DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL
- Professeur Jean-Paul DOUCET -
Lettre P
(Treizième partie)
PREUVE (Plan du fichier)
Preuve (Généralités)
Preuve (Appréciation par le juge)
Preuve (Charge de la)
Preuve (Destruction, altération, falsification ou suppression de)
Preuve (Fabrication d'une fausse)
Preuve (Modes de)
Preuve (Principe de la liberté des)
Preuve (Recherche des)
Preuves légales
PREUVE (Généralités)
Cf. Allégation*, Conjecture*, Cruentation*, Détective privé*, Erreur judiciaire*, Évidence*, Instruction préparatoire*, Mittermaïer*, Police scientifique*, Preuves légales*, Provocation policière*, Sophisme*, Syllogisme*, Témoignage*, Témoin*, Vérité*, Vidéosurveillance*, Vox populi, vox dei*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n°11, p.20 / n° 12, p.22 / n° 27, p.48 / n° 110, p.70 / n°132, p109 / n° I-118, p.169 (sur l’influence des règles de preuve lors la définition des infractions) / n° 125, p.179 / n° I-132, p.188 / notamment.
Voir : Carl J-A. Mittermaïer, L’importance des règles de preuve dans le procès pénal
Sur les principes généraux, voir : P.-E. Trousse, La preuve des infractions
- Notion. La preuve est une donnée de nature à établir, devant un tribunal, la vérité d’un fait ou d’une allégation, notamment l'existence des actes reprochés, du préjudice invoqué ou des circonstances dans le cadre desquelles les faits se sont déroulés.
Vergely (Dico de la philosophie) : Prouver une affirmation concernant un fait … consiste à établir l’existence de ce fait d’une façon irréfutable, en recourant à une série d’expériences ou à une série de témoignages.
Domat (Les lois civiles dans leur ordre naturel) : On appelle preuve ce qui persuade l’esprit d’une vérité.
Bonnier (Traité des preuves) : Lorsque l'on parle de la théorie des preuves, on n'entend pas s'occuper de la preuve du droit. Le but qu'on se propose, c'est la recherche des meilleurs moyens à employer pour vérifier les faits qui sont l'objet des débats judiciaires.
Faustin Hélie (Traité de l’instruction criminelle) : On doit entendre par preuve tout moyen juridique d’acquérir la certitude d’un fait ou d’une proposition.
Code de droit canonique, Commentaire de l’Université de Salamanque : Il est possible de définir la preuve comme la démonstration qui est faite au juge des faits controversés ou douteux par le moyen d’arguments légitimes ou admis par la loi. Le but de la preuve est de convaincre le juge, à qui il appartient de prononcer la sentence.
- Caractères. Puisqu’elles ont été établies pour faciliter la recherche de la vérité, pour contribuer au bien commun et pour assurer le respect des droits de la défense, les règles de preuve sont d’ordre public.
Kenny (Esquisse du droit criminel anglais) : Dans les affaires criminelles, les règles de preuve sont publici juris et les parties ne peuvent se dispenser des les observer.
Par ailleurs, pour renverser la présomption d’innocence, une preuve doit établir à l’évidence le fait sur lequel il porte. Si le tribunal apprécie souverainement la valeur des preuves proposées, il ne doit jamais oublier que justifie seule une condamnation pénale une preuve « plus claire que le jour » (probationes luce meridiana clariores).
Cujas : Là où la preuve n’est pas complète, il n’y a pas de preuve.
Buisson (Répertoire Dalloz) : En matière pénale la preuve consiste à démontrer, non seulement l’existence d’un fait dans les formes admises par la loi, mais encore son imputation à une personne ainsi que, la plupart du temps, l’intention que celle-ci avait de commettre un tel fait.
Projet de Code criminel pour l'Écosse. En règle générale la preuve de la culpabilité, dans des poursuites criminelles, est une preuve allant au-delà d'un doute raisonnable (proof beyond reasonable doubt).
PREUVE (Appréciation par le juge)
Cf. Intime conviction*, Preuves légales*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-I-210, p.46
Sous l’Ancien droit, afin d'éviter les errements des juges d'antan, un système de Preuves légales* fut progressivement
élaboré ; mais il finit par devenir si formaliste qu'il lia le juge au point de le contraindre à rendre des décisions détachées des faits de l'espèce.
Aussi le législateur révolutionnaire décida-t-il de s'en remettre à l'Intime conviction* des juges et des jurés.
Cette
intime conviction doit toutefois être étayée par des motifs tirés des faits matériels de l'espèce, envisagés de manière concrète et non abstraite.
Merle et Vitu (Traité de droit criminel, T.II) : La méthode générale d'appréciation des preuves pénales. - Le principe de l'intime conviction laisse les magistrats libres d'apprécier la valeur des preuves produites devant eux. Mais cette liberté ne signifie pas qu'ils peuvent, sans aucun contrôle, se laisser guider par leurs impressions ; l'intime conviction ne dispense pas d'une méthode pour la découverte de la vérité. Un travail préliminaire de réflexion et de raisonnement s'impose à tout juge... Une règle générale doit être respectée par le juge, lorsqu'il apprécie les éléments de preuve qu'on lui soumet : ces divers éléments ne doivent pas être envisagés isolément les uns des autres. Sans doute une analyse critique différenciée doit-elle s'appliquer à chacun, selon sa nature, mais le juge doit rechercher les rapports unissant tous les éléments analysés et les synthétiser en une vue d'ensemble.
Cour EDH. 3 mai 2012 (Gaz.Pal. 31 mai 2012 p.29) : La Cour rappelle que, pour apprécier les preuves, elle a généralement adopté le critère de la preuve « au-delà de tout doute raisonnable » et réitère qu'un « doute raisonnable » n'est pas un doute fondé sur une possibilité purement théorique mais un doute dont les raisons peuvent être tirées des faits présentés.
Cass.crim. 30 novembre 1977 (Bull.crim. n° 378, p. 1006) : La déclaration de l’intime conviction des juges relève de leur seule conscience ; l’appréciation qu’ils ont faite de la valeur des éléments de preuve soumis à la libre discussion des parties et de leur force probante, comme de l’inutilité d’une mesure complémentaire d’instruction, échappe au contrôle de la Cour de Cassation .
Pour donner gain de cause au demandeur, le tribunal ne saurait s'appuyer uniquement sur une preuve risquant d'être entachée de partialité, d'indétermination ou d'imprécision, et n'emportant dès lors pas une pleine conviction (in dubio pro reo)
Cass.
(Ch.mixte) 28 septembre 2012, arrêt n° 11-18710 : Si le
juge ne peut refuser d'examiner une pièce régulièrement versée
aux débats et soumise à la discussion contradictoire, il ne peut
se fonder exclusivement sur une expertise réalisée à la demande
de l'une des parties ;
En l'espèce, la cour d'appel, devant laquelle la société
T. et son assureur se prévalaient de l'inopposabilité du rapport
d'expertise établi à la demande de la société H., a relevé que
celle-ci fondait exclusivement ses prétentions sur ce rapport ;
elle a ainsi légalement justifié sa décision la déboutant de sa
demande.
Cass.crim.
22 mars 1966 (Gaz.Pal. 1966. 11. 46, Bull.crim. no 106, p. 234) :
Au cours de la nuit du 18 août 1963, à Menil-Flin, un
incendie détruisit un bâtiment appartenant à la Sté Pate, dans
lequel les mineurs W..., H..., D... et B..., qui faisaient une
randonnée à bicyclette, s’étaient arrêtés…
La Cour d’appel qui, à la suite de la destruction du bâtiment
admet implicitement qu’aucune mesure d’instruction utile ne
pouvait être ordonnée, mesure d’ailleurs qu’aucun chef précis de
conclusion ne sollicitait, ne pouvait que déduire, sans
contradiction des éléments de la cause empruntés à 1’enquête ou
aux débats, qu’à défaut de pouvoir établir une faute personnelle
à la charge de 1’un quelconque des prévenus, le doute devait
bénéficier à tous les autres.
PREUVE (Charge de la)
Cf. Actori incumbit probatio*, Présomption d'innocence*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° 27, p.49 (par exemple)
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-I-203, p.40 / n° I-II-I-203, p.166 / n° I-II-II-204, p.234
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° II-I-212, p.442 (par exemple)
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », n° 223, p.110 (par exemple)
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° 14, p.18 (par exemple)
Voir : Levasseur, La charge de la preuve
Sur le principe faisant peser la charge de la preuve sur l’accusation : Cass. crim. 2 mars 1966.
- Quant à l'accusation. Suivant un principe très général, il incombe à la personne qui intente une action devant un tribunal de faire la preuve des faits sur lesquels elle fonde sa demande. Ainsi, en droit pénal positif, c’est sur le ministère public (et éventuellement sur la partie civile) que repose le fardeau de la preuve : il doit établir, d’une part la réalité des faits reprochés, d’autre part l’identité de l’auteur de ces faits (actori incumbit probatio).
Par exception, un décret du 28 mars 1793 présumait émigré tout français de l’un et de l’autre sexe qui, ayant quitté le territoire de la république depuis le 1er juillet 1789, n’a pas justifié de sa rentrée en France dans le délai fixé par le décret du 30 mars 1792.
Code brahmanique des gentoux : Si un homme intente une action contre un autre, sans pouvoir prouver ce qu’il avance, la cause sera jugée en faveur du défendeur.
Kenny (Esquisse du droit criminel anglais) : Dans une accusation criminelle, le fardeau de la preuve incombe à l’accusation en ce qui concerne l’actus reus, et le plus souvent aussi en ce qui concerne la mens rea.
Code de droit canonique, Canon 1526 : La charge de la preuve incombe à qui affirme.
Larguier (Procédure pénale) : Conséquences du principe de la présomption d’innocence. 1° Le demandeur doit faire la preuve de l’existence matérielle de l’infraction et de la participation à l’infraction de la personne poursuivie.
Limoges 16 mars 1977 (JCP 1977 II 18816 note Chambon) : Il appartient au ministère public poursuivant de faire la preuve, et de la matérialité de l’infraction, et de la personnalité du contrevenant.
Cass.crim. 2 mars 1966 (Gaz.Pal. 1966 I 391) : La preuve que les infractions constatées ont été commises par le prévenu incombe au ministère public. La constatation selon laquelle un prévenu conduit habituellement un véhicule ne suffit pas à établir qu’il le conduisait au moment de l’infraction.
Cass.crim. 11 avril 2012, n° 11-83816 (Gaz.Pal. 5 juillet 2012) : L'art. L.2141-5 C.trav., concernant le délit de discrimination syndicale, n'institue aucune dérogation à la charge de la preuve en matière pénale. Il résulte alors de l'article préliminaire du Code de procédure pénale et de l'art. 6 § 2 de la Conv.EDH que, tout prévenu étant présumé innocent, la charge de la preuve de sa culpabilité en matière de discrimination syndicale incombe à la partie poursuivante.
- Quant à la défense. Lorsque le défendeur invoque un fait justificatif, de nature à effacer l’infraction, ou une cause de non-imputabilité, susceptible d’écarter sa responsabilité, c’est à lui qu’il appartient d’en faire la démonstration. Du moins, puisqu’il ne bénéficie pas de l’appareil de l’État pour recueillir l’ensemble des preuves, il lui incombe d’établir des éléments rendant son argument suffisamment crédible pour que le juge puisse considérer que la parole est désormais dans le camp de l’accusation (reus in excipiendo fit actor).
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-II-3, p.123
Merle et Vitu (Traité de droit criminel) : En principe, le délinquant qui invoque un fait favorable à sa défense et de nature à amoindrir sa responsabilité, à exclure ou à détruire certains éléments constitutifs de l’infraction retenue, doit en rapporter la preuve ; il devient à son tour demandeur sur ce point.
Cass.crim. 28 février 1990 (arrêt Dame Duchaine) : C’est au prévenu, lorsqu’il soulève une exception, qu’incombe la charge de la preuve des faits allégués au soutien de cette exception.
Cass.crim. 22 novembre 1990 (arrêt M’Bomba) : C’est au prévenu qui invoque la légitime défense ou l’excuse de provocation qu’incombe la charge de prouver leur existence.
Cass. 2e Ch. Belge 9 juin 1975 (Pas. 1975 I 969) : Lorsque le prévenu invoque une cause de justification et que son allégation n’est pas dépourvue de tout élément de nature à lui donner crédit, il incombe au ministère public de prouver qu’elle est inexacte.
De Ferrière (Dictionnaire de droit, 1762) donne une excellente leçon d’humanité allant au-delà des règles techniques : Rien n’étant si naturel que de défendre l’innocence, il est permis au juge de faire d’office la preuve des faits qui peuvent contribuer à justifier l’accusé.
PREUVE (Destruction, altération, falsification ou suppression de)
Cf. Lieu du crime*, Recel de cadavre*.
Voir : Tableau des incriminations protégeant la fonction judiciaire (selon la science criminelle)
En droit français, l’altération de preuves au cours d’une procédure judiciaire tombe sous le coup des art. 434-4 C.pén. et 55 C.pr.pén. Le premier de ces textes vise notamment le fait soit d’altérer, falsifier ou effacer des traces ou indices, soit d’ouvrir une fausse piste. Cette infraction porte en premier lieu atteinte à l’administration de la justice ; mais elle peut également léser une personne privée, laquelle est alors en droit d’exercer l’action civile.
Code du Japon. Art. 105 (Destruction de preuve) : Celui qui supprime, endommage, falsifie ou altère une preuve relative à une cause criminelle, ou qui use d'une preuve contrefaite ou altérée, sera puni d'un emprisonnement de deux ans au plus...
Cass.crim. 18 janvier 1989 (Gaz.Pal. 1989 II 513) : L’art. 439 al.2 (ancien) C.pén. a pour objet la protection d’un intérêt public lié à l’administration de la justice. Le délit qu’il réprime ne peut être commis que dans le dessein de mettre obstacle à l’action de la justice, conduite par les personnes habilitées à rechercher les preuves ou à poursuivre le châtiment des crimes et des délits.
Cass.crim. 23 février 2000 (Gaz.Pal. 2000 II 1514) : L’article 434-4 du Code pénal a également pour but la protection des intérêts privés et autorise, par voie de conséquence, l’exercice de l’action civile dans les conditions prévues par les articles 2 et 3 C.pr.pén.
Cass.crim. 17 décembre 2002 (Bull.crim. n° 233 p.851) : Le point de départ de la prescription du délit d’altération de preuves, en vue de faire obstacle à la manifestation de la vérité, doit être fixé au jour où le délit est apparu et a pu être constaté dans des conditions permettant l’exercice de l’action publique.
Cass.crim.
16 mai 2012, n° 11-83834 (Gaz.Pal. 19 juillet 2012 p.23) : Lors
d'une information judiciaire ouverte du chef de blessures
involontaires après la naissance d'un enfant atteint d'un
handicap cérébral et moteur profond, un gynécologue obstétricien
est renvoyé devant le tribunal correctionnel et, au cours des
débats, une sage-femme produit le compte-rendu d'accouchement
rédigé par le praticien immédiatement après la naissance de
l'enfant. Il est alors constaté que le document remis par le
médecin aux parents, et sur lequel se sont prononcés les experts
commis au cours de l'information judiciaire, n'est pas identique
au document produit lors des débats et le procureur de la
République fait citer directement l'obstétricien devant le
tribunal correctionnel du chef d'altération de preuve, lequel
invoque la prescription de l'action publique.
Justifie sa décision la cour d'appel qui, pour écarter
l'exception de prescription de l'action publique soulevée par le
prévenu et le déclarer coupable des faits poursuivis, relève que
les modifications ont été révélées plus de trois ans après leur
ajout, que la prescription n'a commencé à courir qu'à compter de
la révélation du délit et a été interrompue par les différents
actes de poursuites initiés.
Exemple (Ouest-France 22 décembre 2006) : Un technicien brestois d'une société de maintenance informatique a commis une faute grave, a estimé la cour d'appel de Rennes en effaçant des fichiers à caractère pédophile de l'ordinateur d'un bon client... Quand un informaticien découvre des fichiers de cette teneur, il est tenu de retenir l'ordinateur, de sauvegarder les fichiers, éventuellement d'en faire une copie, d'en informer son employeur et les autorités judiciaires, a précisé la Cour, puisque le téléchargement de tels documents constitue une infraction pénale.
PREUVE (Fabrication d’une fausse)
L’histoire abonde en exemples d’individus ou de gouvernements ayant forgé de fausses preuves pour conduire les tribunaux à condamner un innocent. Il est regrettable qu’aucun texte ne vise spécialement cette manœuvre.
À Byzance, Jean Camatéros, logothète de l’Empereur Manuel Comnène, voulait perdre un rival, Théodore Stypiotes. Il fit glisser parmi les papiers de celui-ci une lettre forgée prétendument écrite par un ennemi de l’Empereur, puis il fit adresser une dénonciation aux autorités. La lettre trouvée, le malheureux fut destitué et eut les yeux crevés.
Brissot de Warville (Théorie des lois criminelles) : Les partisans du duc de Guise se servirent d’une singulière ruse pour perdre le prince de Condé, chef du parti protestant. On laissa courir dans le public des médailles qui le représentait avec la couronne et le titre de roi ; et quand on lui fit son procès, elles furent produites comme preuve de félonie.
M. Garçon (Histoire de la justice sous la IIIe République) : Un jour l’inspecteur Bonny fut chargé de se rendre à Marseille pour convaincre une dame, venant d’Amérique et susceptible de créer des ennuis d’ordre intime au ministre de l’Intérieur, qu’il valait mieux rembarquer. Il se trouvait sur le quai quand le navire accosta ; il monta à bord et, sous prétexte de vérification de papiers, prit le sac de la dame, l’ouvrit, et en sortit quelques sachets de stupéfiants. La dame eut beau protester qu’elle n’avait jamais fait usage d’un pareil produit, qu’elle n’en avait jamais possédé et que c’était le policier qui venait de l’y mettre, Bonny dressa gravement un procès-verbal de constat. Puis il fit comprendre qu’il consentirait à fermer les yeux si la délinquante acceptait de repartir sans esprit de retour. Il fallut bien que la dame consentît. Pour ce haut fait, il reçut, le 1er avril 1927 une médaille d’argent à titre de récompense (c’est le même Bonny qui créa une annexe de la Gestapo rue Lauriston).
PREUVE (Modes de)
Cf. Alibi*, Aveu*, Autopsie, Cinémomètre*, Commune renommée*, Cruentation*, Eau*, Écoutes téléphoniques*, Empreinte génétique*, Empreintes digitales*, Enregistrement de conversations privées*, Enregistrement des auditions lors de l’instruction*, Expertise*, Fausse attestation*, Fichiers informatiques (des organismes publics)*, Indices*, Jugement de Dieu*, Lettre missive*, Main courante*, Ordalie*, Ouï-dire*, Parade d'identification*, Pièces à conviction*, Polygraphe*, Preuves légales*, Procès-verbal*, Rapport de police*, Témoignage*, Témoin*, Vidéosurveillance*, Vox populi, vox dei*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-I-205 et 206, p.42, 43.
Sous l’Ancien droit, afin d'éviter les errements des juges d'antan, un système de Preuves légales* fut progressivement
élaboré ; mais il finit par devenir si formaliste qu'il lia le juge au point de le contraindre à rendre des décisions détachées des faits de l'espèce.
Aussi le législateur révolutionnaire décida-t-il de s'en remettre à l'Intime conviction* des juges et des jurés.
Cette
intime conviction doit toutefois être étayée par des motifs tirés des faits matériels de l'espèce, envisagés de manière concrète et non abstraite.
Merle et Vitu (Traité de droit criminel, T.II) : Le juge pénal ne peut pas former sa décision sur des faits qui n'auraient pas été régulièrement produits aux débats et soumis à la libre discussion des parties.
Divers types de preuves. On peut classer les preuves de différentes manières, selon le point de vue auquel on
se place.
Disons tout de suite qu'un mode de preuve est exclu, dans un
droit centré sur les faits matériels : il s'agit de ce que la
loi créant le Tribunal révolutionnaire*
appelait une « preuve morale
» (art. 8 du Décret du 22 prairial an 2, 10 juin 1794).
Donnedieu de Vabres (Traité de droit criminel) : Parmi les modes de preuve on distinguera: 1°/ Les preuves directes, à la suite desquelles la conviction du juge est établie par la simple constatation de certains faits ; les principales sont : la preuve par écrit, la preuve par témoin et l'aveu. 2°/ Les preuves indirectes, qui déterminent la conviction du juge par l'effort combiné de l'observation et du raisonnement; ce sont les présomptions et les indices.
Stéfani et Levasseur (Procédure pénale, 2e éd.) : Nous grouperons les moyens de preuve en quatre catégories : Les constatations matérielles faites par le juge et ses auxiliaires, et conduisant à l'examen (et à la recherche) des pièces à conviction, y compris les écrits ; les témoignages ; l'interrogatoire du prévenu, y compris l'aveu auquel il peut conduire ; les indices et les présomptions de l'homme.
Général Hébrard (Réforme de la garde à vue : qu'attendre
réellement de la police technique et scientifique - Gaz.Pal. 20 mars 2012 p.19) : La criminalistique permet d'apporter trois types de preuves que
sont la preuve indicative, la preuve disculpante et la preuve corroborative.
La preuve indicative indique qu'il y a eu crime, que la règle a été enfreinte, mais ne donne pas d'informations sur
l'auteur de l'infraction. Ainsi, par exemple, la découverte de traces d'hydrocarbures dans un incendie permettra d'orienter l'enquête sur une affaire
éventuellement de nature criminelle.
La preuve disculpante élimine la possibilité qu'un suspect ait participé à l'affaire. Dans l'affaire Dickinson, à
Pleine-Fougères, les enquêteurs de la gendarmerie se sont intéressés dans les premières heures à un homme sans domicile fixe. Le recours à la
criminalistique a permis de mettre en évidence que le profil génétique, réalisé à partir des prélèvements effectués sur la victime, n'était pas le sien
et ainsi de mettre l'individu hors de cause. Pour autant, le véritable auteur de l'infraction n'a été retrouvé que plusieurs années après l'infraction.
Cette affaire illustre parfaitement les possibilités offertes par la criminalistique. Elle met aussi en évidence l'importance des actes d'enquête et le
temps très long pour arriver parfois à identifier un auteur.
Enfin, la troisième preuve est la preuve corroborative. C'est la plus commune et souvent la plus mal comprise : c'est la
réunion du faisceau d'indices qui corrobore les témoignages, afin de convaincre le juge de l'identité de l'auteur du crime, et de la manière dont
celui-ci a été commis. Il s'agit d'indices qui, pris individuellement, n'ont pas forcément une force probante élevée (par exemple des fibres, une trace
de pneumatiques, une trace de semelle) mais qui, additionnés les uns aux autres, peuvent avoir un impact important s'ils sont intégrés par les enquêteurs
pendant les auditions.
PREUVE (Principe de la liberté des)
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-I-204, p.41
Sur le principe de la liberté des preuves : Cass.crim. 28 juillet 1969
- Principe. En droit français, le régime des preuves est commandé par un principe de liberté des preuves qui découle de l’impossibilité évidente dans laquelle se trouve l’accusation de se réserver la preuve d’une infraction à venir. Le ministère public (comme la partie civile) est ainsi autorisé à produire tout indice qu’il a pu régulièrement mettre à jour (art. 427 C.pr.pén.).
Boré (La cassation en matière pénale) : Le principe qui domine la procédure pénale en matière de preuve est celui de la liberté du juge et des parties. Cette règle se justifie aisément : d’une part, la preuve à faire ne peut pas se préconstituer, puisqu’elle ne porte pas sur des actes juridiques, mais sur des faits ; d’autre part, le souci du délinquant d’effacer toute trace de l’infraction oblige à ne négliger aucun élément de preuve, même s’il résulte de simples présomptions.
Code de droit canonique, Canon 1527 : Des preuves de toute nature peuvent être produites, pourvu qu’elles semblent utiles pour instruire la cause et qu’elles soient licites.
Cour sup. just. Luxembourg 20 novembre 1963 (Pas.Lux. 1963-70965 227) : La procédure pénale permet au ministère public d’établir l’existence de l’infraction par toutes les voies de droit.
Cass.crim. 28 avril 1980 (Bull.crim. n° 122 p.294) : La valeur probante de documents manuscrits produits en photocopie relève de l’appréciation souveraine des juges du fond.
Cass.crim. 27 janvier 2010 (Gaz.Pal. 11 mars 2010) : Aucune disposition légale ne permet aux juges répressifs d'écarter des moyens de preuve remis par un particulier aux services d'enquête, au seul motif qu'ils auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale et il leur appartient seulement, en application de l'art. 427 C.pr.pén., d'en apprécier la valeur probante, après les avoir soumis à la discussion contradictoire.
Les actes de procédure entachés de nullité, par exemple du fait qu'ils contiennent une preuve obtenue de manière illicite, doivent en principe être annulés (art. 170 C.pr.pén.).
Cass.crim. 7 avril 2009, n° 08-83261 (Bull.crim. n° 67 p.242) : Il résulte des dispositions combinées des articles 170, 171 et 173 C.pr.pén. que la requête en annulation, présentée devant la chambre de l’instruction, doit concerner un acte ou une pièce de la procédure et être fondée sur la méconnaissance d’une formalité substantielle prévue par le code de procédure pénale ou toute autre disposition de procédure pénale. Est, en conséquence, irrecevable la requête en annulation de la plainte avec constitution de partie civile et de la procédure subséquente, fondée sur la prétendue irrégularité de la délibération du conseil municipal ayant autorisé le maire à agir en justice, pour violation des prescriptions de l’article L. 2122-22 16° du Code général des collectivités territoriales, lesquelles n’édictent aucune disposition de procédure pénale.
Cass.crim. 31 janvier 2012, n° 11-85464 (Gaz.Pal. 21 avril 2012 p.37/38) : Les enregistrements de conversations privées réalisés par un particulier à l'insu des interlocuteurs ne sont pas en eux-mêmes des actes ou pièces de la procédure, au sens de l'art. 170 C.pr.pén., et comme tels susceptibles d'être annulés, mais des moyens de preuve qui peuvent être discutés contradictoirement. La transcription de ces enregistrement, qui a pour seul objet d'en matérialiser le contenu, ne peut davantage donner lieu à annulation.
- Exceptions. Doivent toutefois être exclus les messages échangés entre le prévenu et son conseil. Sont en outre déconseillés les éléments de preuve qui parlent plus aux sentiments qu’à la raison (la production à l’audience de la photographie en couleur de la scène d’un crime de sang place psychologiquement la défense en position très défavorable).
Bruxelles 21 juin 1978 (Jour.trib. 1979 29) : Une série de lettres écrites par le prévenu à son conseil de l’époque et de copies de lettres écrites par celui-ci au prévenu… sont à l’estimation de la cour couvertes par le secret professionnel, en sorte que la cour les rejette des débats sans y avoir égard.
Lamer (La preuve en droit pénal canadien) : Pour préserver la neutralité du jury et éviter de provoquer chez lui des sentiments de haine ou de compassion, le juge canadien exclut les photographies du cadavre de la victime ou les photographies consécutives à l’autopsie, à moins qu’elles ne soient indispensables à la compréhension des faits de la cause.
Sont de même déclarés, en principe, irrecevables certains témoignages dans le cadre familial. Une dérogation notable retient toutefois l'attention : les enfants du couple peuvent, selon la dernière jurisprudence, être appelés à témoigner en cas de poursuites pénales du chef de violences familiales.
Cass.crim. 21 février 2006 (Gaz.Pal. 16 mars 2006, p.14) : Le témoignage des enfants ne peut être retenu à l'appui de poursuites exercées contre leur père du chef de violences volontaires sur leur mère.
Cass.crim. 2
juin 2015, n° 14-85130 : Pour déclarer le prévenu coupable de
violences sur son épouse, la cour d’appel se fonde, outre sur
des déclarations de tiers attestant de plusieurs épisodes de
violences physiques et morales dont celle-ci a été victime, sur
le témoignage des enfants du couple ainsi que sur des
certificats médicaux ;
En prononçant ainsi, et dès lors que les dispositions de l’art.
205 C.pr.civ, relatives au divorce, ne sont pas applicables
devant la juridiction pénale en raison du principe de la liberté
de la preuve, la cour d’appel a justifié sa décision.
Par ailleurs, si l'existence d'une infraction est subordonnée à une condition préalable relevant du droit civil, commercial, public ou autre, la preuve de l'existence en l'espèce de cette condition préalable est soumise aux règles de preuve du droit civil, commercial, public ou autre.
Cass.crim. 1er juin 1976 (Bull.crim. n°192 p.499) : Si la preuve d’un délit est subordonnée à l’existence d’un contrat, celui-ci doit être prouvé d’après les règles établies par le Code civil.
On voit même de nos jours un retour en grâce du régime de la preuve légale, révélateur de la fascination qu'exerce la police technique et scientifique, et indice de la crainte grandissante devant l'affaiblissement progressif du niveau intellectuel de la magistrature.
Cass.crim. 15 février 2012, n°11-84607 (Gaz.Pal. 21 avril 2012) sommaire : L'infraction de conduite après usage de stupéfiants prévue par l'art. L.235-1 C.route ne peut être prouvé que par analyse sanguine.
PREUVE (Production des)
Dans une procédure de type accusatoire, la production des preuves est soumise au principe du contradictoire. Un juge ne peut prendre en compte l’un des éléments de preuve produits par l’une des parties que s’il a fait l’objet d’un débat entre l’accusation et la défense. À l’inverse, il doit prendre en compte toute preuve qui peut être soumise à la discussion des parties.
Lesclous et Marsat (Droit pénal 1994 Chr.12) : Il importe de rappeler qu’en droit processuel pénal français la preuve est, sauf exception, libre, la seule exigence procédurale en la matière étant celle du contradictoire.
Code de procédure pénale allemand, § 246 : L’administration d’une preuve ne peut être rejetée, parce que le moyen de preuve ou le fait à prouver a été invoqué trop tard.
Cass.crim. 3 octobre 2012, arrêt n° 11-88468 : Le ministère public a le droit de produire tous documents qui lui paraissent utiles à la manifestation de la vérité, sauf le droit, pour les autres parties, d'examiner les pièces produites et de formuler toutes observations à leur sujet.
Cass.crim. 20 mai 1992 (Gaz.Pal. 1992 II Chr.crim. 479) : Les juges ne peuvent fonder leur décision que sur des preuves qui leur ont été apportées au cours des débats et contradictoirement débattues devant eux.
PREUVE (Recherche des)
Cf. Coffre-fort*, Corps du délit*, Détective privé*, Empreinte digitale*, Empreinte génétique*, Examens corporels*, Géolocalisation*, Modus operandi*, Narco-analyse*, Police scientifique*, Vérité*.
La police judiciaire peut user de Pièges et artifices* pour démasquer les auteurs d’infractions ; mais il lui est
interdit de se livrer à des Brutalités* ou à des Provocations policières*.
Voir aussi : Écoutes téléphoniques*,
Garde à vue* (sonorisation d'une
cellule), Infiltration*,
Loyauté*, Mouton*, Perquisition*,
Polygraphe*, Sonorisation*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-I-207 et s. p.43 et s. (sur l'exigence de loyauté dans la recherche des preuves )
Sur l’exigence de loyauté dans la recherche des preuves : Cass. chambres réunies 31 janvier 1888
Voir : L'instruction et la recherche des preuves : Trois actes d'instruction particulièrement bien venus
Voir : Mittermaïer, La force probante des constatations faites par le juge lui-même
Voir : A. Lacassagne, Histoire de la médecine légale
Si en droit positif français la procédure de recherche des preuves est libre, et si aucun mode de preuve n’est privilégié ou prohibé, c’est sous la
triple réserve que ne soit porté atteinte, ni à la dignité de la personne humaine, ni aux droits de la défense,
ni aux liens familiaux.
On ne doit toutefois jamais oublier que le but premier de l’information demeure une recherche aussi fine que possible de vérité.
Cette quête repose très souvent sur un vieil adage latin : Cui
prodest ? (À qui profite ce crime ?).
Servant (Discours sur l’administration de la justice criminelle) condamne les interrogations captieuses, les suppositions fausses, et le fait d’employer l’artifice et le mensonge à découvrir la vérité… Allons au vrai par le vrai, conclut-il.
Code de procédure pénale allemand § 136a, (Méthodes
d’interrogatoire interdites) :
(1) Il ne doit pas être porté atteinte à la liberté de décision et à la liberté de faire par des sévices, par l’épuisement, par toute forme de
contrainte physique, par l’administration de médicaments, par la torture, par la tromperie ou par l’hypnose. La contrainte ne doit être employée que
lorsqu’elle admise par les règles de procédure pénale. La menace d’appliquer une mesure prohibée par les règles de procédure pénale et la promesse d’un
avantage non prévu par la loi sont interdites.
(2) Est interdite toute mesure portant atteinte à la mémoire ou aux facultés de raisonnement de l’inculpé.
(3) Les interdictions visées aux alinéas 1er et 2 sont applicables sans que puisse les changer le consentement de l’inculpé. Lorsque ces règles ne
sont pas respectées, les dépositions sont considérées comme nulles et ne peuvent être utilisées, même avec l’accord de l’inculpé.
Decocq, Montreuil et Buisson (Le droit de la police) : La violence dans la recherche des preuves est évidemment prohibée de manière absolue… Elle est condamnée par la Conv. EDH sous toutes ses formes. Le policier comme le gendarme n’ont donc pas le pouvoir d’user de la prolongation anormale des interrogatoires sans repos, de procédés « scientifiques » pour obtenir un aveu : polygraphe, narco-analyse, et plus généralement tous moyens chimiques ou médicaux. Il n’existe pas de torture propre.
Pour un exemple de ruse annihilant les droits de la défense. Pour convaincre d’hérésie le chef des Bogomiles, Basile, l’Empereur Alexis Comnène le reçut au Palais impérial, en ses appartements privés. Il le mit en confiance en se disant tenté par la foi bogomile du fait du déclin de l’Église officielle. Le vieil homme se laissa prendre et exposa sa doctrine en accablant la religion orthodoxe. Quand il eut fini, l’Empereur se leva, tira le rideau fermant la pièce et découvrit dignitaires et greffiers qui avaient tout entendu et tout noté. Basile fut brûlé dans l’amphithéâtre.
Cass.crim. 16 décembre 1997 (Gaz.Pal. 1998 I Chr.crim. 57) : L’enregistrement effectué de manière clandestine, par un policier agissant dans l’exercice de ses fonctions, des propos qui lui sont tenus, fût-ce spontanément, par une personne suspecte, élude les règles de procédure et compromet les droits de la défense la validité d’un tel procédé ne peut être admise.
- La recherche des preuves doit être menée de manière loyale (Voir : Loyauté*), mais c’est en définitive au juge qu’il appartient souverainement de dire si telle preuve sera rejetée ou examinée, puis éventuellement d’en apprécier la portée.
Code de procédure pénale allemand, § 244 : Le tribunal doit dans sa recherche de la vérité étendre d’office l’administration des preuves à tous les faits et modes de preuve qui ont une importance pour la décision.
Cass. (Ass.plén.) 7 janvier 2011 (Gaz.Pal. 22 mars 2011) : Le principe de loyauté dans l'administration de la preuve s'applique devant le Conseil de la concurrence.
Application en matière pénale :
Cass.crim. 6 avril 1994 (Gaz.Pal. 1994 II
489) : D., préparateur en pharmacie, est poursuivi pour des abus de confiance commis au préjudice de son employeur ; devant la juridiction
de jugement, celui-ci a produit, notamment, les enregistrements d’une caméra équipant l’officine qui montrent le prévenu s’appropriant diverses sommes
d’argent au cours de manipulations de caisse occasionnées par son activité professionnelle.
Pour rejeter à bon droit les conclusions du prévenu tendant à voir écarter des débats les films ainsi obtenus et pour le déclarer coupable de
l’infraction reprochée, la Cour d’appel énonce, après les avoir analysées, que les bandes sont suffisamment probantes et qu’elles établissent la réalité
des détournements commis.
En effet, aucune disposition légale ne permet aux juges répressifs d’écarter les moyens de preuve produits par les parties au seul motif qu’elles
auraient été obtenues de façon illicite ou déloyale ; il leur appartient seulement d’en apprécier la valeur probante.
Cass.crim. 19 janvier 2010 (pourvoi n° 09-84408) : Le droit à un procès équitable et la liberté d'expression justifient que la personne poursuivie du chef de diffamation soit admise à produire, pour les nécessités de sa défense, les pièces de nature à établir la vérité des faits ou sa bonne foi, sans qu'elles puissent être écartées des débats au motif qu'elles auraient été obtenues par des moyens déloyaux.
Cass.crim. 2 mars 1971 (Gaz.Pal. 1971 I 324) : S’il est vrai que, selon les énonciations de l’arrêt, un fonctionnaire de police s’est fait passer en l’espèce, pour un acheteur éventuel d’opium, il est en même temps précisé par les juges du fond que l’intervention de cet agent n’a en rien déterminé les agissements délictueux de C..., mais a eu seulement pour effet de permettre la constatation d’infractions déjà commises et d’en arrêter la continuation. Rejette le pourvoi formé contre l’arrêt de condamnation.
Cass.crim. 16 janvier 2008 (Gaz.Pal. 24 février 2009) : Ne constitue pas un stratagème méconnaissant la loyauté des preuves une intervention de gendarmes ayant pour seul effet de permettre la constatation d'une infraction dénoncée par le plaignant et dont les gendarmes n'ont pas déterminé la commission.
Cass.crim. 15 décembre 2015, pourvoi n° 15-84373 : Le procédé utilisé par les enquêteurs consistant à se faire passer auprès de X... pour des acheteurs potentiels du véhicule dont ils avaient repéré, en consultant un site Internet, qu'il le mettait en vente ne participe pas d'un stratagème ou d'une machination dès lors qu'il n'avait pas pour but de le provoquer à commettre une infraction mais de l'interpeller en dehors de son lieu de résidence, compte tenu de sa dangerosité et de l'impossibilité de l'arrêter sur les lieux où il était susceptible de se trouver sans risquer de porter gravement atteinte à l'ordre public.
PREUVES LÉGALES
Cf. Intime conviction*, Preuve (Appréciation par le juge)*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-I-210, p.46
Voir : Bonnier, Les présomptions simples
Voir : Garraud, Les divers types de procédure pénale
- Notion. Dans un système de preuve légale le législateur confère, a priori et dans l’abstrait, une certaine valeur à certains éléments qui lui paraissent de nature à faire apparaître la vérité.
Denisart (Collection de jurisprudence, 1768) : Il y a deux sortes de preuves ; savoir celles que les lois veulent qu’on tienne pour sûres, et celles dont elles laissent l’effet à l’appréciation des juges. Les lois veulent, par exemple, qu’on prenne pour une preuve sûre d’un crime les dépositions conformes de témoins contre lesquels on n’a pas fourni de reproches valables.
- Ancien droit. Ainsi, autrefois, la confession de l’accusé était considérée comme une preuve entière, évidente et certaine, suffisant à emporter condamnation ; en revanche on faisait application de la maxime « témoin unique, témoin insuffisant ». Les observations des anciens pénalistes sur ce point n’étaient pas aussi totalement dépourvues d’intérêt que certains l’ont dit, en exagérant certaines dérives.
Muyart de Vouglans (Les lois criminelles de France, 1783) : Il ne suffit pas, pour que l’on puisse prononcer la condamnation d’un accusé, que la preuve paraissent évidente aux yeux des juges qui en auraient une connaissance personnelle, ou dont la connaissance ne serait fondée que sur la seule notoriété publique ; mais il faut qu’elle soit accompagnée en même temps de ces trois conditions également essentielles : la première que cette preuve soit légale, c’est-à-dire du nombre de celles qui sont admises par la loi ; la seconde, que cette preuve ait les caractères que cette même loi exige pour la rendre concluante ; la troisième enfin, que les actes qui la contiennent soient revêtus eux-mêmes de toutes les formes qui doivent servir à rendre cette preuve juridique.
Voltaire (Commentaire sur le Traité de Beccaria), sur certains fourvoiements de la théorie des preuves : Le Parlement de Toulouse admet des quarts et des huitièmes de preuves. On peut y regarder, par exemple, un ouï-dire comme un quart, un autre ouï-dire plus vague comme un huitième, de sorte que huit rumeurs, qui ne sont qu’un écho d’un bruit mal fondé, peuvent devenir une preuve complète.
Lanjuinais (Le monarque accompli) : Que penser de cette jurisprudence singulière, qui fait horreur, en admettant des quarts, des tiers, des sixièmes de preuves ; avec six oui-dire d’un côté, trois de l’autre, et quatre quarts de présomptions on forme trois preuves complètes et sur cette belle démonstration, on roue un homme sans miséricorde ?
Garnot (Histoire de la justice) : Dans l'Ancien droit l'addition de quarts ou de huitièmes de preuves pour parvenir à une preuve entière, afin d'aboutir à une condamnation, n'est qu'une manière d'appliquer l'intime conviction sans le dire, en la camouflant sous l'apparence d'une preuve rationnelle, donc légale. La gestion du système des preuves légales, du moins quand celles-ci sont douteuses ou insuffisantes, dépendait bien, de fait, de l'intime conviction des magistrats qui géraient la procédure.
- En droit positif certains procès-verbaux, considérés par le législateur comme particulièrement crédibles, font foi jusqu’à preuve contraire, voire jusqu’à inscription de faux.
Cass.crim. 12 novembre 1997 (Bull.crim. n° 380 p.1281) : L’art. 537 C.pr.pén., qui dispose que les contraventions sont prouvées, soit par procès-verbaux ou rapports, soit par témoins, et que la preuve contraire ne peut être rapportée que par écrit ou par témoins, n’est pas incompatibles avec le principe conventionnel de l’égalité des armes.