DICTIONNAIRE DE DROIT CRIMINEL
- Professeur Jean-Paul DOUCET -
Lettres
V - W
(Huitième partie)
VOCABULAIRE
Cf. Langue française (citation de Orwell)*, Légistique*, Science criminelle*, Style*, Techniques juridiques*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° I-8, p.137 / n° 124, p.97 / n° 134, p.110 / n° I-117, p.167 / n° II-2, p.270
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-II-I-2, p.158
Voir : P. Rossi, Introduction au droit pénal
Voir : P. Rossi, La rédaction des lois d’incrimination
Voir : Grands arrêts de la Cour EDH
Dans un sens large le vocabulaire comporte l’ensemble des mots d’une langue qui nous servent à formuler notre pensée, puis à la transmettre à autrui par la parole ou l'écrit. Toutefois, à un certain niveau de méditation et de réflexion, l'expérience montre que la pensée précède les mots servant à l'exprimer et qu'il est parfois plus exact de la couler dans une langue plutôt que dans une autre.
Sénèque (De la tranquillité de l’âme) : Dans les études, je pense qu’il convient d’envisager les choses en elles-mêmes ; qu’il importe de subordonner les mots aux choses, de manière telle que, partout où va la pensée, le discours la suive sans effort jusque là où elle mène.
Fr. Dumon (in Le langage du droit) : Il y a inexactitude ou exagération à affirmer que l'on pense dans une langue. Calcule-t-on, fait-on des expériences de laboratoire en une langue déterminée ? Fait-on des déductions logiques, philosophiques ou juridiques en une langue ? ... Les idées sont formulées, exprimées par une écriture véhiculant ma pensée en vue d'une communication à autrui.
Dans un sens étroit le terme vocabulaire désigne les termes propres à telle activité ou
profession ; on parle ainsi du vocabulaire de la médecine, ou du vocabulaire de la menuiserie.
On connaît de même un vocabulaire propre au droit criminel. Il est caractérisé par l’emploi de mots aussi concrets et réalistes que possible, afin de
rendre compte du principe de matérialité, et aussi explicites et intelligibles que faire ce peut, afin d’obéir au principe démocratique de clarté des
lois répressives. En remplaçant le mot « inculpation » par l’expression « mise en examen », le législateur a délibérément enfreint
cette règle.
Marty et Raynaud (Traité de droit civil, T.I) : La technique juridique comporte un vocabulaire spécial. Cela est vrai de toute technique, les hommes du métier utilisant nécessairement des vocables appropriés. Mais c'est particulièrement vrai pour les juristes dont on peut dire qu'ils ont pour outils les mots et les formules. Ce vocabulaire juridique a une composition qui est commandée par la structure et les composantes de la technique du droit.
Mimin (Le
style des jugements, n°1) : La propriété des mots, leur
exacte conformité avec l'idée à exprimer doit distinguer le
style judiciaire. Par l'utilisation constante du mot propre, on
obtient une phrase lumineuse et cette concision qui, dans un
document de justice, est la qualité première.
Avant-propos : La probité de la langue va de pair avec
l'exactitude de la pensée.
Garofalo (La criminologie) : Nous croyons que l’expression « folie morale » est une formule impropre, et qu'il vaudrait mieux la faire disparaître tout à fait du vocabulaire de la science.
Cass.soc. 14 février 1980 (Gaz.Pal. 1980 II panor. 451) : Si une préparatrice en pharmacie pratiquait couramment la langue espagnole, elle n’en connaissait pas le vocabulaire professionnel et ne pouvait donc prétendre utiliser cette langue dans l’exercice de sa profession.
Joly (Le crime, étude sociale) : Toute société secrète a son vocabulaire à elle et ses signes de ralliement. Les Thugs, dans l’Inde, avaient un argot : les Francs-maçons ont aussi leur terminologie comme ils ont leurs symboles.
Le choix des mots à employer dans une loi comportant une
sanction pénale importe grandement dans une société libérale,
soucieuse d'assurer la sécurité juridique à tous les citoyens.
Confucius disait sagement que si un nom n'est pas proprement
défini, l'ensemble du discours ne saurait être clair.
P.
Rossi (Traité de droit pénal) : La loi pénale offre
plusieurs difficultés qui, ce nous semble, lui sont
particulières. Nous n'en rappellerons ici qu'une seule. La loi
pénale oblige tous les citoyens ; mais, comme instruction, elle
s'adresse principalement aux classes les plus nombreuses et les
moins éclairées, et, comme sanction pénale, c'est sur ces mêmes
classes qu'elle frappe le plus souvent...
Or, avec nos langues prudes, est-il aisé de se faire comprendre
de ceux qui n'ont jamais entendu que le dialecte rude, pauvre,
irrégulier, mais franc, pittoresque de la halle, des cabarets,
de la foire ?
Cependant, c'est à ceux qui sont le plus exposés à tomber dans
le crime qu'il est indispensable de faire comprendre la loi.
Comment sans cela contenir, par la crainte, les impulsions du
plaisir... De quelle langue, de quelle méthode faudra-t-il faire
usage dans la rédaction des lois, pour agir efficacement sur
l'esprit inculte de ceux qui peuvent le moins résister aux
tentations du crime ? Sera-ce en style du Palais ou en style
académique ? Sera-ce dans la langue des salons ou dans le
dialecte populaire ? Questions graves et épineuses, qui sont loi
d'avoir obtenu une solution satisfaisante.
Commission de réforme du droit du Canada (Document n° 29, 1982) : Il faut repenser notre partie générale. Il faut éviter les formules trop subtiles. On doit employer des termes que les juges pourront utiliser dans leurs directives aux jurés.
Par ailleurs, on peut rappeler que, lors de poursuites exercées
par un régime dictatorial, les accusateurs vont parfois jusqu'à
dénier à leurs adversaires la qualité d'êtres humains : ainsi, à
propos des Vendéens, Carrier parlait d'une
« race de vipère ». Staline, visant ses opposants,
emploiera plus tard l'expression :
« vipères lubriques » ; Mao Tsé Toung, quant à lui, préfèrera le
mot « rats ».
Lors de la guerre de Vendée la Convention parlait, non pas de
Vendéens, mais systématiquement de « brigands »
(implicitement considérés comme hors-la-loi).
Minois (La Révolution française, Chronique d'une hécatombe - T.I) : Les conventionnels montagnards, faisant fi de la réputation de bonté, voire de faiblesse, de Louis XVI ne voient plus en lui qu'un « tigre » (Julien, de la Drôme), un « ogre », une « bête à exterminer au plus tôt » (Thirion, de la Moselle), un « monstre sanguinaire » (Morissson)...
VOIE DE FAIT
Cf. Agression*, Appels téléphoniques malveillants*, Bousculade*, Bizutage*, Brimades*, Camouflet*, Chiquenaude*, Contraindre*, Corbeau*, Coups et blessures*, Crachat*, Échauffourée*, Gifle*, Harcèlement*, Filature*, Illicite*, Ordures*, Seuil de protection pénale*, Soufflet*, Violences*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La loi pénale » (4e éd.), n° 131, p.107 / n° I-112, p.162 / n° I-238, p.247 / n° I-232, p.239
Voir : Jean-Paul Doucet, « Le jugement pénal » (3e éd.), n° I-I-I-102, p.24 / n° I-I-I-318, p.82 / n° I-I-I-346, p.113
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine » (4e éd.), n°48, p.47 (sur la notion même) / et voir la Table alphabétique
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Famille, des enfants et des adolescents », n° 120, p.68 / n° 223, p.110 / n° 320, p.160 / n° 337, p.207 / n°338 6°, p.215 / n° 347, p.229 / n° 433, p.280
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° 39, p.40 / n° 44, p.46 / n°I-I-117, p.92 / n° II-118, p.323 / n° II-I-114, p.351 / n° II-I-115, p.353 / n° II-I-142, p.391 / n° II-I-143, p.392 / n° II-I-144, p.395 / n° II-I-204, p.434 / n° II-I-206, p.435 / n° II-II-135, p.482 / n° II-II-254/ p.555
Voir : Tableau des incriminations protégeant la liberté politique (en droit positif français)
- Notion générale. S'opposant à la "voie de droit", la voie de fait consiste en tout acte accompli au détriment d'autrui en violation de la loi morale, et à plus forte raison de la loi civile.
Bentham (Déontologie ou science de la morale) : La molestation par la voie du toucher constitue ce qu'en terme légal on appelle voie de fait.
Merlin (Répertoire de jurisprudence) : Voie de fait se dit de tout acte par lequel on exerce, de son autorité privée, des prétentions ou des droits contraires aux droits et aux prétentions d'autrui.
Dupin (Règles de droit et de morale) : La mainmise sur Jésus, au Jardin du Mont des Oliviers, surtout à une pareille heure, avait tellement le caractère d’une agression violente, d’une voie de fait, que les disciples se préparaient à repousser la force par la force.
Notion administrative. La voie de fait administrative consiste en un acte matériel de l'autorité qui porte atteinte au droit de propriété ou à une liberté publique, et qui est manifestement entaché d'une irrégularité grossière. Les tribunaux judiciaires, particulièrement protecteurs des simples particuliers, retrouvent ici leur compétence de droit commun à la place des tribunaux administratifs.
De Laubadère (Traité de droit administratif) : Il y a voie de fait lorsque, dans l'accomplissement d'une activité matérielle d'exécution, l'administration commet une irrégularité grossière portant atteinte au droit de propriété ou à une liberté publique.
Paris (1re Ch. A) 11 juin 2001 (D 2001 IR 2722) : La rétention du demandeur ne peut être rattachée à l'exercice d'un quelconque pouvoir appartenant à l'administration et constitue une voie de fait comme ayant porté une atteinte grave à la liberté fondamentale d'aller et venir de l'intéressé. En conséquence, la cour est compétente pour en connaître.
Notion pénale. La voie de fait ou violence légère est un acte, contraire au droit, qui cause une atteinte corporelle minime et temporaire à la victime. Le texte qui l’incrimine marque le seuil de protection pénale de la personne humaine (art. R.624-1 C.pén.).
Merlin (Répertoire de jurisprudence) : La notion de voie de fait, dans le sens le plus étendu, désigne presque toutes les actions qui blessent une personne, dans son corps, dans son honneur ou dans ses biens.
Vitu (Traité de droit pénal spécial) : Les voies de fait sont les violences qui, sans atteindre matériellement la personne visée, sont cependant de nature à l’impressionner vivement et à provoquer une émotion sérieuse.
Exemple (Ouest-France 28 novembre 2008) : Agression aux coléoptères dans un train. M., un japonais de 35 ans, agissant dans un train de banlieue d'Osaka s'approchait de femmes et déversait sur leur tête des coléoptères... qui ne présentent pas de danger. Il a finalement été arrêté par la police.
- Règle morale. Règle morale et droit naturel condamnent bien évidemment les voies de fait exercées sur autrui.
Livre des morts dans l’Égypte pharaonique : Je n'ai pas fait pleurer.
St Thomas d'Aquin (Somme théologique) : Par la voie de fait, on nuit à son prochain, dans sa personne même, par atteinte à l'intégrité de son être.
Bautain (Manuel de philosophie morale) : La loi qui défend l'homicide, défend aussi... les voies de fait, les violences, les mauvais traitements, tout abus que l'homme peut faire de ses forces contre les autres.
Neufbourg (La loi naturelle) : Pour obéir à la loi morale il faut … s’abstenir de toute voie de fait.
- Science criminelle. L'incrimination des voies de fait et violences légère constitue l'infraction la plus générale assurant la protection de la personne humaine. Elle marque le seuil de protection pénale de l'intégrité physique, de la pudeur, de l'honneur, de la liberté et de la jouissance de son patrimoine. D'une relative imprécision, elle ne saurait être sanctionnée que de peines de simple police.
Loysel (Institutes coutumières). Art. 790 : Voies de fait sont défendues.
Travaux préparatoires du Code pénal belge (dans Nypels). Lelièvre, rapporteur : L'expression "voies de fait" est trop vague ; elle peut donner lieu à certain arbitraire.
Code pénal suisse. Art. 126 : Celui qui se sera livré sur une personne à des voies de fait qui n’auront causé ni lésion corporelle ni atteinte à la santé sera, sur plainte, puni des arrêts ou de l’amende.
Code criminel du Canada. Art. 265 : Commet des voies de fait, ou se livre à une attaque ou une agression, quiconque, selon le cas : a) d'une manière intentionnelle, emploie la force, directement ou indirectement, contre une autre personne sans son consentement... c) en portant ostensiblement une arme ou une imitation, aborde ou importune une autre personne ou mendie.
Code pénal du Burundi. Art. 153 : Sont punissables au maximum d’une servitude pénale de sept jours et d’une amende de mille francs ou d’une de ces peines seulement, les auteurs de voies de fait ou violences légères exercées volontairement, pourvu qu’ils n' aient blessé ou frappé personne, particulièrement ceux qui... auraient volontairement lancé sur une personne un objet quelconque de nature à l’incommoder ou à la souiller.
Haute cour de Justice 10 novembre 1849 (S. 1849 II 748) : Là où sont ouvertes les voies de droit, les voies de fait sont virtuellement interdites.
- Droit positif français. Les voies de fait et violences légères sont incriminées par l'art. R.624-1 C.pén. (art. R.38-1° de l'ancien Code). Ce texte vise toute atteinte aux attributs essentiels de la personne humaine (vie, intégrité physique ou morale, liberté physique ou morale, et en outre son patrimoine) qui n'est pas incriminée par un texte spécifique comportant une sanction plus rigoureuse.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Personne humaine », (4e éd.), n°48 p.47 / n° I-226 p.124 / n° I-239 p.137 / n° II-7 p.251 / n° II-115 p.275 / n° II-212 p.314 / n° III-116 p.455
Cass.crim. 18 février 1976 (Gaz.Pal. 1976 I 330) : En visant les violences et voies de fait exercées volontairement, le législateur a entendu réprimer notamment celles qui, sans atteindre matériellement la personne, sont cependant de nature à provoquer un choc émotif.
Cass.crim. 26 janvier 1877 (S. 1877 183) : L’individu qui, dans un bal, décoiffe une jeune fille pour se venger de ce que, après avoir refusé de danser avec lui, elle dansait avec un autre, commet la contravention de voie de fait et violence légère.
Exemple (Télétexte du 28 juillet 2006) : J..., qui avait "entarté" R.., a écopé jeudi d'une amende avec sursis de 150 €.
Exemple (Ouest-France - Vannes 20 novembre 2009) : Un individu a été surpris à Vannes en train de photographier sous les jupes des femmes avec un téléphone portable. Repéré par le service de sécurité grâce aux caméras de surveillance, il a été interpellé immédiatement et gardé à vue.
- Le Code de la défense, quant à lui, incrimine les voies de fait et outrages envers un supérieur. Cette disposition relève sans doute dans l'abstrait plus de la déontologie que du droit pénal, mais dans un domaine où les notions de subordination, d'obéissance et de discipline occupent le premier plan on ne saurait être surpris que les sanctions soient lourdes.
Code
de la défense, art.
L.323-9 (et s.) : Les voies de fait envers un supérieur
ou une autorité qualifiée exercées par un militaire ou une
personne embarquée, pendant le service ou à l'occasion du
service, même hors du bord, sont punies de dix ans
d'emprisonnement.
Si le coupable est un officier ou si les voies de fait ont été
commises par un militaire sous les armes, la peine peut être
portée à vingt ans de réclusion criminelle.
Les voies de fait exercées à bord envers un supérieur par un
militaire ou une personne embarquée sont considérées comme étant
commises pendant le service.
VOIE PUBLIQUE
Cf. Biens publics*, Code de la route*, Conduite automobile*, Contravention de grande voirie*, Ivresse publique*, Liberté (libertés physiques)*, Lieu public*, Mendicité*, Mise en danger d’autrui*, Racolage*, Stationnement payant*.
Voir : Jean-Paul Doucet, « La protection de la Société », n° 37, p.36 / n° 38, p.38 et s. / n° I-II-110, p.167 / n° I-II-111, p.168 / n° I-II-132, p.191 / n° I-II-315, p.241 / n° I-II-409, p.265 / n° I-II-416 et 417, p.270 et 271 / n° II-I-115, p.352-353 / n° II-II-124, p.476 / C, p.509 in fine / n° II-II-248, p.540 / n° II-II-252, p.547
- Notion. On entend par voies publiques les chemins, routes, places, esplanades, promenades ouverts à la circulation des personnes, que chacun est libre d'emprunter pour rendre d'un lieu à un autre ou simplement pour se distraire.
Vitu (Traité de droit pénal spécial) : La notion paraît bien se rattacher à la constatation de l'usage effectif de la voie par le public.
Balzac (Splendeurs et misères des courtisanes) : Qu’est-il arrivé ? Aujourd'hui les parties les plus brillantes des boulevards, cette promenade enchantée, sont interdites le soir à la famille. La Police n'a pas su profiter des ressources offertes pour sauver la voie publique.
Les voies de grande circulation, qui permettent aux commerçants, aux voyageurs, aux transporteurs et aux armées de se déplacer rapidement et aisément, appellent une attention particulière de la part des pouvoirs publics. À ce titre, qu'il s'agisse de voies fluviales, maritimes, terrestres ou aériennes, elles entrent dans la catégorie des intérêts juridiques que le législateur a le devoir de protéger. Les Romains eurent la sagesse de construire par priorité un remarquable réseau de voies de communication (c'est même au croisement de ces voies qu'ils édifièrent des villes nouvelles). L'une des causes du marasme constaté sous les Mérovingiens provenait de la dégradation de ce réseau... et de l'insécurité grandissante ; l'une des priorité des empereurs Carolingiens fut de le réhabiliter.
Lelong (La vie quotidienne en Gaule à l'époque mérovingienne) : Les routes, laissées à l'abandon, deviennent impraticables dès les premières pluies... Il faut croire que les routes romaines se sont dégradées plus vite qu'on ne l'imagine d'ordinaire... Rencontre-t-on un fleuve ? Les ponts sont rares, médiocres et même dangereux... Quant à l'équipement hôtelier il se réduit à quelques tavernes ; mieux vaut solliciter l'hospitalité d'un ami ou d'un monastère. Tout déplacement prend ainsi figure d'entreprise hasardeuse et même d'expédition, car les voleurs de grand chemin et les proscrits errent dans les champs commettant crimes et meurtres, se jetant dans l'obscurité de la nuit sur les marchands, les égorgeant et emportant leurs biens.
Riché (La vie quotidienne dans l'empire carolingien) : Même dégradé, le réseau romain est toujours en place. Les rois s'efforcent de le restaurer en demandant aux comtes et aux grands propriétaires d'entretenir ces "viae publicae". Il rappellent que l'argent qui provient des taxes sur les marchandises doit servir à cet entretien.
- Science criminelle. Pour assurer la liberté de se déplacer en toute tranquillité et sécurité, qui relève des libertés essentielles, le législateur doit donc sanctionner le fait de dégrader la voie publique ou d'entraver la circulation. Il doit à plus forte raison sanctionner le fait d’y commettre des actes illicites, ou d'agresser des personnes ; il lui appartient également de veiller au respect de la civilité et de la moralité en ces lieux publics.
Voir : Loi du 29 nivôse, an VI (18 janvier 1798), relative aux vols et des attentats sur les grandes routes
Joly (La France criminelle) : En 1848, de nombreux vols à main armée, commis sur la voie publique, à l'aide de violences, avaient jeté l'effroi et l'épouvante dans les communes qui avoisinent Paris. Chaque jour ou plutôt chaque nuit de nouvelles agressions avaient lieu. Chaque jour de nouvelles victimes venaient se plaindre, et rien ne semblait devoir mettre un frein à ce flot d'attaques nocturnes, à ce torrent de vols qualifiés... Pourquoi les gens paisibles ont-ils tant applaudi à la sanglante répression des journées de juin ? Pourquoi s'est-il trouvé tant d'hommes élevés dans le respect de la loi pour excuser le coup d'État de 1852 ? [poser la question est y répondre]
Loi Salique, T. XIX. Art. 10 : Si un homme en a attaqué un autre sur la voie publique, dans la vue de le dévaliser, et que celui-ci soit parvenu à à’échapper par la fuite, l’agresseur sera condamné à lui payer 1.200 deniers, ou 30 sous d’or. Art. 11 : Si l’homme attaqué n’a pu s’échapper, et qu’il ait été dépouillé, le voleur sera condamné à payer 2.500 deniers, ou 62 sous d’or et demi, outre la valeur des objets volés et les frais de poursuite.
Code pénal de 1810. Art. 383 : Les vols commis sur les chemins publics emporteront la peine des travaux forcés à perpétuité.
Ute Indian criminal code. § 13-4-112 : Une personne se rend coupable d’un délit … si elle décharge une arme à feu sur ou par le travers d’une voie publique.
Code pénal d’Andorre. Art. 304 : Seront punis d’un emprisonnement d’une durée maximale de six mois ceux qui auront créé un risque grave pour la circulation en déposant sur la voie publique des obstacles ou des substances qui, sans avoir occasionné de dommages, auront porté atteinte à la sécurité du trafic routier.
Code pénal du Luxembourg. Art. 563 - 9° : Seront punis d’une amende de 25 € à 250 € ceux dont l’attitude sur la voie publique est de nature à provoquer à la débauche.
Crahay (Les
contraventions de police) : L'article 551 n° 4 du Code pénal
belge punit ceux qui, sans nécessité ou sans permission de
l'autorité compétente, ont embarrassé la voie publique en y
laissant des objets qui peuvent nuire à la circulation...
Le juge n'a pas le droit d'acquitter, sous prétexte que personne
ne se serait présenté pour passer, en cet endroit, ou que la rue
était assez large pour permettre de passer à côté de l'obstacle.
Ce sont là des considérations qui peuvent engager la police à ne
pas dresser procès-verbal ; mais une fois celui-ci dressé et le
juge saisi, la condamnation est inévitable...
La nécessité est une de ces choses qui ne se définissent pas...
elle est donc essentiellement une question d'appréciation qui
doit être laissée à la conscience des juges.
- Droit positif français. La liberté de circulation routière est assurée de manière générale par l’art. R.644-2 C.pén. (ancien art. R.38-11°), qui incrimine le fait d’y placer ou laisser des objets encombrants. Elle est garantie de manière plus spécifique par l’art. L.412-1 du Code de la route qui incrimine le fait d’entraver ou de gêner la circulation en plaçant ou en tentant de placer sur une voie publique ouverte à la circulation un objet faisant obstacle au passage des véhicules.
Cass.crim. 7 février 1996 (Gaz.Pal. 1996 I Chr.crim. 98) : M. a été poursuivi, à bon droit, sur le fondement de l’art. R. 38-11° ancien C.pén., pour avoir laissé stationner sans nécessité un engin agricole sur le «sentier rural» desservant son exploitation et la propriété voisine.
Cass.crim. 8 mars 2005 (Bull.crim. n° 77 p.272) : Justifie sa décision la cour d’appel qui, pour déclarer les prévenus coupables d’entrave à la circulation publique, retient qu’ils ont délibérément fait obstacle au passage des véhicules en immobilisant, à plusieurs reprises, leurs automobiles, et que la commission d’une infraction pénale ne saurait être justifiée par la participation à une manifestation sur la voie publique.
L'intégrité des voies publiques est protégée sur deux plans : en tant que Biens publics*, et par les textes incriminant les Contraventions de grande voirie*.
Angers 18 décembre 1997 (JCP 1999 IV 1369) : Est coupable de destruction et dégradation de voie publique l'organisateur d'un raid qui a laissé passer des véhicules 4x4 sur un chemin pédestre, bien qu'il ait été informé des restrictions à la circulation par le maire de la commune concernée et que cette restriction ait été enregistrée à l'entrée du chemin.
VOIES DE RECOURS
Cf. Appel*, Cour de cassation*, Désistement*, Dévolutif (effet)*, Double degré de juridiction*, Opposition*, Révision*, Suspensif (effet)*, Tribunaux d’exception*.
Voir : Faustin Hélie, La genèse et le rôle de la Cour de Cassation (Chambre criminelle)
- Notion. Les voies de recours consistent en les diverses possibilités qui sont ouvertes à un justiciable pour demander à une juridiction supérieure, soit un nouvel examen au fond de son dossier, soit un contrôle de légalité de la décision rendue.
Perrot (Institutions judiciaires) : Les voies de recours sont des voies de droit qui ont pour objet propre de remettre en cause une décision de justice.
Cass.crim. 25 novembre 1991 (Bull.crim. n° 432 p.1105 ) : Chacun des condamnés doit user par lui-même des voies de recours ouvertes par la loi.
- Science criminelle. En principe toute décision rendue par des juges du fond est susceptible d'un recours, sinon sur l'appréciation des faits, du moins sur la légalité du jugement.
Voir : A. Morin / J.Ortolan / Faustin Hélie - Appel : Le double degré de juridiction
Droit commun. Rendue par des êtres humains, par nature faillibles, la justice terrestre est inévitablement imparfaite. Afin de limiter les risques d'erreurs judiciaires, on admet généralement que toute décision rendue par une cour d'assises, un tribunal correctionnel, voire un tribunal de police, peut faire l'objet, sinon d'un second débat, du moins d'un contrôle de légalité. La Convention européenne des droits de l'homme (art. 2, protocole n°7) a consacré ce principe.
Merle et Vitu (Traité de droit criminel) : La justice humaine n’est pas parfaite ; les décisions des juridictions répressives peuvent parfois être entachées d’erreur ou même d’injustices, malgré les précautions prises par la loi pour assurer aux justiciables le maximum de garanties dans le cheminement du procès pénal. C’est pour permettre d’éliminer les injustices et les erreurs commises, que le législateur a institué les voies de recours.
Cass.crim. 24 janvier 2007 (Bull.crim. n°17 p.49) : Aux termes de l'art. 2 du Protocole n° 7 de la Conv. EDH, toute personne déclarée coupable d'une infraction pénale par un tribunal a le droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité ou la condamnation. L'exercice de ce droit ne saurait constituer un motif d'aggravation de la peine prononcée par les premiers juges.
Cass.crim. 21 mai 1997 (Gaz.Pal. 1997 II Chr.crim. 177) : Le principe de l'égalité des armes tel qu'il résulte de l'exigence d'un procès équitable, au sens de l'art. 6 de la Conv.EDH, impose que les parties au procès pénal disposent des mêmes droits ; il doit en être ainsi, spécialement, du droit à l'exercice des voies de recours.
Juridictions internationales. Depuis quelques années, même les décisions rendues par la Cour de cassation peuvent faire l'objet d'un recours devant une juridiction internationale, telle la Cour européenne des droits de l'homme.
Alland et Rials (Dictionnaire de la culture juridique). V° Recours (Voies de), par J.L.Halpérin : Tandis que les régimes autoritaires avaient supprimé tout moyen de critiquer les décisions de leur justice politique, le développement de juridictions internationales a ouvert, depuis 1945, de nombreux recours aux plaideurs toujours plus nombreux à contester des décisions apparemment définitives... La Conv.EDH a organisé un recours, ouvert aux justiciables français depuis 1981, devant la Commission et la Cour européenne des droits de l'homme de Strasbourg... Ces organes ont développé une abondante jurisprudence notamment sur le droit à un double degré de juridiction pénale : l'avenir est à la prolifération des voies de recours.
Cour EDH. 25 mars 1995 , Loizidou c/ Turquie : L'objet et le but de la Convention, instrument de protection des êtres humains, appellent à interpréter et à appliquer ses dispositions d'une manière qui en rende les exigences concrètes et effectives.
Législations d’exception. Pendant certaines périodes troublées, il arrive que le pouvoir en place donne à certaines juridictions spéciales le droit de juger « sans recours ».
La Convention, le 9 mars 1793, vote le principe d’un tribunal criminel extraordinaire ; sans appel et sans recours au Tribunal de cassation. Il s’agit du Tribunal révolutionnaire.
Tribunal révolutionnaire de Vannes, le 1er mars 1796 : Le Tribunal déclare à l'unanimité que Pierre-René Rogue, prêtre de la ci-devant Congrégation de la Mission, est convaincu d'être un prêtre réfractaire aux lois, et comme tel, d'avoir été sujet à la déportation et néanmoins d'être demeuré sur le territoire français après le délai fixé pour son arrestation... Le Tribunal le condamne à la peine de mort... Le présent jugement sera mis à exécution dans les vingt-quatre heures, sur la place publique de cette commune, sans aucun sursis, recours ou demande en cassation. [Il fut exécuté le surlendemain à trois heures de l'après-midi, sur la Place du marché].
- Droit positif. Dans le droit français il s’agit de l’appel et de l’opposition (ou de la purge de la contumace), du
pourvoi en cassation ou du pourvoi en révision. A quoi il faut ajouter le recours devant la Cour européenne des droits de l’homme.
Tant que le délai donné par la loi pour former une voie de recours n’est pas écoulé, la décision qui vient d’être rendue n’est pas considérée comme
définitive. Son exécution ne peut donc être ordonnée par les pouvoirs publics.
Voici un exemple de violation de cette règle. Le 13 mai 1871 Léo Melliet, membre de la Commune de Paris devint gouverneur du fort de Bicêtre et put y convaincre un garde, Thibault, d’intelligences avec les Versaillais. Il le fit juger par une cour martiale et exécuter sur le champ, quoiqu’il sût parfaitement que la loi imposait que la sentence fût préalablement soumise à la Commission exécutoire. [Il se rendit ainsi auteur moral d’une exécution capitale non couverte par un fait justificatif]
VOILE INTÉGRAL - Voir : Masque*.
VOISINAGE - Voir : Troubles de voisinage*.