DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL
- Professeur Jean-Paul DOUCET -
Lettre I
(Troisième partie)
IN ABSTRACTO / IN CONCRETO
Cf. Abstrait-concret*, Faits*, Qualification*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° 101, p.53 (note 7) / n° III-309, p.474 (note 5)
Voir :
Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.)
- n° I-I-I-214, p.52 / n° I-I-I-322, p.87 (sur l'analyse matérielle des faits)
- n° I-II-I-301, p.181 (sur l'imputation des faits)
- n° I-II-II-103, p.222 (sur la perte du libre arbitre)
- n° II-219, p.354 (sur l'évaluation du préjudice)
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° I-217, p.111 (note 2) / n° II-309, p.369 / n° II-I-212, p.441 /n° V-201, p.635 (note 9)
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° II-I-135, p.381
Le raisonnement in abstracto procède de manière abstraite, générale et impersonnelle. A l’inverse, le raisonnement in concreto s’effectue
dans un cas d’espèce, de manière concrète, spéciale et individuelle. Le premier est d’esprit théorique, le second d’orientation pratique.
En droit judiciaire on parle d’examen in abstracto lorsque l’on veut préciser que, au stade du raisonnement où ils trouvent, les juges ne doivent
pas encore prendre en compte la personnalité des auteurs des faits reprochés.
Tarde (La philosophie pénale) : Le délit s’éclaire surtout par la statistique qui permet de le voir en masse, in abstracto, et de discerner les influences d’où il procède.
Schopenhauer (Éthique, droit et politique) Préface du traducteur, Dietrich : En morale le philosophe n'a qu'une chose à faire : prendre les faits tels qu'ils lui sont donnés in concreto, c'est-à-dire tels que chacun les sent, puis les interpréter, les éclaircir par la connaissance abstraite de la raison.
Réponses ministérielles des 13 juin 1996 et 27 juin 1996 (Gaz.Pal. 27 février 1997) : La responsabilité pénale des élus doit être appréciée, non in abstracto, mais in concreto.
Monaco - Projet de Code de procédure pénale : La section III, consacrée à l’expertise, fait état de modifications apportées dans le sens d’une meilleure accessibilité des résultats de l’expertise, et un pragmatisme accru, en laissant libre appréciation aux magistrats instructeurs, et ce, en fonction d’une appréciation in concreto.
Cass.crim. 4 avril 2012 n° 11-81124 (Gaz.Pal. 17 mai 2012 p.24) : Encourt la cassation l'arrêt de la chambre de l'instruction qui déclare irrecevables les constitutions de partie civile des chefs de corruption, abus de biens sociaux et recel, par le seul examen abstrait des plaintes, sans rechercher, par une information préalable, si les faits visés dans ces dernières n'entrent pas dans les prévisions des art. 433-1 et 432-11 C.pén.
Cass.crim. 15 novembre 1989 (Bull.crim. n° 421 p.1024) envisage l’hypothèse où la Cour et le jury ont été interrogés in abstracto sur l’existence du fait principal et de circonstances aggravantes matérielles.
Trib.pol. Tarbes 17 février 1993 (Gaz.Pal. 1993 I somm. 174) parle du débat contradictoire devant le juge, qui est appelé à se prononcer in concreto sur les termes d'un litige dont les limites sont au préalable fixées.
INATTENTION
Cf. Coups et blessures*, Délit civil*, Faute*, Homicide par imprudence*, Impéritie*, Imprudence*, Maladresse*, Négligence*, Quasi-délit*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° 126, p.99 / n° I-111, p.161 / n° I-219, p.224
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-I-331, p.94
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° I-218, p.113
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », n° 220, p.107 / n° 417, p.260 / n° 422, p.267
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° II-I-116, p.354 (note 5) / n° II-I-129, p.372 (note 5)
- Notion. L’inattention, ou manque d’attention, résulte de la paresse, de l’étourderie, de la distraction, de l’indolence ou de l’indifférence à l'égard de son prochain.
Garçon (Code pénal annoté) : L’inattention est une forme spéciale de l’imprudence, consistant en une étourderie ou une inexcusable légèreté.
Ortolan (Éléments de droit pénal) : Les mots de négligence, imprudence, oubli, inattention, impéritie, inobservation des règlements, répondent aux nuances variées de la faute non intentionnelle, laquelle consiste toujours, en définitive, à n'avoir pas fait usage de nos facultés pour empêcher le délit de se produire.
- Règle morale. S'il est évident que l'inattention constitue une faute moins grave que l'intention criminelle, il n'en est pas moins certain qu'elle peut produire des effets désastreux. Aussi est-elle condamnable sur le plan moral.
Bentham (Déontologie ou science de la morale) : L'inattention peut créer des peines plus intenses que ne le ferait la haine ; et la légèreté être plus funeste que l'immoralité.
Burlamaqui (Principes de droit naturel) : Quelquefois on ne pèche que par inattention et par négligence, ce qui est plutôt une faute qu’un crime.
Buddhist monastic code, par Thanissaro Bhikkhu (2009) : Il y a des actes aux conséquences préjudiciables qui, quoique accomplis involontairement, indiquent l'inattention et le manque de circonspection dans des domaines où une personne peut raisonnablement être jugée responsable.
- Science criminelle. Lorsque l’inattention est cause de dommage pour autrui, elle relève de la notion générale de faute d’imprudence et caractérise dès lors ordinairement un simple Délit civil*.
Proal (Le crime et la peine) : Comment ne pas établir une différence immense entre le dommage résultant d’une inattention, d’une imprudence, et le dommage produit par une injustice volontaire ?
Toutefois, dans les cas les plus graves, en particulier lorsque la vie humaine est en jeu, le manque d'attention peut constituer l’élément moral d’un délit pénal de coups et blessures ou d’homicide involontaire.
Code pénal suédois. Chap. 3, Sect. 7 : La personne qui, par inattention, cause la mort d'autrui sera condamné à l'emprisonnement pour deux ans au plus ou, si la faute est légère, à une amende.
- Droit positif français. L'art. 121-3 du C.Pén. atténue le principe voulant que toute infraction pénale repose au moins sur un dol général, en permettant l'incrimination de la faute d'attention lorsqu'il est établi que l'auteur des faits n'a pas accompli toutes les diligences normales dans sa situation où il se trouvait.
Voir : Tableau des incriminations protégeant l'intégrité corporelle (en droit positif français)
Cass.crim. 2 décembre 2003 (Gaz.Pal. 2004 somm. 2667) : L'incrimination d'homicide involontaire s'applique au cas de l'enfant né vivant et décédé des suites de la maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence prévue par la loi ou le règlement commis avant sa naissance.
INCAPACITÉ DE TRAVAIL PERSONNEL
Cf. Circonstances aggravantes*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° I-241, p.439
L’incapacité de travail personnelle constitue une circonstance aggravante matérielle de l’infraction de coups et blessures volontaires. Elle consiste en l'impossibilité pour la victime de se livrer aux activités normales de la vie quotidienne, notamment à l'exercice de sa vie professionnelle. Elle est déterminée par certificat médical. Lorsque l'incapacité est supérieure à huit jours, elle caractérise un délit ; lorsqu'elle est égale ou inférieure à huit jours, elle demeure au niveau contraventionnel.
TGI. La Roche-sur-Yon 22 avril 2002 (Gaz.Pal. 2002 J 1017) : Le comportement délictueux d'un employeur à l'égard d'un salarié, ayant entraîné une incapacité totale de travail personnel de plus de huit jours, le rend coupable du délit de violences ; il convient de le sanctionner par une peine de six mois d'emprisonnement assortie d'un sursis avec mise à l'épreuve.
INCARCÉRATION
Cf. Écrou*, Emprisonnement* (et les renvois), Liberté - Liberté physique*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la personne humaine » (4e éd.), n° III-108, p.139
L'incarcération (du latin carcer, prison) consiste dans le fait de placer une personne dans un établissement pénitentiaire, la privant ainsi de sa liberté d'aller et venir. Elle suppose, soit sur un mandat de dépôt* ou un mandat d'arrêt*, soit sur un jugement de condamnation à une peine privative de liberté.
Garraud (Précis de droit criminel) : Il existe des incarcérations qui, sans avoir de caractère pénal, sont cependant autorisées et organisées par les lois pénales... Ainsi l'emprisonnement est employé contre les individus sur lesquels pèse l'inculpation de certains délits, pour s'assurer de leur personne et les empêcher de se soustraire à l'action de la justice .
Marat (Plan de législation criminelle) : S'il importe à la sûreté publique que le crime soit toujours puni, il importe à la liberté des individus que l'innocence soit toujours protégée. Ainsi pour avoir droit de s'assurer de la personne d'un accusé, de simples soupçons ne suffisent pas, il faut de forts indices. C'est sur ces indices que le magistrat sera autorisé à ordonner l'incarcération.
Code criminel du Canada. Art. 716 (Définitions) : Mandat d'incarcération. Le mandat de dépôt est assimilé au mandat d'incarcération.
Code de procédure pénale du Cameroun. Art. 11 : Constituent des mandats de justice, le mandat de comparution, le mandat d'amener, le mandat d'arrêt... et le mandat d'incarcération.
Cass.crim. 3 juillet 1985 (Bull.crim. n°256 p.670) : La durée de l'incarcération se calcule de quantième à quantième.
Cass.crim. 3 septembre 1996 (Gaz.Pal. 1997 I Chr.crim. 31) : Le temps de la probation imposé au bénéficiaire du sursis est suspendu en cas d'incarcération du condamné, les peines de surveillance et d'assistance attachées au sursis probatoire ne pouvant s'exécuter cumulativement avec un emprisonnement ferme.
En règle générale, une personne ne peut être incarcérée qu'en raison de la gravité de son crime ou du poids de sa culpabilité. Il arrive cependant que cette mesure soit prise dans son intérêt, afin de la protéger, soit d'elle-même, soit de la vindicte de la victime ou de ses proches. Le cas ci-dessous est exceptionnel.
Exemple
(Ouest-France 1er août 2014). Un homme en détention provisoire,
libéré à la suite d'une erreur de procédure et
automatiquement placé sous contrôle judiciaire, demandait à
retourner en prison. Or seules les autorités judiciaires peuvent
ordonner une incarcération : Pour retourner derrière les
barreaux, il faut des arguments. La procureure s'en est chargée
: « Il est impossible de le prendre
en charge de manière adaptée, même avec une surveillance
électronique, compte tenu de son hébergement actuel, car il se
retrouve sans logement ni domiciliation... Il est en grande
précarité. On ne peut écarter un geste suicidaire ». Émue, la
juge l'a renvoyé en cellule, à Fresnes.
On peut une nouvelle fois se demander si les lois récentes
n'entrent pas trop dans le détail, et n'abusent pas des cas de
nullité de procédure.
INCENDIE (Incendiaire)
Cf. Arsin*, Délits pénaux – Délits formels*, Catastrophe*, Détérioration*, Explosion*, Homicide*, Imprudence*, Mobile*, Prudence*, Pyromanie*, Sac d'une ville*, Sommeurs*, Talion*, Vandalisme*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° 2, p.3 / n° 25, p.47 / n° I-6, p.132 / n° I-7, p.136 / n° I-128, p183 / n° I-135 6°, p.199 / n° I-204, p.207 / n° I-247, p.222 / n° I-230, p.237 / n° I-230, p.237 (notes 5 et 6) / n° I-238 3°, p.249 / n° I-250, p.266 et 267 / n° III-115 2°, p.404
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-I-335, p.99 / n° I-I-I-342, p.108 / n° I-II-I-311, p.192 / n° I-II-II-212, p.242 / n° I-II-II-213, p.244 / n° I-II-II-217, p.249
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° V-602 et s., p.650 et s. / n° II-8, p.280
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », n° 334, p.199
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° I-I-117, p.93 / n° I-I-203, p.102 / n° I-I-212, p.115 / n° II-I-135, p.381 / n° II-I-138, p.384
Voir : L'incendie du moulin : un cas d'escroquerie à l'assurance
- Notion. L’incendie consiste en l’embrasement d’une chose à partir d’un départ de feu, lequel résulte de la combinaison d’un comburant (ordinairement l’oxygène) et d’un combustible (qui peut être gazeux, liquide ou solide). Un combustible est un corps qui s’enflamme spontanément lorsqu’il est porté en l’un de ses points à une température spécifique.
Cass. 2e civ. 15 décembre 1976 : L’incendie est un feu destructeur embrasant la chose dans laquelle ce feu a pris naissance.
De Blaignerie et Dangin « Paris incendié pendant la Commune en 1871 » (Réédition du Mécène, 2009). Pendant que se resserrait le cercle de fer où ils devaient succomber, les fédérés, désespérant enfin de leur cause, voulurent, s'ils mouraient, ensevelir l'armée libératrice sous les ruines de Paris... Des ordres d'incendie furent donnés et signés dans tous les quartiers de Paris ; des légions d'incendiaires se levèrent. Tous les monuments de Paris, à commencer par les Tuileries et l'Hôtel de Ville, des îlots de maisons tout entiers furent arroser de pétrole du haut en bas, la flamme y circula bientôt de toutes parts... L'armée libératrice put voir le spectacle horrifiant de l'incendie attaquant tous ses monuments : l'Hôtel de Ville, les Tuileries, le Louvre, le Palais-Royal, le Palais de Justice, le Ministère des Finances, l'Arsenal, le Conseil d'État, le théâtre de la Porte Saint-Martin, le théâtre Lyrique ; ses principales rues : la rue Royale, la rue de Rivoli, la rue du Bac, la rue de Lille etc. ; ses principaux établissements industriels et commerciaux : la manufacture des Gobelins, des Docks de la Villette, le Grenier d'Abondance... Voir : Conseil d'État* et Cour de cassation*.
Furitani (Menaces sur le shogun) : Le feu était la terreur des japonais ; une peur qui n'était pas vaine dans des maisons de papier et de bois... Dans le panthéon du crime, l'incendie volontaire passait pour le crime le plus abominable, après la trahison.
Statistiques. Observatoire national de la délinquance (août 2006) : Août 2005 à juillet 2006 - Incendies volontaires de biens publics : 7.548 - Incendies volontaires de biens privés : 47.190.... Notamment, au cours du premier semestre 2006 : 21.013 incendies de véhicules (bus, voitures légères, motos, cyclomoteurs).
- Règle morale. L'incendie a de tous temps fait l'objet d'une réprobation unanime ; tant en raison de sa lâcheté, que du fait de l'étendue des dommages qu'il peut provoquer et de l'ampleur du trouble qu'il porte ainsi à l'ordre public.
Exposé des motifs du Code pénal de 1810 : Ce crime, comme celui de l'empoisonnement, est l'acte qui caractérise la plus atroce lâcheté ; il n'en est pas de plus effrayant, soit par la facilité des moyens, soit à cause de la rapidité des progrès, soit enfin par l'impossibilité de se tenir continuellement en garde contre le monstre capable d'un si grand forfait.
Bentham (Théorie des peines et des récompenses) : Le crime le plus dangereux, l'incendie, n'a nulle part été aussi fréquent que dans la colonie de Botany-Bay.
Franck Adolphe (Philosophie du droit pénal) : Les exemples de monomanie qu’on cite ordinairement sont les malfaiteurs qui ont commis le meurtre pour le meurtre, le vol pour le vol, l’incendie pour l’incendie, sans autre dessein que de faire le mal, sans autre mobile que le dernier degré de la perversité humaine.
Proal (Le crime et la peine) : La haine et la vengeance inspireront toujours les meurtres, les assassinats et les incendies.
Tarde (La criminalité comparée) : Il est impossible ou difficile d'étendre le bénéfice de la correctionnalisation aux attentats à la pudeur sur des enfants, aux assassinats, aux incendies volontaires ... et à vrai dire, aux crimes dignes de ce nom, qualifiés tels dans la langue commune.
- Science criminelle. L’incendie est un mode d’atteinte aux biens et aux personnes particulièrement dangereux, puisqu’il peut résulter d’un acte anodin (jeter un mégot de cigarette) et aboutir à la destruction d’une ville (incendie de Londres qui, en 1666, détruisit une grande partie de la City). Aussi est-il réprimé par toutes les législations de toutes les époques.
Bentham (Traité de législation civile et pénale) : C'est sa tendance à se propager qui fait l'énormité particulière de l'incendie et de l'inondation.
Chauveau Hélie (Théorie du Code pénal) : L’incendie n’est qu’un moyen puissant de perpétration de certains crimes : il peut être employé comme une arme pour combattre un homicide, comme un instrument de dommage et de destruction, comme une manœuvre d’escroquerie. De là les caractères divers que les législations ont reconnu à cet attentat.
Digeste de Justinien (47, 9, 12, 1). Ulpien : Ceux qui ont mis exprès le feu dans une ville, s'ils sont d'un état vil, sont d'ordinaire exposés aux bêtes féroces ; s'ils sont d'un rang plus élevé, ils sont punis de mort, ou au moins déportés dans une île.
Digeste de Justinien (48, 8, 10). Ulpien : Si quelqu'un par dol a brûlé ma maison, il sera puni d'une peine capitale, comme incendiaire.
Boeresco (Traité comparatif des délits et des peines) : Au Moyen-âge le crime d'incendie fut considéré moins comme un dommage privé que comme un attentat contre la paix publique.
Le Brun de la Rochette (Le procès criminel, 1629) : Celui qui, de malice préméditée, a mis le feu en la maison, ville ou village, dont s’en est suivi un embrasement, doit être brûlé.
Code pénal d'Algérie. Art. 399 : Dans tous les cas prévus aux articles 396 à 398, si l’incendie volontairement provoqué a entraîné la mort d’une ou plusieurs personnes, le coupable de l’incendie est puni de mort.
Le législateur incrimine l'incendie intentionnel en tant que délit formel, pleinement punissable dès qu'a été créé un foyer d'incendie, indépendamment du point de savoir si l'agent a atteint le but qu'il s'était fixé ou si le bien visé a été détruit. On pourrait dire qu'il s'attache plus à l'incendiaire qu'à l'incendie (ce qui pose le problème de la responsabilité pénale des Pyromanes*).
Loi Salique. T. XVIII, art. 1 : Celui qui aura mis le feu à une maison quelconque, pendant le sommeil de ses habitants, paiera au propriétaire de la maison 2.500 deniers, ou 62 sous d’or et demi, outre la valeur du dommage, et les frais de poursuite... Si quelqu’un a péri dans les flammes, l’incendiaire sera condamné à payer aux parents du mort 8.000 deniers, ou 200 sous d’or.
Code général des États prussiens (éd. Paris an X). XX-1510) : Quiconque met le feu, de dessein prémédité, à des maisons, navires ou autres édifices, dans le dessein de nuire, est réputé incendiaire.
Code criminel des Indiens Ute (EU). § 13-4-22. Arson (Incendie volontaire) : Une personne est coupable d'incendie volontaire si elle allume un feu ou provoque une explosion dans le but de détruire un bâtiment...
Constant (Droit pénal spécial) : Élément matériel de l'incendie. L'infraction est consommée dès que le feu a été mis, même s'il n'a atteint que très légèrement l'un des objets...
Cass. belge 24 octobre 1892 (Pas. 1893 I 5) : La loi considère le crime d’incendie comme consommé même lorsque le feu n’a produit qu’un dommage partiel.
Code pénal suisse. Art. 221 - 1 Celui qui, intentionnellement, aura causé un incendie et aura ainsi porté préjudice à autrui ou fait naître un danger collectif sera puni de la réclusion. 2 La peine sera la réclusion pour trois ans au moins si le délinquant a sciemment mis en danger la vie ou l’intégrité corporelle des personnes.
Lombroso (L'anthropologie criminelle) : Nous voyons que les névropathies sont assez fréquentes chez les assassins, et encore plus chez les incendiaires.
L'incendie intentionnel visant à détruite un monument historique, et à plus forte raison une ville entière appelle bien évidemment une sanction exemplaire.
Henri
Martin
(Histoire de France depuis 1789) : Le 23 mars 1871 le Comité
révolutionnaire de la Commune de Paris envoya l'ordre aux
municipalités de requérir tous les produits chimiques
inflammables et violents...
Des lueurs rouges avaient commencé d'apparaître sur les deux
rives de la Seine, une heure ou deux avant le coucher du soleil.
Un peu avant la nuit, des colonnes de flammes jaillirent à la
fois du ministère des Finances... du Conseil d'État et du Palais
de la Légion d'honneur ; puis toute la façade des Tuileries, à
son tour s'embrasa, et, suivant l'expression du général Vinoy,
une longue ligne rouge parut réunir les deux immenses foyers de
la rive droite et de la rive gauche...
De nouveaux incendies furent allumés dans cette affreuse nuit :
le Palais Royal, puis la bibliothèque du Louvre, qui se trouvait
dans l'aile la plus voisine des Tuileries. Cette merveilleuse
collection de livres d'art et de littérature, remplie des
éditions les plus belles et les plus rares fut anéantie en peu
d'heures...
La Cité brûlait à son tour. La Préfecture de police et le Palais
de justice étaient en feu. Il y eut là des destructions
irréparables, et comme architecture, et surtout comme archives.
On dut encore s'estimer heureux que le chef-d'oeuvre du
treizième siècle, l'admirable Sainte-Chapelle, sortit intacte de
ce gouffre...
Après la Sainte-Chapelle, Notre-Dame était menacée de
destruction. Quatre foyers d'incendie avaient été préparés dans
le cathédrale ; le feu y était. La courageuse intervention d'un
médecin de l'Hôtel-Dieu, à la tête des internes en pharmacie
nous sauva de ce malheur ; les incendiaires se retirèrent devant
la population ameutée.
Du fait du danger que fait courir un incendie, le législateur ne doit pas se borner à incriminer l'incendie intentionnel, mais sanctionner également l'incendie par imprudence.
Code pénal suisse. Art. 222 - 1 Celui qui, par négligence, aura causé un incendie et aura ainsi porté préjudice à autrui ou fait naître un danger collectif sera puni de l’emprisonnement ou de l’amende. 2 La peine sera l’emprisonnement si, par négligence, le délinquant a mis en danger la vie ou l’intégrité corporelle des personnes.
Code pénal néerlandais (éd. 1949). Art. 429 : Est puni d’une peine contraventionnelle celui qui : tire un feu d’artifice ou allume un feu à si courte distance de bâtiments ou de biens qu’il en résulte un danger d’incendie, celui qui lance un ballon aérien auquel sont attachées des matières inflammables, celui qui transgresse une prescription relative à la prévention du danger d’incendie de forêt.
Code pénal du Japon. Art. 116 : Une personne qui cause un incendie par sa négligence, et de ce fait brûle un bâtiment, un train, un tramway, un navire... appartenant à autrui sera punie par une amende de 500.000 yens au plus.
À cet égard il semble important d'observer que, si un incendie involontaire emporte mort d'homme, son auteur peut être poursuivi du chef d'homicide par imprudence.
Exemple (Ouest-France 5août 2016) : Un Allemand de 27 ans arrêté après un incendie aux Canaries. Il a avoué avoir déclenché accidentellement l'incendie violent qui a causé, mercredi, la mort d'un pompier, père de cinq enfants. Il avait tenté de brûlé du papier toilette usagé.
- Droit positif français. Le législateur incrimine tant l'incendie par imprudence que l'incendie délibéré, il pose également des incriminations de police préventive (notamment dans le Code forestier).
Voir : Tableau des incriminations visant les destructions de biens dangereuses pour les personnes (en droit positif français)
Incendie par imprudence. En raison du grave danger que fait naître un incendie, notre législateur a heureusement sanctionné l’incendie involontaire (art. 322-5 C.pén. et L.322-9 du Code forestier).
Cass.crim. 29 juin 1999 (Gaz.Pal. 2000 J 73) retient le délit d’incendie par inobservation de la réglementation : La société C... T... du S... exploite, à C... (Gers), un établissement thermal dénommé thermes de B... ; le 27 juin 1991, à l’occasion de travaux d’étanchéité effectués sur la toiture-terrasse de la construction, du bitume liquide en feu s’est écoulé, par un orifice percé dans la dalle, à l’intérieur du bâtiment, sur une cloison provisoire d’isolation thermique en polystyrène qui s’est enflammée; l’incendie s’est rapidement propagé à une cloison voisine et au faux plafond, dégageant des gaz et d’épaisses fumées toxiques qui se sont répandus dans les locaux; vingt curistes et une employée, asphyxiés par le monoxyde de carbone, ont péri à la suite du sinistre. Les installations avaient été non seulement réalisées mais aussi exploitées en méconnaissance de nombreuses prescriptions du règlement de sécurité contre les risques d’incendie et de panique dans les établissements recevant du public ; ces irrégularités sont la cause de la rapidité du développement de l’incendie, de l’importance des fumées, des très mauvaises conditions de l’alerte et des difficultés d’évacuation des curistes, souvent âgés ou à mobilité réduite.
Cass.crim. 18 janvier 2012, n° 11-81324 écarte les poursuites pour incendie involontaire, en observant qu'il n'y a pas eu méconnaissance: d'une obligation spéciale de sécurité et de prudence : Le délit de dégradation involontaire par explosion ou incendie ne peut être caractérisé qu'en cas de manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement ; il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, le 24 juillet 2008, un incendie s'est déclaré dans les combles d'un immeuble situé ... à Versailles ; l'enquête a fait apparaître que l'incendie avait été causé par une cigarette mal éteinte, jetée par la fenêtre par M. X..., locataire dans l'immeuble ; celui-ci a été poursuivi devant le tribunal correctionnel pour dégradation involontaire par explosion ou incendie dû à un manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement ; pour confirmer le jugement déclarant M. X...coupable de ces faits, l'arrêt retient qu'il a méconnu les dispositions de l'art. 1728 C.civ. aux termes desquelles le preneur est notamment tenu d'user de la chose louée en bon père de famille ; Mais en se déterminant ainsi, alors que l'art. 1728 C.civ. n'édicte pas d'obligation de sécurité ou de prudence au sens de l'art. 322-5 C.pén., la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé ; D'où il suit que la cassation est encourue.
Incendie délibéré. À plus forte raison, notre législateur a incriminé l’incendie volontaire. L’élément principal de ce crime
est constitué par le simple fait de créer délibérément un foyer d’incendie, ce qui en fait dans notre droit le type même du Délit
formel*
Le législateur a distingué entre l'incendie commis dans un local
servant à l'habitation ou destiné à l'entrepôt de biens (art.
322-3 5°) et l'incendie d'un local dans des conditions
créant un danger pour les personnes (art. 322-6 1° C.pén., ancien art.435).
Cass.crim. 24 juin 1998 (Bull.crim. n° 206 p.588) : L’élément intentionnel de l’infraction est caractérisé par la seule utilisation, par l’auteur des faits, d’une substance incendiaire, sans qu’il soit nécessaire qu’il ait eu en vue de créer un danger pour les personnes.
Cass.crim. 30 septembre 2003 (Bull.crim. n° 171 p.678) : Celui qui met volontairement le feu à l'immeuble d'habitation d'autrui se rend coupable du délit de destruction, dégradation ou détérioration d'un bien prévu par l'art. 322-6 C.pén. qui n'exige pas la présence effective d'une personne dans les lieux où l'infraction est commise.
Cass.crim. 24 juillet 1985 (Gaz.Pal. 1986 I somm. 114) : A caractérisé l’ensemble des éléments constitutifs tant matériels qu’intentionnel du délit de complicité d’incendie volontaire dont elle a déclaré le prévenu coupable, la Cour d’appel qui a constaté que celui-ci avait mis au défi un autre ouvrier d’incendier l’usine dans laquelle ils travaillaient, lui avait promis un repas ou 1.000 F. et lui avait remis une boîte d’allumettes, lui avait indiqué l’endroit où les matériaux inflammables se trouvaient, l’avait sciemment incité en profitant des circonstances particulières de la soirée et l’avait suivi jusqu’à l’usine à laquelle cet ouvrier avait mis le feu.
J.Minois (La Révolution française). Légende de l'Illustration de couverture : Vitrail de l'église des Lucs-sur-Boulogne (Vendée) où furent massacrés 558 habitants - brûlés vifs dans l'église, dont 110 enfants de moins de sept ans et leurs mères, le 28 février 1794. [une préfiguration du massacre d'Oradour-sur-Glane]
Prévention des incendies. Une abondante règlementation vise à prévenir les risques d'incendie. Par exemple, des textes font obligation de débroussailler dans les zones forestières particulièrement exposées à ce danger.
Cass.crim. 4 septembre 2007 (Bull.crim. n° 192 p.811) : Il résulte de l'art. L. 322-3 du code forestier, dans sa rédaction issue de la loi n° 92-613 du 6 juillet 1992, que le propriétaire d'un immeuble situé en zone particulièrement exposée aux incendies de forêts est tenu d'une obligation de résultat de débroussaillement des abords des constructions édifiées sur son fonds jusqu'à une distance de 50 mètres, y compris, le cas échéant, sur les héritages voisins.
Apologie des incendies. L'apologie d'un incendie volontaire ayant mis des vies en péril est incriminé par l'art. 24 al.3 de la loi du 29 juillet 1881. Pourtant, tous les ans, une cérémonie publique est organisée en l'honneur de ceux qui ont ordonné que Paris fût entièrement brûlé. Probablement les motifs de ce crime de cette directive ont-ils été assimilés à un fait justificatif, légitimé par le but poursuivi (dans le même sens, certains considèrent que, si Hitler a manifestement perpétré des crimes inexpiables, Staline et Mao Tsé Toung ont seulement commis des erreurs pardonnables alors qu'ils poursuivaient un but louable).
Exemple
(Wikipédia 18 mars 2018). C'est au cimetière du
Père-Lachaise, qu'au cours de la Commune de Paris, au printemps
1871, se retranchent les derniers combattants communards. Les
Versaillais... vers la fin de l'après-midi du 28 mai, y
fusillent tous les prisonniers contre un mur appelé, depuis
lors, « mur des Fédérés ». Selon Karl Marx, la Commune est la
seule période de l'histoire française durant laquelle fut
— brièvement — réalisée une dictature du prolétariat...
Le 23 mai 1880, deux mois avant l'amnistie des communards, se
déroule, à l'appel de Jules Guesde, le premier défilé devant le
mur : 25.000 personnes, une rose rouge à la boutonnière, bravent
ainsi les forces de police. Dès lors, cette « montée au mur »
ponctue l'histoire ouvrière, puisque chaque année, depuis 1880,
les organisations de gauche organisent une manifestation en ce
lieu symbolique, la dernière semaine de mai. Jean Jaurès y va à
plusieurs reprises accompagné par Édouard Vaillant, par Jean
Allemane et par des milliers de militants socialistes,
syndicalistes, communistes ou anarchistes. Une manifestation
record s'y déroule le 24 mai 1936 : 600 000 personnes, Léon Blum
et Maurice Thorez en tête, au beau milieu du mouvement gréviste,
y manifestent quelques semaines seulement après la victoire du
Front populaire.
Tous les ans, le 1er mai, jour de la Journée internationale des
travailleurs, le Grand Orient de France accompagné de nombreuses
obédiences maçonniques, des représentants de la libre-pensée,
ainsi que le Parti communiste français et des organisations
syndicales, rendent hommage aux victimes de la Commune et à
celles du nazisme en se rendant au mur des Fédérés.
Harouel, Professeur émérite à l'Université Paris II (Les droits de l'homme contre le peuple, Paris 2016) : En vertu d'une vision mécaniste fondée sur la certitude d'un sens de l'histoire, le triomphe du communisme -le principe bon- est une fatalité historique que rien ne pourra empêcher d'advenir. On peut simplement hâter ou retarder les choses. Dans ces conditions, les notions habituelles de bien et de mal - ne pas tuer, ne pas voler, ne pas commettre d'adultère - sont rejetées comme sans valeur. Le mal, c'est tout ce qui fait obstacle à la révolution salvatrice. Le bien, c'est tout ce qui travaille à la faire arriver, et tous les moyens utilisés par les révolutionnaires sont bons par définition.
INCESTE
Cf. Famille*, Fornication*, Interdits*, Tabou*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° 24, p.45
Voir,
Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des
adolescents »
- (sur l'inceste en général) : n° 321, p.160 / n° 321 1°, p.161
/ n° 321 2°, p.164
- (sur l'inceste entre frère et sœur)
: n° 347, p.229
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° I-II-3, p.143
- Notion. L’inceste consiste en des relations sexuelles entretenues par des personnes liées par un proche degré de parenté.
Chauveau Hélie (Théorie du Code pénal) : L'inceste est le commerce illicite qui a lieu entre les personnes qui ne peuvent se marier à raison de leur parenté ou alliance.
Code criminel du Canada. Art. 155 : Commet un inceste quiconque, sachant qu’une autre personne est, par les liens du sang, son père ou sa mère, son enfant, son frère, sa sœur, son grand-père, sa grand-mère, son petit-fils ou sa petite-fille, selon le cas, a des rapports sexuels avec cette personne.
Exemple (Ouest-France 16 mai 2014) : Le Tribunal correctionnel de Montbéliard a reconnu coupable d'inceste une mère de famille de 45 ans. Déficiente mentale, elle a eu des relations sexuelles avec son fils entre janvier 2005 et janvier 2006. L'enfant, dont les parents sont séparés, a révélé ces actes dans la famille d'accueil dans laquelle il avait été placé.
Tragédie de Sophocle
« Œdipe ». Selon le mythe, Œdipe, auteur du fait matériel, ignorait qu’il tuait son père, puis qu’il épousait sa mère ; il avait même
tenté d’échapper au Destin qui lui était dévolu en fuyant sa ville natale ; il ne s’en trouvait pas moins objectivement impur, donc, en ce temps,
pénalement responsable.
- Tirésias : Sache-le, c’est toi, toi, le criminel qui souilles ce pays…
- Œdipe : Hélas ! Ainsi tout serait vrai ! Je me révèle l’époux de qui je ne devais pas l’être, le meurtrier de qui je ne devais
pas tuer !
- Règle morale. L'inceste est fermement condamné tant par la loi religieuse que par la loi morale. Cet interdit peut rationnellement s’étendre à des personnes unis, non par un lien familial, mais par un lien spirituel : commet une sorte d’inceste l’enseignant qui détourne un mineur à lui confié.
Cicéron (Traité des lois) : Les pontifes puniront l'inceste du dernier supplice.
Bruguès (Dictionnaire de morale catholique) : L’inceste représente une déviation toujours grave de la sexualité... Il marque une régression vers l’animalité, il corrompt les relations familiales.
Dictionnaire civil et canonique (Paris 1687) : Inceste est celui qui s’unit charnellement à sa parente à un degré prohibé … Le confesseur qui abuse de sa pénitente commet un inceste parce qu’il est son père spirituel.
Joly (Le crime, étude sociale) : Perron d'Arc rapporte que chez les aborigènes australiens le rapt, l'adultère, l'inceste, le vol dans certains cas graves et les insultes à un chef sont punis de mort.
Lombroso (L'homme criminel) : Justinien des Incas, Pachacutec Yucanpi, avait porté des lois contre la bestialité, l'homicide, le parricide, l'adultère, le rapt, le viol, l'inceste... Presque tous ces crimes étaient punis de mort.
Ahrens (Cours de droit naturel) : L'État peut prendre des mesures répressives par rapport à des délits et des crimes contre la moralité... tel l'inceste.
- Science criminelle. L'inceste entre dans la catégorie des crimes contre la structure de la famille : aussi est-il condamné par la quasi unanimité des législateurs, aussi les juges ne sauraient-ils l'excuser au motif que les personnes intéressées étaient consentantes.
Voir : Tableau des incriminations protégeant la vie familiale (selon la science criminelle)
Ferri (Sociologie criminelle) : Certains incestes sont en grande partie l’effet du milieu social, qui en condamnant plusieurs personnes à vivre dans des bouges sans air et sans lumière, avec une promiscuité brutale de sexes entre parents et enfants, efface ou empêche en elles tout sentiment normal de pudeur.
Code d'Hammourabi. § 154 : Si un homme a eu commerce avec sa fille, on chassera cet homme du lieu.
Digeste de Justinien (48, 5, 7 1). Marcien : Le crime commun d'inceste peut être intenté à la fois contre les deux personnes.
Desmaze (Les pénalités anciennes) : Le 13 septembre 1564 le Conseil du Roi confirme le procès condamnant Antoine Sautrain, pour inceste commis avec sa belle-sœur, à être pendu, étranglé puis brûlé, et sa tête fixée sur un poteau au milieu de la place publique de Saint-Germain Laval.
Code pénal yougoslave de 1962 (art. 198) : Celui qui aura commis un acte sexuel avec un parent en ligne directe ou avec un frère ou une sœur, sera puni de l’emprisonnement.
Code pénal du
Burkina Faso. Art. 421. Constitue le délit d'inceste puni
d'un emprisonnement de un à cinq ans et d'une amende ... ou de
l'une de ces deux peines seulement, le fait d'avoir des rapports
sexuels avec ses ascendants ou descendants sans limitation de
degré ou avec un frère ou une sœur
germains, consanguins où utérins.
Hors les cas de concubinage notoire ou de mariage incestueux, la
poursuite ne peut être engagée que sur plainte d'un parent et
seulement contre la ou les personnes désignées dans la plainte.
Code pénal de Colombie. Art. 237. Inceste. Celui qui accomplit un... quelconque rapport sexuel avec un ascendant, un descendant, un adoptant ou un adopté, ou avec un frère ou une sœur, encourt de un à quatre ans de prison.
- Droit positif français. L'inceste n'était au départ visé qu’incidemment par le Code pénal, dans ses art. 222-24 4° et 227-27 p.ex.). Une incrimination spécifique fut adoptée par la loi n° 2010-121 du 8 février 2010 ; elle incriminait directement l'inceste aux art. 222-31-1, 222-31-2, 227-27-2 et 227-27-3. Mais cette loi vient d'être déclarée inconstitutionnelle.
M.L. Rassat (Juris-classeur pénal art. 227-25 à 227-27) : Par cette disposition (art. 227-27) on a voulu réprimer l'inceste. Le délit est d'ailleurs caractérisé si la victime se prête volontairement aux actes impudiques.
Pau (2e Ch.) 27 juillet 1989 (JCP 1990 IV 61) : Le père qui a imposé à sa fille des relations incestueuses et la mère qui a toléré ces relations sont responsables sur le fondement de l’art. 1382 C.civ. du dommage moral subi par celle-ci dans la proportion des trois quarts pour le père et du quart pour la mère.
Cons. constitutionnel 16 septembre 2011 (n° 2011-163 QPC, Gaz.Pal. 20 décembre 2011 note Disant) sommaire : S'il était loisible au législateur d'instituer une qualification pénale particulière pour désigner les agissements sexuels incestueux, il ne pouvait sans méconnaître le principe de légalité des délits et des peines, s'abstenir de désigner précisément les personnes qui doivent être regardées, au sens de cette qualification, comme membres de la famille.
Sur la recevabilité de l'action civile de l'enfant né de relations incestueuses :
Cass.crim. 23 septembre 2010 (Bull.crim. n° 141 p.601) : Aux termes de l’article 3 d C.pr.pén., l’action civile est recevable pour tous chefs de dommages, aussi bien matériels que corporels ou moraux, qui découlent des faits, objet de la poursuite. Justifie sa décision la cour d’appel qui, pour déclarer recevable la constitution de partie civile faite au nom d’un enfant, né de relations incestueuses imposées par un père à sa fille, et bien fondée la demande de réparation du préjudice moral de l’enfant, retient notamment que l’enfant est privé du droit de faire établir sa filiation en vertu de l’article 310-2 du code civil et que les circonstances de sa conception justifient la réparation de traumatismes psychiques.
INCHOACTIF - Terme
employé notamment en droit pénal canadien.
Dictionnaire
Petit Robert : Adjectif qui sert à exprimer une action
commençante, un devenir, une progression.
Commission
de réforme du droit du Canada (Document n° 45, 1985) : En
matière de commission, de complicité et d'infractions
inchoactives, on peut établir deux distinctions. On peut en
premier lieu distinguer les personnes qui participent à une
infraction pleinement consommée et celles qui participent à une
infraction qui ne l'est pas : c'est en fait la distinction entre
les infractions consommées et les infractions inchoactives...
INCINÉRATION - Voir :
Funérailles*.
Le législateur devrait fixer un délai minimum pour
l'incinération d'un défunt, afin d'éviter que les traces d'un
homicide, tel un empoisonnement, ne soient pas anéanties du fait
d'une crémation effectuée avant que la famille n'ait pu
intervenir.
INCITER - Voir : Instigation*.
INCIVILITÉ
Cf. Criminalité*, Délinquant (délinquance)*, Délit*, Déontologie*, Déviance*, Hooligan*, Incivisme*, Indécence*, Injure*, Malignité*, Mœurs*, Nuisances*, Offense*, Outrage*, Tapage*, Tranquillité publique*, Vaurien*, Voies de fait*, Voyou*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° I-5, p.130
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », sur la préparation des enfants, par leurs parents, à la vie en société : n° 326, p.176
- Notion. L’incivilité consiste dans l'ignorance, l’oubli ou la méconnaissance des convenances et du savoir vivre généralement observés par les membres d’une société donnée.
Fergusson (Institutions de philosophie morale) : La civilité est une conduite circonspecte dans le commerce ordinaire de la vie pour éviter d'offenser qui que ce soit. La politesse est l'attention à plaire et à obliger. La civilité et la politesse sont comprises sous le terme général de « savoir vivre ».
G. Levasseur (La dépénalisation) parle de comportements qui constituent des actes d’indiscipline sociale ne justifiant ni la solennité ni l’infamie de l’intervention de la justice répressive.
Soustelle (La vie quotidienne des Aztèques) : Pour les Aztèques, un homme civilisé, c'est d'abord celui qui sait se maîtriser... qui observe en toute circonstance un maintien correct et réservé... À la fin du XVe siècle, cette tendance a triomphé et l'on s'efforce de mater les âmes violentes, d'opposer un barrage solide au déchaînement des instincts... La courtoisie devient une pièce essentielle.
Darmon,
Roché et autres (Les incivilités, Paris 2000) : Dans le
débat sur l'insécurité - comprise comme remontée de la violence
et augmentation de la peur - on a jusqu'ici (1994) trop peu pris
en considération un élément essentiel, les incivilités : murs
souillés par les tags, vandalisme, vitres brisées, épaves de
mobylettes ; ou voitures brûlées vieillissant au milieu des
immeubles, boîtes aux lettres fracturées, menus larcins, etc.
Alors
qu'insécurité et délinquance sont en bonne place sur l'agenda
politique depuis les années soixante-dix, c'est sur les
« incivilités » que se concentrent aujourd'hui les
responsables politiques et les gestionnaires d'espaces publics.
Le terme n'est pas neuf, mais son usage s'est considérablement
transformé. Il ne signifie plus discourtoisie. Depuis le milieu
des années quatre-vingt dix, dans un mouvement d'extension et
d'amalgame, il est devenu synonyme de désordre, de nuisance,
d'inconduite, d'incivisme, d'impolitesse, d'insolence, de petite
délinquance... Roché : Les désordres démasquent l'impossibilité
de dialoguer entre toutes les parties (populations civiles,
inciviles, pouvoirs publics). Les cas extrêmes figurent ce que
tout un chacun craint. La rupture des codes de civilité nous
jette dans le vide... et l'horizon du vide est la mort...
Exemple (Ouest-France 9 mars 2012) : De plus en plus d'incivilités - Question à un adjoint au maire : Pourquoi avez-vous lancé une nouvelle campagne se sensibilisation sur le stationnement gênant ? Réponse : Il y a un besoin urgent de rappeler le Code de la route à nombre d'automobilistes car il y a de plus en plus d'incivilités. La ville ne peut pas continuer à faire des efforts en matière d'accessibilité si, parallèlement, les conducteurs les anéantissent en stationnant n'importe comment. Il y va de la crédibilité de notre politique et de l'autorité qui n'est pas respectée.
- Règle morale. Tous les philosophes, de toutes les nations et de toutes les époques ont souligné l'importance qu'il convient d'attacher à la civilité, à la politesse, à la courtoisie, à l'urbanité, dans les rapports sociaux. C'est elle qui, sous toutes ses formes, met du liant dans les rapports humains.
Xénophon (Les Mémorables) rapporte cette parole de Socrate : Ne sais-tu pas qu’un État où les citoyens sont les plus soumis aux lois est aussi le plus heureux pendant la paix et le plus invincible à la guerre ?
Hobbes (Le citoyen) : La quatrième loi de la nature est que chacun se rende commode et traitable avec les autres… chacun doit se rendre souple et maniable aux intérêts d’autrui, dès lors qu’ils ne renversent pas des liens qui lui sont propres et nécessaires. Celui qui enfreint cette loi est un barbare.
Pufendorf (Le droit de la nature) : En partant de ce conseil « Connais-toi, toi même », l'Homme apprend par là qu'il n'existe pas de lui-même, qu'il n'est pas seul ici bas, ni né pour lui seulement, mais qu'il fait partie du Genre Humain, envers qui il doit pratiquer les lois de la sociabilité.
Fordyce (Éléments de philosophie morale) : La civilité, la disposition à vivre en bonne amitié avec ses voisin, l'affabilité, qui sont fondées sur nos liaisons sociales privées, ne sont pas moins nécessaires et obligatoires pour des créatures unies en société, et qui tiennent les unes aux autres par une mutuelle dépendance et par des besoins mutuels.
Bentham (Déontologie ou science de la morale) : Parmi les vertus qui se rattachent à la déontologie sont celles de la politesse et du savoir-vivre ; c'est ce qui constitue la "petite morale". La savoir-vivre s'applique à toutes les occurrences ordinaires et qui, prises séparément, paraissent peu importantes ; il consiste à s'abstenir de ce qui peut faire de la peine à autrui.
Stelzenberger (Précis de morale chrétienne) : La civilité : Les formes des rencontres entre les hommes sont d’une grande importance, et ont une considérable valeur morale. La politesse, la courtoisie, la manière de se saluer, les bonnes manières, la bonne tenue… sont des miroirs où se lisent les qualités des relations entre les hommes. C’est dans les contacts humains que s’exprime l’estime mutuelle.
Montesquieu (De l'esprit des lois) : Les législateurs de la Chine avaient pour principal objet de faire vivre leur peuple tranquille. Ils voulurent que les hommes se respectassent beaucoup; que chacun sentît à tous les instants qu'il devait beaucoup aux autres, qu'il n'y avait point de citoyen qui ne dépendît, à quelque égard, d'un autre citoyen. Ils donnèrent donc aux règles de la civilité la plus grande étendue... La politesse flatte les vices des autres ; la civilité nous empêche de mettre les nôtres au jour: c'est une barrière que les hommes mettent entre eux pour s'empêcher de se corrompre.
Confucius (Les quatre livres) : Si on gouverne le peuple selon les principes de la vertu, et qu'on le maintienne dans l'ordre par les seules lois de la politesse sociale (qui n'est que la loi du ciel), il éprouvera de la honte d'une action coupable, et il avancera dans le chemin de la vertu.
Code brahmanique des Gentoux (éd. Paris 1778) : Quand deux personnes se rencontrent sur le chemin... quand un homme est aveugle, si l'autre à l'usage de ses yeux, ce dernier cèdera le pas à l'aveugle ; quand une personne est sourde, si l'autre entend bien, celle-ci cède le pas au sourd ; un homme cède le pas à une femme ; un homme qui ne porte rien, à un homme qui est chargé... et un homme en bonne santé à un homme malade.
Pierre et Martin (Cours de morale) : Le respect de la personne humaine se marque extérieurement par les prévenances, les égards, la courtoisie, la déférence, la politesse et l’urbanité.
Exemple (Ouest-France 18 août 2006) : Soucieux de donner une bonne image de la Chine... le parti communiste vient de lancer une campagne de communication à l'usage des chinois qui voyagent à l'étranger. On leur rappelle qu'il n'est pas très élégant de cracher en public, qu'on ne hurle pas dans son téléphone portable et qu'on se lave les mains avant de passer à table...
Dans les relations entre personnes exerçant une même activité, des codes de déontologie renforcent ce devoir d'entretenir des rapports courtois.
Code de déontologie médicale. Art. 56 : Les médecins doivent entretenir entre eux des rapports de bonne confraternité.
Villacèque (Colloque de Montpellier des 4-5 décembre 2009 ), quant aux avocats : La remise à l’honneur de la courtoisie, qui facilite tant les relations entre tous les professionnels du droit, est impérative.
- De la sanction de l'opinion publique à la sanction pénale. La simple incivilité n'appelle qu'une réprobation de l'opinion publique : on pense p.ex. au goujat qui bouscule les personnes attendant à un guichet afin de passe le premier. Mais elle trouble aussi parfois l'ordre social, et attire alors l'attention des pouvoirs publics ; elle peut entraîner une sanction civile, et dans les cas graves une sanction pénale (p.ex. avec le délit de Non-assistance à personne en péril*, ou avec le délit de Mise en danger d'autrui*).
Franck (Philosophie du droit pénal) : La reconnaissance, le respect, la politesse, nous pouvons y ajouter le dévouement, l’humanité, la pitié, sont pour les uns un devoir et pour les autres un droit. Cependant il n’y a qu’une législation tyrannique et pédante qui puisse s’aviser de punir l’ingratitude, la grossièreté des mœurs, à moins qu’elle n’aille jusqu’à l’outrage, l’égoïsme, la dureté, la sécheresse. Pourquoi cela ? Parce que les droits dont nous parlons ne sont pas susceptibles d’une mesure déterminée et ne sont pas de nature à être exigés par la force. Où commence la reconnaissance et où finit l’ingratitude ? Où finit la politesse et où commence la grossièreté ? Où commencent, où finissent l’égoïsme, le dévouement, la pitié, la dureté ? C’est ce que le sentiment nous apprend mieux que la raison. Mais le sentiment lui-même, chose variable et délicate, ne peut pas s’exprimer en articles de loi ; d’ailleurs, la reconnaissance, le respect, la politesse, le dévouement, cessent de mériter leur nom, ils cessent d’exister dès qu’ils cessent d’être libres et spontanés. Ce sont les mœurs et non les lois qui doivent intervenir ici.
Perreau (Techniques de la jurisprudence, 1923) : Les esprits tout d’une pièce ne conçoivent guère les effets dégradés du Droit, comme par échelles successives. Pourtant la complaisance, les menus usages de la vie courante, la simple courtoisie, qui tient à la fois de l’une et des autres, sont des éléments d’ordre et de tranquillité qu’on ne saurait dédaigner. Non seulement ils nous dictent une ligne de conduite en mainte occurrence où se taisent les lois les plus étendues, empêchant ainsi la société de tourner au chaos par la multiplication des changements capricieux et des divergences de vues entre citoyens dans la plus grosse part de l’existence journalière, mais ils aident puissamment au fonctionnement de la machine sociale, en versant de l’huile dans les rouages nombreux que l’égoïsme incomplètement réfréné par la loi ferait vite étrangement grincer. La courtoisie privée importe plus encore que les institutions publiques, disait Valère Maxime.
Exemple (Ouest-France 2 février 2007) : Le bilan de la gendarmerie vannetaise montre que les incivilités et la violence grimpent. Tout comme les cambriolages.
Exemple (Ouest-France 14 août 2008). Le lieutenant-colonel Le Ny, à propos de la période estivale au Morbihan : Qui dit déplacement de population, dit déplacement de la délinquance. Pour maintenir un même niveau de sécurité, il nous faut mettre en place un dispositif complémentaire... Sans les renforts, ça exploserait tous les jours... Les grands rassemblements amènent forcément une augmentation des faits de nuisances, d'incivilité... Les populations qui arrivent des grandes villes sont souvent plus violentes.
On peut observer que le législateur français prend parfois la « civilité » en référence, par exemple dans le cadre des procédures d'assistance éducative (art. R.15-66-6 1° b).
INCIVISME
Cf. Incivilité*, Insoumission*, Désertion*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.) , n° 19, p.36-377 (note 5) / n° I-5, p.131 (note 6) / n° III-1, p.349 (note 1) / n° III-107, p.390 / n° III-330, p.497 (note 4)
Voir : Décret du 17 septembre 1793 relatif à l’arrestation des gens suspects
- Notion. L’incivisme est un comportement qui méconnaît une vertu sociale majeure, le civisme ; vertu qui invite chaque citoyen a faire prévaloir l’intérêt de la nation sur ses intérêts propres.
Tarde (Les lois de l’imitation) : Avec l’avènement d’une dynastie royale, l’esprit de famille se réforme en s’élargissant et s’appelle civisme ou patriotisme.
- Morale. Les moralistes enseignent que les membres de la Nation ont le devoir de se plier à ses lois et de contribuer tant à sa prospérité matérielle qu'à son développement intellectuel, dans la mesure de leurs facultés. Méconnaître ce devoir, c'est se montrer ingrat envers le corps social qui nous a formé.
Baudin (Cours de philosophie morale) : Il y a obligation stricte d'obéir à l'État en tout ce qu'il prescrit légitimement en vue du bien public, d'obéir à ses lois, à sa justice, à ses tribunaux, aux règlements de des administrations... .
Pierre et Martin (Cours de morale à l'usage des écoles primaires, Paris 1912) : Le bon citoyen éprouve à l'égard de sa patrie de l'amour et de la reconnaissance, et s'efforce de contribuer à sa grandeur et à sa prospérité. Il y travaille de plusieurs manières : 1° en participant de bon gré aux charges publiques ; en usant consciencieusement et intelligemment de ses droits ; 3° en concourant à la bonne exécution des lois ; 4° en travaillant à son propre perfectionnement et à celui de ses concitoyens.
- Science criminelle. L’incivisme, surtout en temps de guerre, a été spécialement incriminé par quelques législateurs.
Voir : Tableau des incriminations protégeant l'existence de la Nation (selon la science criminelle)
Fustel de Coulanges (La cité antique) : À Athènes on pouvait mettre un homme en accusation et le condamner pour incivisme, c’est-à-dire pour défaut d’affection envers l’État.
Code pénal du Luxembourg. Art. 123 sexies : Celui qui aura, durant l’occupation ennemie, par des actes librement posés, fait d’une façon continue preuve d’incivisme caractérisé, ayant donné lieu à réprobation générale, sera puni d’un emprisonnement de trois mois à trois ans.
Cour de cassation du Luxembourg 28 octobre 1948 (Pas. 14, 455) : Le délit d’incivisme prévu à l’art. 123 sexies C.pén. ne vise pas des faits isolés, mais comporte un état criminel continu se prolongeant pendant un temps plus ou moins long, que le juge du fond apprécie souverainement en fait.
Sous la Révolution les « bons citoyens » recevaient un « certificat de civisme », les autres risquaient la déportation.
Convention, décret du 10 mars 1793 : Ceux … dont l’incivisme auraient été un sujet de trouble public et d’agitation, seront condamnés à la peine de la déportation.
Taine (Les origines de la France contemporaine) : Tout d’un coup les maisons « des citoyens suspectés d’incivisme », sont envahies; tout est brisé ou volé; ordre est donné au propriétaire de vider le pays dans les vingt-quatre heures.
INCOMPATIBILITÉ
Cf. Composition*, Fonction*, Impartialité*.
- Notion. L’incompatibilité résulte d'une contrariété naturelle, essentielle, fondamentale, qui oppose deux notions, deux règles, deux fonctions ; elle rend leur conjonction impossible.
Littré (Dictionnaire) : Terme de législation. Incompatibilité légale, impossibilité légale que deux fonctions soient remplies en même temps par la même personne.
- Quant au fond du droit, lorsque deux règles de droit sont incompatibles il appartient au juge de faire application de celle qui occupe le rang le plus élevé dans la hiérarchie des sources du droit.
Cass.crim. 22 janvier 1997 (Gaz. Pal. 1997 I Chr.crim. 102) : Le prévenu qui invoque une exception prise de l’incompatibilité au regard du droit communautaire d’un monopole institué par une réglementation interne doit en apporter la preuve.
- Quant à la procédure, on peut observer qu’un même magistrat ne saurait, dans une même affaire, accomplir des actes qui relèvent de deux fonctions distinctes. Il y a, par exemple, incompatibilité entre les fonctions de ministère public et de juge, ou entre les fonctions de juge de première instance puis de juge d’appel. Ce principe doit être maintenu dans des limites raisonnables, déterminées par le souci de garantir les droits de la défense.
Voir : Cass.crim. 26 septembre 1996
Cass.crim. 26 avril 1990 (Gaz.Pal. 1990 II Chr.crim. 513) : Selon l’art. 6 de la Conv. E.D.H., toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal indépendant et impartial ; il en résulte que ne peut participer au jugement d’une affaire un magistrat qui en a connu en qualité de représentant du ministère public.
Cass.crim. 3 juin 1992 (Gaz.Pal. 1992 II Chr.crim. 475) : Les magistrats qui, dans l’affaire soumise à la Cour d’assises, ont procédé à un acte d’instruction, ne peuvent faire partie de cette Cour, en qualité de président ou d’assesseur.
Cass.crim. 25 juin 1998 (Gaz.Pal. 1998 II Chr.crim. 174) : L’art. 6.1 Conv. EDH et l’art. 49 C.pr.pén. prévoient une incompatibilité entre les fonctions d’instruction et de jugement.
Cass.crim. 16 mai 2007 (Bull.crim. n° 128 p.588) : Ne peut composer la chambre correctionnelle appelée à juger un prévenu le magistrat qui, en qualité de juge des libertés et de la détention, a statué auparavant sur une demande de mise en liberté formée par l'intéressé.
Cass.crim. 12 septembre 2007 (Bull.crim. n° 201 p. 847) : Le renvoi de l'affaire à une autre session n'interdit pas au magistrat qui présidait la cour d'assises de siéger en la même qualité à celle qui est appelée à connaître à nouveau de la cause, dès lors que la cour d'assises qui a ordonné le renvoi n'a pris aucune décision impliquant une appréciation de la culpabilité de l'accusé.
INCOMPÉTENCE
Cf. Compétence*, Faute*, Impéritie*, Pouvoir (excès de)*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° II-9, p.289 / n° II-II-237, p.526
- Incompétence judiciaire. Un tribunal est incompétent lorsque l'espèce considérée n'entre pas dans le domaine des attributions qui lui sont confiées par la loi.
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-I-225, p.63 /n° I-I-I-311, p.73 / n°I-III-I-301, p.276 -n° II-1, p.309
Garraud (Traité de l'instruction criminelle) : L'incompétence est l'état du juge qui ne peut connaître de l'action qui lui est soumise et qui commettrait, en y statuant, une violation de la loi ou même un excès de pouvoir. L'incompétence et l'excès de pouvoir supposent que le juge a dépassé les limites de ses attributions. Mais, dans le cas d'incompétence, il a connu d'une affaire que la loi réserve à un autre juge ; dans le cas d'excès de pouvoir, il s'est arrogé des droits qui n'appartiennent à aucune juridiction.
Code de procédure pénale allemand. § 348 - Si le tribunal auquel les actes sont transmis considère que les débats et les décisions... sont de la compétence d’un autre tribunal, il doit par une décision prononcer son incompétence.
Cass.crim. 2 mai 1983 (Bull.crim. n° 121 p.283) : Les juridictions étant d'ordre public en matière répressive, il en résulte que le prévenu est recevable, même pour la première fois devant la Cour de cassation, à exciper de l'incompétence de la juridiction qui a statué en se fondant sur ce que les faits seraient de nature à justifier la compétence d'une autre juridiction.
- Incompétence professionnelle. L'incompétence professionnelle peut être cause d'une faute emportant responsabilité civile, voire responsabilité pénale, et interdiction professionnelle.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° I-212, p.217 2°
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n° I-218 in fine p.114
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° II-I-146, p.397 (note 2) / n° II-II-237, p.526
Confucius (Entretiens - Lun yu) : Le Maître dit : « L’homme honorable s’afflige de son incompétence ».
Cass.com. 16 juillet 1979 (Gaz.Pal. 1980 I Panor.cass. p.39) : A légalement justifié sa décision la Cour d'appel qui pour prononcer contre un dirigeant social, en application de l'art. 108-1° de la loi du 13 juillet 1967, l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler toute entreprise commerciale, a retenu d'une part son incompétence manifeste, d'autre part la faute par lui commise en laissant se créer une insuffisance d'actif.
Peter et Hull (Le principe de Peter) non sans humour, mais avec quelque exagération (il existe dans le secteur privé des chefs d'entreprises sachant évaluer les capacités de leurs employés), proposent le principe suivant : Dans une hiérarchie, tout employé a tendance à s'élever jusqu'à son niveau d'incompétence. Ils en tirent ce corollaire : Avec le temps, tout poste sera occupé par un employé incapable d'en assumer la responsabilité.
INCONNU
Cf. Accusé*, Défendeur*, Prévenu*, X…* (Poursuites contre).
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e é d.), n° I-II-I-202, p.165 / n° I-II-I-305, p.186 / n° I-II-I-306, p.188
L’auteur d’une infraction pénale, dont l’identité civile est demeurée inconnue en dépit des diligences du ministère
public, peut être jugé dès lors que son identité physique ne fait aucun doute.
De même, le fait que l’auteur d’une infraction principale n’ait pu être identifié ne saurait faire obstacle à ce que soit pénalement poursuivi celui
qui, en connaissance de cause, a participé à cette infraction ou en a tiré profit. Une personne peut ainsi être poursuivie en tant que complice, quoique
son commanditaire soit demeuré inconnu ; il en va de même dans le cas de recel.
Cass.crim. 12 janvier 1981 (Bull.crim. n° 15 p.58) : A caractérisé le délit de recel dont elle a déclaré coupable l’ancien salarié d’une banque qui avait produit contre elle la photocopie d’un document confidentiel, propriété de son ancien employeur, la Cour d’appel qui énonce que, l’original de la pièce en cause ayant été frauduleusement soustrait par un individu demeuré inconnu, le prévenu, qui connaissait l’origine frauduleuse du document qu’il avait détenu, avait agi de mauvaise foi.
- Si la victime d’une infraction pénale demeure inconnue (le ministère public n’étant pas parvenu à établir son identité), cette circonstance n’empêche nullement des poursuites puisque la loi pénale protège des intérêts juridiques abstraits et non telle ou telle personne concrète.
Garçon (Code pénal annoté) : L’homicide considéré dans son objet suppose une vie humaine détruite ; mais tout être humain a droit à la même protection.
INCONSCIENCE - Voir : Démence (et états voisins)*.
INCORPORATION D'UN ENFANT DANS UNE ARMÉE - Elle est interdite par la Convention de New York du 26 janvier 1990. Rapprocher : Instigation de mineurs à commettre des infractions.
Voir : J-P. Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », n° 409
INCRIMINATION
Cf. Chef (du chef de)*, Contraventionnaliser*, Correctionnalisation*, Criminalisation*, Délit*, Délits pénaux*, Dépénaliser*, Familles d’incriminations*, Incivilité*, Infractions*, Interdits*, Loi pénale*, Prohiber*, Qualification*, Techniques juridiques (techniques législatives)*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd), n° I-8, p.136 / n° I-101 et s., p.141 et s.
Voir : A. Vitu, le droit pénal spécial source vivante et concrète du droit criminel
- Notion. Incriminer est le fait, pour le législateur, de décider que telle action ou telle omission sera désormais, non seulement interdite, mais encore réprimée par une sanction pénale. Lorsqu’un justiciable méconnaît une incrimination, il commet une Infraction*.
Tarde (La philosophie pénale) parle de changement dans l'incrimination : crimes devenus délits, puis faits licites, ou vice versa.
Code d'instruction criminel belge. Art. 593 (qui limite l'accès au Casier judiciaire) notamment dans le cas : des condamnations et des décisions prononcées sur la base d'une disposition ayant fait l'objet d'une abrogation, à la condition que l'incrimination pénale du fait soit supprimée.
- Science criminelle. L’incrimination fournit la définition légale d’une Contravention*, d’un Délit* ou d’un Crime*. C’est pourquoi les techniques d’incrimination relèvent de la morale quant au fond et de la science législative quant aux techniques (alors que les techniques de qualification relèvent de la science judiciaire).
Franck (Philosophie du droit pénal) : Qu’est-ce que la loi doit défendre ? Voilà la véritable question ; car si cette question n’est pas résolue, le bien et le mal, ce qui est innocent et coupable, dépend entièrement du caprice des hommes et de l’arbitraire des législateurs.
Chauveau Hélie (Théorie du Code pénal) : Il est certain que le législateur ne peut saisir des actes dont l’incrimination répugne à la conscience.
Proal (Le crime et la peine) : Le législateur doit être sobre d’incriminations nouvelles ; la sanction pénale ne doit être édictée que lorsque l’intérêt social à sauvegarder est important, et qu’il ne peut pas être suffisamment protégé par la sanction civile.
Catherine II (Instructions pour un Code de lois). 35 – Les lois doivent défendre uniquement ce qui peut nuire aux individus en particulier ou au bien de la société en général.
Bluntschli (Droit public général) : Les événements politiques sont si divers qu'on ne peut guère édicter d'avance des incriminations fixes; tout est abandonné à la libre appréciation du juge [d'où l'imprécision de l'incrimination de haute trahison]
Joly (La France criminelle) : L' incrimination de délit « contre la religion de l'État » a disparu.
Goyet (Droit pénal spécial n° 268) a souligné le principe général du droit libéral qui se borne à interdire et à châtier les actions nuisibles à la société et à autrui.
Un seul article de loi peut parfois instituer deux incriminations distinctes.
Cass.crim. 10 décembre 2014, pourvoi n° 13-87425, sommaire : Constituent des infractions distinctes, quoique réprimées par le même texte, la détention et la cession de stupéfiants.
Il importe de souligner que le fait pour le législateur pénal de ne pas incriminer un comportement n'emporte nullement sa licéité. Ce comportement peut être considéré au civil ou au commercial comme fautif, et emporter certaines sanctions telles que la nullité.
Commission de réforme du droit du Canada (Document n° 42 de 1985) : L’abolition du crime de polygamie n’est pas sa reconnaissance.
- Droit positif. Les intérêts juridiques majeurs, tels la Vie humaine*, la Pudeur*, l’Honneur*, la Vie privée*, la Liberté*, le Patrimoine*, l’État*, la Nation*…, la Foi contractuelle*, sont protégé par un ensemble d’incriminations coordonnées, que l’on appelle Famille d’incriminations*.
Voir, sur les principales incriminations : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd), p.240, p.265
TGI. Paris 23 janvier 1985 (D. 1985 418) : Le suicide, expression tragique d’une volonté individuelle … ne fait l’objet d’aucune incrimination légale.
Cass.crim. 18 septembre 1997 (Gaz.Pal. 1998 I Chr.crim. 6) : Il appartient au juge répressif d’écarter l’application d’un texte d’incrimination de droit interne lorsque ce dernier méconnaît une disposition du Traité des communautés européennes ou un texte pris pour l’application de celui-ci.
INCULPATION
Cf. Accusé*, Défendeur*, Justiciable*, Mise en examen*, Prévenu*.
- Notion. Une personne est « inculpée » lorsque le juge d’instruction, qui informe sur certains faits, oriente expressément l’information dans sa direction en raison des indices graves et concordants qui la pointent comme auteur ou complice de ces faits. On parle aujourd’hui de « mise en examen » (art. 80-1 C.pr.pén.), mais la notion même n’a pas changé.
Code de procédure pénale espagnol, art. 384 : Dès qu’il résultera de l’instruction un indice sérieux de responsabilité pénale contre une personne déterminée, on rendra une décision déclarant qu’elle est inculpée … La personne inculpée pourra, à partir de ce moment, se faire assister d’un avocat…
Merle et Vitu (Traité de droit criminel) : L’inculpation est l’imputation officielle, à une personne suspecte, des faits délictueux au sujet desquels le juge d’instruction conduit son information.
- Régime. L’inculpation marque le point de départ de l’exercice des droits de la défense. Aussi, quand elle porte atteinte à ces droits, une inculpation tardive constitue-t-elle une cause de nullité de la procédure (art. 105).
Pradel (Procédure pénale) : A partir de quel moment le juge doit-il mettre en examen la personne ? La règle d’or, en la matière, est que le juge doit le faire, ni trop tôt, ni trop tard : pas trop tôt pour ne pas nuire à la réputation de la personne sans nécessité, ce qui entraîne la prohibition des mises en examen hâtives ; pas trop tard, pour ne pas exclure à un moment crucial les droits de la défense, ce qui entraîne l’interdiction des mises en examen tardives.
Cass.crim. 3 avril 1995 (Gaz.Pal. 1995 I 264) : Sous réserve des dispositions de l’art. 105 C.pr.pén. qui ne prohibe que les mises en examen tardives, seules susceptibles de porter atteinte aux droits de la défense, le moment où elles doivent être prononcées relève de l’appréciation du juge d’instruction, selon l’état de l’information.