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INTRODUCTION AU CODE PÉNAL
DU ROYAUME D’ITALIE DE 1930

par Pierre de CASABIANCA  ( Paris 1932 )

Le Code pénal italien de 1930,
dit « Code Rocco » du nom du Garde des Sceaux
qui veilla à son élaboration en sa qualité
de professeur de droit pénal à l’Université de Rome,
retient particulièrement l’attention des criminalistes.

Il a en effet été inspiré par les enseignements
des pères de la criminologie et de la sociologie :
Cesare Lombroso, Enrico Ferri et Raffaele Garofalo.

La présentation qui en fut faite par Pierre de Casabianca,
Conseiller à la Cour de cassation,
nous dispense bien évidemment de tout préliminaire.

INTRODUCTION

Dés sa rénovation politique et dans le même temps que s’achevait la codification des lois civiles, l’Italie songea à élaborer une nouvelle législation criminelle.

Pour son Code civil, elle se borna à copier en quelque sorte notre Code Napoléon ; mais, comme elle était jalouse de maintenir sa primauté dans les sciences pénales et ambitieuse de créer une œuvre supérieure à notre code de 1810, la préparation de son Code pénal fut aussi longue que malaisée. Elle ne dura pas moins de vingt-sept ans et subit de nombreuses vicissitudes. Enfin, sous l’impulsion énergique du Ministre de la Justice Zanardelli, après avoir été discuté et amendé par le Parlement, il fut mis en vigueur le 1er janvier 1890. (Ce code a été excellemment traduit, annoté et préfacé par M. Jules Lacointa, mon distingué prédécesseur à la Cour de cassation. Il fut publié, sur l’ordre du Garde de Sceaux en 1890 par l’Imprimerie nationale).

On ne peut nier qu’il ne fût un Code progressiste. S’inspirant de Carrara, qui avait défini l’infraction « une entité juridique », il inaugurait une analyse subtile des éléments et des circonstances des infractions prévues par la loi pénale, mais il ne se préoccupait guère du délinquant et ne prescrivait nulle mesure pour que la peine, qu’il considérait uniquement comme une expiation, servit à son amendement. En outre, il se révéla impuissant à lutter contre l’extension chaque jour croissante de la criminalité.

Entre temps, l’école positiviste italienne, sous l’égide de Cesare Lombroso et de Enrico Ferri, avait formulé et soutenu de nouveaux principes de politique criminelle, notamment de défense sociale contre les individus dangereux.

Après 1919, sous la pression des phénomènes sociaux dérivant de la guerre, une intense activité s’était manifestée dans un grand nombre de nations pour moderniser le droit criminel, et comme le régime politique de l’Italie s’était totalement transformé, en donnant naissance à des aspirations nouvelles, le Code de 1889 devait disparaitre.

Il avait eu le mérite de réaliser la coordination des lois éparses, disparates et parfois contradictoires des divers États qui composaient l’Italie d’avant 1860, de faire attribuer à la Cour de cassation de Rome compétence exclusive en matière pénale, accordant ainsi l’unité jurisprudentielle avec l’unité législative, et d’appliquer la plupart des innovations apparues dans les plus récentes législations étrangères. De plus, son élaboration avait servi d’expérience, et pour mener à bien la rédaction d’un nouveau code, il fallait adopter une autre méthode. Voici celle qui fut suivie.

Par une loi du 4 décembre 1925, le Gouvernement, usant des pleins pouvoirs, se fit déléguer par le Parlement le droit de refondre la législation pénale. Son chef lui déclara que cette réforme s’accomplirait, sans qu’il fût appelé à la discuter, ni à la votée. C’est une tâche dévolue aux juristes, non aux parlementaires.

Une première commission, peu nombreuse, présidée par M. Arturo Rocco, professeur de droit pénal à l’Université de Rome, prépara un projet préliminaire qui fut communiqué à toutes les collectivités ou personnalités compétentes : magistrature (la Cour de cassation en tête qui chargea une commission de cinq membres d’examiner le projet et de faire un rapport qu’elle adopta dans son assemblée générale du 21 novembre 1927), universités, barreaux, compagnies judiciaires, sociétés savantes, etc. Traduit en plusieurs langues, notamment en français, il fut répandu dans le monde entier et provoqua de très abondants commentaires.

La même commission, augmentée de quelques membres, étudia tous les avis recueillis, et, sous la haute direction du Garde des sceaux S. E. Alfredo Rocco, rédigea un projet définitif qui parut précédé d’un rapport de ce dernier.

Ce projet fut soumis à l’examen de deux commissions : l’une ministérielle, présidée par S. E. le sénateur Appiani, procureur général près la Cour de cassation de Rome, comprenant en majorité des magistrats, et aussi des professeurs et des avocats ; l’autre interparlementaire, composée de huit sénateurs et neuf députés, particulièrement qualifiés, et présidée par S. E. le sénateur Mariano d’Amalio, premier président de la Cour de cassation.

Puis le texte légal fut publié, avec un remarquable rapport à Sa Majesté le Roi d’Italie du Garde des Sceaux Alfredo Rocco, qui, commentant les dispositions du nouveau Code, s’attachait, surtout à marquer les modifications que les travaux préparatoires avaient fait apporter à l’avant-projet et à répondre aux suggestions ou aux critiques de la commission parlementaire.

Le décret royal du 19 octobre 1930 approuva le texte définitif et ordonna qu’il serait mis en application le 1er juillet 1931 (n° 1398).

Le même jour, un autre décret (n° 1399) approuvait le texte définitif du Code de procédure pénale, précédé, lui aussi, d’un rapport du Garde des Sceaux et abrogeant le Code de procédure pénale, qui remontait seulement à 1913 : il devenait applicable à la même date que le Code pénal.

Le 27 octobre 1930, au seuil de l’An IX, en grande solennité, au Capitole, dans la salle des Horaces et des Curiaces, en présence du Chef du Gouvernement, S. E. Benito Mussolini et des plus hauts dignitaires de l’État, furent remis au Gouverneur de Rome les premiers exemplaires des nouveaux code, qui devaient être déposés dans tous les municipes d’Italie, comme pour inaugurer, par une symbolique oblation, la législation nouvelle, que la Cour de cassation du Royaume a proclamée « l’une des œuvres les plus considérables de l’activité réformatrice du Gouvernement national ».

La réforme pénitentiaire est le complément nécessaire de la réforme pénale, et, le 18 juin 1931, un règlement organique, entièrement refondu, des établissements de prévention et de peine parut, qui l’a définitivement réalisée.

Tels sont, dans leur ensemble, l’œuvre immense et l’effort grandiose, poursuivis dès le début et accomplis sous la direction personnelle du même Ministre de la Justice, en un temps relativement court qui se ressentait profondément des troubles économiques consécutifs à la guerre, avec une ténacité, une émulation des compétences et une continuité de vues qui portent en elles-mêmes leur éloge, car les faits louent mieux que les paroles.

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Tous les commentateurs relèvent que le nouveau Code domine les querelles des écoles criminologiques italiennes, qui dissertaient sur les fondements et les fins du système pénal. Le Ministre Rocco déclare qu’il a emprunté à chacune d’elles « ce qu’elle a de bon et de vrai » : à l’école classique, par exemple, les principes de la responsabilité morale, à l’école positiviste les mesures de sûreté et l’individualisation de la peine. Aussi, un juriste étranger a-t-il écrit que le « nouveau code était à la fois conservateur et révolutionnaire, car il maintient des règles qui paraissaient périmées et il accueille des idées qui servaient de drapeau à l’école positiviste ».

Non seulement le Code s’est soustrait à l’emprise des théories doctrinales, mais il s’est résolument affranchi de l’influence des législations des autres pays.

En réalité, on a voulu qu’il fût une création purement italienne, ou plutôt spécifiquement fasciste. Pendant la discussion du budget de la Justice devant le Sénat en 1929, le Ministre Rocco s’est écrié : « Notre Code pénal est un Code politique », et, de fait, son but primordial est d’identifier la philosophie juridique pénale avec la philosophie même du Fascisme, en ce que, bien différente de la philosophie individualiste des Encyclopédistes ou de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, et même du Code pénal français, elle oppose à l’ancienne conception du droit de punir une conception sociale, collectiviste et étatiste «  du droit de conservation et de défense propre de l’État, naissant avec lui, et ayant pour objet de protéger les conditions essentielles de la vie en communs » ; d’où la prédominance de l’intérêt social sur l’intérêt particulier, qui n’est ni méconnu, ni sacrifié, mais relégué au second plan, et la sévérité appliquée aux infractions qui, d’une manière quelconque, peuvent nuire à la collectivité.

De là aussi l’importance considérable que revêtent le délit politique dirigé contre la personnalité interne ou externe de l’État, contre son autorité souveraine et contre ceux qui la représentent, l’activité antinationale du citoyen italien à l’étranger, l’apologie antipatriotique à l’intérieur, le défaitisme politique ou économique, la participation aux associations subversives, toutes les infractions, enfin, préjudiciables à l’ordre social ou au Régime fasciste qui se confondent, et que le Code envisage sous l’angle de cette donnée fondamentale.

La défense sociale comporte non seulement des sanctions répressives, mais encore des mesures préventives. C’est pourquoi le nouveau Code, entrant dans la voie tracée par les criminalistes, les congrès internationaux et les derniers codes publiés dans divers États, comprend, en dehors des peines proprement dites, des mesures de sûreté. C’est sa création primordiale, digne d’attention autant par sa nouveauté que par sa judicieuse réglementation.

Quant aux peines, il importe de noter qu’elles sont beaucoup plus sévères que celles de l’ancien Code. Tout le système répressif est renforcé ; dès lors, il s’opposera plus efficacement à la criminalité, de plus en plus ingénieuse à employer les progrès de la civilisation.

La peine de mort est rétablie. Il a semblé qu’elle fût le seul châtiment applicable à certains crimes « qui émeuvent le plus profondément l’opinion publique et mettent en péril la paix sociales ». Le Ministre a justifié cette extension de la peine capitale, que le Code militaire avait maintenue, et que la loi du 25 novembre 1926, relative à la défense de l’État, avait mise à la disposition du Tribunal spécial pour punir les auteurs des attentats politiques ou des crimes les plus graves.

À nos travaux forcés à perpétuité, correspond l’ergastolo, peine perpétuelle avec travail obligatoire et encellulement nocturne : l’encellulement diurne a été réduit. La réclusion dure de quinze jours à vingt-quatre ans, avec travail et encellulement nocturne de rigueur. L’encellulement diurne, à durée limitée, est facultatif et relève de la décision du juge. Pas de confusion, mais cumul effectif des peines jusqu’au quintuple ; en cas de concours d’infractions, aggravation des peines : la réclusion peut être portée à trente ans, et l’emprisonnement (arresto), dont le maximum normal est de trois ans, peut être élevé à six ans. Quant aux peines pécuniaires (amende correctionnelle ou amende de simple police), elles peuvent atteindre quatre cent mille lires ou quatre vingt mille lires, suivant les cas, et elles sont fixées d’après la situation pécuniaire du condamné, ou selon qu’il a agi dans un esprit de lucre. Ainsi, les amendes cesseront d’être dérisoires pour les coupables opulents. Telles sont les peines principales.

II nous parait inutile d’insister sur les peines accessoires et les sanctions civiles. Bornons-nous à observer que le condamné est tenu, moyennant les sûretés réelles qui frappent ses biens et avec le produit de son travail pendant sa détention, de rembourser au Trésor les frais de justice ou autres, y compris les dépenses qu’entraine son entretien, de dédommager la personne lésée du préjudice matériel ou moral qu’il lui a causé, de tous les frais qu’elle a exposés pour son hospitalisation ou son infirmité, et de payer à l’avocat ses avances ou ses honoraires,

Relevons aussi que l’affichage ou l’insertion dans les journaux de la décision pénale sont beaucoup plus fréquemment ordonnés qu’en France ; la mesure est tantôt obligatoire, tantôt facultative : elle a un effet moral indéniables pour la réputation du condamné.

Terminons, sur ce sujet, par cette remarque des commentateurs italiens qui, à la suite du Ministre de la Justice, distinguent « le moment législatif de la peine », œuvre du législateur, du « moment juridictionnel » qui se place à l’heure de son application par le juge, et du « moment administratif », c’est-à-dire de son exécution par les soins de l’Administration. Le Code pénal et le Code de procédure pénale prennent également soin de ne pas confondre ces périodes et ces compétences successives.

Venons-en aux mesures de sûreté. Elles sont de trois sortes : restrictives de la liberté personnelle, non restrictives de la liberté personnelle, et patrimoniales.

Le rapport du Ministre de la Justice définit nettement les caractères propres de ces mesures.

Administratives par nature, elles sont absolument distinctes des mesures de police et ordonnées par l’autorité judiciaire, soit dans le jugement même de condamnation ou d’acquittement, soit postérieurement ; elles s’ajoutent ou se substituent à la peine, mais leur but est essentiellement différent, car elles sont préventives et, n’ayant pas le caractère exemplaire de la peine, elles sont purement individuelles. Elles n’impliquent nullement une infraction préexistante, puisqu’elles s’appliquent aux irresponsables, aux mineurs, aux faibles d’esprit, aux intoxiqués, aux prévenus acquittés, pourvu qu’ils se soient révélés dangereux pour l’ordre social. C’est la pericolosità sociale qui est leur unique fondement. Dans certains cas, cet état dangereux est légalement présumé ; dans d’autres, il devra être constaté par le juge. La loi fixe leur moindre durée, la durée totale est indéterminée et la mesure demeurera aussi longtemps que persistera l’état dangereux.

Lors donc que la peine s’avérera insuffisante ou impuissante à assurer la défense de la société, la mesure de sûreté, qui « représente la prophylaxie et l’hygiène sociale contre le délit », a dit le Ministre de la Justice, interviendra pour aider à son action.

Ces deux systèmes conjugués, peines d’une part, mesures de sûreté d’autre part, serviront d’armes défensives -dans le combat «  sans quartier », que la société mène contre les individus dangereux qui la troublent ou la menacent.

La loi de sûreté publique du 18 juin 1931, véritable Code répressif par certains côtés, vient, de surcroît à la rescousse en édictant des mesures qui, pour être de police, n’en sont pas moins efficaces, telles que le domicile forcé (domiciliocoatto), l’admonition (ammonizione), l’exil à l’intérieur (confino), etc. Ainsi se trouve forgée de toutes pièces une armature formidable de moyens réactifs et de méthodes de coercition destinés à réduire les ennemis plus ou moins redoutables de l’ordre social.

En résumé, si le nouveau Code pénal est un Code politique, il est aussi un instrument de répression et de préservation d’une force singulière.

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Aussi bien, le véritable domaine de la législation pénale est la lutte contre la criminalité, au moyen de sanctions juridiques édictées afin de réprimer ces actes antisociaux ou anti-juridiques que l’on nomme infractions, et qui se composent de deux éléments l’un, objectif, consistant en un événement dangereux ou dommageable ; l’autre, subjectif, action ou omission, consciente et volontaire, ces deux éléments devant être rattachés par un lien étroit de causalité; et le Code, sans s’attarder aux subtilités du libre arbitre, du déterminisme ou du fatalisme, place à la base de l’infraction la capacité de comprendre et de vouloir, en tant que condition essentielle de l’imputabilité pénale.

Cet élément psychologique se traduit sous la triple forme du dol, quand le fait voulu par l’agent est réalisé selon l’intention, de la faute, dans le cas où le fait se produit contre l’intention, et de la praeter-intention , lorsque le fait a dépassé l’intention.

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Le Code ne se borne pas à distinguer les délinquants primaires des récidivistes, il classe aussi les délinquants en trois catégories : délinquants d’habitude, délinquants de profession et délinquants par tendance. C’est dans le jugement de condamnation que le juge les déclare tels, et cette qualification entraîne les plus graves conséquences, quant à l’aggravation de la peine, qui, pour les deux premières catégories, dans certains cas, est doublée, et à l’application obligatoire des mesures de sûreté, car ils sont présumés dangereux par la loi même : ils sont exclus de l’amnistie ou du pardon général, ils ne peuvent bénéficier ni de la déduction de la détention préventive, ni de la suspension conditionnelle de la peine, et, tout le long du Code, ils sont l’objet des dispositions les plus rigoureuses.

Autre classe de délinquants, et combien intéressants ! L’Italie n’a pas de loi spéciale pour les mineurs traduits en justice. Les textes qui les concernent sont disséminés dans le nouveau Code. Au-dessous de quatorze ans, le mineur n’est pas responsable, il ne peut donc être poursuivi pour aucune infraction : de quatorze à dix-huit ans, il ne pourra encourir une peine, diminuée, d’ailleurs, dans une certaine mesure, que s’il est établi qu’il a agi, en étant capable de comprendre et de vouloir : il n’y a donc en ce qui le touche, aucune présomption de capacité ou d’incapacité ; c’est au juge qu’il appartient de faire cette recherche et cette constatation. Au-delà de dix-huit ans, le mineur est assimilé au majeur.

Le Code s’attache attentivement à amender le mineur délinquant par une éducation morale (il sanctionne notamment l’obligation de donner à l’enfant une instruction primaire et de le faire travailler). Il autorise aussi le juge, dans le but de favoriser son redressement, à lui accorder le pardon judiciaire, s’il estime, bien qu’il l’ait reconnu coupable, qu’une condamnation ou une peine n’est pas nécessaire pour qu’il s’abstienne désormais de commettre un autre délit.

Et il 1e couvre, en tant que victime d’une infraction, d’une tutelle particulière, qui renforce, à son égard, les dispositions de la loi du 10 décembre 1925 sur la protection de la Maternité et de l’Enfance.

Récidivistes, délinquants déclarés, mineurs, internés, sont placés, pour l’exécution de la peine et de certaines mesures de sûreté, sous l’autorité du juge de surveillance, «  nouvel organe juridictionnel », qui fait son apparition dans la législation italienne, et dont la création procède de cette idée que le juge, après avoir puni, ne saurait se désintéresser des résultats de sa décision, en vue de protéger la Société contre la récidive et d’assurer le relèvement du condamné. Par des dispositions précises, le Code de procédure pénale et le Règlement général des établissements de prévention et de peine, s’appliquent à éviter tout conflit entre ce juge du lieu de l’exécution de la peine et l’Administration pénitentiaire. Il donnera son avis, notamment, sur l’admission du détenu au travail à l’extérieur, sur la grâce et la libération conditionnelle, sur les difficultés qui pourraient surgir au sujet du pécule, attributions plutôt administratives que judiciaires, dont certaines comportent un recours, qui font se cumuler « les fonctions de juge, d’administrateur et de bon père de famille, selon le Ministre de la Justice, dont seront revêtus les magistrats qui auront témoigné d’une aptitude particulière et d’une profonde connaissance du droit criminel et pénitentiaire ».

C’est le même principe préventif qui a inspiré au législateur l’institution, auprès de chaque tribunal, d’un conseil de patronage des prisonniers libérés, dont les efforts seront secondés et les dépenses payées par une Caisse centrale des amendes, établie au Ministère de la Justice et disposant de ressources spéciales.

Dans le même but de défense sociale, le Code s’appuie sur toutes les valeurs spirituelles et morales et les impose au respect de tous.

L’État proclame la force du sentiment religieux et a sa religion officielle: toute offense aux ministres aux édifices, aux cérémonies, et à tout ce qui a trait à l’exercice, même privé, du Culte catholique, est punie, ainsi que le blasphème.

Il a aussi sa doctrine morale, puisque le Code retient comme circonstance atténuante le motif d’une particulière valeur morale ou sociale, et comme circonstance aggravante le motif abject.

La famille, cellule sociale, est l’objet de sa protection particulière : le titre XI du Livre II est relatif aux délits contre la famille et la morale familiale ; il nous a emprunté le délit d’abandon de famille. Il châtie, avec une sévérité exceptionnelle l’adultère et le concubinage ; il fait un délit de la séduction avec promesse de mariage commise par un homme marié ; il en- gage une rude lutte contre la pornographie.

En revanche, il admet, dans certaines infractions, infanticide, avortement, homicide en flagrant délit de relations coupables, le motif d’honneur, en tant que circonstance diminuant la peine.

À l’exemple du Code de 1889, il interdit et réprime le duel, et, de plus, il institue le jury d’honneur, qui n’est pas une juridiction pénale, mais un organe de censure privée chargé de statuer sur les diffamations entre particuliers.

Il crée les délits d’insolvabilité frauduleuse, de fraude en matière d’assurance contre les accidents et dans les procédures civiles ou administratives, d’auto-calomnie (fait de s’inculper faussement soi-même), de calomnie ou fausse imputation de délit dirigée contre un tiers ; il punit la défense infidèle des avocats ou des conseils techniques, toutes figures originales d’infractions, pour la plupart nouvelles.

C’est aussi un principe fondamental du Régime fasciste, de maintenir une stricte discipline dans l’État, et d’assurer l’obéissance aux représentants des pouvoirs exécutif, législatif ou judiciaire. À quelque degré qu’ils participent à l’Autorité, tous ceux qui sont chargés d’un service public, qui remplissent un service de nécessité publique, ou qui, par leur profession subordonnée à une habilitation spéciale, tels que les avocats et les procureurs, concourent à un service de nécessité publique, sont assimilés aux fonctionnaires publics. Mais, à raison même du caractère dont ils sont revêtus, les fonctionnaires publics ont des devoirs particuliers, et lorsqu’ils les violent, le Code use de rigueur à leur égard.

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On sait quelle place tient dans les préoccupations du Duce et du Fascisme le problème démographique. Ils ont un tel souci de la santé physique et morale de l’Italie contemporaine que le Code consacre un titre entier, absolument inédit, aux délits contre l’intégrité et la santé de la race, où sont réprimées les pratiques abortives et anticonceptionnelles, qui compromettent l’accroissement de la population, et certaines contaminations dangereuses.

Relevons, dans un autre ordre d’idées, l’homicide d’une personne consentante et la coopération au suicide, que prévoyait déjà l’ancien Code, mais que le nouveau a mieux précisés.

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Le Code assure largement aussi la protection des intérêts économiques collectifs ou privés, du travail notamment, que le Fascisme considère comme un devoir social, ayant sa charte, ses organes corporatifs et sa magistrature spéciale, de l’industrie, du commerce, de la propriété. Grève, cessation concertée du travail, sabotage, boycottage, etc., aucun attentat, aucun trouble nuisible ne lui échappe. Il n’est que de parcourir le Code pour s’en convaincre.

Au reste, les lois, si prévoyantes et minutieuses qu’elles soient, ne valent-elles que par la manière dont elles sont appliquées. À cet effet, M. le Garde des sceaux Rocco a adressé un éloquent appel à la noble conscience et au patriotisme de la magistrature italienne, et la Cour suprême, son interprète autorisé, a déclaré qu’elle remplira, avec un profond sentiment du devoir, la tâche accrue que lui confient les nouveaux Codes.

Mais le jury, impulsive et déconcertante juridiction ? Le jury a été supprimé par le décret du 28 mai 1931, et la Cour d’assises transformée contribuera à affermir l’action de la loi pénale contre ce qu’un auteur italien a fort justement appelé « l’immanence criminelle ».

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Quelque incomplète qu’apparaisse cette vue d’ensemble, il faut conclure: Code pénal, Code de procédure pénale, nouvelle organisation des cours criminelles, loi de sûreté publique modifiée et réforme pénitentiaire, cet ensemble, complet au 1er juillet 1931, représente non seulement la plus haute expression des conceptions juridiques modernes, mais il est aussi un gage de sécurité et de progrès pour l’Italie.

Par la valeur de sa méthode scientifique, par sa forte cohésion, par sa portée morale et par sa courageuse fermeté, il est digne des traditions de la patrie d’élection du droit pénal, et il ouvre une ère nouvelle de la législation criminelle italienne.

Si cette traduction, où l’on s’est efforcé de ne pas trahir le texte original, et qu’accompagnent des commentaires empruntés aux Italiens eux-mêmes, permettait aux sociologues et aux juristes, qui attendaient une version française pour mieux connaître le Code pénal d’Italie de 1931, d’y trouver d’intéressants d’étude ou de comparaison, et peut-être d’utiles enseignements, l’auteur serait récompensé de son labeur.

Juin 1932.

C.

Signe de fin