PETITS CAS PRATIQUES
et FAITS DIVERS COCASSES
( Cas n°35 à 50 )
- Maladroite ! Le beau vase que maman nous avait offert !
|
Cas n° 35 - Une jeune fille de sang-froid.
|
|
Miss F. W... finissait de se peindre les ongles dans son studio de Chicago, quand deux voleurs masqués sont entrés par la
fenêtre. Miss W... a posé son pinceau, ouvert le tiroir de sa coiffeuse, sorti un pistolet, abattu les deux hommes, reposé le
pistolet, repris son pinceau, terminé son petit doigt, attendu que ça sèche, et enfin a appelé la police.
|
|
Question : Sa prochaine séance de manucure se déroulera-t-elle en prison ?
Réponse : Non, semble-t-il. Le fait que la jeune femme ait montré le plus grand sang-froid
interdit de se tourner vers une cause de non-imputabilité, telle la perte de libre arbitre. Mais les conditions de la légitime
défense paraissent réunies : l’irruption de deux hommes masqués, pénétrant par une fenêtre dans une pièce habitée, engendre
pour la jeune femme qui s’y trouve une menace extrêmement grave et actuelle, à laquelle elle peut faire face par tout
moyen.
|
|
|
|
|
Cas n° 36 - Un perroquet vigilant.
|
|
|
|
Un perroquet amazonien a mis en fuite un cambrioleur qui s’était introduit, la nuit, dans la maison de son maître, à Oberstdorf
(Bavière). Le voleur a commis l’erreur d’allumer une bougie. Or, dès l’apparition d’une lumière, le perroquet a l’habitude de
s’écrier : « Guten Morgen » (bonjour). Le malfaiteur, se croyant pris en flagrant délit, s’est enfui en sautant
par la fenêtre.
|
|
Question : Quelle qualification ces faits appellent-ils ?
Réponse : Tentative de vol commise dans un bâtiment servant d’habitation. En effet, dès lors qu’il s’était déjà introduit dans les lieux, l’agent avait accompli un indéniable commencement
d’exécution ; par ailleurs, du fait qu’il a fui parce qu’il a cru avoir été surpris, il ne peut invoquer un désistement
volontaire.
|
|
|
Cas n° 37 - La voix du sang.
|
|
Le frère et la sœur accomplissent un acte similaire. J. A..., 22 ans, et sa fiancée Augusta M..., 19 ans, achevaient de dîner à Marseille. Soudain, la jeune fille tira de son sac
un revolver et tua son fiancé. La meurtrière a été arrêtée. – Presque au même moment, boulevard Fabricet, le frère de la
meurtrière, Albert M..., tirait un coup de revolver sur une jeune fille, Marguerite S..., 14 ans, et la blessait à la gorge.
(Le Soir, 27 août 1926)
|
|
Question : Quelle question pose ce fait divers ?
Réponse : Cette coupure de presse ne nous fournit que peu d’éléments concrets ; elle ne nous indique même pas si le frère et la sœur
étaient jumeaux. Elle invite néanmoins à réfléchir sur les causes de la criminalité. Dans quelle mesure le programme génétique
d’une personne peut-il prédisposer à la délinquance ? Quelle part revient à une éducation donnée dans une famille ?
Nous n’avons pas de réponse précise en cette matière. Reste que la dignité de la personne humaine invite à voir dans chacun un
individu unique, et à présumer qu’il jouit de son libre arbitre.
|
|
|
|
|
Cas n° 38 - Il ne pouvait, hic, pas.
|
|
|
|
Accident à un carrefour de Hanovre (Allemagne). Un motocycliste renversé par une voiture a été grièvement blessé. L’automobiliste
n’a daigné descendre de sa voiture qu’à l’arrivée d’un agent : - « Je suis, hic, le consul du Dahomey ; je suis,
hic, diplomate, donc je jouis, hic, de l’immunité diplomatique ; donc je refuse, hic, une prise de sang ». Le juge lui
a répondu : « Consul ou pas, en voiture du consulat ou pas, vous n’aviez pas le droit de rouler complètement ivre. Je
vous condamne à une amende de 75.000 F, plus les dommages-intérêts à votre
victime ». (La Meuse, 15 novembre 1974)
|
|
Question : La condamnation est-elle légale ?
Réponse : Au départ une distinction : si un agent diplomatique jouit d’une complète immunité pénale, un agent consulaire n’est couvert
que pour les actes accomplis dans l’exercice des fonctions. Le présent agent consulaire peut donc se voir reprocher son délit de
conduite en état d’ivresse.
Deuxième question : l’intéressé ayant refusé la prise de sang, comment établir l’état d’ivresse ? La réponse vient du
principe de la liberté des preuves en matière pénale : les constations effectuées par les autorités de police peuvent
suffir, si elles emportent la conviction du juge.
|
|
|
Cas n° 39 - Il voulait tuer Poincaré.
|
|
Un jeune homme s’est présenté lundi, vers 14 h.20, au ministère français des Finances, a pénétré dans un bureau et a demandé à un
employé où il pourrait rencontrer M. Poincaré. Comme on lui demandait le but de sa visite, il répondit : - « Je
viens pour tuer M. Poincaré ». Des gardiens de la paix, requis, appréhendèrent le singulier individu qui ne portait
d’ailleurs aucune arme. (Le Soir, 10 avril 1929)
|
|
Question : Cette scène relève-t-elle de la loi pénale ?
Réponse : Non. Peut-être ce jeune homme avait-il conçu l’idée de tuer Poincaré ; peut-être même en avait-il pris la résolution. Mais, en
l’état des faits indiqués, il n’avait accompli aucun acte préparatoire (absence d’arme), et aucun commencement d’exécution
(simple demande de renseignements). De simples pensées ne sont pas punissables dans notre droit ; mais elle peuvent
légitimer un examen psychiatrique.
|
|
|
|
|
Cas n° 40 - Maison de série.
|
|
|
|
Petit dialogue entre deux hommes, vers 4 h. du matin dans la chambre à coucher d’une maison de Seraing. Jean, le locataire est
réveillé par le bruit que fait un individu fouillant dans sa garde-robe : – « Que faites-vous là ? »
demande Jean. Réponse de l’inconnu : - « Et vous ? », - « Je suis chez moi ! »,
- « Moi aussi ! ».
Maurice, l’intrus, a vite compris qu’il n’était pas chez lui. Après une soirée arrosée, il était passé devant chez Jean, dont la
maison est identique à la sienne. Sa clef a ouvert la porte sans difficulté, et Maurice est monté à la chambre à coucher, située
selon le même plan. Quant à la garde-robe de Jean elle se trouve au même endroit que celle de Maurice. Les gendarmes ont laissé
Maurice rentrer dans son vrai chez-soi. (La Meuse 6 août 1976)
|
|
Question : Y avait-il délit de violation de domicile ? Jean se trouvait-il en état de légitime défense ?
Réponse : 1° Les gendarmes ont eu raison de considérer qu’il n’y avait pas délit pénal, faute de conscience chez l’agent de pénétrer sans
droit dans le domicile d’autrui. Outre la disposition identique des lieux, il fallait prendre en compte l’état d’ébriété de
l’agent. Sans doute l’ivresse n’est-elle pas en principe une cause justificative d’une infraction pénale, mais elle peut être
prise en compte lorsqu’elle permet d’expliquer une erreur excusable. Il ne restait à la charge de Maurice qu’un délit simple
civil.
2° Ce délit civil plaçait Jean en état de légitime défense putative. Si Maurice avait accompli un geste pouvant paraître
menaçant, Jean aurait été en droit de riposter vigoureusement.
|
|
|
Cas n° 41 - Nue sous, et sans, sa robe.
|
|
Katherine H..., 19 ans, s’était fait faire une belle robe dans un drapeau américain. Fière de son modèle, elle est allée se
promener, avec son fiancé au centre ville, à Los Angeles. Un policier s’approcha d’elle, et, pas du tout impressionné par sa
beauté, lui intima l’ordre d’enlever sa robe. Katherine, désorientée, lui demanda pourquoi. – « Outrage au
drapeau » a répondu sèchement l’agent. Katherine a aussitôt obéi : elle a enlevé sa robe, l’a jetée sur le trottoir
et a continué sa promenade avec son fiancé ; elle était complètement nue. (La Meuse, 21 novembre 1974)
|
|
Question : A supposer la loi française positive applicable, Katherine pourrait-elle être poursuivie des chefs d’outrage au drapeau et
d’exhibition sexuelle ?
Réponse : 1° La loi pénale étant d’interprétation stricte, et l’art. 433-5-1 C.pén. ne protégeant le drapeau français qu’au cours des
manifestations publiques, les faits ci-dessus ne constituent pas le délit d’outrage au drapeau.
2° En cas de poursuites du chef d’exhibition sexuelle (art. 222-32 C.pén.), la jeune femme pourrait tenter de se défendre en
faisant observer qu’elle a obéi au commandement d’une autorité légitime. Il faudrait cependant savoir si elle a averti le
policier des suites qu’aurait son injonction.
|
|
|
|
|
Cas n° 42 - Un voleur presque honnête.
|
|
|
|
Un pickpocket ouest-allemand, anonyme et
scrupuleux, a retourné à un Américain d’Edina le portefeuille qu’il lui avait dérobé l’an dernier à l’aéroport d’Heathrow.
L’honnête voleur a joint au portefeuille la somme d’argent qui s’y trouvait au moment du vol et une lettre explicative. Il y
explique que, arrivé à Londres pour voir sa fille sur le point de mourir à l’hôpital, il s’est rendu compte qu’il avait oublié
son portefeuille et qu’il n’avait pas de quoi prendre un taxi. En désespoir de cause, explique-t-il, il a pris le premier
portefeuille venu, dans la poche de cet Américain en vacances. (Le Soir 12 janvier 1979)
|
|
Question : Que peut-on reprocher à cet homme ?
Réponse : Sur le plan pénal, il importe d’abord d’observer que la restitution du bien dérobé s'analyse en un simple repentir, et n’empêche
donc pas la qualification de vol. Pour faire obstacle à la qualification il faudrait admettre qu’il y avait état de
nécessité ; mais on peut douter que l’intéressé n’avait d'autre solution que le vol.
Reste dès lors à prendre en considération l’état de trouble dans lequel se trouvait le père d’une jeune fille mourante, et à
admettre à son profit une cause de non-imputabilité. Sur le plan civil demeure une obligation de réparation du préjudice subi par
la victime. En se bornant à restituer la somme volée, l’auteur du fait n’y a pas satisfait.
|
|
|
Cas n° 43 - Sacrifice d’enfants.
|
|
Un père de famille indien a « sacrifié » ses quatre enfants afin de s’attirer les bonnes grâces de la déesse Kali. Les
enfants, de moins de sept ans ont été tués à coups de hache. Le père, employé du gouvernement, est un toxicomane. Il a dit à la
police, lors de son arrestation, que son crime lui avait été commandé par la déesse Kali, qui lui apparaissait fréquemment dans
ses rêves et exigeait le sang de ses enfants. (Le Soir 5 mars 1980)
|
|
Question : Quelle question soulève ce crime ?
Réponse : C’est la question du conflit entre la loi temporelle locale et la loi spirituelle édictée par la religion suivie par l’intéressé.
Le conflit est résolue en faveur de cette dernière si les intérêts en jeu sont essentiellement moraux et individuels (clause de
conscience) ; mais il l’est en faveur de la loi positive en matière de droit pénal public, et dans le domaine de la vie et
de l’intégrité corporelle (jurisprudence sur les Témoins de Jéhovah). Chez nous, les rites de Kali, déesse de la mort, sont bien évidemment prohibés.
|
|
|
|
|
Cas n° 44 - L’opticien voyeur.
|
|
|
|
Un opticien néerlandais avait une façon particulière d’examiner la vue de ses clientes désireuses d’acquérir des lentilles de
contact : il leur demandait de se déshabiller pour un examen préalable, puis il les palpait pour évaluer leur « niveau
hormonal ». (La Meuse,26 novembre 1978 )
|
|
Question : Quel délit peut-on reprocher à cet opticien ?
Réponse : Il s’agit d’un délit d’agression sexuelle (art. 222-22 C.pén.), puisque l’agent a procédé à des attouchements, donc a effectué
des actes matériels. Lorsqu’un médecin procède à un examen clinique, il lui arrive d’accomplir des actes relevant de cette
disposition ; mais il bénéficie alors du fait justificatif tiré de l’exercice normal de son art.
|
|
|
Cas n° 45 - Un cambrioleur bien en chair.
|
|
L’obésité d’un cambrioleur lui a été fatale. Ayant tenté de s’introduire dans un supermarché d’Essen, il est resté bloqué au
niveau de la ceinture dans l’ouverture pratiquée. Ce sont les experts pompiers qui sont venus le cueillir, car les policiers
n’étaient pas parvenus à le délivrer. Et pourtant, connaissant ses « limites », il avait enlevé son pantalon avant de
se mettre à l’œuvre. ( La Meuse 7 mars 1979)
|
|
Question : Que peut-on reprocher au cambrioleur ?
Réponse : Il a tout simplement commis une tentative de vol avec effraction. Du moment où il a pratiqué une ouverture dans la clôture, il
est « passé à l’acte », il a accompli un « commencement d’exécution ». S’il a été stoppé dans le cours de son
activité criminelle, c’est en raison d’une circonstance extérieure à sa volonté, et il ne peut donc se prévaloir d’un
« désistement volontaire ».
|
|
|
|
|
Cas n° 46 - Un chien amateur de poules.
|
|
|
|
Devant le juge de Boulder (Colorado), a comparu récemment le chien « Blitzen », accusé d’avoir tué et mangé des poules.
Cet ennemi des gallinacés a été condamné à une amende de 20 $, ou à la peine de mort si l’amende n’était pas réglée.
Personne ne s’étant présenté, le chef de la police a annoncé que le chien serait abattu par un peloton de policiers une prochaine
nuit. Alors les journaux ont ouvert une souscription pour payer l’amende. (Le Soir, 16 juin 1928)
|
|
Question : Devant quelle sorte d’imputation nous trouvons-nous ici ?
Réponse : Il s’agit d’une imputation objective typique : la responsabilité du dommage occasionné à autrui pèse sur la personne, voire
l’animal, parfois même la chose, qui en est matériellement la cause. En droit pénal contemporain nous ne connaissons que la
responsabilité subjective, qui n’accepte plus comme responsable qu’un être humain sain d'esprit et jouissant de son libre arbitre.
On peut noter une autre curiosité. La sanction pénale étant de nos jours strictement individuelle, il est illégal d’ouvrir une
souscription pour payer l'amende prononcée contre le coupable d’une infraction. Une telle initiative pourrait même être analysée
en une apologie.
|
|
|
Cas n° 47 - Un dépôt d’armes en libre service.
|
|
Le F.B.I. a retrouvé un obus de 127 mm, pesant plus de 32 kg, qui avait été volé dans un dépôt de la Marine américaine. A côté du
projectile, les hommes des services secrets ont trouvé une notice attirant leur attention « sur la facilité avec laquelle
des terroristes pourraient pénétrer dans le dépôt et voler des armes. C’est pour éviter que cela n’arrive que j’ai agi
ainsi ». (La Meuse, 7 janvier 1976)
|
|
Question : Que peut faire le ministère public ?
Réponse : Exercer des poursuites ? Il est certain qu’il y a eu vol, et que la restitution de l’obus n’efface pas l’infraction. Au
surplus il n’y a pas à tenir compte des mobiles, et on ne peut parler ici d’état de nécessité.
Mais, plutôt que d’avoir à blâmer officiellement l’armée pour sa négligence, le ministère public pourrait procéder à un
classement sans suite en vertu de son pouvoir d’appréciation de l’opportunité des poursuites.
|
|
|
|
|
Cas n° 48 - Des écolières vindicatives.
|
|
|
|
Le juge des enfants a été indulgent envers trois écolières de 15 ans qui avaient tenté d'empoisonner leur professeur. Il a
souligné que le produit utilisé (du nitrate d’argent fortement dilué) ne pouvait être nocif. Le professeur, pour sa part, a
expliqué qu’en buvant son thé il n'avait ressenti « qu’une sensation très désagréable ». Il l'a pourtant échapper
belle : les trois empoisonneuses avaient d'abord envisager d’utiliser de l’eau de javel. (La Meuse, 30 janvier 1977)
|
|
Question : Comment convenait-il de qualifier les faits ?
Réponse : Il n’y avait pas meurtre (infraction de résultat), puisque le professeur n’avait pas trouvé la mort. Il n’y avait pas
empoisonnement (infraction formelle), puisque le produit administré n’était pas de nature à causer la mort. Il y avait donc
tentative de meurtre, sans que pût être invoquée la théorie du délit impossible (seule l’incompétence des écolières était en
cause).
|
|
|
Cas n° 49 - Un couple... charmant.
|
|
Une jeune Parisienne, exploitant ses charmes, vivait en concubinage avec un jeune
homme qui, lui-même, exploitait les siens. Cette situation pose à la justice française un problème délicat : qui était, en la
circonstance, le proxénète de l'autre ? Pour le jeune homme la situation est claire : "Nous cohabitons et nous partageons nos
revenus, car moi aussi j'ai une clientèle spéciale. Ainsi, je ne vis pas aux crochets de mon amie, pas plus qu'elle ne vit à mes
dépens". (La Meuse 21 novembre 1978)
|
|
Question : Quel conseil donneriez-vous au magistrat
saisi de cette espèce ?
Réponse : Classez le dossier. En effet, la jurisprudence
considère que le ministère public ne saurait poursuivre du chef de proxénétisme une personne qui, à titre principal, se prostitue
elle-même. Ce serait tourner la doctrine du législateur qui s'est refusé à incriminer pénalement la prostitution.
|
|
|
|
|
Cas n° 50 - Un directeur de prison fort laxiste.
|
|
|
|
L’ancien directeur d’un établissement pénitentiaire est soupçonné d’avoir laissé sortir quelques heures un truand, de la prison
où il était détenu, afin qu’il puisse participer à un rapt. (La Meuse, 10 avril 1978)
|
|
Question : Que peut-on reprocher à cet ex-fonctionnaire ?
Réponse : En règle générale, une personne ne peut être tenue pour complice d’une infraction que si elle a accompli un acte positif d’aide
et assistance.
Or, en l’espèce, la défense peut soutenir que le directeur s’est simplement rendu coupable d’une omission dans l’exercice de sa
mission. Mais peu importe, la jurisprudence considère en effet que l’omission d’accomplir un acte de sa fonction entre dans la
notion de participation active.
|
|
Suite des "Petits cas pratiques et faits divers cocasses"