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LES INTÉRÊTS QUE LE LÉGISLATEUR
DOIT PROTÉGER,
SELON LE DROIT NATUREL

Documents extraits de l’ouvrage de J. Tissot
« Introduction historique à l’étude du droit »
T.II p.282  ( Paris 1875 )

On a souvent reproché aux spécialistes du droit naturel
de s’en tenir aux idées générales, et de ne pas confronter
leurs principes abstraits aux réalités concrètes.

Cette critique ne peut présentement être adressée à Tissot,
même si le tableau ci-dessous est loin d’être complet.

Ce sont des documents de cette nature
qui peuvent servir de guide au législateur pénal,
lorsqu’il s’efforce d’établir le plan de la partie spéciale
du Code pénal consacrée aux différentes incriminations.

Sous la rubrique « Applications du droit naturel », Tissot proposait le tableau suivant.

Il rappelait par ailleurs la classification proposée par Zachariae (ci-dessous en annexe).

 

 

 

 

 

  D  

R

O

I

T

S

 

 

R

E

L

A

T

I

F

S

 

aux
 capacités 

 

Besoins
physiques


Droits - - -   

à la conservation de la vie

et à l’inviolabilité de la personne

aux aliments, aux vêtements
à l’abri : Inviolabilité du domicile ;

aux médicaments
aux moyens de perfectionnement
à la conservation des biens

choses et propriété
dans le sens
vulgaire et
restreint

Besoins
intellectuels


Droits - - - 

à ne point être trompé
aux moyens de se détromper

Instruction et lecture,
publication de la pensée
libre critique

aux moyens de sortir de l’ignorance
à la culture du goût – arts, littérature
à la propriété littéraire

mêmes droits que plus haut,
plus le droit de se
ménager des loisirs

Besoins
moraux


Droits - - -

à la bonne réputation

positive : reconnaissance du mérite
négative : n’être pas calomnié

aux moyens de

perfectionnement moraux

au respect de nos principes
et de notre personne :
morale, réputation, pudeur ;
à la bienfaisance active
à la liberté religieuse :
au prosélytisme.

aux moyens de
mieux satisfaire
ces besoins

 

Droits - - - 

de disposer de nos droits

de former des associations
particulières

agricoles et industrielles,
littéraires, scientifiques, artistiques.
morales ou de bienfaisance,
pédagogiques ou religieuses.

de former des associations
universelles

conjugale ;  domestique ;
civile : communale, nationale

Internationale, humanitaire

de se procurer des garanties politiques
contre l’impéritie, l’erreur, l’insouciance ou l’abus
des pouvoirs publics destinés à protéger tous les autres droits.

 

ANNEXE :

Zachariae (Théod. -Maximil.), dans sa « Théorie philosophique du droit naturel » (Breslau, 1820) divise et classe ainsi les droits naturels absolus ou innés :

A - DROITS PRIMITIFS INTERNES DE L’HOMME

I - Droit naturel primitif et universel de l’homme :

Droit de vivre en général.

II - Droits naturels primitifs particuliers :

1° Droits primitifs qui se fondent sur les conditions internes propres de l’existence humaine

(a) Droit de cultiver sa raison spéculative, ou droit de penser et de parler librement.

(b) Droit de cultiver sa raison pratique, ou droit de liberté de conscience.

2° Droit du libre usage des facultés qui sont communes à l’homme et à l’animal.

(a) Droit du libre usage des facultés inférieures, par exemple de l’imagination.

(b) Droit du libre usage des facultés corporelles.

B. DROITS PRIMITIFS EXTERNES DE L’HOMME
ou droits qui n’appartiennent à l’homme que dans ses rapports avec les choses extérieures.

Quatre sortes de droits de ce genre :

I - Droit d’être en rapport organique avec certains êtres de son espèce,

droit qui se présente sous deux formes principales :

1° Droit de l’homme pubère d’être en communauté sexuelle
avec certains individus de l’autre sexe.

2° Droit de l’homme d’être uni à quelque être de son espèce,
de l’union qui résulte de la propagation entre le procréateur et le procréé.

II - Droit d’avoir quelque chose d’extérieur

(c’est-à-dire certaines choses) comme sien
(sans du reste qu’il soit question encore de la nature et du quantum de ces choses).

III - Droit d’être uni avec un certain nombre d’individus

de son espèce par un commerce extérieur,
c’est-à-dire droit de contracter avec certaines personnes.

IV - Droit de vivre avec les autres personnes en société civile. De là :

1° Le droit d’une bonne réputation ou droit à l’honneur ;
droit d’exiger des autres que, sauf preuve contraire,
ils ne nous regardent pas comme des êtres avec lesquels il soit impossible de vivre.
(suivant le principe juridique : Quilibet praesumitur bonus, donec probetur contrarium)

2°  Le droit de l’homme de s’offrir à vivre en société civile
avec les êtres raisonnables et sensibles qui l’entourent (ou droit cosmopolitique).

Note de Tissot : Cette division est bonne et revient assez à la nôtre : nous suivrons cependant celle-ci, comme plus simple.

Signe de fin