Page d'accueil > Table des rubriques > Dictionnaires de droit criminel > Lettre D : table d'accès > Lettre D (Septième partie)

DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL

- Professeur Jean-Paul DOUCET -

Lettre  D
(Septième partie)

DÉNONCIATION

Cf. Avis de recherche*, Appel à « tout sachant »*, Délation*, Excuse de dénonciation*, Mouton*, Non-dénonciation*, Plainte*, Sycophante*, Tribunal des Dix*.
Ci-dessous :  Dénonciation anonyme*, Dénonciation calomnieuse*, Dénonciation imposée*, Dénonciation intéressée*, Dénonciation de délit imaginaire*.

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.) : n° I-235 8°, p.201 / n° III-328, p.494

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.) : n° I-III-I-202 et s., p.269

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » : n° I-107, p.67 (obligation de dénonciation) / n° I-405, p.201 (exemption ou atténuation de peine) / n° I-415, p.211 (absence d'obligation de dénoncer) / n° III-215 bis, p.494 (su les excuses de dénonciation) / etc

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents » : n° 6 2° (immunité familiale)

Signe Renvoi livres Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société » : n° 6, p.10 / n° 14, p.18 /n° 15, p.18 / n° 36, p.36 / etc (concerne principalement les excuse atténuantes et les immunités sociales)

Signe Renvoi article Voir : Tableau des incriminations protégeant la fonction judiciaire  (selon la science criminelle)

Signe Renvoi rubrique Voir : Appel à la lutte contre les infractions (affiche photographiée à Henley, sur la Tamise).

Signe Renvoi rubrique Voir : Procès de Charlotte Corday (n°I-14)

Signe Renvoi rubrique Voir, sur la peine encourue pour crime de fausse monnaie, et l’invitation à la délation : Assignat.

Boite aux dénonciations  - Palais des Doges à Venise - Notion. La dénonciation consiste en une démarche visant à informer l’autorité judiciaire de l’existence d’une infraction. Lorsqu'elle émane d’une personne qui se présente comme victime, on parle de plainte.

Signe Doctrine Faustin Hélie (Traité de l'instruction criminelle) : La dénonciation n'a pour objet que de révéler un fait à la justice, la plainte a pour but d'en demander réparation.

Signe Exemple concret Le fabuliste Florian fit l’objet d’une dénonciation au Comité de salut public : « Sceaux, le 22 prairial. La société populaire, malgré la réclamation des patriotes, a laissé monter et chanter à la tribune le nommé Florian, cy-devant gentilhomme du cy-devant Penthièvre. ». En marge du registre, de la main de Robespierre : « Arrêter Florian et le transférer dans une maison d’arrêt de Paris ». Après la chute de Robespierre, Florian fut relâché.

- Dans la mesure où elle dénonce honnêtement les infractions commises, en particulier par les agents publics, la presse joue un rôle social positif non négligeable.

Signe Exemple concret Le Journal « Le XIXe siècle » publia sous le titre « Le trafic des décorations » l’article suivant : « Il paraît qu’un officier général tient boutique de décorations au ministère de la rue Saint-Dominique, et que, moyennant un prix de 20.000 à 25.000 F, il sera désormais possible de se faire décorer de la légion d’honneur ». Ces lignes suffirent à déclencher des poursuites qui aboutirent à la condamnation de Wilson, neveu du Président Grévy, lequel finit par démissionner.

- Science criminelle. La première question qui se pose est de savoir si les Dénonciations anonymes* doivent être prises en considération. Par ailleurs on peut craindre que le dénonciateur ne soit en même temps un provocateur s’attaquant à des personnes qui n’envisageaient même pas de troubler l’ordre public.

Signe Histoire Tablette babylonienne : La tablette d’or qui a disparu du Temple d’Assur a été vue entre les mains de X… Que le Roi intervienne, qu’il envoie le questionner.

Signe Histoire Dion Cassius (Histoire romaine) : C’est l’usage du délateur de commencer par attaquer quelqu’un en paroles et par révéler quelque secret, afin qu’en l’écoutant, et surtout en laissant échapper une parole semblable, ses victimes donnent prise à une accusation… Elles sont alors livrées au supplice.

Signe Exemple concret Michelet (Histoire de France), à propos de ceux qui dénonçaient à l’Inquisition espagnole : Presque toujours c’était un débiteur qui, sûr du secret, comme en confession, venait de nuit porter son accusation contre son créancier. C’est ainsi qu’on payait ses dettes dans le pays du Cid.

- Droit positif français. L’art. 40 C.pr.pén. fait obligation à tout fonctionnaire de dénoncer toute infraction dont il a pris connaissance dans l’exercice de ses fonctions ; et l’art. 434-1 C.pén. prescrit à toute personne qui prend connaissance d’un crime en cours de réalisation d’en informer l’autorité publique. Voir : Non-dénonciation de crime*.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 26 juin 2007 (Bull.crim. n° 173 p.743) : Le président d'un tribunal de commerce, auquel est adressée la dénonciation d'un fait de nature à entraîner des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires contre une personne, est une autorité constituée, au sens de l'art. 40 C.pr.pén., qui, lorsqu'elle acquiert, dans l'exercice de ses fonctions, la connaissance d'un crime ou d'un délit, est tenue d'en donner avis sans délai au procureur de la République.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 14 décembre 2000 (Bull.crim. n°380 p.1178) : La dénonciation au procureur de la République, par le supérieur hiérarchique des agents de la Direction départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la répression des Fraudes, des faits délictueux que ceux-ci ont constatés dans l’exercice de leurs fonctions, répond aux exigences de l’art. 40 C.pr.pén.

DÉNONCIATION ANONYME

Cf.  Anonymat*, Dénonciation intéressée*.

La dénonciation faite par une personne qui refuse de donner son nom a toujours eu mauvaise réputation (on pense ici au « corbeau ») ; il est vrai que sa constance au cours des siècles donne une piètre idée de la nature humaine. À Venise, le Conseil des Dix était allé jusqu’à mettre en place des boîtes postales spéciales, ayant la forme d’une tête de lion sculpté la gueule ouverte.

Signe Histoire M.Garçon (Histoire de la justice sous la IIIe République) : Après les crimes de la Commune de Paris, les tout aussi abominables vengeances : du 22 mai au 13 juin 1871 les autorités reçurent 379.823 dénonciations anonymes écrites.

Signe Histoire Denisart (Collection de jurisprudence, 1768) montre la conciliation tentée par notre Ancien droit : La dénonciation et le dénonciateur doivent rester inconnus tant que l’action dure ; mais si par le jugement l’accusé est renvoyé absous, le procureur du Roi doit lui nommer son dénonciateur (Ordonnance d’Orléans de janvier 1560).

Signe Droit comparé Code de Gia Long, art. 302 (premier décret complémentaire) : Quiconque aura lancé ou affiché une accusation écrite contre quelqu'un en cachant ses noms de famille et personnel, sera puni de la strangulation avec sursis... Les accusations anonymes transmises aux tribunaux ne peuvent jamais donner lieu à aucune suite.

Signe Doctrine Brissot de Warville (Théorie des lois criminelles) : Il est des gouvernements assez mal constitués pour admettre des accusations secrètes. Je ne connais point de délit dont la nature puisse autoriser les délations et les peines secrètes ; il n’y a que des tyrans qui soient forcés d’avoir recours au secret pour dérober au public leurs injustices. L’accusateur qui ne veut pas se nommer est un lâche et un fourbe ; ce n’est pas celui qu’il accuse qu’on doit punir, c’est lui-même.

Signe Exemple concret Extrait du registre du bureau de la surveillance générale, du 13 prairial an II : Un anonyme dénonce trois individus de la commune d’Estouilly près Ham, département de la Somme. En marge : Faites arrêter ces trois individus.

- La dénonciation anonyme peut cependant être tolérée dans le cas où celui qui connaît l’existence d’un crime ou l’identité d’un criminel craint pour sa vie. En droit positif une telle dénonciation ne saurait être considérée comme un témoignage, faute de débat contradictoire ; mais, dès lors qu’elle est circonstanciée, elle peut être prise en considération par les juges en tant que simple renseignement. Voir : Témoignage anonyme* et Dénonciation intéressée*.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 9 juin 1998 (Gaz.Pal. 1998 II Chr. 175) : Les juges ont pu se référer à un procès-verbal rapportant des renseignements obtenus auprès d’une personne désirant conserver l’anonymat, qui ne constitue pas une audition de témoin au sens de l’art. 101 C.pr.pén. et n’est donc pas soumis aux dispositions de l’art. 107 dudit Code.

DÉNONCIATION CALOMNIEUSE

Cf. Calomnie*, Délits pénaux (Délit composé)*, Diffamation*, Honneur*, Infractions pénales (infractions instantanées)*.
Sur la dénonciation simplement téméraire, voir : Abus de constitution de partie civile*.

Signe Renvoi livres Voir : J-P. Doucet, « La protection de la personne humaine » (4e éd.), n° II-314 p.374 / n° II-337 p.415

Signe Renvoi livres Voir : J-P. Doucet, « La protection de la Société », n° II-I-126, p.365

Signe Renvoi rubrique Voir : Le "Corbeau" signait "L'œil de tigre"

- Notion. Le délit de dénonciation calomnieuse consiste, spontanément et de mauvaise foi, à dénoncer une personne comme auteur de faits de nature à l’exposer à des sanctions pénales, administratives ou disciplinaires.

Signe Doctrine Jousse (Traité de la justice criminelle) : L'accusation calomnieuse est celle qui n'a pour principe que la mauvaise foi et l'injustice. L'accusation téméraire est celle sui est accompagnée de bonne foi, mais qui est entreprise avec imprudence.

Signe Doctrine Garçon (Code pénal annoté) : La dénonciation calomnieuse, c’est-à-dire la fausse déclaration portée de mauvaise foi, est un délit criminel ; celui qui sciemment accuse un innocent mérite une peine. La dénonciation téméraire est un délit civil : celui qui accuse un innocent, le croyant coupable, échappe à la loi pénale puisqu’il n’a pas d’intention délictueuse, mais il doit réparer le préjudice qu’il a causé par sa faute.

Signe Doctrine Nypels et Servais (Le Code pénal belge interprété) : La dénonciation calomnieuse participe des caractères de la calomnie. C'est une calomnie qui, par la forme qu'elle revêt, présente un caractère exceptionnel de gravité et de danger.

Signe Droit comparé Code de Gia Long. Art. 305 Commentaire officiel : Inventer des faits fictifs qui n'existent pas et en accuser quelqu'un s'appelle accuser calomnieusement.

Signe Exemple concret Vidocq (Mémoires) : Arrêté en pleine Terreur et jeté dans la prison où des aristocrates attendaient leur exécution, il fut relâché grâce à l’intervention d’un ami et finit par apprendre qu’il avait été l’objet d’une dénonciation par l’amant en titre de sa maîtresse du moment.

- Règle morale. La calomnie en elle-même constitue une faute grave au regard de la morale. Elle est particulièrement blâmable lorsqu'elle est adressée à une autorité publique et expose la personne visée à des poursuites et une condamnation injustifiées.

Signe Histoire Ulpien (DigesteXLVII X 13 3) : Si quelqu’un, par injustice, me cite devant un tribunal pour me faire du tort, je pourrai le poursuivre pour injure.

Signe Philosophie Burlamaqui (Principes du droit naturel) : Il faut ne point se parjurer, ne point calomnier, ne point rendre un faux témoignage.

Signe Philosophie Bouillier (Questions de morale) : Ne sont en aucun cassusceptibles d'indulgence, même de la part du moraliste le plus relâché... la diffamation, le calomnie.

Signe Philosophie Catéchisme de l'Église catholique. § 2507 : Le respect de la réputation et de l'honneur des personnes interdit toute attitude ou toute parole de médisance ou de calomnie.

Signe Philosophie Vittrant (Théologie morale) : La calomnie constitue une violation évidente de la justice. Cette faute sera grave toutes les fois que l'affirmation mensongère sera de nature à nuire gravement.

- Science criminelle. Le délit de dénonciation calomnieuse apparaît comme un Délit composé* (ou délit complexe) puisque, non seulement il porte atteinte à l’honneur de la personne visée, mais encore il expose les tribunaux à commettre une erreur judiciaire. C’est pourquoi son régime juridique présente une certaine complexité.

Signe Renvoi article Voir : Tableau des incriminations protégeant l'honneur et la considération  (selon la science criminelle)

Signe Doctrine Merle et Vitu (Traité de droit criminel) : Conçue autrefois, tout ensemble, comme une infraction contre l’administration de la justice pénale et contre l’honorabilité de la victime visée, l’incrimination de dénonciation calomnieuse voit maintenant l’accent se porter nettement vers le second de ces intérêts.

L'infraction suppose la dénonciation spontanée d'une personne, en raison de faits de nature à l'exposer à des sanction civiles, disciplinaires ou pénales. Il s'agit d'un délit subjectif qui suppose la connaissance chez l'agent de la fausseté des faits dénoncés, au moment où il procède à cette dénonciation.

Signe Droit comparé Code pénal suisse. Art. 303 : Celui qui aura dénoncé à l’autorité, comme auteur d’un crime ou d’un délit, une personne qu’il savait innocente, en vue de faire ouvrir contre elle une poursuite pénale… sera muni de la réclusion ou de l’emprisonnement.

Signe Droit comparé Code pénal d’Andorre. Art. 110 : Quiconque aura imputé faussement et malicieusement à une personne des faits constitutifs d’un délit devant une autorité, un fonctionnaire de police ou de justice ou de l’administration, sera puni d’un emprisonnement d’un maximum de trois ans.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 17 octobre 2006 (Bull.crim. n° 250 p.887) : La dénonciation calomnieuse est une infraction instantanée dont la prescription commence à courir le jour où la dénonciation est parvenue à l'autorité ayant le pouvoir d'y donner suite.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 11 février 1976 (Gaz.Pal. 1976 I 437) : L'élément intentionnel du délit exige, pour être constitué, non pas seulement une absence d'éléments sérieux, mais la connaissance par le prévenu de la fausseté des faits imputés.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 7 janvier 1987 (Bull.crim. n° 5 p.20) : Relaxe dès lors que la preuve n'est pas rapportée d'une mauvaise foi caractérisée au moment du dépôt de la plainte.

Signe Exemple concret Michelet (Histoire de France) : Les successeurs de Carrier, à Nantes, le 28 mai 1794, firent condamner à mort les dénonciateurs d’un officier qui n’avaient pas pu donner de preuves.

La fausseté des faits doit, semble-t-il, être établie par une décision de justice.

Signe Droit comparé Cour sup. just. Luxembourg 2 juillet 1969 (Pas.lux. 1969-1971) : La dénonciation n'étant punissable que si les faits dénoncés sont faux, ces faits doivent avant tout être vérifiés et déclarés faux ou non prouvés par l'autorité compétente... Le ministère public auquel appartient seulement l'exercice de l'action publique ne saurait entreprendre sur le droit exclusif du juge de prononcer sur lesdits faits et s'attribuer le jugement d'une question préjudicielle.

Sa sanction a longtemps été inspirée, très logiquement, par la peine du talion.

Signe Doctrine Ortolan (Éléments de droit pénal) : Les délits de dénonciation on d'accusation calomnieuse ont été placés pendent longtemps, suivant les mœurs de l'antiquité et suivant le principe vindicatif des pensées d'autrefois, sous la règle du talion.

Signe Droit comparé Code annamite des Lê. Art. 501 : Ceux qui auront porté une accusation calomnieuse contre quelqu'un seront punis de la peine prévue pour le fait calomnieusement imputé, diminuée d'un degré.

Signe Philosophie St Thomas d'Aquin (Somme théologique II-II q.68 a.4) : Le rôle du juge est d'établir entre les parties adverses l'égalité requise par la justice. Il est donc juste que celui, qui par son accusation, expose son prochain à un grave châtiment, soit passible de ce même châtiment... Mais Aristote prouve que la justice ne s'accommode pas toujours de la loi de réciprocité appliquée rigoureusement, car il y a une grande différence si quelqu'un blesse une personne volontairement ou involontairement : le châtiment est dû pour dommage volontaire, le pardon pour l'involontaire. C'est pourquoi, lorsque le juge constate que quelqu'un a fait une accusation fausse, sans intention de nuire, mais involontairement, par ignorance provenant d'une erreur justifiée, il n'impose pas la peine du talion.

- Droit positif français. Ce délit, incriminé par les art. 226-10 et s. C.pén. ( ancien art. 373), a été remanié par une loi du 9 juillet 2010.

Signe Renvoi article Voir : Tableau des incriminations protégeant l'honneur et la considération  (en droit positif français)

Signe Doctrine Goyet (Droit pénal spécial) : Les éléments du délit sont au nombre de huit : Une dénonciation, la spontanéité de la dénonciation, la forme écrite ou orale, la dénonciation à un officier de justice ou de police judiciaire ou administrative, une dénonciation portée contre une personne déterminée, une dénonciation portant sur un fait de nature à donner lieu à des sanctions, une dénonciation présentant un caractère calomnieux, une intention frauduleuse.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 7 décembre 2004 (Bull.crim. n° 308 p.1147) : Le délit de dénonciation calomnieuse exige, pour être constitué, que le fait dénoncé soit de nature à exposer son auteur à des sanctions pénales, administratives ou disciplinaires.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 15 juillet 1981 (Gaz.Pal. 1982 I somm. 68) : La mauvaise foi est un des éléments constitutifs de l'infraction prévue et réprimée par l'art. 373 C.pén. qui doit s'apprécier au jour de la dénonciation.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 2 juillet 1975 (Bull.crim. n°171 p.471) : En matière de dénonciation calomnieuse, il n’est pas nécessaire, pour constater l’existence du délit, d’établir la fausseté du fait dénoncé ; il suffit qu’en dissimulant sciemment certaines circonstances, le dénonciateur ait présenté le fait sous un aspect fallacieux, le faisant apparaître, faussement, comme devant entraîner une sanction.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 26 mai 2010 (pourvoi n° 10-80392) : Il résulte de l'arrêt attaqué que le prévenu a été cité du chef de dénonciation calomnieuse, pour avoir, alors qu'il était directeur administratif et financier de la société, signalé au commissaire aux comptes de celle-ci des abus de biens sociaux qu'il imputait à la partie civile ; le tribunal a déclaré ce dernier coupable par un jugement dont le prévenu et le ministère public ont interjeté appel ;
Pour confirmer
à bon droit le jugement entrepris, l'arrêt relève que le commissaire aux comptes est une autorité, au sens de l'article 226-10 du code pénal, l'article L. 823-12 du code de commerce lui faisant obligation de révéler au procureur de la République les faits délictueux dont il peut avoir connaissance dans l'exercice de sa mission.

Application dans le temps de la rédaction nouvelle, issue de la loi de 2010.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 14 septembre 2010 (pourvoi n° 10-80718) : Les dispositions d'une loi nouvelle s'appliquent aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée, lorsqu'elles sont moins sévères que les dispositions anciennes ;
Pour dire constitué le délit de dénonciation calomnieuse, l'arrêt relève que ce délit suppose, en premier lieu, que les faits dénoncés aient été préalablement déclarés faux par l'autorité compétente ; les juges ajoutent, reprenant les termes de l'art. 226-10 C.pén., alors en vigueur, qu'en l'espèce, la fausseté des faits dénoncés par le prévenu résulte de l'arrêt de la chambre de l'instruction, devenu définitif, qui a déclaré que la réalité des infractions dénoncées n'était pas établie ;
Mais l'art. 226-10, al. 2, C.pén., issu de l'article 16 de la loi du 9 juillet 2010, immédiatement applicable, dispose, désormais, que la fausseté du fait dénoncé résulte nécessairement de la décision, devenue définitive, d'acquittement, de relaxe ou de non-lieu, déclarant que le fait n'a pas été commis ou que celui-ci n'est pas imputable à la personne dénoncée ; il y a dès lors lieu
de procéder à un nouvel examen de l'affaire au regard de ces dispositions plus favorables en ce qu'elles restreignent l'étendue de la présomption de fausseté du fait dénoncé.

Cas du classement sans suite.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 12 octobre 2010 (n°10-80157, Gaz.Pal. 6 janvier 2011) sommaire : Il appartient à la juridiction saisie des poursuites calomnieuses d'apprécier la pertinence des accusations lorsque les faits dénoncés ont donné lieu à un classement sans suite.

On doit souligner que ce délit suppose une dénonciation spontanée.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 3 mai 2000 (Gaz.Pal. 2000 II Chr.crim. 2500) : En vertu de l'article 226-10 C.pén., la dénonciation calomnieuse n'est caractérisée que si elle est spontanée.

Signe Exemple concret Exemple (Ouest-France 8 mai 2009) : Le Tribunal correctionnel de Vannes a rendu le 7 mai 2009 un jugement reconnaissant le prévenu coupable de dénonciation calomnieuse. Il devra payer une amende de 1.000 € et verser 3.000 € à la victime ainsi que 3.130 € à l'hôpital de Saint-Avé qui s'était également constitué partie civile. Par lettre manuscrite adressée à l'hôpital où la femme est agent, l'homme avait accusé son ex-concubine d'être " une voleuse. Elle chaparderait les vêtements, les cigarettes, le linge de toilette des patientes de l'établissement ".

Cette incrimination, qui vise « une personne déterminée », protège aussi bien les personnes physiques que les personnes morales.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 22 juin  1999 (Gaz.Pal. 1999 II Chr.crim. 144) : À la différence de l'article 373 ancien C.pén., qui désignait nécessairement une personne physique en incriminant la dénonciation calomnieuse dirigée contre "un ou plusieurs individus", l'article 226-10 C.pén. vise la dénonciation dirigée contre "une personne déterminée", terme désignant aussi bien une personne physique qu'une personne morale.

La fausseté du fait dénoncé résulte d'une décision définitive d'acquittement ou de non-lieu déclarant que la réalité du fait n'est pas établie ou que celui-ci n'est pas imputable à la personne dénoncée. Si la dénonciation a été classée par l'autorité à laquelle elle avait été adressée, il appartient au tribunal saisi de la poursuite en dénonciation calomnieuse de s'assurer de la fausseté du fait ou de sa non imputabilité au prévenu. La nouvelle rédaction atténue la portée de la jurisprudence ci-dessous qui se satisfait d'un classement sans suite par le Parquet.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 21 avril 1980 (Bull.crim. n° 112 p.261) : Les juges du fond, saisis d'une poursuite en dénonciation calomnieuse, n'ont pas le pouvoir de remettre en question la décision de classement sans suite du procureur de la République.

Le moyen de défense tiré d'un fait justificatif obéit aux règles du droit commun.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 4 octobre 1989 (Gaz.Pal. 1990 I somm. 230) : L'ordre reçu d'un supérieur hiérarchique ne constitue pour l'auteur d'une infraction ni un fait justificatif ni une excuse lui permettant d'échapper aux conséquences de cette infraction.

DÉNONCIATION DE DÉLIT IMAGINAIRE -  Voir ci-dessous.

DÉNONCIATION IMPOSÉE

Dans les périodes troublées, ou encore pour certains crimes majeurs, des lois prescrivent aux citoyens de dénoncer les infractions dont ils ont connaissance.

Signe Histoire Ordonnance du Parlement de Paris d'avril 1530 : Quiconque connaîtrait quelque luthérien secret, il doit venir le révéler à la Cour du Parlement, et on donnera vingt écus au révélant ; autrement, qui le recélerait serait brûlé vif.

Signe Histoire Une ordonnance du Châtelet de Paris du 23 août 1726 enjoignait aux chirurgiens de Paris d’avertir incessamment les commissaires des blessés qu’ils auraient pansés (le chirurgien Des Essarts fut condamné à une amende pour avoir contrevenu à cette prescription).

Signe Droit comparé Garcillasso de la Vega (Histoire des Incas) : Les sujets de l’Inca étaient regroupés par dizaines dirigées par un décurion ; c’était le devoir de ce dernier de se porter pour accusateur si quelqu’un de sa brigade avait commis la moindre faute ; il était obligé d’en rendre compte au supérieur dont il dépendait, et celui-ci ou son propre supérieur devait prendre soin de faire châtier le coupable… En cas d’omission, on le châtiait doublement : une fois pour n’avoir pas bien fait son devoir, une autre pour s’être chargé du crime de celui qu’il n’avait pas accusé.

Signe Droit comparé Code annamite des Lé (exposé préliminaire) : En 1117, on promulgua un décret relatif au vol et à l’abattage des bêtes à cornes ainsi conçu : « Quiconque volera ou abattra une bête à cornes sera condamné à 90 coups de bâton et à la servitude ; son épouse sera condamnée à 80 coups de bâton et à la servitude dans les magnaneries ; les voisins qui n’auront pas dénoncé le fait seront punis de 80 coups de bâton ». Ce décret aurait été promulgué en raison du nombre considérable de vol de bêtes à cornes qui se commettait alors ; ce délit était devenu une véritable profession, et la pénurie de bêtes était telle qu’un seul bœuf servait au labourage des terres de plusieurs familles.

Signe Exemple concret Pierre le Grand, dans son Règlement ecclésiastique, imposa aux ministres du culte, réduits au rang de simples fonctionnaires, de rapporter à l’autorité les infractions commises par leurs ouailles, quitte à espionner leur vie privée.

Signe Exemple concret Khomeiny (Le Télégramme, 24 septembre 1982) : Les parents, les enfants et les enseignants doivent se surveiller mutuellement afin que les enfants ne tombent pas dans les filets des hypocrites américains et des déviationnistes communistes, a recommandé hier l’ayatollah Khomeiny à l’occasion de la rentrée scolaire en Iran. Les élèves doivent, avec la plus grande attention, surveiller le comportement des professeurs, et si jamais, par malheur, une tendance déviationniste est aperçue chez l’un d’eux, ils doivent en référer aux autorités responsables

- L’obligation de dénoncer doit être réservée à des cas particulièrement graves dans une démocratie libérale ; seuls les dirigeants d’un État totalitaire peuvent souhaiter que la masse de la population vive dans un climat de délation. Voir : Non-dénonciation de crime*.

Signe Droit comparé Code de procédure pénale espagnol, Art. 262 : Ceux qui, en raison de leur charge, profession ou fonction auraient connaissance d’un délit public seront obligés de le dénoncer immédiatement au ministère public, au tribunal compétent, au juge d’instruction, et à défaut, au juge municipal ou au fonctionnaire de police le plus proche du lieu, s’il s’agit d’un délit flagrant.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 2 mars 1961 (Bull.crim. n° 137 p.265) marque la prudence de nos magistrats sur ce terrain : l’article 62 n’édicte pas une obligation générale de délation à l’égard de toute personne que l’on sait coupable d’un crime ; ce n’est pas l’identité ou le refuge du criminel qui doit être porté à la connaissance des autorités, mais le crime lui-même.

DÉNONCIATION INTÉRESSÉE

Cf. Avis de recherche*, Appel à « tout sachant »*, Délation*, Mouton*, Sycophante* et Excuse de dénonciation*.

Signe Renvoi rubrique Voir : Exemples de dénonciations de Casanova à la police secrète de Venise

Si les délateurs des États totalitaires sont à juste titre méprisés, les autorités publiques des États libéraux ne peuvent cependant pas se priver de l’une des principales sources de renseignements, à savoir la dénonciation intéressée. Aussi rencontre-t-on dans l’histoire de nombreuses promesses de récompense pécuniaire à qui permettra de faire avancer telle enquête ou tel type d’enquêtes.

Signe Philosophie Bentham (Théorie des récompenses), chantre de l’utilitarisme : Aucune loi ne peut être exécutée, à moins que les infractions ne soient dénoncées : la fonction du dénonciateur est donc aussi nécessaire que celle de juge. Dans un État où chaque citoyen ferait son devoir, quiconque aurait la preuve d’un crime en deviendrait le dénonciateur. Ce devoir est malheureusement un de ceux auxquels on est le plus disposé à se soustraire. Les uns s’y refusent par une pitié mal entendue pour le coupable, les autres parce qu’ils désapprouvent quelque partie de la loi, d’autres par la peur de se faire des ennemis, plusieurs par indolence, presque tous par des occupations qu’ils ne peuvent interrompre sans perte. On a donc été réduit, au moins dans plusieurs États, à offrir aux dénonciateurs un attrait pécuniaire.

Signe Histoire Dion Cassius (Histoire romaine) : Quant aux meurtriers de César, ils furent énergiquement poursuivis, car l’accusateur recevait, pour sa part, une somme d’argent prise sur les biens du condamné, ses honneurs et sa charge, s’il en occupait une, et l’exemption du service militaire pour lui, ses enfants et ses descendants.

Signe Histoire Charles Quint, édit de 1531 contre les luthériens : Nous accordons à ceux qui les auront dénoncés la moitié des biens de ceux qu’ils auront accusé.

Signe Histoire Ordonnance de Blois de mai 1579, art. 202 : Faisons inhibition et défense à toutes personnes, de quelque état, sexe et condition qu’elles soient, d’exercer aucune usure. Et ce à peine d’amende, dont le quart sera adjugé aux dénonciateurs.

Signe Histoire Loi du 26 juillet 1793. L’art. 12 de cette loi portant sur l’accaparement de denrées de première nécessité accorde au délateur le tiers de la valeur du stock.

Signe Doctrine J.Minois (La Révolution Française) : La chute de Robespierre ne mit pas fin au calvaire du clergé. On continua de guillotiner des prêtres ; les Représentants du peuple avaient même porté à 500 francs le traitement des dénonciateurs des prêtres réfractaires.

Signe Droit comparé Code chinois des Ts’ing (Commentaire officiel) : Ceux qui peuvent dénoncer le coupable d’une contrefaçon de sceau officiel reçoivent de l’État une récompense de 50 onces d’argent.

Signe Exemple concret Cartouche fut arrêté par la police, après dix ans de méfaits, parce que son principal lieutenant, Duchâtelet, céda à la double tentation d’une récompense pécuniaire et de l’excuse absolutoire de dénonciation.

Signe Exemple concret Exemple. Télétexte du 24 juin 1999 : Les Etats-Unis ont offert jeudi plus de 30.000.000 F pour toute information amenant l’arrestation ou la condamnation de criminels de guerre, y compris Slobodan Milosevic.

Signe Exemple concret Exemple. Télétexte TF1 du 4 décembre 2007 : Toutes les personnes connaissant les personnes ayant tiré contre des policiers à Villiers-le-Bel la semaine dernière sont appelées à témoigner anonymement et contre rémunération.

En droit français il existe encore de rares textes incitant à la dénonciation de crimes ou délits, avec la perspective d'une gratification.

Signe Législation Loi du 2 juin 1891 sur les courses de chevaux. Art. 4 al.5 : Sur le produit des amendes, saisies et confiscations prononcées en vertu des dispositions qui précèdent, il sera réparti des récompenses, pouvant atteindre au maximum 25% aux agents verbalisateurs et saisissants.

DÉNONCIATION DE DÉLIT IMAGINAIRE (Dénonciation mensongère)

Cf.  Délit imaginaire*, Outrage*.

Signe Renvoi livres Voir : J-P. Doucet, « La protection de la Société », n° II-I-209, p.439

Signe Renvoi rubrique Voir : Affaire Truche de la Chaux (1762).

- Notion. Dénonce un délit imaginaire la personne qui prétend mensongèrement avoir été victime ou témoin d'une infraction à la loi pénale.

Signe Exemple concret Exemple Télétexte du 26 juillet 2004. Le Tribunal correctionnel de Paris a condamné M. L... à 4 mois de prison avec sursis pour dénonciation de délit imaginaire. Elle avait affirmé avoir été agressée avec son bébé par six jeunes qui la croyaient juive ; ce qui avait provoqué une vague d’indignation par toute la France. Elle avait ensuite avoué avoir tout inventé.

- Science criminelle. Dès lors que cette plainte ou dénonciation, non seulement peut être cause d'un scandale public, mais encore expose magistrats et police judiciaire à des recherches inutiles, son auteur doit se voir infliger une sanction pénale. Certains pays incriminent spécialement la dénonciation de délit imaginaire, d'autres se bornent à passer par la voie de l'outrage à magistrat.

Signe Renvoi article Voir : Tableau des incriminations protégeant la fonction judiciaire  (selon la science criminelle)

Signe Histoire Code annamite de Gia Long. Art. 235, décret complémentaire : Si des gens notables et influents d'un village sont animés d'intentions criminelles et perverses et qu'ils portent des plaintes fictives au sujet de vols et d'actes de pillage qui n'existent pas, pour nuire et causer du mal à quelqu'un qui est innocent, induisant ainsi en erreur les fonctionnaires chargés de la justice et les employés et agents chargés de poursuivre et d'arrêter les coupables, ils seront condamnés à la déportation, selon la loi relative à une accusation calomnieuse.

Signe Droit comparé Code pénal turc de 1926, art. 283 : Quiconque dénonce à l’autorité judiciaire… une infraction qu’il sait n’avoir pas été commise, ou qui en fabrique les traces de manière à rendre possible l’ouverture d’une procédure pénale pour la constater, sera puni de trente mois d’emprisonnement au plus.

Signe Droit comparé Code pénal du Luxembourg. Art. 276 - Note 5° : Si la dénonciation d'un délit imaginaire peut constituer le délit d'outrage prévu à l'art. 276 C.pén., il n'en est ainsi que si elle a été faite dans l'intention de se jouer des magistrats ou des agents de l'autorité publique, de les ridiculiser en les engageant dans des recherches stériles. Cour 4 février 1950, P. 15, 23.

- Droit positif français. Faute de texte spécifique, l'ancienne jurisprudence considérait qu’un tel acte constituait un outrage à l’autorité publique. Ce fait est réprimé par l'art. 434-26 du nouveau C.pén.

Signe Renvoi article Voir : Tableau des incriminations assurant le bon fonctionnement de la justice  (en droit positif français)

Signe Doctrine Malibert (Juris-classeur art. 434-26) : La volonté du législateur est de sanctionner la seule dénonciation d’infractions « imaginaires ». Un fait peut être mensonger dans une de ses composantes (par exemple son auteur) mais n’en avoir par moins une existence, alors que le fait imaginaire est sans réalité aucune. Certes, tout fait imaginaire est mensonger, mais un fait mensonger peut ne pas être imaginaire.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 29 mai 1985 (Bull.crim. n° 203 p.518) : La dénonciation d’un délit imaginaire qui implique la conscience chez son auteur qu’il porte atteinte à l’autorité des agents de la force publique en les exposant à d’inutiles recherches, caractérise les éléments légaux du délit d’outrage prévu par l’art. 224 C.pén.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 20 décembre 2006 (Bull.crim. n° 323 p.1196) : La dénonciation dont le caractère mensonger ne porte que sur une circonstance aggravante d'une infraction n'est pas constitutive du délit prévu par l'art. 434-26 C.pén.

S’il arrive qu’un innocent soit condamné sur dénonciation de délit imaginaire, et que la supercherie soit découverte, la victime de cette erreur judiciaire peut former un pourvoi en Révision*.

Signe Jurisprudence Cass.crim. 9 mai 1994 (Gaz.Pal. 1994 II 792) déclare recevable un pourvoi en révision après avoir relevé que : Le requérant, qui a été condamné pour outrage public à la pudeur sur la seule accusation de l’intéressée, fait maintenant valoir des témoignages selon lesquels cette dernière aurait dénoncé, sur les conseils de son père, un délit imaginaire, à seule fin d’obtenir des dommages et intérêts pour financer des leçons d’apprentissage de la conduite automobile.

DÉNONCIATION TÉMÉRAIRE -  Voir : Abus de constitution de partie civile*, Dénonciation calomnieuse*.

DENTISTE -  Voir : Médecine (exercice illégal)*.

Suite de la lettre D