DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL
- Professeur Jean-Paul DOUCET -
Lettres
V - W
(Cinquième partie)
VIE
Cf. Assassinat*, Avortement*, Corps de l'homme*, Duel*, Empoisonnement*, Euthanasie*, Homicide*, Homicide intentionnel*, Homicide par imprudence*, Infanticide*, Instinct*, Meurtre*, Mort*, Parricide*, Personne humaine*, Santé (individuelle)*, Suicide*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° I-130, p.184 / n° I-217 et 218, p.222 et s. / n° I-242, p.254 / n° I-243, p.255 / n° I-248, p.264
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-I-306, p.69 / n° I-I-I-310, p.72 / n°I-I-I-314, p.78 / n° I-I-I-324, p.90 / n° I-I-I-341, p.106-107 / n° I-I9-I-346, p.113 / n° I-I-II-205, p.141 ...
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° I-1 et s., p.55 et s. / n° I-116, p.74 (notamment)
Voir :
Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des
adolescents »
- sur l'atteinte à la vie d'un enfant
par ses parents, n° 338 7°, p.218
- sur l'atteinte à la vie d'un parent par son enfant, n° 342,
p.224
Voir
: Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° I-II-5,
n° I-II-6, n° I-II-7, n° I-II-8, p.146 et s.
-
sur la protection de la vie des agents publics, n° II-I-203, p.430
- sur la protection de la vie du Chef de l'État, n° II-109, p.312
Sur le principe invitant à assurer la protection de toute vie humaine, voir : Le lit de Procuste
Voir : Grands arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme
Voir : J. Sainte-Rose, La condition juridique de l’enfant à naître
- Notion. La vie est une propriété des êtres organisés qui se développe selon un programme préétabli depuis le jour de leur conception jusqu'au jour de leur mort, sauf faille dans son déroulement ou accident extérieur.
Larousse médical. La vie est l'ensemble des fonctions qui résistent à la mort.
Illustration (Programme de télévision du 11 avril 1996) : Ben est né deux fois. En effet, après seulement six mois de gestation, il a été retiré du ventre de sa mère pour être opéré d'une tumeur pulmonaire qui mettait sa vie en péril. Puis il a été replacé dans l'utérus maternel. Aujourd'hui, Ben a dix ans et se porte à merveille.
- Règle morale. L'ensemble des religions et des philosophies spiritualistes, fortement attachées à la dignité de la personne humaine, considèrent que la vie humaine est sacrée. Aussi posent-elle en principe l'interdiction de lui porter atteinte.
Voir : Le Décalogue - Les Dix commandements.
Voir : J. Tissot, Le meurtre au regard de la morale
Dix Commandements (Commentaire à Ste Anne d'Auray) : "Tu ne tueras pas". Ai-je été violent ? Ai-je souhaité du mal à quelqu'un ? Ai-je nui à ma santé, à la vie des autres ?
Les préceptes du Bouddhisme. La voie pour mettre en oeuvre la rectitude dans l'action consiste à s'abstenir de tuer toute créature vivante.
Zoroastre (Les Gâthas) : Maudits ceux qui détruisent la vie.
Le livre des récompenses et des peines (Traduction, par Stanislas Julien, d'un ouvrage taoïste) : La Providence aime à donner la vie... Si le ciel punit celui qui tue un autre homme par imprudence, il est aisé de juger combien est coupable celui qui s'abandonne de propos délibéré à la cruauté de son caractère.
Pufendorf (Le droit de la nature, éd. 1734) : Devant les tribunaux judiciaires, on met au premier rang la vie, qui est le fondement de tous les biens corporels.
Jacques Leclercq (Leçons de droit naturel, T.IV-1) : L'attitude de l'homme vis-à-vis de la vie présente deux aspects : le devoir d'accepter la vie et le droit d'en exige le respect par autrui ; ensuite le devoir de respecter la vie d'autrui et le devoir de respecter sa propre vie. L'ordonnance de cette double dualité amène à l'interdiction de l'homicide et du suicide, avec l'exception du droit de légitime défense.
Höffe (Dictionnaire d’éthique) : Outre le système biologique complexe des structures et fonctions des organismes vivants, le terme vie désigne principalement l’ensemble des possibilités de développement et d’autodétermination données à l’homme entre la naissance et la mort… La vie humaine vaut sans réserve de circonstances, comme une fin en soi.
Kardec (Le livre des esprits) : Quel est le premier de tous les droits naturels de l'homme ? C'est de vivre ; c'est pourquoi nul n'a le droit d'attenter à la vie de son semblable ni de faire rien qui puisse compromettre son existence corporelle.
Pierre et Martin (Cours de morale) : Le droit de vivre est pour l'homme le premier des droits et la condition de tous les autres; d'où la nécessité de respecter la vie de notre prochain : "Tu ne tueras point".
Salman Rushdie, écrivain iranien persécuté, à la télévision : Les deux premiers droits de l'homme sont : 1° le droit à la vie ; 2° la liberté d'expression.
- Science criminelle. Le législateur doit sauvegarder la vie, en qualité d'attribut naturel de la personne humaine, et non en tant que droit concédé par le pouvoir politique en place. Cet intérêt juridique revêt un caractère primordial, inviolable et indisponible ; il s'attache à tout être humain, sans exception aucune, du jour de sa conception jusqu'au moment de l’extinction de l'ensemble de ses fonctions vitales.
Voir : Tableau des incriminations protégeant la vie (selon la science criminelle)
Voir : Tableau sur la prohibition du duel (selon la science criminelle)
Voir : Tableau sur la prohibition du suicide (selon la science criminelle)
Voir : Tableau sur la prohibition de l'avortement (selon la science criminelle)
Voir : Vitu, Le meutre simple
Nypels et Servais (Le Code pénal belge interprété) : La loi qui défend de tuer ne protège pas tel ou tel individu déterminé, mais l’humanité tout entière.
Glanville L. Williams (Criminal law) : Le caractère sacré de la vie est considéré de manière générale comme une valeur absolue ; c’est le seul postulat digne de ce nom que l’on puisse poser.
Vitu (Traité de droit pénal spécial) : Le monde moderne affirme l'intangibilité de la vie humaine. La protection de la vie est le but suprême ou, du moins, l'un des objectifs majeurs du droit.
Warée (Curiosités judiciaires) : Parmi les Taprobaniens, il y avait une loi qui portait qu’on ne devait vivre qu’un certain nombre d’années, après quoi il fallait aller, de gaieté de cœur, se coucher sur une certaine herbe vénéneuse, qui tuait sans causer aucune douleur, en faisant passer paisiblement du sommeil tranquille au sommeil de la mort.
Les pouvoirs publics nationaux ne doivent pas se borner à sanctionner les atteinte à la vie privée ; ils doivent en outre édicter des mesures destinées à prévenir de telles atteintes.
Cour
EDH 10 avril 2012, n° 19986-06 : La Cour rappelle
que toute menace contre la vie n’oblige pas les autorités à
prendre des mesures concrètes pour en prévenir la
matérialisation.
Toutefois, dans le cas d’Atalay, en négligeant d’informer le
service de ramassage de la commune que l’école terminait plus
tôt, les autorités turques sont restées en défaut de prendre les
mesures qui auraient pu éviter la matérialisation d’un risque
pour la vie de l’enfant.
Quant aux voies de recours disponibles pour établir les faits,
amener les responsables à rendre des comptes et fournir un
redressement approprié aux parents, la Cour observe que le refus
de la demande d’aide judiciaire introduite par les requérants
les a privés de la possibilité de soumettre leur cause à un
tribunal.
En outre, alors que huit ans se sont écoulés depuis l’incident,
la procédure pénale est toujours pendante devant la Cour de
cassation. La Cour est particulièrement frappée par le fait
qu’après environ quatre ans et demi la Cour de cassation a cassé
le jugement du tribunal pénal, sans examiner le fond de
l’affaire, pour un motif de procédure, à savoir l’absence de la
signature du greffier à l’une des audiences de première
instance.
La Cour conclut que les tribunaux turcs n’ont pas amené les
responsables du décès d’Atalay à rendre des comptes, ni fourni
un redressement adéquat aux parents, en raison de la durée
excessive de la procédure et de l’impossibilité pour les
requérants d’engager une procédure en réparation devant les
tribunaux administratifs à cause du refus de leur demande d’aide
judiciaire. Les autorités n’ont donc pas fait preuve de la
diligence voulue dans la protection du droit à la vie du fils
des requérants, en violation de l’art. 2.
- Droit positif. Suivant l’idéologie matérialiste dominante,
héritée des régimes national et international socialistes, le législateur français ne reconnaît
plus à la vie humaine du commun des mortels un caractère sacré. Sa protection s'affaiblit peu à peu ; ainsi elle ne part plus du jour de la conception, mais du jour de la
naissance (d'où la licéité de l'avortement) ; certains envisagent même d'en abréger la durée (euthanasie
légalisée).
La vie est actuellement protégée, quant aux Homicides* intentionnels par les art. 221-1 et s. C.pén., quant aux homicides
commis par imprudence par les art. 221-6 et s.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la personne humaine » (4e éd.), I-36 et s.
Voir : Tableau des incriminations protégeant la vie (en droit positif français)
Voir : Le procès du duel
Cass.crim. 30 juin 1999,
n°97-82351 (Bull.crim. n° 174 p.511). Cet arrêt, au motif
purement formel ignorant l'esprit des Conventions
internationales, doit être reproduit intégralement :
Vu l'article 111-4 du Code pénal ;
Attendu que la loi pénale est d'interprétation stricte ;
Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué qu'à la suite d'une
confusion résultant de l'homonymie entre 2 patientes présentes
dans le même service de gynécologie, X..., docteur en médecine,
a procédé sur l'une d'elles, venue pour un examen de grossesse,
à une intervention visant à extraire un stérilet ; que cet acte
a provoqué une rupture de la poche des eaux rendant nécessaire
l'expulsion du fœtus ;
Attendu que X... a été poursuivi pour atteinte involontaire à la
vie de l'enfant à naître ;
Attendu que, pour le déclarer coupable d'homicide involontaire,
la juridiction du second degré relève que l'article 2 de la
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des
libertés fondamentales et l'article 6 du Pacte international
relatif aux droits civils et politiques reconnaissent
l'existence, pour toute personne, d'un droit à la vie protégé
par la loi ; qu'elle souligne que la loi du 17 janvier 1975,
relative à l'interruption volontaire de grossesse, pose le
principe du respect de l'être humain dès le commencement de sa
vie, désormais rappelé par l'article 16 du Code civil dans la
rédaction issue de la loi du 29 juillet 1994 ; qu'ensuite elle
énonce qu'en intervenant sans examen clinique préalable, le
médecin a commis une faute d'imprudence et de négligence, qui
présente un lien de causalité certain avec la mort de l'enfant
que portait la patiente ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que les faits reprochés
au prévenu n'entrent pas dans les prévisions des articles 319
ancien et 221-6 du Code pénal, la cour d'appel a méconnu le
texte susvisé ;
D'où il suit que la cassation est encourue.
Cass.(Ass.plén). 29 juin 2001 (Bull.crim. n° 165 p.546) : L’incrimination prévue par l’art. 221-6 C.pén., réprimant l’homicide involontaire d’autrui, ne peut être étendue au cas de l’enfant à naître, dont le régime juridique relève de textes particuliers sur l’embryon et le fœtus.
Cass.crim. 2 décembre 2003 (Bull.crim. n° 230
p.931) : Il résulte de l’arrêt attaqué que, le 5 octobre 1998, Pascale X..., enceinte de huit mois, a été grièvement blessée dans un accident de
la circulation impliquant la prévenue ; après une césarienne, elle a, le même jour à 16 h 39, donné naissance à un garçon prénommé Yoan, qui est décédé à
17 h 39 ;
Pour déclarer à bon droit la prévenue coupable d’homicide involontaire sur la personne de Yoan X..., l’arrêt attaqué retient qu’elle a, par un défaut
de maîtrise de son véhicule, causé la mort de l’enfant qui a vécu une heure après sa naissance et qui est décédé des suites des lésions vitales
irréversibles subies au moment du choc.
VIE PRIVÉE
Cf. Domicile*, Espionnage de la vie privée*, Fichiers informatiques*, Géolocalisation*, Image*, Intérêt protégé*, Intimité*, Lettres missives*, Lieu privé*, Lieu public*, Perquisition*, Secret professionnel*, Violation de domicile*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.) n°116, p.165 / n° 133, p.109 / n° I-105, p.147 / n° I-117, p.168 / n° I-119, p.169 / n°I-225, p.231 / n° I-229, p.236
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° II-201 et s., p.295 et s.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », sur la vie privée d'un mineur : n° 338 2°, p.210 / n° 425, p.273
Voir : Grands arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme
- Notion. La vie privée est la part de son existence qu’une personne souhaite isoler de sa vie sociale et professionnelle ; elle est contenue dans la sphère d’intimité qui protège chacun de nous, et nos proches, contre les agressions du monde extérieur et la curiosité malsaine d’autrui.
Code civil, art. 9 : Chacun a droit au respect de sa vie privée.
Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne : Art. 7. Respect de la vie privée et familiale. - Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de ses communications.
Cour EDH : La vie privée tend à assurer le développement de la personnalité de chaque individu dans les relations avec les semblables.
Trib.pol. Marmande 10 janvier 1995 (Gaz.Pal. Rec. 1995 somm. 488) : La notion de vie privée ne se conçoit que par opposition à la vie publique, cette dernière impliquant l’accès au regard par des tiers.
Paris (1e ch.) 5 décembre 1997 (Gaz.Pal. 1998 I somm. 234) : La vie privée s'entend de l'intimité de l'être humain en ses divers éléments afférents notamment à sa vie familiale, à sa vie sentimentale, à son image ou à son état de santé, qui doivent être respectés en ce qu'ils ont trait à l'aspect le plus secret et sacré de sa personne.
- Règle morale. Étroitement liée aux notions de liberté individuelle et de dignité de la personne humaine, l'intimité de la vie privée apparaît comme une condition nécessaire à l'épanouissement harmonieux de l'individu. Elle revêt par là même un caractère sacré, matérialisé notamment par le principe de l'inviolabilité du domicile.
Confucius (Les quatre livres) : Dans la vie privée, ayez toujours une tenue grave et digne.
Saint-Just (Fragments) : La liberté du peuple est dans sa vie privée ; ne la troublez point.
Ahrens (Cours de droit naturel) : La personne individuelle a le droit d'entrer en commerce individuel avec d'autres personnes, d'élargir et de restreindre le cercle de son intimité et de demander à cet effet que ce qui tient à la vie privée intime ne soit pas surveillé, inspecté, espionné par une autorité publique.
Franck Adolphe (La morale pour tous) : Qu'est-ce qui nous donne le droit de fouiller dans la vie privée d'un homme pour en exhumer, sans profit pour l'ordre social, tout ce qui peut la déshonorer ? L'honneur est une propriété morale à laquelle il est aussi criminel de porter atteinte qu'à la propriété matérielle.
Kayser (La protection de la vie privée) : La vie personnelle et familiale ne peut s'épanouir que dans l'intimité de la maison et du foyer : elle a besoin de paix et de tranquillité pour être heureuse.
- Science criminelle. La vie privée constitue sans nul doute l’un des intérêts juridiques majeurs dans une
société libérale. Elle doit dès lors être protégée par le législateur, tant contre les pouvoirs publics, que contre les indiscrets.
Sur le plan technique une observation s’impose. Tantôt elle se matérialise dans des éléments concrets (domicile, lettres missives), et peut alors être
sauvegardée par des Délits de résultat*. Tantôt elle est menacée par des procédés d’espionnage (jumelles, microphones), et
donne alors lieu à des Délits formels*.
Voir : Tableau des incriminations protégeant la vie privée (selon la science criminelle)
Neufbourg (La loi naturelle) : Les lois écrites n'interviennent pas, et ne doivent pas intervenir dans les actes de la vie privée … quand ils ne compromettent pas positivement l'ordre public.
Code criminel du Canada. 184 - Est coupable d'un acte criminel et passible d'un emprisonnement maximal de cinq ans quiconque, au moyen d’un dispositif électromagnétique, acoustique, mécanique ou autre, intercepte volontairement une communication privée.
Code pénal des Philippines. Art 357. La peine des arrêts … sera imposé au journaliste, rédacteur ou directeur d’un journal ou d’un magasin, qui éditera des faits liés à la vie privée d’autrui.
Cass.crim. 21 mars 2007 (Bull.crim. n° 89 p.451) : Selon l'art. 8 Conv. EDH, toute ingérence d'une autorité publique dans l'exercice du droit au respect de la vie privée et du domicile doit être prévue par la loi.
TGI Paris 18 janvier 1996 (JCP 1996 II 22589 note Derieux) : Toute personne, quels que soient son rang, sa naissance, ses fonctions, a droit au respect de sa vie privée.
Cour EDH 18 janvier 2011 (Gaz.Pal. 16 juin 2011) sommaire : Ne sont pas attentatoires à la vie privée d'un célèbre mannequin les informations établissant, malgré les dires de la personne visée, la réalité de sa toxicomanie. Sont attentatoires à sa vie privée les informations et les photographies clandestines susceptibles de compromettre le succès de sa cure de désintoxication.
Cour EDH
27 mai 2014, n° 10764/09
(Gaz.Pal. 5 juin 2014 p.29) dans une espèce où une compagnie
d'assurance produisait une vidéo montrant le requérant circulant
sur la voie publique sur sa moto ; ce pour faire échec à une
demande d'indemnisation pour névrose post-traumatique qui
entraînait pour le demandeur, selon ses dires, une peur intense
de conduire des véhicules ;
En l'espèce il n'est pas contesté que le requérant se trouvait
sur la voie publique lorsque les scènes furent enregistrées, et
qu'il n'y a eu aucune interférence dans son comportement... La
Cour relève par ailleurs que les images ont été filmées par un
agence de détectives privés qui respectait l'ensemble des
exigences légales... Quant au but poursuivi par l'utilisation de
la cassette vidéo, la Cour juge raisonnable de considérer que
les images enregistrées avaient vocation à contribuer de manière
légitime au débat judiciaire. Rejet du recours.
- Droit positif. Dans le Code pénal français actuellement en vigueur, ce sont les art. 226-1 et s. qui constituent le cœur de la matière.
Voir : Tableau des incriminations protégeant la vie privée (en droit positif français)
Kayser (La protection de la vie privée) : La protection du secret de la vie privée par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a la primauté sur celle de notre droit interne.
Marty et Raynaud (Droit civil) : D’une façon générale, la personne humaine a droit au respect de sa vie privée ; elle peut s’opposer à la divulgation de sa vie intime ou demander réparation du dommage qu’a pu lui causer une telle divulgation.
Cass.crim. 8 décembre 1983 (Gaz.Pal. 1984 I 394) : Il résulte de l’art. 368-1° C.pén. que le délit qu’il prévoit et réprime est constitué lorsqu’une atteinte volontaire a été portée à l’intimité de la vie privée d’autrui, notamment par l’enregistrement au moyen d’un appareil quelconque des paroles prononcées dans un lieu privé par une personne, sans le consentement de celle-ci.
Cass.1e civ. 16 mai 2012, n° 11-18449 (Gaz.Pal. 4 octobre 2012) sommaire : La spéculation sur la vie sentimentale d'une personne constitue une atteinte à sa vie privée ; la publication de photographies représentant une personne pour illustrer des développements attentatoires à sa vie privée porte nécessairement atteinte à son droit au respect de son image.
Cass.crim. 21 mars 2007 (Bull.crim. n°89 p.451) : Constitue une ingérence, au sens de l'art. 8 de la Conv. EDH, dans l'exercice du droit au respect de la vie privée et du domicile, le fait, pour des policiers, de photographier clandestinement, au moyen d'un téléobjectif, les plaques d'immatriculation des véhicules se trouvant à l'intérieur d'une propriété privée non visibles de la voie publique, aux fins d'identification des titulaires des cartes grises.
Cass.crim. 4 mars 1997 (1997 I 320) : Les art. 368 ancien et 226-1 nouv. C.pén. font de la clandestinité un élément constitutif essentiel du délit d'atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui, qui n'est caractérisé que lorsque la personne, dont les paroles ont été enregistrées sans son consentement, est informée de leur captation ou de leur transmission... Ainsi, sauf à retirer son effectivité de la loi, cette infraction ne peut être prescrite avant qu'elle ait pu être constatée en tous leurs éléments et que soit révélée, aux victimes, l'atteinte qui a pu être portée à leurs droits.
La vie privée n'est pas protégée seulement par des dispositions pénales, elle l'est aussi par l'art. 9 du Code civil.
Cass. 3e civ. 11 mai 2011, n° 10-16967 (Gaz.Pal. 9 juin 2011 p.27) : La cour d'appel qui retient que les travaux d'installation du système de vidéo-surveillance dirigé vers un chemin, partie commune, mis en place par des époux en dehors de tout consentement donné par les copropriétaires compromet de manière intolérable les droits détenus par chacun d'eux dans leur libre exercice de leurs droits sur les parties communes, peut en déduire, sans violer l'art. 9 C.civ. ni les art. 6 et 8 de la Conv. EDH, que cette installation constitue un trouble manifestement illicite justifiant que soit ordonnée sa dépose.
Limites de la protection. En pratique certaines indiscrétions ne sont pas protégées. Il en est ainsi, notamment si les actes reprochés ne concernaient pas vraiment l'intimité de la vie privée, ou encore si un fait justificatif peut être légitiment proposé par la défense.
Cass.crim. 14 février 2006 (Bull.crim. n° 38 p.147) : Ne constitue pas une atteinte à l'intimité de la vie privée l'enregistrement d'une conversation téléphonique par l'un des interlocuteurs, à l'insu de l'autre, lorsque celle-ci porte sur l'activité professionnelle des intéressés, peu important que les propos aient été tenus dans un lieu privé.
Cass.1e
civ. 31 octobre 2012, n° 11-17476 (Gaz.Pal. 6 décembre 2012 p.27)
: Un homme, indemnisé en son temps des préjudices consécutifs
à l'accident de circulation dont il avait été victime, puis,
selon nouveau rapport d'expertise judiciaire, ordonné suite à
l'allégation d'une aggravation de son état de santé, et
concluant à la nécessité d'une assistance permanente en raison
de sa perte d'autonomie et de son besoin d'être stimulé et
accompagné dans des promenades et autres sorties de son
domicile, assigne en référé-provision la responsable de
l'accident et son assureur.
Un huissier de justice, à la demande de ces derniers, suit et
filme l'intéressé conduisant seul un véhicule, effectuant des
achats, assistant à des jeux de boules, s'attablant au café pour
lire le journal et converser avec des consommateurs,
accompagnant des enfants à l'école sans aucune assistance - en
complète contradiction avec les conclusions de l'expertise
judiciaire.
Justifie sa décision la cour d'appel qui retient que les
atteintes portées à la vie privée du demandeur, sur la voie
publique ou dans des lieux ouverts au public, sans provocation
aucune à s'y rendre, et relatives aux seules mobilité et
autonomie de l'intéressé, ne sont pas disproportionnées au
regard de la nécessaire et légitime préservation des droits de
l'assureur et des intérêts de la collectivité des assurés.