Page d'accueil > Table des rubriques > Dictionnaires de droit criminel > Lettres S - T : table d'accès > Lettre T

DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL
Dictionnaire des noms propres

- Professeur Jean-Paul DOUCET -

Sur l’importance du rôle social des auteurs évoqués ci-dessous, voir notre étude :
La doctrine est-elle une source du droit ?

Lettre  T

TARDE Gabriel de

- Cf : Cousin*, Donnedieu de Vabres*, Durkheim*, Ferri*, Imitation*, Joly*, Lacassagne*, Le Bon*, Lombroso*, Quételet*, Saleilles*, Sociologie criminelle*, Tissot*.

Signe Renvoi rubrique Voir : G. Tarde, Rapport sur la sociologie criminelle

Né à Sarlat en 1843, mort à Paris en 1904. Un temps chef du service de la statistique au ministère de la Justice, il s’est orienté vers l’étude de la criminalité. Il a enseigné la philosophie au Collège de France de 1900 à 1904. On lui doit des œuvres qui retiennent l'attention : « La criminalité comparée » (plusieurs fois rééditée), « Les lois de l’imitation » et « La philosophie pénale ».
Plutôt modéré, il était partisan d’une criminologie pluridisciplinaire et s'appuyait sur la psychologie plutôt que sur la biologie. On lui doit principalement d’avoir montré que la cause de nombreux comportements criminels doit être recherchée dans l’imitation : imitation de malfaiteurs dotés d’une forte personnalité, imitation d’infractions qui viennent d’être commises. Cette doctrine présente un intérêt particulier avec le développement des moyens de communication, en particulier de la télévision.

Signe Philosophie Tarde (La criminalité comparée) : Il n’est plus permis au criminaliste d’à présent d’être un simple juriste, exclusivement soucieux des droits sacrés de l’individu et en appliquant les conséquences avec la logique scolastique d’un commentateur civil ; il doit être un statisticien philosophe, préoccupé avant tout de l’intérêt général. Il n’est pas mal non plus qu’il soit quelque peu aliéniste et anthropologiste ; car en même temps que la statistique criminelle nous montre les délits en faisceaux et les délinquants en groupes, l’anthropologie criminelle croit découvrir la raison du penchant aux divers crimes avec certains caractères corporels héréditaires, nullement individuels ; et la pathologie de l’esprit par la connaissance plus avancée du système nerveux… Statistique, anthropologie, psychologie physiologique ; autant de voies scientifiques nouvelles dans l’étude renouvelée du crime : la criminalité comparée en est en quelque sorte le carrefour.

Signe Philosophie Tarde (Les lois de l’imitation) : Dans ce livre, j’ai essayé de dégager, avec le plus de netteté possible, le côté purement social des faits humains, abstraction faite de ce qui est en eux simplement vital ou physique. Mais, précisément, il s’est trouvé que le point de vue à la faveur duquel j’ai pu bien marquer cette différence, m’a montré entre les phénomènes sociaux et les phénomènes d’ordre naturel les analogies les plus nombreuses, les plus suivies, les moins forcées…
J’ai tâché d’esquisser une sociologie pure. Autant vaut dire une sociologie générale. Les lois de celle-ci, telle que je la comprends, s’appliquent à toutes les sociétés actuelles, passées ou possibles, comme les lois de la physiologie générale à toutes les espèces vivantes, éteintes on concevables. Il est bien plus aisé, je n’en disconviens pas, de poser et de prouver même ces principes, d’une simplicité égale à leur généralité, que de les suivre dans le dédale de leurs applications particulières ; mais il n’en est pas moins nécessaire de les formuler.
Par philosophie de l’histoire, au contraire, et par philosophie de la nature, on entendait jadis un système étroit d’explication historique ou d’interprétation scientifique, qui cherchait à rendre raison du groupe entier ou de la série entière des faits de l’histoire ou des phénomènes naturels, mais présentés de telle sorte que la possibilité de tout autre groupement et de tout autre succession fût exclue. De là l’avortement de ces tentatives. Le réel n’est explicable que rattaché à l’immensité du possible, c’est-à-dire du nécessaire sous condition, où il nage comme l’étoile dans l’espace infini. L’idée même de loi est la conception de ce firmament des faits.
Certes, tout est rigoureusement déterminé, et la réalité ne pouvait être différente, ses conditions primordiales et inconnues étant données. Mais pourquoi celles-ci et non d’autres ? Il y a de l’irrationnel à la base du nécessaire. Aussi, dans le domaine physique et le domaine vivant, comme dans le monde social, le réalisé semble n’être qu’un fragment du réalisable. Voyez le caractère épars et morcelé des cieux, avec leur dissémination arbitraire de soleils et de nébuleuses ; l’air bizarre des faunes et des flores ; l’aspect mutilé et incohérent des sociétés qui se juxtaposent, pêle-mêle d’ébauches et de ruines. Sous ce rapport, comme à tant d’autres égards que je signalerai en passant, les trois grands compartiments de la réalité se ressemblent trop bien

Signe Philosophie Tarde (La philosophie pénale) : Ce livre est un examen des idées mises en circulation et en faveur, dans ces dernières années, par l'école d'anthropologie criminelle. Mais il est encore plus une exposition d'idées personnelles. Les théories qu'il développe ont trait à des préoccupations différentes. Il y a d'abord une tentative de conciliation entre la responsabilité morale et le déterminisme, entre la conscience et la science, que la notion du libre arbitre avait paru séparer par un gouffre infranchissable. Il y a aussi, et surtout, une explication du côté criminel des sociétés, conformément à un point de vue général que je me suis efforcé d'appliquer dans un autre ouvrage, récemment paru, aux divers aspects de la vie sociale.

Signe Doctrine Stéfani-Levasseur (Droit pénal et criminologie) : Pour les Facultés des lettres, au XIXe siècle, les causes de la criminalité devraient être recherchées en dehors de l’individu, elles proviendraient essentiellement du milieu dans lequel il vit, bouillon de culture où se développe le microbe, lui-même impuissant en milieu stérile. Telle fut la doctrine française de Tarde et de Joly, qui se développa en réaction contre la doctrine de Lombroso.

Signe Doctrine Gassin (Criminologie) : Crée par Gabriel Tarde, l'École de l'interpsychologie considère que les rapports sociaux ne sont que des rapports interindividuels et que ceux-ci sont régis par ce fait social fondamental qu'est l'imitation. Chez l'individu, l'imitation explique des fonctions psychologiques telles que l'habitude et la mémoire. Sur le plan des rapports sociaux, c'est encore par le jeu de l'imitation que s'organise et se développe la vie sociale. À partir de là, Tarde aborde le problème de la criminalité. Son idée essentielle est que chacun se conduit selon les coutumes acceptées par son milieu ; si quelqu'un vole ou tue, il ne fait qu'imiter quelqu'un d'autre.

Signe Doctrine Pinatel (Bouzat et Pinatel, Traité de droit pénal et de criminologie) : Gabriel Tarde, associé et ami de Lacassagne ne veut pas se contenter d'étudier les faits sociaux comme des choses Il fait de la sociologie une inter-psychologie et met en lumière que le fait social fondamental est l'imitation : chez l'individu lui-même par l'habitude et la mémoire, dans les rapports d'individus à individus par des procédés plus complexes.

THÉMIS

- Cf : Érinyes*, Diké*, Justice*, Justitia*, Maât*, Némésis*, Saint-Yves*, Salomon*.

Dans la mythologie grecque, Thémis est la conseillère de Zeus, chargée de faire régner la Loi, le Droit et la Justice. Elle semble illustrer, en matière pénale, l’émergence de la notion de responsabilité subjective ; c’est pourquoi elle a pu conserver de nos jours son trône dans le Panthéon des juristes.
On désigne encore parfois le Palais de justice comme le Temple de Thémis.

Signe Dictionnaire Dictionnaire Larousse de la mythologie : Thémis veille à ce que les engagements pris soient respectés, dans un souci de justice et d’équité ; elle n’hésite pas à châtier ceux qui enfreignent les lois et à récompenser les plus pieux... Elle est représentée avec une épée à la main, symbole du châtiment, une balance dans l'autre, symbole de la justice, et les yeux bandés en signe d'impartialité.

Signe Doctrine Belfiore (Dictionnaire de mythologie) : Fille d’Ouranos et de Gaia, Thémis engendre les Heures, la Justice et la Paix. Elle veille à ce que les engagement soient respectés dans un souci de justice et d’équité, n’hésitant pas à châtier ceux qui les enfreignent et à récompenser les plus pieux…
Thémis est représentée avec une épée à la main, symbole du châtiment, une balance dans l’autre, symbole de la justice, et les yeux bandés en signe d’impartialité.

Signe Doctrine Dupin (Règles de droit et de morale) : Soyez sans haine pour l’une des parties, ni faveur pour l’autre. Ayez, comme Thémis, un bandeau sur les yeux ; non pas pendant l’instruction de l’affaire, quand il faut apprendre la cause et tout voir, mais au moment de la juger, quand vous tenez la balance.

Signe Exemple concret Lacombe de Prézel (Dictionnaire iconologique) : Thémis, Déesse de la Justice, fille du Ciel et de la Terre, mère de la Loi et de la Paix. Elle est toujours représentée avec une balance à la main, et un bandeau sur les yeux ; quelquefois tenant une épée. Voir : Justice*.

St THOMAS D’AQUIN 

- Cf : Abélard*, Aristote*, Cumberland*, Grotius*, Montesquieu*, Pufendorf*, Zoroastre*.

Signe Renvoi rubrique Thomas d’Aquin (Somme théologique) : Les différentes sortes de lois

Issu de la famille des comtes d'Aquin, il est né dans le royaume de Naples (1227 – 1274). Frère prêcheur, il fut notamment l'élève d'Albert le Grand epuis enseigna à Paris de 1252 à 1259. Il repose dans l’église des Jacobins à Toulouse.
Pour ce qui concerne les pénalistes, son œuvre principale est sa « Somme théologique » (1266 – 1273), l’un des sommets de l’esprit humain comme l’a souligné Jean-Paul II. On y trouve en effet, non seulement des développements de théologie fondamentale, mais encore des études de théologie morale qui conduisent le lecteur de l’examen des actes humains à l'étude du Droit naturel*. Sur de nombreux points ses travaux vont plus loin que la doctrine pénale contemporaine, qui néglige à tort cette source capitale.
C'est en observant à quel point St Thomas d'Aquin a enrichi le christianisme de la pensée d'Aristote que l'on a pu dire : la civilisation occidentale est helléno-chrétienne.
La publication de la « Somme théologique » par les éditions du Cerf en 1994 (4 volumes) fait autorité.

Signe Doctrine M-J Nicolas (Introduction à la Somme théologique éd. Cerf) :.Pour lui, il n’y a d’autre « autorité » que celle de l’esprit humain lui-même, dont la nature est faite pour la vérité, de sorte, qu’à moins de perversion, il ne peut manquer, d’en découvrir et d’en mettre en lumière quelque parcelle. L’erreur elle-même est féconde : c’est grâce à elle que bien souvent, on a pu après mieux formuler la doctrine…
La première chose qui frappe un lecteur moderne de la Somme théologique, c’est le réalisme de la pensée… Pour lui ce réalisme est nécessairement inclus dans l’acte même de connaître.
Pour S. Thomas, on reconnaîtra toujours en l’homme, quels que soient sa race, son temps et son milieu, ce qui est proprement humain : une pensée, une raison ; mais une pensée, une raison qui ne peuvent entrer en action qu’à partir des sens, et même d’un enracinement biologique : un esprit, mais incarné. Mais, à partir de là, quelle diversité dans sa manière d’être
La pensée de St Thomas s'est élaborée dans une constante et large confrontation avec la pensée des autres. Mais d'une manière aussi libre et personnelle qu'avide de tout ce qui pouvait l'enrichir. Cette liberté de l'esprit du penseur s'exprime dans un mot célèbre qu'il faudrait inscrire au fronton de toute bibliothèque : "L'étude de la philosophie n'est pas destinée à nous faire savoir ce que les hommes ont pensé, mais ce qu'il en est réellement de la vérité".

Signe Doctrine St Thomas d’Aquin: (Somme théologique) : La loi de nature est identique pour tous dans ses principes généraux, tout autant dans sa rectitude objective que selon la conscience qu’on peut en avoir… La loi naturelle est immuable dans ses principes premiers. Quant à ses préceptes seconds, il peut y avoir des changements en tel cas particulier… notamment lorsque la loi écrite complète ce qui manquait ou qu’une corruption exige un redressement… Une chose est dite de droit naturel de deux façons. D’une part, parce que la nature y incline (p.ex. : il ne faut pas faire de tort à autrui). D’autre part, parce que la nature ne suggère pas le contraire (une liberté semblable pour tous).

Signe Doctrine Villey (Philosophie du droit, T.I) : Si nous comparons le bagage de nos progressistes et celui de Saint Thomas, il est certain que l'information de Saint Thomas a moins de lacunes. Information double. Premièrement biblique, religieuse, Car c'était d'abord un religieux, qui avait longuement médité, commenté la Bible, Saint Augustin, les Pères grecs. Mais aussi un profane : l'Université médiévale est exactement le contraire d'un institut d'obscurantisme, elle s'était tournée vers l'étude de la philosophie gréco-romaine, et Saint Thomas, qui participe activement à cette renaissance, était familier d'un bon nombre de philosophes grecs et latins. Il a surtout assimilé l'œuvre d'Aristote. Il s'intéresse au mouvement de renaissance du droit romain...
Saint Thomas a décidé de réintroduire dans un monde devenu chrétien tout l'enseignement d'Aristote sur la justice particulière. Son exposé ne présente rien de vraiment nouveau par rapport à l' Éthique d'Aristote. Le commentaire est seulement plus intelligent que ceux pratiqués aujourd'hui. Et plus complet d'un point de vue de juriste... Ce commentaire est encore précieux pour la philosophie du droit en ce qu'il va jusqu'à restaurer une rigoureuse idée du "jus". On eût pu croire que Saint Thomas négligerait ce point, étant donné que ses préoccupations personnelles n'allaient pas aux choses juridiques. Le seconde partie de sa Somme avait pour objet la morale, la science de la bonne ou de la mauvaise conduite, et les vertus ou les vices qui y correspondent. Mais comme l'analyse de la justice dans son Éthique de Nicomaque conduit Aristote à reconnaître la notion de droit (to dikaion), la même aventure arrive à la Somme. C'est donc au Traité de la justice qu'on trouve une étude du mot "jus" ; et non pas au Traité des lois
.

 Signe Doctrine Malaurie (Anthologie de la pensée juridique) : St Thomas chercha une synthèse entre l'aristotélisme et la tradition chrétienne : à savoir retenir Aristote (il l'admirait tellement qu'il l'appelait "Le Philosophe") dans tout ce qui n'était pas contraire à la Révélation. Il faisait ainsi confiance à  la raison et à la nature humaine, bien qu'elles fussent affaiblies par le péché originel : la foi aide l'intelligence, l'intelligence conforte la foi.

 Signe Doctrine Humbrecht (Dictionnaire des figures du christianisme) : St Thomas n'est pas un compilateur, fût-ce avec l'habileté de la mise en ordre. Il est un penseur, dont on n'a pas fini d'inventorier les découvertes. La théologie se caractérise chez lui par la prise en considération de toutes choses sous la lumière de Dieu.
La recherche de la vérité, œuvre du philosophe, doit être poursuivie à propos de la nature, de l'âme, de l'éthique, ou de la politique, tant ces domaines sont humains avant d'être chrétiens.

Signe Philosophie Leclercq (Leçons de droit naturel - T.I) : Il y a déjà bien longtemps, qu' on l'a dit : Saint Thomas n'est pas une « borne » [un aboutissement], mais un « phare ».

THOT

- Cf :  Maât*, Manou*, Moïse*, Zoroastre*.

Dans la mythologie égyptienne, Thot était le dieu savant qui avait inventé l'écriture, posé les principes moraux et inspiré les règles du droit. C'est à lui que se référait le législateur, comme c'est à Maât que se référait le juge.

Signe Dictionnaire Dictionnaire illustré des dieux de l’Egypte (Schumann Antelme et Rossini) : Le savoir de Thot s’applique à la morale, car il est celui qui écrit la « Maât », qui édicte les règles éthiques non seulement de la société humaine, mais aussi du Panthéon … Il crée l’essence de tout ce qui est juste, équilibré et bon.

Signe Dictionnaire Encyclopédie Microsoft Encarta : Thot est l’inspirateur des lois et celui qui guide la mise en place des systèmes de gouvernement. Il est le maître du langage, dont il apprend l’usage aux hommes. Thot est parfois considéré comme l’époux de Maât, déesse de la Vérité et de la Justice.

THUGS

Signe Renvoi rubrique Voir : Une secte d’étrangleurs, les Thugs

Les Thugs étaient les membres d’une secte hindoue qui, en l’honneur de la déesse Kali, étranglaient de riches victimes prises de préférence parmi les commerçants voyageurs.
Ils ne doivent pas être confondus avec les Dacoïts, brigands des Indes qui dépouillaient leurs victimes après les avoir torturées.

Signe Dictionnaire Encyclopédie Microsoft Encarta : La déesse Kali était invoquée par une société secrète d’assassins appelés les thugs. La ville de Calcutta doit son nom à Kali ; en effet, Calcutta est la forme anglicisée de Kalighata, le nom d’un grand temple qui lui est dédié.

TIRAQUEAU André

- Cf : Ayrault*, Jousse*, Le Brun de la Rochette*, Muyart de Vouglans*.

Jurisconsulte français, né dans les années1480 à Fontenay-le-Comte, mort à Paris en 1558. Après avoir été magistrat dans sa ville natale, il fut nommé Conseiller au Parlement de Paris. Sur le plan social, Tiraqueau est encore connu de nos jours pour avoir été un ami de Rabelais, curé de Meudon, et un proche des gens de Lettres de son époque.
Sur le plan juridique, auteur prolifique, il s’est surtout fait une réputation en tant que civiliste. Mais un de ses fils eut l’heureuse idée de publier, en 1559, un  manuscrit resté inédit, sous ce titre « De poenis temperandis » (De l’atténuation des peines). Il s’agit du premier ouvrage pleinement consacré aux possibilités offertes au juge pour individualiser la sanction, voire du premier traité sur la responsabilité pénale ; d’où son importance dans l’histoire du droit criminel. C'est l’œuvre d’un grand humaniste de la Renaissance.
On doit à André Laingui d’en avoir publié une traduction (Éd. Economica, Paris 1986).

Signe Doctrine Imbert (Présentation de la traduction) : Il s’agit du premier grand traité de la responsabilité pénale.

Signe Doctrine Laingui (Introduction générale à la traduction de l'ouvrage) : Tiraqueau a tenté de nommer ou de définir tout élément, toute circonstance suffisant à alléger la peine de l’accusé, et d’innombrables juges ont dû pencher, grâce à ce traité, vers la clémence parce qu’il se présentait à eux quelque cause favorable figurant au catalogue du De poenis.

Signe Doctrine Tiraqueau (dans sa Préface) connaissait le principe de la séparation des fonctions législative et judiciaire, et l’étendue des pouvoirs qui en résulte naturellement pour le législateur et le juge : principe de légalité d’une part, principe de l’adaptation de la loi abstraite au cas concret d’autre part :
Il n’est pas vrai qu’un juge, dès qu’il a le droit de vie et de mort, soit libre de condamner à mort qui il veut, mais seulement ceux que la loi ou la coutume aura préalablement condamnés…
Mais il faut entendre raisonnablement ce qui vient d’être dit : s’il existe une cause, il pourra diminuer la peine déterminée par la loi et même la remettre entièrement [ il inclut dans ces causes les faits justificatifs et les causes de non-imputabilité]

Signe Exemple concret Warée (Curiosités judiciaires) : André Tiraqueau, ami de Rabelais, célèbre jurisconsulte, qui fut conseiller aux Parlements de Bordeaux et de Paris, mort en 1558, donnait tous les ans un enfant à l'État et un livre au public ; il avait une terre dans la vallée de Montmorency, où il a été enterré, terre qui appartint depuis au maréchal de Catinat, qui descendait de lui par les femmes, et qui fut inhumé à ses côtés ; chose singulière dans la même famille, l'illustre guerrier avait autant d'aversion pour le mariage que le jurisconsulte y avait trouvé d'attraits. Tiraqueau ne but jamais que de l'eau. [on a discuté le point de savoir s'il avait eu 20 ou 30 enfants]

TISSOT Claude-Joseph

- Cf :  Cousin*, Joly*, Kant*, Planiol*, Tarde*.

Signe Renvoi rubrique Voir : Tissot, Droit naturel et droit criminel

Signe Renvoi rubrique Voir : Tissot, Les intérêts que le législateur doit protéger, selon le droit naturel

Signe Renvoi rubrique Voir : J. Tissot, Le meurtre au regard de la morale

Philosophe et juriste français (1801-1876). S'il fit à la fois des études de lettres et des études de droit, c'est la philosophie qu'il enseigna à la Faculté des lettres de Dijon à partir de 1836. Se trouvant ainsi libéré des programmes officiels des Facultés de droit, qui étaient comme de son jours centrés sur le droit positif, il put orienter ses recherches vers la morale et la philosophie du droit. Kant inspira fortement des propres recherches, qui le conduisirent notamment à écrire une « Introduction historique à l'étude du droit », une  « Éthique et science des mœurs » et un « Droit pénal étudié dans ses principes ».

Signe Doctrine Tissot (Cours de droit naturel, Livre I - Début et résumé final) : Qu’on prenne, disent les sceptiques, les institutions politiques, civiles, domestiques et religieuses, on les trouvera différentes suivant les temps et les lieux. Les ressemblances mêmes sont illusoires ; elles sont dans les mots, dans les noms bien plus que dans les choses. En y regardant de près, les différences deviennent frappantes.
Soit. Mais la question est de savoir si, en y regardant de plus près encore, on ne trouvera à ces dissonances leur raison d’être, et si elles ne se résolvent pas en une harmonie progressive qui a sa loi de formation, de progression et d’unité finale…
L’ensemble de nos recherches forme donc comme une science des mœurs, en prenant ce mot dans sa plus vaste acception, science où les faits et les idées de l’ordre moral s’enchaînent, se développent, se transforment régulièrement suivant un ordre progressif qui est comme la genèse de la vie morale de l’humanité, son acheminement vers l’idéal de sa destinée.
Cet idéal, tiré de la nature même de l’homme, des profondeurs les plus pures et les plus lumineuses de la conscience morale, est un premier objet de la science des mœurs, de l’éthique ou morale rationnelle a priori. Il se trouve confirmé par cet autre objet de la science des mœurs, celui qui consiste dans l’exposé historique des faits moraux de l’humanité
.

TOCQUEVILLE (Alexis de)

- Cf : Démocratie*, Mineur délinquant*.

Né à Paris, en 1805, il est issu d'une famille appartenant à la plus ancienne noblesse normande, ce qui explique pour partie son sens du droit et de la justice (renforcé par des études juridiques à Paris) ; il fut un temps magistrat, ce qui le confronta aux réalités de la vie quotidienne. Petit-fils de Malherbes, ministre qui abolit la censure et protégea les « Lumières », mais qui finit sur l'échafaud pour avoir été l'un des avocats de Louis XVI, il de rangea du côté des humanistes catholiques et s'intéressa tant à la vie politique, que, plus concrètement, aux problèmes posés par le régime pénitentiaire et en particulier par le traitement de l'enfance délinquante. Il mourut à Cannes en 1859 ; juste après avoir publié « L'Ancien régime et la Révolution », ouvrage qui devait être, dans son esprit, le premier volume d'une étude de la Révolution et de ses conséquences.
Ayant été envoyé, à leur demande, avec son ami de Beaumont, aux États-Unis pour y étudier son système pénitentiaire, à leur retour ils publièrent en 1836 un ouvrage intitulé « Le système pénitentiaire aux États-Unis et son application en France ». Il fut suivie, après qu'il eût été élu parlementaire, par  un rapport sur la réforme des prisons rendu en 1843.
Mais, élargissant le sujet officiel de son voyage, il s'attacha à l'étude de la Démocratie* qui s'instaurait dans ce pays neuf et il publia le résultat, tant de ses recherches que de ses réflexions, dans un livre dénommé « De la Démocratie en Amérique » (ce qui lui valut d'être élu membre de l'Académie des Sciences morales et politiques, puis de devenir ministre). Ce monument, considéré à l'étranger comme un classique de la pensée politique, a été violemment combattu en France au siècle dernier, notamment après que le ministère de l'Instruction nationale et en particulier la Sorbonne eussent été confiés au parti communiste. De Tocqueville fut alors déclaré persona non grata, et son ouvrage mis à l'index par la censure marxiste (j'en fus le témoin lorsque je me trouvais en propédeutique pour commencer une licence de lettres). Depuis quelques années, il semble heureusement sortir de ce purgatoire.

Signe Doctrine Donnedieu de Vabres (Traité de droit criminel) : C'est surtout sous la Monarchie de Juillet qu'une impulsion vigoureuse fut donnée à la réforme des prisons... Sur l'initiative du gouvernement, des missions d'études furent envoyées aux États-Unis. En 1831 celle de MM. de Tocqueville et de Beaumont, en 1936 celle de MM. Demetz et Blouet. À la suite de ces visites, s'épanouit toute une littérature pénitentiaire.

Signe Doctrine Gaillac (Les maisons de correction 1830 - 1945) : Il est impossible de décrire le mouvement philanthropique sans évoquer au préalable le visage de ceux qui en ont été les principaux auteurs.
Alexis Charles Henri de Tocqueville est un des plus connus d'entre eux. Il a vingt-cinq ans lorsque le gouvernement de juillet décide d'organiser une commission d'enquête sur le système pénitentiaire. Il part aux États-Unis avec de Beaumont, dont le nom est associé au sien dans ses ouvrages. Il est séduit par la démocratie en Amérique à laquelle il consacre un livre important. Il publie en 1833 une étude sur le système pénitentiaire aux États-Unis et son application en France. De tempérament nettement réformiste, il sera député à L'Assemblée constituante de 1848...
Sortir les enfants des prisons et d'abord les séparer des détenus adultes; tel sont les objectifs que s'assignent les philanthropes
.

Signe Dictionnaire Dictionnaire de philosophie politique (Philippe Raynaud, v° Tocqueville) : Même si son œuvre n'a jamais cessé d'être lue tout au long du XIXe et du XXe siècles, ce n'est que depuis peu que Tocqueville se voit reconnaître la place qui est le sienne dans la philosophie politique - celle d'un des plus grands penseurs politiques modernes, du niveau de Hobbes, de Montesquieu ou de Rousseau, et non pas simplement celle d'un des multiples théoriciens du « libéralisme » politique du siècle dernier.
Sur beaucoup de questions américaines (les dangers de la « tyrannie de la majorité », le rôle de la justice dans le système politique, le gouvernement local...) les analyses de Tocqueville restent classiques... L'analyse de l'« omnipotence de la majorité » est ici particulièrement significative. Selon Tocqueville, le risque le plus grand, dans la démocratie, ne vient pas de la faiblesse du gouvernement mais au contraire de la force irrésistible que lui donne le fait que toutes les autorités émanent de la société et donc de la majorité
.

Signe Doctrine Berl (Introduction à « L'Ancien régime et la Révolution ») : L'Ancien régime et la Révolution constitue l'œuvre maîtresse de Tocqueville et, avec l'Esprit des lois, l'ouvrage de synthèse historique dont la France semble le mieux fondé à s'enorgueillir... En s'attachant aux faits essentiels et nécessaires, en négligeant les faits accidentels et contingents, Tocqueville exerce son métier de sociologue.

Signe Doctrine Furet (Introduction à « De la démocratie en Amérique ») ancien historien communiste qui avait au départ suivi les enseignements qui s'imposaient de son temps : Marx, en construction sa doctrine, braque le projecteur sur un mécanisme économique qui n'explique à peu près rien des grands événements du XIXe et XXe siècles... C'est surtout parce que Tocqueville, en analysant l'égalité non comme une situation, mais comme un principe, un ensemble de passions, une dynamique politique indéfinie, a un double avantage sur Marx. Il se situe de plain-pied avec l'histoire d'une promesse ouverte pour l'Europe par la Révolution française, et dont l'Amérique lui montre les traits : et il cherche à comprendre, non pas les causes, mais les conséquences. Ce faisant il fait un pari qu'il a gagné : à savoir que l'univers de l'égalité et les comportements qu'il induit sont des phénomènes durables, irréversibles, déterminants pour l'avenir.

TRIBUNAL DES DIX (à Venise)

- Cf : Dénonciation*, Tribunaux d'exception*, Tribunal révolutionnaire*.

Signe Renvoi rubrique Voir : M. Alboize et A. Maquet, La conspiration du Doge Faliero

La Sérénissime, comme l'on nommait Venise, connaissait deux Tribunaux bien distincts, qui siégeaient au Palais des Doges dans deux salles distinctes quoique voisines. L'un était chargé des crimes et délits de droit commun ; il fonctionnait selon une procédure qui équilibrait raisonnablement les droits des plaignants et ceux des défendeurs (l'accusé au pénal bénéficiait toutefois en théorie d'une présomption d'innocence).
Le second tribunal, dit des Dix, connaissait lui des infractions politiques, entendues dans un sens très large ; sa procédure était secrète, arbitraire et rigoureuse (il recevait les dénonciations, soit par un billet glissé dans les fameuses Gueules de lions, soit par des auxiliaires stipendiés tel Casanova engagé en 1780).

Signe Exemple concret Norbert Jonard (La vie quotidienne à Venise au XVIIIe siècle) : La pierre angulaire de la République de Venise est le Conseil des Dix. Créé en 1310 pour réprimer les mouvements séditieux qui avaient surgi lors d'un Coup d'État* tenté par les familles Tiepolo et Quirini, ce tribunal exceptionnel avait fini par être l'organe gouvernemental le plus influent. Il était devenu, dès 1335, une institution permanente groupant le Doge, les six conseillers supérieurs et les Dix proprement dits, élus pour un an et rééligibles après deux ans d'intervalle... Les attributions du Conseil des Dix et l'appareil policier dont il s'entourait avaient de quoi effrayer.
Il avait la haute main sur toutes les affaires concernant la sûreté de l'État et sur toutes celles où étaient impliqués des patriciens, des ecclésiastiques ou des secrétaires de la chancellerie ducale... Il donnait enfin des avertissements aux femmes mariées dont la conduite laissait à désirer et réprimandait les fils de famille dévoyés...
La rigueur extrême de sa jurisprudence a sans doute plus fait pour sa réputation que ses méthodes policières qui ne différaient guère de celles employées dans d'autres pays. Que les inquisiteurs aient utilisé les services d'espions patentés ou non, joliment parés du titre de "confidents, n'est donc pas fait pour nous étonner. Ce qui est plus curieux, ce sont les "bocche del leone", ces boîtes aux lettres qui avaient la forme d'une tête de lion sculptée la bouche ouverte, comme pour inviter les passants à déposer à l'intérieur leur dénonciation...
Lorsque, à la suite d'une dénonciation, les inquisiteurs faisaient arrêter un prévenu, ils l'interrogeaient et entendaient les témoins sans qu'il y ait de confrontation. Cette information faite, le Conseil des Dix décidait, par voie de ballottage, si on entamerait le procès ou si on élargirait le présumé coupable. Condamné, l'accusé pouvait être, selon la gravité du délit, pendu avec un voile sur la tête, noyé dans le canal ou expédié en prison. Dans ce cas il rejoignait soit les Plombs, soit les Puits  
.

Signe Histoire Du Boys (Histoire du droit criminel) : À Venise, par suite du courant imprimé à l'opinion par ces mêmes auteurs qui inspirèrent Beccaria, quelques novateurs... demandèrent la réforme du fameux Tribunal des Dix, qui était armé du pouvoir arbitraire le plus illimité pour rendre tous les jugements et prendre toutes les mesures qu'ils jugeaient utiles au service et au bien de l'État...
De très vifs débats s'élevèrent alors dans le sein de l'Assemblée. Le membre le plus illustre du Conseil, Marco Forcarini, connu déjà comme publiciste et comme ayant rempli avec distinction des emplois diplomatiques, s'éleva avec éloquence contre toute innovation, et soutint que l'on avait exagéré sans mesure la réputation de rigueur du tribunal des Dix. Il fit l'apologie des dénonciations et de la procédure secrète, et prétendit « qu'avec la publicité des témoignages et des audiences, nul n'oserait témoigner contre un noble ou le condamner ; que le secret des procédures assurait l'égalité de la justice, et permettait d'atteindre les criminels du rang le plus élevé ; enfin que les concessions faites à une multitude aveugle et inexpérimentée étaient pour toute autorité un commencement de décadence, et avilissaient un gouvernement aux yeux des princes étrangers ».
Quelques jours après, ce même Marco Foscarini était élu Doge aux applaudissements, non seulement de la noblesse, mais du peuple tout entier, et une consécration éclatante était donnée par là aux doctrines soutenues par l'illustre sénateur
.

TRIBUNAL RÉVOLUTIONNAIRE

Cf. Amalgame*, Abus de droit - abus des lois*, Défense (droits de la)*, Fournées*, Inquisition (Tribunal de l')*, Terreur*, Wallon*.

Signe Renvoi rubrique Voir : Décret du 10-12 mars 1793 relatif à la formation d'un tribunal criminel extraordinaire

Signe Renvoi rubrique Voir : Décret du 22 Prairial an 2 - 10 Juin 1794 concernant le Tribunal révolutionnaire

Signe Renvoi rubrique Voir : Procès de M-O de Gouges devant le Tribunal révolutionnaire.

Des trois tribunaux qui furent successivement institués pour appuyer la politique des dirigeants de la Révolution, c’est le deuxième qui est le plus connu. Institué par un décret des 10/12 mars 1793, il a laissé le souvenir d’une juridiction suivant les consignes du Gouvernement en complète méconnaissance des droits de la défense. Il constitue le modèle suivi depuis lors par les régimes totalitaires, soumettant l'institution judiciaire au pouvoir politique (on pense en particulier aux procès de Moscou).

Signe Exemple concret Robespierre (Discours du 15 août 1792) : Depuis le 10 août la juste vengeance du peuple n’a pas encore été satisfaite. Nous vous prions de nous débarrasser des autorités constituées en qui nous n’avons point de confiance, d’effacer ce double degré de juridiction qui, en établissant des lenteurs, assure l’impunité ; nous demandons que les coupables soient jugés par des commissaires pris dans chaque section, souverainement et en dernier ressort. [en parlant de "coupables", avant jugement, Robespierre posait une présomption de culpabilité à l'encontre des prévenus]

Signe Histoire Décret du 10-12 mars 1793, Titre Ier, Art. 1er  : Il sera établi à Paris un tribunal criminel extraordinaire, qui connaîtra de toute entreprise contre-révolutionnaire, de tous attentats contre la liberté, l’égalité, l’unité, l’indivisibilité de la république, la sûreté intérieure et extérieure de l’État, et de tous les complots tendant à rétablir la royauté, ou à établir toute autre autorité attentatoire à la liberté, à l’égalité et à la souveraineté du peuple, soit que les accusés soient fonctionnaires civils ou militaires ou simples citoyens.

Signe Histoire Walter (Actes du Tribunal révolutionnaire). Le soir même de sa nomination comme Président du Tribunal révolutionnaire, Dumas monta à la tribune des Jacobins : « Le seul moyen de faire naître la paix dans le sein de la République, est de frapper tous les contre-révolutionnaires, de manière qu’ils ne puissent plus rien entreprendre contre la liberté. Il faut écarter de nous ces idées d’humanité et de sensibilité ; il ne faut laisser aux conspirateurs aucun espoir d’impunité ».

Signe Doctrine Le Bon  (La Révolution française - La psychologie des révolutions) : Le Tribunal révolutionnaire de Paris, simple instrument du Comité de salut public, se bornait en réalité, comme le fit justement remarquer Fouquier-Tinville dans son procès, à exécuter des ordres. Il s'entourait à son début de quelques formes légales qui ne subsistèrent pas longtemps. Interrogatoire, défense, témoins, tout finit par être supprimé. La preuve morale, c'est-à-dire la simple suspicion, suffisait pour condamner.

Signe Histoire Desmaze (Les pénalités anciennes) cite cette lettre écrite à Doullens par un émissaire de Lebon à Lebas : Lebon est revenu de Paris transporté d'une sainte fureur contre l'inertie qui entravait les mesures révolutionnaires. Tout de suite un jury terrible, à l'instar de celui de Paris, a été adapté au tribunal révolutionnaire ; ce jury est composé de soixante bougres à poil.

Suite du dictionnaire des noms propres