DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL
- Professeur Jean-Paul DOUCET -
Lettre A
(Dixième partie)
APPARENCE
Cf. Arme factice*, Enquête de flagrance*, Légitime défense*, Viol (de mineur)*.
Il arrive que les faits perçus par nos sens prennent une apparence trompeuse, de nature à nous induire en erreur. S'ils nous conduisent à accomplir un acte prohibé par la loi pénale, cet acte constitue sans doute l'élément matériel de l'infraction ; mais celle-ci n'est pas pour autant caractérisée, faute d'élément moral. Prenons le cas de la légitime défense : en cas d'agression que les circonstances rendent vraisemblable sinon probable on parle d'agression putative, laquelle justifie la riposte.
Alland
et Rials (Dictionnaire de la culture juridique). V° Apparence, par
Jobard-Bachellier : L'apparence est ce qui apparaît
d'une personne, d'une chose, de faits matériels, la manière dont
ils se présentent à nos yeux. Or ce qui apparaît peut être
conforme à la réalité juridique et emporter en tant que tel des
conséquences juridiques propres... Ce qui apparaît peut aussi
rendre simplement vraisemblable la conformité de l'apparition à
la réalité juridique ; l'apparence vraisemblable, en ce qu'elle
permet un certain doute sur la réalité juridique, exclut
l'erreur.
La vraisemblance qui n'est alors, ni la conviction erronée, ni
le doute pur et simple, peut aussi emporter des effets propres,
telle, par exemple en procédure pénale, la possibilité offerte
aux policiers de procéder à la recherche des preuves d'une
infraction dès lors que celle-ci leur sera apparue vraisemblable.
Puech (Droit pénal général) : Agression vraisemblable - Lorsque l'erreur s'est produite dans des circonstances telles que chacun aurait pu raisonnablement croire au péril, la légitime défense est admise.
Decocq, Montreuil et Buisson (Le droit de la police) : L'apparence dans l'acte de police - Essentiellement réactive, la police ne peut intervenir sans avoir préalablement constaté l'existence d'un trouble à l'ordre public... Sa perception, visuelle, auditive, olfactive même, l'entraîne à une réaction immédiate, dictée par une qualification d'une extrême rapidité. Ainsi est-il aisé de comprendre que, dans cette relation tout à fait particulière entre les faits et le droit, l'apparence occupe une place de prédilection puisqu'elle induit directement la constatation elle-même et indirectement la qualification dont dépend le titre de contrainte. La police réagit à partir des faits tels qu'ils lui apparaissent.
Cass.crim. 18 mai 2005, n° 14-84154 (Bull.crim. n° 148 p.534) : Constitue un faux l'acte fabriqué par une ou plusieurs personnes à seule fin d'éluder la loi et de créer l'apparence d'une situation juridique de nature à porter préjudice à autrui.
APPEL
Cf. Cour d'appel*, Dévolutif (effet)*, Double degré de juridiction*, Juge de proximité*, Suspensif (effet)*, Voies de recours*.
Voir : A. Morin / J.Ortolan / Faustin Hélie - Appel : Le double degré de juridiction
- Notion. L’appel est une voie de recours ordinaire exercée contre une décision de justice rendue en première instance, soit par un tribunal de police soit par un tribunal correctionnel (art. 496 et s. C.pr.pén.). L’acte d’appel était autrefois nommé appellation.
Pothier (Traité de la procédure criminelle) : L’appellation est le recours d’une partie au juge supérieur, contre la sentence du juge inférieur, pour la faire corriger, s’il y a lieu.
Merle et Vitu (Traité de droit criminel) : L'appel est une voie de recours ordinaire de réformation, qui permet un nouvel examen de l'affaire au fond devant une juridiction supérieure et traduit la règle du double degré de juridiction.
Joly (Procédure civile) : Issu du double degré de juridiction, l'appel, voie de recours de droit commun et de réformation, permet à une partie, n'ayant pas obtenu satisfaction devant une juridiction du premier degré, de provoquer un nouvel examen du litige par une juridiction plus élevée dans la hiérarchie judiciaire et éventuellement d'obtenir la modification de la décision qui lui fait grief.
La cour d’appel ne contrôle pas le travail des premiers juges (et n'a pas pouvoir pour sanctionner ceux-ci), mais rejuge l’affaire que l’acte d’appel a remise à plat.
Faustin Hélie (Traité de l’instruction criminelle) : L’idée de la loi est celle d’une garantie plus efficace assurée à la justice, la garantie qui peut exister du double examen d’une même procédure, de deux instructions successivement édifiées à raison d’un même fait, de deux jugements intervenus l’un après l’autre sur la même question, sur la même affaire.
- Utilité et danger de l'appel. Le législateur a entendu donner une seconde chance au perdant (principalement au prévenu) pour compléter et affiner la présentation de son dossier. Mais il y a risque que la défense n'use de cette voie de recours comme moyen dilatoire.
St Thomas d'Aquin (Somme théologique) : On peut faire appel pour deux motifs. 1° Parce qu’on a confiance en la justesse de sa cause et que l’on a été injustement chargé par le juge. Dans ce cas l’appel est permis, et c’est faire œuvre de prudence que de se dérober ... 2° On peut aussi faire appel pour gagner du temps et par ce moyen retarder matériellement une juste décision. Mais c’est employer une défense calomnieuse ... l'accusé, en effet, nuit, et au juge qu’il empêche de remplir ses fonctions, et à l’adversaire auquel il empêche la justice de donner satisfaction. Aussi le canon prescrit-il : « On doit punir sans merci celui qui a fait appel injustement. ».
Ulpien (Digeste) : Il n’est personne qui ne sache combien l’usage de l’appel est fréquent, combien il est nécessaire, puisqu’il réforme l’iniquité ou l’impéritie des jugements ; une réserve toutefois : ce n’est pas une raison pour mieux prononcer que de juger le dernier.
Code Frédéric de Prusse de 1751 (inspiré par Voltaire, mais non promulgué) : Ceux qui ne connaissent pas bien les hommes pourraient aisément s’imaginer que la décision du juge inférieur suffit, et qu’il n’y a point de meilleur moyen pour abréger les procès que de s’y borner. Mais quand on pense combien il est rare qu’un tel juge ait une capacité assez étendue pour juger sainement de tous les cas variés à l’infini qui peuvent se présenter, et que d’ailleurs toute la prudence et toute l’intégrité d’un homme, par les mains duquel passe une suite continuelle d’affaires, ne saurait l’empêcher de tomber quelques fois dans l’erreur ; quand on fait, dis-je, ces réflexions, on s’aperçoit aisément qu’il doit être permis d’évoquer certaines causes, et d’obtenir révision de la première sentence. Et comme, après tout, les juges iniques ne sont que trop commun, il est essentiel de les contenir dans leur devoir par la crainte de recevoir des mortifications, au cas où leur arrêt soit cassé, et d’en être même responsable dans certains cas. Sans cela la plupart des juges inférieurs deviendraient dans peu de petits tyrans.
Code de procédure de l’Annam des Lê : Il est
nécessaire de limiter la faculté des appels afin qu’on n’en abuse pas pour fausser la justice, pour s’obstiner dans des moyens dilatoires en allant
d’appel en appel.
Les tribunaux des juridictions d’appel doivent examiner avec la plus grande sollicitude les affaires qui leur sont soumises, afin que bonne justice soit
rendue. Lorsque les jugements dont il aura été fait appel auront été bien rendus en fait et en droit, on condamnera les appelants aux indemnités et
réparations prévues par la loi. Si les jugements rendus par les juridictions antérieures s’écartent du bon droit et de la justice, on prononcera contre
les magistrats fautifs les peines d’amende et de rétrogradation prévues par la loi.
Afin de limiter le domaine de l'appel, le Code pénal français n'autorise la partie civile à interjeter appel que sur l'action civile ; à défaut d'appel du ministère public ou du prévenu sur l'action publique cette dernière est éteinte. Toutefois, quant à ses intérêts civils, la victime demeure en droit d'établir que les faits étaient plus graves que ceux qui ont été retenus pour statuer sur l'action publique.
Cass.crim. 24 mars 2015, n° 14-84154 (Gaz.Pal. 15 avril 2015 p.26) : Le ministère public, qui veille au respect de l'application de la loi et à l'exécution des décisions de justice, dispose d'un droit général d'appel des décisions prononcées par la juridiction correctionnelle.
Cons.const.
31 janvier 2014, n° 2013-363 QPC :
La partie civile n'est pas dans une situation identique à
celle de la personne poursuivie ou à celle du ministère public ;
il en est notamment ainsi, s'agissant de la personne poursuivie,
au regard de l'exercice des droits de la défense et, s'agissant
du ministère public, au regard du pouvoir d'exercer l'action
publique ; par suite, l'interdiction faite à la partie civile
d'appeler seule d'un jugement correctionnel dans ses
dispositions statuant au fond sur l'action publique, ne
méconnaît pas le principe d'égalité devant la justice ;
d'autre part, la partie civile a la faculté de relever appel
quant à ses intérêts civils ; en ce cas, selon la portée donnée
par la Cour de cassation au 3° de l'article 497 du code de
procédure pénale, elle est en droit, nonobstant la relaxe du
prévenu en première instance, de reprendre, contre lui, devant
la juridiction pénale d'appel, sa demande en réparation du
dommage que lui ont personnellement causé les faits à l'origine
de la poursuite ;
dans ces conditions, la disposition ci-dessus, qui n'est
contraire ni à la présomption d'innocence ni à aucun autre droit
ou liberté que la Constitution garantit, doit être déclarée
conforme à la Constitution.
- Régime. Les règles régissant le délai et les formes de l'appel sont d'ordre public.
Cass.crim. 14 janvier 2014, pourvoi n° 12-84592 (Gaz.Pal. 23 janvier 2014) : Les dispositions relatives aux formes et délais d'appel sont d'ordre public. Leur inobservation entraîne une nullité qui peut être invoquée pour la première fois devant la Cour de cassation ou même supplée d'office. Elles sont impératives et s'appliquent au ministère public comme à toute autre partie.
- Délai d'appel. Selon l'art. 498 al.1 C.pr.pén., l'appel doit en principe être interjeté dans le délai de dix jours à compter du prononcé du jugement contradictoire. L'alinéa 2 du même article limite toutefois le domaine de ce principe.
Cass.crim. 26 avril 2006 (Bull.crim. n°113 p.421) : Selon les art. 410 al.2 et 498 al.2 C.pr.pén., le délai d'appel ne court qu'à compter du jour de la signification du jugement lorsque la décision a été prononcée hors la présence du prévenu et que celui-ci n'a pas été informé de la date à laquelle ce jugement serait rendu.
Cass.crim. 7 mai 2014, n° 13-84570 : Si, aux termes de l'al. 2 de l'art. 498 C.pr.pén. le délai d'appel de dix jours court, pour le prévenu condamné contradictoirement par application de l'art. 410 du même Code, à compter de la signification du jugement, quel qu'en soit le mode, c'est à la condition que cette signification ait été faite conformément aux prescriptions des art. 555 et s. du Code précité.
- Acte d'appel. Aux termes de l'art. 502 C.pr.pén., la déclaration d'appel doit être faite au greffier de la juridiction qui a rendu la décision attaquée. Elle doit être signée par le greffier et par l'appelant lui-même ou par son fondé de pouvoir. Elle est inscrite sur un registre public à ce destiné.
Cass.crim. 17 février 2015, pourvoi n° 14-80806 : Il résulte de la combinaison des art. 186 et 502 C.pr.pén. que la déclaration d'appel doit être faite au greffier de la juridiction qui a rendu la décision attaquée et doit être signée par le greffier et l'appelant lui-même ou par un un avocat ou un fondé de pouvoir spécial.
Cass.crim. 4 décembre 2007 (Bull.crim. n° 294 p.1197) : Le défaut de transcription d'une déclaration d'appel sur le registre prévu par l'art. 502 C.pr.pén. n'affecte pas la validité de l'acte, mais a pour seul effet de retarder, jusqu'à l'accomplissement de cette formalité, le point de départ du délai supplémentaire de cinq jours, accordé par l'article 500 du même code aux autres parties, pour interjeter appel. Doit être rejeté le moyen pris de l'irrecevabilité de l'appel formé par le ministère public au motif qu'il n'a pas été transcrit sur le registre prévu à cet effet.
- Effet suspensif de l’appel. L’acte d’appel (et même le délai donné par la loi pour faire appel) produit un effet suspensif, en ce sens qu’il fait obstacle à ce que le jugement entrepris puisse être mis à exécution (art. 506 C.pr.pén.).Voir : Suspensif (effet)*.
Code de droit canonique, canon 1638 : L’appel suspend l’exécution de la sentence.
Cass.crim. 25 juin 1984 (Bull.crim. n° 240 p.638) : Si, aux termes de l’art. 506 C.pr.pén., l’appel du prévenu ou du ministère public entraîne le sursis à exécution du jugementi, il n’a, en revanche, aucun effet suspensif à l’égard des dispositions du même jugement qui, par application de l’art. 464-1, ordonnent le maintien en détention provisoire du prévenu.
- Effet dévolutif de l’appel. La Cour d’appel est saisie limitativement en raison de la qualité de l’appelant et des énonciations de l’acte d’appel. Elle ne saurait également connaître de faits qui ne figuraient pas dans la citation introductive d’instance. Voir : Dévolutif (effet)*.
Code de procédure pénale allemand § 301 (Recours du ministère public) : Tout recours exercé par le ministère public a comme conséquence de permettre que la décision attaquée soit modifiée dans l’intérêt de l’inculpé tout aussi bien qu’aggravée.
Cass.crim. 25 mai 2004 (Bull.crim. n° 133 p.511) : Selon l’art. 509 C.pr.pén., l’affaire est dévolue à la cour d’appel dans la limite fixée par l’acte d’appel et par la qualité de l’appelant. En cas de contestation sur l’étendue de la saisine, c’est au seul vu de l’acte d’appel qu’il appartient à la juridiction du second degré de se déterminer.
Cass.crim. 15 juillet 1899 (S. 1901 I 383) sommaire : Commet un excès de pouvoir l’arrêt qui déclare le prévenu coupable d’un délit non relevé dans la citation introductive, délit dont les premiers juges n’ont pas été saisis, et qui n’a fait, en première instance, l’objet d’aucun débat.
Par faveur pour la défense, il est admis que, sur le seul appel de la personne poursuivie ou condamnée, les juges et tribunaux ne peuvent aggraver son sort. Un appel incident du procureur général ne remet pas ce principe en cause.
Cass.crim.
12 février 2014, n° 13-81683 : Sur le moyen relevé
d'office, pris de la méconnaissance des dispositions de l' art.
721-1 C.pr.pén., des principes de l'effet dévolutif de l'appel
et de la prohibition de l'aggravation du sort de l'appelant sur
son seul appel ;
Il résulte de la combinaison de ce texte et de ces principes
qu'en cas d'appel d'une ordonnance de réduction supplémentaire
de peine, le président de la chambre de l'application des peines
ne peut, sur le seul appel du condamné, aggraver le sort de
l'appelant.
Cass.crim. 4 mars 2015, pourvoi n° 14-81685 : L'appel incident formé par le procureur général, à la suite de l'appel principal de l'accusé, ne saisit pas la cour d'assises, statuant en appel, des infractions dont l'intéressé a été déclaré non coupable, par une décision dont le bénéfice lui est définitivement acquis.
APPEL À « TOUT SACHANT »
Cf. Avis de recherche*, Délation*, Dénonciation*, Monitoire*.
Voir : Appel au public suite à la catastrophe du stade du Heysel, due aux violences de hooligans.
Voir : Appel au public suite à l’envoi de lettres contenant le bacille du charbon (anthrax).
Quand les pouvoirs publics ne parviennent pas à faire avancer une enquête sur des faits ayant gravement troublé l’ordre public, ils peuvent se tourner vers la population pour lui demander de leur fournir des indices susceptibles de faire la lumière sur les circonstances de l’infraction et de permettre l’identification de leurs auteurs. Dans les cas les plus graves, il arrive qu’une récompense soit promise.
Cass.crim. 20 septembre 2011 n° 11-84554 (Bull.crim. n° 182 p.686) sommaire : Doit être approuvé l'arrêt en ce qu’il retient, pour rejeter la demande d’annulation de l’expertise, que le tiers intervenu aux opérations d’expertise, en l’occurrence un préposé d’une partie civile, n’a eu qu’un rôle d’assistance technique, dès lors que l’expert était autorisé à entendre tout sachant de l’entreprise et à utiliser le matériel des parties.
APPELS TÉLÉPHONIQUES MALVEILLANTS
Cf. Coups et blessures*, Harcèlement*, Harcèlement moral*, Violences*, Voies de fait*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection pénale de la personne humaine » (4e éd.), n° I-117, p.76 / I-245b, p.145
Le fait d’appeler une personne au téléphone plusieurs fois par jour, simplement pour lui faire tort, est longtemps tombé sous le coup de l’incrimination de violences volontaires avec préméditation. Ce fait relève aujourd’hui en principe de l’art. 222-16 (à moins que la gravité du trouble subi par la victime ne justifie un retour aux textes de droit commun).
Code criminel du Canada. Art. 372 : Est coupable d’une infraction punissable … quiconque, sans excuse légitime et avec l’intention d’harasser quelqu’un, lui fait ou fait en sorte qu’il lui soit fait des appels téléphoniques répétés.
Cass.crim. 1er juin 1999 (Gaz.Pal. 1999 I Chr.crim. 19) : Pour retenir la culpabilité de J.T..., les juges relèvent que la victime appels téléphoniques malveillants a subi des perturbations du sommeil et des manifestations anxieuses entraînant un traumatisme psychologique; ils ajoutent que ces faits caractérisent l’infraction de violences avec préméditation, s’agissant d’un «comportement persécutoire» à l’égard de la victime. En l’état de ces énonciations, la Cour d’appel a justifié sa décision au regard des articles 309 ancien et 222-13 du Code pénal.
Exemple (Ouest-France 26 octobre 2007) : "Vive la France, vive l'Europe, vive de Gaulle ! ". C'est l'un des nombreux messages que les habitants de Pontivy (Morbilan) ont trouvé sur leur répondeur, en 2005. Celui-ci peut prêter à sourire, mais d'autres étaient beaucoup plus agressifs. L'auteur de ces appels ? Une femme de 80 ans qui leur en voulait pour des broutilles. Lassés d'être appelés "de jour comme de nuit", ils se sont résolus à porter plainte. L'octogénaire à été condamnée à 700 € d'amende, dont 300 € avec sursis.
Exemple (Ouest-France 10 juin 2011) : 107 appels chaque jour pour harceler son ex-femme. Au bout de dix ans de supplices, la victime a fini par craquer et dénoncer les appels et SMS incessants qu'elle recevait au quotidien... Le Tribunal reconnaît coupable l'ex-mari et le condamne à quatre mois de prison avec sursis et mise à l'épreuve durant trois ans, avec interdiction d'entrer en contact avec la victime et de se rendre à son domicile. De plus il doit verser 2.000 € de dommages à son ex-épouse.
APPLICATION DE LA LOI DANS L'ESPACE
Cf. Arrestation (illégale à l'étranger)*, Chose jugée (à l'étranger)*, Compétence internationale*, Droit - Droit pénal international*, Infractions pénales (variétés) - Infraction complexe*, Jugement étranger*, Lex fori*, Loi*, Mer*, Navire*, Non bis in idem*, Territoire national*, Territorialité de la loi*, Vaisseau*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-I-106, p.30
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », n° 302 4°, p.119 / n° 407, p.246 / n° 511, p.335 / n° 520, p.345
Voir : G. Levasseur; Les conflits de lois dans l'espace
Voir : Tableau des incriminations protégeant la monnaie (en droit positif français)
Il s'agit ici de déterminer le champ d'application territorial d'une loi pénale édictée par un État souverain.
Montaigne («Essais») : C'est la règle des règles, et générale loi des lois, que chacun observe celles du lieu où il est.
- Science criminelle. En droit international, il est de principe que la loi pénale s'applique sur le territoire de l'État qui l'a édictée.
Le Bréviaire d'Alaric [Loi wisigothe de 506], commençait par cette exhortation au juge : Il convient que tu prennes garde à ce que, dans ton ressort, aucune autre loi ou formule de droit ne soit alléguée ou admise. Si par hasard telle chose arrivait, sache que ce serait au péril de ta tête ou aux dépens de ta fortune.
Jousse (Traité de la justice criminelle) : Quant à la peine, il faut suivre la loi du lieu où le crime est commis, quand même le coupable serait étranger.
Donnedieu de Vabres (Traité de droit criminel) : Le principe territorial, communément affirmé comme la règle essentielle en matière criminelle, procède de l'indépendance respective des États. Du moment que l'exercice de la répression dépend de la puissance publique, du moment que le droit pénal est une branche du droit public, l'État qui interviendrait dans la répression d'actes commis en dehors de ses frontières empièterait sur les droits souverains d'autrui. Ce qu'il ne peut se permettre à lui-même, il ne saurait le tolérer, de la part d'autres États, à l'égard des infractions perpétrées sur son propre territoire.
Code pénal du Japon. Art. 1 : 1° Ce code s'appliquera à quiconque commet un crime à l'intérieur du territoire du Japon. 2° La même règle s'appliquera à quiconque commet un crime à bord d'un navire ou d'un avion japonais en dehors du territoire du Japon.
Exemple (Ouest-France 16 septembre 2016) : Un Marocain, intercepté sans autorisation de séjour en France à la frontière franco-espagnole vient d'être remis en liberté. Son avocat a démontré que le contrôle de la police des frontières avait été effectué ... 10 centimètres en territoire espagnol ; il s'est référé à plusieurs traités de 1764, 1856, 1862 et 1866.
- Droit positif. Les règles d’application de la loi française dans l’espace sont fixées par les art. 113-1 et s.
C.pén. Premier principe : la loi française s’applique sur le territoire français. Deuxième principe : une activité troublant l’ordre social est
réputée commise sur le territoire français dès lors qu’un des actes est accompli sur le territoire français,
dès lors qu'il s'agit d'un acte indivisible.
Rapprocher l'art. 3 du Code civil.
Huet et Koering-Joulin (Droit pénal international) : A l’instar des droits étrangers, le droit français consacre le principe de la compétence territoriale : les juridictions françaises sont compétentes pour connaître de toute infraction commise sur le territoire de la République française.
Cass.crim. 1er mars 2000 (Gaz. Pal. 2000 I 2135) : Toutes les infractions commises sur le territoire français relèvent de la loi pénale française, quelle que soit la nationalité des auteurs ou des victimes, et il est indifférent que l’infraction soit ou non réprimée dans la législation pénale de l’État d’origine de son auteur.
Cass.crim.
4 avril 2013, n°12-83992 : Il résulte de l'arrêt
attaqué que M. X... a été poursuivi, avec trois autres prévenus,
devant le tribunal correctionnel, du chef de proxénétisme
aggravé et association de malfaiteurs en raison de
l'organisation et de l'exploitation d'un réseau de prostituées
disponibles sur Internet à Clermont-Ferrand et en France ;
La cour a rejeté à bon droit l'exception d'incompétence,
dès lors que les faits de participation à un réseau de
prostitution commis sur le territoire slovaque sont indivisibles
de ceux commis en France par des co-prévenus et qu'aux termes de
l'art. 693 C.pr.pén. est réputé commise sur le territoire de la
République toute infraction dont l'un des éléments constitutifs
est caractérisé par un acte accompli en France et que tel est le
cas de l'association de malfaiteurs dont s'agit.
Cass.crim. 31 mai 2016, pourvoi n° 15-85.920 : Il résulte de l'art. 113-2 C.pén. que la loi pénale française est applicable à une infraction commise par une personne de nationalité étrangère à l'encontre d'une victime de nationalité étrangère lorsque cette infraction ou l'un de ses faits constitutifs est commis sur le territoire de la République ; il en est de même lorsque l'infraction est commise à l'étranger, dans le seul cas où il existe un lien d'indivisibilité entre cette infraction et une autre commise sur le territoire de la République, les faits étant indivisibles lorsqu'ils sont rattachés entre eux par un lien tel que l'existence des uns ne se comprendrait pas sans l'existence des autres.
Cass.crim. 30 avril 2014, n° 13-82625 : Hors le cas où la victime est de nationalité française, la loi pénale française n'est applicable à un délit commis à l'étranger par une personne de nationalité étrangère que s'il existe un lien d'indivisibilité entre ce délit et une infraction commise sur le territoire de la République.
Cass.crim. 3 mai 1995 (Bull.crim. n° 161 p.446) : L’avis du Conseil d’État du 20 novembre 1806 ayant valeur législative attribue compétence à la juridiction française pour connaître des infractions commises à bord d’un navire battant pavillon étranger, dès lors qu’elles l’ont été dans les eaux territoriales par ou contre une personne ne faisant pas partie de l’équipage.
Si l'infraction est commise à l'étranger par un français, il faut distinguer selon que l'on se trouve en présence d'un crime ou d'un délit. Dans le cas d'un crime, la loi française est applicable sans conditions particulières. Dans le cas d'un délit, il faut d'abord que le fait reproché soit puni par la loi du pays où il a été perpétré ; il faut ensuite que la poursuite soit diligentée par le ministère public, soit sur plainte de la victime, soit sur dénonciation officielle du pays concerné.
Cass.crim. 26 mai 2010 (pourvoi n° 09-86499, Gaz.
Pal. 29 juillet 2010) : D'une part, aux termes de l'article 113-6 du code pénal, la loi pénale française "est applicable aux délits commis par
des Français hors du territoire de la République si les faits sont punis par la législation du pays où ils ont été commis" ;
D'autre part, l'article 113-8 du même code dispose qu'en cas de délit commis à, l'étranger contre un particulier, la poursuite, qui ne peut être
intentée qu'à la requête du ministère public, "doit être précédée d'une plainte de la victime ou de ses ayants droit ou d'une dénonciation officielle par
l'autorité du pays où le fait a été commis".
En ce qui concerne les violences commises à l'étranger contre un mineur résidant habituellement sur le territoire français, voir l'art. 222-16-2. Pour ce qui est des violences commises à l'étranger par le conjoint, le concubin ou le pacsé, voir l'art. 222-16-3.
APPLICATION DE LA LOI DANS LE TEMPS
Cf. Abolition*, Abrogation*, Désuétude*, Droits de la défense*, Échelle des peines*, Errata*, Loi*, Loi naturelle*, Mesure de sûreté*, Principes généraux du droit*, Rétroactivité*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-I-107 et s, p.31 et s. / n°I-III-I-106 et s. p.262 et s.
Voir : R. et P. Garraud, L'application de la loi dans le temps.
Voir : J-P. Doucet, L'entrée en vigueur d'une nouvelle loi d'incrimination.
La question se pose en ces termes : en cas de modification de la loi, ou de survenance d’une loi nouvelle, quel texte les juges doivent-ils retenir pour instruire le dossier, mener les débats à l’audience, puis rendre leur jugement ?
- Principe.
Un principe général d’équité veut qu’en règle générale on fasse application au défendeur de la loi en vigueur à l’époque des faits (de même que l’on
analyse les faits en se plaçant au moment où l’acte reproché a été accompli). Il convient toutefois de distinguer entre les lois de fond des lois de
forme.
Les règles d’application de la loi française dans le temps sont fixées par les art. 112-1 et s. C.pén. (rapprocher l'art. 2 du Code civil).
Le Prestre (Questions notables de droit, Paris 1679) : La coutume a lieu du jour où elle est résolue et arrêtée par l’Assemblée des États.
R. et P. Garraud (Précis de droit criminel, Paris 1934) : Il n’y aurait ni sécurité ni liberté dans une société qui atteindrait, pour les punir, des actes licites au moment où ils ont été accomplis.
Benoist-Méchin (Mustapha Kemal) : En apprenant que l’Aga Khan et l’Émir Ali « ces deux agents notoires de l’Intelligence Service » avaient osé intervenir en faveur du Calife, l’Assemblée fut secouée par une crise de rage… Tous ces hommes étaient des traîtres, des factieux, des agents de l’ennemi ! Une loi fut votée, déclarant que toute opposition à la République, toute manifestation de sympathie en faveur de l’Ancien régime étaient des crimes passibles de la peine de mort… Comme certains députés persistaient à défendre leur point de vue, Mustapha Kémal leur appliqua sur le champ la loi que l’on venait de voter, et les déféra aux tribunaux qui les condamnèrent à mort.
- Application dans le temps des lois de fond. Les lois incriminant certains actes, déterminant les personnes responsables, et fixant la peine applicable, ne s’appliquent qu’aux agissements postérieurs à leur entrée en vigueur (principe de non-rétroactivité des lois répressives).
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n°136, p.114
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-I-107 p.31 / I-III-I-106 et 107 p.262 et s.
Voir : Décret du 21 thermidor an II (8 août 1794), condamnant l’effet rétroactif donné à une loi.
Conv. EDH, art. 7 : Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d’après le droit national ou international.
Modèle de Code pour l’Amérique latine, art. 7 : Les agissements délictueux seront jugée par rapport à la loi en vigueur au jour où ils ont été accomplis... Si une nouvelle loi est édictée après qu’un acte criminel ait été commis, le défendeur sera poursuivi en vertu de la loi la plus douce applicable en l’espèce.
Stéfani, Levasseur et Bouloc (Droit pénal général) : La règle de la non-rétroactivité de la loi pénale est un corollaire du principe de la légalité des infractions.
Cass.crim. 20 juillet 1960 (Bull.crim. no 385, p. 768) : Aux termes de l’art. 2 C. civ. la loi ne dispose que pour l’avenir ; aux termes de l’art. 4 C.pén. nulle contravention, nul délit, nul crime, ne peuvent être punis de peines qui n’aient pas été prononcées par la loi avant qu’ils fussent commis ; par suite une loi portant aggravation des peines prévues par la loi antérieure ne permet d’appliquer cette aggravation qu’à des faits accomplis après sa mise en vigueur.
Cass.crim. 19 juin 2007 (Bull.crim. n° 169 p.712) : Une loi pénale étendant une incrimination à une nouvelle catégorie de prévenus ne peut s'appliquer à des faits commis antérieurement à son entrée en vigueur.
Cass.crim. 2 septembre 2004 (Bull.crim. n°197 p.713) : Selon l’art. 112-1 C.pén., peuvent seules être prononcées les peines légalement applicables à la date à laquelle les faits constitutifs d’une infraction ont été commis. Encourt la cassation l’arrêt qui condamne un accusé à la peine complémentaire de suivi socio-judiciaire pour des faits antérieurs à la loi du 17 juin 1998 ayant prévu cette peine.
Cass.crim.
22 mai 2012, n° 11-85768 (Gaz.Pal. 1er août 2012 p.24/25) :
Selon l'art. 112-1 C.pén., peuvent seules être prononcées les
peines légalement applicables à la date à laquelle les faits ont
été commis, et une loi édictant une peine commentaire ne peut
s'appliquer à des faits antérieurs à son entrée en vigueur.
Encourt la cassation l'arrêt qui, après avoir déclaré une
personne coupable d'agressions sexuelles aggravées commises
entre le 1er septembre 1994 et le 30 juin 1996, la condamne
notamment à dix ans d'interdiction d'exercer toute activité en
lien avec des mineurs, alors que cette peine complémentaire,
édictée par la loi du 17 juin 1998 et prévue par l'art. 222-45
3° C.pén., n'était pas applicable à la date des faits poursuivis.
Cass.crim. 14 novembre 2007 (Bull.crim. n° 281 p.1158) : Fait une exacte application de l'article 112-1 C.pén., l'arrêt qui relève que la loi du 16 décembre 1992, qui a exclu du bénéfice de l'immunité les soustractions commises par des alliés de même degré, constitue une loi pénale plus sévère et n'est donc pas applicable aux faits commis antérieurement.
Par exception, les lois de fond nouvelles plus douces que les anciennes s'appliquent avec une certaine rétroactivité. On parle ici de rétroactivité in mitius. Elle est entendue très largement par la jurisprudence (Cass.crim. 25 juin 2014 ci-après)
Code de droit canonique, canon 1313 : Si, après qu’un délit a été commis, la loi est modifiée, la loi la plus favorable à l’inculpé doit être appliquée.
Cass.crim.
20 juillet 1961 (Bull.crim. n° 347, p. 664) : Lorsqu’au cours
de poursuites n’ayant pas abouti à une décision passée en force
de chose jugée, des modifications sont introduites dans les
textes répressifs en vertu desquels l’action publique avait été
engagée, les dispositions nouvelles doivent, dans la mesure où
elles sont moins rigoureuses, rétroactivement bénéficier au
prévenu.
En ordonnant la fermeture définitive de l’hôtel où s’exerçait la
prostitution et dont la femme N… était gérante, l’arrêt attaqué
du 10 mars 1961 a méconnu et par suite violé les prescriptions
de l’art. 335-1, ajouté au Code pénal par l’art. 6 de
l’ordonnance du 25 novembre 1960, qui a substitué à la peine
complémentaire de la fermeture définitive, celle de la fermeture
temporaire de l’établissement.
Cass.crim. 13 avril 2010 (Gaz.Pal. 29 juillet 2010 note Detraz) : Il résulte des art. 112-1 C.pén. et 7 de la Conv. EDH que les dispositions nouvelles, lorsqu'elles sont moins sévères que les dispositions anciennes, s'appliquent aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et n'ayant pas donnée lieu à une condamnation passée en force de chose jugée.
Cass.crim.
25 juin 2014, n° 13-84131 : Après avoir déclaré le prévenu
coupable de réalisation d'opérations financières entre le France
et l'étranger sur des fonds provenant d'infractions à la
législation sur les stupéfiants, l'arrêt énonce qu'en raison du
caractère isolé des faits reprochés à ce dernier, il convient de
le condamner à une amende fiscale de 283.706 € ;
Si c'est à tort que l'arrêt attaqué a statué ainsi qu'il l'a
fait au jour de la décision, la juridiction de jugement ne
pouvant, à cette date, réduire le montant des amendes fiscales
en deçà du tiers de leur montant minimal, l'arrêt n'encourt
néanmoins pas la censure dès lors que l'art. 369, 1, C.douanes,
tel qu'il résulte de l'article 40 de la loi n 2013-1279 du 29
décembre 2013, d'application immédiate aux infractions commises
avant son entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à une
condamnation passée en force jugée, autorise la juridiction de
jugement à réduire le montant des amendes fiscales en dessous
d'une somme inférieure au montant minimal encouru.
De même, les textes purement interprétatifs s'appliquent au jour où la disposition interprétée est entrée en vigueur.
Merle et Vitu (Traité de droit criminel, T.I) : C'est une règle couramment admise par la doctrine et la jurisprudence qu'une loi nouvelle interprétative « rétroagit ». Il faut entendre par là qu'elle fait corps avec la loi interprétée dont elle précise simplement la signification, sans en modifier le contenu.
Cass.crim. 5 avril 2011 (pourvoi n° 10-862548) : La précision apportée à la réglementation antérieure par l'arrêté du 29 octobre 2009, et relative au lieu de prélèvement des oiseaux, qui est de nature interprétative, s'applique aux situations antérieures.
Les lois relatives au mode d'exécution des peines sont quant à elles d'application immédiate, à moins qu'elles ne rendent plus rigoureuses les peines déjà prononcées par les juges.
Cass.crim. 26 septembre 1996 (Bull.crim. n° 336 p.997) : Il résulte de l'art. 112-3.3° C.pén. que les lois relatives au régime d'exécution et d'application des peines, lorsqu'elles auraient pour pour résultat de rendre plus sévères les peines prononcées par la décision de condamnation, ne sont pas applicables aux condamnation prononcées pour des faits commis antérieurement à leur entrée en vigueur.
Cass.crim. 12 mai 2010 (pourvoi n° 09-84030) : Les lois relatives au régime d'exécution et d'application des peines sont d'application immédiate, sauf si elles ont pour résultat de rendre plus sévères les peines prononcées par la décision de condamnation .
Les lois édictant des mesures de sûreté sont d'application immédiate.
Cass.crim. 14 avril 2010 (pourvoi n° 09-82291) : Les dispositions de l'art. 112-1 C.pén., prescrivant que seules peuvent être prononcées les peines légalement applicables à la date de l'infraction, ne s'appliquent pas aux mesures de sûreté prévues, en cas de déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, par les art. 706-135 et 706-136 C.pr.pén. issus de la loi n° 2008-174 du 25 février 2008.
- Application dans le temps des lois de forme. Les lois dites de forme, ou de procédure, ne peuvent en principe s’appliquer rétroactivement ; elles sont simplement d’application immédiate.
Voir : Doucet, La loi applicable à l’action civile.
Voir : Décret des 15-20 août 1792, relatif aux évènements commis le 10 août.
Merle et Vitu (Traité de droit criminel) : Les lois de procédure ayant pour objet d’assurer une meilleure administration de la justice criminelle, et devant être présumées faites dans l’intérêt de l’individu autant que dans celui de la société, une seule solution doit être retenue : celle de l’effet immédiat de la loi nouvelle.
Cass.crim. 14 décembre 1994 (Gaz.Pal. 1995 I Chr.crim. 177) : Aux termes de l'art. 112-2 C.pén., les lois fixant les formes de la procédure sont d'application immédiate.
Cass.crim. 9 mai 2012 (n° 11-85522, Gaz.Pal. 21 juin 2012) : En application de l'art. 112-2-2° C.pén., les lois fixant les modalités des poursuites et les formes de la procédure sont applicables immédiatement à la répression des infractions commises avant leur entrée en vigueur.
Cass.crim. 8 décembre 2004 (Bull.crim. n° 314 p.1193) : Les lois de compétence et d’organisation judiciaire sont immédiatement applicables à la répression des infractions commises avant leur entrée en vigueur.
Cass.crim. 24 janvier 2007 (Bull.crim. n° 19 p.60) : L'art. 13 de la loi du 30 décembre 2004, qui prévoit la possibilité pour les juridictions civiles, pénales et administratives d'inviter la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE) à présenter des observations sur les faits dont elles sont saisies, ne contient que des dispositions de procédure fixant les modalités des poursuites ; ces dispositions, au sens de l'art. 112-2 C.pén., sont immédiatement applicables aux infractions commises antérieurement à leur entrée en vigueur.
Cass.crim. 19 octobre 2010 (pourvoi n° 10-82902) : Des règles de procédure ne peuvent s'appliquer immédiatement à une garde à vue conduite dans le respect des dispositions législatives en vigueur lors de sa mise en œuvre, sans porter atteinte au principe de sécurité juridique et à la bonne administration de la justice.
APPLICATION DES PEINES
Cf. Amende*, Emprisonnement*, Ministère public*, Peine*, Sanction*.
Après le Code d'instruction criminelle, le Code de procédure
pénale (par son article 32 alinéa 3) confie au ministère public
l'exécution des décisions de justice
Ce sont les articles 712-1 et s. du Code de procédure pénale qui
régissent le fonctionnement des juridictions de l'application
des peines.
Goyet (Le ministère public) : Les décisions des juridictions de jugement prononçant des peines au nom de la Société sont exécutées à la requête du ministère public attaché à chacune d'elle.
Cass.crim. 12 février 2014, n° 13-81683 (Gaz.Pal. 27 février 2014 p.24) : Il résulte de la combinaison de l'art. 721-1 C.pr.pén. et des principes de l'effet dévolutif de l'appel et de la prohibition de l'aggravation du sort de l'appelant sur son seul appel, qu'en cas d'appel d'une ordonnance de réduction supplémentaire de peine, le président de la chambre de l'application des peines ne peut, sur le seul appel du condamné, aggraver le sort de l'appelant.
APPRÉHENSION - Voir : Arrestation (par un simple particulier)*.
APPROPRIATION
Cf. Détournement*, Interversion de possession*, Possession*, Propriété*, Soustraction*, Vol*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la personne humaine » (4e éd.), IV-311, p.596
S’approprier un bien, c’est accomplir sur lui un acte manifestant que l'on entend s’en rendre le maître, sinon en droit, du moins en fait. Un tel acte
relève du droit civil pour la technique, et de la morale pour sa légitimité.
Puisqu’il ne s’intéresse qu’aux actes dommageables pour la société et pour autrui, le droit pénal s’attache, non aux actes d’appropriation, mais aux
actes de dépossession. Il y a vol dès l’instant où une personne est dépossédée de son bien par ruse ou violence ; peu importe la destination que l'agent
entend donner à ce bien : le détruire, le donner à autrui ou le faire sien. Apparaît dès lors impropre cet intitulé d’un titre du Code pénal :
« Des appropriations frauduleuses ».
Jeandidier (Juris-classeur pénal art 311-1) : La Cour de cassation estime inutile la recherche d’une volonté d’appropriation.
Cass.crim. 28 nivôse an IX (Bull.crim. n° 67 p.180) : L’intention de dépouiller le propriétaire suffit pour constituer le crime de vol.
ARBITRAIRE
Cf. Abus de droit - abus des lois*, Discrétionnaire*, Équité*, Légalité*, Lettre de cachet*, Loi du plus fort*, Mitigation*, Pouvoir*, Prévarication*, Raison*, Souverain*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° 135, p.113
- Notion. Un acte judiciaire est dit arbitraire lorsque sa forme ou son contenu ne sont pas déterminés par la loi, mais laissés à l’appréciation souveraine des magistrats judiciaires. Quoiqu'il se réfère à l'équité, ce terme a pris un caractère péjoratif vers la fin de l’Ancien régime.
Digeste de Justinien (47 X, 17, 5). Ulpien : Le préteur dit : « à l'arbitrage du juge », ce qui signifie à l'estimation de l'équité.
Digeste de Justinien (48, 19, 13). Ulpien : Aujourd'hui celui qui connaît arbitrairement d'un crime peut rendre le jugement qu'il veut, ou très sévère ou très doux ; sous réserve que, dans un cas ou l’autre, il n'excède pas les bornes de la raison.
Digeste de Justinien (48, 11, 7, 3). Macer : Aujourd'hui la peine de la loi sur les concussions est arbitraire. Le plus souvent on punit de l'exil, et quelquefois plus sévèrement.
Dictionnaire de droit civil et de pratique (Paris 1687) : Arbitraire, est la libre disposition de faire quelque chose ; ainsi un jugement arbitraire est celui que le juge peut prononcer selon les règles de l’équité sans être astreint à aucune ordonnance.
De Ferrière (Dictionnaire de droit, 1779) : La peine arbitraire est celle qui, n’étant point définie par les lois, dépend du juge. La plupart des peines sont arbitraires, car, même dans les crimes où les lois ont défini les peines, il arrive qu’il y ait des circonstances qui rendent les juges maîtres d’adoucir ou d’augmenter les peines établies par les lois.
- Règle morale. Les philosophes considèrent à juste titre qu'en principe une loi ne doit pas être adoptée, ou un jugement rendu, selon l'opinion du détenteur de l'autorité publique concernée, mais suivant les commandements de la raison.
Ahrens (Cours de droit naturel) : La volonté doit puiser la règle, les motifs et les buts de son action dans les idées que la raison conçoit sur ce qui est vrai, bon et juste ; sans ces règles la volonté n'est que l'arbitraire d'un individu ou d'un peuple.
Bautain (Manuel de philosophie morale) : La volonté agit arbitrairement quand la raison ne la dirige point dans l'appréciation des influences et des motifs.
B.Constant (Principes de politique) : Ce qui préserve de l'arbitraire, c'est l'observation des formes. Les formes sont les divinités tutélaires des associations humaines ; les formes sont les seules protectrices de l'innocence.
Ils tiennent pour inacceptable un acte judiciaire qui est dicté par un simple mouvement d'humeur.
Exemple d'arbitraire. Le 3 prairial an II, on dénonce au Comité de salut public que « Michel, ci-devant cocher d'Antoinette, est toujours directeur en chef des charrois établis à Bercy ». En marge du registre figure la mention : « Faire arrêter Michel ». Heureusement pour lui, le 25 prairial, Robespierre donne l'ordre de le remettre en liberté.
- Science criminelle. Au moins depuis la Révolution de 1789, il est admis en doctrine que la matière pénale est
couverte par le principe de la légalité criminelle ; lequel impose au législateur de fixer les cadres de la répression, et aux juges de se mouvoir dans
les limites ainsi prédéterminées.
Mais il ne faut pas se leurrer : le pouvoir "d'individualisation de la peine" actuellement reconnu aux tribunaux répressifs a remplacé l'ancien pouvoir
"d'arbitrage de la peine", et va même souvent bien au-delà de ce qui était permis aux Parlements de l'Ancien droit français.
Déclaration des droits de l'homme de 1789, art. VIII : La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée.
Vidal et Magnol (Droit criminel) : Devant les abus qui se produisirent, le principe de l’arbitraire des peines apparut tyrannique et souleva les protestations de philosophes du XVIII e siècle. Aussi le principe nouveau de légalité fut-il proclamé par l’art. 8 de la Déclaration des droits de l’homme de 1789.
Trousse (Novelles de droit pénal belge) : Le principe de la légalité des incriminations et des peines n'est pas de la nature même du droit pénal. Il est l'expression d'une conception déterminée du droit pénal, d'une notion reçue de la règle juridique, de la morale et de l'organisation sociale. Il a été conçu par les publicistes du XVIIIe siècle comme une garantie de la liberté individuelle contre l'arbitraire du pouvoir judiciaire, dont le danger avait été aperçu à cette époque en raison d'espèces où l'injustice fut particulièrement criante.
- Droit positif. Le principe de légalité, qui régit en théorie l’ensemble de la matière pénale en droit français contemporain, exclut toute possibilité de reconnaître un pouvoir arbitraire aux agents des pouvoirs publics.
Amiens 24 février 1977 : La Cour estime grave et particulièrement regrettable de devoir rappeler que le rôle des juges est d’appliquer la loi également à tous, leur devoir élémentaire étant de faire abstraction de leurs opinions ou idéologies, dont les justiciables n’ont pas à supporter les conséquences.
Trib.pol. Saint-Etienne 3 décembre 1959 (S. 1961 154) : Le juge n’est pas un moraliste qui puisse prononcer une condamnation dès qu’il constate une infraction aux règles de la société idéale qu’il peut concevoir... Au risque de tomber dans l’arbitraire, il a l’obligation de faire, dans toute la mesure du possible, abstraction de ses propres opinions.
Trib.pol. Rambouillet, 27 septembre 1993 (Gaz.Pal. 1993 II somm. 449) : Pour n’être pas arbitraire, la répression administrative doit s’exercer dans le respect des principes constitutionnels qui gouvernent la répression pénale et être exclusive de toute atteinte au statut du citoyen.
Quant au fond du droit, une incrimination est arbitraire lorsque le législateur l’a formulée en termes imprécis, et a ainsi délégué aux juges la faculté de déterminer les bornes du licite et de l’illicite. Les juges doivent déclarer inapplicable une telle disposition.
Roux (Cours de droit criminel) : Si une lacune apparaît dans le contenu d'une loi, il n’échet pas à l’autorité judiciaire, si haut placée qu’elle soit, de la faire cesser : ce serait substituer une oeuvre différente au monument législatif, et créer des peines arbitraires.
Cass.crim. 27 mars 1995 (Bull.crim. n° 125 p.355) : Toute infraction doit être définie en termes clairs et précis pour exclure l’arbitraire et permettre au prévenu de connaître exactement la nature et la cause de l’accusation portée contre lui.
Cass. Req. 14 décembre 1859 (D. 1860 I 191) donne un exemple de loi civile arbitraire : La loi n’ayant pas déterminé les circonstances constitutives du recel successoral, en a abandonné l’appréciation aux lumières et à la connaissance du juge du fait.
Une peine est arbitraire lorsque le tribunal la détermine, non à partir d’une loi, mais en fonction des particularités du cas d’espèce. On admet aujourd’hui que la nécessité de l’individualisation de la sanction contraint le législateur à abandonner une certains marge d’appréciation aux juges ; mais le principe de légalité impose au législateur de fixer une peine maximum.
Cass.crim. 10 mai 1984 (Bull. crim. n° 169 p.441) : A méconnu le principe qu'aucune peine autre que celle appliquée par la loi à la nature de l'infraction ne peut être prononcée la Cour d'appel qui, créant ainsi une peine arbitraire, a condamné un prévenu de détention illicite d'armes et de munitions, déjà condamné antérieurement à une peine d'emprisonnement pour recel de vol ou acquisition ou détention d'armes ou de munitions de 1re ou 4e catégories, à une peine d'emprisonnement et d'amende excédant, pour cette dernière, le maximum prévu par l'art. 28 du décret-loi du 18 avril 1939.
Quant à la procédure. Sur le terrain de la police judiciaire et en matière d’instruction criminelle le législateur doit veiller à exclure tout arbitraire. C’est à cette fin que répondent les règles de procédure, dont la violation est sanctionnée à tout le moins par la nullité.
Constitution de l’an III, art. 9 : Ceux qui sollicitent, expédient, signent, exécutent ou font exécuter des actes arbitraires sont coupables et doivent être punis.
Cass.crim. 26 novembre 1980 (Bull.crim. n°320 p.819) : Lorsqu’il est procédé au tirage au sort de jurés complémentaires, ceux-ci doivent être inscrits sur la liste de session, non dans l’ordre où leurs noms sont sortis de l’urne, mais dans celui où, après convocation, ils se sont présentés à l’audience, ce qui ne laisse aucune place à la possibilité d’un choix arbitraire.
ARCHÉOLOGIE - Voir : Biens publics*, Vestiges archéologiques*.
ARCHERS
Cf. Sergents*.
Le corps des archers constituait un office de l'Ancien droit français. Les archers étaient des agents publics chargés d’assister les prévôts. Ils avaient notamment pour mission d’exercer les Décrets* des Prévôts* et lieutenants de police. Ils pouvaient aussi procéder à l’arrestation des auteurs d’infractions, éventuellement de leur propre initiative en cas de flagrant délit.
De Ferrière (Dictionnaire de droit, 1762) : Les archers sont des gardes préposés pour assister les prévôts dans l’exécution des décisions de justice.
Jousse (Traité de la justice criminelle, 1771) : Dans le cas de flagrant délit, le Juge peut enjoindre verbalement à tous Archers, Sergents et autres, d’arrêter le délinquant.
ARCHIVES
Cf. Dépôt public*, Détérioration de biens*, Enregistrement des débats à l'audience*, Journal officiel*, Minute*.
Les archives sont des documents ou des copies fidèles de
documents concernant la Nation, l'État, une administration, une
ville, une entreprise, voire de simples personnes privées
(archives familiales).
Elles revêtent une grande importance, dès lors qu'elle
apparaissent comme la mémoire concrète d'un passé plus au moins
lointain. Le mot archives s'étend au lieu où elles sont
déposées, par exemple : "Les Archives départementales".
C'est pourquoi elles doivent être protégées par la loi pénale
contre des détériorations (art. 322-2 2° C.pén.). Mais elles
doivent l'être aussi contre des communications irrégulières au
public.
Dictionnaire Larousse des synonymes : « Archives » - Désigne proprement dit des titres anciens, des chartes.
Cicéron (Traité des lois) : Nous n'avons point pour nos lois de moyens assurés de conservation. C'est pourquoi nous prenons pour lois les textes que veulent nos appariteurs, nous les demandons aux copistes, car nous n'avons pas d'archives publiques. Les Grecs sont à cet égard plus soigneux, et ont des gardiens des lois, qui ne conservent pas seulement les textes originaux (cette institution existait chez nos ancêtres), mais observent les façons d'agir des hommes et les rappellent à la légalité [chez les Égyptiens de l'époque pharaonique, la tenue des archives tenait un rôle capital].
Joly (La France criminelle). Avant-propos : Je n'ai négligé aucun document. J'ai lu avec soin et avec suite tous les rapports des Comptes généraux de la justice criminelle depuis l'année où ils ont été inaugurés. J'ai compulsé aux Archives nationales ce qu'on appelle les comptes d'assises...
Labbée (Une reconnaissance prénatale devant le juge d'instruction - Gaz.Pal. 29 octobre 2015), dans une espèce où le père biologique était décédé depuis 60 ans : Comment faire après tout ce temps ? Les archives constituent la mémoire collective et peuvent être parfois plus efficaces qu'un ordinateur. On se rappela du procès pénal pour détournement de qui avait eu lieu à l'époque et on retrouva le dossier dans l'état où il fut classé alors par l'archiviste. C'est le miracle des archives.
Cass.crim. 22 décembre 1953 (Bull.crim. n° 351 p.625) : Si les pièces déposées au rang des minutes d'un notaire ne peuvent, de ce seul fait, être considérées comme des actes de l'autorité publique au sens de l'art. 439 [ancien] C.pén., leur destruction tombe sous l'application des articles 254 et 255 du même Code.
Cass.crim.
26 octobre 1995 (Gaz.Pal. 1996 I Chr.crim. p.22)
: Dans le cadre d'une procédure de divorce, S., avocat de
l'épouse, a communiqué une pièce censée émaner de la préfecture
de police, direction de la police judiciaire, mentionnant que le
mari avait fait l'objet de deux enquêtes. Ce document, obtenu
contre rémunération par le canal de détectives privés, avait été
remis à l'un de ceux-ci, sous la forme d'une fiche
d'antécédents, par un fonctionnaire de police qui avait accès au
service des archives et du traitement informatique.
Les juges du second degré ont déclaré à bon droit, S. coupable
de recel du produit d'une violation de secret professionnel. En
effet, les fonctionnaires de police sont tenus au secret
professionnel en ce qui concerne les informations parvenues à
leur connaissance dans l'exercice de leur profession, et
auxquelles la loi a conféré un caractère confidentiel dans un
intérêt général et d'ordre public.
Code pénal d'Espagne. Art. 323 : Sera puni de un à trois ans de prison et d'une amende... celui qui cause des dommages dans des archives...
Code pénal de Centre-Afrique. Art. 407 : Quiconque se sera rendu coupable de soustraction, destruction ou enlèvement de pièces de procédures criminelles contenus dans les archives, greffes ou dépôts publics... sera puni de cinq à dix ans de prison.
Code criminel de Philippines. Art. 320 : La peine maximum de la réclusion temporaire sera infligée à toute personne qui brûlera... Tout arsenal, chantier naval, entrepôt, usine militaire de poudre ou de feux d'artifice, entrepôt, archives ou musée du gouvernement...
Une catégorie d'archives appelle une mention particulière : ce sont celles qui sont constituées par les enregistrements des audiences présentant un intérêt pour la constitution des archives historiques de la justice (Code du patrimoine, art. L.221-1 et s.).
Cass.crim.
3 février 2004 (Gaz.Pal. 2004 somm. p.3404) : Le huis
clos ordonné par une Cour d'assises rend sans objet le recours
formé par l'accusé contre l'ordonnance du premier président
ayant préalablement rejeté sa demande d'enregistrement du
procès.
En effet, il résulte de l'art. 1er de la loi du 11 juillet 1985
que seules les audiences publiques peuvent faire l'objet d'un
enregistrement .
Cass.crim.
16 mars 1994 (Gaz.Pal. 1994 I 174) : L'accusé est
renvoyé devant la cour d'assises des Yvelines sous l'accusation
de complicité de crime contre l'humanité. Saisi en application
de la loi du 11 juillet 1985 par plusieurs parties civiles d'une
demande tendant à l'enregistrement audiovisuel des audiences
publiques consacrées au jugement de cette affaire, le premier
président de la cour d'appel de Versailles a, par l'ordonnance
déférée, fait droit à la requête en raison de l'intérêt que
présente cet enregistrement pour la constitution d'archives
historiques de la justice.
L'atteinte aux droits de la personnalité alléguée par l'accusé,
pouvant résulter de la reproduction ou de la diffusion de
l'enregistrement des audiences, est justifiée par la loi du 11
juillet 1985 tendant à la constitution d'archives audiovisuelles
de la justice, sur le fondement de laquelle la décision
critiquée a été prise. Le demandeur ne saurait dès lors
reprocher à l'autorité compétente de s'être prononcée sans avoir
égard au droit qu'il détient sur son image .
ARGOT
Cf. Cour des miracles*, Criminalité*, Malfaiteur*, Milieu*, Pègre*, Vidocq*.
L’argot est le nom donné au vocabulaire particulier employé par un groupe de personnes exerçant une activité commune ; il en est notamment ainsi
pour les individus qui appartiennent au Milieu*, ou à la Pègre*.
- Le principe de matérialité, propre au droit criminel, prescrit au pénaliste de s’attacher aux faits sous leur aspect le plus quotidien et le plus
réaliste. Il lui impose dès lors de prendre ce vocabulaire en compte ; sans évidemment aller jusqu’à l’employer lui-même.
Tarde (La criminalité comparée) : Toute vieille profession a son argot particulier ; il y a celui des soldats, des marins, des maçons, des chaudronniers, des ramoneurs, des peintres, des avocats même, comme il y a celui des assassins et des voleurs... Mais l'argot, est-ce une langue spéciale ? Nullement. Toute la grammaire de la langue ordinaire, c'est-à-dire ce qui la constitue, y est conservé sans altération, dit Lombroso lui-même ; une faible partie du dictionnaire seulement est modifiée.
Sainéan (L'Argot ancien) : Argot - C'est un des termes que le langage des voleurs a fourni au français littéraire, où il a acquis un sens nouveau. En effet, argot signifie originairement métier ou ordre des voleurs, d'où argotier, voleur, et argoter, mendier. Les gueux étaient les compagnons de l'argot ... Langue verte, désigne spécialement l'argot des tricheurs, des amateurs du tapis vert.
Ferri (Sociologie criminelle) : Parmi les caractères du type criminel il y en a d’acquis : tatouage, argot…
Lombroso (L'anthropologie criminelle) : Il y a parmi les criminels une espèce d'écriture hiéroglyphique, mais qui n'est pas réglée, ni fixée ; elle dérive des événements journaliers et de l'argot, comme cela devait être chez les hommes primitifs.
TGI Paris 27 mai 1982 (JCP, 1983 IV 332) : Le terme « flics » appartient au langage de caractère argotique.
Balzac (Splendeurs et misères des courtisanes) : Le juge d’instruction, si bien nommé "le curieux" dans l’argot des prisons.
ARGOUSIN
Cf. Policier*.
Terme vieilli, et qui a pris un sens très péjoratif. L'argousin était au départ un surveillant de bagnards ; plus tard on a nommé ainsi un policier, un agent de police, un sergent de ville.
Bourg Saint-Edme (Dictionnaire de la pénalité) : Argousin, bas-officier, en France, dont la principale fonction est d'ôter et de remettre les chaînes aux forçats, et de veiller sur eux pour empêcher qu'ils ne s'échappent . Il y a aussi des sous-argousins chargés de conduire à leur destination les condamnés aux galères.
Lombroso (Les palimpsestes des prisons), cite ce graffiti : Pourquoi Dieu permet-il, lui que l'on traîne, saignants, douloureux et meurtris, sous le rire moqueur d'un argousin sans âme ?
Vidocq (Mémoires) : Loin de prévenir où d'arrêter ces vols, les argousins les provoquaient souvent ; comme je leur ai vu faire pour un ex-gendarme qui avait cousu quelques louis dans sa culotte de peau. Y a gras ! avaient-ils dit, et en trois minutes le pauvre diable se trouva en bannière.
Balzac (Splendeurs et misères des courtisanes) : Le Préfet de police traita Peyrade comme s'il eût été le dernier argousin du Bagne.
ARISTOCRATIE
Cf. Anarchisme*, Démocratie*, Despotisme*, Dictature*, Gouvernement*, Monarchie*, Oligarchie*, République*, Théocratie*, Tyrannie*.
- Notion. L’aristocratie est un régime politique où le gouvernement se trouve dirigé par une partie de la population considérée, à tort ou à raison, comme la plus éminente, la plus capable d'assurer la puissance et la prospérité de la Nation.
Aristote (La rhétorique) : Il y a quatre espèces de gouvernement : la démocratie, l'oligarchie, l'aristocratie, la monarchie ; de sorte que l'autorité qui gouverne et celle qui prononce des jugements se composent toujours d'une partie ou de la totalité des citoyens. La démocratie est le gouvernement dans lequel les fonctions sont distribuées par la voie du sort ; l'oligarchie, celui où l'autorité dépend de la fortune ; l'aristocratie, celui où elle dépend de l'éducation ; je parle ici de l'éducation réglée par la loi, car ce sont ceux qui ont constamment observé les lois à qui revient le pouvoir dans le gouvernement aristocratique ; or, c'est en eux que l'on doit voir les meilleurs citoyens, et c'est de là que cette forme de gouvernement a pris son nom. La monarchie, comme son nom l'indique aussi, est le gouvernement où un seul chef commande à tous. Il y a deux monarchies : la monarchie réglée, ou la royauté, et celle dont le pouvoir est illimité, ou la tyrannie.
Montesquieu (De l'esprit des lois) : Lorsque, dans la république, le peuple en corps a la souveraine puissance, c'est une démocratie. Lorsque la souveraine puissance est entre les mains d'une partie du peuple, cela s'appelle une aristocratie.
Hérodote (Histoires III-81) : Mégabyse proposa de confier le gouvernement à l'oligarchie... Élisons une assemblée d'hommes les meilleurs, et donnons lui la souveraineté. Nous en serons nous-mêmes, et il est vraisemblable que les résolutions les plus salutaires naîtront de la réunion des hommes les plus sages.
Il ne faut pas confondre l'aristocratie, qui est censée être composée des membres les mieux préparés à leurs fonctions dans la société ; et la ploutocratie, dont les membres dirigeants sont les personnes dont la fortune est la plus considérable : à Venise, il s'agissait des familles des plus riches marchands.
Xénophon (Les mémorables) : Socrate appelait aristocratie une république gouvernée par des citoyens amis des lois ; et ploutocratie celle où dominent les riches en vertu du cens.
Bluntschli (Droit public général) : Le droit de vote uniquement proportionné à l'impôt payé aboutit à la ploutocratie.
La doctrine de l'aristocratie connaît d'autres variantes, notamment la méritocratie qui fut à l'honneur dans la Chine impériale, avec l'institution des mandarins. Une version récente, la géniocratie, soutient que le pouvoir politique devrait être confié aux individus ayant un coefficient intellectuel (et moral ?) élevé. Un arrêt récent a jugé qu'une telle doctrine ne pouvait donner lieu à une campagne d'affichage.
Dictionnaire Larousse : La méritocratie est le système selon lequel le mérite doit déterminer la position sociale.
Hitler (Mein Kampf) : L'État devra veiller à ce que les classes cultivées soient continuellement renouvelées par un apport de sang frais provenant des classes inférieures. L'État a le devoir d'opérer une sélection faite avec le plus grand soin et la dernière minutie dans l'ensemble de la population pour en tirer le matériel humain [!] visiblement doué par la nature et le mettre au service de la communauté tout entière.
- Caractères. En faveur de l'aristocratie, on peut surtout relever qu'on longue tradition familiale constitue un facteur de progrès dans la continuité. À son encontre on constate, qu'avec le temps, cette classe de la société finit par s'attacher plus à ses intérêts propres qu'à ceux de la collectivité.
Bautain (Philosophie des lois) : En général, l'aristocratie est un gouvernement solide, durable, persévérant dans ses maximes, parce que dans l'aristocratie les traditions se conservent fidèlement. Mais elle a cet inconvénient presque inévitable que, à la longue, l'esprit de corps l'emporte sur l'intérêt général.
Garnier (Morale sociale) : Il faut reconnaître que les gouvernements aristocratiques sont les plus durables, mais ils ne sont pas les plus favorable au grand nombre. La politique marche entre deux écueils qui sont, d'une part, des gouvernements aristocratiques, solides et tranquilles, mais plus occupés de la conservation de leurs privilèges que de l'amélioration du sort des peuples ; de l'autre, des gouvernements populaires, animés de l'esprit du progrès, mais que les factions déchirent bientôt et que l'anarchie ramène sous le despotisme.
De Tocqueville (De la démocratie en Amérique) : Presque tous les peuples qui ont agi fortement sur le monde, ceux qui ont conçu, suivi et exécuté de grands desseins, depuis les Romains jusqu'aux Anglais, étaient dirigés par une aristocratie. Comment s'en étonner ? Ce qu'il y a de plus fixe au monde dans ses vues, c'est une aristocratie.
Ahrens (Cours de droit naturel) : L'ancienne aristocratie anglaise, pratiquait réellement le vieil adage : noblesse oblige; elle a fait preuve de grandeur et de persévérance surtout dans la gestion de la politique extérieure.
- Droit criminel. À cet regard on observe que, sous un régime aristocratique, la législation répressive pèse ordinairement de manière plus lourde sur la masse de la population que sur les détenteurs du pouvoir ; ce en violation du principe selon lequel la loi pénale ne doit pas faire Acception de personnes*. Dans le très ancien droit français, toutefois, les criminels appartenant à la noblesse étaient souvent punis avec rigueur, sous cette réserve qu'en cas de condamnation à mort ils échappaient ordinairement à l'infamante pendaison : ils étaient décapités.
Olivier-Martin (Histoire du droit français) : Au Moyen-âge, le noble doit donner le bon exemple et, s'il commet un délit, il est puni bien plus sévèrement que le roturier.
Bourg Saint-Edme (Dictionnaire de la pénalité) : En France, le supplice de la décapitation fut toujours rare parce qu'il était réservé aux nobles : Richelieu fit tomber plus de têtes par le tranchant du glaive, qu'on n'en avait abattu depuis l'origine de la monarchie.
Cour
EDH 13 juillet 2012, n° 16354/06 (Gaz.Pal. 9 août 2012 p.30) :
La requérante est une association, ... qui demanda
l'autorisation de mener une campagne d'affichage, ce qui lui fut
refusé. En l'occurrence, les motifs retenus par la cour
cantonale pour confirmer le refus de la Ville de Neuchâtel
tiennent au respect de la moralité et de l'ordre légal suisse en
raison de la mention du site Internet sur les affiches. Il est
fait trois sortes de reproches à la requérante...
Troisièmement, le soutien à la « géniocratie », soit la doctrine
selon laquelle le pouvoir devrait être donné aux individus ayant
un coefficient intellectuel élevé, et la critique adressée en
conséquence aux démocraties actuelles, était susceptible de
porter atteinte au maintien de l'ordre, de la sécurité et de la
morale publics...
Il aurait peut-être été disproportionné d'interdire
l'association ou son site Internet, et limiter la portée de la
restriction incriminée au seul affichage sur le domaine public
est ainsi une manière de réduire au minimum l'ingérence dans les
droits de la requérante. Compte tenu du fait que la requérante
est en mesure de continuer à diffuser ses idées par le biais de
son site Internet ainsi que par d'autres moyens à sa
disposition, l'on ne saurait dire que la mesure litigieuse était
disproportionnée. La Cour ne voit donc aucun motif sérieux de
substituer son appréciation à celle du Tribunal fédéral, lequel
a examiné la question litigieuse avec soin et dans le respect
des principes posés par la jurisprudence de la Cour.