DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL
- Professeur Jean-Paul DOUCET -
Lettre A
(Neuvième partie)
ANALOGIE
Cf. Induire (3e sens)*, Interprétation de la loi*, Légalité (des peines)*, Parallélisme des formes*, Raisonnement pénal*, Syllogisme*.
Voir :
Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.)
- Le raisonnement par analogie, n° 6, p.11 / n°
I-107, p.154
- Le recours à l'analogie dans le choix de la peine, n° III-306,
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-I-303, p.67 / n° I-I-I-305, p.68 / n° I-II-I-300, p.179 / n° I-II-I-317, p. 199 / n° I-II-I-324, p.206 / n° I-III-I-300, p.275
- Notion générale. Le raisonnement par analogie
entre dans la catégorie des raisonnements par induction ; il
s'oppose dès lors au raisonnement par déduction, dont le type
est le Syllogisme*. Il part de
ressemblances manifestes, constatées entre un cas particulier et
un cas plus général, pour rapprocher le premier du second et en
tirer certaines conséquences.
Cette méthode présente un caractère fécond, constructif et novateur, mais peut être dangereuse pour les libertés individuelles.
Cuvillier (Vocabulaire philosophique) : Analogie - Rapport qualitatif, ressemblance ; on « raisonne par analogie » quand on conclut d’une ressemblance constatée à une ressemblance non constatée.
Vergely (Dico de la philosophie) : L’analogie définit une similitude de rapports. On est dans un rapport d’analogie quand, par exemple, « a » est à « c » ce que « b » est à « d ».
Jimenez de Asua (L’analogie en droit pénal, R.S.C. 1949 187) : La méthode d’interprétation analogique consiste à résoudre une espèce pénale non prévue par la loi en se réclamant de son esprit latent, et en prenant pour point de départ la similitude de l’espèce donnée avec une autre que la loi a définie ou prévue dans son texte.
- Analogie légale. Le raisonnement par analogie peut naturellement être employé par la législateur, puisqu’il lui permet d’assurer la cohérence de l’ensemble de ses textes.
Hauriou (Aux sources du droit) : Le système des règles juridiques est susceptible de s’étendre d’une hypothèse à une autre par analogie et par déduction logique, mais toujours avec une certaine rigidité.
Merle et Vitu (Traité de droit criminel) : L’analogie légale … intra legem, permet d’intégrer au cadre légal un cas non prévu.
Code pénal suisse. Art. 44 : 1°. Si le délinquant
est alcoolique et que l’infraction commise soit en rapport avec cet état, le juge pourra l’interner dans un établissement pour alcooliques ou au besoin
dans un établissement hospitalier, pour prévenir de nouveaux crimes ou délits. Le juge pourra aussi ordonner un traitement ambulatoire...
6°. Le présent article est applicable par analogie aux toxicomanes.
- Analogie judiciaire. En revanche, le principe d’interprétation stricte de la loi pénale interdit en principe au juge d’user de ce mode de raisonnement pour déterminer le champ d’application d’un texte d’incrimination, d’imputation ou de sanction.
De Curban (La science du gouvernement, 1765) : Les peines ne s'étendent ni d'un cas à l'autre, ni d'une personne à l'autre ; il est juste et même nécessaire de les renfermer dans les bornes les plus étroites,parce que la bonté et la clémence doivent être les attributs des souverains.
Villey (Cours de droit criminel) : On ne peut pas appliquer une peine par analogie.
Code pénal de Porto Rico. Art. 8 - Principe de légalité : Il n'est pas permis de créer par analogie des délits, des peines, ni des mesures de sûreté.
Code pénal d'Ukraine. Art. 3 - 4° : L'application par analogie de la loi sur la responsabilité pénale sera interdite.
Cass.crim. 31 mars 1992 (Gaz.Pal. 1992 II somm. 378) : La loi pénale, d’interprétation stricte, ne peut être appliquée par analogie ou induction ; les juges répressifs ne peuvent prononcer de peines que si sont réunis les éléments constitutifs d’une infraction déterminée par la loi.
Cour EDH 10 octobre 2006 (Gaz.Pal. Tables 2007 v° Droits de l’homme n° 21) : L’art. 7 Conv. EDH consacre, de manière générale, le principe de la légalité des délits et des peines (nullum crimen, nulla poena sine lege) et prohibe, en particulier, l’application rétroactive du droit pénal lorsqu’elle s’opère au détriment de l’accusé. S’il interdit en particulier d’étendre le champ d’application des infractions existantes à des faits qui, antérieurement, ne constituaient pas des infractions, il commande en outre de ne pas appliquer la loi pénale de manière extensive au détriment de l’accusé, par exemple par analogie.
Toutefois, là où les droits de la défense ne sont pas en cause, rien n’interdit aux magistrats d’user de ce mode de raisonnement qui permet d’apporter aux difficultés rencontrées des solutions rationnelles.
Faustin Hélie (Traité de l'instruction criminelle) : Pour qu’ils puissent être réputés connexes, il faut que les faits considérés se trouvent, sinon dans un des cas prévus par l’article 227 CIC, du moins dans un cas analogue.
Cass.crim. 3 novembre 1993 (Gaz.Pal. 1994 I Chr.crim. 27) : Les dispositions de l’art. 203 C.pr.pén. relatives à la connexité et aux conséquences qu’il convient d’en tirer au regard de la prorogation de compétence ne sont pas limitatives et s’étendent aux cas dans lesquels il existe entre les faits poursuivis des rapports étroits analogues à ceux que la loi a spécialement prévus.
ANARCHISME (Anarchie)
Cf. Despotisme*, État*, Insoumission*, Machiavel*, Monarchie*, Pouvoir*, République*, Scélérat (Lois scélérates)*, Théocratie*, Tyrannie*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° 8, p.12 / n° I-I-113, p.88 / n° II-3, p.282 / n° II-7, p.287 / n° II-11, p.291-292 / n° II-I-111, p.347 / n° II-II-205, p.492-493
- Notion. Doctrine politique extrême, l’anarchisme récuse tout pouvoir établi, tant spirituel que temporel ; d’où sa devise : « Ni dieu, ni maître ».
Cuvillier (Vocabulaire philosophique) : Anarchie. – État d’une société inorganisée ou désorganisée qui n’a pas ou n’a plus de gouvernement.
- Philosophie morale. Viable au niveau de petites communautés vivant en autarcie (et encore sous la bienveillante protection des Pouvoirs politiques voisins), l'anarchie ne saurait satisfaire aux nécessités de collectivités étendues qui ont besoin d’un encadrement juridique (l’État). À son crédit il faut porter ses théories en faveur de la liberté individuelle et de l’élévation du niveau moral de l’humanité.
Voir : E. Baudin, La morale de l’État
Servant (Discours sur l’administration de la justice criminelle) : La licence veut tout détruire pour ne rien substituer… la licence ne respire que l’anarchie… la licence ne veut point de lois.
Bautain (Philosophie des lois) a souligné le paradoxe de la doctrine anarchiste : L’anarchie est la mort de l’Etat social ; c’est la dissolution de la société qui, comme tout corps vivant, ne peut exister sans une tête ; et quand elle a été violemment troublée, désorganisée, il lui faut une tête forte et un bras de fer pour la reconstituer et la remettre en ordre. Dans ce cas, le peuple aliène sa souveraineté pour retrouver l’ordre. Il se soumet au pouvoir sauveur, quel qu’il soit, et il reprend la vie en sacrifiant sa liberté. Car avant tout il faut vivre ; la liberté politique, sans l’existence assurée, est une illusion : « Primo vivere, deinde philosophari ».
Baudin (Cours de philosophie morale) : Pour l'anarchiste, l'État est le grand fait devant lequel il refuse de s'incliner, le fait de la puissance qui contraint le plus sa liberté et son autonomie ; fait immoral qu'il entend détruire par tous les moyens, y compris l'assassinat des gouvernants. L'État et les gouvernants supprimés, il ne restera qu'à réaliser les associations libres d'individus souverains ; ce qui constitue le programme positif du l'anarchisme... Cette négation de l'État, qui constitue la doctrine spécifique de l'anarchisme, constitue aussi son erreur spécifique. Cette erreur consiste à méconnaître la nécessité de l'État, sans lequel la société sombrerait dans le chaos, l'injustice et la barbarie universelle. Il y a là une vérité d'évidence qui crève les yeux. Elle seule explique divers faits. D'abord le fait de l'existence de l'État, sous une forme quelconque, en tous temps et en tous lieux. Puis le fait que les nations qui perdent le gouvernement qu'elles ont acceptent si facilement celui qui le remplace, fût-il pire.
Proal (La
criminalité politique) Chapitre 3 - L'anarchie : L'anarchie
n'est qu'une application du tyrannicide, une conséquence
de la fausse maxime que le but excuse le crime politique, qu'il
est permis de tuer pour faire triompher une cause.
« Mort au tyran
! » disent les régicides.
« Mort à la bourgeoisie ! répètent
les anarchistes »...
À l'exception de Mazzini, tous les
révolutionnaires et tous les anarchistes sont athées et
matérialistes ; ils commencent par faire la guerre à Dieu,
s'attaquent ensuite à l'autorité, à la propriété, à la famille
et à la patrie et veulent détruire la société... Ce sont
pourtant les idées morales et les sentiments moraux qui peuvent
seuls adoucir la bête qui est dans l'homme, sa tendance à la
haine, à l'envie et à la révolte.
Gaxotte : La liberté étant devenue l’objet d’un fanatisme abstrait, rien n’a été plus facile que d’y verser la tyrannie.
Taine (Les origines de la France contemporaine) : On ne sort de l'anarchie que par le despotisme, avec la chance de rencontrer dans le même homme, d'abord un sauveur, puis un destructeur.
Leclercq
(Leçons de droit naturel - T.II) : L'aboutissement logique
de l'idéologie libérale se trouve dans l'anarchie qui exige la
liberté absolue, repousse toute autorité et toute règle, veut, dans
la société la suppression de l'État, dans la famille la suppression
du mariage, dans la vie individuelle la suppression de la morale en
tant que règle qui s'impose...
L'anarchisme étant une théorie simple, tombe si l'on n'admet pas son
postulat fondamental. Ce postulat est la bonté humaine dans laquelle
les anarchistes ont une confiance touchante...
D'accord sur l'idéal à réaliser (la suppression de l'État), les
anarchistes se séparent dans l'appréciation des moyens. Tandis que
les uns préconisent l'emploi de moyens violents,les autres demandent
que l'on se contente d'une propagande pacifique.
Au demeurant les anarchistes, comme tous ceux qui ne conçoivent
l'État que comme un pouvoir de châtiment, perdent de vue que même si
les hommes étaient bons, la nécessité d'un pouvoir dirigeant
subsisterait, la contrainte n'étant pas la raison essentielle de son
existence. [l'auteur prend par ailleurs l'exemple de la
circulation routière : il faut bien que quelqu'un décide si les
véhicules devront circuler à droite ou à gauche de la rue].
La bande à Bonnot (Encyclopédie Microsoft Encarta). Dirigée par Joseph Bonnot, elle perpétra des attaques de banques entre décembre 1911 et avril 1912. Pour la plupart employés, Bonnot et ses complices sont de tendance anarchiste, et méprisent l’ordre établi. Utilisant l’automobile comme moyen de transport, une innovation dans l’histoire du crime, ils ne craignent pas les assassinats de policiers. En 1912, Bonnot et ses complices Dubois, Garnier et Valet sont abattus alors qu’ils soutiennent un siège contre les forces de police. Les autres membres de la bande sont jugés en avril 1913. Le procès débouche sur trois condamnations à mort et douze peines de travaux forcés.
Dostoïevski fait dire à l’un de ses personnages : Je ne sais pas comment j’ai fait mon compte ; mais parti de la liberté illimitée, j’aboutis au despotisme illimité.
- Science criminelle. Les anarchistes de la fin du XIXe siècle ayant usé du terrorisme pour promouvoir leurs idées, et ayant ainsi ouvert la voie à l’instauration de régimes totalitaires qui ont endeuillé le XXe siècle, leur action a été fermement combattue par le législateur.
Brissot de Warville (Théorie des lois criminelles) : Dans l'anarchie, il n'est point de crime d'État, parce qu'il n'y a point de forme de gouvernement.
Goldsmith (Justice et terrorisme, Gaz.Pal. 9-9-2004). Je vous cite une décision d’un tribunal anglais : « Le groupe auquel l’accusé appartient, comme les preuves l’établissent, est l’ennemi de tous les gouvernements. Il œuvre essentiellement à démolir la société. Il peut accessoirement et à l’occasion s’attaquer à tel ou tel gouvernement ; mais il s’en prend surtout aux citoyens ». Il s’agit d’un jugement de 1894, portant sur l’extradition de l’Angleterre vers la France d’un anarchiste accusé d’avoir fait sauter un café parisien, le Véry.
H. Taine (Les origines de la France contemporaine), La seconde étape de la conquête par les Jacobins : Ce qu'il y a de pire dans l'anarchie, ce n'est pas tant l'absence du gouvernement détruit que la naissance de gouvernements nouveaux et d'espèce inférieure. En tout État qui s'est dissous, il se forme des bandes conquérantes et souveraines ; tel fut le cas en Gaule après la chute de l'Empire romain... Aventuriers, malfaiteurs, gens tarés ou déclassés, hommes perdus de dette et d'honneurs, vagabonds, déserteurs et soudards, tous les ennemis nés du travail, de la subordination à la loi se liguent pour franchir ensemble les barrières vermoulues. Sur ce fondement s'établit leur autorité : à leur tour ils règnent, et leur gouvernement, aussi brut que leur nature, se compose de vols et de meurtres ; on ne peut attendre autre chose de barbares et de grigands.
- Droit positif français. Si les textes visant spécialement le mouvement anarchiste ont disparu de nos tablettes, les textes généraux lui demeurent applicable : notamment ceux incriminant la provocation aux crimes, les attentats à l’explosif, ou les groupements à fin terroriste. Les tribunaux français en font régulièrement application, allant jusqu’à voir dans les attentats anarchistes des actes de guerre civile.
Garraud (L’anarchie) : L’acte anarchiste a essentiellement pour objet d’ébranler l’une des deux bases de la civilisation moderne, le respect de la propriété humaine et celui de la vie humaine... La loi du 28 juillet 1894 marque le dernier terme dans l'évolution législative de la répression. Aucune loi n'a été plus discutée ; aucune n'a été plus attaquée. Les socialistes l'ont qualifiée de "loi scélérate" ; Le public français ne s'est pas laissé égarer par ces déclamations : il a compris que les dispositions prises étaient nécessaires, qu'elles étaient salutaires.
Cass.crim. 25 mars 1921 (Gaz.Pal. 1921 II 10) : Constitue le délit de provocation au meurtre le fait de proférer, dans une conférence, les paroles suivantes : « Si on vous mobilise, ne marchez pas ! et si on vous force à marcher, prenez les armes et dirigez-les contre ceux qui vous y forceront ».
Cass.crim. 9 février 1924 (Gaz.Pal. 1924 I 331, 2e arrêt) admit l’application de la loi de 1894 dans l’espèce suivante : Les passages des articles de presse incriminés tendaient à provoquer parmi les jeunes soldats non seulement l’indiscipline et la désobéissance, mais encore la résistance violente aux ordres de leurs chefs, à amener ainsi des luttes criminelles entre citoyens d’un même pays, à faire naître des troubles profonds, à créer un véritable état d’anarchie.
Cass.1e civ. 6 juin 1990 (Gaz.Pal. 1990 II Panor. cass. 210) : Après avoir relevé que le groupe constitué par le mineur et ses deux compagnons, se présentant comme un mouvement anarchiste, s’attaquait exclusivement à des édifices publics, casernes de gendarmerie, cabines téléphoniques, installations électriques et «que leur but était donc bien de détruire ou d’endommager gravement ce qui symbolisait à leurs yeux l’ordre et la puissance publics», les juges du fond ont souverainement estimé que les attentats commis «étaient des actes de violence tendant à porter atteinte à des personnes ou à des biens dans le cadre d’actions concertées...» et devaient donc être assimilés, selon les stipulations de la police d’assurance, à des actes de guerre civile.
ANATOCISME
Cf. Usure*.
L’anatocisme consiste en la capitalisation des intérêts échus ; lesquels, à partir du moment où ils se trouvent incorporés au capital, produisent
eux-mêmes des intérêts.
Il est admis par le Code civil (art. 1154), sous la réserve traditionnelle qu'il ne tombe pas sous le coup de l'interdiction de l'usure.
Pierrot (Dictionnaire de théologie morale) : L'anatocisme consiste à tirer les intérêts des intérêts. C'est proprement l'usure pratiquée par les Grecs, comme l'a observé Scaliger. Saint Basile et saint Ambroise ont détesté cette pratique comme un très grand mal qui entraîne la ruine des familles. L'anatocisme était défendu en termes exprès par l'ordonnance de Philippe le Bel de l'an 1311. Aujourd'hui selon les lois civiles, les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale (Code civil, art. 1154, 1155. Il faut appliquer à cette loi les principes que nous établirons relativement à l'usure.
Morin (Répertoire de droit criminel) : L'anatocisme était puni, comme convention usuraire par les lois romaines. Il l'était aussi par l'ancienne législation française (ordonnances de Philippe le Bel de 1311, et de Louis XIV de 1673). Il est virtuellement permis par le Code civil (art. 1154 et 1155) ; et il ne tombe sous le coup d'aucune disposition pénale, à moins qu'il ne soit entaché de combinaisons usuraires.
Le Code de la consommation, dans son article L.313-1, dispose qu'il convient, dans un prêt d'argent, de prendre en considération le taux d'intérêt effectif global et non le taux apparent. Son article L.313-5 sanctionne comme usuraire le prêt qui emporte perceptions excessives au regard des dispositions qui le précèdent. Il est évident que l'anatocisme entre dans le calcul du taux effectif global.
Cass.crim. 5 juin 1989 (Gaz. Pal., Rec. 1989, somm. p. 473) : Entre dans les prévisions de l'art. 3 de la loi du 28 décembre 1966 pour la détermination du taux effectif global d'un prêt, l'ensemble des frais et émoluments versés à l'intermédiaire.
ANIMAUX (généralités)
Cf. Animaux (dangereux)*, Animaux (protection des)*, Nature*.
Les animaux, de même que tous les êtres vivants à l'exception des hommes, ne sauraient être considérés comme des sujets de droit. S'ils sont dangereux, ils peuvent être éliminés ; dans le cas contraire ils doivent être protégés.
Leclercq (Leçons
de droit naturel - T.I) : Les animaux ne sont pas plus
sujets de droit qu'ils ne sont astreints à des devoirs ; toute
notion morale leur est étrangère ; ils n'ont ni mérite ni
culpabilité, et c'est seulement par un anthropomorphisme à
rebours, que nous leur appliquons parfois nos conceptions sur la
valeur des actes.
Il s'ensuit que, s'il y a un devoir de traiter les animaux
humainement, ce devoir ne dérive pas d'un prétendu droit de
l'animal, mais du devoir de l'homme envers lui-même, envers ses
semblables ou envers Dieu de cultiver ses sentiments moraux.
Jolivet (Traité de philosophie morale) : L’animal n’a, à proprement parler, ni droit ni devoir, puisque le droit et le devoir sont essentiellement fondés sur la loi morale, dont les animaux ne sont point sujets. Cela ne signifie pas que tout soit permis envers l’animal. L’homme peut en user pour son propre avantage, mais il ne doit en user que selon la droite raison. En lui infligeant sans nécessité ni mesure, le travail et la douleur, l’homme offenserait Dieu qui nous impose de nous servir sagement et intelligemment des biens qu’il met à notre usage. Et il s’avilirait lui-même en cherchant une satisfaction perverse dans la souffrance d’un être sensible.
Si les animaux ne sauraient être titulaires de droits, au sens propre du terme, puisqu'ils ne voient peser sur eux ni devoirs juridiques ni responsabilité civile ou pénale, ils peuvent néanmoins recevoir une récompense officielle (qui honore plutôt celui qui est parvenu à lui inculquer un certain sens du devoir).
Exemple (Ouest-France, 25 novembre 2016) : À Caen, la médaille de bronze de la défense nationale, à été remise, à titre exceptionnel, à un chien chargé de trouver des personnes disparues... Il a été engagé sur le terrain à deux cents reprises ! Quarante-cinq fois, il a aidé à la découverte du disparu. Quinze fois, il l'a retrouvé lui-même.
ANIMAUX (dangereux)
Cf. Danger*, Choses*, Responsabilité*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° II-8, p.280
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la personne humaine » (4e éd.), n° I-443, p.231 / n° I-403, p.197
- Notion. Un animal est réputé dangereux, au sens du droit pénal, quand il est à craindre qu'il ne cause des blessures à un être humain, voire des dommages aux propriétés d'autrui telles que poules, lapins, moutons... L'ancien art. R.30 7° C.pén. parlait dans le même sens d'animaux "malfaisants ou féroces".
Crahay (Traité des contraventions de police) : La loi parle des animaux malfaisants ou féroces. Les derniers sont dangereux pour les personnes ; les premiers, pour les propriétés. Parmi les animaux féroces, il faut ranger, d'abord, ceux que l'on est dans l'usage de qualifier par excellence de ce nom, tels que les lions, les tigres ... La jurisprudence comprend, sous ce nom, les taureaux, les étalons, les chevaux qui ruent ou mordent, les chiens ayant un naturel méchant et qui se jettent sur les personnes et les autres animaux, notamment les chiens enragés.
- Science criminelle. Dans l'Ancien droit, avant que la notion de responsabilité subjective ne se soit pleinement développée, les animaux ayant blessé ou tué une personne pouvaient faire l’objet d’un procès criminel (Voir : Patibule*).
Voir : Tableau des incriminations protégeant la vie (selon la science criminelle)
Voir : Les procès faits jadis aux animaux.
Pour un exemple plus récent de poursuites exercées contre un animal, voir le Cas pratique n° 46.
Platon (Les lois, IX 874) : Dans le cas où la mort d’un homme est causée par un animal … les proches du mort devront intenter contre l’animal des poursuites pour meurtre. Si l’animal est reconnu coupable, on le mettra à mort, et le cadavre sera rejeté hors des frontières du pays.
Veyrat (La
Haute justice des Évêques de Rouen) rapporte un texte visant à
prévenir les dommages que peuvent causes des animaux :
- Sentence du Tribunal de Louviers, du 24 janvier 1765 :
Sur la requête verbale faite à l'audience par le procureur
fiscal tendant à ce qu'il plaise au siège, attendu que le public
se trouve exposé à cause des chiens fous qui divaguent dans
cette ville et aux environs et particulièrement des chiens des
bouchers de cette ville, qui divaguent journellement dans les
rues et sous la halle ce cette ville, ordonner que les
ordonnances et règlements sur ce précédemment rendus seront
exécutés, en conséquence que défenses soit faites à toutes
personnes notamment aux bouchers de laisser divaguer leurs
chiens tant dans les rues de cette ville...
Il est dit, faisant droit au réquisitoire du procureur du
procureur fiscal, que les ordonnances et règlements de police
sur le fait dont il s'agit seront exécutés... En conséquence
ordonne de tenir les chiens renfermés dans les maisons et de ne
les laisser sortir qu'en les conduisant à la laisse, le tout à
peine de trois livres d'amende et de plus grande peine si les
cas y invitent.
Pastoureau (Histoire symbolique du M.A. occidental) : En France, du XIVe au XVIe siècle, l'intervention de la justice semble se dérouler presque toujours selon le même rituel : l'animal est capturé vivant et incarcéré dans la prison appartenant au siège de la juridiction criminelle du lieu ; celle-ci dresse procès-verbal, conduit une enquête et met l'animal en accusation ; le juge entend les témoins, confronte les informations et rend sa sentence, qui est signifiée à l'animal dans sa cellule. Cette sentence marque la fin du rôle de la justice, l'animal appartient désormais à la force publique chargée d'appliquer la peine. Celle-ci peut être la pendaison (cas le plus fréquent), le bûcher, l'étranglement (rare), la décapitation (pour les bovins notamment), la noyade ou l'enfouissement.
Desmaze (Pénalités anciennes) donne deux exemples de
condamnation d’animaux :
- Une sentence du présidial de Laon, de 1612 : Il appert que J… a été dévoré par le porc appartenant à B… ; c’est pourquoi, en horreur et
détestation dudit cas, avons ordonné que ledit porc sera mené et conduit par l’exécuteur de la haute justice au lieu des fourches patibulaires pour y
être assommé, brûlé et réduit en cendre.
- Jours tenus à Savigny, par noble homme Nicolas Quareillan, écuyer, juge dudit lieu, le 10 janvier 1457 : Le marché avant Noël dernièrement
passé, une truie et ses six cochons, qui sont présentement prisonniers, comme ayant été pris en flagrant délit, ont commis meurtre et homicide, en la
personne de Jehan Martin… Disons et prononçons ladite truie, pour raison du meurtre et homicide par elle commis, être confisquée pour être mise à justice
et au dernier supplice, et être pendue par les pieds de derrière à un arbre…
Warée (Curiosités judiciaires), parmi d’autres exemples : 1590, en Auvergne, le juge d’un canton nomme un curateur aux chenilles citées devant lui ; la cause est contradictoirement plaidée ; il leur est enjoint de se retirer dans un petit terrain pour y finir leur misérable vie.
En droit contemporain, au contraire, ils sont considérés comme pénalement irresponsables : n'ayant pas de devoirs, ils ne sauraient avoir de droits. Leur propriétaire, qui les a en charge, peut toutefois être condamné à des dommages-intérêts lorsqu'ils ont causé un dommage.
Leclercq (Leçons
de droit naturel, T.I) : Les animaux ne sont pas plus
sujets de droit qu'ils ne sont astreints à des devoirs ; toute
notion morale leur est étrangère ; ils n'ont ni mérite ni
culpabilité, et c'est par image seulement, par un
anthropomorphisme à rebours, que nous leur appliquons parfois
nos conceptions sur la valeur des actes.
À propos des droits de l'individu, nous aurons à expliquer
pourquoi et dans quelle mesure l'homme est tenu de respecter les
animaux... Il faut que l'homme n'ait pas le droit de satisfaire
sur eux tous ses caprices.
- Droit positif. Pour protéger les personnes contre les animaux dangereux, le Code pénal français distingue deux hypothèses. D’une part il incrimine le fait, par le gardien d’un animal dangereux, d’exciter cet animal lorsqu’il s’attaque à un passant (art.R.623-3, ancien art. R.30 7°) ; étant précisé que, si ce dernier est blessé, on sera en présence de violences volontaires avec arme. D’autre part il incrimine le fait, par le gardien d’un animal dangereux, de laisser divaguer cet animal (art. R.622-2).
Voir : J-P. Doucet, « La protection de la personne humaine » (4e éd.), n° I-443, p.231.
Voir : Tableau des incriminations protégeant la vie (en droit positif français)
Voir : Tableau des incriminations protégeant l'intégrité corporelle (en droit positif français)
Voir : Tableau des incriminations protégeant les biens patrimoniaux (en droit positif français)
Cass.crim. 7 avril 1967 (Bull.crim. n°105 p.246) : Les prévenus qui ont prit l’initiative de lancer leur chien contre la victime ont commis le délit de coups et blessures volontaires.
Cass.crim. 21 janvier 2014, pourvoi n° 13-80267 (à paraître au Bulletin criminel) : Il résulte de l'art. 121-3 C.pén. que cause directement le dommage subi par une personne, mordue par un chien, la faute de négligence du propriétaire de l'animal l'ayant laissé sortir de chez lui sans être contrôlé et tenu en laisse.
Paris 25 février 2000 (JCP 2000 IV, 2861) : Le propriétaire de chiens de race pit-bull qui les laisse en liberté dans un jardin dont les clôtures ne garantissent pas l’isolement, en violation d’un règlement municipal réglementant la circulation et l’utilisation des chiens dangereux, se rend coupable de mise en danger d’autrui, dès lors que les chiens avaient déjà agressé une personne et qu’ils ont renouvelé l’agression sur le voisin du prévenu.
La confiscation des animaux dangereux est régie par les art. R. 131-50 et s. C.pén., et par l'art. 131-21-1.
C.Adm.Appel Bordeaux 30 mars 2010 (Gaz.Pal. 6 mai 2010 p.29 note Graveleau) : L'autorité chargée de la police municipale ne saurait prescrire la mise à mort sans condition ni délai d'un animal qu'en vue de parer un danger grave et immédiat.
ANIMAUX (Protection des)
Cf. Bestialité*, Braconnage*, Chasse*, Cruauté*, Expérimentation sur des animaux*, Épizootie*, Sévices*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la personne humaine » (4e éd.), n° IV-217, p.578 et s.
- Notion. Les animaux sont constitués des mêmes briques élémentaires que les êtres humains ; les plus évolués présentent même des caractéristiques physiques et psychiques proches de celles de l'homme, y compris la sensibilité. Mais aucun ne semble posséder, ni la conscience du bien et du mal, ni le devoir de faire progresser leur espèce sur le plan moral et sur le plan spirituel. C’est justement cette intuition qui distingue la personne humaine de l'ensemble des êtres vivants ; si, en tant qu'êtres animés, ils possèdent une âme, elle est d'une autre nature que celle des êtres humains ainsi que le pensaient sagement les philosophes grecs.
Dictionnaire Larousse : Animal : être organisé, doué de mouvement et de sensibilité, capable d'ingérer des aliments solides à l'aide d'une bouche.
Certaines civilisations ont retenu une conception extrême de la notion d'animal, puisqu'elles protègent jusqu'aux insectes. Il est vrai que, plus les sciences naturelles progressent, plus les frontières entre les différentes espèces vivantes paraissent s'estomper.
Code des Gentoux ou Règlement des brahmanes : Si un homme tue un poisson, le magistrat le condamnera à dix (sous) d’amende. Si un homme tue un insecte, le magistrat le condamnera à un (sou) d’amende.
Mais la prédominance actuelle des doctrines matérialistes, qui ne voient dans l'homme qu'un simple animal évolué, a conduit à édicter une Charte des droits des animaux.
Déclaration universelle des droits de l'animal (15 octobre 1978) :
PRÉAMBULE :
Considérant que la Vie est une, tous les
êtres vivants ayant une origine commune et s'étant différenciés au
cours de l'évolution des espèces,
Considérant que tout être vivant possède des droits naturels et que
tout animal doté d'un système nerveux possède des droits
particuliers,
Considérant que le mépris, voire la simple méconnaissance de ces
droits naturels provoquent de graves atteintes à la Nature et
conduisent l'homme à commettre des crimes envers les animaux,
Considérant que la coexistence des espèces dans le monde implique la
reconnaissance par l'espèce humaine du droit à l'existence des
autres espèces animales,
Considérant que le respect des animaux par l'homme est inséparable
du respect des hommes entre eux,
IL EST PROCLAMÉ CE QUI SUIT :
Article premier : Tous les animaux ont des droits égaux à l’existence dans le cadre des équilibres biologiques. Cette égalité n’occulte pas la diversité des espèces et des individus.
Article 2 : Toute vie animale a droit au respect.
- Règle morale. Philosophes et théologiens semblent s'accorder pour dire que les règles d'humanité ne doivent pas s'appliquer seulement aux êtres humains, mais bénéficier également aux animaux envisagés en tant qu'êtres sensibles. Faire souffrir un animal constitue, dans cette conception, une faute qui avilit celui qui la commet.
Ménant (Zoroastre, éd. 1844) : Les devoirs que l'homme doit remplir comprennent, non seulement des devoirs envers Dieu et envers les hommes, mais même envers les animaux, et plus généralement envers tout ce qui existe.
Plutarque (Vie de Caton) : Il ne faut pas se servir des animaux comme on se sert de ses chaussures ou d’un ustensile, qu’on jette lorsqu’ils sont rompus ou usés par le service. On doit s’accoutumer à être doux et humain envers les animaux, ne serait-ce que pour faire l’apprentissage de l’humanité à l’égard des hommes.
Catéchisme de l’Église catholique (§ 2418) : Il est contraire à la dignité humaine de faire souffrir inutilement les animaux et de gaspiller leur vie.
Héribert Jone (Précis de théologie morale) : L'homme ne peut avoir de devoirs envers les animaux, parce que ceux-ci n'ont pas de personnalité indépendante ... Mais c'est un péché que de faire souffrir inutilement des animaux.
Pierre et Martin (Cours de morale pour l'enseignement primaire) : En réalité, l'homme n'a point de devoirs envers les animaux. Mais il se doit à lui-même de n'en user qu'avec sagesse et bonté.
Baudin (Cours de philosophie morale) : Si nous sommes autorisés à user de tous les animaux, nous ne le sommes jamais à abuser d'eux. Nous ne le sommes donc jamais à leur infliger des souffrances inutiles, à exercer sur eux la moindre cruauté... Nous avons des devoirs particuliers envers les animaux domestiques, de véritables devoirs d'équité.
John Rawls (Théorie de la justice, n°77) : Il est certainement mal de faire souffrir les animaux ainsi que de détruire une espèce vivante dans son ensemble. La capacité qu'ont les animaux à éprouver du plaisir et de la douleur, ainsi que leurs formes de vie conduisent de toute évidence au devoirs de compassion et d'humanité à leur égard... Une conception correcte de nos rapports aux animaux et à la nature relève moins du domaine de la théorie de la justice que d'une théorie de l'ordre naturel.
- Science criminelle. Depuis longtemps, dans certains pays d'Extrême-Orient notamment, les violences dirigées contre les animaux constituent des fautes pouvant entraîner des sanctions pénales.
Code de Gia Long (art. 207 et commentaire) : Celui qui aura privément abattu ses propres chevaux ou bêtes à cornes sera puni de cent coups de truong (les chevaux servent à porter, les bêtes à cornes labourent pour l’homme ; tous ces animaux épuisent leurs forces pour lui ; tuer leur être après avoir épuisé leurs forces, c’est de l’inhumanité.
Depuis quelques décennies, les pays occidentaux édictent à leur tour des incriminations de police, qui ne bénéficient ordinairement qu'aux animaux domestiques et apprivoisés.
Exemple (Ouest-France 25 juillet 2014) : Un britannique de 20 ans vient d'être condamné par le Tribunal de Lowesoft, en Angleterre, pour avoir gobé des poissons rouges, qu'il régurgitait ensuite. Pas de chance, la vidéo était visible sur sa page Facebook. Il a écopé d'une amende de 254 €. Les poissons, quant à eux, sont toujours vivants.
Bentham (Principes de législation) : Entre toutes les raisons que je pourrais donner pour ériger en délit les cruautés gratuites à l’égard des animaux, je me borne à celle-ci : c’est un moyen de cultiver le sentiment général de bienveillance et de rendre les hommes plus doux, ou du moins de prévenir cette dépravation brutale qui, après s’être jouée des animaux, a besoin, en croissant, de s’assouvir de douleurs humaines.
Code pénal d'Andorre. Art. 350 : Constituent également des contraventions pénales ... 6 : Les mauvais traitements ou les actes de cruauté injustifiés envers les animaux.
Code criminel du Canada. 446 : Commet une
infraction quiconque, selon le cas :
a) volontairement cause ou, s'il en est le propriétaire, volontairement permet que soit causée à un animal ou un oiseau une douleur, souffrance ou
blessure, sans nécessité;
b) par négligence volontaire cause une blessure ou lésion à des animaux ou à des oiseaux alors qu'ils sont conduits ou transportés;
c) étant le propriétaire ou la personne qui a la garde ou le contrôle d'un animal ou oiseau domestique ou d'un animal ou oiseau sauvage en captivité,
l'abandonne en détresse ou volontairement néglige ou omet de lui fournir les aliments, l'eau, l'abri et les soins convenables et suffisants;
d) de quelque façon encourage le combat ou le harcèlement d'animaux ou d'oiseaux ou y aide ou assiste...
Mais la protection s'étend actuellement, à l'étranger comme en France, à des animaux dont les espèces sont en voie de disparition, notamment à des animaux sauvages tels que le loup ou l'ours.
Cons. d'État 23 février 2009 (Gaz.Pal. 18 août 2009, panorama administratif) : Le maintien d'effectifs suffisants pour éviter la disparition à court terme des ours dans le massif des Pyrénées participe à la préservation de la diversité biologique et constitue un objectif d'intérêt général.
Cass.crim. 1er juin 2010, n° 09-87159 (Bull.crim. n° 96, p.415) : Une faute d’imprudence suffit à caractériser l’élément moral du délit d’atteinte à la conservation d’espèces animales non domestiques protégées, prévu par l’article L. 415-3 du code de l’environnement.
Exemple (Ouest-France, 1er août 2008) : Le tribunal correctionnel de Quimper a condamné quatre ressortissants espagnols à 4.000 € d'amende chacun. Le 23 juillet 2010, à la Pointe du raz, les gendarmes les avaient pris la main dans le sac avec 125 kg de pouces-pieds, alors que cette pêche est interdite en été. Cette récolte devait leur rapporter une jolie somme : entre 6.000 et 12.000 €. Le tribunal a également prononcé la confiscation du matériel de plongée et d'un 4x4 saisis au moment du contrôle.
- Droit positif. C’est depuis une loi de 1850 que les animaux sont protégés en tant qu’être vivants, et non plus
seulement en tant qu’objets de propriété.
Le Code pénal ne s’attache qu’aux animaux soit domestiques ou apprivoisés, soit tenus en captivité ; et
il distingue les actes de Cruauté* des simples mauvais traitements. Sur la confiscation d'un animal, voir l'art. 131-21-1.
Le Code de l'environnement, dans son art. L.415-3, incrimine
notamment le fait de porter atteinte à la conservation d'espèces
animales non domestiques.
Loi Grammont du 2 juillet 1850 (première loi française protégeant les animaux en tant que tels, mais d’intérêt purement historique) : Seront punis d’une amende… ceux qui auront exercé publiquement et abusivement des mauvais traitements envers les animaux domestiques.
Cass.crim. 1er juin 2010, pourvoi n° 09-87.159 (Bull.crim. n° 96 p.415) : Une faute d’imprudence suffit à caractériser l’élément moral du délit d’atteinte à la conservation d’espèces animales non domestiques protégées prévu par l’article L. 415-3 du code de l’environnement.
Les animaux ne sauraient être titulaires de droits, au sens propre du terme, puisqu'ils ne voient peser sur eux ni devoirs juridiques ni responsabilité civile ou pénale. Ils peuvent néanmoins recevoir des récompenses officielles.
Exemple (Ouest-France, 25 novembre 2016) : À Caen, la médaille de bronze de la défense nationale, à été remise, à titre exceptionnel, à un chien chargé de trouver des personnes disparues... Il a été engagé sur le terrain à deux cents reprises ! Quarante-cinq fois, il a aidé à la découverte du disparu. Quinze fois, il l'a retrouvé lui-même.
- Les actes de cruauté*, quand ils sont accomplis avec l’intention de faire souffrir un animal, relèvent de l’art. 521-1 C.pén.
Paris 9 octobre 1971 (Gaz.Pal. 1972 I 410) : Les actes de cruauté impliquent de véritables tortures, des actes dépassant les limites de la brutalité, une volonté proche de la barbarie et du sadisme.
Cass.crim. 13 janvier 2004 (Bull.crim. n° 7 p.24) : L’art. 521-1 C.pén. réprime le fait, publiquement ou non, d’exerces des sévices graves ou de commettre un acte de cruauté dans le dessein de provoquer la souffrance ou la mort d’un animal domestique.
Exemple (Ouest-France, 1er août 2008) : La gérante d'un bar ... refuse de servir l'un de ses clients, il est éméché. Il sort du bistrot furieux et avise le chien de la patronne qui prend l'air dans le quartier. Ni une ni deux, le voilà qui repeint le toutou, du museau à la queue, d'un généreux coup de peinture au goudron. La cabot eu le cuir brûlé. Une aventure qui lui a valu 45 jours de soins. Le tribunal de Dinan a condamné l'artiste, récidiviste à un mois de prison...
- Les mauvais traitements exercés volontairement et sans nécessité envers un animal sont sanctionnés d’une amende de la 4e classe (art. R.654-1) ; les actes de négligence ayant causé la mort d’un animal d’une amende de la 3e classe (art. R.653-1) et le fait de donner volontairement la mort à un animal sans nécessité d’une amende de la 5e classe (art. R.655-1).
Cass.crim. 11
juin 2014, n° 13-85894 : Pour déclarer Mme X...,
responsable d'un refuge accueillant des chats, coupable du délit
de mauvais traitements à animaux par un professionnel et
prononcé à son encontre une interdiction définitive de présider,
diriger, gérer tout refuge visant à accueillir des animaux,
l'arrêt retient par motifs propres et adoptés que lors d'un
contrôle effectué le 3 juin 2010 par les services de gendarmerie
et les services vétérinaires, un chat se trouvait en état de
déshydratation avancée, que lors d'un second contrôle, le 17 mai
2011, six chats étaient dans un état de santé pitoyable et sans
soins ;
Il retient d'autre part que Mme X... a consacré une partie de sa
vie à la prise en charge des chats pour la plupart abandonnés de
tous, qu'elle a selon toute vraisemblance été dépassée par
l'ampleur de cette tâche et n'a pu s'adapter à cette charge,
qu'elle n'avait pas délibérément fait du mal aux animaux mais
n'avait pas été en mesure d'assurer le minimum de suivi
sanitaire, qu'alertée à plusieurs reprises sur ces défaillances,
elle s'était entêtée dans son comportement et que, dès lors,
l'élément moral des infractions de mauvais traitement à animaux
était établi ;
Mais en statuant ainsi, par des motifs ne permettant pas de
caractériser l'existence de mauvais traitements accomplis
intentionnellement, comme l'implique l'article L.215-11 C.rural
et pêche maritime, et sans rechercher à défaut si les faits
pouvaient constituer la contravention de défaut de soins à
animaux domestiques prévue aux articles R. 214-17 et R. 215-4 du
même Code, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés.
Rouen 18 mars 1980 (Gaz.Pal. 1980 II somm. p.497) : Se rend coupable de la contravention de mauvais traitement à animaux (art. R. 38-12° C.pén.) l’éleveur qui laisse des bovins dans un pré, sans abri, sans abreuvement et sans aire de couchage, alors que le sol était couvert de neige et que la température variait de 7 à 12° au-dessous de zéro.
Exemple (Ouest-France, 8 juin 2007) : "Coupable de maltraitance envers animaux" : La Cour d'appel de Nancy a confirmé, nier, les quatre mois de prison avec sursis prononcés, en décembre, contre une propriétaire de 339 chiens. Elle les faisait vivre à l'étage et dans le grenier de sa maison. Les animaux étaient nourris, mais laissés dans un état d'hygiène déplorable, selon la Société protectrice des animaux ... La Fondation Brigitte Bardot obtient 1.500 € de dommages-intérêts.
- Le défaut de soins. Le simple défaut de soins est incriminé par les art. R.214-17 et R.215-4 du Code rural.
Cass.crim. 11 janvier 2011 (n° 10-85506, Gaz.Pal. 14 avril 2011 note Detraz) sommaire : Lorsque le délit de mauvais traitements à animal domestique prévu par le Code pénal est exclu à défaut d'intention, la relaxe ne s'impose que si les faits ne peuvent être requalifiés en contravention de défaut de soin prévue par le même Code.
Cass.crim. 22 mai 2007 (Bull.crim. n° 133 p.600) : Les juges du fond ont souverainement apprécié qu'un éleveur qui ne fait pas parer les sabots de ses chevaux durant plus d'un an commet la contravention de défaut de soins à animaux domestiques prévue aux art. R.214-17 et R.215-7 du Code rural.
- Exceptions tenant aux traditions locale. L'art. 521-1 dispose toutefois que les lois protectrices des animaux ne sont pas applicables aux courses de taureaux lorsqu'une tradition locale peut être invoquée. Cette disposition rencontre l'opposition des défenseurs des animaux, qui se heurtent sur ce point aux défenseurs de traditions liées à leur culture séculaire.
Cons.Const.
21 septembre 2012, n° 2012-217 QPC : Considérant que le
premier alinéa de l'art. 521-1 C.pén. réprime notamment les
sévices graves et les actes de cruauté envers un animal
domestique ou tenu en captivité ; la première phrase du septième
alinéa de cet article exclut l'application de ces dispositions
aux courses de taureaux ; cette exonération est toutefois
limitée aux cas où une tradition locale ininterrompue peut être
invoquée ;
en procédant à une exonération restreinte de la responsabilité
pénale, le législateur a entendu que les dispositions du premier
alinéa de l'art. 521 1 C.pén. ne puissent pas conduire à
remettre en cause certaines pratiques traditionnelles qui ne
portent atteinte à aucun droit constitutionnellement garanti ;
l'exclusion de responsabilité pénale instituée par les
dispositions contestées n'est applicable que dans les parties du
territoire national où l'existence d'une telle tradition
ininterrompue est établie et pour les seuls actes qui relèvent
de cette tradition ; par suite, la différence de traitement
instaurée par le législateur entre agissements de même nature
accomplis dans des zones géographiques différentes est en
rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;
en outre, s'il appartient aux juridictions compétentes
d'apprécier les situations de fait répondant à la tradition
locale ininterrompue, cette notion, qui ne revêt pas un
caractère équivoque, est suffisamment précise pour garantir
contre le risque d'arbitraire.
Nîmes 1er décembre 2000 (JCP 2002 IV 2219) : Sont injustement condamnés pour actes de cruauté envers les animaux les prévenus qui avaient participé à une corrida organisée par une association d'amateurs sur un terrain privé. En effet, l'immunité de l'art. 521-1, alinéa 3, C.pén. est applicable aux courses de taureaux lorsqu'une tradition locale ininterrompue peut être invoquée, tradition qui n'est pas contestée en l'espèce.
- Poursuites. Elles obéissent en principe aux règles de droit commun. Il convient toutefois d'observer qu'une association de défense des animaux n'est pas recevable à déclencher des poursuites pour une simple contravention (art. 2-13 C.pr.pén.).
Cass.crim. 22 mai 2007 (Bull.crim. n° 133 p.600) : L'article 2-13 C.pr.pén., qui autorise les associations de protection des animaux à exercer les droits de la partie civile en ce qui concerne les infractions, prévues par le Code pénal, qui répriment les mauvais traitements et les sévices graves envers les animaux, ainsi que les atteintes volontaires à la vie d'un animal, n'est pas applicable à la contravention de privation de soins punie par le Code rural.
Cass.crim.
30 mai 2012, n° 11-88268 (Gaz.Pal. 30 août 2012 p.23) : Il
résulte de l'art. 2-13 C.pr.pén. que les associations de défense
et de protection des animaux ne sont pas recevables à se
constituer partie civile pour des infractions autres que celles
réprimant les sévices graves ou actes de cruauté et les mauvais
traitements envers les animaux, ainsi que les atteintes
volontaires à la vie d'un animal prévues par te Code pénal.
Méconnaît ce texte la cour d'appel qui condamne un prévenu pour
la seule contravention de défaut de soins et déclare recevables
les constitutions de partie civile d'associations de défense des
animaux.
ANIMOSITÉ
Cf. Haine*, Intention*, Mal*, Mobile*.
L’animosité est un sentiment, se situant entre la rancune et la haine, ressenti à l’égard d’une personne précise, et qui n’attend qu’une occasion pour se
manifester. Elle se traduit alors par un acte visant à causer un tort à cette personne.
Du fait qu’elle relève du domaine des Mobiles*, elle ne saurait figurer dans les éléments constitutifs d’une infraction.
Mais elle peut être prise en lors de la détermination du niveau de culpabilité et de responsabilité de l’agent.
Burlamaqui (Principes de droit naturel) : La vengeance relève d’un sentiment de haine et d'animosité, vicieux en lui-même, contraire au bien public, et que la loi naturelle condamne formellement.
Bluntschli (Droit public général) : La médiation tardive des tribunaux est rarement efficace, car les actes du procès augmentent généralement l'animosité des parties.
Code criminel de Biélorussie. Article 38 : Constitue une circonstance qui aggrave la responsabilité … le fait de commettre un crime en raison d’animosité.
Cass.crim. 17 décembre 1991 (Gaz. Pal. 1992 I Chr.crim. 178) : La volonté de renseigner le public et l’absence d'animosité personnelle ne suffisent pas, par elles-mêmes, à détruire l’intention de nuire qui s’attache de plein droit aux imputations diffamatoires.
ANIMUS NECANDI
Cf. Assassinat*, Intention criminelle*, Meurtre*, Responsabilité (subjective)*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° I-131, p.187
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la personne humaine » (4e éd.), n° I-311, p.163
Expression latine signifiant : intention de tuer. Elle constitue un Dol spécial* et caractérise l’élément moral du crime de meurtre (ou d’assassinat).
Goyet (Droit pénal spécial) : L’élément intentionnel du meurtre. L’agent doit avoir eu l’intention de donner la mort, l’animus necandi.
Ahrens (Cours de droit naturel) :En droit pénal, l'intention (animus) ... forme un élément d'appréciation juridique de l'acte externe.
Levasseur (Rev.sc.crim. 1991 760 n° III) : L'animus necandi est le dolus specialis de l'homicide volontaire ... C'est l'intention de donner la mort.
On parle aussi, mais moins souvent, d'animus hostilis (dans un esprit hostile) pour désigner l'intention d'agir en ennemi d'une nation, notamment par trahison ou espionnage ; ou encore d'animus lucri pour viser l'intention de s'enrichir.
Vitu (Traité de droit pénal spécial) : Si le prévenu veut porter atteinte à la sécurité du pays et pousser les nations étrangères à engager les hostilités contre lui (animus hostilis), on parle de trahison.
Vitu (Traité de droit pénal spécial) : L’animus lucri ne s’intègre pas à la structure du délit d'escroquerie.
ANNULATION - Voir : Abolition*, Cancellation*, Nullité*.
ANONYMAT
Cf. Dénonciation anonyme*, Indicateurs* (comprend la « source » journalistique), Témoignage anonyme*, X (poursuites contre)*.
Une déclaration anonyme émane d’une personne qui refuse de décliner son identité. Un juge répressif n’est pas tenu d’écarter d’office une telle déclaration – qui peut avoir un motif légitime tel que la peur de représailles – mais il devra l’examiner avec un respect accru des droits de la défense.
Code pénal du Brésil. En matière de dénonciation calomnieuse son art. 339 dispose : La peine est augmentée d’un sixième, si l’agent se sert de l’anonymat ou d’un nom prétendu.
Cass.crim. 16 décembre 1991 (arrêt Augier) : Rien n’interdit au juge d’instruction d’exploiter des renseignements anonymes, pourvu que ce soit sans artifice ni stratagème et qu’il ne soit pas porté atteinte aux droits de la défense.
Cass.crim. 19 mai 2004 (Bull.crim. n° 130 p.497) : S’il n’est pas interdit au juge de faire état d’une déclaration anonyme… c’est à la condition qu’elle soit corroborée par d’autres éléments d’information.
ANONYMOGRAPHE - Voir : Corbeau*.
ANTHROPOLOGIE CRIMINELLE
Cf. Biologie criminelle*, Criminel-né*, Criminologie*, Déterminisme*, Lacassagne*, Libre arbitre*, Lombroso*.
Voir : A. Lacassagne, Histoire de la médecine légale
Voir : G. Tarde, Rapport sur la sociologie criminelle
Voir : D. Drill, Les fondements et le but de la responsabilité pénale
Voir : A. Corre, Invention et imitation dans la criminalité
Voir : A. Prins, Développement historique du droit pénal
L’anthropologie criminelle (l’expression vient de Lombroso qui l’a prise pour titre de son principal ouvrage) est une branche de l’anthropologie. Mais on parle plutôt aujourd’hui de Biologie criminelle*.
Vergely (Dico de la philosophie) : Le mot anthropologie désigne une science sociale s’efforçant de comprendre les structures de la culture humaine afin de cerner son mode d’apparition ainsi que son fonctionnement.
Garofalo (La criminologie) : Je suis persuadé que l'anthropologie criminelle n'est pas une œuvre d'imagination, qu'elle n'est nullement l'alchimie ni l'astrologie de notre siècle, mais que c'est une vraie science reposant sur des faits bien constatés et qui aura toujours de nouveaux développements. J'ai gagné cette persuasion non seulement par l'accord avec lequel certains faits sont reconnus de tous les anthropologistes, mais encore par une observation directe, qui m'a permis d'en constater les plus remarquables.
Proal (Le crime et la peine) : L'école d'anthropologie criminelle explique le crime par l'atavisme et assimile le criminel à l'homme primitif et sauvage dépourvu de tout sans moral. Cette école est allée jusqu'à retracer en traits prétendus invariables le type physique du criminel ; cheveux, mâchoires, nez, oreilles et bien d'autres choses exactement définies, peuvent nous éclairer sur une nature criminelle et même sur l'espèce de crime auquel elle est fatalement entraînée. Qu'on ait fait sur ce point des observations curieuses, il n'est pas besoin de le nier ; mais dans le détail, il faut faire bien des réserves, soit sur les observations mêmes, soit sur la méthode.
Lucchini (Le
droit pénal et les nouvelles théories - éd. Paris 1892) : La
certitude du libre arbitre est le fondement de la justice
criminelle. Tous les Codes déclarent, au frontispice de leurs
dispositions, qu'il n'y a pas de délit sans volonté perverses.
L'honneur des lois modernes est d'avoir de plus en plus accentué
l'affirmation de ce principe. Une école nouvelle, l'école
positiviste d'anthropologie criminelle, développant jusqu'aux
plus extrêmes limites les thèses du déterminisme, dénie cette
vérité et s'efforce de faire entrer dans le domaine judiciaire
des théories dès longtemps connues; cette tentative ne saurait
surprendre les esprits réfléchis : les idées vraies ou fausses
ne tendent-elles par passer de la spéculation aux réalisations
pratiques ?
D'après la nouvelle école, les malfaiteurs seraient le plus
souvent des « criminels-nés » ;
leurs actes devraient être attribuées à des causes absolument
indépendantes de la volonté. Pour découvrir ces causes il
faudrait examiner la constitution physique de l'agent, la
capacité et la circonférence du crâne, l'aspect du front, la
longueur des bras, croit à des indications plus complètes que
révéleraient le poids de l'encéphale, la qualité de la matière
cérébrale, les variétés organiques et les circonvolutions du
cerveau, où se localiseraient non seulement chacun des sens,
mais encore l'intelligence et le caractère.
ANTHROPOMÉTRIE - Voir : Bertillon*, Criminalistique*, Empreintes digitales*, Signalement*.
ANTHROPOPHAGIE (Anthropophage)
Cf. Dignité de la personne humaine*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° II-10, p.287
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la personne humaine » (4e éd.), n° 49, p.49
- Notion. L’anthropophagie, ou cannibalisme, consiste dans le fait de manger de la chair humaine.
Joly (Le crime, étude sociale) : La vie sauvage et la vie barbare, ont des crimes qui leur sont propres. Tels sont l’anthropophagie, les sacrifices humains, la prostitution officielle et religieuse, etc.
Exemple (Télétexte du 9 janvier 2003) : Sortant pour la première fois des forêts où ils habitent, plusieurs centaines de pygmées, venus grossir le flot des réfugiés, ont accusé (selon Médecins Sans Frontières) des bandes armées congolaises d’avoir mangé leurs parents.
- Règle morale. L'anthropophagie porte atteinte à la dignité de la personne humaine, qui présente un caractère sacré ; cette pratique appelle donc une condamnation morale sans réserves.
Bouiller (Questions de morale) parlait des missionnaire qui, sous les ordres du cardinal Lavigerie, combattent, au centre de l'Afrique, l'anthropophagie et l'esclavage.
De Greeff (Lois sociologiques) : Il y a régression subite et complète quand un groupe social plus ou moins nombreux et avancé est subitement enlevé au milieu de la formation de son organisation supérieure. Aux îles Fidji, on a vu des Européens retourner en peu de temps à la sauvagerie, même au cannibalisme.
- Science criminelle. Un tel acte doit donc figurer dans la rubrique du Code pénal
en tant que délit du droit des gens. Il était jadis incriminé en
Europe, il l'est encore dans certains pays d'Afrique.
Ce crime connaît une forme aggravée, qui consiste à faire délibérément manger à autrui de la chair humaine (Atrée, le premier des Atrides, tua par haine
les trois fils de son frère Thyeste, et lui en fit manger lors d’un repas officiel).
Loi Salique. T. LXVII, Art. 3 : Si une sorcière est convaincue d’avoir mangé de la chair humaine, elle sera condamnée à payer 8.000 deniers, ou 200 sous d’or. [à défaut de paiement de cette très importante somme, la peine de mort était encourue]
Desmaze (Les pénalités anciennes) : Le 18 janvier 1573, un arrêt du Parlement de Dôle condamne un homme « à être traîné sur la claie et brûlé, pour avoir mangé plusieurs enfants, en forme de loup-garou ».
Code pénal coréen de 1905. Art. 467 : Quiconque aura dépecé un cadavre pour en manger la chair, sera puni de la strangulation.
Code pénal du Burkina Faso. Art. 324. Est puni de mort quiconque se rend coupable d'un meurtre commis dans un but d'anthropophagie, de culte, de pratiques occultes ou de commerce .
Nigeria (Code pénal de l'État du Zamfara - Shari'ah). Art. 408. Cannibalisme - Quiconque, en connaissance de cause, mange d'un corps humain, ou en reçoit une quelconque partie dans le but d'en manger, sera puni de mort.
Code pénal de Mauritanie. Art. 278 : Sera puni de mort quiconque se sera rendu coupable d'un meurtre commis dans un but d’anthropophagie. Tout acte d’anthropophagie, tout trafic ou cession de chair humaine à titre onéreux ou gratuit seront punis des travaux forcés à temps.
Exemple (Ouest-France 22 janvier 2016) : Hier, un ancien rebelle ougandais comparaissait devant la Cour pénale internationale de La Haye. Il a été accusé de 70 crimes de guerre ; dont l'esclavage sexuel d'écolières. Il a aussi ordonné à ses hommes de tuer, de cuisiner et de manger des civils.
- Droit positif. Le législateur français n’a pas cru souhaitable de l’incriminer. Pourtant, au moins deux cas de cannibalisme ont été divulgués par la presse en France ces dernières années (notamment l'affaire dite du "Japonais cannibale"). Sans compter les cas où un français, se trouvant dans un pays étranger, s'est vu servir de la chair humaine en lieu de place de viande animale (une telle incrimination donnerait alors éventuellement compétence aux tribunaux répressifs français).
Bayet (La science et les faits moraux) : Quand un acte n'est pas visé par les lois ... cela peut tenir à ce que l'horreur qu'il excite le rend infiniment rare : c'est ainsi que notre code ne punit pas l'anthropophagie.
Exemple (Ouest-France 9 juillet 2004) : Un détenu de la maison centrale de Saint-Maur (Indre) a été mis en examen pour meurtre avec acte de barbarie … Dimanche soir, lors de la distribution des repas, armé d’un cendrier il a fracassé le crâne d’un autre détenu, s’acharnant sur lui et entreprenant de manger sa cervelle.
ANTIQUAIRE - Voir : Brocanteur*.
ANTISOCIAL - Voir : Asocial*.
ANTIVOL
Cf. Autodéfense*, Légitime défense*, Piège à feu*, Vol*.
Un antivol est un dispositif conçu pour empêcher le vol d'une chose, notamment d'une voiture automobile.
Il a été rendu obligatoire par le Code de la route, afin de limiter le nombre des véhicules dérobés, d'alléger le volume des remboursements versés par
les compagnies d'assurance, et de freiner ainsi la hausse du montant des primes d'assurance.
Comme la contravention de défaut du port de la ceinture de sécurité, la contravention de défaut d'antivol pèse sur les victimes éventuelles ; ce qui la
range dans la catégorie des incriminations de prévention posées dans l'intérêt général.
Code de la route. Art. R.317-15 : Tout véhicule à moteur, à l'exception des cyclomoteurs, des quadricycles légers à moteur, des véhicules et matériels agricoles ou de travaux publics, doit être muni d'un dispositif antivol. Un arrêté du ministre de l'intérieur et du ministre chargé des transports détermine les conditions d'application du présent article. Le fait de contrevenir aux dispositions du présent article ou à celles prises pour son application est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la troisième classe.
Cass. 1e civ. 22 avril 1986 (Gaz.Pal. 1986 II Panor. cass. p.132) : La Cour d'appel a pu estimer qu'il n'y avait, ni au regard de l'ordonnance du 30 juin 1945, ni au regard du traité de Rome, abus de position dominante de la part de compagnies d'assurances dès l'instant que, sans tendre à supprimer la concurrence, un certain nombre d'entre elles proposaient d'un commun accord une clause dite «syndicale» qui leur paraissait de nature à réduire le nombre des sinistres en imposant aux transporteurs une précaution d'élémentaire prudence, la garantie du vol des marchandises étant subordonnée au verrouillage des portières et de l'antivol du véhicule.
Fait divers (La Meuse, 20 juin 1976) : Un automobiliste de Berlin-ouest a mis au point un système antivol aussi simple qu'efficace. Il place sur le siège du conducteur, dissimulé sous une couverture, une planche garnie de clous acérés qui s'avère redoutable pour un voleur pressé et peu attentif. La police a appréhendé sans peine un homme qui avait voulu s'emparer du véhicule et qui a attiré l'attention par ses hurlements de douleur.
APATRIDE
Cf. Étranger*, Expulsion des délinquants étrangers*, Immigration*, Réfugié*.
L’apatride est une personne qui ne peut revendiquer telle ou telle nationalité ; ou qui ne le veut pas afin d’éviter, soit que l’on ne le renvoie dans son pays d’origine, soit que l’on ne remonte dans son passé. Il prend parfois la qualité de réfugié ou de demandeur d’asile. Mais il inspire traditionnellement une certaine méfiance aux tribunaux répressifs, du fait que nul ne répond de lui. Voir la Convention de New York du 28 septembre 1954, sur les apatrides.
Holleaux, Foyer et de la Pradelle (Droit international privé) : Lorsqu’aucun pays ne reconnaît un individu comme son national, c’est un conflit négatif de nationalité qui conduit à l’apatridie.
Cass.crim. 27 septembre 1993 (Gaz.Pal. 1993 II Chr.crim. 575) : Pour confirmer à bon droit l’ordonnance du juge d’instruction rejetant la demande de mise en liberté de l’intéressé, l’arrêt attaqué, après avoir constaté l’existence d’indices laissant présumer que le susnommé aurait tiré plusieurs coups de feu dans un débit de boissons en direction de consommateurs, blessant l’un d’eux, énonce notamment que la détention s’impose pour empêcher des pressions sur les témoins et qu’elle est nécessaire pour prévenir le renouvellement de l’infraction en raison du conflit grave qui oppose l’intéressé à la famille de la victime. Et ce d’autant plus que l’arrêt relève encore que l’intéressé, apatride et sans emploi, qui a déjà fait l’objet de quatre condamnations dont une à quatre années d’emprisonnement pour trafic de stupéfiants, n’offre pas de garanties de représentation et qu’il est susceptible de se soustraire à l’action de la justice, eu égard au niveau de la peine encourue.
APOLOGIE (d’une infraction)
Cf. Délits pénaux (délit de conséquence)*, Blanchiment d’argent*, Complicité*, Constitution*, Crime contre l'humanité *, Génocide*, Meurtre*, Plaidoirie - plaidoyer*, Port d'un uniforme ou d'un insigne nazi*, Provocation (à commettre une infraction)*, Publication destinée à la jeunesse*, Recel*, Régicide*, Souscription*, Stupéfiants*, Terrorisme*.
Voir
Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.)
- De manière générale :
n° I-249 3°, p.265 / n° I-250, p.266 / n° II-212, p.337 / n°
II-219 et s., p.344 et s. / n° II-223, p.348
Voir Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e
éd.) :
- Sur l’apologie de meurtre : n° 11, p.191
- Sur l’apologie de vol : n° IV-327, p.615
- Sur l'apologie d'incendie : n° V, p.663
Voir Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et
des adolescents » :
- Sur l’apologie de l'individualisme : n° I-337, p.21
- Sur l’apologie de l'avortement : n° 306, p.133
- Sur l'apologie de l'athéisme : n°336, p.204
Voir
Jean-Paul Doucet, « La protection de la
société »
- Sur l'apologie d'un crime contre la Constitution : n°
30, p.29-30 / n° II-II-231, p.519
- Sur l'apologie d'un crime contre la Nation : n° 9, p.14 /
n° I-I-113, p.87-88 / n° I-I-220, p.125 / n° I-I-209, p.111 / n° II-II-231, p.519
- Sur l'apologie d'un crime contre l'État : n° II-114, p.319 /
n° II-I-127, p.369
- Sur l'apologie des vices : n° I-II-11, p.154 / n° I-II-126,
p.180 / n° I-II-225, p.215
- Sur l'apologie d'un crime ou d'un criminel : n°II-II-231,
p.519
- Notion. L’apologie consiste en un écrit ou discours par lequel une personne fait l’éloge d’une infraction ou de son auteur.
Th. More (L’Utopie) : J’ai entrepris une histoire et non une apologie. Ce qui est certain pour moi, c’est que le peuple d’Utopie, grâce à ses institutions, est le premier de tous les peuples, et qu’il n’existe pas ailleurs de république plus heureuse.
Jousse (Traité de la justice criminelle) : C’est encore une manière de conseiller le crime, que de le louer comme une bonne action ; ou de le soutenir par des écrits, comme une chose permise et légitime.
Henri Martin (Histoire de France) : Le 7 janvier 1595 on pendit en Grève un jésuite nommé Guignard, condamné pour des écrits trouvés au collège de Clermont, dans lesquels il approuvait le meurtre de Henri III et avançait qu’on avait le droit de traiter de même le Béarnais (Henri IV).
Exemple (Ouest-France 20 septembre 2013) : Un homme de 26 ans a été arrêté, mardi, à Hérouville-Saint-Clair, pour avoir diffusé des messages d'Al-Qaida sur Internet... Il a été placé en détention provisoire pour apologie d'actes de terrorisme et provocation à la commission d'actes de terrorisme.
- Règle morale. Faire l'apologie d'un crime, par exemple de la réduction d'un homme à l'état d'esclave, c'est approuver cet acte et inviter à en féliciter l'auteur. Nombre d'idéologues sont tombés dans ce travers. Une telle attitude appelle une condamnation morale sans équivoque.
Bouiller (Questions de morale) : Loin de moi la pensée d'entreprendre une apologie du mensonge et d'aller sur les traces de casuistes relâchés qui ont enseigné à mentir sans péché par la seule direction d'intention.
Corre (Les criminels) : Certains criminels méprisent l'humanité entière, font avec cynisme l'apologie du vice, déclarent hautement qu'ils ne croient pas à la vertu et soutiennent avec ostentation les théories les plus immorales, les plus attentatoires à la dignité humaine et à l'ordre social.
Proal (La criminalité politique) : Buchez et Roux ont fait l'apologie des crimes révolutionnaires ; ils ont écrit que la terreur peut être un système de gouvernement, qu'elle est quelquefois obligatoire, que c'est une méthode qui se juge par le but qu'elle poursuit, ils ne voient dans les massacres de Septembre qu'une "mesure de salut public accomplissant une fonction utile".
Serge Tchapnine ( La revue du patriarcat de Moscou), à propos de l'érection d'un monument en l'honneur de Staline : Toute apologie de Staline est contraire aux canons de L'Église russe.
- Science criminelle. Techniquement, faire l’apologie d’une infraction c’est, non seulement se rendre complice a posteriori d’un crime passé, mais encore inviter autrui à suivre cet exemple ; à ce titre il s’agit d’une provocation indirecte. C’est pourquoi nombre de législateurs incriminent spécialement l’apologie, et en font un délit de conséquence. Certains visent uniquement l'apologie de crime ; d'autres répriment en outre l'apologie des délits les plus graves ; d'autres enfin sanctionnent l'apologie de tout crime ou délit contre les intérêts juridiques majeurs, telle la sûreté de l'État.
Voir : Tableau général des incriminations pénales pouvant protéger un intérêt juridique donné. (2e colonne, 3° ligne)
Voir : Tableau des incriminations protégeant la Constitution
Voir : Tableau des incriminations protégeant la vie (selon la science criminelle)
Gonnard (Juris-classeur Pénal annexe, v° Provocation aux crimes et délits n° 25) : L’apologie constitue une forme insidieuse et souvent dangereuse de provocation. La présentation d’un tel acte sous un jour favorable, son exaltation plus ou moins voilée, peuvent exercer, sur des individualités peu portées à l’esprit critique, une influence particulièrement nocive en leur apportant une absolution anticipée pour le cas où ils choisiraient le « passage à l’acte » ou même une justification morale et la possibilité de s’affirmer aux yeux d’autrui.
Blackstone (Commentaires sur les lois anglaises, éd. 1776) : Constitue un acte d’apologie le fait de boire publiquement à la santé d’un traître.
Code pénal tchécoslovaque de 1950. Art. 165 : Tout individu qui publiquement approuve un délit, ou glorifie le coupable à cause du délit commis, sera puni de la privation de liberté.
Code pénal du Brésil. Art. 287 - Apologie de crime ou criminel - Faire, publiquement, l'apologie d'un acte criminel ou de l'auteur d'un crime : Peine - détention, de trois à six mois.
Code pénal du Paraguay. Art. 238- Apologie d'une infraction - Celui qui publiquement, dans une réunion ou au moyen de publications... fera, de manière susceptible de troubler la paix publique, l'apologie d'un crime tenté ou consommé, ou encore l'apologie de celui qui a été condamné pour l'avoir perpétré, sera puni de trois ans de privation de liberté...
Code pénal du Cameroun. Art. 267 - Apologie de certains crimes ou délits - Est puni d'un emprisonnement de un an à cinq ans et d'une amende ... ou de l'une de ces deux peines seulement celui qui fait publiquement l'apologie des crimes de meurtre, pillage, incendie, destruction, vol, ainsi que des crimes ou délits d'atteinte à la sûreté de l'État.
Cass.crim. 5 décembre 1956 (Bull.crim. n°816 p.1448) : La répression du délit d’apologie de crime exige que les propos aient été proférés dans un lieu public.
Cass.crim. 15 décembre 2015, pourvoi n° 14-86132 (Gaz.Pal. 19 janvier 2016 p.42) : Le délit d'apologie de crime de guerre ou de crime contre l'humanité n'est constitué que si les propos incriminés ont été « proférés », c'est-à-dire tenus à haute voix dans des circonstances traduisant une volonté de les rendre publics.
Exemple (Ouest-France 23 décembre 2011). Un député anglais sanctionné après un toast nazi. Un hebdomadaire avait publié des photos où on voyait ce député participant à un dîner entre copains, où l'un des convives avait revêtu l'uniforme SS et où un toast au troisième Reich était porté. Le parti conservateur a condamné son attitude inappropriée et idiote.
Exemple (Ouest-France 15 septembre 2017). En juillet 2016, la région Émilie-Romagne (Italie) a adopté une résolution prévoyant l'extension du délit d'apologie du fascisme aux gadgets à l'effigie du Duce, bouteilles de bière et de vin incluses.
- Droit positif. En France, le délit d’apologie est incriminé par l’art. 24 al. 3 de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse.
Voir : Tableau des incriminations protégeant la Nation contre les actes de terrorisme (en droit positif français)
Voir : Tableau des incriminations protégeant la vie (en droit positif français)
Vitu (Traité de droit pénal spécial) : Alors que la provocation tend à obtenir la commission d’un acte délictueux déterminé, l’apologie ne cherche pas à atteindre ce but : elle n’agit que d’une façon indirecte, en semant dans le public les germes d’une détérioration grave du sens moral ou civique ou en troublant les esprits.
Cass.crim. 14 janvier 1971 (Bull.crim. n°14 p.30) : Constitue une apologie de crime de guerre la publication d’un texte de nature à porter un jugement de valeur morale favorable aux dirigeants du parti national socialiste allemand condamnés comme criminels de guerre par le Tribunal de Nuremberg.
Cass.crim. 12 avril 2005 (Bull.crim. n° 128 p. 446) : L’apologie suppose que les propos incriminés constituent une justification du crime considéré.
Cass.crim. 24 octobre 1967 (Bull .crim. n°263 p.619) : L’exaltation d’un homme, lorsqu’elle est faite à raison de faits constituant l’un des crimes et délits énumérés par l’art. 24 al.3 de la loi du 29 juillet 1881, caractérise le délit d’apologie que ledit texte prévoit et sanctionne.
Cass.crim. 7 décembre 2004 (Bull.crim. n° 310 p.1154) : L’apologie, au sens de l’art. 24 al. 3 de la loi de la loi sur la presse, n’est pas synonyme d’éloge ni de provocation directe … elle recouvre également des commentaires qui tendent à légitimer l’emploi de la torture et à porter sur lui un jugement favorable.
Cass.crim. 2 novembre 1978 (Bull.crim. n°294 p.759)
: Le journal quotidien Libération dont J... est le directeur de publication, a fait paraître, dans son numéro 930 sous le titre « Bravo pour le coup
d’Aldebert » un article non signé qui, après avoir exposé dans une première partie qui se voulait humoristique qu’un très important vol avec effraction
avait été commis dans une bijouterie du boulevard de la Madeleine à Paris, souhaitait que le cambrioleur « ne se fasse jamais piquer car on ne peut
vraiment rien trouver à redire à propos d’un coup comme ça exécuté sur le dos d’un joaillier plein de fric ».
J..., poursuivi pour apologie du crime de vol en vertu de l’art. 24 al.3 de la loi du 29 juillet 1881, a été, à bon droit, retenu dans les liens de la
prévention.
Il résulte en effet des termes de l’article incriminé que celui-ci, loin de se borner à relater un vol de nature criminelle, l’a présenté comme un
exploit digne d’approbation, en exprimant le souhait de voir son auteur échapper à toute sanction.
Une telle présentation, qui tendait à faire naître dans l’esprit des lecteurs une appréciation favorable audit crime et à le justifier, entre dans les
prévisions du texte précité.
Toulouse 19 janvier 1894 (Gaz.Pal. TQ 1892-1897, v°Presse n°70) : Constitue le crime d’apologie de crimes de meurtre le fait de proférer publiquement, en les associant au cri de « Vive l’anarchie », les cris de « Vive Ravachol ! Vive Vaillant ! ».
Le plus souvent l'apologie d'un crime est imputée à la personne même qui a tenu les propos reprochés. Mais il peut arriver que cette infraction soit mise au compte de son auteur moral.
Cass.crim.
17 mars 2015, pourvoi n° 13-87358 : Le 25 septembre 2012, la
directrice d'une école maternelle de Sorgues (Vaucluse) a
constaté, en rhabillant l'enfant Z... Y..., né le 11 septembre
2009, qu'il portait un tee-shirt avec les inscriptions suivantes
: " Z..., né le 11 septembre ", et : " Je suis une bombe " ;
ayant relevé, dans ces mentions, une référence aux attentats
terroristes commis à New York le 11 septembre 2001, elle a
signalé ces faits à l'inspection académique ; dans le même
temps, le maire de la commune a saisi le procureur de la
République ; il a été établi lors de l'enquête ordonnée par ce
magistrat que ce vêtement avait été offert à l'enfant par son
oncle maternel, M. Zeyad X..., à l'occasion de son anniversaire
...
Pour condamner à bon droit ce dernier, l'arrêt retient,
notamment, que les différentes mentions inscrites de part et
d'autre du vêtement, ne peuvent être dissociées, s'agissant d'un
unique support, et que l'association délibérée de ces termes,
alors qu'aucune référence n'est faite à l'année de naissance de
l'enfant, renvoie, pour toute personne qui en prend
connaissance, au meurtre de masse commis le 11 septembre 2001 ;
les juges ajoutent, en ce qui concerne M. X..., que la commande
qu'il avait passée des inscriptions devant figurer sur ce
tee-shirt, son insistance auprès de la mère de l'enfant pour
qu'elle en revête celui-ci lorsqu'elle l'enverrait à l'école,
lieu public par destination, traduisent sa volonté, non de faire
une plaisanterie, comme il le soutient, mais de présenter sous
un jour favorable les crimes évoqués, auprès des personnes qui,
dans l'enceinte de l'établissement scolaire, seraient amenées à
voir ce vêtement ; ils en concluent que les faits reprochés au
prévenu, qui ont dépassé les limites admissibles de la liberté
d'expression, au sens de l'art. 10 de la Conv. EDH, en ce que M.
X... a utilisé un très jeune enfant comme support d'un jugement
bienveillant sur des actes criminels, caractérisent le délit
d'apologie de crime visé par l'art. 24 de la loi du 29 juillet
1881.
APOSTASIE
Cf. Blasphème*, Liberté - liberté religieuse*, Religion*, Renégat*, Prosélytisme*, Sacrilège*, Théocratie*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la personne humaine » (4e éd.), n° III-235, p.524
- Notion. L’apostasie consiste à abandonner volontairement, et publiquement, la religion que l'on suivait jusqu’alors. L’empereur Julien (361 à 363) est dit l’Apostat parce qu’il rejeta la religion chrétienne et voulut ramener l’Empire romain au paganisme. L’un des chefs d’accusation retenus contre Jeanne d’Arc fut celui d’apostasie (relaps : fait de rechuter dans l'apostasie).
Code de droit canonique : Can. 751 - On appelle apostasie, le rejet total de la foi catholique.
Héribert Jone (Précis de théologie morale) : L’apostasie est l’abandon complet de la foi chrétienne de la part d’une personne qui a reçu le baptême. On devient apostat, p.ex., en niant un Dieu personnel ou la divinité du Christ. Il n’est pas nécessaire pour cela d’adhérer à une autre communauté religieuse.
Exemple (Ali Sina, La psychologie de Mahomet et des musulmans) : Quand une jeune hindoue est convertie à l'Islam, des centaines de musulmans descendent dans la rue et scandent des slogans religieux. La malheureuse gamine est lors menacée : si elle renie l'Islam, elle sera exécutée pour apostasie.
Exemple (Ouest-France 5 novembre 2010) : Iran : Un pasteur protestant condamné à mort. Yousef N... pourrait être prochainement exécuté pour « abandon de l'Islam ». Depuis sa prison, il a déclaré qu'il « reste fidèle au Christ, malgré les pressions des autorités iraniennes ».
Muyart de Vouglans (Les lois criminelles de France, Paris 1783) a une définition marquée par le schisme protestant : L’apostasie se commet par ceux qui désertent notre Religion pour en embrasser une autre, comme le Judaïsme, le Mahométisme ; on appelle aussi les Apostats Renégats »… La peine est celle de l’infamie et de la confiscation des biens.
TGI Paris (1re Ch.), 9 juillet 1985 (Gaz.Pal. 1985 II somm. 399) : Les participants à tout « combat pour la foi » sont toujours portés à voir dans l’adversaire celui qui nie, renie… l’accusation suprême étant celle d’apostasier.
- Règle morale. Le principe de la liberté religieuse est consacré par les Conventions internationales relatives aux droits de l'homme, ce qui autorise toute personne à changer de religion selon ses convictions.
Domat (Les quatre livres de droit public) : Le Dieu juste et bon ne donne pas aux souverains le droit d'opprimer les peuples, de persécuter la religion et de commander l'apostasie.
- Science criminelle. À bon droit naturel et conventionnel, les États libéraux suivent une politique de neutralité à l’égard des diverses religions, et se refusent à incriminer l’apostasie.
Déclaration universelle des droits de l'homme (ONU 1948). Art. 18 : Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, seule ou en commun, tant en public qu’en privé, par l’enseignement, les pratiques, le culte et l’accomplissement des rites.
L’ancien Code pénal autrichien (§ 122), pour assurer la sécurité publique, en considération de la proximité terrestre de l'Empire ottoman et de ses avancées, incriminait toutefois le fait d’inciter un chrétien à l’apostasie.
- Au contraire, dans les États théocratiques l’apostasie est incriminée sur le plan pénal.
Blacskstone (Commentaires sur les lois anglaises) : On se rend coupable d'apostasie si, après avoir professé la foi chrétienne, on l'abandonne pour en embrasser une fausse, ou pour n'en suivre aucune. L'Empereur Constantin ordonna que tout chrétien qui embrasserait le culte des Idoles serait privé de ses biens.
Gondal (Islamisme et christianisme, éd. 1906) sur l'expansion de l'Islam : Tout infidèle avait à payer une capitation qui devenait de plus en plus lourde que les rangs des opposants s'éclaircissaient davantage. L'apostasie, en effet, en dispensait de plein droit ; et comme le Trésor entendait ne rien perdre, les non-croyants obstinés voyaient s'appesantir sur eux, toujours plus dure après chaque défection, la main du fisc musulman. Cette disposition, dit M. Dozy, a beaucoup contribué à la propagation de l'Islam : des millions d'hommes apostasièrent parce que l'intérêt pécuniaire l'emportait chez eux sur toute autre considération.
Code pénal de Mauritanie. Art. 306 al. 2 et 3 :
Tout musulman coupable du crime d'apostasie, soit par parole, soit par action de façon apparente ou évidente, sera invité à se repentir dans un délai
de trois jours.
S'il ne se repent pas dans ce délai, il est condamné à mort en tant qu'apostat, et ses biens seront confisqués au profit du Trésor. S'il se repent avant
l'exécution de cette sentence, le parquet saisira la Cour suprême, à l'effet de sa réhabilitation dans tous ses droits, sans préjudice d'une peine
correctionnelle ...
Exemple (Ouest-France 6 septembre 2007) : Peut-on quitter l'islam ? Chaud débat en Égypte. La justice doit trancher le cas de douze coptes qui, devenus musulmans, veulent revenir à leur religion d'origine... Le grand mufti, dans une fatwa, affirme que : "l'acte d'abandonner sa religion est un péché punissable par Dieu le jour du Jugement dernier. Dans le cas où quelqu'un rejette simplement sa foi, aucun châtiment n'est prévu en ce bas monde" ... Mais la doyenne de la prestigieuse faculté islamique d'Al-Azhar a rendu une fatwa radicalement inverse : "L'apostat qui quitte l'islam et répand son apostasie ... son sang doit être versé".
Exemple (Le Figaro 15 juillet 2000) : Mohammed Omer Haji, Somalien réfugié au Yémen a été condamné à mort le 5 juillet pour crime d'apostasie. Converti au christianisme en 1998, Haji a jusqu'au 19 juillet pour "prononcer par trois fois sa renonciation à la foi chrétienne".
- Droit positif. Le droit pénal français ne connaît pas le crime d'apostasie. Un justiciable français qui renonce à sa religion, ou à toute religion, n’encourt donc aucune sanction pénale.