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LA CHARGE DE LA PREUVE

Extrait du Précis Dalloz de « Procédure pénale » de MM. G. Stéfani et G. Levasseur
(2e édition, Paris 1962, p.276)

M. le professeur Levasseur, qui m’a autorisé à publier ce document,
a toujours considéré que le chapitre du précis visant
« Les règles de preuve dans le procès pénal »
trouvait sa meilleure expression dans cette deuxième édition.

287. - Absence de règles générales expresses

Pour résoudre le problème de la charge de la preuve qui est un des plus graves du droit répressif; les codes ne formulent aucune règle générale expresse. Le droit positif repose donc, soit sur certains textes fragmentaires, soit sur certains principes généraux du droit dégagés par la doctrine et sanctionnés par la jurisprudence. Si ces grandes lignes sont bien établies, certains points non négligeables continuent néanmoins de faire l’objet de controverses assez vives.

Dans ce domaine l’attention devait se porter tout naturellement sur les règles suivies en procédure civile, le procès pénal présentant une analogie certaine avec le procès civil. Mais il n’est pas possible de décalquer exactement une des situations sur l’autre ; il faut tenir compte en outre de l’idée traditionnelle qui veut que le prévenu soit réputé innocent tant qu’il n’a pas fait l’objet d’une condamnation définitive, et du fait que les modes de preuve et leur efficacité ne sont pas identiques en droit pénal et en droit privé ; la règle de l’intime conviction expressément formulée par le code dé procédure pénale (art. 304 et 427), aboutit pratiquement à modifier la charge effective de la preuve, alors même que la charge juridique reste attribuée selon les habitudes civilistes.

288. - Comparaison avec la procédure civile

L’aménagement de la charge de la preuve en procédure pénale n’est pas sans analogie avec celui qu’établissent les règles de procédure civile. Le ministère public et la partie civile, demandeurs, doivent rapporter la preuve de l’infraction qui forme la base de leurs prétentions respectives ; la loi met d’autre part expressément à la charge de la personne poursuivie la preuve de certains faits exceptionnels de nature à écarter ou à atténuer sa responsabilité.

Aussi certains auteurs ont-ils pensé que les adages traditionnels onus probandi incumbit ei qui dicit (ou actori incumbit probatio) et reus in exceptione fit actor constituaient la charpente du système pénal comme du système civil en la matière, sauf à être corrigés par certaines exceptions légales ou jurisprudentielles.

Il n’apparaît pas qu’il en soit exactement ainsi. En particulier, la règle reus in excipiendo fit actor ne peut être transposée en procédure pénale sans heurter la présomption d’innocence, ainsi que le reconnaissent même les auteurs favorables à cette thèse (Donnedieu de Vabres, Traité de droit criminel n° 1239 et note D. 1936.1.45). D’autre part le ministère public n’a pas comme rôle unique d’obtenir la condamnation du prévenu comme un demandeur recherche exclusivement la satisfaction de ses intérêts, il doit avant tout établir la vérité et n’est pas fatalement l’adversaire systématique du prévenu ; il dispose en outre de facilités que ce dernier ne possède pas pour parvenir à établir les faits (c’est d’ailleurs une des raisons qui pousseront la victime à joindre son action civile, à l’action publique), et il serait injuste de supposer les deux parties à égalité en ce domaine, comme on le fait en droit civil. Enfin le juge lui-même est amené à prendre des initiatives qui altèrent l’application traditionnelle des adages.

289. - La présomption d’innocence

Aussi paraît-il nécessaire de mettre plutôt au premier plan la présomption d’innocence. Comme on l’a fait remarquer « le régime juridique de la preuve, et surtout la répartition du fardeau de la preuve, impliquent toujours un certain choix provisoire entre les intérêts en conflits ». Dans le litige de droit public que constitue le procès pénal, étant donné l’enjeu pour la personne poursuivie, ce choix ne saurait faire de doute. L’art. 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, et l’art. 11-10 de la Déclaration Universelle des droits de l’homme élaborée par l’O.N U., disent expressément que tout homme doit être présumé innocent des infractions qui lui sont reprochées tant qu’un jugement régulier et une condamnation définitive ne sont pas intervenus.

Cette présomption d’innocence pèse évidemment sur la charge de la preuve, et doit conduire à une répartition qui ne coïncide pas avec celle à laquelle conduiraient les règles admises en procédure civile ; en comparaison avec les conséquences de celles-ci la situation de la personne poursuivie doit se trouver nettement améliorée. Toute la preuve doit incomber en principe à l’accusation, y compris celle de l’inexistence d’exceptions légales possibles.

Cependant l’intérêt de la société serait compromis si l’on imposait à la partie poursuivante une preuve excédant, à l’avantage des malfaiteurs, les possibilités matérielles d’accomplissement. Si la preuve des exceptions ne doit point incomber logiquement au prévenu, au moins lui appartient-il de les alléguer, et la charge de l’allégation doit être distinguée de celle de la preuve. D’autre part, des considérations pratiques de politique criminelle, voire certaines considérations d’équité peuvent amener le législateur à établir certaines présomptions défavorables à la défense ; la jurisprudence a elle-même renchéri, en ce domaine, sur les dispositions de la loi.

On s’est même parfois demandé à l’étranger (Ferri, Bettiol), s’il convenait de maintenir la présomption d’innocence au bénéfice des récidivistes, des criminels-nés, ou des criminels par tendance, à l’encontre de qui une présomption de culpabilité aurait au contraire quelque fondement. Une telle conception n’est pas admise en France : sur le terrain proprement pénal la présomption doit être générale (quoique la règle de l’intime conviction puisse jouer au détriment de tels prévenus) ; même sur le terrain des mesures de sûreté, la récidive et la multiplicité des poursuites peuvent être considérées comme des indices d’état dangereux justifiant un examen approfondi de la personnalité, mais non comme une présomption d’un tel état, mettant la preuve contraire à la charge de l’intéressé (certaines législations tiennent compte du fait que l’individu a fait l’objet de plusieurs poursuites même terminées par un non-lieu ou un acquittement).

Il importe d’examiner l’application pratique des principes ci-dessus en étudiant

§ 1. - La preuve imposée à la partie poursuivante.

§ 2. - Le rôle de la personne poursuivie dans l’administration de la preuve.

§ 1. - LA PREUVE IMPOSÉE A LA PARTIE POURSUIVANTE

290. - La charge de la preuve de l’infraction incombe à la partie poursuivante

En vertu de la présomption d’innocence, c’est à la partie poursuivante de rapporter la preuve de l’existence de l’infraction.

Sur le terrain de l’action publique cette preuve incombe essentiellement (et parfois exclusivement) au ministère public. S’il y a une partie civile en cause, celle-ci partagera la charge du ministère public ; il est même possible que cette charge repose principalement sur elle si l’action a été mise en mouvement sur son initiative et si le ministère public conclut au non-lieu ou à l’acquittement ; celui-ci développe d’ailleurs librement « les observations orales qu’il croit convenables au bien de la justice «  (art. 33 C.pr.pén.).

Sur le terrain de l’action civile, la victime doit démontrer, non seulement l’existence de l’infraction reprochée au prévenu, mais également le dommage qu’elle a subi, et surtout le lien de cause à effet qui fait de ce dommage la conséquence directe et personnelle des agissements rentrant dans la définition légale de l’infraction. Si une personne a été appelée en cause comme civilement responsable, il appartient en outre à la partie demanderesse de démontrer le lien de responsabilité civile.

291. - Tempérament résultant du rôle du juge en matière répressive

La charge de la partie poursuivante peut se trouver allégée à raison des initiatives prises par le juge en vertu des pouvoirs qui lui sont reconnus en matière répressive. II en est ainsi en particulier pendant la phase de l’instruction, où le juge d’instruction procède de lui-même aux recherches qui lui paraissent oppor­tunes. Cependant le Code de procédure pénale a atténué cette tendance inquisitoire ; son article 82 permet au ministère public de requérir les actes d’instruction qui lui paraissent utiles à la manifestation de la vérité, et de se faire communiquer le dossier à cette fin ; le juge qui refuse de recourir à ces mesures doit s’en expli­quer par ordonnance motivée. Au contraire la partie civile et la défense ne peuvent agir que par voie de suggestions, que le juge peut ignorer, il n’en est autre­ment qu’en matière d’examen médical ou médico-psychologique (art. 81, al. 6).

Le même allègement résultera de l’exercice du pou­voir discrétionnaire du président des assises (art. 310 C.pr.pén.), ou de la mission du magistrat commis par la juridiction de jugement pour procéder à un supplément d’information.

292. - Tempérament résultant de la règle de l’intime conviction.

En dehors des exceptions formelles ou des présomptions certaines établies par la loi (qui seront exami­nées ci-dessous) la règle de l’intime conviction allège sensiblement, en fait, la tâche de la partie poursuivante. En effet la personne poursuivie ne peut observer l’attitude passive du défendeur civil qui attend que son adversaire ait rapporté, en la forme légale, la preuve de l’obligation qu’il invoque ; le prévenu ne peut connaître avec certitude l’impression que tel ou tel fait, établi par le ministère public, peut faire dans l’esprit du juge. Redoutant qu’il y ait là un élément de conviction défavorable, il sera amené à sortir de sa réserve, à introduire de nouvelles données dans le débat, à découvrir ses positions, et souvent à donner prise à des attaques plus pertinentes. Le moindre indice apporté à l’encontre du prévenu peut ainsi contribuer, en fait, à renverser le fardeau de la preuve.

1. La preuve des éléments matériels de l’infraction

293. - Preuve de l’agissement délictueux.

Personne ne conteste que ce soit au ministère public de faire la preuve que le prévenu est matériellement l’auteur de tel ou tel comportement incriminé par la loi. Il doit prouver qu’il y a eu meurtre, coups, vol, etc., et que ce fait est bien l’œuvre de la personne poursuivie, qui a accompli ou tenté les agissements constituant l’élément matériel de l’infraction ou l’élément matériel légalement constitutif de complicité d’une telle infraction.

Il en est ainsi quand bien même l’élément matériel de l’infraction consisterait en un fait négatif, omission, abstention, négligence. Il a cependant été soutenu (Garçon, art. 273, n° 53 et 87) que le ministère public n’aurait pas à prouver le défaut de domicile et l’absence de ressources et de profession habituelle, qui constituent le vagabondage ; mais cette thèse est contraire à la présomption d’innocence ; « dès lors qu’il s’agit d’un élément dont l’absence caractérise l’infraction, la preuve doit en être établie, et cette preuve ne peut incomber qu’au ministère public », à qui il appartiendra de prouver l’existence nomade et l’oisiveté du prévenu (car on ne saurait prétendre qu’il s’agit ici d’un fait négatif).

294. - Preuve des éléments matériels accessoires et des circonstances aggravantes.

Le ministère public est également tenu de rapporter la preuve, soit de l’existence des conditions préalables prévues par la loi (contrat ayant amené la remise de la chose dans l’abus de confiance par exemple) soit des circonstances matérielles accessoires qui confèrent à l’agissement son caractère délictueux (par exemple la nationalité du prévenu, son lien de parenté avec la victime, sa profession, sa qualité, son état d’ivresse ou d’imprégnation éthylique, etc.).

II en est de même lorsque l’incrimination ou la qualification dépend du résultat dommageable (infractions contre l’intégrité corporelle), ou du lien de causalité qui unit celui-ci à l’agissement commis (infraction par imprudence).

Enfin toute circonstance matérielle qui vient aggraver la répression doit être  également établie par le ministère public. II est. vrai que cette circonstance réelle, une fois prouvée, étend ses effets aux coauteurs et complices sans qu’il soit nécessaire que ceux-ci l’aient personnellement réalisée (Cass.crim. 23 mars 1953, B. n° 103 ; Cass.Crim. 26 janvier 1954, B. n° 32 ; observations Legal, Revue Sc. Crim. 1954, p. 756).

295. - Présomptions exceptionnelles à l’avantage de la partie poursuivante.

Le législateur, qui a parfois allégé la tâche du ministère public en accordant une force probante particulière aux moyens de preuve dont il peut disposer (procès-verbaux, par exemple), a rarement dispensé complètement celui-ci de rapporter la preuve de l’existence d’un fait matériel dont dépend la réalisation de l’infraction.

II en est cependant ainsi en matière douanière. Les objets et marchandises dont l’entrée en France est prohibée ou fortement taxée sont réputés introduits en fraude s’ils sont découverts dans le rayon douanier sans titre de circulation valable (art. 600 C.douanes). Il appartient au prévenu de rapporter, dans des conditions difficiles, la preuve contraire.

La loi du 15 septembre 1948 modifiant l’ordonnance du 28 août 1944 sur les crimes de guerre, avait opéré un renversement analogue (facultatif pour le jugé il est vrai, Cass.Crim. 3 juin et 3 août 1950, D. 1950, 521 et 701, (rapport Pépy et note Donnedieu de Vabres), à l’encontre des individus faisant partie d’une organisation déclarée criminelle par le Tribunal de Nuremberg (les S. S. par exemple) ; les crimes de guerre commis par les formations dépendant d’une telle organisation étaient imputables à tous les membres qui ne démontraient pas leur non-participation aux faits ou leur, incorporation forcée.

Cette loi, qui avait été fort critiquée, a été abrogée le 30 janvier 1953. Cependant l’art. 97 du C.Pén. continue à considérer comme des coauteurs des crimes contre la sûreté intérieure de l’État « tous les individus faisant partie de la bande qui auront été saisis sur le lieu de 1a réunion séditieuse », sans même les autoriser à apporter la preuve contraire ; c’est seulement s’ils s’étaient retirés à la première sommation des autorités ou s’ils n’ont été arrêtés que par la suite, qu’ils répondraient seulement « des crimes particuliers qu’ils auraient personnellement commis›.

Il arrive parfois que le législateur mette exceptionnellement à la charge du prévenu la preuve de certains faits matériels dont l’absence serait constitutive de l’infraction (infra, n° 310). Il en est ainsi par exemple de la preuve de la vérité du fait diffamatoire (L.,29 juin. 1881, art. 35 modifié par l’Ord. 6 mai 1944), etc.

2. La preuve des éléments psychologiques

A. - Règle générale

296. - Preuve de l’élément moral.

L’agissement matériel ne constituant une infraction qu’autant que se rencontre chez son auteur l’élément moral exigé par la loi pour l’infraction en question c’est à la partie poursuivante d’établir l’existence de cet élément moral : faute intentionnelle (dol) ou faute. d’imprudence ou négligence.

Certes une telle preuve résultera le plus souvent, en cas de dénégation de l’auteur, du rapprochement de divers indices, et là encore le système des preuves de conviction allège sensiblement la tâche du ministère public, mais la jurisprudence veille attentivement à ce que les arrêts ne dispensent pas le ministère public de la preuve qui lui incombe (Cass.Crim. 2 déc. 1943, B. n° 137 ; Cass.crim. 12 mai 1944, Gaz. Pal. 1944.2.107). La seule appréhension de la chose d’autrui ne doit pas impliquer en soi l’intention frauduleuse (Cass.Crim. 18 oct. 1924, D.H. 1924.618). Le seul fait que le produit fabriqué ou vendu ne correspond pas à sa composition réglementaire ne permet pas d’appliquer les sanctions de la loi sur les fraudes. «Attendu, dit la Cour de cassation, que si les juges du fond peuvent, pour apprécier la mauvaise foi d’un commerçant inculpé de tromperie, tenir compte de la circonstance que celui-ci a négligé de procéder à toutes les vérifications utiles avant de livrer au public les produits qui font l’objet de son commerce, aucune disposition de loi n’établit une présomption de culpabilité à l’encontre du prévenu qui n’a pas pris cette précaution » (Cass.Crim. 16 févr. 1956, Dr.pén. 1956, p. 147). Cependant le juge ne doit pas négliger les présomptions de fait qui résultent des circonstances dans lesquelles l’infraction a été exécutée (Cass.Crim. 20 nov. 1947, S. 1948.1.176 ; Cass.Crim. 20 oct. 1955, B. n° 415).

Il en est de même pour l’élément moral justifiant l’incrimination de la complicité ; il faut que le complice se soit associé volontairement au projet criminel, et si la jurisprudence lui étend les causes d’aggravation réelle qu’il n’avait pas connues elle ne retient pas sa culpabilité lorsque l’infraction commise a été radicalement différente de celle qui avait été envisagée (Cass.Crim. 13 janv. 1955, D. 1955.29, note Chavanne) ; c’est au ministère public de faire la preuve que le complice savait que l’arme procurée serait utilisée pour le crime réalisé.

297. - Preuve des complications de l’élément moral.

Lorsque le texte d’incrimination exige un dol aggravé (la préméditation par exemple) ou un dol spécial (Précis précité, n° 179), c’est au ministère public d’établir son existence en l’espèce.

De même lorsque le but poursuivi est pris en considération (but de propagande anarchiste dans la loi du 28 juill. 1894, but de propagande anticonceptionnelle dans la loi du 31 juill. 1920; art. 355, al. 2 C.Pén., art. 419 C.Pén., etc.), c’est au ministère public à démontrer qu’un tel but entrait effectivement dans les intentions de l’auteur.

II en est de même parfois au sujet du mobile ; la loi du 6 août 1953 modifiant l’art. 50, al. 2, de la loi du 5 janvier 1951, n’autorise le ministère public à s’opposer à l’amnistie de certaines infractions commises pendant la résistance que s’il apporte la preuve « que leur véritable mobile était complètement étranger à l’intérêt de la résistance » (Cass.Crim. 21 déembre 1955, Dr. pén 1956, p. 65).

Enfin dans l’hypothèse du dol éventuel, où il n’est pas nécessaire que l’auteur , ait prévu et voulu les résultats de son acte, il appartient néanmoins au ministère public d’établir que ceux-ci étaient prévisibles.

B. - Exceptions

298. - Cas des infractions dans lesquelles la faute est présumée

C’est une règle traditionnellement admise par la jurisprudence que « les contraventions sont punissables malgré la bonne foi de leur auteur ». Cette règle a été étendue par les tribunaux à certains délits, appelés pour cette raison « contraventionnels »; en effet si ces infractions sont bien des délits et ne sont pas soumises au régime général des contraventions comme certains auteurs l’avaient pensé, par contre l’élément moral est réduit chez elles à sa plus simple expression.

Si cette solution est très nette en droit positif, il est moins facile d’en donner une explication rationnelle ; certains auteurs sont allés jusqu’à parler pour ces délits et pour les contraventions, d’infractions purement matérielles ne comportant pas d’élément moral. Cette thèse est généralement critiquée car la contravention n’est pas punissable, si son auteur n’a pas la « capacité de comprendre ou vouloir », s’il n’a pas agi « avec intelligence et volonté » ; il en est ainsi par exemple s’il était en état de démence ou contraint par une force majeure.

La plupart des auteurs pensent qu’en matière contraventionnelle la faute de l’auteur est présumée, ce ,qui revient à dispenser le ministère public d’en rapporter la preuve du moment que l’agissement matériel est établi. A vrai dire il ne s’agit pas simplement d’un renversement du fardeau de la preuve, car l’auteur n’est pas autorisé à prouver de son côté qu’il n’a commis aucune faute et doit invoquer une cause de non-imputabilité. Aussi estime-t-on que la faute contraventionnelle est d’une nature particulière (Legros, L’élément moral dans les infractions, Bruxelles, 1951).

Le plus souvent l’auteur d’une faute contraventionnelle invoque à sa décharge, pour montrer sa bonne foi; l’ignorance où il se trouvait de la disposition qu’il a enfreinte. Or cet argument est inopérant puisque « nul n’est censé ignorer la loi », de sorte que la faute présumée est essentiellement une faute d’ignorance.

Lorsque le texte incriminant la contravention vise la négligence ou l’imprudence (art. R 26-1°, 4°, 5° ; R. 30-2° ; R. 34-3° et 4° ; R. 38-4° ; R. 40) ou même la faute intentionnelle (art. R. 29-9°, 10°, 11° ; R. 30-8°, 9°, 11°, 12° ; R. 38-1°, 6° et 7°), il semble que le droit commun reprenne son empire. Dans la plupart de, ces cas l’accomplissement de l’élément matériel s’explique difficilement sans la présence de l’élément moral exigé par la loi.

299. - Présomptions légales

Dans certains cas le législateur a dispensé expressément le ministère public de faire la preuve de l’élément moral de l’infraction ou de certains éléments psychologiques accessoires.

Parfois cette présomption est très forte et ne cède que devant la force majeure et non pas l’absente de faute. Il en est ainsi en matière douanière où la présomption d’introduction frauduleuse de l’art. 600 du Code des douanes se double d’une présomption de mauvaise foi établie par l’actuel art. 369 (Crim.13 févr. 1952 JCP 1952 II 7044).

Parfois au contraire la force de la présomption légale est moins considérable ; il en est ainsi de la présomption contenue dans l’art. 35 bis ajouté par l’Ordonnance du 6 mai 1944 à la loi du 29 juillet 1881, et ainsi conçu : « Toute reproduction d’une imputation qui a été jugée diffamatoire sera réputée de mauvaise foi, sauf preuve contraire par son auteur ». Il en est de même de l’art. 357-2, al: 2 C.Pén. : « Le défaut de paiement sera présumé volontaire sauf preuve contraire ». L’art. 441 relatif au pillage en bandes, prévoit une atténuation de peine au profit de « ceux qui prouveront avoir été entraînés par des provocations ou sollicitations ».

300. - Présomptions jurisprudentielles

La jurisprudence a établi, de son côté, des présomptions ne reposant pas sur des textes, mais sur le lien extrêmement étroit qui parait unir l’élément moral et l’élément matériel dans certaines infractions.

Depuis longtemps la Cour de cassation déclare que, bien que le délit de contrefaçon comporte un élément moral, « la bonne foi de l’inculpé ne se présume pas, et que c’est au contrefacteur qu’il incombe d’en administrer la preuve » (Cass.Crim. 1er févr. 1912, Gaz.Pal. 1912 I 437 ; Cass.Crim. 8 déc. 1954, B. n° 377 ; Cass.Crim. 28 févr. 1956, Dr.Pén. 1956, p. 151).

Il en est de même en matière de diffamation où la Cour de cassation estime que les imputations diffamatoires « sont réputées de droit faites avec une intention coupable et que si cette présomption peut être combattue par des circonstances particulières, c’est au prévenu qu’en incombe la preuve » (Cass.Crim. 12 févr. 1891, D. 1892.1.176; Cass.Crim. 1er juill. 1949, D. 1949.447 ; Cass.Crim. 28 avril 1950, Gaz.Pal. 1950 I 347 qui admet que la preuve contraire est rapportée ; Cass.Crim. 12 juin 1954, Gaz. Pal. 1954.2.319). Cette présomption est limitée à la diffamation et ne s’étend pas aux autres délits de presse (Cass. Crim, 21 juill. 1953, S. 1954.1.26).

301. - Le cas des causes de non-imputabilité

Le ministère public doit-il faire la preuve de l’absence de toute cause de non-imputabilité? On sait que celles-ci ont pour effet de faire disparaître l’élément moral de l’infraction et la culpabilité de son auteur, quoique le fait reste punissable à l’encontre des autres participants.

Le fait d’agir « avec intelligence et volonté » étant un élément indispensable à la constitution de l’infraction (Cass.Crim. 13 déc. 1956, D. 1957.349, note Patin), il semblerait que la preuve de cet élément doive incomber au ministère public, celui-ci ne doit-il pas « établir tous les éléments constitutifs de l’infraction et l’absence de tous les éléments susceptibles de la faire, disparaître »? (Cass.Crim. 24 mars 1949, B. n°114, motifs). Tel est bien l’avis des auteurs pour lesquels la présomption d’innocence domine la répartition de la charge de la preuve (Vidal et Magnol, Cours de droit criminel T.II, n° 716 ; Stéfani, Rép. Dalloz Crim., v° Preuve, n° 6), au moins lorsque la personne poursuivie a allégué la cause de non-imputabilité dont elle prétend bénéficier.

D’autres auteurs au contraire, estiment que s’agissant d’éventualités très exceptionnelles, c’est à l’intéressé non seulement de les alléguer, mais d’en rapporter la preuve pour dégager sa responsabilité (Garraud, I, n° 312 ; II, n° 434 ; Denizart, op. cit., p. 210 ; comparez Donnedieu de Vabres, Traité de droit criminel p. 1239 et note D. 1936.1.45, col. 2). II doit y avoir une présomption d’équilibre mental et de libre détermination.

En ce qui concerne la démence, si certaines décisions ont paru considérer que la preuve en incombait au prévenu (Alger, 18 déc. 1948, J.C.P. 1949.11.4900), la Cour de cassation n’a pas pris expressément parti en ce sens. Au contraire, dans un arrêt du 9 décembre 1949 (Rev. Sc. Crim., 1951, p. 305) elle a cassé une décision qui avait refusé de faire droit à la demande d’examen mental de l’accusé en déclarant que celui-ci paraissait jouir de toutes ses facultés, ce qui a été considéré comme une atteinte aux droits de la défense.

Par contre, en ce qui concerne la contrainte, ou force majeure, la Cour de cassation a affirmé maintes fois sans équivoque que la charge en incombait au prévenu (Cass.Crim. 29 déc. 1949, J.C.P. 1950.II.5614, note Magnol) et elle rejette les allégations de celui-ci quand elle les estime non pertinentes (Cass.Crim. 8 févr. 1936, D. 1936.1.45, note Donnedieu de Vabres). Bien que cette jurisprudence soit souvent intervenue à propos d’infractions contraventionnelles pour lesquelles on peut prétendre que le ministère public n’a pas à rapporter la preuve d’une faute, sa généralité parait critiquable et il semble que la théorie civiliste de la force majeure ait déteint fâcheusement sur la procédure répressive.

3. La preuve de l’élément légal

302. - L’existence de l’élément légal est une question de droit

Le premier souci du juge doit être de savoir si le fait qui lui est déféré tombe ou non sous le coup d’une disposition légale. Aussi le ministère public ne manque-t-il pas de mentionner dans son réquisitoire introductif ou dans sa citation directe, le texte en vertu duquel il engage des poursuites.

Cependant l’application et l’interprétation du texte constituent des questions de droit que le juge a le devoir de résoudre à l’aide de ses seules lumières ; il ne pourrait acquitter par le motif que le ministère public n’a pas apporté la preuve qu’un texte déterminé fût applicable, mais seulement parce que lui même ayant examiné le fait sous toutes ses qualifications possibles n’en a trouvé aucune qui pût s’adapter.

303. - Cas des incriminations réglementaires

Lorsque l’infraction consiste dans l’inobservation d’une prescription réglementaire, la sanction n’est encourue qu’autant que le règlement a été « légalement fait » par l’autorité administrative. La légalité du texte invoqué doit donc être démontrée tant dans le fond que, dans la forme. Là encore le rôle essentiel parait incomber au ministère public, notamment si le prévenu conteste qu’une publication suffisante ait eu lieu (Cass.Crim. 1er mai 1925, B. n° 142).

304. - Cas où l’élément légal aurait disparu ou serait tenu en échec

Il est possible que l’élément légal, existant au moment de l’infraction, ait disparu depuis lors (amnistie) ; il est possible également qu’il n’ait existé qu’en apparence (faits justificatifs, immunités) ou qu’il soit tenu en échec par une cause d’extinction de l’action publique (prescription).

L’application des règles précédemment exposées amène à faire peser sur le ministère public la charge de la preuve en ces matières, pour autant tout au moins que le prévenu ait invoqué en sa faveur l’une de ces causes d’impunité.

La jurisprudence est très nette en ce sens en ce q concerne la prescription. C’est au ministère public à démontrer que les faits ne sont pas prescrits (Cass.Crim. 1er avril 1941, Gaz. Pal. 1941.1.174), aussi bien la citation délivrée à sa requête ne mentionne-t-elle pas traditionnellement « ... et depuis temps non prescrit » ?

La solution est également bien établie en ce qui concerne l’amnistie. C’est au ministère public à démontrer que les faits ne sont pas amnistiés, notamment à raison de leur date (Cass.Crim. 9 juill. 1921, B. n°293), de leurs mobiles (L. 6 août 1953), ou du défaut de la qualité voulue chez leurs auteurs, etc.

305. - Cas des faits justificatifs

La question est plus délicate pour les faits justificatifs. Certains auteurs estiment que la preuve du fait justificatif (légitime défense, ordre de la loi, état de nécessité) incombe au prévenu qui l’invoque (Donnedieu de Vabres, Traité de droit criminel, n° 1239 ; Vitu, Procédure pénale p.185): Les raisons données sont les mêmes qu’en ce qui concerne les causes de non-imputabilité ; on invoque en ce sens la présomption que l’on s’accorde à lire dans l’art. 329 C.Pén. (cas privilégiés de légitime défense).

Cependant si l’on considère que le fait justificatif fait disparaître l’élément légal de l’infraction il faut admettre que la preuve du maintien de celui-ci doit incomber logiquement au ministère public (Mittelmaier, Vidal et Magnol, Cours de droit criminel T.II, n° 716 ; Bouzat, Traité n° 1063) ; aussi bien celui-ci doit-il classer l’affaire si le fait justificatif parait établi avant les poursuites.

Certains auteurs adoptent une position intermédiaire et estiment qu’il appartient au prévenu d’invoquer le fait justificatif et d’en entreprendre la preuve, mais que le ministère public a le devoir de mettre les moyens d’investigation dont il dispose au service du prévenu, et même de rechercher spontanément, au moindre doute, si cette cause d’exonération n’existe pas en l’espèce (Légal, Rev.sc.crim. 1955, p. 313).

306. - Cas des immunités

La même controverse peut se présenter au sujet des immunités. Si le prévenu excipe d’une immunité, il semble que le ministère public ait la charge d’établir que les conditions n’en sont pas réunies, ou tout au moins doive contribuer activement à élucider ce point ‘(comp. Cass.Crim. 3 janv. 1878, B, n°3). Aussi bien l’immunité est-elle d’ordre public et doit-elle être soulevée d’office par la juridiction (Cass.Crim. 4 décembre 1896, D. 1898.1.151).

§ 2. - LE RÔLE DE LA PERSONNE POURSUIVIE
DANS L’ADMINISTRATION DE LA PREUVE

307.

Si la présomption d’innocence dispense en principe la personne poursuivie d’avoir à établir son absence de responsabilité -pénale, il n’en est cependant pas toujours ainsi. Elle doit en effet supporter la charge de la preuve lorsque le fardeau de celle-ci est inversé par une présomption légale ou jurisprudentielle ; elle doit également prouver certains faits pour écarter ou alléger sa responsabilité dans divers cas exceptionnels ; elle doit enfin contribuer pratiquement dans une large mesure à déterminer en sa faveur la conviction du juge.

1. La lutte contre les présomptions défavorables

308.

La personne poursuivie doit tout d’abord lutter contre les présomptions défavorables qui lui imposent une charge plus ou moins lourde.

Tantôt elle doit rapporter la preuve de sa bonne foi ou de son absence de faute (diffamation, abandon de famille, contrefaçon), tantôt elle doit établir une cause de non-imputabilité et notamment la force majeure (contraventions et délits contraventionnels, infractions douanières, etc.).

309.

En outre la charge de la preuve se trouve déplacée au préjudice du prévenu lorsque la loi a attaché une force probante particulière à certains modes de preuve utilisés par le ministère public ; tel est le cas des procès-verbaux en matière de simple police (art. 537 C.P.P.) : ceux-ci font foi de leur contenu jusqu’à preuve du contraire, de sorte que si la contravention est constatée par un procès-verbal c’est au prévenu qu’il appartient de combattre l’autorité de celui-ci par témoins ou par écrits, et le juge ne pourrait acquitter en l’absence de preuve contraire, même s’il était convaincu de l’inexactitude du procès-verbal. Il y a là une exception à la règle de l’intime conviction (infra, n° 359), qui facilite la tâche du ministère public et déplace le fardeau de la preuve au détriment du prévenu.

La situation est encore plus grave en présence de certains procès-verbaux qui font foi jusqu’à inscription de faux, même en matière délictuelle (infra, n° 360).

2. La preuve exceptionnelle de certains faits

310. - Preuve de faits rentrant dans les éléments de certaines infractions

C’est au ministère public qu’il appartient de rapporter la preuve de l’existence de tous les éléments constitutifs de l’infraction. Cependant il arrive exceptionnellement que la loi ait mis à la charge de la personne poursuivie la preuve de l’absence d’un de ces éléments, compte tenu du fait que cette preuve est facile à rapporter et ne constitue pas une atteinte sérieuse à la liberté individuelle de l’intéressé.

C’est ainsi que l’article 278 C.Pén. punit sévèrement les mendiants ou vagabonds trouvés porteurs «d’un ou de plusieurs effets d’une valeur supérieure à 1 F» et qui ne justifient pas d’où ils leur proviennent. L’article 334-4° (Ordonnance. du 25 nov. 1960) considère comme proxénète la personne qui, « étant en relations habituelles avec une ou plusieurs personnes se livrant à la prostitution, ne peut justifier de ressources correspondant à son train de vie ».

Lorsqu’il s’agit d’infractions commises par des Français à l’étranger ou par des étrangers en France, la poursuite sera irrecevable si l’intéressé « justifie qu’il a été jugé définitivement à l’étranger, et, en cas de condamnation, qu’il a subi ou prescrit sa peine ou obtenu sa grâce » (art. 692 C.pr.pén.).

L’exception de vérité, en matière de diffamation, est mise expressément à la charge du prévenu (L. 29 juill. 1881, art.35 al.4) ; la jurisprudence tend à ouvrir un droit analogue au prévenu de dénonciation calomnieuse lorsque la fausseté de la dénonciation ne résulte pas d’une décision de justice définitive (Amiens, 24 novembre 1955, D. 1956, somm. 113).

Le débitant de boissons poursuivi pour avoir servi des boissons alcooliques à un mineur de moins de 20 ans accomplis, échappe à la répression s’il fait la preuve qu’il a été induit en erreur sur l’âge du mineur (Décret 8 févr. 1955, art. 81, al. 4). L’expression légale employée («aucune pénalité ne lui sera appliquée») permet de penser qu’il s’agit peut-être d’une excuse absolutoire.

311. - Preuve des excuses et des faits atténuant la responsabilité

Lorsque tous les éléments de l’infraction sont réunis, qu’il y a à la fois criminalité de l’acte et culpabilité de l’auteur, il semble que doive incomber à la personne poursuivie la charge de prouver les faits susceptibles d’écarter ou d’atténuer la répression qu’elle encourt légalement.

Tel est le cas pour les excuses absolutoires. L’article 114 C.Pén. est formel à cet égard lorsqu’il s’agit de l’excuse de l’obéissance hiérarchique et il semble que cette solution doive être étendue à l’excuse du dénonciateur. La jurisprudence l’applique à la provocation en matière d’injures non publiques (Cass.crim. 21 janv. 1954, B. n°24). II est d’ailleurs à remarquer que ces excuses ne peuvent être décidées que par la juridiction de jugement. D’autre part elles ne doivent faire l’objet d’une question à la Cour d’Assises qu’autant que l’accusé en aura formulé la demande ; Cass.crim. 24 mars 1949, B. n°114). Cependant la Cour ne peut refuser de poser la question (Cass.crim. 7 octobre 1953, D. 1953. 649) et la réponse affirmative est acquise par une simple minorité de faveur (art. 359 C.pr.pén.) ce qui semblerait indiquer qu’ici encore la présomption d’innocence protège l’accusé.

Les mêmes règles sont applicables aux excuses atténuantes, notamment à l’excuse de provocation invoquée devant la Cour d’Assises. L’art. 441 C.Pén. offre un exemple formel d’excuse atténuante dont la preuve incombe à la personne poursuivie.

312. - Preuve des exceptions de nature civile.

La faute de la victime constituera une circonstance atténuante sur le plan de l’action publique et à ce titre sa preuve incombe à la personne poursuivie, mais elle entraînera également un partage de responsabilité sur le plan de l’action civile et à cet égard le juge veillera à ce que la preuve en soit bien rapportée, ici le doute ne profitera pas au prévenu.

C’est également au prévenu qu’il appartient d’apporter la preuve des questions préjudicielles qu’il soulève, telles celles concernant la propriété immobilière.

3. La contribution à la conviction du juge

313. - Contestation des éléments apportés par la partie poursuivante.

Le rôle de la personne poursuivie dans l’administration de la preuve est, en fait, beaucoup plus important que ne paraissent l’indiquer les règles, parfois incertaines, relatives à la charge de la preuve.

Tout d’abord le prévenu s’efforcera de contester les éléments allégués par la partie poursuivante, ou d’affaiblir leur portée. Cela résulte du « droit à la preuve » reconnu à toute partie au procès. Aussi peut-il exiger que les preuves de l’adversaire et tous les éléments de preuve susceptibles de déterminer la conviction du juge lui soient soumis afin de lui permettre de les contredire et de les discuter. Toutes les pièces produites doivent lui être communiquées et le tribunal ne pourrait fonder sa décision sur des éléments non soumis à discussion contradictoire (Cass.crim. 19 mai 1950, B. n° 162). Les témoins cités sont acquis aux débats et le prévenu peut exiger leur audition et leur faire poser des questions.

Cette liberté est quelque peu restreinte au cours de l’information, surtout si l’inculpé est détenu, mais la communication du dossier au conseil et sa présence aux confrontations (art. 118 C.P.P.), lui permettent d’être tenu au courant de la marche de la procédure et d’organiser sa défense.

314. - Initiatives en vue de convaincre le juge.

Mais la personne poursuivie ne peut se borner à une simple défensive. Elle ne peut connaître à l’avance l’effet produit sur l’esprit du juge par les contestations qu’elle a élevées ; même son- silence ou son manque de réactions peut susciter un préjugé à son détriment. Son manque d’empressement à concourir aux recherches de la justice risque d’être interprété défavorablement.

Le prévenu a donc intérêt à prendre les devants, à produire spontanément tous les éléments de preuve susceptibles de le disculper, à démontrer l’existence de faits justificatifs ou de causes de non-imputabilité (aussi la loi lui a-t-elle accordé récemment le droit de demander son examen médico-psychologique même à la phase d’instruction, art. 81, alinéa final C.pr.pén.) et de tous les faits susceptibles d’établir l’absence de l’élément moral.

S’il conteste la version des faits présentée par le Ministère public ou la victime, il sera bon qu’il puisse citer des témoins, faire constater des traces, analyser des indices, etc.

S’il se prétend étranger au fait reproché, il a avantage à invoquer un alibi, à démontrer l’impossibilité matérielle ou l’invraisemblance psychologique de sa participation et même à seconder la justice en l’orientant vers le coupable véritable. Finalement, pour dégager sa responsabilité, le prévenu peut être ainsi amené à partager largement la tâche du ministère public.

Le plus souvent le prévenu ne sera pas en mesure, réduit à ses propres moyens, de mener à bien la preuve entreprise ; mais il pourra suggérer à la justice les témoins à entendre, les recherches et investigations à faire, les prélèvements et analyses à effectuer, etc. Le Code de procédure pénale ne lui a cependant pas reconnu, comme au procureur de la République, le droit de demander des mesures d’instruction, sauf une, l’expertise (art. 81, al. 6 et 156 C.pr.pén.), laquelle ne peut lui être refusée que par ordonnance contentieuse.

Signe de fin