DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL
- Professeur Jean-Paul DOUCET -
Lettre D
(Quatrième partie)
DÉGÂT (dégâts)
Cf. Atteinte à l'intérêt protégé*, Détérioration,*, Réparations civiles*.
Au Moyen-âge, certaines coutumes connaissaient un crime de « dégât » qui consistait dans la Détérioration destruction ou dégradation du bien d'autrui commise dans un esprit de méchanceté et sans considération de lucre.
Le Foyer (Le droit pénal normand au XIIIe siècle) : Le Dégât est un crime dirigé contre les biens. Ce crime se rapproche beaucoup du crime d'incendie, en ce sens que, tout comme ce dernier, il a sa source dans un pur esprit de méchanceté ou un désir de vengeance et non, comme le vol, dans un appétit de lucre. La condition essentielle du crime de dégât est d'être perpétré avec violence.
- À la fin de l'Ancien droit français, l'infraction de dégât n'était plus qu'une simple contravention de police rurale. Les coutumes qui la sanctionnaient ont été abrogées sous la Révolution.
Merlin (Répertoire de jurisprudence) : Dégât - C'est, en termes de police rurale et forestière, le ravage que commettent les bestiaux de quelqu'un dans l'héritage d'autrui... Le mot dégât s'entend aussi du dommage causé par les personnes aux propriétés d'autrui.
- De nos jours, de même que l'on parle de blessures résultant de violences contre les personnes, de même on parle de dégâts résultant de violences contre les choses. Il ne s'agit plus d'un délit pénal, mais des effets d'un délit pénal, d'un délit civil, d'un délit disciplinaire, voire d'un simple accident de la nature (dégât des eaux). En eux-mêmes les dégâts n'appellent que des réparations civiles.
Cass.crim. 11 janvier 1984 (Bull.crim. n°15 p.41) : D'après l'art. L 133-1 du Code des communes, la responsabilité de la commune est engagée à la triple condition que les crimes ou les délits aient été commis sur son territoire par un rassemblement ou un attroupement, armé ou non armé, que les actes constituant les crimes ou les délits aient eu lieu à force ouverte ou par violence et qu'enfin ces actes délictueux aient occasionné des dommages ou des dégâts.
DÉGRADATION (peine)
Cf. Honneur*, Peine - peine infamante*, Publicité de la peine*, Récompenses*.
Voir : J-P. Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° III-239, p.453
La dégradation est une sanction, pénale, militaire ou disciplinaire, consistant à dépouiller publiquement une personne des insignes de sa fonction. Tombée en désuétude, elle ne figure plus guère que dans les Codes de justice militaire et au Code de la Légion d’honneur.
Code de la légion d’honneur, Article R.111 : Les
procureurs généraux et procureurs de la République, les commissaires du Gouvernement près les tribunaux des forces armées ne peuvent faire exécuter
aucune peine infamante contre un membre de la Légion d’honneur qu’il n’ait été dégradé.
- Pour cette dégradation, le président de la cour, sur le réquisitoire du parquet, ou le président du tribunal des forces armées, sur le réquisitoire
du commissaire du Gouvernement, prononce, immédiatement après la lecture du jugement, la formule suivante : « Vous avez manqué à
l’honneur ; je déclare au nom de la Légion d’honneur que vous avez cessé d’en être membre. »
Léo Moulin (La vie quotidienne des religieux au Moyen-âge) : Des châtiments sont destinés à frapper l'amour-propre. Ce sont la rétrogradation du religieux coupable à la dernière place, ou la perte du voile pour les religieuses.
Code pénal de Roumanie. Art 67. - La peine complémentaire de la dégradation militaire consiste en perte du rang et du droit de porter un uniforme.
DÉGRADATION CIVIQUE
Cf. Blâme*, Interdiction des droits*, Mort civile*, Paresse (science criminelle)*, Peines*.
Voir : J-P. Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° III-239, p.453
La dégradation est une sanction pénale qui prive une personne de ses droits, voire de sa qualité, de citoyen. Le Code pénal de 1791 puis le Code de 1810 comportaient cette sanction. Elle a été remplacée par la peine de l’Interdiction de droits*.
Code pénal de 1791, I-I-31 : Le coupable qui aura été condamné à la peine de la dégradation civique sera conduit au milieu de la place publique où siège le tribunal qui l’aura jugé. Le greffier lui adressera ces mots à haute voix : « Votre pays vous a trouvé convaincu d’une action infâme : la loi et le tribunal vous dégradent de la qualité de citoyen français ».
Donnedieu de Vabres (Traité de droit criminel) : La dégradation civique a pour objet la privation de certains droits politiques ou civils. Elle intervient tantôt comme peine principale, tantôt comme peine accessoire.
Garnot (Histoire de la justice) : La dégradation civique, inventée par le Code pénal de 1791 est un héritage du blâme et de l'admonestation de l'Ancien régime, mais aussi de toute évidence, de l'amende honorable... Mais dans la mesure où ses conséquences se limitent à la privation, temporaire ou perpétuelle, de l'exercice des seuls droits politiques, elle peut être regardée comme théoriquement grave au niveau des principes, mais concrètement comme très légère.
Cass.crim. 11 janvier 1995 (Gaz.Pal. 1995 I Chr.crim. 238) : Aux termes de l’art. 112-1 C.pén., les dispositions nouvelles s’appliquent aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et n’ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée, lorsqu’elles sont moins sévères que les dispositions anciennes. Tel est le cas de l’art. 222-45 C.pén. prévoyant seulement la peine complémentaire facultative de l’interdiction des droits civiques, civils et de famille pour les personnes coupables notamment du crime de viol, alors que, selon les dispositions des art. 28, 34 et 463 du Code pénal applicables au moment des faits, toute condamnation à une peine criminelle emportait la dégradation civique.
DÉGRADATIONS - Voir : Détérioration*.
DÉICIDE
Cf. Blasphème*, Libertés - Libertés religieuses*, Sacrilège*.
Le déicide est le meurtre d'une personne tenue pour un Dieu. Le même terme désigne celui qui se rend coupable d'un tel acte.
Ainsi, aux yeux des Égyptiens, le roi de Perse Cambyse se rendit
coupable de déicide lorsqu'il frappa de son poignard un taureau
incarnant le Dieu Apis, et lui causa ainsi une blessure
mortelle.
Muyart de Vouglans (Les lois criminelles de France) : Quel crime pourrait-il être encore plus grand que celui de l'idolâtrie, sinon celui de Déicide ?
Du Boys (Histoire du droit criminel des peuples) : Nous finirons par quelques observations sur le jugement de Jésus-Christ, que naguère encore des docteurs juifs se sont efforcés de justifier sous le double point de vue de l'équité et de la légalité, comme s'ils avaient voulu continuer d'assumer sur eux la pesante solidarité du déicide.
TGI Paris (Réf.) (Gaz.Pal. 1996 I Somm. 46)) : Le texte litigieux, au lieu d'écarter l'accusation de déicide portée à l'encontre du peuple juif pendant des siècles mais condamnée par le Concile Vatican II, par sa phrase commençant par les mots «c'était vrai» reprend cette accusation qui a été cause, dans le passé, de discriminations et de persécutions tragiques. La Licra est fondée à soutenir qu'il est de nature à raviver l'antijudaïsme et est constitutif d'un trouble manifestement illicite.
DÉGUISEMENT - Voir : Masque*.
DÉLAI RAISONNABLE - Voir : Durée de la procédure*.
DÉLAIS DE PROCÉDURE
Cf. Acte juridique - acte de procédure*, Force majeure*, Forclusion*, Jour férié*.
En règle générale, un délai donné pour accomplir un acte de procédure pénale court à compter du lendemain du jour où est intervenu le fait générateur, et
il prend fin le dernier jour à vingt-quatre heures (on parle dans ce cas de délai « non franc »). Mais il y a prorogation du délai lorsque le
dernier jour tombe un samedi, un dimanche, un Jour férié* ou un jour chômé (art. 801 C.pr.pén.).
Pour fixer les idées on peut rappeler que les Écritures prennent en compte le jour où le fait s’est produit : crucifié un vendredi et ressuscité
le dimanche suivant, le Christ est dit ressuscité le troisième jour ; pour un pénaliste ce n’était que le deuxième jour.
Code de procédure pénale allemand, § 42 : Pour le calcul d’un délai fixé en jours, on ne comptera pas le jour dans lequel survient le moment précis ou l’évènement qui commande le début du délai.
Code de procédure pénale espagnol, >Art.
202 : Les délais judiciaires ne pourront être prolongés, si la loi ne dispose pas expressément le contraire.
Mais, s’il y a un motif légitime et prouvé, ils peuvent être suspendus ou être de nouveau ouverts, si cela est possible sans faire régresser le procès.
On considérera qu’il y a un juste motif, si l’impossibilité de prendre la décision ou d’exécuter l’acte judiciaire est indépendante de la volonté de ceux
qui doivent les prendre ou les exécuter.
Cass.crim. 27 janvier 1992 (Gaz.Pal. 1992 II Chr.crim. 366) : Aux termes de l’art. 801 C.pr.pén., dans sa rédaction issue de la loi du 6 juillet 1989, tout délai prévu par une disposition de procédure pénale pour l’accomplissement d’un acte ou d’une formalité qui expire normalement un samedi ou un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant. Cette prorogation s’applique au délai de trois jours imparti par l’art. 59 de la loi du 29 juillet 1881 pour se pourvoir en cassation. Est dès lors recevable le pourvoi formé par la partie civile le mardi 12 novembre 1991 contre un arrêt rendu le jeudi 7 novembre, le délai qui expirait le dimanche 10, suivi du lundi 11 novembre, jour férié, étant prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant.
Cass.crim.
25 juin 2013, n° 13-84355, sommaire : Lorsqu'un délai
est exprimé en jours ouvrables, au sens de l'art. 801 C.pr.pén.,
chacun des jours qui y sont inclus doit répondre à cette
définition, de sorte que sont à décompter, à l'intérieur dudit
délai, les jours fériés et chômés, ainsi que les dimanches et
samedis.
Justifie sa décision la chambre de l'instruction qui écarte la
demande de nullité formulée par une personne appréhendée sur
mandat d'arrêt européen au motif qu'elle aurait comparu devant
cette juridiction un jeudi, au-delà du délai de cinq jours prévu
par l'art. 695-29 C.pr.pén. à compter de sa présentation au
procureur général, intervenue le mardi de la semaine précédente,
dès lors qu'étaient inclus dans le délai suivant cette
présentation deux jours fériés, un samedi et un dimanche.
DÉLAISSEMENT
Cf. Abandon d’enfant*, Enfant*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° I-408, p.203
Voir : J-P. Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », n° 315, p.146
Voir : Tableau des incriminations protégeant la vie (en droit positif français)
Le délaissement consiste dans le fait d’abandonner une personne, dont on a la charge, en un lieu où elle se trouvera en danger.
En particulier, le délaissement d’une personne hors d’état de se protéger est incriminé par le Code pénal dans ses art. 223-3 et 223-4 (anciens art. 349
et s.).
Le délaissement de mineur est visé par les art. 227-1 et 227-2 C.pén. (anciens art. 349 et s.).
Code pénal du Luxembourg. Art. 354 - Seront punis d’un emprisonnement d’un mois à un an et d’une amende de 251 euros à 1.000 euros ceux qui auront exposé ou fait exposer, et ceux qui auront délaissé ou fait délaisser, en un lieu non solitaire, un enfant au-dessous de l’âge de sept ans accomplis.
Code pénal du Japon. Art. 217 - (Abandon) : Une personne qui en abandonne une autre qui, pour raison de sénilité, d'immaturité, de handicap physique ou de maladie, a besoin d'assistance sera punie par d'un emprisonnement d'un an au plus.
Cass.crim. 23 février 2000 (Gaz.Pal. 2000 II
Chr.crim. 1503) : Selon l’article 223-3 du Code pénal, le délit de délaissement de personnes hors d’état de se protéger suppose un acte positif,
exprimant de la part de son auteur la volonté d’abandonner définitivement la victime.
[de même : Cass.crim. 13 novembre 2007, Bull.crim. n°273 p.1131,
et Cass.crim. 9 octobre 2012, Bull.crim. n°213 p.461]
DÉLAISSEMENT D'OBJET DANGEREUX - Voir : Choses suspectes ou dangereuses*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° II-II-245, p.535
DÉLATION
Cf. Dénonciation*, Dénonciation intéressée*, Indicateur*, Mouton*, Non-dénonciation de crime, Sycophante*.
Voir : Dénonciation de Giacomo Casanova à la police secrète de Venise
- Notion. Le délateur est un individu qui, par appât du gain ou poussé par la haine, soit occasionnellement soit par profession, dénonce des infractions à l’autorité publique. Il doit être distingué du dénonciateur qui agit, à ses risques et périls, dans l'intérêt du Bien commun.
Larousse des synonymes : Dénonciateur, celui qui, guidé par l’intérêt général, met sur la trace d’un coupable. Délateur, celui qui dénonce en secret, par haine, par intérêt, souvent faussement « Les délateurs sont méprisables ».
Plutarque (Vie de Solon) : Autrefois il était défendu d’exporter des figues de l’Attique, et les délateurs de ceux qui en avaient exporté étaient appelés sycophantes.
Thomas (Cours de philosophie morale) : Lorsque la médisance dévoile une faute à ceux qui peuvent ou doivent la punir, elle prend le nom de délation... On sait quels crimes la délation a causés aux époques troublées de l'histoire ; à Rome, sous Tibère, Néron, Caligula ; en France, sous la Terreur et depuis.
- Règle morale. On ne saurait être surpris de constater que la délation, prise dans son sens strict, constitue une faute au regard de la morale.
Montesquieu (De l’esprit des lois) : A Venise, une bouche de pierre s’ouvre à tout délateur ; vous diriez que c’est celle de la tyrannie.
Beccaria (Des délits et des peines) : Des lois qui récompensent la trahison, qui allument entre les citoyens une guerre clandestine, qui excitent leurs soupçons réciproques, s’opposeront toujours à l’union si nécessaire de la politique et de la morale ; union qui rendrait aux hommes la sûreté et la paix.
Proal (La criminalité politique) : Par l’article
73 du décret du 23 mars 1793, la Convention donna une prime à la délation ; elle accorda le dixième au citoyen, qui faisait connaître des biens
d’émigrés, omis ou recelés ; elle reprit ainsi les odieuses pratiques des empereurs romains, qui avaient fait de la délation un moyen de
s’enrichir.
La loi sur les prêtres de septembre 1792 offrait une prime de 100 livres à toute personne dénonçant ou livrant un prêtre n’ayant pas prêté le serment
constitutionnel.
- Science criminelle. D’un point de vue philosophique on oppose l’efficacité et la moralité. Un gouvernement autoritaire encourage la délation pour asseoir son pouvoir : à Venise, le Conseil des dix avait des informateurs, nommés « confidents », tel Casanova après son retour à Venise en 1774. Un gouvernement libéral, normalement soucieux de moralité, reconnaît parfois la nécessité de la Dénonciation* des crimes mais ne va pas jusqu’à encourager la méprisable délation.
Joly (Le crime étude sociale) : Plus encore que l’énergie de l’autorité, la jalousie réciproque et la délation viennent à bout des bandes les plus solides en apparence. Dès qu’un de ses membres a parlé, c’est à qui s’empressera de faire des aveux et des révélations. Suivant l’effroyable expression de l’argot, tous les bandits « se mettent à table », et là, après avoir « mangé le morceau », ils se « mangent » les uns les autres.
Acollas (Les délits et les peines) : Nous estimons, pour notre part, que c’est mal servir la société que d’encourager la délation et la trahison, pour une cause particulière, si grave qu’elle soit.
Garraud (L’anarchie) : La légitimité de la répression du délit de propagande anarchiste secrète a été vivement discutée … En punissant ce fait, on s’expose à des méprises, à des inquisitions; on jette l’inquiétude parmi les gens tranquilles ; on encourage la délation.
Laget-Valdeson (Théorie du Code Espagnol de 1850, éd. 1860) : Le Code espagnol, et c'est à son honneur, n'a en aucun cas favorisé le délateur ; ce mot là n'est même pas prononcé dans un seul de ses articles. Dans une circonstance et une seule, celle de la conspiration contre la vie du Roi ou du successeur immédiat à la couronne, la non-révélation est punie d'une simple peine correctionnelle.
Wallon (Histoire du Tribunal révolutionnaire) : En floréal an II, la Comité de salut public crée un Bureau de la surveillance administrative et de la police. Il a ses dénonciateurs à gages, il a ses dénonciateurs volontaires, car la dénonciation est devenue l’un des ressorts de l’État.
- Droit positif français. Le législateur s’en est tenu à exiger la dénonciation des crimes (art. 434-1 C.pén.). Mais nos magistrats ont tendance à considérer la délation comme un acte immoral, voire fautif.
Servant (Discours sur l’administration de la justice), s’adressant aux magistrats : Défions-nous des honteuses délations venant d'une lâche inimitié qui révèle avec malignité des maux qu'elle n'a pas eu le courage de faire. Le magistrat qui veille à l’ordre public, doit consentir d’ignorer ce qu’il est inutile ou dangereux de saVoir : il ne doit point pénétrer trop avant dans les mystères des familles.
C.cass. (3e Ch. civ.), 5 mars 1980 (Tables de la Gazette du Palais) : Constitue une faute délictuelle le fait d’avoir livré la vie privée de la victime à la curiosité malsaine du public dans des chroniques, publiées dans un journal, qui constituaient un appel à la délation.
DE LEGE FERENDA – DE LEGE LATA
Cf. Doctrine*, Droit naturel*, Droit positif*, Science criminelle*.
De lege ferenda : Quant à la loi rationnellement convenable – De lege lata : Quant à la loi régissant le droit positif.
- Cette opposition marque le fossé qui peut séparer le droit naturel du droit positif. La doctrine travaille plutôt dans le premier registre ; la
jurisprudence plutôt dans le second.
Guillaume (Le rôle de la doctrine en droit criminel) : Parfois, les auteurs opérant de lege ferenda, sous l’angle de la loi à venir, parviennent à influer sur les changements du droit criminel, leurs remarques s’imposant par leur logique scientifique ou politique.
Monaco (Projet de Code de procédure pénale) : La conjoncture a rendu nécessaire une évaluation d’ensemble de la procédure pénale en vigueur, à l’appui d’une appréciation « de lege lata » et « de lege ferenda » dudit Code dans son intégralité.
Venezuela (Code de procédure pénale, exposé des motifs) : L'analyse des principes du processus judiciaire présente un grand intérêt... elle apporte un cadre théorique pour les discussions de lege ferenda.
Douai 18 décembre 1984 (Gaz.Pal. 1985 II 748) : L’intervention volontaire ou forcée de l’assuré dans le cas fréquent où il ne se confond pas avec le conducteur n’est pas prévue par un texte et ne saurait être autorisée, quoi qu’on puisse en penser « de lege ferenda ».
Paris 29 mars (Gaz.Pal. 1980 I 33) : Si la notion de groupe de sociétés constitue une réalité économique certaine, elle n’est cependant pas définie « de lege lata » et reste imprécise.
DÉLIBÉRATION
Cf. Cheminement criminel*, Intention criminelle*, Jury*, Iter criminis*, Pensée*, Préméditation*, Résolution criminelle*, Velléité*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° I-135 2°, p.192
- Notion. La délibération constitue la deuxième phase du cheminement (ou processus) criminel au cours de laquelle une personne, ou un groupe de personnes, réfléchit à l’opportunité, à la possibilité et aux moyens de commettre une infraction envisagée. La réflexion sur ce projet relève du For interne*.
Thomas d’Aquin (Somme théologique) : En matière douteuse ou incertaine, la raison ne prononce pas de jugement dans délibération et enquête préalable. C’est pourquoi une enquête de la raison est nécessaire avant le jugement sur ce qu’il faudra choisir, et cette enquête est appelée conseil ou délibération. C’est pourquoi Aristote dit que « le choix est le désir de ce dont on a d’abord délibéré ».
Picavet (Dictionnaire d’éthique et de philosophie morale, v° Décision : Aristote présente la délibération comme une recherche des meilleurs moyens disponibles, la fin recherchée ayant été préalablement posée.
R.Simon (Éthique de la responsabilité) : La délibération est essentielle à la qualification éthique de l’action… Pour l’agent, il sera question de peser les motifs, d’apporter lui-même la contradiction, de se référer au code moral de son groupe d’appartenance, de le discuter…
Cass.crim. 8 juillet 1971 (Bull.crim. n°226 p.549) : Le verbe délibérer s’entend de l’action consistant à procéder à un examen conscient et réfléchi en vue d’une décision à prendre.
- Science criminelle. Le seul fait de mettre au point un projet d'infraction, sans qu'il se manifeste par un acte extérieur, échappe en principe à la loi pénale. Il n'en va autrement dans le cas où le législateur le sanctionne en tant que préméditation d’un crime intentionnel effectivement perpétré, tel que le meurtre.
Jousse (Traité de la justice criminelle) : Il y a coopération au crime lorsque celui-ci a été commis en conséquence d’un complot, ou d’une délibération précédente, faite du consentement du complice.
John Rawls (Théorie de la justice, n°64) : Le projet est une suite programmée d'activités, celles qui précèdent et celles qui suivent sont nécessairement en interaction.
A.Valmont (L'Amérique face aux gangs) : Au bout de quatre jours, le plan de l'exécution de E. Dewey, assistant de l'attorney fédéral, est prêt. Une voiture volée sera dissimulée à proximité du drugstore. A l'heure à laquelle Dewey pénétrera dans la boutique, un gangster attendra au volant, le moteur en marche ; l'exécuteur sera lui à l'intérieur du drugstore en train de choisir un tube de dentifrice, porteur d'un pistolet dont le numéro a été enlevé à l'acide et dont le canon a été muni d'un silencieux. Quand Dewey entrera dans le drugstore, laissant comme d'habitude des hommes à l'extérieur, le tueur n'aura plus qu'à attendre qu'il soit coincé dans la cabine du téléphone pour tirer sans bruit et ressortir tranquillement... Mais le syndicat, craignant une guerre généralisée, la proposition est rejetée. [ce plan reposait évidemment sur une observation prolongée des habitudes de la victime désignée]
DÉLIBÉRÉ (déroulement du)
Cf. Délibéré (secret du)*, Majorité (des voix),* Note en délibéré*, Opinions*, Partage des voix*.
- Notion. Le délibéré consiste en l’examen, par les membres d’un tribunal, et par eux seuls à l'exclusion du ministère public, des résultats de l’instruction à l’audience ; il s’achève par la rédaction de la décision. Dans le cas de la cour d’assises on parle plus volontiers de délibération.
Cass.crim. 8 juillet 1971 (Bull.crim. n°226 p.549) : Le verbe délibérer s’entend de l’action consistant à procéder à un examen conscient et réfléchi en vue d’une décision à prendre.
Conseil d’État 22 janvier 1982 (Gaz.Pal. 1982 I 318) : Aucun principe général du droit n’interdit aux membres du jury de consulter le dossier au cours de sa délibération.
Cass.crim. 13 novembre 1990 (Gaz.Pal. 1991 II somm. 278) : En vertu des principes généraux du droit, aucune personne autre que les juges ne peuvent assister au délibéré. Encourt dès lors la censure l’arrêt qui indique le substitut du procureur de la République comme présent au délibéré.
Wallon (Histoire du Tribunal révolutionnaire) : Lors du procès visant Fouquier-Tinville, il fut établi que ce dernier, en dépit de sa qualité d'accusateur public, n'hésita pas à entrer dans la salle de délibération des jurés pour les inciter à se déclarer suffisamment informés sur le cas de Danton, et à provoquer ainsi la clôture des débats. Ce qui se fit.
- Recueil des opinions. À la fin du délibéré (qui se tient hors de la pression du public, voir rubrique ci-dessous) les Opinions* des juges peuvent être recueillies, soit oralement (on commence alors d'ordinaire par le magistrat le plus jeune), soit par bulletins secrets.
Dion Cassius (Histoire romaine) : Un homme qui
avait vendu, avec sa maison, une statue de l'empereur, et qui avait été cité en justice pour ce fait, eût été infailliblement mis à mort pour crime
lèse-Majesté sans une initiative du consul en fonction. Il demanda à Tibère d'opiner le premier ; craignant de se montrer trop vaniteux, Tibère opina
pour l'absolution...
Auguste, invité par un nommé Arius à
siéger dans un tribunal familial réuni pour statuer sur le sort du fils, à qui était reproché un complot de parricide, opina par écrit et non de vive
voix,de manière à ne pas influencer le vote des autres membres.
Toureille (Crime et châtiment au Moyen-âge) : La sentence était prononcée à l'issue de la délibération des juges, laquelle fut secrète dès le XIIIe siècle. La procédure était toujours collégiale. Après une dernière audition des aveux de l'inculpé, chacun des juges donnait son avis sur le choix de la peine. Le jugement était rendu à la majorité.
Procédure suivie autrefois devant le Sénat, constitué en Haute-Cour : Le vote a lieu par appel nominal en suivant l’ordre alphabétique, le sort désignant la lettre par laquelle on commencera.
Procédure suivie devant le Conseil de guerre jugeant le maréchal Bazaine le 10 décembre 1873 : Les voix recueillies séparément, en commençant par le juge le moins ancien en grade, le Président ayant émis son opinion le dernier, le 1er Conseil de guerre déclare...
Code de procédure pénale espagnol : Art. 151 : Après que le jugement proposé par le rapporteur aura été discuté, celui-ci votera le premier, puis le feront les autres magistrats, par ordre inverse d'ancienneté.
Majorité. Le pourcentage des voix portant sur tel ou tel point peut être fixé à des niveaux différents selon la question examinée (on parle de majorité simple ou de majorité renforcée) ; mais il reste constant au fil des siècle qu’un partage des voix doit être interprété comme favorable à la défense (jadis on parlait à Athènes du "suffrage d'Athéna").
Plutarque (Vie de Marius) : Marius ayant été traduit en justice pour fraude électorale, les juges se montrèrent d’abord fort indisposés ; mais, le dernier jour, contre toute attente, il échappa à la condamnation car les suffrages s’étaient partagés également.
De Ferrière (Dictionnaire de droit) : Partage d’opinion ne peut avoir lieu en matière criminelle, car lorsque les voix sont égales de part et d’autre, on suit toujours le parti le plus doux et le plus favorable au criminel.
Muyart de Vouglans (Les lois criminelles de France) : Lorsqu'il y a parité de voix pour la condamnation et l'absolution de l'accusé, celles qui tendent à l'absolution doivent l'emporter sur les autres.
Code de procédure pénale allemand, § 263 : Pour toute décision préjudiciable à l’accusé sur la question de la responsabilité et sur les suites juridiques de l’infraction, une majorité des deux tiers des voix est nécessaire.
Minorité. Dans certains systèmes juridiques, les magistrats qui ne se rallient pas à la majorité ont la possibilité de faire état d'une opinion dissidente. Cette faculté encourt les reproches d'affaiblir l'autorité du jugement, et d'offrir une tribune à la démagogie. Aussi n'est-elle pas admise en droit positif français.
Desmaze (La Châtelet de Paris) a relevé des jugements rapportant des opinions minoritaires. Par exemple, en 1389, la condamnation de Katerine Duroquier était ainsi formulée : Avis donné qu'elle devait être tournée au pilori et brûlée pour ses démérites, sauf les maîtres B. et L. qui dirent qu'elle fût tournée au pilori seulement.
DÉLIBÉRÉ (secret du)
Cf. Secret professionnel*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la personne humaine » (4e éd.), n° II-230 et s., p.331 et s.
On considère généralement que le Délibéré* doit se tenir dans une salle spéciale (dite chambre du conseil, ou des délibérations), pour éviter les pressions du public (art. 355 C.pr.pén.) ; en ce sens on peut rappeler l’influence des « tricoteuses » sur certaines décisions du Tribunal révolutionnaire. On estime en outre que le déroulement du délibéré doit ultérieurement demeurer impénétrable, pour éviter d’éventuelles représailles contre certains jurés (c’est pourquoi la révélation des circonstances d’un délibéré constitue une violation du secret professionnel).
Constitution du 5 fructidor au III (22 août 1795), art. 208 : Les séances des tribunaux sont publiques ; les juges délibèrent en secret.
Faustin-Hélie (Traité de l’instruction criminelle) : Les délibérations doivent être secrètes. Cette règle est nécessaire ; c’est là le fondement de leur autorité. S’il était permis de divulguer qu’ils ne sont que l’œuvre de quelques-uns, que tel ou tel juge n’a pas partagé l’opinion qui a prévalu, que deviendrait le respect dû à la chose jugée ? que deviendrait la puissance de la justice elle-même ?
Angevin (La pratique de la cour d'assises) : La délibération de la Cour et du jury est essentiellement secrète.
Cass.crim. 22 mars 1995 (Bull.crim. n°121 p.349) : Les délibérations en commun de la Cour et du jury, tant sur la culpabilité que sur l’application de la peine, sont essentiellement secrètes.
Cass.crim. 16 février 2010 (pourvoi n°
09-81492) : Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que plusieurs jurés ont porté plainte auprès du procureur de la République pour
atteinte à l'intimité de la vie privée à la suite de l'enregistrement et de la diffusion d'une scène filmée dans une salle de la cour d'assises où ils
s'étaient retirés pour délibérer ;
L'enquête a établi que le prévenu avait filmé, à la faveur d'un reflet sur les parois de verre d'un immeuble faisant face, une scène permettant
d'identifier notamment deux jurés et que cet enregistrement filmé avait été diffusé dans le journal télévisé d'une station régionale...
Pour déclarer la prévention établie, l'arrêt retient que le prévenu a profité d'une opportunité technique pour filmer une scène se déroulant à
l'intérieur d'un lieu où quiconque ne peut pénétrer sans l'autorisation de l'occupant et que la plaignante, ainsi filmée à son insu, a été vue et
reconnue par des téléspectateurs ;
En prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision au regard de l'art. 226-1 al. 2 C.pén., selon lequel constitue une atteinte volontaire à
l'intimité de la vie privée le seul fait de fixer, enregistrer et transmettre sans le consentement de celle-ci l'image d'une personne se trouvant dans un
lieu privé.
Un certain D... ayant publié un article intitulé « J’étais premier juré au procès Pétain », a été condamné pour violation du secret professionnel. Dans ces poursuites, Cass.crim. 25 janvier 1968 (Bull.crim. n°25 p.48) a observé que : l’obligation au secret a pour but d’assurer l’indépendance et la dignité des juges, en même temps que l’autorité morale de leurs décisions.
Ce principe, généralement retenu, a connu des exceptions.
Code pénal italien de 1930, art. 685 : Quiconque publie les noms des juges, avec l’indication des votes individuels qu’on leur attribue dans les délibérations d’une instance pénale, est puni d’une amende de police.
Décret du 26 juin 1793 : La Convention nationale décrète qu’à compter du jour de la promulgation du présent décret, les juges des tribunaux civils et criminels seront tenus d’opiner à haute voix et en public.
DÉLINQUANCE ORGANISÉE - Voir : Criminalité organisée*, et ci-dessous.
DÉLINQUANT (Délinquance)
Cf. Accusé*, Bandit*, Brigand*, Cheval de retour*, Criminalité*, Criminel*, Criminel-né*, Déviance*, Gangster*, Gibier de potence*, Hérédité*, Hooligan*, Incivilité*, Instigation* de mineur à délinquer*, Kamikaze*, Malandrin*, Malfaiteur*, Médias*, Nuisances*, Piraterie*, Prévenu*, Recel-receleur*, Recel de malfaiteur*, Ruffian*, Scélérat*, Truand*, Voyou*, + Tueur* (avec les renvois).
Voir : Villon « Ballade des pendus »
Voir : E. Ferri, Les cinq catégories de criminels
Voir : A. Prins, Le caractère social de la criminalité
Voir : W. Jeandidier, Les causes de la délinquance
Voir : Entretien avec un meurtrier (De Greeff, « Introduction à la criminologie »)
Voir : Examen psychologique d'un assassin (De Greeff, « Introduction à la criminologie »)
- Notion. Un délinquant est un individu qui a perpétré un délit pénal, et qui en a été reconnu coupable par un tribunal répressif.
Dictionnaire Larousse des synonymes. Délinquant est un terme de droit qui s'applique à toute personne qui s'est rendue coupable d'un délit, c'est-à-dire d'une violation de la loi, spécialement en matière correctionnelle.
Cass.crim. 16 mai 1991 (Bull.crim. n° 208 p.533) : Le délinquant est tenu à la réparation intégrale du préjudice et ne peut être admis à bénéficier, fût-ce moralement, de l'infraction.
Code pénal canadien (état en 2001) art. 718 :
Le prononcé des peines a pour objectif essentiel de contribuer… au respect de la loi et au maintien d’une société juste, paisible et sûre par
l’infliction de sanctions justes visant un ou plusieurs des objectifs suivants :
a) dénoncer le comportement illégal ;
b) dissuader les délinquants, et quiconque, de commettre des infractions ;
c) isoler, au besoin, les délinquants du reste de la société ;
d) favoriser la réinsertion sociale des délinquants ;
e) assurer la réparation des torts causés aux victimes ou à la collectivité ;
f) susciter la conscience de leurs responsabilités chez les délinquants, notamment par la reconnaissance du tort qu’ils ont causé aux victimes et à la
collectivité.
- Le verbe « délinquer », qui signifie commettre un délit, était encore connu de Littré mais a été oublié par les juristes français ; on le rencontre encore heureusement dans la doctrine belge et luxembourgeoise.
Muyart de Vouglans (Les lois criminelles de France) : On ne peut douter qu’à cause de l’habitude et des récidives, il n’y ait lieu de punir la personne poursuivie plus sévèrement que si elle n’avait délinqué que pour la première fois.
Rauter (Traité du droit criminel) : Si la peine doit avoir exclusivement pour but de corriger, comment l’appliquera-t-on à celui qui a délinqué innocemment ?
Cour de cassation luxembourgeoise 15 octobre 1987 : L’erreur de droit peut être une cause de justification lorsqu’elle est invincible, c’est-à-dire lorsqu’elle exclut invinciblement la volonté de délinquer.
- Le terme « délinquance », très proche de « criminalité » vise l’ensemble des crimes, délits et contraventions commis, sur un certain territoire, à une certaine époque. L’histoire montre qu’elle ne change pas vraiment de nature dans l’espace et le temps, mais connaît plutôt des variations, adaptations, des transpositions en fonction des circonstances.
Cf. Âge d’or*, Criminalité*, Incivilité*, Insécurité*.
Voir : Tableau des incriminations protégeant les mineurs (selon la science criminelle)
Dictionnaire Petit Robert. Délinquance - Conduite caractérisée par des délits répétés, considéré surtout sous son aspect sociale > criminalité.
Neufbourg (De la loi naturelle) : Rien dans la nature ne change essentiellement ; on n’en voit varier que les accidents et les formes. L’homme est au fond aujourd’hui ce qu’il était au temps du déluge.
Joly (Le crime, étude sociale) : L’École de Lyon s’applique surtout à la recherche des caractères sociaux et des causes sociales de la délinquance.
Code pénal d’Andorre (Exposé des motifs) : Pour sanctionner des formes modernes de délinquance, il a été fait appel au droit comparé en privilégiant la législation des deux pays voisins dont la doctrine pénale est la plus connue et acceptée en Principauté.
Cass.crim. 5 mars 1998 (Gaz.Pal. 1998 II Chr. crim. 127) : La peine est justifiée par la nécessaire répression d’une délinquance organisée qui, par son ampleur et sa durée, a causé un important préjudice.
- Le délinquant d’occasion et le délinquant d’habitude. C’est le sociologue E.
Ferri* qui a suggéré d’opposer les délinquants simplement occasionnels aux délinquants d’habitude, qui commettent
fréquemment des infractions, et qui revêtent dès lors un caractère particulièrement dangereux pour la société, et qui doivent de ce fait être sanctionnés
avec grande sévérité.
De manière plus technique, sous certaines conditions de forme, un juriste parle de Récidive*.
Cf. Ferri*, Habitude*, Multirécidive*, Réitération*, Récidive*.
Voir : A. Prins, Le caractère social de la criminalité
Voir : Dr J. Maxwell, Le criminel d'occasion
Voir : Dr J. Maxwell, Le criminel d'habitude
Voir : P. de Casabianca, Introduction au Code pénal du Royaume d'Italie de 1930
Prins (Criminalité et répression) : Les délinquants
d’occasion constituent la minorité ; leur vie est régulière, leurs instincts sont droits ; une passion soudaine, un emportement irréfléchi, un
affaissement passager de la volonté, les entraîne au crime ; une sorte de fièvre les a dominés et, l’accès passé, la vie normale reprend son
cours.
Au contraire, les délinquants de profession, qui forment la grande majorité de la population des prisons, sont véritablement la classe criminelle. Ce
sont les endurcis, les incorrigibles, les récidivistes. C’est, à côté de la société régulière, la « grande tribu rebelle ».
Roux (Cours de droit criminel) : Par délinquants d’habitude, on entend tous ceux en qui se manifeste un tempérament criminel, et pour qui le crime est une chose conforme à leur nature, une habitude. L’habitude d’ailleurs, peut être congénitale ou acquise, c’est-à-dire le résultat d’une tare héréditaire ou le produit d’une déformation du tempérament primitif.
Code pénal d'Italie de 1930. Art. 109 : En dehors des augmentations de peine établies pour la récidive et des effets particuliers indiqués par d'autres dispositions légales, la sentence qui déclare un individu délinquant d'habitude, de profession ou par tendance, comporte l'application de mesures de sûreté.
Code pénal suisse. Art. 51 : Tout délinquant d’habitude envoyé dans une maison d’internement en vertu de l’article 42 demeurera incapable pendant dix ans.
Cass.crim. 1er octobre 1998 (Gaz.Pal. 1999 I Chr.crim. 20) : Pour justifier les peines d’emprisonnement et d’interdiction du territoire qu’ils prononcent, les juges relèvent qu’il ressort de la procédure que l’intéressé, délinquant d’habitude, est l’animateur d’un réseau de trafiquants, et que lesdites peines sont les seules sanctions, à l’exclusion de toutes autres, qui soient de nature à mettre un terme à ses agissements et à assurer la protection de l’ordre public.
Des Essarts (Causes célèbres) : D'après la marche ordinaire de la nature, d'après les sentiments qu'elle a coutume de graver dans les coeurs, il n'est point de scélérat qui ait débuté dans la carrière du vice par une action atroce, méditée et commise de sang-froid ; ce n'est que par des degrés et en contractant l'habitude du crime, que des monstres dont les noms déshonorent l'humanité sont parvenus à ne plus connaître de frein, et à pouvoir se livrer à des attentats dont l'idée seule fait frémir.
Le délinquant d'occasion se manifeste en particulier pendant les périodes troublées, où la force publique ne se trouve plus en état d'assurer la paix sociale.
Le Bon (La Révolution française et la psychologie des révolutions) : Toutes les sociétés civilisées traînent fatalement derrière elles un résidu de dégénérés, d'inadaptés atteints de tares variées... Dans les périodes ordinaires ces déchets de la civilisation sont à peu près contenus par la police et les gendarmes. Pendant les révolutions, rien ne les maintenant plus, ils peuvent exercer facilement leurs instincts de meurtre et de rapine. Dans cette lie les révolutionnaires de toutes les époques sont sûrs de trouver des soldats. Avides seulement de piller et de massacrer, peu leur importe la cause qu'ils sont censés défendre. Si les chances de meurtre et de pillage sont plus nombreuses dans le parti combattu, ils changeront très vite de drapeau.
Le délinquant d'habitude, qui tire du crime l'essentiel de ses ressources, est dit délinquant de profession. Tel est notamment le cas du receleur spécialisé.
Gassin (Criminologie) : Tarde a particulièrement étudié les criminels professionnels en relevant leurs traits sociologiques caractéristiques (argot, tatouage et association de malfaiteurs).
Code pénal de Saint-Marin de 1975 (trad. Constant). Art. 15 : Le juge déclare délinquant de profession le condamné qui... paraît vivre des produits de son activité criminelle.
Code pénal du Costa-Rica. Art. 41 : Sera déclaré délinquant professionnel celui qui ait fait de sa conduite délictueuse une manière de vivre.
DÉLIRE
Cf. Démence*, Paranoïa*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-II-II-212, p.242
Le sujet atteint de délire a une conception bien arrêtée, mais absolument fausse, de la réalité. Ainsi, dans le délire de persécution, le malade interprète les événements les plus anodins comme des indices d’un complot dirigé contre lui : un simple badaud devient vite un espion. Un pas de plus, la peur vient ; il peut tuer pour se défendre. Est-il responsable ? La réponse appartient aux psychiatres.
Larousse médical : Le délire consiste en un groupement de plusieurs idées entraînant la conviction du sujet, et dont l’opposition avec la réalité est choquante et évidente. Il traduit une altération très profonde de toute la personnalité, notamment dans sa sphère affective. C’est une forme de croyance qui repose sur une perturbation radicale des rapports du malade avec la réalité. A ce titre, le délire est une forme d’aliénation mentale… Les idées de persécution donnent au malade la conviction que l’on essaie de nuire à sa personne physique ou morale. De telles idées reposent sur des interprétations ou des hallucinations.
Hanus (Psychiatrie intégrée de l'étudiant) : Le délire est la croyance irréductible et inébranlable à une conception fausse de la réalité. Il se différencie de l'erreur par un caractère systématique, incorrigible, inattaquable même par le témoignage d'autrui.
Exemple (« Le Soir » 9 avril 1926) : À Augusta (État du Maine), un ingénieur de 34 ans, W. F..., vient de commettre un meurtre dans des circonstances vraiment extraordinaires : il a tué, d’une balle dans la tête, un employé de banque qui lui ressemblait d’une façon fantastique. Il a cru se trouver en présence de son « double ». Le meurtrier se laissa entraîner au bureau de police en disant : Enfin, je suis délivré d’un cauchemar ! Quand il est tombé, j’ai senti qu’on m’enlevait le poids qui m’oppressait la poitrine.