DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL
- Professeur Jean-Paul DOUCET -
Lettre I
(Dixième partie)
INTÉGRITÉ DU TERRITOIRE NATIONAL - Voir : Territoire national*.
INTÉGRITÉ PHYSIQUE
Cf. Homme*, Corps de l’homme*, Coups et blessures*, Mutilation*, Rixe*, Violences*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n°130, p.106 / n° I-224 et I-226, p.230 et 234 / n° I-233, p.242
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-I-326, p.91 / n° I-I-II-105, p.131-132 / n° I-I-II-205, p.141 / n° II-210, p.347
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° I-117, p.75 / n° I-215, p.108
Voir :
Jean-Paul Doucet,
« La protection de la Famille, des enfants et des
adolescents »
- des enfants : n° 3, p.4 / n° 322 et s., p.166 et s. / n° 402,
p.231 / n° 420 et s , p.263 et s.
- des époux : n° 222, p.109 / n° 343, p.225
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° II-I-204, p.431
Voir : Grands arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme
Voir : H. Ahrens, Le droit à la vie et le droit à l’honneur
Dans un but de protection des victimes, le droit criminel envisage l’intégrité physique de la manière la plus large. Pour lui cette notion recouvre, non seulement tous les éléments du corps matériel (allant jusqu’aux cheveux), mais encore son équilibre psychique ; de sorte que le seul fait de causer un choc émotif à une personne suffit à constituer le délit de coups et blessures.
Encyclique Pacem in terris (Jean XXIII). 11 - Tout être humain a droit à la vie, à l'intégrité physique et aux moyens nécessaires et suffisants pour une existence décente...
Vittrant (Théologie morale) : La vie et la santé ne nous appartiennent pas en toute propriété. Nous devons prendre les moyens convenables et normaux pour conserver l'une et l'autre.
Lambert-Faivre (Le droit du dommage corporel) : Le dommage corporel, c'est-à-dire l'atteinte à la personne physique et psychique de la victime doit être analysée dans toutes ses composantes pour permettre l'application du système d'indemnisation adéquat.
Levasseur (Cours de droit pénal spécial) : Le seul fait d’impressionner vivement la victime, au point qu’elle en a ressenti un trouble physiologique, est une atteinte à son intégrité corporelle.
Code pénal d’Andorre. Art. 184 : Les participants à une rixe confuse et tumultueuse, qui auront usé soit de moyens mettant en péril la vie ou l'intégrité physique des personnes soit de formes brutales d'agression, seront punis d'un emprisonnement d'une durée maximale de quatre ans.
Code pénal du Brésil. Art. 250 : Causer un incendie, mettant en danger la vie, l'intégrité physique ou le patrimoine d'autrui : Peine - réclusion, de trois à six ans.
Cass.crim. 2 septembre 2005 (Bull.crim. n° 212 p.758) : Le délit de violences prévu par l’art. 222-13 C.pén. est constitué, en dehors de tout contact matériel avec le corps de la victime, par tout acte ou comportement de nature à causer sur la personne de celle-ci une atteinte à son intégrité physique ou psychique caractérisée par un choc émotif ou une perturbation psychologique.
INTELLIGENCES AVEC UNE PUISSANCE ÉTRANGÈRE
Cf. Défense nationale*, Délits pénaux - Délit formel*, Espionnage*, Secret de la défense nationale*, Trahison*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° I-I-110 2°, p.80
- Notion. Le terme « intelligences » vise le fait d’entretenir des relations avec une puissance
étrangère, en vue de favoriser des actes hostiles de celle-ci envers la nation concernée.
- Le terme se retrouve dans les administrations anglaise dite « I.S. » (Intelligence service) et américaine dite
« C.I.A. » (Central Intelligence Agency).
Goyet (Droit pénal spécial) : Le terme « intelligences » doit être pris dans son sens le plus général. Il comprend en fait toutes les relations qu’un individu peut entretenir avec une puissance étrangère ou avec ses agents.
Proal (La criminalité politique) vise une race d'hommes se ménageant des intelligences dans tous les partis, en prévision d'un changement politique.
Harrap’s (Dictionnaire anglais-français). Intelligence service – Service des renseignements et des informations.
- Science criminelle. Une telle activité apparaît comme un type particulier d’actes de trahison ou d’espionnage. Elle doit donc être réprimée en tant que Délit formel*, constitué par l’acte même de collaboration indépendamment de son résultat effectif.
Voir : Décret du 22 Prairial an 2 - 10 Juin 1794 concernant le Tribunal révolutionnaire
Voir : Tableau des incriminations protégeant l'existence de la Nation (selon la science criminelle)
Code pénal suisse. Art. 266 : Celui qui aura noué des intelligences avec le gouvernement d’un État étranger ou avec un de ses agents dans le dessein de provoquer une guerre contre la Confédération sera puni de la réclusion pour trois ans au moins. Dans les cas graves, le juge pourra prononcer la réclusion à vie.
Code pénal de l'Uruguay. Art. 132 : Encourt de dix à trente années de réclusion... : 4º (Intelligences avec l'étranger aux fins de guerre) - le citoyen qui entretient des intelligences avec un gouvernement étranger afin de l'inciter à entrer en guerre ou à exécuter des actes hostiles contre la République, ou commet d'autres actes visant directement la même fin.
- Droit positif français. Ce crime est réprimé par l’art. 411-4 C.pén. (art. 70 2° ancien). On observera qu'il s'agit d'un pur crime subjectif, puisqu’il suppose essentiellement que l’agent a entendu porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation.
Voir : Tableau des incriminations visant à assurer l'existence de la Nation (en droit positif français)
Vitu (Commentaire du Juris-classeur) : L’expression est moins vague qu’il n’y paraît. Pour les praticiens, elle revêt une signification précise : elle suppose des faits matériels nettement caractérisés, marqués la plupart du temps par la répétition, la clandestinité, les efforts faits par l’agent étranger pour obtenir du ressortissant français tous les éléments que celui-ci possède par sa situation personnelle ou qu’il est capable de se procurer, afin de parvenir… à nuire à la France.
Hugueney (Droit pénal militaire) : Malgré le pluriel « Intelligences avec l’ennemi », ce texte n’exige pas la répétition d’actes délictueux ; un fait unique d’intelligence avec l’ennemi suffit à constituer le délit.
Cass.crim. 12 janvier 1988 (Gaz.Pal. 1988 I somm. 183) : C’est la nature même des intelligences entretenues avec les agents d’une puissance étrangère et non pas le degré qu’ont pu atteindre les agissements de celui qui consent à entretenir de telles intelligences qui caractérise le crime prévu par l’art. 80-3 C.pén., indépendamment de tout résultat positif.
Cass.crim. 4 janvier 1990 (Bull.crim. n° 4 p.6) : Le crime d’intelligences avec les agents d’une puissance étrangère est constitué lorsque sont établies des intelligences avec des agents d’une puissance étrangère de nature, indépendamment de tout résultat positif, à nuire à la situation militaire ou diplomatique de la France, ou à ses intérêts économiques essentiels.
Cass.crim. 17 février 1987 (Gaz.Pal. 1987 II somm. 291) : N’a pas donné de base légale à sa décision la Chambre d’accusation qui, pour déclarer n’y avoir lieu à suivre du chef d’intelligences avec des agents d’une puissance étrangère, a retenu que les renseignements ou documents communiqués n’étaient ni secrets ni confidentiels, alors que cette condition n’est pas exigée par l’art. 80-3° C.pén. pour que le crime soit constitué.
INTEMPÉRANCE
Cf. Alcoolisme*, État d'ébriété*, État d'ivresse*, Ivresse*, Lois somptuaires*, Stupéfiants*, Vices*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° I-II-5, p.146 / n° I-II-302, p.223 / n° II-I-146, p.397
- Notion. L’intempérance est un vice qui s’oppose à la sobriété ; elle se manifeste par un excès dans le manger, le boire, l’usage de produits euphorisants ou dans le recherche du plaisir sexuel.
Dictionnaire Larousse des synonymes. Tempérance, opposé à excès, implique une vertu qui impose une règle raisonnable non seulement pour la quantité, mais encore pour le choix, pour la nature des aliments.
Fordyce (Éléments de philosophie morale) : J'appelle tempérance cette qualité de l'âme qui proportionne nos passions privées à nos besoins et à la valeur réelle du bien que nous recherchons... et qui emporte toujours une juste subordination des passions.
Fergusson (Institutions de philosophie morale) : La sobriété est l'usage modéré des aliments et autres plaisirs corporels. L'intempérance en général tend à produire la paresse, et la négligence des affaires.
Pierre et Martin (Cours de morale pour l'enseignement primaire) : Au sens étroit du mot, la tempérance désigne la modération dans la nourriture et la boisson. Au sens large et moral, la tempérance est la vertu par laquelle nous contenons dans les limites raisonnables nos désirs et nos passions.
- Règle morale. L’intempérance est bien évidemment condamnée par les moralistes. Ils considèrent en effet que l'homme a des devoirs envers lui-même, notamment celui de veiller à sa propre santé physique et morale.
Xénophon (Les Mémorables) : Comment Socrate faisait avancer ses disciples dans la pratique du bien, c’est ce que je vais dire maintenant. Persuadé que la tempérance est un bien nécessaire à l’homme qui veut faire quelque chose de beau, il commençait par en montrer en lui-même à ses disciples le modèle le plus parfait ; puis, dans ses entretiens, il les dirigeait vers la tempérance de préférence à toute autre vertu.
Aristote (Éthique à Nicomaque) : Chacun blâmera celui qui devient aveugle par l’abus du vin ou par une autre forme d’intempérance.
St Basile le Grand (Les règles monastiques, n° 16) : St Paul met la tempérance au nombre des fruits du Saint Esprit... C'est en tout ce que veulent jouir ceux qui vivent selon leurs passions que nous devons nous modérer... Ce n’est pas seulement contre les plaisirs de la bouche qu’est dirigée la pratique de la tempérance, car elle comprend aussi le renoncement à tout ce qui pourrait entraver la pratique de la vertu. Le parfait tempérant ne commande donc pas à son ventre pour être ensuite vaincu par la gloire humaine ; il ne maîtrise pas ses mauvais instincts, sans dominer aussi l’appétit de la richesse et n’importe quelle autre inclination méprisable à la colère, à la jalousie ou d’autres sentiments, qui asservissent ordinairement les âmes grossières.
St Thomas d'Aquin (Somme théologique) : L'homme incline surtout au péché d'intempérance parce qu'il y trouve des convoitises et des plaisirs qui nous sont connaturels.
Bruguès (Dictionnaire de morale) : Verlaine se moquait de « la gourmandise, abus risible de la vie ». Les moralistes ont appris à ne pas considérer avec la même légèreté cette forme d’intempérance. Ils en ont fait un péché (mieux vaudrait dire : un vice) capital. Le plaisir désordonné de manger peut devenir une faute grave lorsqu’il altère la santé du corps et rend l’esprit prisonnier de jouissances sommaires.
Cumberland (Traité philosophique des lois naturelles) : L'intempérance est naturellement punie par les maladies qu'elle entraîne après soi.
Franck (La morale pour tous) : La tempérance consiste à ne donner au corps que ce qui lui est utile ou nécessaire. L’intempérance, au contraire, franchit cette limite et n’en admet pas d’autre que la satiété; encore la satiété ne suffit-elle pas toujours pour l’arrêter. Elle consulte non les besoins que la nature nous a donnés, mais l’amour du plaisir et les appétits factices qu’il a créés en nous.
Jolivet (Traité de philosophie - morale) : Les satisfactions que réclament les besoins corporels ne restent morales que si elles sont ordonnées et modérées. C'est ce que signifie étymologiquement le mot tempérance, qui veut dire mesure et désigne la vertu qui détourne et éloigne de toute satisfaction désordonnée.
- Science criminelle. Surtout lorsqu'elle comporte un danger pour autrui, l’intempérance peut donner lieu à des incriminations pénales, telles que le délit d’Ivresse* ou le délit d’usage de Stupéfiants*.
Du Boys (Histoire du droit criminel des peuples anciens) : À Sparte, les jeunes gens qui s'adonnaient à la mollesse ou à l'intempérance étaient condamnés par les éphores à être fouettés.
Loiseleur (Les crimes et les peines dans l'antiquité) : À Athènes, les magistrats qui, en tout doivent donner le bon exemple, étaient punis avec une sévérité exceptionnelle ; l'archonte, surpris en état d'ivresse, payait de sa vie cet acte d'intempérance.
Joly (Le crime, étude sociale) : Tous ceux qui ont étudié les criminels savent qu’il existe une classe distincte d’êtres voués au mal, dont la horde se rassemble dans nos grandes villes, au quartier des voleurs, se livrant aux intempérances, aux rixes, à la débauche.
Proal (Le crime et la peine) : Il est bien évident que les habitudes d'intempérance, contractées par les criminels, amènent une déchéance physique et intellectuelle, et je ne trouve rien de surprenant à ce que les malfaiteurs détenus soient plus souvent atteints d'aliénation mentale que les honnêtes gens.
- Droit positif français. Si le droit français hésite à incriminer le fait de s'enivrer ou de se droguer, il sanctionne en revanche le fait de se livrer à une activité réglementée telle la conduite automobile pour celui qui se trouve sous l'empire de l'alcool ou de tout autre excitant ou euphorisant. Il considère à plus forte raison que de tels actes constituent une faute disciplinaire en matière professionnelle, et une faute civile dans le cadre familial (il en va de même du jeu, voir Prodigalité*).
Cass. soc. 6 mars 1986 (Gaz.Pal. 1986 II Panor.cass. 136)) : Le fait pour un chauffeur-livreur de conduire le véhicule de son employeur avec un taux d'alcoolémie constitutif d'une infraction pénale est une faute grave.
Trib.adm. Orléans 23 octobre 1984 (Gaz.Pal. 1986 II 625) : L'intempérance dans l'exercice des fonctions est de nature à justifier une sanction disciplinaire.
Cass. 2e civ. 1er avril 1992 (Gaz.Pal. 1992 II Panor. 235) : La Cour d’appel retenant qu’étaient établis l’intempérance et l’adultère du mari a pu estimer que ces violations graves et renouvelées des obligations du mariage enlevaient aux faits reprochés à l’épouse le caractère de gravité qui aurait justifié le prononcé du divorce aux torts de celle-ci.
INTENTION (criminelle)
Cf. Aberratio ictus*, Animus necandi*,
Délibération*, Délits pénaux
(délit d'intention)*, Dol (pénal –
spécial)*, Dol (pénal – praeter-intentionnel)*, Éléments moral de l’infraction*, Erreur de
fait*, Exprès (faire)*, Frauduleusement*,
Instinct*, Malice*, Méchamment*,
Meurtre*, Mobile*, Offre de commettre un crime*,
Praeter-intentionnel*, Responsabilité subjective*,
Volonté*.
Sur « l’intention de nuire » voir : Mal*, Velléité*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° I-131, p.186 / n° I-135 3°, p.194 / n° I-235, p.244
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-I-324, p.89 / n° I-I-I-341, p.106
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° I-232, p.132 / n° I-311, p.163 / n° 313, p.165
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », n° 211 3°, p.92 / n° 221, p.107 / n° 223, p.110 / n° 305, p.129-130-131 / n°306, p.132-133- 134 / n°308, p.125-136 / n° 312, p.143 / n° 314, p.146 / n° 315, p.146 / n° 317, p.151 / n° 338 6°et 7°, p.217 et 218 / ... / n° 508, p.332 / n° 515, p.341
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° 10, p.14 / n° 13, p.17 / n° I-7, p.57 / ...
Voir : Ortolan, « Les conditions générales de la responsabilité, suivant la science rationnelle »
Voir : Glanville L. Williams, La nécessité d'un acte humain
- Notion. L’intention est couramment définie comme le but ultime vers lequel tend un acte humain.
Plus précis, les philosophes distinguent entre l’intention, qui est le but donné à l’action, et le mobile, qui est le motif poussant une personne à
accomplir cette action.
Les juristes distinguent de surcroît entre la volonté d’accomplir tel acte, et la volonté d’atteindre tel résultat ; c’est cette dernière seule qui
mérite le nom d’intention.
Cuvillier (Vocabulaire philosophique). Intention : Disposition d’esprit qui fait qu’on se propose d’atteindre un but… Le but visé lui-même.
Pufendorf (Le droit de la nature) : L'Intention ou la Délibération, est un désir efficace d'obtenir la Fin souhaitée ; ou, pour me servir d'autres termes, un acte par lequel la Volonté se porte efficacement vers une Fin absente, qu'elle tâche actuellement de produire ou d'obtenir.
St Thomas d'Aquin (Somme théologique I-II Q.12 art. 1) : L'intention est un acte de la volonté à l'égard de la fin... Ce n'est pas simplement parce que nous la voulons que nous sommes dits tendre vers la santé, mais parce que nous voulons l'atteindre par le moyen de quelque chose d'autre.
Baudin (Cours de philosophie morale) : Comme toute action volontaire, l'action morale implique une intention. Voire deux intentions, distinctes quoique liées. Premièrement, "l'intention de faire ceci ou cela" ; par exemple tuer un homme, comme se le propose pareillement le brigand, le bourreau ou le soldat ; ils ont tous en effet la même intention de tuer, quoique pour des motifs différents. C'est là "l'intention matérielle" de l'acte considéré dans sa réalité physique. Deuxièmement, l'intention de faire ceci ou cela pour tel motif défini : le brigand tue pour s'enrichir, le bourreau pour faire son métier, le soldat pour défendre sa patrie. Il y a autant "d'intention formelles" différentes, qui correspondent à autant de fins différentes de l'action. L'intention morale ressortit exclusivement au groupe des intentions formelles.
- Règle morale. L'intention est considérée par les philosophes comme l’élément qui confère à un acte son sens moral. Un acte est bon ou mauvais, selon que l'intention qui le sous-tend, vise au bien ou au mal.
Abélard (Ethica) : La moralité d’un acte se définit essentiellement par l’intention qui y a présidé.
Bertaut (Le directeur des confesseurs (Lyon 1674) : Dérober un sou, ce qui n’est que péché véniel à raison de la somme, alors que l’on avait la volonté de dérober une somme importante si on en avait l’occasion, c’est péché mortel à cause de la mauvaise intention.
Janet (La morale) : Un même acte peut être moral ou immoral, suivant l'intention dans laquelle il est fait : donner de l'argent à quelqu'un pour le soulager est un bien, lui en donner pour le corrompre est un mal.
Pierre et Martin (Cours de morale) : C’est le dessein de tuer qui fait le crime, même s’il n’est pas suivi d’exécution. Voilà pourquoi l’homicide prémédité est plus affreux que celui qui se commet sous le coup d’une colère soudaine.
Buddhist monastic code, par Thanissaro Bhikkhu (2009) : Dans chaque action l'intention fait toute la différence entre la culpabilité et l'innocence. Le fait de se saisir d'une chose avec l'intention de la remettre à son propriétaire, par exemple, est entièrement différent du fait de la prendre avec l'intention de la voler.
R.Simon (Éthique de la responsabilité) : Faire quelque chose « dans l’intention de… » c’est faire « en vue de ». L’idée de fin, de but apparaît donc dans cette expression… « faire exprès », « faire à dessein », et non par inadvertance, sans réfléchir. La responsabilité est ici manifeste.
Le Senne (Traité de morale) : L’intention est subjective, en tant qu’elle est toujours l’intention de quelqu’un, mais objective, en ce qu’elle oriente l’esprit vers une détermination à rendre réel.
- Science criminelle. Pour la doctrine pénale subjective également, c’est l’intention qui fait le crime. Mais les pénalistes considèrent qu’il serait dangereux d’inviter le juge à scruter le for interne de l'agent. C’est pourquoi ils s’arrêtent au but premier et externe de l’acte : à savoir l’intention de porter atteinte à tel intérêt protégé par la loi. Ce qui fait le vol, c’est l’intention technique de déposséder autrui ; non le Mobile* qui aiguillonne l’agent : à savoir le désir de s’approprier le bien en cause, de le transmettre à un tiers, de le détruire sur la place publique…
L’intention doit être recherchée dans la manière dont l’acte dommageable est accompli ; veuillez scruter les gravures représentant, soit L'assassinat d'Henri III, soit L'assassinat d'Henri IV.
Yantie Lun. Un disciple de Confucius dit : Pour l’auteur des Annales des printemps et des Automnes, les lois criminelles doivent tenir compte avant tout des intentions.
Carrara (Cours de droit pénal - éd. française) : Le premier degré de l'élément moral, qui est le plus élevé, se rencontre dans la préméditation, qui réunit la froideur du calcul et la persévérance de la volonté mauvaise.
Digeste de Justinien, 47, I, 1, 1 : La seule intention de commettre un vol ne fait pas un voleur.
Pothier (Pandectes) : Dans les discours ambigus, il faut principalement considérer l'intention de celui qui les a proférés.
Sohet (Instituts de droit, Bouillon 1772) : Dans toutes sortes de délits, on doit considérer l’intention plutôt que l’action.
Ortolan (Éléments de droit pénal) : L’intention c’est le fait d’avoir dirigé, d’avoir tendu son action ou son inaction, vers la production de tel résultat préjudiciable constitutif du délit.
Laget-Valdeson (Théorie du Code Espagnol de 1850, éd. 1860) : Il est universellement admis que la responsabilité criminelle naît de l'intention, de la volonté de mal faire dans l'accomplissement du fait matériel, et que la responsabilité civile tire son origine de la simple faute, négligence ou imprudence dans l'accomplissement de ce même fait.
Code pénal de l’Uruguay. Art. 310. Homicide - Celui qui, avec intention de tuer (con intención de matar), donne la mort à autrui, sera puni avec vingt mois à douze années de prison.
Trib.cass. 28 nivôse an IX (Bull.crim. n°67 p.180) : L’intention de dépouiller le propriétaire suffit pour constituer le crime de vol.
La preuve de l'intention criminelle doit être recherchée dans les actes matériels accomplis par l'agent, même dans des actes postérieurs à l'appréhension.
Digeste de Justinien, 47, II, 44, 8. Ulpien : Si une chose trouvée n'a pas été abandonnée, que celui qui la prend ne sait pas à qui elle appartient, mais qu'il l’a prise pour la rendre à celui qui la redemanderait ou qui montrerait qu'elle lui appartient ; est-il coupable de vol ? Je pense ne le pense pas : car la plupart des gens ont coutume de faire ainsi, d'afficher ensuite un placard annonçant qu'ils ont trouvé et qu'ils rendront à celui qui redemandera. Ceux-là donc montrent qu'ils n'ont pas eu intention de voler.
Glanville (Criminal law) : L’intention peut être définie comme un état d’esprit consistant à désirer que certaines conséquences découlent de l’acte ou de l’omission.
Rapprocher, en droit français des assurances.
Cass.2e civ. 14 juin 2012, n° 11-17367 (Gaz.Pal. 15 août 2012 note Cerveau) : L'assuré qui a eu la volonté et la conscience de mettre à la charge de son assureur les conséquences résultant de ses fautes, commet une faute intentionnelle, au sens de l'art. L.113-1 C.assur., incompatible avec l'aléa, qui exclut la garantie de son assureur.
- Droit positif français. L’intention criminelle est la forme ordinaire de l’élément moral dans un système subjectif ; elle consiste dans le dessein, définitivement arrêté, de porter atteinte à tel intérêt protégé précis. Ainsi le meurtre suppose « l’intention de porter atteinte à la vie d’autrui ». Elle ne doit pas être confondue avec le Mobile*, qui est la cause profonde de l’acte (Envie*, Cupidité*, Haine*…), mais qui demeure inaccessible au juge puisqu’il relève du for interne.
Garçon (Code pénal annoté) : L’intention de donner la mort, l’animus necandi, est le dernier élément constitutif du meurtre.
Cass.crim. 15 décembre 1999 (Gaz.Pal. 2000 J 1496) : Un acte unique et indivisible, accompli par les mêmes moyens et dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, inspiré par une même intention criminelle, doit entraîner les mêmes conséquences pénales à l’égard de tous les participants.
INTERDICTION DE DROITS
Cf. Atimie*, Avocat (déontologie)*, Dégradation civique*, Infamie*, Injonction judiciaire*, Mesures de sûreté*, Mort civile*, Peines*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° III-239, p.452
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° II-113, p.318 (p.ex.)
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° I-427, p.219 (sur l'interdiction d'exercer une profession médicale)
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents » , n° 321, p.165 (sur l'interdiction des droits civiques, civils et de famille, en cas d'inceste)
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société » , n° I-II-122, p.176 (sur l'interdiction de louer des chambres d'hôtel à l'heure)
- Notion. L’interdiction de certains droits individuels, familiaux ou sociaux,
qui trouve son origine dans l'Atimie*, consiste en la défense faite à une
personne d’exercer certaines activités. Elle s'analyse tantôt en une peine, tantôt en une mesure sûreté. Si un tribunal peut utilement infliger une
interdiction, dont la violation donnera lieu à une sanction proportionnée, il lui est plus difficile de prononcer une injonction qui risque de se heurter
à la mauvaise volonté du condamné.
Il importe d'observer que cette peine, ordinairement
complémentaire, peut être plus gravement ressentie par le
condamné que la peine principale prononcée contre lui.
Digeste de Justinien, 48, 19 9, 10. Ulpien : On interdit l’exercice d'un négoce en particulier ou du négoce en général. Mais peut-on condamner quelqu'un à négocier ? En thèse générale, ces peines sont contraires au droit civil, d'ordonner à un homme de faire malgré lui ce qu'il ne peut faire ; mais dans des cas particuliers, il peut y avoir de justes causes de forcer quelqu'un à une espèce de négoce.
Exemple (Ouest-France 20 juillet 2007) : Une institutrice de 50 ans a été condamnée hier à 10 mois de prison avec sursis, pour violences commises sur plusieurs élèves de maternelle... Le tribunal a assorti son jugement d'une interdiction d'exercer pendant dix ans une activité professionnelle ou bénévole en relation avec des mineurs.
Dick Francis « En selle pour la 3 ». Cet ancien jockey, qui eut l'honneur de porter les couleurs de la Reine Mary, a pu justement commencer ce livre par ces mots : J'ai perdu ma licence hier. Pour un professionnel de steeple-chase, perdre sa licence, c'est comme d'être rayé de l'Ordre des médecins. Mais en pire.
- Science criminelle. Dans les droits anciens l'interdiction de droits était généralement conçue comme une peine, et parfois même comme la plus grave des peines. Ainsi, chez les celtes, l'interdiction de participer aux sacrifices du clan emportait exclusion du groupe dans lequel l'intéressé vivait ; chez les romains l'interdiction du feu et de l'eau emportait le même effet et obligeait le coupable à quitter la Cité. Cette sanction équivalait très souvent en pratique à la peine de mort.
Digeste (48, 13, 3). Ulpien : La peine du péculat était l'interdiction du feu et de l'eau... Celui qui est réduit à cet état, de même qu'il perd tous ses anciens droits, de même il perd tous ses biens.
Digeste (48, 7, 1; pr.). Marcien : La loi Julia punit par la confiscation du tiers de ses biens celui qui est condamné pour violence privée. Il lui est interdit d'être sénateur, décurion, d'être décoré d'aucun honneur, de s'asseoir à aucun de ces rangs, d'être juge.
Le Roux et Guyonvarc'h (Les druides) : Chez les celtes, ce sont les druides qui disposent de cette sanction suprême qu'est l'interdiction des sacrifices, c'est-à-dire l'impossibilité de survivre dans le cadre de la société humaine et divine.
Du Boys (Histoire du droit criminel) : Dans les vieilles législations germaniques le proscrit n'est plus assimilé à une bête fauve sur laquelle chacun a le droit de courir sus. On ne retrouve quelque chose de cette proscription complète et universelle, semblable à l'interdiction du feu et de l'eau dans l'ancienne Rome, que dans la mise au ban de l'empire pour les criminels de haute trahison.
- L'interdiction de droits relève plutôt dans les systèmes pénaux évolués comme une mesure de sûreté. Tel est le cas de l'interdiction de conduire une voiture automobile infligée à l'auteur d'une infraction grave ayant emporté mort d'homme.
Digeste de Justinien (48, 19 9, 9). Ulpien : Parmi les peines, il y a celles où il est ordonné au condamné de s'abstenir du négoce ou de la location, de la conduction de travaux publics, ou de la levée des impôts publics.
Séguier (Travaux préparatoires de l'Ordonnance de 1670) : Il est contre l’honnêteté publique qu’un homme condamné aux galères pût exercer aucun Office public après son temps fini.
Donnedieu de Vabres (Traité de droit criminel) : L’interdiction de certains droits civils, civiques et de famille a pour but d’assurer la protection sociale en frappant le condamné de certaines incapacités.
Laget-Valdeson (Théorie du Code Espagnol de 1850, éd. 1860) : Le père est privé de l'autorité paternelle et maritale lorsqu'il s'est rendu coupable d'un fait criminel qui révèle une profonde immoralité ou une grande corruption, ou qui est le triste produit du vice et d'habitudes dégradantes, parce qu'il est juste et moral, dans l'intérêt de la société et de la femme ou des enfants, qu'ils soient alors soustraits à cette autorité.
Code pénal luxembourgeois Art. 11. (L. 13 juin 1994)
- Toute décision de condamnation à la réclusion de plus de dix ans prononce contre le condamné l’interdiction à vie du droit :
1) de remplir des fonctions, emplois ou offices publics;
2) de vote, d’élection, d’éligibilité;
3) de porter aucune décoration;
4) d’être expert, témoin instrumentaire ou certificateur dans les actes; de déposer en justice autrement que pour y donner de simples
renseignements;
5) de faire partie d’aucun conseil de famille, de remplir aucune fonction dans un régime de protection des incapables mineurs ou majeurs, si ce n’est
à l’égard de leurs enfants et sur avis conforme du juge des tutelles et du conseil de famille, s’il en existe;
6) de port ou de détention d’armes;
7) de tenir école ou d’enseigner ou d’être employé dans un établissement d’enseignement…
L'expérience montre que, plus les tribunaux prononcent d'interdictions, plus les services de police éprouvent du mal à les faire respecter. Elles tendent à devenir des sanctions de pure forme, ne produisant nul effet préventif, ni personnel, ni général.
Exemple (Le Figaro 20 mai 2016) : Trois personnes en garde à vue dans l'enquête sur l'incendie volontaire d'un véhicule de police en marge d'une manifestation ; elles avaient fait l'objet d'une interdiction de manifester. Le gouvernement s'interroge sur la pertinence de cet outil.
- Droit positif français. La liste des principales interdictions de droit figure aux art. 131-6 et s. C.pén.
Cass.crim. 26 novembre 1997 (Gaz.Pal. 1998 I Chr.crim. 36) : L'incapacité attachée à certaines condamnations, édictée par le texte régissant les conditions d'accès à la profession d'agent immobilier, ne constitue pas une peine complémentaire mais une mesure de sûreté qui, dès l'entrée en vigueur de la loi qui l'institue, frappe la personne antérieurement condamnée.
Exemple (Ouest-France 6 juin 2014) : Une comptable a détourné la somme colossale de 700.000 € à l'Intermarché de Geneston dont elle assurait la comptabilité. Elle a été condamnée à trois ans de prison, dont deux avec sursis... Le Tribunal correctionnel lui a interdit aussi, évidemment, d'exercer une profession en lien avec le patrimoine d'autrui.
Exemple (Ouest-France 29 mai 2015) : Un antiquaire avait été grièvement blessé par quatre balles lors du braquage de sa boutique à Caen... Hier, trois marseillais ont été reconnus coupables par la Cour d'assises du Calvados... Une interdiction de port d'arme de cinq ans a été prononcée à l'encontre des trois hommes.
- Interdiction professionnelle. L’interdiction professionnelle s'analyse en une peine complémentaire, à la limite des mesures de sûreté, qui consiste à exclure un condamné de toute activité dans un secteur professionnel spécifique.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° III-15 p.374, n° III-306 p.467
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° I-423, p.217 / n° II-11, p.287 / n° II-219, p.322 / n° II-220, p.323 / n° II-224, p.327
Robert (Droit pénal général) : L'interdiction d'exercer des activités professionnelles ou sociales est l'équivalent, dans la sphère du droit privé, de l'interdiction des droits civiques. Le Code pénal en a fait une peine complémentaire de droit commun .
Jeandidier (Droit pénal des affaires) : Le réseau des interdictions est toujours plus dense, couvrant par exemple les professions commerciales et industrielles, la profession bancaire, les assurances, la promotion immobilière, le placement immobilier ou de démarchage.
Cass.crim. 25 juin 2014, n° 13-83072 : Pour condamner la prévenue, déclarée coupable d'escroquerie, faux et usage, à cinq ans d'interdiction d'exercer une fonction publique, peine complémentaire prévue par les art. 313-7 et 441-10 C.pén., les juges n'avaient pas à relever que les infractions avaient été commises dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de cette fonction.
Cass.crim. 11 juin 2014, n° 13-81736 : Les peines privatives ou restrictives de droit, prévues par l'article 131-6 C.pén., ne peuvent être prononcées cumulativement avec une peine d'emprisonnement sauf si la loi le prévoit expressément.
Cass.crim.
23 juillet 2014, n° 14-80428 : Le cumul des peines n'est
pas, en lui-même, contraire au principe de proportionnalité
garanti par l'art. 8 de la Déclaration des droits de l'homme ;
d'autre part, en cas de cumul entre une sanction disciplinaire
et une sanction pénale, le juge judiciaire doit respecter le
principe, posé par le Conseil constitutionnel, selon lequel le
quantum global des sanctions éventuellement prononcées ne doit
pas dépasser pas le quantum le plus élevé de l'une des sanctions
encourues.
- Interdiction de séjour. L’interdiction de séjour est la défense faite à une personne de se rendre, même temporairement, dans telle ville, tel département ou telle région (art. 131-31 C.pén.). La méconnaissance de cette interdictions est sanctionnée par l’art. 434-38 du même Code.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° III-228, p.440
Voir : Tableau des incriminations assurant le bon fonctionnement de la justice (en droit positif français)
Cass.crim. 29 mars 1995 (Gaz.Pal. 1995 II somm. 366) : Le point de départ de l’interdiction de séjour prévue par l’art. 131-31 C.pén., s’agissant d’une peine qui n’exige aucun acte d’exécution dès lors que la juridiction qui la prononce précise les lieux dans lesquels il est fait défense de paraître ainsi que les mesures de surveillance et d’assistance si elle en ordonne, est nécessairement fixé au jour où la condamnation devient définitive.
- Interdiction du territoire national. L’interdiction du territoire français est la défense faite à un étranger de séjourner, même temporairement, sur le territoire de la France.
Cf. Étrangers*, Expulsion des délinquants étrangers*, Ordre public*, Peine*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° III-230, p.442
Cass.crim. 2 mai 1989 (Gaz.Pal. 1989 II 688) : La Conv. EDH ne fait pas obstacle à ce que soit prononcée par application de la loi nationale, contre un étranger reconnu coupable de trafic de stupéfiants, l’interdiction définitive du territoire.
Cass.crim. 6 novembre 1991 (Bull.crim. n° 398 p.1008) : L’art. 14 de la Conv. EDH n’interdit pas de prononcer à l’encontre d’un étranger résidant sur le territoire national l’interdiction du territoire français en application de l’art. L 630-1 Code de la santé publique réprimant le trafic de stupéfiants.
Cass.crim. 6 novembre 2013, n° 12-83529 (Gaz.Pal. 21 novembre 2013) sommaire : Il résulte de la combinaison des art. 702-1 et 703 C.pr.pén. que lorsque l'interdiction du territoire français est prononcée par la chambre des appels correctionnels, la requête en relèvement de cette interdiction est portée devant la même juridiction. L'exception d'incompétence est d'ordre public et peut être soulevée pour la première fois devant la Cour de cassation.
Exemple (Ouest-France 20 février 2015) : Fahd Jobrani, 36 ans, a été condamné, hier, à cinq ans de prison par le Tribunal correctionnel de Paris et à une interdiction définitive de séjour sur le territoire français. Installé dans la banlieue de Rouen, il se répandait sur Internet contre la France et l'Occident, et s'était targué sur un forum de créer une brigade pour Al-Qaida au Maroc : On ne restera pas derrière nos claviers avait-il menacé.
INTERDITS
Cf. Inceste*, Loi pénale*, Norme*, Prohiber*, Tabou*.
L’interdit est une prohibition solennelle, à caractère moral, sanctionné d’une peine grave. Il est souvent énoncé dans une forme négative et impérative : « Tu ne tueras pas ! Tu ne voleras pas ! » On reconnaît là les termes du Décalogue. On songe notamment aux interdits sexuels, tel l’Inceste*, qui concernent les membres d’une même famille.
Bruguès (Dictionnaire de morale catholique) : L’interdit diffère de l’interdiction. Il faut se représenter l’interdit comme une sorte de commandement négatif. Il pose à l’homme une limite que celui-ci reste libre de dépasser, mais à ses risques et périls.
R.Simon (Éthique de la responsabilité) : Le rôle de l’interdit est de délimiter, de poser des frontières, de vaincre une opposition, une confusion généralisée qui serait la mort de l’individu, de la famille, de la société.
TGI Paris (17e Ch.) 10 septembre 1998 (Gaz.Pal. 1999 J. 37), en matière de secret de l’instruction, rappelle les interdits qui entourent les dossiers en cours.
Paris (5e Ch.) 10 mars 2000 (Gaz.Pal. 2001 J 1969) parle d’enfants transgressant les interdits des parents.
C. just. Commun. europ. 24 février 1987 (JCP 1988 II 20940) : Les dispositions du Code du secteur des fibres et fils synthétiques ne sauraient modifier les interdits des art. 92 et 93 du Traité CEE.
INTÉRÊT À AGIR
Cf. Action civile - recevabilité*, Capacité à agir en justice*, Intérêt protégé*.
L’intérêt à agir est, avec la Capacité*, l’une des deux conditions d’exercice de l’Action civile*. Il résulte du fait que celui qui prétend exercer l’action civile a subi un préjudice personnel, actuel, certain et direct.
Digeste (47,II, 10 et 11 ) : Ulpien : Celui qui a intérêt que la chose n’ait pas été volée, celui-là a l’action de vol. Paul : L’action de vol est donnée à celui qui a intérêt, si c’est pour une cause honnête. Et 47 II, 14, 2 : Ulpien - Les fermiers ont l'action de vol, quoiqu'ils ne soient pas propriétaires ; parce qu'ils y ont intérêt.
Muyart de Vouglans (Les lois criminelles de France, 1783) : Pour pouvoir accuser, parmi nous, il faut nécessairement deux choses, d’une part avoir un intérêt particulier à l’accusation ; d’autre part avoir les capacités requises par la loi à cet effet … L’intérêt doit être direct, comme lorsque l’on poursuit l’injure qu’on a soufferte dans sa personne ou dans ses biens.
Code de procédure pénale espagnol. Article 110. - Les personnes lésées par un délit ou une contravention, et qui n’auront pas renoncé à leur droit, pourront se constituer comme parties en la cause, si elles le font avant la formalité de qualification du délit.
Donnedieu de Vabres (Traité de droit criminel) : De l’intérêt qui doit servir de base à l’action civile. Cet intérêt doit être direct, personnel, actuel et certain. On n’a pas le droit de mettre en mouvement l’action civile en vue de se prémunir contre un préjudice futur et éventuel.
Cass. 2e civ. 13 janvier 2005 (Tables Gaz.Pal.) : Il résulte de l’art. 31 nouveau C.pr.civ. que l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention ou pour défendre un intérêt déterminé.
INTÉRÊT DE L'ENFANT - Voir : Enfant*.
INTÉRÊT GÉNÉRAL
Cf. Bien commun*, Droit naturel*, Droit positif*, Ordre public*, Travail d'intérêt général*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° 3, p.3 / n° I-3, p.128 / n° I-4, p.129 / n° I-117, p.167 / notamment
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° 2, p.1 / n° 3; p.2 / n° I-I-II-I, p121 (notamment)
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° 2, p.5 / n° II-333, p.405, etc.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », n° 109, p.49 / n° 202, p.79 / n° 344, p.226 / notamment
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° I-I-120, p.94 / n° I-I-229, p.135 / n° II-3, p.282 / n° II-6, p.285 / n° II-I-137, p.383 / n° II-II-202, p.490
- Notion. Alors que la notion de Bien commun* comporte une base morale et se
projette dans l'avenir, la notion d'Intérêt général, ou d'intérêt public, sert de guide à l'action politique présente. On peut dire que la première
relève de la stratégie à long terme, la seconde de la tactique adaptée aux conditions du moment ; sur un autre plan, la première se rattache au droit
naturel, la seconde au droit positif. Le caractère transcendant de la première lui confère indubitablement le premier rang.
Encore au niveau de l'Intérêt général deux écoles s'opposent-elles : l'une, voisine de la notion de Bien commun, demande aux pouvoirs publics d'agir au
mieux pour la collectivité et pour l'ensemble des individus qui la composent, au-delà de la simple coordination des intérêts particuliers ; l'autre, de
caractère utilitariste, n'exige de d'administration que la prise en compte de l'ensemble des intérêts particuliers, pour assurer leur conciliation sous
le nom d'intérêt général.
Rapports et études du Conseil d'État. Réflexions sur l'intérêt général : Depuis le XVIIIe siècle, deux conceptions de l'intérêt général s'affrontent. L'une, d'inspiration utilitariste, ne voit dans l'intérêt commun que la somme des intérêts particuliers, laquelle se déduit spontanément de la recherche de leur utilité par les agents économiques. Cette approche, non seulement laisse peu de place à l'arbitrage de la puissance publique, mais traduit une méfiance de principe envers l'État. L'autre conception, d'essence volontariste, ne se satisfait pas d'une conjonction provisoire et aléatoire d'intérêts économiques, incapable à ses yeux de fonder durablement une société. L'intérêt général, qui exige le dépassement des intérêts particuliers, est d'abord, dans cette perspective, l'expression de la volonté générale, ce qui confère à l'État la mission de poursuivre des fins qui s'imposent à l'ensemble des individus, par delà leurs intérêts particuliers... Nul doute cette conception volontariste a profondément marqué l'ensemble de notre système juridique et institutionnel. En vertu des principes qu'elle a inspirés, il revient à la loi, expression de la volonté générale, de définir l'intérêt général.
Calenda (De l'intérêt général à l'utilité sociale ?) : Dans sa définition traditionnelle, l'intérêt général est présenté comme l'expression d'une volonté générale supérieure aux intérêts particuliers. Il renvient d'ailleurs à la loi d'en donner une définition, définition qui sera la trame sur laquelle l'État et ses services vont édicter des normes réglementaires, prendre des décisions et gérer les services publics. De ce fait, la notion d'intérêt général est le principe régulant l'intervention des pouvoirs publics.
De Laubadère (Traité de droit administratif) : Le service public est destiné à donner satisfaction à un besoin d'intérêt général. C'est là une idée que l'on trouve exprimée dans toutes les définitions du service public.
La notion d'intérêt général, comme l'a relevé Montesquieu, varie notamment en fonction des mœurs de chaque peuple et des particularités locales tant du sol que du climat. En voici un exemple révélateur : comme le pays des Incas comportait peu de terres cultivables, celles-ci devaient impérativement et régulièrement être enrichies d'engrais (guano) afin que la population puisse se nourrir.
Garcillasso de la Vega (Histoire des Incas) : Sur la côte on n'emploie comme engrais que la fiente de certains oiseaux, appelés passereaux marins, qui se tiennent dans les îles désertes de la côte... Au temps des rois Incas on prenait un soin si particulier de la conservation de ces oiseaux, qu'il était défendu à tout le monde de les tuer et même de pénétrer dans ces îles lorsqu'ils couvaient leurs oeufs, de peut de les effrayer et de les faire sortir de leur nid ; et ce sous peine de mort.
- Règle morale. La notion d'intérêt général, ou d'intérêt public, a été dégagée au XVIIIe siècle par des auteurs qui entendaient se démarquer de l'enseignement de l'Église catholique et des prescriptions morales qu'elle édicte. Elle présente de ce fait un caractère neutre sur le plan moral ; elle se rattache principalement à l'idée d'efficacité. Dès lors qu'elle appartient au pouvoir en place, soustraite à toute loi transcendante, la détermination de l'intérêt général dépend de la ligne politique qu'il entend suivre ; cette conception peut par la force des choses conduire à un régime totalitaire.
Rapports et études du Conseil d'État. Réflexions sur l'intérêt général : Ce n'est qu'au XVIIIe siècle que l'idée d'intérêt général a progressivement supplanté la notion de bien commun, aux fortes connotations morales et religieuses.
Caro (Problèmes de morale sociale) : Ce sont les fins morales de l'homme que nient les écoles prétendues scientifiques. Elles ne voient dans l'homme qu'un moyen, un auxiliaire de l'intérêt général ou un obstacle qu'il faut écarter... Voyez ce que peut contenir d'horreurs pour l'avenir ou de justifications pour les crimes du passé une simple proposition comme celle-ci : « si l'intérêt général exige le sacrifice de quelques individus ou d'un seul, n'hésitez pas. » Tout se réduira donc à une opération bien simple d'arithmétique. Le bonheur de cet individu est à celui d'une nation comme une unité est à trente-six millions d'unités. L'arithmétique sociale le condamne.
Franck (La morale pour tous) : Pour certains, l'intérêt public comprend nécessairement tous les intérêts particuliers, et, s'il y a des intérêts particuliers qui refusent de se confondre avec l'intérêt général, la raison exige qu'ils soient sacrifiés. Mais cette croyance repose sur une pure illusion. En effet, qu'est-ce qui me prouve, en l'absence de la notion du bien et du devoir, que je sois obligé, si je n'y suis pas contraint par la force, de sacrifier mes avantages personnels à ceux de la société tout entière ?
Le Bon (Les révolutions) : Le suffrage universel se montre dangereux surtout par les meneurs qui en sont maîtres... Le meneur briguant un mandat est choisi par eux. Une fois nommé, il exerce un pouvoir local absolu, à la condition de satisfaire les intérêts de ses comités. Devant cette nécessité, l’intérêt général du pays disparaît à peu près totalement aux yeux de l’élu.
- Science juridique. C'est sur le terrain du droit administratif, et plus particulièrement en ce qui nous concerne sur le terrain des incriminations de police administrative, que la notion d'intérêt général produit ses effets. Elle conduit notamment à des incriminations dépourvues de l'élément moral classique qu'est le dol général. La simple méconnaissance du texte pénalement sanctionné devient punissable.
Bautain (Manuel de philosophie morale) : La loi, qui exprime l'intérêt général, s'applique à tous sans exception.
Ahrens (Cours de droit naturel) : En droit public, on commence à comprendre que les droits politiques qui sont conférés à des personnes sont en même temps des fonctions qui doivent être remplies dans l'intérêt général ... En présence d'un individualisme de plus en plus envahissant, où le moi se regarde comme le maître absolu dans le domaine des biens matériels, il importe d'insister sur les liens organiques qui rattachent l'individu à l'ordre public et lui imposent des obligations dans l'intérêt général.
Hauriou (Aux sources du droit) : Agir dans le sens de l'intérêt général, agir avec modération et mesure, agir selon le "quod decet", est, d'après les Institutes de Justinien, le premier des préceptes du droit naturel.
Bluntschli (Droit public général) : Dans le procès pénal, où l'intérêt général est directement engagé, la publicité par le public est à peu près indispensable.
Code pénal de l'Éthiopie. Art. 155 : Chaque fois
que l'intérêt général ou celui de l'accusé ou celui de la victime le requiert, la Cour peut ordonner la publication du jugement et de partie de
celui-ci.
Une telle publication peut être ordonnée en toute hypothèse quand elles sert l'intérêt public ; elle peut être effectuée seulement sur demande écrite
des parties intéressées quand elle sert des intérêts privés.
Code pénal du Mali. Art. 278 - Des spéculations illicites : Ceux qui, soit afin de se procurer un gain qui ne serait pas le résultat de la concurrence libre du commerce ou du jeu naturel de la loi de l'offre et de la demande, soit dans toute autre intention immorale ou contraire à l'intérêt général auront par quelque moyen que ce soit, directement ou par personne interposée, opéré ou tenté d'opérer la hausse ou la baisse artificielle du prix des denrées ou marchandises ou des effets publics ou privés, seront punis d'un emprisonnement de deux mois à trois ans et facultativement.
Le danger de la notion d'intérêt général, ou d'intérêt public, vient de ce qu'il est trop souvent défini par ceux qui détiennent le pouvoir social. Or ils ont trop souvent tendance à penser qu'ils mènent une politique conforme à l'intérêt général et à voir dans les opposants de dangereux criminels.
Franck (Philosophie du droit pénal) : Que faut-il entendre par cet intérêt public, par cette utilité générale que vous prenez pour base de vos lois répressives et de vos institutions judiciaires ? À quel signe puis-je distinguer l’intérêt public de l’intérêt particulier d’une classe, d’une caste, d’un parti ?.... C’est au nom de l’intérêt public, et même du salut public, qu’on a essayé de justifier la Saint-Barthélemy, es massacres de septembre, le tribunal révolutionnaire, et d’autres mesures non moins sanglantes et non moins honteuses pour la nature humaine. C’est au nom de l’intérêt public qu’on a maintenu, dans la constitution américaine, l’institution de l’esclavage.
- Droit positif. Le droit positif français fait largement appel aux incrimination de police, notamment en matière de droit du travail, de droit commercial, de droit économique ou de droit industriel.
Cass.crim. 5 octobre 1982 (Gaz.Pal. 1983 I panor cass p 97) : Le délit de pollution de cours d'eau ayant seulement le caractère d'une infraction matérielle, le fait d'avoir laissé s'écouler dans une rivière des substances nuisibles implique une faute et le prévenu ne peut être exonéré de sa responsabilité que par la force majeure.
Par ailleurs, il a inclus dans le registre des peines le travail d'intérêt général, qui semble jouir actuellement d'une approbation assez large.
Code pénal. Art. 131-22 : Les modalités d'exécution de l'obligation d'accomplir un travail d'intérêt général et la suspension du délai prévu à l'alinéa précédent sont décidées par le juge de l'application des peines dans le ressort duquel le condamné a sa résidence habituelle ou, s'il n'a pas en France sa résidence habituelle, par le juge de l'application des peines du tribunal qui a statué en première instance.
INTÉRÊT PROTÉGÉ
Cf. Atteinte (à l’intérêt protégé)*, Droits intangibles*, Éléments constitutifs de l’infraction*, Matérialité (principe de)*, Personnes vulnérables*, Ordre public*, Qualification des faits - cumul des qualifications*, Valeur*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° I-223, p.204 (l'intérêt protégé en général)
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-I-306, p.69 (les deux aspects de l'intérêt protégé)
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° 27, p.21/ n° I-102, p.61 / n°II-102, p.257 / n° II-202, p.295 / n° II-301, p.349 / n° III-101, p.423 / n° III-202, p.476 / n° IV-101, p.545
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », n° 319, p.157
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° I-I-112 p.86/87, p.161 (§1) / n°I-II-128, p.184 / n° II-13, p.296 / (notamment)
- Notion. L’intérêt protégé est, tantôt une valeur spirituelle, tantôt un bien matériel, que le législateur pénal
a placé sous la sauvegarde du droit criminel.
Comme certains criminalistes français, les pénalistes espagnols parlent de "Bien juridique" : "El bien juridico".
Cuvillier (Vocabulaire philosophique). Intérêt : Ce qui est utile à l’individu (intérêt personnel) ou à l’ensemble des individus d’un groupe (intérêt général).
Vergely (Dictionnaire de philosophie) : La "valeur" désigne un principe moral vu subjectivement et dynamiquement... Elle correspond à une approche historique de la morale.
- Morale. Les moralistes parlent généralement de "valeurs" pour désigner l'objet de la morale. Ces valeurs sont très généralement garanties par des incriminations pénales ; c'est pourquoi certains juristes parlent eux aussi de valeurs.
Lavelle (Traité des valeurs) : Nous considérons
comme ayant une valeur tout ce qui est capable de servir la vie. C’est là pour certains un fondement suffisant de la valeur en général ; ce que nous
ne pouvons regarder comme vrai que si on accepte de subordonner toujours la vie du corps à la vie de l’esprit.
Les valeurs juridiques sont une espèce particulière de valeurs sociales qui en précisent la nature et forment une transition avec les valeurs
morales. Le droit peut être considéré comme l’objectivation de la valeur dans une société donnée. Il tend beaucoup moins à faire régner un ordre moral
qu’à établir les conditions qui lui permettront de s’exercer ou qui l’empêcheront d’être violé.
Baudin (Cours de philosophie morale) : L'objet de la morale comprend, en bref, les "valeurs morales" (bien et mal, juste et injuste, honnête et déshonnête, vertueux et vicieux, etc.), dont la reconnaissance s'impose à la conscience, et les lois morales (devoirs, vertus) dont la pratique s'impose à la volonté... Partout et toujours, les hommes ont reconnu l'existence et l'autorité de préceptes ou de lois imposant sans condition des actions qualifiées morales, et défendant sans condition des actions qualifiées immorales.
Catéchisme de l'Église catholique. § 2207 : La famille est la communauté dans laquelle, dès l’enfance, on peut apprendre les valeurs morales et bien user de la liberté.
Commission de réforme du droit du Canada (Document n° 42 de 1985) : Le droit pénal doit accorder une protection à ceux qui adhèrent aux valeurs du mariage.
- Science criminelle. Les intérêts protégés par la loi pénale (on dit parfois les "biens juridiques") sont très divers et ne sauraient dès lors être placés sur le même plan.
Voir : Bentham, La classification des crimes et délits
Voir : J. Tissot, Les intérêts que le législateur doit protéger selon le droit naturel
Voir : A. Vitu, La classification des infractions selon l’intérêt protégé
John Rawls (Théorie de la justice, Préface de l'édition française) : Les biens premiers sont présentement définis par les besoins des personnes en raison de leur statut de citoyens libres et égaux, et en tant que membres normaux et à part entière de la société durant toute la vie.
Von Jhering (L’esprit du droit romain) : Les droits sont des intérêts juridiquement protégés. Il est des intérêts autres que la fortune ; au dessus d’elle se placent des biens de nature morale, dont la valeur est autrement grande : la personnalité, la vie, l’honneur, les liens de famille. Sans ces biens là, les richesses extérieures et visibles n’auraient aucun prix.
Garraud ( Traité de droit pénal) : Le mensonge peut causer un dommage à ces biens juridiques dont la loi sociale doit garantir la possession et l’exercice et autour desquels elle trace une zone de protection : la propriété, l’honneur, la condition, l’état des citoyens, leur santé, leur sécurité.
Vitu (De l'illicéité en droit criminel français) : Alors que, dans l’article 1382 du Code civil, les rédacteurs de cette disposition fameuse ont entendu n’effectuer aucun choix légal entre les attitudes dont les conséquences dommageables doivent être réparées, le législateur pénal a sélectionné un certain nombre de valeurs morales ou sociales qui lui sont apparues essentielles pour la vie communautaire, et dont le respect s’impose à tous à peine de sanctions répressives. Ces valeurs constituent ce que la terminologie pénaliste appelle des biens juridiques, objets de la protection pénale : ainsi en va-t-il de la vie humaine, de l’intégrité corporelle, de la propriété privée, des sentiments de la pudeur ou de l’honneur, de la famille, etc.
Il importe d'observer que le législateur ne peut édicter une sanction pénale que si tel acte porte atteinte, tout à la fois, à un intérêt protégé spécifique et à l'Intérêt général* ou au Bien commun*. C'est la raison pour laquelle, en cas d'État de nécessité*, faute de trouble social, les juges répressifs ne sauraient prononcer une condamnation.
Cass.crim. 16 novembre 1983 (inédit) l'a observé indirectement : Un condamné ne saurait soutenir, pour demander l’annulation d’un arrêt, que le fait de commettre un délit ne constitue pas une atteinte à l’ordre public français.
Exclusions. Le législateur ne peut retenir comme intérêts protégés que des intérêts conformes aux principes fondamentaux posés par la Constitution. Il ne saurait ainsi méconnaître la séparation du temporel et du spirituel en incriminant des délits de caractère religieux (blasphème, hérésie... ) ou en faisant bénéficier d'une protection renforcée une couche de la population (noblesse, membres du parti...).
Franck (Philosophie du droit pénal) : Il n’appartient pas à l’homme de se constituer le vengeur de la divinité ; aucun pouvoir sur la terre n’a reçu une telle mission et n’est en état de l’accomplir. Les obligations que nous avons à remplir envers la divinité étant comprises d’autant de manières qu’il y a de cultes différents, il en résulterait, si la société devait les placer sous la protection de la loi pénale, un système de persécution et d’intolérance qui rendrait impossible toute liberté et anéantirait le droit dans son principe. Il faudrait poursuivre avec la plus épouvantable rigueur non seulement les actes extérieurs, mais la pensée ; car, dans l’esprit d’un grand nombre de théologiens, l’hérésie, c’est-à-dire une certaine manière de penser, est le plus grand de tous les crimes. Mais s’il n’est pas permis à la société de venger par ses lois la majesté divine, il lui est permis, il est même de son devoir, de poursuivre ceux qui outragent leurs concitoyens, ceux qui insultent leurs semblables dans les objets les plus chers de leur vénération, dans la foi qu’ils considèrent comme la sauvegarde de leur âme et le patrimoine spirituel de leurs ancêtres. En matière de religion, comme en matière de philosophie, il faut que tout puisse être examiné, contredit, discuté. C’est à ce prix que l’esprit humain se développe, que la liberté existe dans le domaine de la conscience et de la pensée, que la croyance elle-même s’épure et que chacun peut s’assurer de ce qu’il croit ou ne croit pas. Mais la discussion n’est pas l’outrage, le libre examen n’est pas le sarcasme et la dérision, passant par une pente irrésistible des idées aux personnes.
Pointe-à-Pitre 28 mai 1993 (Gaz.Pal. 1993 II Chr.crim. 456) : La loi du 2 juin 1891 incrimine le fait de vendre, en vue de paris à faire, des renseignements sur les chances de succès des chevaux engagés... Cette disposition est de nature à priver du caractère d’intérêt légitime juridiquement protégé la prétention de la demanderesse d’obtenir la reconnaissance judiciaire d’un droit d’auteur appliqué à une publication de pronostics hippiques.
Diversité. Parmi les intérêts qu'il est légitime de protéger on peut relever : l'intérêt public (protection de la Constitution*), l'intérêt familial (protection de l’institution de la Famille*), l'intérêt individuel (protection de la Vie*, de l'Intégrité physique*, de la Pudeur*, de l'Honneur*, de la Vie privée*, de la Liberté*, ou du Patrimoine*, l'intérêt économique (protection de la Loyauté commerciale*) ou l'intérêt professionnel (protection du Secret de fabrique*).
Cf. Atteinte (à l’intérêt protégé)*, Autrui*, Éléments constitutifs de l’infraction*, État*, Famille d’incriminations*, Nation*, Nature*, Tableau général des incriminations*.
Carrara (Cours de droit criminel) : Les délits se subdivisent selon les différents biens auxquels se rapporte le droit offensé chez l’individu. Au moyen de ce critère, on trouve que les biens qui peuvent être attaqués par une action mauvaise se réduisent à six catégories : le droit à la vie, à l’intégrité de son corps, à la liberté individuelle, à l’honneur, aux biens ou à ses relations de famille.
Code pénal de Roumanie (1968). Art. 1 : But de la loi pénale. La loi pénale protège contre les infractions, la république socialiste de Roumanie, la souveraineté, l’indépendance et l’unité de l’État, la propriété socialiste, les personnes et les droits de celles-ci, ainsi que l’ordre juridique en général.
Puech (Droit pénal général) : Toute incrimination protège un intérêt déterminé (privé : p.ex. l’intégrité corporelle, la propriété, etc. ; ou public : p.ex. la sûreté de l’État, la monnaie, etc.).
Cass.crim. 12 mai 1975 (Bull.crim. n° 123 p.336) : Le fait de monnayer une renonciation à un projet de surenchère porte atteinte aux intérêts que la loi a entendu protéger par l’incrimination d’entrave à la liberté des enchères.
Hiérarchie. Il existe une double hiérarchie des intérêts juridiques. D’une part une hiérarchie abstraite, qui inspire le législateur lors de la rédaction d’un code pénal, et le conduit à sanctionner plus gravement une atteinte à l’intégrité corporelle qu’une atteinte aux biens. D’autre part une hiérarchie concrète, que doivent apprécier les juges : quels coups et blessures peut-on légitimement porter à une personne pour s’opposer : soit à ce qu’elle vole une pomme ? soit à ce qu’elle détruise à coups de marteau la Piéta de Michel-Ange ?
Vergely (Dico de la philosophie) : La morale, aujourd’hui, a conservé un sens à la notion de hiérarchie, en faisant apercevoir que l’on ne peut pas mettre toutes les valeurs sur le même plan. Si l’on veut pouvoir éviter toute confusion ainsi que toute négation des valeurs, il importe de hiérarchiser celles-ci en montrant qu’il y a des valeurs prioritaires.
Décret du 1-5 avril 1793. Le salut du peuple est la loi suprême.
INTÉRÊTS - Voir : Dommages-intérêts*.