DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL
- Professeur Jean-Paul DOUCET -
Lettre D
(Sixième partie)
DÉMAGOGIE
Cf. Censure*, Démocratie*, Dictature*, Politique (en général)*, Propagande*.
Le démocrate propose à ses électeurs un programme fondé sur la recherche du Bien commun. Le démagogue, en revanche, s'efforce de proposer au plus grand nombre possible de citoyens la satisfaction de leurs aspirations personnelles, même si elles sont incompatibles ; on dit qu'il promet, tout à la fois, au fermier un prix élevé pour le blé qu'il produira, et aux ménagères un pain bon marché.
Petit Robert : Démagogie - Politique par laquelle on flatte, on exploite les sentiments, les réactions des masses.
Rothe Tancrède (Traité de droit naturel) : La démocratie prise en mauvaise part, peut être appelée démagogie.
Xénophon (Mémorables). Introduction E.Talbot : Il n’est point étonnant que Xénophon, cœur droit, nature loyale et franche, ait été pris de dégoût à la vue des débortements de la démagogie athénienne, et que, fidèle aux doctrines de Socrate, il se soit montré plus prêt, avec ses amis à voir la véritable cité grecque dans l’aristocratie guerrière et disciplinée de Sparte, que dans sa propre ville, si divisée.
Proal (La criminalité politique) Titre V L'hypocrisie politique : Les démagogues, qui veulent opprimer la majorité, au nom d'une infime minorité, parlent toujours au nom du peuple, bien qu'ils ne représentent la partie la moins éclairée et la moins honnête du peuple.
Illustration. Ch.Gave aurait écrit : La notion de démagogie nous vient de la Grèce antique, où être démagogue consistait à raconter au peuple que la farine serait chère (pour plaire aux paysans) et le pain bon marché (pour plaire aux autres). En termes simples le démagogue tient des propos dont il sait qu'ils sont idiots et contradictoires les uns avec les autres en pensant que cela va l'amener à être élu, et donc à vivre aux dépens des autres sans avoir à travailler vraiment.
Doucet (La protection de la personne humaine) : On sait depuis la Grèce antique que la grande faiblesse de la démocratie libérale, c’est la démagogie ; or celle-ci s’exerce le plus souvent par la calomnie et la diffamation. C’est pourquoi le législateur doit réprimer ces deux délits au nom de l’intérêt public.
DEMANDE RECONVENTIONNELLE
Cf. Abus de constitution de partie civile*, Action civile*.
Une demande reconventionnelle consiste, de la part du défendeur, à ne pas se satisfaire de défendre, mais à contre-attaquer en formant lui-même une requête. Fréquente en matière civile, cette voie de procédure ne se rencontre guère, en matière pénale, que dans le cas d’une demande de dommages-intérêts formée par le prévenu contre la partie civile (art. 472 C.pr.pén.), pour abus de constitution de partie civile.
Code de droit canonique. Canon 1494 (Commentaire Salamanque) : Le défendeur peut ne pas se borner à nier ou à opposer des exceptions : il peut prendre une attitude beaucoup plus active en proposant une véritable action contre le demandeur. Dans ce cas, sont présentées deux demandes réciproques dans lesquelles le défendeur est en même temps demandeur, tout comme le demandeur devient défendeur.
Code de procédure pénale allemand, § 388 : Si la victime a introduit la plainte privée, l’accusé tant que n’est pas intervenu le dernier mot en première instance, peut requérir la condamnation pénale du plaignant au moyen d’une demande reconventionnelle, s’il a été victime en même temps d’une infraction due à celui-ci, qui peut être poursuivie par voie de plainte privée et qui a un lien de connexité avec l’infraction constituant l’objet de la plainte.
Cavailles (Commentaire de l’art. 472 C.pr.pén., au Juris-classeur) : La demande doit être faite pendant les débats sur l’action publique, sans attendre le prononcé de la relaxe, puisque le tribunal se prononce par une seule décision sur l’action publique et sur la demande de dommages-intérêts.
DEMANDE DE REMISE DE FONDS SOUS LA CONTRAINTE - Voir : Extorsion*.
DÉMARCHAGE
Cf. Abus de faiblesse*, Escroquerie*.
Le démarchage consiste à rechercher d’éventuels clients en se rendant à leur domicile ou en leur téléphonant. Du fait qu’elle est dangereuse pour une clientèle aisément influençable, cette manière de procéder est encadrée, en principe, par les art. L.121-21 et s. du Code de la consommation (ancienne loi du 22-12-1972). Ces textes ne couvrent toutefois pas l'ensemble de la matière.
Véron (Droit pénal des affaires) : Le démarchage est défini comme le fait de se rendre habituellement au domicile des personnes, sur les lieux de travail ou dans les lieux ouverts au public, ou d’envoyer des lettres ou circulaires dans les mêmes lieux ainsi que des communications téléphoniques.
Cass.crim. 14 février 1991 (Bull.crim. n°75 p.191) : La loi du 22 décembre 1972 est applicable à quiconque pratique ou fait pratiquer le démarchage à domicile d’une personne physique, à sa résidence ou à son lieu de travail, pour proposer la vente, la location ou la location-vente de marchandises ou objets quelconques ou pour offrir des prestations de service, alors même que ce démarchage a été effectué à la demande d’un éventuel client, a été accepté au préalable par ce dernier, ou a été précédé d’une entrevue au cours de laquelle aucun engagement n’a été souscrit par l’intéressé.
Cass.crim. 2 octobre 2007 (Bull.crim. n° 233 p.981) : Les contrats d'assurance, qui ne font l'objet d'aucune règlementation particulière, au sens de l'art. L. 121-22 C.consomm., sont soumis à la législation sur le démarchage à domicile.
Ainsi, le démarchage à domicile est purement et simplement interdit en matière d'obsèques, en raison de l'état de désarroi présumé des proches du défunt.
Cass.crim. 13 février 2007 (Bull.crim. n° 40 p.250) : Sont interdites, en application de l'art. L.2223-33 du Code général des collectivités territoriales, les démarches à domicile faites à l'occasion d'obsèques, qu'elles soient effectuées spontanément ou à la demande du client éventuel.
Le démarchage est également interdit en matière juridique ; c'est là un vestige du temps où les professions juridiques s'honoraient d'être des professions libérales.
Cass.crim. 26 mai 2011 (arrêt n° 10-15676) : Le démarchage est illicite en matière juridique.
DÉMENCE (et états voisins de la démence)
Cf. Asile psychiatrique*, Causes de non imputabilité*, Confusion mentale*, Débilité mentale*, Délire*, Dépendance*, Dipsomanie*, Discernement*, Épilepsie*, Examen médico-psychologique*, Expertise (psychiatrique)*, Furieux*, Hystérie*, Idiotie*, Imbécillité*, Kleptomanie*, Manie*, Matérialité*, Mélancolie*, Nécrophilie*, Névrose*, Paranoïa*, Passions*, Pervers*, Psychopathe*, Psychose*, Pyromanie*, Responsabilité*, Schizophrénie*, Sociopathe*, Sommeil*, Vieillard*.
Voir : J-P. Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° 19, p.36 / n° 21, p.40 / n° II-1, p.269 / n° II-5, p.278 / n° II-104, p.292
Voir : J-P. Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-II-II-200 et s., p.231 et s.
Voir : J-P. Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° III-205, p.482
Voir : J-P. Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », n° 211 , p.92 / n° 322, p.169 / n° 509, p.333
Voir : J-P. Doucet, « La protection de la Société », n° I-II-304, p.227 / n° II-14 p.298 / II-II-243, p.534 note 9
Voir : Dr Michaud-Nérard, Critères de validité de l'expertise psychiatrique en matière pénale
Voir : Steve Abadie-Rosier, Les forteresses psychopathologiques du sujet criminel
Voir : Ortolan, La démence et la responsabilité pénale, suivant la science rationnelle
Voir : Dimitri Drill, Les fondements et le but de la responsabilité pénale (apparente la délinquance à une maladie)
Voir : A. Corre, Invention et imitation dans la criminalité
Voir : Entretien avec un meurtrier (De Greeff, « Introduction à la criminologie »)
Voir : Examen psychologique d'un assassin (De Greeff, « Introduction à la criminologie »)
- Notion. Il faut ici distinguer le langage médical du langage pénal traditionnel.
D’un point de vue médical, la démence consiste dans le déclin d’une intelligence, qui était auparavant normale, mais qui rétrograde jusqu’à l’inconscience. Cette descente, lente, progressive mais irréversible, comprend des stades successifs auxquels le malade peut commettre des infractions (liées aux trois instincts de conservation, reproduction et d’association) ; elle conduit finalement à l’irresponsabilité pénale. A côté des démences dues à des traumatismes, à des commotions ou à des maladies nerveuses, existent les démences séniles (souvent liées à la maladie d’Alzheimer).
Larousse médical : La démence est un affaiblissement psychique profond, en général lent et progressif, frappant l’individu dans toute sa personnalité, mais surtout dans ses facultés intellectuelles. Le malade dément perd progressivement la mémoire, le raisonnement, le sens critique. Il ne peut plus s’adapter aux situations nouvelles. L’affectivité s’émousse comme l’intelligence.
- Dans le langage pénal traditionnel, la démence consiste en un trouble mental d’une gravité telle que celui qui en souffre ne saurait être considéré comme relevant du droit criminel. D’où résultent deux conséquences principales : l’une du point de vue de la procédure, l’autre du point de vue de la responsabilité :
Roux
(Droit criminel français) : Le Code pénal de 1810
déclare qu'il n'y a ni crime, ni délit, lorsque le prévenu était
en état de démence au moment de l'action.
Il paraît hors de doute que par cette expression qui n'a pas été définie
par la loi [alors en vigueur], il faut entendre non
seulement les maladies mentales, quels que soient leur nom, leur
forme ou leur caractère, mais encore le non développement de
l'intelligence ainsi que des divers états d'inconscience.
Carrara (Cours de droit criminel - éd. française) : La folie considérée comme circonstance qui détruit l'imputation, peut se définir : un état de maladie qui, enlevant à l'homme la faculté de connaître les vrais rapports de ses actions avec la loi, l'a porté à la violer sans qu'il eût conscience de cette violation.
- Régime. La démence, au sens large emporte deux conséquences principales : l’une du point de vue de la procédure, l’autre du point de vue de la responsabilité : .
- 1° Démence et procès pénal. L’exercice des droits de la défense suppose que le prévenu est en état de comprendre l’accusation dirigée contre lui. C’est pourquoi, lorsqu’il apparaît que le défendeur est atteint d’un trouble mental grave, les poursuites doivent être, soit provisoirement suspendues, soit définitivement closes (classement sans suite ou non-lieu).
- Principe :
Code de procédure pénale espagnol, Art. 381 :
Si le juge décèle chez l’inculpé des signes d’aliénation mentale, il le soumettra immédiatement à l’observation de médecins légistes dans
l’établissement où il est détenu ou dans un autre établissement public si cela est plus opportun.
Art. 383 : Si la démence est survenue après la commission du délit, alors que l’instruction était close, le tribunal compétent fera classer
l’affaire jusqu’à ce que l’inculpé recouvre la santé, et on appliquera cependant à son endroit ce que le code pénal prescrit pour ceux qui exécutent le
fait en état de démence.
- S’il y a une autre personne inculpée en raison du même fait et qui ne se trouve pas dans l’état prévu précédemment, la poursuite continuera, mais
seulement à son égard.
Garraud (Précis de droit criminel) : La démence, survenue depuis l’infraction, suspend les actes de poursuite personnelle et les décisions, soit d’instruction, soit de jugement. En effet, l’inculpé que son état mental met dans l’impuissance de se défendre ne peut être par cela même un accusé. Mais les actes tendant à la recherche des preuves restent possibles puisqu’ils procèdent in rem.
- Application :
Cass.crim. 21 mars 2012, n° 12-80178 (Gaz.Pal. 28 juillet 2012) : Lorsque l'abolition du discernement, au moment des faits, de la personne mise en examen n'est pas certaine, la chambre de l'instruction peut la renvoyer devant la juridiction de jugement.
Cass.crim. 11 juillet 2007 (Bull.crim. n° 185 p.789) : Il se déduit des dispositions de l'art. 6 § 1 et 3 a et c de la Conv. EDH et de l'article préliminaire du Code de procédure pénale que, lorsque l'altération des facultés d'une personne mise en examen est telle que celle-ci se trouve dans l'impossibilité absolue d'assurer effectivement sa défense, serait-elle assistée d'un avocat, il doit être sursis à son renvoi devant la juridiction de jugement.
Wallon (Histoire du Tribunal révolutionnaire) rapporte une violation de ce principe, commise le 9 thermidor an II et concernant un certain Pierre Durand Puy de Vérine âgé de 69 ans : Puy de Vérine, d’après les certificats produits lors du procès de Fouquier-Tinville, était sourd et aveugle depuis trois ans environ, tombé en enfance dans les dernières années de sa vie, pis qu’en enfance : dans un profond état de décrépitude physique. Et il était accusé de complicité dans la conspiration du Luxembourg ! Il n’en fût pas moins jugé et condamné à mort.
Blackstone (Commentaire sur les lois anglaises) évoque une semblable iniquité : Sous le règne sanglant de Henri VIII on fit une loi qui ordonnait que celui qui, maître alors de son esprit, commettrait le crime de haute-trahison (lèse-Majesté), puis qui perdrait ensuite la raison, n’en serait pas moins poursuivi et exécuté comme s’il était encore dans son bon sens.
Cas de la détention d'une personne atteinte de troubles psychiques.
Cons. d'État 14 novembre 2011 (Gaz.Pal. 1er décembre 2011 p. 30) sommaire : L'intéressé présente des troubles psychiatriques graves, qualifiés de schizophrénie paranoïde, qui nécessitent un suivi sans interruption et ne sont pas compatibles avec un maintien en détention sans surveillance médicale adaptée.
2° Démence et responsabilité pénale. Du point de vue du fond, l’état de démence s’oppose à ce que l’on impute l’infraction qui a été constatée (dans le premier temps du Raisonnement pénal*) à celui qui l’a perpétrée. Dans un droit dominé par le principe de la responsabilité subjective, le « dément » qui commet un délit relève plutôt de la médecine que des tribunaux répressifs. Cette Cause de non-imputabilité* était visée par l’art. 64 de l’ancien C.pén. ; elle l’est aujourd’hui par l’art. 122-1 du nouveau C.pén. ; strictement personnelle elle ne bénéficie ni aux coauteurs ni aux complices du malade.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° II-104, p.292
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-II-I-208, p.171
- Règle morale :
Baudin (Cours de philosophie morale) : Il y a absence totale de moralité et de culpabilité là où manquent totalement la connaissance et la liberté ; p.ex. chez les fous.
Franck (Philosophie du droit pénal) : La folie et le crime n’ont absolument rien de commun, ils n’obéissent pas aux mêmes lois, ils ne se révèlent point par les mêmes signes, ils n’excitent point dans les âmes les mêmes sentiments. Le crime est responsable, la folie ne l’est pas. Le crime suppose la liberté, la folie en est la privation plus ou moins complète. Le crime poursuit un but parfaitement déterminé et réfléchi, il y tend de toutes les forces de son intelligence ; la folie, c’est la déviation de l’intelligence, et quand elle a les yeux fixés sur un but, c’est un but imaginaire qu’elle poursuit par des moyens insensés. La folie, quels que soient ses actes, n’inspirera jamais que la pitié; le crime inspirera toujours l’indignation et l’horreur.
Vittrant (Théologie morale) : Il est certain que la responsabilité morale peut être entièrement supprimée par le fait d'une maladie physique réagissant sur l'état mental... Le terme de démence caractérise un affaiblissement global de toutes les fonctions psychiques.
Buddhist monastic code, par Thanissaro Bhikkhu (2009) : Le Code déclare … exempt de pénalité tout moine qui est aliéné... Un moine délirant de douleur est exempt des pénalités qu'il encourt, seulement au cours des périodes où la douleur est si grande qu'il ne sait pas ce qu'il fait.
- Science criminelle :
Digeste de Justinien, 47, X, 3, 1. Ulpien : Les déments peuvent souffrir une injure et non pas l’infliger. Car comme l'injure ne peut exister que par l'intention de celui qui la fait, il s'ensuit que ces personnes, soit qu'elles frappent, soit qu'elles insultent, ne paraissent pas avoir perpétrer une injure.
Digeste de Justinien, 48, 8, 12. Modestin : Un enfant ou un furieux qui ont tué un homme, ne sont pas tenus par la loi Cornélia ; l'un est défendu par l'innocence de ses intentions, l'autre par le malheur de son sort.
Denisart (Collection de jurisprudence, 1768) : Plusieurs lois autorisent les magistrats à remettre aux furieux la peine de leur crime par l’effet de la juste pitié qu’inspire leur destinée malheureuse… Un insensé qui, dans un moment de fureur, avait donné un coup d’épée à un particulier, fut condamné en dommages-intérêts.
Toureille (Crime et châtiment au Moyen-âge) : La folie pouvait justifier l'excuse, parce qu'elle était reconnue comme source d'irresponsabilité. Le droit romain considérait déjà l'insensé comme pénalement irresponsable. Ce principe fut repris au Moyen-âge par le droit canonique, puis par le droit laïc. Pour Gratien, un dément ne peut commettre un péché ou un crime car ses actes ne lui sont pas imputables. On prescrivait cependant d'enfermer les déments afin qu'ils ne reproduisent pas leur acte. Ou ils étaient rendus à leur famille, à charge pour elle d'en être responsables. La seule exception à cette excuse pour cause d'irresponsabilité était le crime de lèse-majesté.
Bautain (Philosophie des lois, 1860) : Les fous, pour la plupart ne le sont pas continûment. Il y a des intervalles tranquilles, des moments lucides, où ils sentent leur état, et alors ils retombent sous la loi, puisque la liberté reparaît avec la raison. Comment faire la part des moments lucides et de ceux qui ne le sont pas ?
Laget-Valdeson (Théorie
du Code espagnol de 1850, éd. 1860) : En matière
d'exemption de peine, la première circonstance qui frappe
l'esprit comme méritant à tous égards de jouir de ce privilège,
c'est la démence. La volonté réfléchie de commettre une action
mauvaise et
la conscience du mal qu'on fait, ou en d'autres termes, la
liberté et l'intelligence, sont les conditions nécessaires du
délit ; l'individu en démence ne possède ni l'un ni l'autre :
aussi l'exemption de peine attachée à l'acte du fou, se
retrouve-t-elle dans toutes les législations
pénales anciennes et modernes, y compris la loi romaine qui, en
consacrant le principe, ajoute ces admirables paroles : satis
infelicitas excusat.
Code pénal suisse (état en 2003), Art. 10 : N’est pas punissable celui qui, étant atteint d’une maladie mentale, de faiblesse d’esprit ou d’une grave altération de la conscience, ne possédait pas, au moment d’agir, la faculté d’apprécier le caractère illicite de son acte ou de se déterminer d’après cette appréciation.
Code pénal du Japon. Art. 39 : Un acte marqué par la démence n'est pas punissable. Un acte marqué par un affaiblissement des capacités peut conduire à une réduction de peine.
Pothier (Œuvres complètes, T.XXV) : Il est évident que l’on ne peut intenter d’accusation contre des insensés ; car n’ayant pas l’usage de la raison, ils ne sont pas capables de la malice qui fait le caractère du crime.
Cass.crim. 9 décembre 1814 (S. 1815 284, Delalande) : En matière criminelle, la loi qui donne au juge le droit de décider s’il y a crime ou délit, lui donne par cela même, et nécessairement, le droit de décider si l’accusé ou le prévenu est, par son état moral, capable de l’intention perverse sans laquelle il ne peut exister ni délit ni crime … Si les juges sont d’avis que le fait ne présente ni crime, ni délit, ni contravention, il sera déclaré qu’il n’y a lieu à poursuivre.
Cass.crim. 7 octobre 1992 (Bull.crim. n° 314 p.851), sommaire : L'application à un prévenu des dispositions de l'article 64 du Code pénal est subordonnée à la condition de l'état de démence du prévenu à la date des faits reprochés.
- Droit positif français. C'est l'article 122-1 C.pén., modifié par une loi du 15 août 2014, qui détermine les effets de la démence (au sens large).
Garçon (Code pénal annoté) : Les causes de non-imputabilité dans la personne dans la personne de l’auteur principal ne font point obstacle à la poursuite du complice… Si l’auteur principal a agi sous l’empire de l’aliénation mentale, son complice personnellement responsable est punissable.
Cass.crim. 14 décembre 1982 (Gaz.Pal. 1983 I somm 178) : A pu estimer que les faits matériellement reprochés à l’intéressé ne constituaient pas des crimes punissables, faute d’élément moral, à raison de l’état de démence de leur auteur au temps de l’action, la Chambre d’accusation qui constate, conformément à l’avis exprimé par trois experts psychiatres, que le meurtre imputé à l’inculpé est l’expression de la psychose épileptique dissociative complexe dont il est atteint qui, dans le temps de l’action, ne lui permettait aucun contrôle volontaire des pulsions destructrices et que cet état mental au moment des faits répond à la définition de l’art. 64 C.pén. concernant l’état de démence.
Cass.crim. 15 novembre 2005 (Bull.crim. n° 295 p.1007 – le conducteur tétanisé) : Justifie la décision de relaxe du conducteur d’une automobile, poursuivi pour homicides involontaires, mise en danger d’autrui et défaut de maîtrise, l’arrêt qui retient que, victime d’un malaise brutal et imprévisible qui lui a fait perdre le contrôle de l’accélération de son véhicule, lancé à une vitesse croissante sur l’autoroute puis l’aire de repos où il s’est immobilisé après avoir heurté les véhicules occupés par les victimes, le prévenu a agi sous l’empire d’une contrainte à laquelle il n’a pu résister.
L’excuse tirée de la démence doit être maniée avec prudence par les magistrats. S’il est vrai que dans un droit subjectif il n’y a pas de responsabilité sans conscience libre et éclairée, la doctrine objective n’a pas tort d’observer que, du point du vue de la défense de la société, cette excuse présente un grand danger. Des acquittements inconsidérés affaiblissent l’effet préventif de la législation criminelle.
Exemple (Ouest-France 8 septembre 2006) : L'homme qui avait pris en otages dix-huit élèves du lycée Colbert de Torcy, le 9 mars dernier à Sablé-sur-Sarthe, devrait échapper aux poursuites judiciaires. Le collège d'experts psychiatres qui s'est entretenu avec lui a conclu à son irresponsabilité pénale, a confirmé hier le procureur de la République en Sarthe.
Dans la pratique, on observe que l'excuse de démence passagère sert parfois à éviter des poursuites paraissant inopportunes.
Exemple (Télétexte du 8 novembre 2003) : B., qui avait agressé au couteau le maire de Paris, en octobre 2002 a été reconnu irresponsable. Écroué et mis en examen pour tentative d'assassinat, il avait expliqué avoir agi par animosité envers les politiques et les homosexuels.
DÉMOCRATIE (libérale)
Cf. Action populaire*, Aristocratie*, Autocensure*, Brigue*, Censure*, Constitution*, Coup d’État*, Démagogie*, Démocratie*, Despotisme*, Dictature*, État*, Idéologie*, Nation*, Oligarchie*, Ordre moral*, Parti politique*, Propagande*, Raison d’État*, République*, Séparation des pouvoirs*, Sycophante*, Terrorisme*, Théocratie*, A. de Tocqueville*, Tyrannie*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° 2, p.3 / n° 30, p.30 / n° 31, p.30 / p.33 a) / n° 35, p.34 / notamment
- Notion. Le mot démocratie est employé dans au moins deux sens. Dans un sens formel, presque étymologique, la
démocratie est le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. Dans un sens matériel, concret, effectif, la démocratie est une forme de
gouvernement où l'État se reconnaît au service de la Nation, s'efforce d'agir dans l'intérêt de l'ensemble de celle-ci (Bien commun), admet l'égale
dignité de chacun de ses membres, respecte les libertés individuelles, temporelles comme spirituelles, et favorise les groupements intermédiaires
au sein desquelles chaque individu peut s'épanouir en fonction de son propre tempérament (famille, associations, corporations...).
On distingue la démocratie directe, où les décisions sont prises par tous les citoyens, de la démocratie indirecte, où les citoyens désignent des
représentants pour agir en leur lieu et place. La première seule est une véritable démocratie, mais elle ne peut se concevoir que dans des communautés
composées d'un nombre limité d'individus.
Cuvillier (Vocabulaire philosophique) : Démocratie – Type d’organisation politique où dominent les tendances égalitaires.
Littré (Dictionnaire) : Gouvernement où le peuple exerce la souveraineté. Société libre et surtout égalitaire où l'élément populaire a l'influence prépondérante.
Aristote (Rhétorique I-VIII-4) : La démocratie est le gouvernement dans lequel les fonctions sont distribuées par la voie du sort.
Sumner-Maine (Essai
sur le gouvernement populaire) : D’aucuns semblent persuadés
que la démocratie diffère essentiellement de la monarchie. Il ne
saurait y avoir d'erreur plus grossière, ni plus fertile en
illusions ultérieures.
La démocratie doit exactement satisfaire aux mêmes conditions
que la monarchie, car elle a les mêmes fonctions à remplir… Les
marques de réussite dans l'accomplissement des devoirs
nécessaires et naturels d'un gouvernement sont précisément les
mêmes dans l'un et dans l’autre cas.
Savonarole : Qui veut créer un Parlement ôte au peuple le Gouvernement.
- Règle morale. Attachés aux notions de dignité et de responsabilité individuelle, les moralistes sont dans l'ensemble favorable à une démocratie libérale où l'État agit dans le Bien commun et dans le respect de chacun, et où ses représentants donnent le modèle de la vertu.
Voir : E. Baudin, La morale de l’État
Gorce (Traité de philosophie) : La grandeur de la démocratie a été devinée confusément par de grands esprits. Le moraliste Jacob a pu écrire à ce propos : "Le principe de la dignité humaine n'admet pas qu'un être qui pense soit contraint de recevoir du dehors ses façons de penser et d'agir. Nous ne pouvons prendre conscience de la faculté que notre raison nous confère de nous gouverner nous-mêmes sans reconnaître qu'elle nous crée une noblesse qu'aucun animal ne possède ; et la noblesse humaine est violée dans l'homme auquel on refuse le libre usage de la faculté qui le produit". Ainsi, la démocratie, comme le veut Mazaryk : "n'est pas seulement une conception politique, mais encore et surtout une conception morale".
Baudin (Cours de philosophie morale) : Qu'il soit de forme monarchique, aristocratique ou démocratique, l'État est à la fois le représentant de la nation et son serviteur. D'une part, elle lui communique toutes ses prérogatives ; d'autre part, elle lui donne mandat de remplir ses propres obligations et de faire tout ce que requiert le service de son bien commun. L'on a ici les principes qui déterminent la légitimité et la nature morale de l'État. Sa nature morale est celle d'un représentant et d'un serviteur de la nation.
Maritain (Les droits de l'homme et la loi naturelle) : S'il est vrai que l'autorité politique a pour fonction essentielle de diriger les hommes vers le bien commun, il est normal que ces hommes libres choisissent eux-mêmes ceux qui ont la fonction de les diriger et participent par eux-mêmes au contrôle du pouvoir ; c'est là la forme la plus élémentaire de la participation à la vie politique.
Proal (La criminalité politique) Chapitre 3 - L'anarchie : La vérité est que la démocratie, plus que toute autre société a besoin de croyances spiritualistes et que la libre pensée, enseignée aux ouvriers et aux étudiants, ne fait d'eux que des révoltés et des anarchistes. Pour rendre la santé, à la société qui est malade,il faut lui rendre des croyances morales.
Certains ont sagement observé que, dans une démocratie libérale, il existe un devoir pour les citoyens de prendre part à la vie publique. C'est pourquoi, à Athènes, la participation aux assemblées du peuple était tenue pour impérative (en cas de crise politique grave, les citoyens avaient même le devoir impératif de choisir publiquement le camps dans lequel ils se rangeaient). Sous la Terreur, les Révolutionnaires se le sont rappelés.
Spencer (Les bases de la morale évolutionniste). Il critique celui qui consacrerait uniquement son énergie à ses propres affaires, et refuserait de l'inquiéter des affaires publiques. Si la majorité agit comme lui, les fonctions publiques seront remplies par des aventuriers politiques, et l'opinion gouvernée par des démagogues.
Flacelière (La vie quotidienne en Grèce au siècle de Périclès) : La vie quotidienne du citoyen athénien était dominée par le soin qu'il prenait des affaires de l'État... L'opinion publique était très sévère pour quiconque paraissait se désintéresser des affaires de l'État... Au temps les Marathonomaques on ne concevait pas que le bonheur de l'individu pût être dissocié de la prospérité de l'État.
Guizot
(Histoire de la civilisation en France) cite ces deux lois
anciennes des Allemands et de Boires :
Si quelque homme libre néglige de venir à l'Assemblée, et ne
se présente pas au comte ou à son délégué, qu'il soit condamné à
payer quinze sous.
Que tous les hommes libres se réunissent au jour fixé, là où
il sera ordonné, et que nul n'ose dédaigner de venir à
l'Assemblée... Que celui qui négligera de venir soit condamné à
payer quinze sous.
Tribunal révolutionnaire 3 thermidor an II (21 juillet 1794). Comparaissait une certaine Renée Launay, épouse Voile, de Beaumont-sur-Sarthe ; alors que les Vendéens menaçaient la région, elle avait dit : Je m'en fous, je me mettrai toujours du côté le plus fort. Sur le reproche de prendre à la légère les intérêts de la République, elle fut condamnée à la guillotine.
D'autres soulignent que méritent seuls le titre de « démocratie », les régimes qui reposent sur la Raison*, la Vérité* et la Justice* (cette dernière étant confiée à une institution indépendante du pouvoir politique).
Jolivet (Traité de philosophie - La morale) : La démocratie, selon son type idéal, est moins le gouvernement du peuple par des assemblées élues que le régime où le droit est souverain, où tout dépend de la loi, où les gouvernants n'ont d'autorité qu'au titre de magistrats et dans les limites d'une compétence définie de manière à écarter le risque d'arbitraire... "Démocratie" définira une civilisation qui a pour assise la reconnaissance de l'éminente dignité de la personne humaine et de ses droits, la confiance en la raison, enfin la foi en un idéal moral et spirituel dépassant les bornes de ce monde sensible et s'établissant réellement dans l'absolu.
Taine (Les
origines de la France contemporaine) : Les titres du
candidat à ma confiance sont des moins authentiques et des plus
légers ; rien ne m'atteste son honorabilité, ni sa compétence...
sur des certificats aussi nuls que les siens, j'hésiterais à
prendre un domestique. D'autant plus que la classe où presque
toujours je suis obligé de le prendre est celle des politiciens,
classe suspecte, surtout en pays de suffrage universel ; car
elle ne se recrute point parmi les hommes les plus indépendants,
les plus capables et les plus honnêtes, mais parmi les
intrigants bavards et les charlatans convaincus : ceux-ci ayant
échoué, faute de tenue, dans les carrières privées où l'on est
surveillé trop exactement et jugé de trop près, se sont rejetés
vers les voies où le manque de scrupule et de réserve est une
force au lieu d'être une faiblesse ; devant leur indélicatesse
et leur impudence, la carrière publique s'est ouverte à deux
battants...
Par nature et par structure, la démocratie est le régime dans
lequel l'individu accorde à ses représentants le moins de
confiance et de déférence ; c'est pourquoi elle le régime dans
lequel il doit leur conférer le moins de pouvoir. Si dans toute
constitution moderne, le domaine de l'État doit être borné,
c'est dans la démocratie moderne qu'il doit être le plus
restreint.
[Depuis l'amer constat établi par l'éminent historien, la
situation s'est considérablement aggravée du fait de la montée
en puissance d'importants groupes de pression totalement indifférents au
Bien commun*].
Mgr André Vingt-Trois (Le Figaro 13 mars 2014) : La démocratie ne vit pas de slogans mais d'arguments. Elle doit aider les gens à réfléchir.
- Science juridique.
Pendant la plus grande partie du XXe siècle la doctrine
dominante a été influencée
par les diverses théories socialistes (national-socialisme ou international-socialisme, sous leurs diverses formes). Aussi a-t-elle retenu le sens formel
du mot démocratie. Pour désigner les régimes inspirés par le marxisme, on parlait alors de démocratie populaire, le peuple étant constitué par l'ensemble
des personnes au nom desquelles l'État entendait agir (membres du Parti, ouvriers, paysans...).
On s'accorde à considérer que si le taux d'imposition global
dépasse 50%, on passe d'un régime démocratique à un régime
collectiviste (il est à noter que, passé un seuil de 40%,
l'impôt devient improductif notamment en raison de l'évasion
fiscale).
De Tocqueville (De la démocratie en Amérique) : Dans les pays démocratiques, la science de l'association est la science mère ; le progrès de toutes les autres dépend des progrès de celle-là.
Montesquieu (De l’esprit des lois) : Lorsque dans la République le Peuple en corps a la souveraine puissance, c’est une Démocratie. Le Peuple dans la Démocratie, est à certains égards le Monarque, à certains autres il est le Sujet. Il ne peut être Monarque que par ses suffrages qui sont ses volontés… Le Peuple qui a la souveraine puissance doit faire par lui-même tout ce qu’il peut bien faire ; et ce qu’il ne peut pas bien faire, il faut qu’il le fasse par ses ministres….Dans un État populaire il faut un ressort qui est la Vertu.
Constitution du 24 juin 1793 - 2ème Déclaration des droits de l'homme, art. 32 : Le droit de présenter des pétitions aux dépositaires de l'autorité publique ne peut, en aucun cas, être interdit, suspendu ni limité. Il devrait en être de même en ce qui concerne le référendum d'initiative populaire émanant d'un nombre raisonnable d'électeurs (comme la Suisse en donne l'exemple).
Höffe (Dictionnaire d’éthique) : Le terme démocratie ne désigne pas seulement un régime politique déterminé, mais plus largement un mode de vie sociopolitique. En tant que régime, la démocratie est un système de gouvernement dont le pouvoir est issu du peuple (souveraineté populaire), qui représente la volonté générale (et non le somme des volontés individuelles), directement ou indirectement, dans des assemblées populaires ou parlementaires (pouvoir législatif), qui a pour mission de faire exécuter cette volonté par le gouvernement (pouvoir exécutif) et par les instances de juridiction (pouvoir judiciaire)… L’abus du pouvoir étatique doit être évité par sa division en organes indépendants à fonction de législation, d’exécution et de juridiction.
Joseph-Barthélémy (Précis de droit constitutionnel) : La démocratie se justifie par des arguments qui lui sont propres : 1° La démocratie est la plus humaine : le principe démocratique est le plus juste parce que dans ce système les lois sont faites pour le grand nombre ; 2° La démocratie est le système le plus rationnel. Un être raisonnable doit se conduire lui-même, c'est la définition même de la raison... Or la démocratie se rapproche le plus de cet idéal ; 3° La démocratie est le système le plus sage. Dans un peuple arrivé à un certain degré d'éducation politique, un peuple « majeur » le gouvernement ne peut s'exercer pendant un temps prolongé que du consentement du peuple.
Leclercq
(Leçons de droit naturel - T.II) : Si les systèmes étatistes
pèchent par excès de confiance dans l'État, les libéraux pèchent par
excès de confiance dans l'individu.
L'un des problèmes les plus délicats de la politique est donc
d'assurer à l'État le contrôle de tout ce qu'il doit contrôler sans
le surcharger de fonctions qui le paralysent. Question d'équilibre
comme presque toutes les questions sociales. Question de jugement
pratique qui doit se résoudre dans chaque société en tenant compte
des circonstances propres au pays et à l'époque. La règle que l'État
doit contrôler et encourager plutôt que de diriger lui-même est
elle-même une règle de juste milieu entre l'étatisme radical et la
liberté sans frein.
De nos jours, on prend soin de préciser « démocratie libérale » si l’on veut parler d’une organisation de l’État qui garantit la liberté et la loyauté de l’information, la liberté de la pensée, la liberté d’expression, la liberté de choix du personnel politique et la liberté de s’exprimer par un vote sur les sujets de société touchant les racines de la Nation et son avenir. Contrairement à ce qui se produit dans la « démocratie populaire », dans une véritable démocratie les gouvernants ne sacrifient pas la population à leur idéologie.
Pactet et Mélin-Soucramanien (Droit constitutionnel) 27e éd. p. 83 : Il faut entendre le mot démocratie dans la seule version qui est désormais reconnue, à savoir la démocratie pluraliste et libérale. Pourtant, au cours du XXe siècle, cette exclusivité lui avait été contestée par les tenants de l'idéologie socialiste, qui en proposait une autre version, marquée par le totalitarisme. L'effondrement, à la fin du XXe siècle, de cette idéologie a fait justice de cette prétention.
Cour EDH. 13 février 2003 (Sudre et autres - Grands arrêts de la Cour EDH, 5e éd., p.587 n°72) : Il est difficile de se déclarer à la fois respectueux de la démocratie et des droits de l'homme et de soutenir un régime fondé sur la charia, qui se démarque nettement des valeurs de la Convention.
Suisse (Guide de législation) : Le référendum est, avec le droit d’initiative, une institution caractéristique de notre démocratie directe.
On s'accorde à dire que, dans une démocratie libérale, la critique loyale des dirigeants politiques doit être largement admise.
Cour EDH. 6 octobre 2011 (Gaz.Pal. 2 février 2012 note Piot) sommaire : Les limites de la critique admissible sont plus larges à l'encontre d'un responsable politique dans l'exercice de ses fonctions. Dans ce domaine, la Conv.EDH "ne laisse guère de place à des restrictions au droit à la liberté d'expression".
De manière générale, il faut bien constater que, comme tout régime politique, la démocratie se dégrade
avec le temps, au fur à et mesure que les politiciens
découvrent ses faiblesses et s'efforcent de les exploiter dans leur propre intérêt. Avec le découpage des circonscriptions et la fraude électorale, les
ententes secrètes entre quelques partis structurés et l'influence de puissants groupes de pression, on en arrive à ce que 20% d'électeurs déterminés,
indifférents au Bien commun, finissent par dicter leur volonté à
80% d'électeurs manipulés, démoralisés ou impuissants. Les Grecs
le savaient déjà, et passaient par la voie du tirage au sort
pour nommer certains des dirigeants.
De nos jours la démocratie des pays européens, qui repose sur la
liberté individuelle, est gravement menacée tant sur le plan
temporel que sur le plan spirituel. D'un côté, elle est
confisquée par des sociétés secrètes à but politique, qui visent
leur intérêt propre et non le bien commun (c'est pourquoi les
seuls groupements prohibés dans la Chine impériale étaient ce
type de sociétés). D'un autre côté, elle peut être attaquée par
certains mouvements qui entendent instaurer une dictature
rejetant la séparation des pouvoirs temporel et spirituel (ainsi
la République de Weimar ne parvint pas à empêcher Hitler de
prendre le pouvoir, de même l'Empire libéral tsariste de la
Russie fut balayé par les idéologues communistes).
Aristote (Rhétorique) I, VIII : La démocratie est le gouvernement dans lequel les fonctions sont distribuées par la voie du sort.
St Thomas d'Aquin (Du gouvernement royal) : La plupart des gouvernements collectifs se sont terminés par la tyrannie ; c'est ce qui apparaît clairement dans l'exemple de l'État romain qui, ayant été longtemps administrés par plusieurs magistrats, vit de ce fait naître en son sein des rivalités et des dissensions, puis des guerres civiles, et finit par tomber sous le joug des plus cruels tyrans.
Proal (La
criminalité politique) Préface de le deuxième édition : Si
les hommes d'État les plus illustres n'ont pas répugné
aux crimes pour conquérir ou
conserver le pouvoir, comment s'étonner que des hommes
politiques de moins de génie, mais avides de domination,
continuent à employer la ruse et la violence, sans souci de la
justice ? Dans les gouvernements parlementaires comme dans les
gouvernements despotiques on entend encore cette odieuse parole:
« Il n'y pas de justice en politique »...
L'omnipotence parlementaire n'est pas la liberté, elle peut être
l'oppression de la minorité par la majorité et même, avec un
système électoral défectueux, l'oppression de la majorité par la
minorité.
Gorce (Traité de philosophie) 1938 p. 399 : La tyrannie de la moitié plus un constitue la forme la plus ordinaire de la tyrannie de masse qui vient se greffer facilement sur la démocratie. En effet, la moitié plus un des députés élus par la moitié plus un des électeurs vont dicter inexorablement leur loi à une minorité qui peut être considérable. Même si cette minorité ensuite devient majorité et se venge, il n'y en aura pas moins eu sans cesse un système de luttes intestines où tour à tour les citoyens ont été molestés. La juste démocratie suppose, autant que faire se peut, une large représentation proportionnelle non seulement des électeurs par les députés, mais de la plupart des partis dans le gouvernement.
Bautain (Traité de philosophie) 1860 p. 357 : Rien de plus facile à séduire que la multitude, et partout où elle domine, on parvient à la corrompre ; car on est obligé de marcher à coups de majorité, et la majorité s’obtient rarement par les moyens honnêtes. Comme il faut absolument l’avoir, tous les efforts se tournent vers ce but. On est prêt à tout donner, à tout faire pour la conquérir… Il y a en tout cela beaucoup d’illusions ; par derrière tout l’échafaudage constitutionnel, il se joue toujours une comédie humaine, qui finit souvent en tragédie. La comédie, c’est que ceux qui sont en avant ne font rien la plupart du temps ou peu de choses, et c’est toujours un homme caché par derrière qui fait tout aller, comme aux marionnettes, avec des ficelles.
Vergely (Dictionnaire de la philosophie) : De par leurs présupposés philosophiques, les sophistes ont été les défenseurs de la démocratie... Mais la question se pose de savoir si c'est par un régime fondé sur une convention collective que l'on peut le mieux lutter contre la tyrannie. Car quand le plaisir se met à guider une cité, n'y a-t-il pas un danger de voir apparaître un régime fondé sur la démission des uns, vivant dans la facilité, et la démagogie des autres, flattant la facilité des premiers afin de mieux pouvoir les dominer ?
Pierre et Martin (Cours de morale pour l'enseignement primaire) : La démocratie a pour avantage de développer la dignité et les sentiments généreux de tous les citoyens, en leur permettant de s'intéresser aux affaires publiques... Mais la foule obéit plutôt à la passion qu'à la raison. Ses opinions sont extrêmement mobiles, toujours superficielles et irréfléchies, et quelquefois extravagante. Le démocratie, si elle n'était réglée par de sages lois, dégénèrerait vite en anarchie et en désordre. [mais comment édicter de sages lois pour séduire la foule des électeurs ?].
- Droit positif. Officiellement, la France est régie par une démocratie libérale. Mais deux cents ans de pratique ont profondément faussé le fonctionnement du système, qui, de nos jours, repose moins sur la vertu que sur la mensonge. D'où la formule qui a fait actuellement florès : « Les promesses électorales n'engagent que les électeurs assez naïfs pour y ajouter foi »..
Constitution du 4 octobre 1958. Art. 2 al. 4 et 5 : La devise de la République est Liberté, Égalité, Fraternité. Son principe est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple.
Trib.admin. Clermont-Ferrand 18 mai 1993 (Gaz.Pal. 1994 I panor.adm. 14) : Il est vrai que le régime de l’Union Soviétique peut difficilement être regardé comme un modèle de «référence à la démocratie, la liberté, l’égalité et la fraternité qui constituent les valeurs politiques de la France» et d’une manière générale «aux principes proclamés dans la déclaration des droits de l’homme».
Saint-Denis de la Réunion 8 novembre 1984 (Gaz.Pal. 1985 I 215) : Selon la formule de Montesquieu, le ressort de la démocratie étant la vertu, les citoyens français ont le droit et même le devoir d’être très exigeants sur la vertu de leurs hommes politiques. Il se déduit de cette exigence que les citoyens ont le droit de savoir quel a été le comportement public passé de ces hommes politiques.
DÉMORALISATION DE L’ARMÉE
Cf. Armée*, Défaitisme*, Défense nationale*, Fausse nouvelle*. Rapprocher : Délit militaire*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° I-I-113, p.88
Voir : Tableau des incriminations visant à assurer l'existence de la Nation (en droit positif français)
L’art.413-4 C.pén. incrimine le fait de participer à une entreprise de démoralisation de l’armée en vue de nuire à la défense nationale (ancien art. 84).
Vitu (Droit pénal spécial) : La résistance morale d’une armée ou d’une nation est un facteur essentiel pour la victoire : ruiner cette résistance est le but de la guerre psychologique, qui est un des aspects de la guerre moderne. À cet effet, le législateur considère comme un cas de trahison ou d’espionnage le fait de participer à une entreprise de démoralisation de l’armée ou de la nation ayant pour objet de nuire à la défense nationale.
Ancien testament - Livre de Jérémie. Pendant le siège de Jérusalem, les chefs qui tenaient Jérémie en prison dirent au roi : "Que cet homme soit mis à mort : en parlant comme il le fait, il démoralise tout ce qui reste de combattants dans la ville, et toute la population".
Code annamite des Lés (traduction Deloustal). Art. 246 : Les officiers de tout rang qui, en campagne, ne s'accorderont pas entre eux, ou divulgueront la situation militaire dans le but de démoraliser ceux qui les entourent, seront indistinctement punis de la décapitation.
Code pénal de Tunisie. Art. 60 bis. Sera coupable de trahison et puni de mort … tout Tunisien qui aura participé sciemment à une entreprise de démoralisation de l’armée ou de la nation ayant pour objet de nuire à la défense nationale.
Code pénal du Burundi. Art. 570. S Est coupable de trahison et puni de la servitude pénale à perpétuité, tout Burundi qui, en temps de guerre... 3° Participe sciemment à une entreprise de démoralisation de l’Armée ou de la Nation ayant pour objet de nuire à la défense nationale.
DÉNATALITÉ - Voir Avortement*, Natalité*.
DÉNI DE JUSTICE
Cf. Délit de fonction*, Juge*, Justice*, Magistrat*, Nul ne peut se faire justice à soi-même*, Responsabilité civile de la justice*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-I-109 , p.34 / n° I-I-II-1, p.121
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° II-I-121, p.359
- Notion. Dans le langage courant, on appelle déni de justice le fait, par le législateur d’abord, par un juge ensuite et surtout, de manquer à son devoir de faire régner la justice.
Littré (Dictionnaire) : Déni de justice : manquement d’un juge à rendre la justice qu’on lui demande, soit par refus, soit par négligence.
Bourg Saint-Edme (Dictionnaire de la pénalité) : Le déni de justice, c'est le refus que fait un juge de rendre la justice à qui la lui demande, lorsque la décision du point contesté est de sa compétence.
Hauriou (Au sources du droit) : Lorsque l’administration couvrait son fonctionnaire, sous le prétexte qu’il n'avait commis qu’un fait de service et le soustrayait aux poursuites personnelles, elle commettait, en somme, un déni de justice, en ce sens que la victime du préjudice ne trouvait plus devant elle aucun responsable.
Cas.civ. 12 juin 1929 (Gaz.Pal. 1929 II 541) : Le déni de justice est le refus ou la négligence de juger, ou plus généralement de prendre une décision, de la part de ceux qui sont appelés à rendre la justice.
Paris 29 janvier 1997 (Gaz.Pal. 1997 I 360) : Le déni de justice procède d’un refus de répondre aux requêtes ou d’un défaut de diligence pour instruire ou faire juger les affaires en temps utile.
TGI Paris 6 juillet 1994 (Gaz.Pal. 1994 II 589) : Il faut entendre par déni de justice non seulement le refus de répondre aux requêtes ou le fait de négliger de juger les affaires en état de l'être, mais aussi, plus largement, tout manquement de l'État à son devoir de protection juridictionnelle de l'individu.
- Règle morale. Du fait qu'elle place la justice au premier rang des devoirs qui pèsent sur les pouvoirs publics, la morale tient le déni de justice pour une faute particulièrement grave.
Bentham (Traité des preuves judiciaires) : Si la justice est le bien qui renferme tous les autres, le déni de justice est un mal qui comprend tous les maux : perte de la fortune, perte de l'honneur, perte de la liberté, perte de la vie.
Ahrens (Cours de droit naturel) : Refuser la protection sociale à une vie nouvelle, quelque part qu'elle se manifeste, est un déni de justice.
Baudin (Cours de philosophie morale) : Le service de la justice publique est le plus grand devoir social de l'État, et la trahison de ce devoir sa plus grande faute sociale.
Chemin ( Code de religion et de moralité) cite William Penn : Différer de rendre justice est une injustice.
- Science criminelle. Le déni de justice constitue d'abord une faute professionnelle, un manquement aux
obligations de la fonction, une violation des règles déontologiques. C'est pourquoi les droits évolués autorisent la victime d'un déni de justice à se
tourner vers une autorité supérieure.
Mais il apparaît surtout comme un manquement à l'un des devoirs essentiels de l'autorité publique, qui est de faire régner le droit ; il appelle dès
lors une ferme sanction civile ou pénale.
Voir : Tableau des incriminations protégeant la fonction judiciaire (selon la science criminelle)
Du Boys (Histoire du droit criminel) : L'une des plus grandes obligations du seigneur était de faire bonne justice au vassal, à qui le déni de justice ouvrait un recours devant le suzerain contre son seigneur direct.
Henri-Martin (Histoire de France, T.1) : Sur le Capitulaire de Charlemagne de mars 779, relatif notamment au déni de justice, fait en concile synodal des évêques, abbés et notables : Si un comte ne rend pas la justice dans son comté, les commissaires du roi (missi dominici) s'installeront dans son logis, jusqu'à ce que justice ait été rendue.
Travaux préparatoires de l’Ordonnance de 1667. Le Chancelier Séguier : Le Roi donne toujours sa protection à ses sujets, et il est obligé de leur faire rendre Justice en son royaume. Talon : Le Roi a donné la Juridiction à tous les juges : c’est en abuser lorsqu’ils refusent la Justice.
Bluntschli (Droit public général) : Dans l'Ancien empire, en cas de déni de justice de la part des tribunaux d'un État particulier, on pouvait recourir aux tribunaux de l'Empire.
Merlin (Répertoire de jurisprudence) V° Déni de justice : C'est le refus que fait un juge de rendre la justice, quand elle lui est demandée. Ne pas rendre la justice quand elle est due, c'est en quelque façon commettre une injustice ; c'est du moins trahir un de ses devoirs les plus essentiels ; c'est manquer à ses concitoyens... Le déni de justice peut avoir lieu, non seulement lorsque le juge refuse de décider, mais encore lorsqu’il refuse de prêter son ministère pour dresser des procès-verbaux, apposer des scellés etc.
Perrot (Institutions judiciaires) : L’État doit obligatoirement rendre la justice lorsqu’elle lui est demandée. Le juge qui refuserait de juger se rendrait coupable d’un déni de justice susceptible d’entraîner contre lui des sanctions disciplinaires et, éventuellement, une condamnation à des dommages-intérêts.
Rigaux et Trousse (Les crimes et les délits du Code pénal) : La ratio legis de ce délit réside dans le fait que, les citoyens ne pouvant se faire justice à eux-mêmes, il est indispensable qu’ils trouvent des juges pour trancher les différends qu’ils ont entre eux ou avec l’administration.
Code de procédure pénale suisse. Art. 393 et s. : Recevabilité des voies de recours... Le recours peut être formé pour les motifs suivants: a) violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, b) déni de justice c) retard injustifié... Le recours pour déni de justice ou retard injustifié n’est soumis à aucun délai... Si elle constate un déni de justice ou un retard injustifié, la cour peut donner des instructions à l’autorité concernée en lui impartissant des délais pour s’exécuter .
Code pénal du Luxembourg. Art. 258 - Tout juge, tout administrateur ou membre d’un corps administratif, qui, sous quelque prétexte que ce soit, même du silence ou de l’obscurité de la loi, aura dénié de rendre la justice qu’il doit aux parties, sera puni d’une amende de 500 euros à 5.000 euros, et pourra être condamné à l’interdiction du droit de remplir des fonctions, emplois ou offices publics.
Le législateur soumet fréquemment les poursuites pénales à une condition préalable : il exige de la partie concernée qu'elle mette formellement le magistrat réticent en demeure de statuer. Peut-être, en raison de l'accroissement du domaine social couvert par les magistrats, conviendrait-il de concevoir une procédure plus aisée à mettre en œuvre.
Jousse (Traité de la justice criminelle) : Avant de pouvoir prononcer le jugement d'évocation , du moins dans le cas de négligence ou de déni de Justice, il faut prévenir le Juge dont on veut évoquer, par une sommation ou avertissement; de faire juger l'affaire, ou pour qu'il accomplisse telle procédure dans le délai qui lui fera indiqué ; après lequel temps, et faute d'avoir satisfait à cet avertissement, le Juge supérieur pourra évoquer l'affaire à lui.
Code pénal de Côte d'Ivoire. Art. 237 : Est puni d'une amende de 30.000 à 300.000 francs tout juge qui, même en cas de silence ou d'obscurité de la loi, s'abstient de statuer et qui, après réquisition d'une partie, persévère en son déni de Justice. L'exercice de toute fonction publique peut, en outre, lui être interdit pendant cinq ans.
Code pénal du Burundi. Art. 392 : Le fait pour un
magistrat, de dénier de rendre justice après en avoir été requis est puni de huit jours à un mois de servitude pénale principale et d’une amende de
cinquante mille francs à cent mille francs ou d’une de ces peines seulement.
S’expose aux sanctions prévues à l’alinéa précédent, l’Officier de police judiciaire ou le Magistrat instructeur qui, sans excuse valable, dépasse les
délais prescrits par le Code de Procédure Pénale.
Cadiet (Chronique JCP 1994 I 3805) : La montée en puissance du juge parmi les modes de régulation sociale, au détriment même des autres fonctions de l’État, n’est concevable qu’avec un renforcement des règles de la responsabilité du fait de la fonction juridictionnelle. Protectrice des justiciables, l’aménagement de ces règles serait, au surplus, un facteur de légitimation supplémentaire du pouvoir de juger.
Au sens large, un juge ne commet pas seulement un déni de
justice lorsqu'il refuse de statuer sur une requête
régulièrement déposée devant lui, mais encore lorsqu'il rejette
illégalement une citation en violation du principe de la
séparation des pouvoirs.
L'article 127 du Code pénal de 1810 incriminait spécialement cette
violation de la Constitution ; il a été supprimé à tort lors de
la rédaction du Code de 1993.
Garçon (Code pénal annoté, 1e éd.)) : Les art. 127 et 128 ont pour but de donner une sanction pénale au principe de la séparation des pouvoirs.
Vitu (Traité de droit pénal spécial, T.I n° 321)) : Le principe de la séparation des pouvoirs, qui a reçu de Montesquieu la définition la plus précise, trouve sa protection dans les articles 127 à 131 du Code pénal, qui frappent soit les empiètements des autorités judiciaires sur le pouvoir législatif ou le pouvoir exécutif, soit les empiètements des autorités administratives sur le pouvoir législatif ou sur le pouvoir judiciaire.
- Droit positif français. Délit pénal. L’art. 185 de l’ancien Code pénal n’incriminait
le déni de justice que si le juge avait refusé de remplir sa mission dans une affaire donnée, quoiqu’il ait été mis en demeure de statuer par ses
supérieurs.
Au motif qu’elle était restée sans application, cette incrimination restrictive fut abandonnée lors de la rédaction du nouveau Code. Elle y a finalement
été rétabli, à l’art. 434-7-1 ; mais elle demeure contenue dans des limites si étroites qu’elle n’offre guère de garanties aux justiciables.
Voir : Tableau des incriminations assurant le bon fonctionnement de la justice (en droit positif français)
Larguier (Droit pénal spécial) : Le déni de justice est le
fait... de persévérer dans son déni après avertissement ou injonction de ses supérieurs: mais un magistrat du siège n’a pas, dans sa fonction, de
supérieur...
Garçon, (Code pénal annoté) : Cette condition, d’ailleurs mal déterminée, car on ne sait au juste quelle est l’autorité supérieure
dont il est ici question, rend à peu près inapplicable l’art. 185.
Cass.crim. 6 juillet 1982 (Gaz.Pal. 1983 I 32) : Une décision de classement sans suite prise en application de l’art. 40 C.pr.pén. ne saurait constituer le délit de déni de justice prévu par l’art. 185 C.pén. et ne peut comporter aucune sanction pénale.
Cass.crim. 6 janvier 1988 (Gaz.Pal. 1988 I 328) : Les droits reconnus par la loi à la partie civile ne comportant pas celui d’enjoindre au magistrat instructeur de prononcer une inculpation, sa décision à cet égard ne saurait constituer le délit de déni de justice.
Délit civil. Le délit à sanction purement civile apparaît plus étendu : il se manifeste notamment dans des espèces où le disfonctionnement de la justice appelle surtout des réparations civiles.
Code civil. Art. 4 - Le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l’obscurité ou de l’insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice.
Cass.crim. 4 février 1920 (Gaz.Pal. 1920 I 300) : Le juge ne peut rejeter une demande de dommages-intérêts sous le prétexte que les données de l’expertise ne lui permettent pas de chiffrer le quantum des dommages-intérêts avec la plus grande exactitude et sans la moindre erreur possible, alors qu’il reconnaît que la demande est fondée en son principe, et qu’il lui appartient de recourir, s’il y a lieu, à une mesure d’instruction. .
TGI Paris 6 juillet 1994 (Gaz.Pal. 1994 II 589 note Petit) : Aux termes de l’art. L. 781-1 C.organ.jud., « l’État est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service de la justice», et «cette responsabilité n’est engagée que par une faute lourde ou par un déni de justice ».
DÉNIGREMENT
Cf. Calomnie*, Diffamation*, Médisance*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la personne humaine » (4e éd.), n° III-309, p.366
- Notion. Dénigrer consiste dans le fait de médire d'une personne (ou d'un ensemble de personnes), en lui déniant les qualités qu'elle manifeste dans l'exercice de ses fonctions familiales, professionnelles ou sociales.
Larousse des synonymes : Dénigrer implique des attaques générales, injustes ou excessives contre le talent, l'habilité, le mérite.
Bruguès (Dictionnaire de morale catholique) v° Dénigrement : Le dénigrement procède par insinuation, il tourne en dérision, il cherche à couvrir l'autre de confusion, il jette le trouble.
- Règle morale. Les moralistes s'entendent pour condamner le dénigrement, la diffamation ou la calomnie visant une personne ou un groupe de personnes.
Règle de Saint Benoît, Chapitre 4 : Quels sont les instruments pour bien agir ? n° 40 : ne pas dénigrer.
Confucius (Entretiens) 4 : L’homme honorable hait ceux qui publient les défauts d’autrui ; il hait les hommes de basse condition qui dénigrent ceux qui sont d’une condition plus élevée...
Bautain (Manuel de philosophie morale) : Il sied mal à un citoyen de dénigrer sa patrie ou de souffrir qu'on l'insulte eu sa présence.
Neufbourg (La loi naturelle) : Que diriez-vous de celui qui... ne se ferait aucun scrupule, à l'occasion, de dénigrer amis et ennemis ?
Holbach (La morale universelle) : Est-il donc un plaisir plus détestable, que de courir de maisons en maisons pour dénigrer ses concitoyens, pour divulguer les traits qui peuvent leur nuire ?
- Science criminelle. En raison du fait que chaque langue prête des sens quelque peu différents aux termes dénigrement, diffamation ou calomnie, il est délicat de dire au seul vu des textes de loi dans quelle mesure le dénigrement est incriminé par les législateurs anciens ou étrangers.
Code pénal cambodgien (Édition Leclère) Extrait des Lois constitutionnelles : Ne dénigrez personne.
Code pénal Suisse. Art. 261 bis : Celui qui, publiquement, aura propagé une idéologie visant à rabaisser ou à dénigrer de façon systématique les membres d’une race, d’une ethnie ou d’une religion... sera puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire .
Code pénal de Porto Rico de 1974. Art. 118 : Quiconque, malicieusement, par tout moyen... dénigre la mémoire d'un défunt sera sanctionné par une peine de réclusion de six mois au plus.
- Droit positif. La loi pénale française n'incrimine pas le dénigrement. Mais si les propos reprochés ne constituent ni une calomnie ni une diffamation, ils peuvent caractériser le délit civil de médisance sanctionné par l'art. 1382 C.civ.
Lalou (Traité de la responsabilité civile) : La jurisprudence considère qu'il y a abus de droit lorsque l'exercice de ce droit a lieu uniquement pour nuire à autrui... Ainsi du fait de publier dans un journal la critique d'un film en cherchant moins à condamner la qualité de ce film qu'à porter atteinte à la société qui l'exploite ; alors surtout que cette critique fait partie d'une campagne de dénigrement entreprise systématiquement contre tous les films de la même société (Trib.civ. Seine 30 mars 1928, D.H. 1928 262).
Cass. 1e civ. 28 juin 2007 (Gaz.Pal. 2007 p. 3324) : Une campagne de dénigrement menée contre l'un des candidats est de nature à justifier l'annulation de l'élection, lorsque les manœuvres ont eu pour effet de fausser les résultats de la consultation et de porter atteinte à la sincérité du scrutin.
Cass. 1e civ. 20 septembre 2012, n° 11-20963 (Gaz.Pal. 7 février 2013) analyse Fourment et Michalski : Les appréciations, même excessives, touchant les produits, les services ou les prestations d'une entreprise individuelle et commerciale n'entrent pas dans les prévisions de l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881, dès lors qu'elles ne portent pas atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne physique ou morale qui l'exploite.
TGI Lyon 18 mars 1994 (DS 1994 IR 149) : La mission d’information du rédacteur d’une critique gastronomique ne peut être utilement remplie que si ce rédacteur dispose d’une large liberté d’expression et de critique ; cependant les reproches apportés doivent être motivés et la critique être dénuée d’un parti pris de dénigrement.