur le point de savoir à partir de quel moment le délai de prescription de l'action publique commence à courir. Pour certains, c'est du jour de la célébration du mariage entaché de nullité (délit instantané) ; pour d'autres, c'est du jour de la dissolution de ce mariage (délit continu). La seconde opinion nous semble préférable ; mais c'est la première que retient le droit positif français (voir ci-dessous).
Code pénal de l'Uruguay. Art. 265 : Le délai de
prescription du délit de bigamie commence à courir du jour où l'un des deux mariages a été dissous par la mort de l'un des conjoints, ou du jour où le
second a été déclaré nul pour cause de bigamie.
La sanction de la bigamie est généralement de niveau correctionnel.
Muyart de Vouglans (Les lois criminelles de France, 1783).
Si c’est une femme qui est bigame, elle est attachée au carcan avec l’écriteau « bigame », on lui met un chapeau de paille et elle est
condamnée au bannissement ou à la détention dans une maison de force. [Pour l’homme bigame, voir : Publicité de la
peine*]
Code pénal d’Andorre. Chapitre III - Délits contre la
famille. Art. 326 : Quiconque, étant engagé dans les liens du mariage, en aura contracté un autre avant la dissolution légale du
précédent,encourra un emprisonnement d’une durée maximale de deux ans.
Code pénal du Japon. Art. 184 - (Bigamie) : Quand
une personne mariée contracte un autre mariage, elle encourra un emprisonnement de 2 ans au plus. La même sanction s'appliquera à l'autre partie qui
contracte un tel mariage.
Code pénal du
Burundi. Art. 366 : Quiconque, étant engagé dans les liens du
mariage, en aura contracté un ou plusieurs autres, avant la
dissolution du précédent, sera puni, du chef de polygamie ou de
polyandrie, d’une amende de deux mille à cent mille francs. En
aucun cas le conjoint dans une telle union ne peut être
considéré comme personnage à charge au sens de la législation
fiscale, sociale ou administrative.
- Droit positif. Ce délit est sanctionné en droit français par l’art. 433-20 C.pén. (art. 340 ancien). Il y est curieusement considéré comme un délit instantané.
Monzein (Le mariage en droit pénal) : Le droit civil
français n’admet ni la polygamie, ni la polyandrie. Pour contracter mariage, la première condition à remplir est donc de ne pas être engagé dans les
liens d’une précédente union non dissoute.
Véron (Droit pénal spécial) : La loi punit le fait,
pour une personne engagée dans les liens du mariage, d’en contracter un autre avant la dissolution du premier.
Cons. d’État 24 janvier 1994 (Gaz.Pal. 1994 panor.
adm. 128) : En s’opposant à ce qu’un ressortissant sénégalais acquière la nationalité française par le mariage au motif que sa bigamie faisait
obstacle à ce qu’il puisse être regardé comme assimilé à la communauté française, les auteurs du décret attaqué ne se sont pas fondés sur des faits
matériellement inexacts.
Cass.crim. 12 avril 1983 (Gaz.Pal. 1983 II somm.
384) : Aux termes de l’art. 340 C.pén., le délit de bigamie constitue une infraction instantanée, caractérisée dès la célébration du second
mariage, lorsque celui-ci est contracté avant la dissolution du premier.
Cass.crim.
5 février 1963 (Bull.crim. n° 65 p.133) : Le délit de
bigamie est consommé au moment même où le second mariage a été
contracté ; il en résulte que le délai de prescription dudit
délit commence à courir à compter du jour du second mariage.
BILLET DE BANQUE
Cf. Monnaie (fausse)*.
Voir :
Jean-Paul Doucet,
« La protection de la Société », n° II-II-115, p.469
Le Code pénal incrimine, non seulement la fabrication de faux billets, mais encore le refus de recevoir des billets ayant cours légal (R.642-3) et le refus de restitution de faux billets (R.645-9).
Code pénal suédois. Chap. XIV, art. 6 : Celui
qui contrefait des billets de banque … sera condamné pour fabrication de fausse monnaie.
Cass.crim. 24 novembre 1980 (Bull.crim. n° 311
p.794) : Les billets de banque sont assimilés à des marchandises au regard de la législation douanière.
Lombroso (Palimpseste des prisons) : Cite de
vers d’un prisonnier : Billet d’amour tu ne vaux pas un Billet de banque.
BIOÉTHIQUE
Cf. Animaux (Protection des)*, Avortement*, Droit naturel*, Écologie*, Vie*.
- Notion. Le rapide développement des sciences de la vie conduit à de remarquables progrès, mais aussi à des agissements discutables. Certains praticiens appartiennent en effet à une école de pensée qui voit dans l’homme un simple animal, une machine vivante dont les pièces peuvent être modifiées, remplacées voire supprimées à volonté ; leurs recherches les conduit parfois à des expériences qui heurtent le sens moral.
Höffe (Dictionnaire d’éthique) : La bioéthique a
pour champ d’investigation les questions éthiques de la naissance, de la vie et de la mort, notamment en relation aux nouvelles découvertes et
possibilités de la recherche biologico-médicale.
Monestier (Faits-divers) : Le photographe
Ron Harris propose d’acquérir par enchères des ovules de mannequins. Sous le titre « Venez à la beauté », son site s’adresse aux six millions
de femmes américaines infertiles qui sont à la recherche d’ovules. Mise à prix entre 15.000 et 150.000 $.
- Règle morale. Les propositions émanant des moralistes partent de la notion de dignité de la personne humaine. À quelque stade de son développement que ce soit, l'homme ne doit jamais être traitée comme une chose, un objet, une marchandise.
Sgreccia (Manuel de bioéthique) : La
bioéthique générale, qui s’occupe des fondements éthiques, est le discours sur les valeurs et les principes originaux de
l’éthique médicale. En pratique, elle est une philosophie morale… La bioéthique spéciale analyse les grands problèmes,
toujours envisagés sous leur aspect général : génie génétique, avortement, euthanasie, expérimentation clinique, etc. … La
bioéthique clinique ou décisionnelle examine, dans le concret de la praxis médicale et du cas clinique, quelles sont les
valeurs en jeu et par quelles voies correctes on pourrait trouver une ligne de conduite les respectant.
- Science criminelle. Confronté aux principes moraux et aux besoins de la recherche scientifique, le législateur doit s'efforcer de promouvoir des techniques compatibles avec ces deux impératifs. Il doit poser les bases d’une police disciplinaire des sciences de la vie.
Véron (Droit pénal spécial) : Les données du problèmes
sont les suivantes : d’une part, l’expérimentation sur la personne humaine est absolument nécessaire aux progrès de la recherche scientifique et à
la mise sur le marché de nouveaux médicaments ; d’autre part, l’expérimentation sur un volontaire sain ne peut être justifiée par un but
thérapeutique direct et les atteintes à l’intégrité physique qui pourraient en résulter tombent en principe sous le coup des dispositions du Code
pénal.
- Droit positif. Une loi du 29 juillet 1994 a ajouté au Code pénal un chapitre consacré à l’éthique biomédicale ; elle pose notamment que le corps de l’homme est hors commerce et proscrit en particulier le trafic d’organes.
Cf. Clonage*, Corps de l’homme*, Eugénisme*.
Paris 5 mai 1998 (D. 2000 somm. 160) : Dès
avant l’intervention de la loi sur la bioéthique, l’insémination artificielle, avec ou sans tiers donneur, n’était pratiquée qu’en faveur des couples
justifiant de leur stabilité.
Paris 1er mars 1996 (D. 1999 ) : L’art. L.
209-9 C. santé publique dispose de façon non équivoque que le consentement libre, éclairé et exprès de la personne doit être recueilli préalablement à la
réalisation de la recherche biomédicale. La recherche biomédicale commence dès le moment où le placebo est prescrit, sans même qu’il soit nécessaire de
s’interroger sur le point de savoir s’il a été ou non ingéré.
BIOLOGIE CRIMINELLE
Cf. Anthropologie criminelle*, Criminologie*, Lombroso*.
Voir :
W. Jeandidier, Les causes de la délinquance
La biologie criminelle (on disait autrefois anthropologie criminelle) est la branche de la Criminologie* qui recherche dans la structure physique du délinquant la cause de ses méfaits. Elle s’attache notamment à son héritage chromosomique, à sa morphologie et à sa physiologie. On a conservé l’image d’un procureur général, armé d’un pied à coulisse, mesurant le crâne d’un accusé avant de prendre ses réquisitions.
Gassin (Criminologie) : La biologie criminelle n’étudie
pas seulement les aspects anatomiques et physiologiques de la personnalité des délinquants. Elle s’intéresse aussi à ses aspects génétiques,
biotypologiques, biochimiques, voire bio-sociaux.
Lombroso (L’homme criminel) : J’ai pu distinguer
le criminel-né, non seulement du criminel d’occasion, mais encore du criminel fou et de l’alcoolique … Une étude anthropologique sur l’homme criminel
doit nécessairement avoir pour point de départ les caractères anatomiques … Il y a chez les criminels une certaine supériorité dans les brachycéphales et
une remarquable infériorité chez les dolichocéphales.
Tarde (La philosophie pénale) est très critique :
Chaque nation, chaque race a ses escrocs, ses voleurs, ses assassins, porteurs des traits anthropologiques qui la caractérisent. Avec un type physique
quelconque, dans certaines conditions sociales et moyennant certaines particularités cérébrales trop profondes pour se révéler anatomiquement au dehors,
il se fait des délinquants de toute espèce. Il n'y a donc pas de types criminels dans le sens lombrosien du mot.
Lombroso (L’homme criminel), non sans une
certaine naïveté, relevait : Le prof. Villigk a étudié le cerveau de Freud, un juif aubergiste, âgé de 25 ans, qui, sans avoir jamais donné signe
d’aliénation mentale, s’était adonné au vol et à l’assassinat, et qui finit pendu. Il trouva que le corps calleux, qui ordinairement a 22 % de la
longueur de l’hémisphère, n’en avait que 18 %. La première circonvolution frontale présentait tout d’abord 47 mm de largeur ; après cela, elle
s’amincissait d’arrière en avant, assez rapidement, sans s’unir à la seconde circonvolution frontale qui forme avec elle, à sa pointe, les deux passages
obliques. La seconde circonvolution frontale s’unissait par un court passage oblique à la troisième. La scissure calcarine marche d’abord avec les
scissures pariéto-occipitales, puis se plie à angle droit de 45 mm en avant, pour se diviser en forme de fourche en ses deux branches. C’est un parcours
tout à fait analogue à celui du Pavian.
BIZUTAGE
Cf. Attentat à la pudeur*, Brimades*, Dignité de la personne humaine*, Voie de fait*.
Voir :
Jean-Paul Doucet,
« La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° 50,
p.50
Voir :
Jean-Paul Doucet,
« La protection de la Famille, des enfants et des
adolescents », n° 429
p.276
- Notion. Le bizutage
consiste à faire subir certaines épreuves d’initiation à un
nouvel élève, à un nouvel étudiant ou au nouveau membre d'un
communauté fermée, afin de marquer concrètement son acceptation
dans le groupe et d’en faire un membre à part entière.
Dès lors qu'elles sont anodines, elles ne sauraient retenir
l'attention des pouvoirs publics. Ainsi, ne tombent pas sous le coup de la pénale les simples
canulars, tel celui consistant à envoyer un bleu chercher la
clef du champ de tir.
Véron (Droit pénal spécial) : Les pratiques
traditionnelles (bizutages) exercées à chaque rentrée scolaire dans certains établissements sont destinées, selon leurs défenseurs, à créer une unité et
un esprit de corps propres au développement individuel et collectif des membres de la collectivité concernée. Ces pratiques connaissent parfois des
dérives inadmissibles et se traduisent alors par des actes dont la gravité exige des sanctions.
- Sanction. Ces épreuves sont devenues de plus en plus souvent blessantes, avec la féminisation de la société.
C'est pourquoi elles ont été incriminées par l'article 225-16-1 C.pén.
Les agissements particulièrement choquants sont sanctionnés par
les dispositions de droit commun, notamment celles visant les
attentats à la pudeur. Voir en outre les articles 225-16-2 et
225-16-3.
Cour de justice de la République, 16 mai 2000 :
Le fait de reprocher à des enseignants, aisément identifiables, d’avoir permis la commission d’actes de bizutage est de nature à porter atteinte à
leur honneur et à leur considération.
Dès lors qu'il a donné lieu à une incrimination pénale, le bizutage constitue à l'évidence une faute disciplinaire pouvant être réprimée dans les conditions prévues par le règlement de l'établissement concerné. Du point de vue de la science criminelle, puisqu'elle est prononcée sur les lieux mêmes de l'infraction, la sanction disciplinaire infligée produit un effet maximum de prévention générale.
Exemple (Ouest-France 16 décembre 2011) :
Bizutage : une expulsion définitive à Paris-Dauphine.
L'université Paris-Dauphine a prononcé hier l'expulsion
définitive d'un étudiant pour le bizutage de l'un de ses camarades, en octobre... Des lettres de sang avaient été gravées au moyen d'une capsule de
bière, dans le dos de la victime.